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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2638/2021

JTAPI/178/2022 du 24.02.2022 ( LCI ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : PERMIS DE CONSTRUIRE;AMENDE;PROPORTIONNALITÉ;AUTORISATION SUBSÉQUENTE;DÉLAI
Normes : LCI.129
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2638/2021 LCI

JTAPI/178/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 février 2022

 

dans la cause

 

A______ SA

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             La B______ (ci-après: B______) est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de C______, située en zone de développement industriel et artisanal.

2.             Le 23 avril 2009, le département du territoire (ci-après: le département) a délivré à la société A______ SA une autorisation de construire pour la réalisation d'un bâtiment industriel et administratif ainsi qu'un garage souterrain sur la parcelle susmentionnée (DD 2______).

3.             Par courrier du 17 octobre 2017, le département a informé l'architecte en charge du projet, Monsieur D______, qu'un inspecteur de l'office des autorisations de construire avait constaté, lors d'une visite effectuée le 17 juillet 2017, que l'immeuble objet de l'autorisation était achevé et occupé, sans que les démarches nécessaires à cet effet n'aient été accomplies. Le courrier indiquait également que cette situation était susceptible de constituer une infraction à l'art. 7 LCI. Un délai de dix jours lui était accordé pour se déterminer.

4.             Par courrier du 4 décembre 2018, sans nouvelle de la part de l'architecte, le département l'a informé que la gestion du dossier était reprise et qu'une visite de la totalité du bâtiment était programmée pour le 15 janvier 2019.

5.             Par courrier du 18 janvier 2019, le département a indiqué à l'architecte qu'à l'occasion de la visite sur place du 15 janvier 2019, il avait été constaté, reportage photographique à l'appui, que des travaux exécutés étaient non conformes à ce qui avait été autorisé par la DD 2______. Il s'agissait de :

-            l'entrée en occupation du bâtiment sans finalisation du processus de permis d'occuper auprès du département.

-            la modification du gabarit de l'attique.

-            la création d'un quai de chargement ainsi que la modification de la mezzanine en façade du nord-ouest.

-            la modification de la rampe d'accès au parking.

-            l'agrandissement au sous-sol de la zone de parking avec l'ajout de six places de stationnement ainsi que la création de locaux de dépôts supplémentaires.

-            l'installation d'un ascenseur ainsi que la modification de la configuration de la cage d'escalier principale.

-            l'aménagement d'un commerce en rez-de-chaussée, le magasin E______, dans une surface destinée à l'agro-alimentaire.

-            modifications intérieures au rez-de-chaussée: l'agrandissement de l'espace exploité par la F______, l'aménagement de locaux pour le personnel du magasin E______ et la suppression d'escaliers intérieurs.

-            modification du vide d'étage du rez-supérieur, qui n'était plus conforme à l'art. 49 LCI.

-            modifications intérieures importantes au premier étage avec la suppression de locaux sanitaires ainsi que la modification d'ouverture en façade.

-            un changement d'affectation avec l'aménagement et l'occupation d'un appartement au premier étage, côté Ouest.

-            la construction d'un couvert en bois ainsi que d'une véranda abritant un jacuzzi sur la terrasse Ouest du premier étage.

-            l'installation d'une serre et d'un cabanon en bois sur la terrasse Est du premier étage.

Le département précisait que ces éléments constatés en infraction étaient susceptibles d'être assujettis à la LCI et invitait l’architecte à formuler ses observations par écrit dans un délai de dix jours.

Par courrier daté du même jour, la société A______ SA a reçu copie du courrier envoyé à l'architecte.

6.             Par courrier du 31 janvier 2019, l'architecte et A______ SA ont communiqué leurs observations. Dans ce courrier, ils expliquaient les raisons pour lesquelles ils s'étaient écartés de l'autorisation de construire initiale, en joignant de nouveaux plans et coupes comparatifs entre le projet autorisé et le projet réalisé.

7.             Par décision du 20 février 2019, le département a ordonné à A______ SA de rétablir la situation conforme à l'autorisation de construire DD 3______, dans un délai de 90 jours. Vu l'importance des modifications, celles-ci ne pouvaient être considérées comme mineures et étaient soumises à autorisation de construire. Dès lors qu'elles n'avaient été soumises à aucun examen en ce sens, il était ordonné à A______ SA de procéder à :

-                 la modification du gabarit de l'attique ;

-                 la modification des ouvertures en façades ;

-                 la modification du quai de chargement ainsi que de la mezzanine ;

-                 la démolition de la rampe d'accès au parking ;

-                 la modification intérieure du parking en sous-sol et la suppression des six places de stationnement supplémentaires ;

-                 la démolition de l'ascenseur ainsi que la remise en état de l'escalier principal ;

-                 la modification des aménagements intérieurs au rez-de-chaussée ;

-                 la modification du vide d'étage du rez supérieur afin de respecter l'art. 49 LCI ;

-                 la modification des aménagements intérieurs au rez supérieur ;

-                 la modification des aménagements intérieurs au premier étage ;

-                 la modification intérieure et la réaffectation du LOT 1 du premier étage en locaux de bureaux ;

-                 la démolition du couvert en bois et de la véranda ainsi que la dépose du jacuzzi sur la terrasse Ouest du premier étage ;

-                 la dépose de la serre et du cabanon en bois sur la terrasse Est du premier étage.

Au surplus, le département ajoutait que si la société souhaitait essayer de légaliser la présence des installations litigieuses, un délai de trente jours lui était accordé pour déposer une requête en autorisation de construire.

8.             Le 20 mars 2019, A______ SA a déposé une autorisation de construire complémentaire (DD 2______/2) en vue de régulariser les travaux réalisés de manière non conforme à l'autorisation de construire initiale.

9.             Le 7 mai 2021, le département a délivré l'autorisation de construire complémentaire sollicitée.

10.         Par décision du 11 juin 2021, le département a infligé une amende de CHF 5000.- à A______ SA pour les travaux réalisés de manière illicite, en précisant qu'avaient été pris en compte le nombre important de modifications effectuées de manière non conforme à l'autorisation initiale et le fait accompli devant lequel il avait été mis. Il a également ordonné le rétablissement d'une situation conforme au permis de construire complémentaire dans un délai de 90 jours.

11.         Par courrier du 17 juin 2021, par la plume de son administrateur, Monsieur G______, A______ SA a demandé l'octroi un délai supplémentaire au 31 décembre 2021 pour réaliser les travaux conformément à l'autorisation complémentaire du 7 mai 2021. Cette situation non conforme à l'autorisation initiale datait de plus de 8 ans et une prolongation de quelques mois n'allait pas être de nature à poser de problèmes particulièrement importants ou dommageables pour qui que ce soit.

12.         Par courrier du 2 juillet 2021, le département a refusé la demande de délai supplémentaire au motif que de nombreuses modifications avaient déjà été effectuées.

13.         Par acte du 11 août 2021, A______ SA (ci-après: la recourante) a interjeté recours contre la décision du département du 11 juin 2021 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI).

Elle concluait à ce que le tribunal annule la décision en tant qu'elle lui infligeait une amende de CHF 5000.- en impartissant un délai de trente jours pour procéder à la remise en état, qu’il lui accorde un délai au 31 décembre 2021 pour réaliser les travaux conformément à la DD 2______/2, réduise l'amende administrative à CHF 2000.- et lui alloue une indemnité de CHF 1500.- à titre de frais et dépens.

S'agissant du délai pour réaliser les travaux, elle insistait sur le fait qu'elle ne mettait aucune mauvaise volonté à réaliser les modifications requises par le département mais était dans l'incapacité matérielle de les effectuer dans le délai de 30 jours initialement accordé. Elle rappelait également que la situation actuelle ne présentait aucun danger pour quiconque et que les modifications en question concernaient une situation existante depuis bientôt neuf ans. La modification la plus contraignante concernait la question de l'appartement occupé, à savoir la réduction importante de sa surface, qui impliquait une organisation ne pouvant manifestement pas se faire en 30 jours. Puisque le département retenait lui-même que de nombreuses modifications avaient déjà été apportées, il aurait pu et dû apprécier la situation en tenant compte de sa volonté de se conformer au droit, telle qu'elle l'avait manifestée par courrier du 17 juin 2021. Refuser d'accorder quelques mois supplémentaires à une famille occupant un appartement depuis huit ans pour lui permettre de réaménager sa vie dans une surface réduite constituait un excès du pouvoir d'appréciation. Elle y percevait même un acte chicanier en prenant en compte le fait que les mètres carrés de fonction considérés comme excessifs et dont allait être privés prochainement cette famille locataire allaient être dévolues à de la location artisanale et industrielle. Or, personne n'ignorait qu'à l'heure actuelle, des centaines de mètres carrés de surface réservés à la zone artisanale industrielle restaient vides faute de trouver preneurs.

S'agissant de l'amende, le département retenait à tort avoir été mis devant le fait accompli. La propriétaire n'avait jamais eu l'intention de cacher des travaux non conformes à l'autorisation de construire de base. C'était un concours de circonstances lié à l'hospitalisation de six semaines, suivie d'une convalescence de plusieurs mois du directeur de A______ SA et responsable de la construction du bâtiment, M. G______, qui était à l'origine de l'exécution de certains travaux non conformes. En effet, pendant la période de finalisation des travaux, certaines décisions avaient été prises et mal communiquées entre le MPQ chargé à l'époque de ce dossier, M. H______, et M. G______. Ce n'était que sept ans plus tard que le département avait repris le dossier litigieux et sollicité la remise en conformité au droit de certaines constructions et le dépôt d'une autorisation de construire complémentaire pour certains travaux. Le prononcé d'une amende de CHF 5000.- était dès lors sévère et elle sollicitait qu'elle soit ramenée à CHF 2000.-.

14.         Par courrier du 11 octobre 2021, le département a répondu au recours. S'en rapportant à justice quant à sa recevabilité, il concluait à son rejet, sous suite de frais et dépens.

S'agissant du délai d'exécution, il convenait de préciser que le délai fixé par la décision litigieuse ne s'élevait pas à 30 jours mais à 90 jours. Ensuite, la recourante n'apportait pas la moindre preuve de nature à corroborer son affirmation selon laquelle elle allait être dans l'incapacité matérielle de respecter ce délai. Or, dans la mesure où les travaux qui restaient à effectuer consistaient essentiellement à réduire la surface de l'appartement et à l'affecter à des bureaux, on ne distinguait pas en quoi le délai octroyé n'était pas fondé. Le fait que l'appartement soit occupé depuis plus de huit ans et que la modification de sa surface impliquait une réorganisation n'étaient pas déterminants puisque c'était de manière illicite que ce logement avait été réalisé et occupé.

S'agissant de l'amende administrative, la recourante n'en contestait que le montant mais pas le principe. En l'espèce, pour fixer la quotité de la sanction, le département avait pris en compte la quantité de travaux ou d'installations réalisés de manière non conforme à l'autorisation de construire initiale. Il avait également été tenu compte du fait que l'immeuble était occupé sans que les formalités imposées ne n’aient été respectées. Le département avait aussi considéré qu'au vu du nombre et de l'importance des modifications apportées au projet autorisé, la nécessité d'une demande d'autorisation complémentaire ne pouvait échapper à la recourante. En outre, la fixation d'un tel montant était a priori adaptée aux ressources financières d'une personne morale et correspondait à une pratique relativement régulière du département. Ainsi, le département n'avait pas excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation. Au surplus, la recourante ne démontrait pas que le paiement de l'amende allait lui occasionner des difficultés financières particulières.

15.         Par courrier du 5 novembre 2021, la recourante a répliqué.

Le département reconnaissait avoir procédé à une visite en juillet 2017, soit plus de 5 ans après l'occupation du bâtiment et plus de huit ans après le dépôt de l'autorisation de construire. Il ne pouvait pas ignorer que le bâtiment était occupé et en exploitation depuis plusieurs années. En 2013 déjà, M. G______ avait eu un entretien avec une membre de la B______ concernant notamment l'occupation de l'appartement. À cette occasion, il avait expliqué que la surveillance des locaux de la F______ justifiait l'occupation d'un appartement de fonction et la présence d'une personne sur place pouvant gérer les alarmes de froid négatif.

Il n'était pas si urgent aux yeux de l'État d'intervenir pour vérifier la conformité de la situation avec l'autorisation de construire. En revanche, le département avait estimé opportun de lui fixer un délai de 10 jours pour se déterminer sur un dossier « en repos » depuis plus de 5 ans. Suite à sa demande de détermination, en octobre 2017, l'État avait encore attendu plus d'un an pour la relancer. C'était la preuve que la situation n'était pas à ce point grave et ne justifiait donc pas la fixation d'un montant d'amende élevé. Le département relevait par ailleurs qu'il pouvait être tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, de circonstances aggravantes, telle la culpabilité ou les cas de récidive. Aucune de ces deux circonstances ne s'appliquait dans le cas d'espèce et le département ne le prétendait pas.

S'agissant du délai de remise en conformité, si elle avait sollicité l'octroi d'un délai au 31 décembre 2021 pour réaliser les travaux, c'était pour tenir compte du délai qu'elle estimait trop court pour effectuer les travaux, principalement concernant l'appartement occupé, dont une réduction non négligeable de la surface était demandée, alors qu'il était occupé tel quel depuis 8 ans. Le fait que de nombreux travaux avaient déjà été effectués n'était donc pas un argument valable pour justifier le refus de prolongation. Le département tenait une position peu compréhensible, ce qui l'avait contrainte à former recours. Elle avait effectivement expliqué dans son courrier du 17 juin 2021 qu'elle ne souhaitait pas s'opposer sur le fond et que pour éviter un recours qui surchargerait inutilement un tribunal, elle sollicitait un délai au 31 décembre 2021. Cette demande n'entrait aucunement en opposition avec un quelconque intérêt public. Au contraire, l'intérêt privé à bénéficier de quelques mois supplémentaires était largement supérieur à l'intérêt public à voir la surface de cet appartement réduite plus rapidement aux dimensions autorisées. Il était notoire qu'aujourd'hui, les nouveaux locataires de locaux commerciaux n'étaient pas nombreux.

Par ailleurs, le département aurait dû saisir que la perspective de l'ouverture d'une procédure devant l'autorité de recours était susceptible de durer et de lui permettre de bénéficier de facto du délai supplémentaire qu'il lui refusait. Quelle que soit l'issue de ce procès, elle ne pourrait pas être condamnée à des frais d'instance que le bon sens aurait pu tout simplement éviter.

Pour le reste, elle renvoyait à son écriture précédente.

16.         Par courrier du 29 novembre 2021, le département a dupliqué.

Dans sa réplique, la recourante se limitait à contester le délai pour rétablir la situation conforme au droit. Elle n'apportait toutefois aucun élément de nature à établir l'insuffisance du laps de temps fixé. Elle ne prouvait pas non plus que l'ampleur des travaux à réaliser, plutôt réduite, n'était pas réalisable dans les 90 jours qui lui avaient été impartis. L'argument selon lequel le délai précité ne tenait pas compte des huit ans durant lesquels le logement avait été occupé n'était pas non plus décisif puisqu'il s'agissait d'une occupation qui était illicite, l'autorisation initiale prévoyant des surfaces administratives. Enfin, les reproches de la recourante quant au temps écoulé entre la visite des lieux effectuée par le département et la délivrance de l'autorisation de construire complémentaire ne lui étaient d'aucun secours. Au contraire, cela démontrait qu'elle avait largement eu le temps d'anticiper la mise en conformité.

17.         La cause a ensuite été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), en soi non réalisée dans le cas d'espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

5.             Dans un premier grief, la recourante conteste la décision litigieuse dans la mesure où elle fixe un délai de 90 jours pour exécuter les travaux de mise en conformité à l'autorisation complémentaire. Le délai serait trop court, vu les nombreuses modifications déjà apportées, la nature des travaux les plus contraignants restant à réaliser – soit la réaffectation du logement en bureaux alors qu'une famille y habite depuis 8 ans –, la situation sanitaire et l'état de santé de l'administrateur de la société. Elle ne conteste ainsi pas, à juste titre, l'ordre de mise en conformité dans son principe mais uniquement son délai d'exécution.

6.             Selon l'art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a); modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b) ; modifier la configuration du terrain (let. d) ; aménager des voies de circulation, des places de parcage ou une issue sur la voir publique (let. e).

7.             Aucun travail ne doit être entrepris avant que l'autorisation n'ait été délivrée (art. 1 al. 7 1ère phrase LCI).

8.             Conformément à l'art. 129 let. e LCI, le département peut ordonner, à l'égard des constructions, des installations ou d'autres choses, la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition. Ces mesures peuvent être ordonnées lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI).

9.             Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

10.         L'art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d'appréciation à l'autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l'égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c et l'arrêt cité ; ATA/336/2011 du 24 mai 2011 consid. 3b et la référence citées). Elle peut renoncer à un ordre de démolition, conformément au principe de la proportionnalité, si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (cf. ATF 132 II 21 consid. 6 ; 123 II 248 consid. 3a/bb ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.1 ; 1C_569/2020 du 25 février 2021 consid. 2.4 ; 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 6.1 ; 1C_114/2018 du 21 juin 2019 consid. 5.1.2 ; 1C_237/2018 du 29 janvier 2019 consid. 2.3 ; cf. aussi not. ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c).

11.         À cet égard, celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit, que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATA/738/2017 du 3 octobre 2017 consid. 8 ; ATA/829/2016 du 4 octobre 2016).

12.         En outre, les décisions de l'administration ainsi que les déclarations et comportements des parties à un rapport de droit public, sont soumises au principe de la confiance, dérivé du principe général de la bonne foi. Leur sens doit rester conforme à ce que le destinataire a été en mesure de comprendre - ce qu'il pouvait et devait raisonnablement comprendre - selon le texte, sa motivation et, plus largement, l'ensemble des circonstances qui ont entouré leur élaboration, dont par exemple la correspondance échangée ; cependant le principe de confiance crée une obligation réciproque. Ainsi, une attention adéquate peut être exigée de l'administré (ATF 115 II 415 consid. 3a ; 107 Ia 193 consid. 3c et les réf. citées).

13.         Même si la bonne foi du constructeur peut être reconnue, elle ne saurait le prémunir contre l'intervention de l'autorité de surveillance destinée à rétablir une situation conforme au droit, lorsque cette intervention respecte le principe de la proportionnalité (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_162/2014 du 20 juin 2014 consid. 6.2 ; 1C_250/2009 du 13 juillet 2009 consid. 4.2).

14.         Sous l'angle de la proportionnalité, on peut notamment prendre en compte le fait que la démolition et la remise en état des lieux engendreraient des frais excessifs que l'intéressé ne serait pas en mesure de prendre en charge (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_370/2015 du 16 février 2016 consid. 4.4 ; 1C_537/2011 du 26 avril 2012 ; 1C_101/2011 du 26 octobre 2011 consid. 2.4 ; 1C_248/2010 du 7 avril 2011 consid. 4.2 ; 1C_273/2008 du 7 octobre 2008 consid. 3.2 ; 1C_164/2007 du 13 septembre 2007 consid. 4.3). Néanmoins, un intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_544/2014 du 1er avril 2015 consid. 4.2).

15.         En l'espèce, il faut rappeler que depuis le 17 octobre 2017, date de l'inspection sur place, la recourante a été avertie que le département avait constaté des irrégularités par rapport à ce qui avait été initialement autorisé, notamment l'occupation d'un logement sans permis d'occuper, situation susceptible de constituer une infraction à l'art. 7 LCI. À cet égard, un premier ordre de remise en conformité au droit avait été prononcé le 20 février 2019, s'agissant de toutes les irrégularités constatées, avec un délai d'exécution de 90 jours, sous réserve du dépôt d'une demande d'autorisation complémentaire pour tenter de régulariser certaines de ces irrégularités, laquelle est entrée en force sans avoir été contestée. En outre, il ressort des observations de la recourante du 31 janvier 2019 relatives à cette décision que celle-ci s'est volontairement écartée des plans de l'autorisation initiale durant la construction du bâtiment, et ce, pour différents motifs. Enfin, après avoir délivré une autorisation de construire complémentaire régularisant certaines de ces modifications, le département a prononcé un nouvel ordre de remise en conformité au droit s'agissant des travaux qui n'avaient pas été régularisés par l'autorisation complémentaire, lesquels portent essentiellement sur la réduction de la surface de l'appartement de fonction et à sa réaffectation en bureaux.

Le département pouvait ainsi, sur le principe, exiger la mise en conformité de la situation conformément à la DD 2______/2 qui avait précisément pour objet de valider les travaux non conformes aux autorisations délivrées qui pouvaient l'être.

16.         Reste à examiner le délai de 90 jours imparti pour ce faire, et non pas de 30 jours comme retenu par la recourante.

Certes, comme le relève l'autorité intimée, il s'est écoulé un délai relativement important entre les constats effectués le 17 octobre 2017 et l'autorisation de construire délivrée le 7 mai 2021. Il n'est cependant pas possible de soutenir que la recourante aurait pu et dû mettre ce délai à profit pour corriger les éléments non-autorisé de l'immeuble, sauf à ignorer qu'elle était dans le même temps engagée dans une procédure de demande complémentaire visant justement à légaliser ces éléments et à ne pas devoir les remettre en état. Ce n'est en réalité qu'au moment où l'autorisation complémentaire est entrée en force (soit au début du mois de juin 2021) que la recourante (de même que l'autorité intimée) a pu déterminer avec certitude quels étaient les éléments qu'il restait à mettre en conformité avec le droit, en particulier s'agissant des surfaces à reconvertir en bureaux.

Un délai de remise en état ne saurait par nature être fixé de manière abstraite, puisqu'il s'agit, tout en soumettant la personne concernée à une certaine contrainte de temps, de déterminer de manière adéquate (par application du principe de proportionnalité) le temps dont elle a besoin a minima pour se mettre en règle en faisant preuve de toute la diligence que l'on peut attendre d'elle. Il en découle que l'ampleur et la nature de la remise en état doit conduire l'autorité intimée à une appréciation au cas par cas, en prenant en considération, de manière tout à fait concrète, les difficultés auxquelles la personne concernée risque d'être confrontée, notamment sur le plan conjoncturel.

Dans le cas d'espèce, la nécessité non seulement de procéder à des travaux modifiant le logement litigieux, mais de devoir cas échéant déplacer la famille qui l'occupe actuellement, ne permet pas de retenir un délai de 90 jours comme suffisant, en particulier eu égard à l'état du marché locatif dans le canton de Genève. Il apparaît pour ce motif que le principe de proportionnalité commande qu'un délai de six mois soit imparti à la recourante.

Partant, le grief de la recourant doit ainsi être partiellement admis et l'ordre de remise en état confirmé dans son principe mais réformé dans ses modalités.

17.         Dans un second grief, la recourante conteste la décision litigieuse dans la mesure où elle inflige une amende administrative d'un montant de CHF 5'000.-. Vu les modifications déjà apportées à la situation, son montant devrait être réduit à CHF 2000.-.

18.         Est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI, à ses règlements d'application ainsi qu'aux ordres du département (art. 137 al. 1 LCI). Toutefois, lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation, mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales, le montant maximum de l'amende est de CHF 20'000.- (art. 137 al. 2 LCI). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction (art. 137 al. 3 LCI). Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation de la loi par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d'une attestation au sens de l'art. 7 LCI non conforme à la réalité (art. 137 al. 3 LCI). La poursuite et la sanction administrative se prescrivent par sept ans (art. 137 al. 5 LCI).

19.         Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019).

20.         En vertu de l'art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 précité et les références citées).

21.         Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (art. 36 al. 3 Cst. ; ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; 139 I 218 consid. 4.3 ; ATA/440/2019 précité et les références citées ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017 et les références citées).

22.         L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/440/2019 précité et les références citées).

23.         S'agissant de la quotité de l'amende, la jurisprudence de la chambre de céans précise que le département jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour en fixer le montant. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/440/2019 précité consid. 5c ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018 consid. 9d, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_80/2018 du 23 mai 2019 ; ATA/558/2013 du 27 août 2013 consid. 18).

24.         L'amende doit ainsi faire l'objet d'une évaluation globale, dans laquelle l'autorité administrative qui sanctionne - partant le juge qui contrôle sa décision - doit prendre en compte, dans un calcul d'ensemble, la nature, la gravité et la fréquence des infractions (ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/558/2013 du 27 août 2013 ; ATA/804/2012 du 27 novembre 2012 ; ATA/488/2011 du 27 juillet 2011 ; ATA/537/2009 du 27 octobre 2009), ainsi que les éléments liés à la culpabilité et les circonstances personnelles de l'auteur, dont ses capacités financières (ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 ; Günter STRATRENWERTH, Schweizerisches Strafrecht - Allgemeiner Teil II : Strafen und Massnahmen, 2ème éd., 2006, p. 75 § 75 ; Sandro CHIMICHELLA, Die Geldstrafe in Schweizer Strafrecht, 2006, p. 39).

25.         À teneur de la jurisprudence, un montant de CHF 5'000.- est a priori adapté aux ressources financières d'une personne morale et correspond à une pratique relativement régulière du département (ATA/422/2020 du 30 avril 2020 consid. 18d; ATA/694/2016 du 23 août 2016 ; ATA/1015/2014 du 16 décembre 2014 ; ATA/260/2014 du 15 avril 2014.

26.         En l'occurrence, et comme rappelé ci-dessus, en procédant aux travaux en cause sans avoir préalablement sollicité et obtenu une autorisation de construire, la recourante a contrevenu à la LCI. Elle a ainsi assurément commis une faute, ce qu'elle ne conteste pas. L'amende est donc fondée dans son principe.

S'agissant du montant de l'amende, rien ne permet de considérer que le département aurait pris en considération des critères ou éléments sans pertinence pour évaluer la faute et fixer en conséquence le montant de l'amende. Au contraire, dans sa décision du 11 juin 2021, le département a très clairement indiqué à la recourante les motifs qui l'ont poussé à infliger une telle amende, à savoir le nombre important de modifications réalisées sans autorisation et le fait de l'avoir mis devant le fait accompli. Celui-ci a visiblement fait application du principe de proportionnalité dans ce cadre, puisqu'il a prononcé une amende relativement faible par rapport au maximum prévu par la loi (art. 137 al. 1 LCI), et à la faute commise par la recourante. En effet, il ne faut pas oublier que la recourante a effectué des modifications nombreuses et relativement importantes par rapport au projet initialement autorisé. A teneur des plans produits par la recourante à l'occasion de son courrier du 31 janvier 2019, il s’agit notamment de la création et l'occupation d'un logement de 255 m2 sur une surface totale de 507m2 en lieu et place de deux lots de bureaux identiques d'une surface 247,6 m2 chacun, et ce sans avoir requis la moindre autorisation pendant près de 8 ans. Par ailleurs, la recourante ne démontre pas que le paiement de cette amende l'exposerait à des difficultés financières particulières.

Partant, force est d'admettre que le département n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation en fixant le montant de l'amende à CHF 5'000.-, et qui reste au demeurant extrêmement modeste au regard du montant maximum prévu par la loi et du comportement adopté par la recourante.

Le grief sera donc écarté.

27.         Le recours est ainsi partiellement admis.

28.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 900.- versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l'avance de frais, soit CHF 200.-, sera restitué à la recourante. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 11 août 2021 par A______ SA contre la décision du département du territoire du 11 juin 2021 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l'avance de frais, soit CHF 200.-;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Bénédicte MONTANT et Julien PACOT, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière