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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/547/2013

ATA/157/2013 du 07.03.2013 sur JTAPI/182/2013 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/547/2013-MC ATA/157/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 mars 2013

En section

 

dans la cause

 

Monsieur S______
représenté par Me Magali Buser, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 février 2013 (JTAPI/182/2013)


EN FAIT

1. Monsieur S______, né le ______ 1988, originaire du Sri Lanka, est arrivé à Genève le 19 octobre 2012 par avion en provenance de Chypre. Il s'est légitimé au moyen d'un passeport sri lankais muni d'un visa de séjour grec. Ce dernier s'est révélé avoir été volé. Une fois cet élément connu, l'intéressé a déposé une demande d'asile.

2. Le 20 octobre 2012, l'office fédéral des migrations (ci-après : ODM) a provisoirement interdit l'entrée en Suisse à M. S______ et a assigné à ce dernier la zone de transit de l'aéroport international de Genève (ci-après : aéroport) comme lieu de séjour, pendant soixante jours au maximum.

3. Le 27 novembre 2012, l'ODM a rejeté la demande d'asile déposée par M. S______ et ordonné son renvoi. L'intéressé devait quitter la Suisse au plus tard le jour suivant l'entrée en force de la décision, sous peine de s'exposer à des mesures de contrainte.

4. Par arrêt du 11 décembre 2012 expédié aux parties le jour même, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a rejeté le recours interjeté, en date du 4 décembre 2012, par M. S______ contre la décision de l'ODM du 27 novembre 2012.

5. Le 17 décembre 2012, M. S______ a refusé d'embarquer à bord d'un avion devant le ramener au Sri Lanka.

6. Le 18 décembre 2012, M. S______ a été acheminé de l'aéroport dans les locaux de la police genevoise.

7. Le même jour à 11h05, l'officier de police a ordonné sa mise en détention administrative pour une durée de deux mois, en raison du risque de soustraction à l'exécution du renvoi, pour lequel les démarches, soit la réservation d'un vol avec accompagnement policier à destination du Sri Lanka, étaient en cours. Entendu à cette occasion, l'intéressé a déclaré qu'il s'opposait à son retour dans son pays.

8. Entendu par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le 20 décembre 2012, dans le cadre du contrôle de l'ordre de mise en détention, M. S______ a déclaré qu'il refusait de retourner au Sri Lanka où il craignait pour sa vie, tant dans sa région d'origine que dans la capitale.

Il avait une sœur de nationalité suisse qui habitait à Chavornay, dans le canton de Vaud. Sa sœur devait lui faire parvenir des documents prouvant ses déclarations à l’ODM concernant le danger qu’il courrait dans son pays. Ces documents n’étaient pas encore traduits, raison pour laquelle il ne les avait pas produits durant la procédure d’asile devant l’ODM. Sa sœur était d’accord de l’héberger et de prendre en charge l’ensemble de ses frais. Il s’engageait à collaborer avec les autorités suisses dans le cadre de la procédure de réexamen de sa demande d’asile, qu’il allait entreprendre. Il avait également une cousine en Suisse.

9. Par jugement du 20 décembre 2012, remis en mains propres aux parties le jour même, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 18 février 2013.

Les conditions de la mise en détention administrative, au sens de
l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), étaient remplies. Les autorités chargées de l'exécution de son renvoi avaient agi avec toute la diligence requise.

10. Par arrêt du 10 janvier 2013 (ATA/21/2013), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), a rejeté le recours interjeté par M. S______ contre le jugement susmentionné.

L'intéressé faisait l’objet d’une décision exécutoire de rejet de sa demande d'asile et de renvoi et tant ses déclarations d'opposition à un retour dans son pays que son comportement - refus de monter dans l'avion - suffisaient à démontrer le risque de fuite et le refus d'obtempérer aux injonctions des autorités. Ces dernières avaient entrepris avec célérité les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi. Eu égard aux déclarations et au comportement susmentionnés, aucune mesure moins incisive ne permettait d’assurer la présence de l’intéressé le jour où un vol pourrait être organisé. Le fait qu'il alléguait avoir de la famille en Suisse n'était pas de nature à diminuer le risque de soustraction à l'exécution du renvoi, puisque qu'il persistait à ne pas vouloir retourner dans son pays.

11. Le 14 janvier 2013, le vol avec escorte, réservé pour le 16 janvier 2013 aux fins d'exécuter le renvoi de l'intéressé, a été annulé car le passeport sri lankais de M. S______ s'était révélé falsifié.

12. Le 6 février 2013, M. S______ a été présenté aux autorités consulaires du
Sri Lanka à Genève, en vue de reconnaissance de nationalité et de délivrance d'un laissez-passer.

13. Le 13 février 2013, l'office cantonal de la population (ci-après : OCP) a demandé au TAPI la prolongation de la détention administrative de M. S______ pour une durée de deux mois.

Cette mesure constituait l'unique moyen pour mener à bien le rapatriement de l'intéressé. Le principe de la proportionnalité était respecté, eu égard à son absence de collaboration.

14. Entendu par le TAPI le 14 février 2013, dans le cadre du contrôle de l'ordre de la prolongation de la détention, M. S______ a déclaré qu'il était toujours catégoriquement opposé à retourner au Sri Lanka où il craignait pour sa vie. Il ne monterait pas à bord du prochain vol prévu pour lui. Sa sœur aînée, domiciliée dans le canton de Vaud, était prête à l'accueillir. En cas de libération, il s'engageait à demeurer chez elle et était prêt à se présenter régulièrement auprès des autorités. Il aimerait rester en Suisse et y travailler.

Le représentant de l'OCP a indiqué que les autorités sri lankaises avaient reconnu M. S______ et qu'un laissez-passer devrait être délivré prochainement. Les pièces présentées par M. S______ concernant sa famille l'avaient déjà été en partie lors du contrôle de sa mise en détention et n'avaient pas convaincu les juges.

15. Par jugement du 14 février 2013, remis en mains propres aux parties le même jour, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. S______ pour une durée de deux mois, jusqu'au 18 avril 2013.

Le principe de la détention administrative avait été admis par le TAPI le 20 décembre 2012 et confirmé par la chambre administrative le 10 janvier 2013. Aucune circonstance nouvelle de nature à modifier l'appréciation juridique du dossier n'était intervenue depuis lors. Aucune mesure moins incisive n'était envisageable eu égard à l'opposition réaffirmée de l'intéressé à son renvoi. Les autorités agissaient avec diligence. Le renvoi n'était pas impossible et la durée de la détention administrative n'atteignait pas la durée maximale de six mois prévue par l'art. 79 al. 1 LEtr.

16. Par acte du 22 février 2013, reçu le 25 février 2013 par la chambre administrative, M. S______ a recouru contre le jugement susmentionné, concluant à son annulation et à ce que sa libération immédiate soit ordonnée, subsidiairement que celle-ci soit accompagnée des mesures de substitution jugées utiles.

Il ne présentait aucun risque de fuite car il n'était à aucun moment entré dans la clandestinité et pouvait être accueilli et pris en charge par des membres de sa famille qui étaient de nationalité suisse et résidaient dans le canton de Vaud. Une place de travail lui avait été trouvée, au cas où il serait remis en liberté. Le seul fait qu'il ne veuille pas retourner au Sri Lanka ne constituait pas un motif suffisant pour le maintenir en détention.

17. Le 26 février 2013, le TAPI a produit son dossier, sans formuler d'observations.

18. Le 1er mars 2013, l'OCP a conclu au rejet du recours.

M. S______ avait usé de documents d'identité falsifiés et s'était opposé physiquement à l'exécution de son renvoi. La possibilité d'être hébergé par sa sœur ne garantissait nullement qu'il ne tenterait pas de s'y soustraire. Vu son comportement, aucune mesure moins incisive n'était envisageable. Un nouveau vol avait été réservé et le laissez-passer serait délivré prochainement. Les autorités avaient donc agi avec toute la diligence requise. La mesure respectait en tous points le principe de la proportionnalité.

19. Les observations de l'OCP ont été transmises à M. S______ et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté le 22 février 2013 contre le jugement du TAPI prononcé et communiqué à l’intéressé le 14 février 2013, le recours l’a été en temps utile auprès de la juridiction compétente (art. 132 al. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la LEtr du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 17 et 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Le recours ayant été réceptionné le 25 février 2013, le délai de dix jours vient à échéance le 7 mars 2013. En statuant ce jour, la chambre de céans respecte ce délai.

3. En matière de contrôle de la détention administrative, la chambre administrative est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEtr). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

4. L’étranger qui fait l’objet d’une décision de rejet de sa demande d'asile fait, en règle générale, concurremment l'objet d'une décision de renvoi de Suisse (art. 44 al. 1 de la loi fédérale sur l'asile, du 26 juin 1998 - LAsi - RS 142.31). L’autorité cantonale désignée par l’ODM est tenue d’exécuter la décision de renvoi (art. 46 al. 1 LAsi et 69 al. 1 let. c LEtr).

5. Si l’étranger a la possibilité de se rendre légalement dans plusieurs États, l’autorité compétente peut le renvoyer ou l’expulser dans le pays de son choix (art. 69 al. 2 LEtr). La possibilité de choisir le pays de destination présuppose que l’étranger peut se rendre de manière effective et admissible dans chacun des pays concernés par son choix. Cela signifie qu’il se trouve en possession des titres de voyage nécessaires et que le transport est garanti (T. GÄCHTER/ M. KRADOLFER in M. CARONI/T. GÄCHTER/D. THURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer [AuG], Berne 2010, n. 22 ad art. 69 LEtr). Tel n’est pas le cas en l’espèce.

6. L'étranger qui a fait l’objet d’une décision de renvoi peut être mis en détention administrative si des éléments concrets font craindre qu’il entend se soustraire à son expulsion, en particulier parce qu’il ne se soumet pas à son obligation de collaborer au sens de l’art. 90 LEtr ou de l’art. 8 al. 1 let. a ou al. 4 LAsi (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr). Il en va de même si son comportement permet de conclure qu’il se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEtr).

La chambre de céans a jugé le 10 janvier dernier que les conditions de mise en détention administrative en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr étaient réalisées.

7. Le recourant soutient à tort que le risque de fuite serait diminué au point de ne plus devoir être retenu en raison des possibilités d'hébergement dont il pourrait bénéficier auprès de membres de sa famille de nationalité suisse et domiciliés dans le canton de Vaud.

A supposer que ces personnes soient effectivement de proches parents, le fait de séjourner chez eux n'est, en aucun cas, propre à diminuer le risque de fuite découlant de l'opposition ferme manifestée par le recourant à travers ses déclarations constantes devant les autorités administratives ou judiciaires et son refus du 17 décembre 2012 d'embarquer sur un vol à destination de son pays d'origine. On voit mal en effet que les membres de sa propre famille l'empêchent de se soustraire à l'exécution de son renvoi le moment venu. A quoi s'ajoute le fait qu'il a pu se procurer, et n'a pas hésité à utiliser, un passeport falsifié et un titre de séjour en Europe volé pour se légitimer.

Force est donc de constater que le risque de fuite demeure, de sorte que la détention administrative est justifiée dans son principe.

8. L’autorité administrative doit entreprendre rapidement les démarches permettant l’exécution de la décision de renvoi (art. 76 al. 4 LEtr). La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

En l’occurrence, le recourant est maintenu en détention administrative depuis le 18 décembre 2012. Les autorités administratives ont entrepris avec célérité les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi, ce qui n'est pas contesté. Le principe de célérité a ainsi été respecté.

En outre, eu égard aux déclarations et au comportement du recourant tels que décrits ci-dessus, aucune mesure moins incisive ne permettrait d’assurer la présence de l’intéressé le jour où un nouveau vol pourra être organisé. La mesure est donc conforme au principe de la proportionnalité.

La durée de la détention, qui est en l'état bien inférieure à la durée légale maximale de six mois (art. 79 al. 1 LEtr), respecte également la garantie constitutionnelle précitée.

9. Selon l’art. 80 al. 4 LEtr, l’autorité judiciaire qui examine la décision tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d’exécution de la détention. Celle-ci doit en particulier être levée lorsque son motif n’existe plus ou si, selon l’art. 80 al. 6 let. a LEtr, l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles ou qu’il ne peut être raisonnablement exigé, cette dernière disposition légale renvoyant à l’art. 83 al. 1 à 4 LEtr.

En particulier, le renvoi ne peut être raisonnablement exigé si l’expulsion de l’étranger dans son pays le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEtr). Cette disposition légale procède de préoccupations humanitaires du législateur suisse. Elle vise non seulement les personnes qui, sans être individuellement victimes de persécutions, tentent d’échapper aux conséquences de guerres civiles, de tensions, de répressions ou d’autres atteintes graves généralisées aux droits de l’Homme, mais également celles pour lesquelles un retour dans son pays d’origine reviendrait à les mettre concrètement en danger.

La chambre de céans a jugé le 10 janvier dernier que les conditions d'application des dispositions susmentionnées n'étaient pas réalisées et que le renvoi du recourant était raisonnablement exigible. Aucun élément du dossier ne suggère qu'il pourrait en être autrement aujourd'hui.

10. Mal fondé, le recours sera rejeté.

Aucun émolument ne sera perçu, la procédure étant gratuite (art. 11 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 février 2013 par Monsieur S______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 février 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Magali Buser, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population, au Tribunal administratif de première instance, à l'office fédéral des migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeants : Mme Junod, présidente, MM. Dumartheray et Verniory juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :