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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1321/2003

ATA/67/2004 du 20.01.2004 ( TPE ) , ADMIS

Recours TF déposé le 01.03.2004, rendu le 16.08.2004, REJETE, 1A.42/2004
Descripteurs : AMENAGEMENT DU TERRITOIRE; DEROGATION; PRESCRIPTION ACQUISITIVE; TRANSFORMATION; TPE
Normes : OAT.41; LAT.24C; LAT.22 al.2; LAT.16A
Parties : DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT / VALERI Michel, COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS
Résumé : La prescription trentenaire du droit administratif a pour principal effet de permettre au propriétaire d'un bâtiment non conforme d'acquérir le droit de maintenir cet état, et ce malgré l'illicéité. Elle n'a cependant pas pour autant comme conséquence de légaliser une telle situation.
En fait
En droit
Par ces motifs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 20 janvier 2004

 

 

 

dans la cause

 

 

DÉPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS

 

et

 

Monsieur Michel VALERI

représenté par Me François Bolsterli, avocat

 



EN FAIT

 

 

1. Monsieur Michel Valeri est propriétaire de la parcelle n° 2213, feuille n° 22 de la commune de Choulex (ci-après : la commune), d'une superficie de 3'004 m2, comprenant deux bâtiments, respectivement enregistrés sous les n° 559 (d'une surface de 56 m2) et 774 (d'une surface de 8 m2). Elle est située en zone agricole.

 

Il a reçu ce bien-fonds de son père, lequel l'avait acheté à Monsieur Henri Conus au début des années 1970.

 

2. Par demande définitive d'autorisation de construire du 21 janvier 2002, M. Valeri a sollicité l'autorisation de rénover et d'agrandir - d'environ 17 m2 - le bâtiment n° 559, soit une dépendance habitable datant des années 1950 et dans laquelle il résidait depuis peu de façon permanente (auparavant, son père, puis lui-même et son épouse y avaient habité de façon ponctuelle).

 

3. Les préavis usuels ont été recueillis par le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : DAEL). Il ont tous été favorables, certains mentionnant cependant certaines réserves. C'est ainsi, en particulier, que la commune s'est déclarée "favorable pour l'agrandissement sous réserve de la dérogation pour autorisation de construire sur existant à confirmer (zone agricole - anciennement poulailler)".

 

4. Par courrier du 10 avril 2002, le DAEL a demandé à M. Valeri de lui communiquer le numéro du dossier d'autorisation de construire initiale du bâtiment n° 559, ainsi que la date d'édification de ce dernier.

 

Dans une lettre du 19 avril 2002, M. Valeri a indiqué au département ne pas avoir trouvé de dossier d'autorisation de construire portant sur ledit édifice.

 

Ce bâtiment existait cependant déjà au moment de l'achat de la parcelle par son père.

 

5. Par décision du 26 juin 2002, le DAEL a refusé d'octroyer l'autorisation de construire sollicitée, motif pris que l'agrandissement projeté n'était pas conforme à l'affectation agricole de la zone d'une part, et qu'aucune autorisation à titre dérogatoire ne se justifiait d'autre part.

 

6. Dans un recours interjeté le 17 juillet 2002 auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission), Monsieur Valeri a conclu à l'annulation de cette décision.

 

Il était possible que la dépendance litigieuse n'ait pas fait l'objet d'une autorisation de construire, elle était cependant affectée à l'habitation depuis les années 1950. C'est ainsi que M. Conus y avait logé ses employés alors qu'il était maraîcher.

 

Elle avait été cadastrée en 1984 sans que le département concerné n'émette la moindre réserve.

 

Ainsi, elle devait bénéficier de la situation acquise et son agrandissement devait être autorisé.

 

7. Dans un courrier du 30 août 2002, le DAEL a informé M. Valeri qu'il n'exigerait pas la démolition du bâtiment, étant donné son ancienneté, et qu'il le laisserait à bien plaire.

 

Cela ne permettait cependant pas de le considérer comme autorisé légalement, et partant la décision du DAEL du 26 juin 2002 était maintenue.

 

8. Lors de l'instruction de la cause, un courrier de la commune, adressé le 2 avril 2003 à la commission, a permis de confirmer les allégations de M. Valeri relatives à l'utilisation du bâtiment effectuée par M. Conus.

 

9. Par décision du 3 juillet 2003, la commission a admis le recours de M. Valeri et a invité le DAEL à délivrer l'autorisation sollicitée.

 

L'affectation effective de cette construction, en tant qu'habitation, datait de plus de cinquante ans. Rien n'indiquait que cette affectation ait été modifiée de façon illégale. Le bâtiment bénéficiait de la situation acquise et son agrandissement devait être autorisé, ce dernier était au demeurant en deçà de la limite des 30% de la surface existante et tous les préavis avaient été favorables.

 

10. Par acte du 28 juillet 2003, le DAEL a interjeté un recours à l'encontre de cette décision auprès du Tribunal administratif. Il a conclu à l'annulation de la décision de la commission.

 

Si une construction sise hors de la zone à bâtir, non conforme à l'affectation de la zone, pouvait être maintenue, en vertu du principe de la garantie de la situation acquise, il n'en était pas de même des travaux prévus à l'article 24c alinéa 2 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), lorsque ceux-ci consacraient une situation d'illégalité, comme c'était le cas en l'espèce. En particulier, le fait d'avoir toléré une situation illicite durant de nombreuses années ne la rendait pas licite pour autant, et ne permettait ainsi pas l'agrandissement du bâtiment.

 

La prescription trentenaire ne guérissait pas l'illicéité, mais interdisait seulement de porter atteinte à la situation acquise.

 

Pour le surplus, le projet querellé ne pouvait pas être autorisé à titre dérogatoire (art. 24 LAT).

 

11. Dans sa réponse du 3 septembre 2003, M. Valeri a conclu à la confirmation de la décision de la commission.

 

D'une part, la construction du bâtiment devait être considérée comme conforme au droit en vigueur dans les années 1950. Le fait qu'aucune autorisation formelle n'avait été retrouvée ne permettait pas de renverser la présomption selon laquelle cette construction avait été légalement érigée. La condition matérielle de l'article 24c alinéa 2 première phrase in fine LAT était ainsi satisfaite.

 

D'autre part, même dans l'hypothèse d'une illicéité originelle de l'édifice, la prescription trentenaire valable en droit administratif l'avait rendu de facto licite. Ainsi, ce type de construction devaient être mis au bénéfice du même traitement que celui figurant à l'article 24c alinéa 2 LAT.

 

Que la licéité ait été acquise, par voie de prescription, ou qu'elle ait été originelle devait aboutir à la même conséquence, à savoir l'application de l'article 24c alinéa 2 LAT.

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. a. S'agissant d'une construction servant à l'habitation de l'intimé non-agriculteur, cette destination n'est clairement pas conforme à l'affectation de la zone dans laquelle se trouve la parcelle de l'intimé, à savoir la zone agricole (art. 16a LAT; art. 22 al.2 let.a LAT).

 

b. Une autorisation de construire à titre dérogatoire, au sens de l'article 24 LAT, ne peut entrer en ligne de compte. En effet, l'implantation de cette construction hors de la zone à bâtir ne peut en aucun cas être considérée comme étant imposée par sa destination.

 

c. Reste donc à savoir si l'une des exceptions figurant aux articles 24a à 24d LAT trouve application dans le présent litige.

 

3. Selon l'article 24c alinéa 1 LAT, les constructions et installations situées hors de la zone à bâtir et qui peuvent être utilisées conformément à leur destination, mais qui ne sont plus conformes à l'affectation de la zone bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise.

L'autorité compétente peut autoriser la rénovation de telles constructions et installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction, pour autant que les bâtiments aient été érigés ou transformés légalement (art. 24c al.2 LAT).

 

Cette disposition est applicable aux constructions et installations qui ont été érigées ou transformées conformément au droit matériel en vigueur à l'époque, mais qui sont devenues contraires à l'affectation de la zone à la suite d'une modification de la législation ou des plans d'aménagement (art. 41 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000; OAT - RS 700.1).

 

4. Le présent litige pose ainsi deux questions. La première est de savoir si le bâtiment principal n° 559 a été érigé en conformité avec le droit en vigueur à l'époque de sa construction, soit dans les années 1950. En cas de réponse négative, il sied de savoir si l'effet du temps écoulé a permis de légaliser cette situation, de telle sorte que l'article 24c alinéa 2 LAT puisse, le cas échéant, trouver application.

 

5. a. En l'espèce, l'intimé n'a pas été en mesure de produire une autorisation de construire portant sur le bâtiment n° 559, le DAEL ne l'a pas non plus retrouvée dans ses archives. Pour le surplus, même dans l'hypothèse où cette dépendance avait obtenu l'autorisation d'accueillir des ouvriers agricoles, il n'en demeure pas moins que le logement de personnes n'ayant aucun rapport avec l'agriculture, comme c'est le cas actuellement, constitue un changement de destination, sans rapport avec l'affectation initiale du bâtiment, qui n'aurait certainement pas été autorisée dans les années 1950.

 

L'article 24c LAT ne peut dès lors être invoqué par l'intimé.

 

b. Concernant l'écoulement du temps depuis l'édification de la dépendance, il sied de rappeler que la prescription trentenaire du droit administratif a pour principal effet de permettre au propriétaire d'un bâtiment non conforme d'acquérir le droit de maintenir cet état, et ce malgré son illicéité (cf. ATF 107 Ia 121 = JT 1983 I 299, 301; ATF 105 Ib 265 = JT 1981 I 250). Cet effet correspond à celui visé par l'article 24c al.1 LAT, soit le maintien de la situation acquise. La prescription trentenaire n'a cependant pas pour autant comme conséquence de légaliser une telle situation. Ainsi, l'article 24c LAT n'est pas applicable aux constructions et aux installations transformées ou érigées illégalement, même si le rétablissement de l'état conforme au droit ne peut être effectué pour des raisons de proportionnalité, de prescription ou de péremption (P. ZEN-RUFFINEN/C. GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, Berne 2001, § 598, p.280).

 

6. Le recours sera dès lors admis.

 

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de l'intimé (art. 87 LPA).

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 28 juillet 2003 par le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 3 juillet 2003 ;

 

au fond :

 

l'admet ;

 

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions ;

 

met à la charge de l'intimé un émolument de CHF 1'000.- ;

 

dit que conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il est adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière de constructions et à Me François Bolsterli, avocat de Monsieur Michel Valeri.

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj.: le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme N. Mega