Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2518/2022

JTAPI/811/2022 du 11.08.2022 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.69.al2; LEI.76.al1.letb.ch3; LEI.76.al1.letb.ch4; LEI.76.al1.letb.ch1; LEI.75.al1.letc; LEI.79; LEI.80.al6; LEI.83.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2518/2022 MC

JTAPI/811/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 11 août 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Corinne ROCHAT POCHELON, avocate

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1974, est originaire du Cameroun.

2.             Il est arrivé en Suisse le 21 février 2002 et a déposé le même jour une demande d'asile, laquelle a été rejetée par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : le SEM) le 8 octobre 2002, décision assortie d'un renvoi de Suisse. La prise en charge de M. A______ et l'exécution de son renvoi ont été confiées au canton du Tessin.

3.             À une date restée indéterminée, le canton du Tessin lui a accordé une autorisation de séjour de type "B" en raison de son mariage avec une suissesse jusqu'au 19 décembre 2008. Cette autorisation a été régulièrement prolongée jusqu'au 19 décembre 2011.

4.             Le 12 avril 2012, M. A______ s'est vu notifier une interdiction d'entrée en Suisse prononcée par le SEM et valable jusqu'au 5 avril 2027, au motif qu'il avait fait l'objet d'une condamnation, le 15 septembre 2010, par le Tribunal d'assise tessinois à une peine privative de liberté de deux ans et neuf mois pour infraction à l'art. 19 al. 2 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121). Ladite interdiction était étendue à l'ensemble de l'espace Schengen.

5.             Entre 2012 et 2015, il a été condamné à trois reprises par les instances pénales argoviennes, vaudoises, respectivement zurichoises, pour des infractions aux art. 252 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) (faux dans les certificats), 115 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) (entrée et séjour illégal) ainsi que 97 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01).

6.             Le 12 mai 2016, il a été placé en détention administrative par les autorités du canton de Zurich pour une durée de 86 jours en application de l'art. 76 LEI, avant d'obtenir un laissez-passer et être renvoyé au Cameroun le 5 août 2016.

7.             Revenu en Suisse le 11 avril 2018, il a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public vaudois le 21 janvier 2019 pour infraction à l'art. 115 al. 1 LEI (entrée illégale).

8.             Le 30 juin 2018, il a été placé en détention administrative par les autorités vaudoises pour une durée de 101 jours en vertu de l'art. 76 LEI avant d'obtenir un laissez-passer et être renvoyé une deuxième fois au Cameroun le 8 octobre 2018.

9.             De retour en Suisse, M. A______ a été condamné à deux reprises par ordonnance pénale du Ministère public fribourgeois et genevois le 18 novembre 2019, respectivement le 14 août 2020, pour infraction à l'art. 115 al. 1 LEI (entrée illégale).

10.         Le 31 mai 2022, il a été arrêté par les gardes-frontière au passage frontière de Thônex, lors de son entrée en Suisse. Les contrôles ont permis de mettre en évidence que M. A______ faisait l'objet d'un signalement dans la base de données RIPOL comme étant sous interdiction d'entrée en Suisse et dans l'ensemble de l'espace Schengen jusqu'au 5 avril 2027. De plus, il faisait également l'objet d'une non-admission de ressortissant tiers sur le territoire Schengen émanant des autorités françaises.

Entendu par les gardes-frontières, M. A______ a déclaré qu'il se savait faire l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse mais qu'il était venu à Genève pour prendre des médicaments pour sa mère et les envoyer en Afrique. Il n'était pas en possession d'un document d'identité. Au sujet de sa situation personnelle, il a expliqué qu'il résidait en France, n'avait ni adresse à Genève, ni lien particulier avec la Suisse.

11.         Prévenu d'infraction à la LEI (entrée illégale en Suisse), il a été mis à disposition du Ministère public genevois sur ordre du commissaire de police.

12.         Par ordonnance pénale du 1er juin 2022, le Ministère public genevois a condamné M. A______ pour infraction à l'art. 115 LEI (entrée illégale) puis il a été écroué à la prison de Champ-Dollon en vue de purger deux écrous judiciaires.

13.         Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 8 juin 2022, dûment notifiée, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l'OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______, en application de l’art. 64 LEI, et a chargé les services de police de procéder à l’exécution de cette mesure dès sa remise en liberté.

14.         Le 16 juin 2022, les services de police ont déposé auprès du SEM une demande de soutien tendant à l'identification et à la délivrance d'un laissez-passer en faveur de M. A______, celui-ci étant démuni de documents d'identité.

15.         Le 13 juillet 2022, le SEM a informé la police genevoise que l'ambassade du Cameroun ne s'était pas encore déterminée sur la question de savoir si un laissez-passer pourrait être établi en faveur de M. A______ sans audition préalable par l'autorité camerounaise lors d'une audition centralisée.

16.         Le 18 juillet 2022, le SEM a indiqué à l'OCPM que l'ambassade du Cameroun avait assuré qu'un nouveau laissez-passer pourrait être obtenu sans audition ultérieure de la personne et qu'une réservation de vol pour M. A______ (avec un délai d'au moins 3-4 semaines) pouvait être effectuée.

17.         Le même jour les services de police ont procédé à la réservation auprès de swissREPAT d'une place à bord d'un avion de ligne à destination de Yaoundé, au Cameroun.

18.         Le 19 juillet 2022, le SEM a soumis une demande formelle à l'ambassade de Cameroun en vue de l'obtention d'un laissez-passer.

19.         Le 20 juillet 2022, l'ambassade de Cameroun a délivré un laissez-passer en faveur de M. A______ valable jusqu'au 18 septembre 2022.

20.         Le vol devant assurer le refoulement de l'intéressé au Cameroun a été confirmé pour le 7 août, à 12h55 au départ de Genève.

21.         Le 7 août 2022, M. A______ a été extrait de la prison de Champ-Dollon et acheminé à l'aéroport de Genève en vue du vol prévu.

Il a refusé d'embarquer à bord de l'avion devant assurer son rapatriement suite à quoi il a été réincarcéré à la prison de Champ-Dollon.

22.         Au terme de sa détention pénale, M. A______ a été mis à disposition des services de police le 8 août 2022.

23.         Le 8 août 2022, à 15h15, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois sur la base de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l'art. 75 al. 1 let. c LEI et de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI.

Les démarches en vue de l'organisation d'un nouveau vol, cette fois-ci avec escorte policière, seraient entamées dans les meilleurs délais.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Cameroun. Il suivait un traitement médical contre le diabète et il était accusé dans son pays d'appartenir au groupement Boko-Haram.

24.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) le même jour.

25.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Cameroun. En effet, il risquait la prison dans ce pays dès lors qu'il était soupçonné, à tort, de participer au financement du groupement islamiste de Boko Haram. Lors de son renvoi en 2018 au Cameroun, il avait été incarcéré pendant une durée d'environ six mois et avait subi des violences de la part des autorités de son pays. Par l'intermédiaire d'amis, il avait été exfiltré et s'était rendu au Nigéria. Il avait ensuite rejoint la France où il était arrivé au début de l'année 2021. Il souhaitait déposer une demande d'asile dans ce pays. Vu l'interdiction prononcée à son encontre par les autorités françaises, il allait tenter d'obtenir l'asile dans un autre pays européen, comme l'Italie ou la Belgique. À ce jour, il ne disposait d'aucune autorisation de séjour dans un pays européen. Il avait bien compris les différences entre l'exécution d'un départ à bord d'un vol de ligne ou sous escorte policière tel que les avait rappelées le représentant du commissaire de police. Toutefois, selon l'expérience de ses précédents renvois à bord d'un vol de ligne, le commandant de bord de l'avion avait été informé de sa situation et à l'arrivée au Cameroun, il avait été le dernier à sortir de l'avion pour être remis en mains des autorités de son pays.

Le conseil de M. A______ a indiqué qu'après le prononcé de l'ordre de mise en détention administrative le 8 août 2022, son client avait été une nouvelle fois entendu par la police, le 10 août 2022 sans qu'elle ne l'en ait informée ni invitée à assister son client. Elle n'avait pas non plus reçu de procès-verbal de cette audition.

Le représentant du commissaire de police a déclaré qu'il n'était pas au courant de cette audition en particulier mais a expliqué que la Brigade migration-retour entendait régulièrement les personnes faisant l'objet d'une mesure de contrainte au sujet des modalités de leur refoulement. Si le tribunal le demandait, il pourrait transmettre le procès-verbal dès l'issue de la présente audience.

Le tribunal a invité le représentant du commissaire de police à faire en sorte que les avocats nommés d'office pour la défense des personnes faisant l'objet d'une mesure de contrainte soient dûment informés des auditions par la police de leur client.

Le représentant du commissaire de police a ajouté que les démarches en vue de la réservation d'un vol avec escorte policière à destination du Cameroun étaient en cours. Le SEM requérait toutefois au préalable l'établissement d'un rapport médical concernant M. A______. Le médecin de Favra était ainsi chargé de l'examiner. Le rapport du médecin devait être établi d'ici une semaine puis selon son issue, l'organisation du vol sous escorte proprement dit devait prendre environ trois semaines.

Pour le surplus, il a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative tant sur son principe que sa durée.

Le conseil de M. A______ a plaidé. Son client s'opposait à sa détention administrative en vue de son renvoi, lequel n'était manifestement pas exécutable en raison du risque qu'il courait dans son pays. Elle s'en est rapportée à justice concernant la durée de la détention administrative.

 

 

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 8 août 2022 à 14h30.

3.            Le tribunal se prononce au terme d'une procédure orale (art. 9 al. 5 LaLEtr) ; il peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l'étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

4.            Si l'étranger a la possibilité de se rendre légalement dans plusieurs États, l'autorité compétente peut le renvoyer ou l'expulser dans le pays de son choix (art. 69 al. 2 LEI). La possibilité de choisir le pays de destination présuppose toutefois que l'étranger ait la possibilité de se rendre de manière effective et admissible dans chacun des pays concernés par son choix. Cela implique qu'il se trouve en possession des titres de voyage nécessaires et que le transport soit garanti (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_285/2013 du 23 avril 2013 consid. 7 ; 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 6 ; ATA/324/2013 du 24 mai 2013 ; ATA/157/2013 du 7 mars 2013 ; ATA/58/2013 du 31 janvier 2013). Le renvoi ou l'expulsion dans un pays tiers du choix de l'étranger constitue par ailleurs seulement une faculté (« peut ») de l'autorité compétente (arrêt du Tribunal fédéral 2C_285/2013 du 23 avril 2013 consid. 7 ; cf. également arrêts 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 6 ; 2C_393/2009 du 6 juillet 2009 consid. 3.4). Le renvoi ou l'expulsion dans le pays souhaité par la personne concernée doit être non seulement légalement possible, mais encore concrètement réalisable en temps utile. S'il est déjà possible de renvoyer ou d'expulser l'intéressé vers un État déterminé, il n'y a pas lieu d'attendre de l'autorité qu'elle procède à des démarches supplémentaires relatives à une autre destination (cf. Danièle REVEY in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations - vol. II: LEtr, 2017, n. 11 p. 698).

5.            En l'espèce, M. A______ n'est pas légitimé, d'une façon ou d'une autre, en particulier par la possession d'un titre de séjour, à se rendre régulièrement dans un autre pays que dans son pays d'origine, que ce soit en France, en Belgique ou en Italie. La préparation de l'exécution de son refoulement de Suisse à destination du Cameroun, seul État dans lequel il serait légalement autorisé à se rendre, ne prête donc pas le flanc à la critique.

6.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

7.            À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. c LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement.

8.            Une mise en détention est aussi possible si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c’est-à-dire la réalisation de l’un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

Lorsqu’il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prêtera son concours à l’exécution du refoulement, soit qu’il se conformera aux instructions de l’autorité et regagnera son pays d’origine le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d’une certaine marge d’appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1).

9.            Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

10.        Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Il convient en particulier d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion constitue une mesure appropriée et nécessaire (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 134 I 92 consid. 2.3 et 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 et 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).

11.        Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a ; ATA/1367/2020 du 24 décembre 2020 consid. 7 et les références citées).

12.        En l'occurrence, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi exécutoire prononcée le 8 juin 2022. Après avoir été renvoyé dans son pays à deux reprises, il est revenu illégalement en Suisse, à trois reprises, alors qu'il faisait - et fait toujours - l'objet d'une interdiction d’entrer dans le pays en cours de validité. Son refoulement n'a pu avoir lieu immédiatement suite à sa dernière interpellation à Genève, le 31 mai 2022, ne serait-ce que parce qu'il a dû aussitôt purger une peine privative de liberté prononcée précédemment. Les conditions posées par les art. 75 al. 1 let. c et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI sont ainsi réunies.

13.        En outre, qu'il s'agisse de son refus manifeste de se conformer à la décision d'interdiction d'entrer en Suisse prononcée à son encontre en 2012 que celui de monter à bord d'un avion devant le ramener dans son pays d'origine le 7 août 2022, son comportement permet de considérer qu'il existe un risque réel et concret que s'il devait être libéré à présent, il n'obtempérerait pas aux instructions de l'autorité, lorsque celle-ci lui ordonnera de se présenter à elle en vue de son transfert au Cameroun, et qu'il pourra être amené à disparaître dans la clandestinité, situation visée par le motif de détention prévu par l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI (cf. ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2). Dans cette mesure, le principe de la légalité est respecté.

14.        L'assurance de l'exécution de son refoulement répond par ailleurs à un intérêt public certain et, compte tenu des éléments énoncés plus haut, aucune autre mesure moins incisive que la détention ne peut être envisagée pour garantir sa présence jusqu'à cette échéance (cf. not. ATA/1470/2019 du 3 octobre 2019 consid. 7e ; ATA/672/2016 du 8 août 2016 consid. 7c ; ATA/949/2015 du 18 septembre 2015 consid. 8 ; ATA/846/2015 du 20 août 2015 consid. 8 ; ATA/810/2014 du 28 octobre 2014 consid. 6), étant rappelé que les autorités suisses doivent s'assurer du fait qu'il quittera effectivement le territoire à destination du Camerout (cf. not. art. 8 par. 6 de la Directive sur le retour et 15f de l'ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers du 11 août 1999 - OERE - RS 142.281). Dans son principe, sa mise en détention respecte donc aussi le principe de la proportionnalité.

15.        Par ailleurs, ayant entrepris les démarches nécessaires en vue de son refoulement hors de Suisse pendant la détention pénale de l'intéressé déjà, que seul a fait échouer le comportement de ce dernier en refusant de monter à bord de l'avion devant le reconduire dans son pays d'origine, la police a respecté son obligation découlant de l'art. 76 al. 4 LEI. De plus, en ayant repris les démarches en vue de l'organisation d'un nouveau renvoi, cette fois sur un vol avec escorte policière, la police s'est conformée à son devoir de diligence.

16.        S’agissant de la durée de détention prévue, elle ne s’avère pas disproportionnée, dans la mesure où M. A______ s'oppose à son renvoi, ce qui implique l'organisation d'un vol, cette fois, sous escorte policière qui nécessite, des démarches plus longues et plus compliquées que la réservation d'une place à bord d'un avion de ligne.

17.        L'art. 80 al. 6 let. a LEI prévoit que la détention est levée notamment lorsque l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. Ces raisons doivent être importantes (« triftige Gründe »), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_1072/2015 du 21 décembre 2015 consid. 3.2 et les arrêts cités). Tel est par exemple le cas d'un détenu présentant des atteintes à sa santé si importantes qu'elles rendent impossible son transport pendant une longue période (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_560/2021 du 3 août 2021 consid. 7.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 3.1 ; 2C_490/2012 du 11 juin 2012 consid. 5.3.1 ; 2C_952/2011 du 19 décembre 2011 consid. 4.1). L'exécution du refoulement n'est en outre pas possible lorsque celui-ci se heurte à des obstacles objectifs et durables d'ordre technique (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.5 ; ATA/567/2016 du 1er juillet 2016 consid. 8c ; ATA/738/2013 du 5 novembre 2013 consid. 10 ; ATA/705/2013 du 25 octobre 2013 consid. 8 ; ATA/88/2013 du 18 février 2013 consid. 10).

18.        Selon l'art. 83 al. 4 LEI, l'exécution de la décision de renvoi peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale. Une mise en danger concrète de l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine peut ainsi constituer une raison rendant impossible l'exécution du renvoi (cf. ATF 125 II 217 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 3.1). L'art. 83 al. 4 LEI s'applique notamment aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu'elles seraient, selon toute probabilité, condamnées à devoir vivre durablement et irrémédiablement dans un dénuement complet et, ainsi, exposées à la famine, à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emploi et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (cf. not. ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a ; ATA/997/2020 du 6 octobre 2020 consid 6a ; ATA/490/2020 du 19 mai 2020 consid. 11d ; ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; ATAF 2010/41 consid 8.3.6 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral D-5367/2015 du 24 mars 2020 consid. 8 ; F-838/2017 du 27 mars 2018 consid. 4.3).

19.        S'agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l'exécution du renvoi ne devient inexigible que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence une fois de retour dans leur pays d'origine ou de provenance. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral D-6799/2017 du 8 octobre 2020 ; E-3320/2016 du 6 juin 2016 et les références citées ; ATA/61/2022 du 25 janvier 2022 consid. 4c). L'art. 83 al. 4 LEI ne confère pas un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine n'atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d'origine ou de provenance, l'exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l'absence de possibilités de traitement adéquat, si l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable et notablement plus grave de son intégrité physique (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2693/2016 du 30 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/61/2022 du 25 janvier 2022 consid. 4c ; ATA/1455/2017 du 31 octobre 2017 consid. 10d). L'accès à des soins essentiels est assuré dans le pays de destination s'il existe des soins alternatifs à ceux prodigués en Suisse, qui - tout en correspondant aux standards du pays d'origine - sont adéquats à l'état de santé de l'intéressé, fussent-ils d'un niveau de qualité, d'une efficacité de terrain (ou clinique) et d'une utilité (pour la qualité de vie) moindres que ceux disponibles en Suisse. En particulier, des traitements médicamenteux (par exemple constitués de génériques) d'une génération plus ancienne et moins efficaces, peuvent, selon les circonstances, être considérés comme adéquats (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-6559/2018 du 3 octobre 2019 consid. 3.6 et les références citées ; ATA/61/2022 du 25 janvier 2022 consid. 4c).

20.        De jurisprudence constante, en matière de mesures de contrainte, la procédure liée à la détention administrative ne permet pas, sauf cas exceptionnels, de remettre en cause le caractère licite de la décision de renvoi ou d'expulsion (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_932/2017 du 27 novembre 2017 consid. 3.2 ; 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2). Les objections y relatives doivent être invoquées et examinées par les autorités compétentes lors des procédures ad hoc et ce n'est que si cette décision apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, qu'il est justifié de lever la détention en application de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, étant donné que l'exécution d'un tel ordre illicite ne doit pas être assurée par les mesures de contrainte (arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_383/2017 du 26 avril 2017 consid. 3 ; 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2 ; 2C_1178/2016 du 3 janvier 2017 consid. 4.2 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 7 ; 2C_206/2014 du 4 mars 2014 consid. 3).

21.        À ce jour rien n'indique que l'exécution du renvoi de M. A______ dans son pays serait impossible pour des motifs d'ordre juridique ou matériel (art. 80 al. 6 LEI). D'une part, la décision prononçant son renvoi est exécutoire, étant relevé que le danger qu'il prétend courir dans son pays, aucunement étayé, ne semble pas avoir évoqué devant les instances compétentes. D'autre part, les problèmes de santé invoqués par M. A______ devant le commissaire de police qui ne sont à ce stade nullement documentés par des certificats médicaux, ne laissent apparaître aucun élément donnant à penser que le renvoi ne serait pas possible, pas licite ou pas raisonnablement exigible (voir à ce sujet arrêt du Tribunal administratif fédéral E-3742/2016 du 1er mai 2018). Cela étant, selon les explications du représentant du commissaire de police lors de l'audience de ce jour, un rapport médical a été requis par le SEM concernant l'intéressé, lequel permettra de lever tout doute à ce sujet.

22.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois.

23.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 8 août 2022 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 7 octobre 2022, inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière