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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/818/2021

JTAPI/1312/2021 du 22.12.2021 ( LCI ) , REJETE

REJETE par ATA/583/2022

Descripteurs : PREUVE ILLICITE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;ANONYMAT;REMISE EN L'ÉTAT;PLAN D'AFFECTATION CANTONAL;SUSPENSION DE LA PROCÉDURE;DROIT FONCIER RURAL
Normes : LPA.10A; CPP.141; LPA.41; LPA.45; LCI.129; LCI.130; LCI.139; LPMNS.38; LPA.78; LPA.14
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/818/2021 LCI

JTAPI/1312/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 décembre 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Antoine E. BÖHLER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ est propriétaire des parcelles nos 1______ et 2______ de la commune de B______, d’une surface respectivement de 8'059 et 10'196 m2, lesquelles sont situées en partie en zone agricole et en partie en zone de bois et forêts, aux nos 3______ et 4______ de l’avenue C______.

2.             Sur la parcelle no 1______ sont érigés un bâtiment d’habitation et d’activité (bâtiment de ferme) de 489 m2 (no 5______), un bâtiment de 70 m2 comportant une zone sous-terraine et un couvert (no 6______) ainsi qu’un autre bâtiment de 15 m2 (no 7______).

3.             En 1991, le service des monuments et des sites a constaté qu’une transformation du bâtiment de ferme de la parcelle no 1______ avait été réalisée sans autorisation par la mise en place de jours inappropriés en toiture et en façade et par la réorganisation complète de l’espace intérieur.

4.             En 1997, M. A______ a déposé une demande d'autorisation de construire pour l'aménagement du "hall de réception" dans le prolongement du bâtiment no 5______ en direction du sud-ouest. Il s'agissait en réalité d'un projet de construction de deux niveaux - pièce de réception au rez-de-chaussée (41 m2), chambre au premier étage (41 m2) - avec des locaux souterrains (stockage, cave ; 88 m2) et une terrasse couverte (52 m2). Le 23 septembre 1997, le département des travaux publics et de l'énergie (devenu depuis lors le département du territoire) (ci-après : le département ou DT) a délivré l'autorisation, fondée sur l'art. 26A de la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LaLAT), disposition réglant alors la transformation partielle de constructions existantes hors des zones à bâtir.

5.             Lors d'un contrôle effectué en octobre 1999, un inspecteur du département a constaté que les travaux n'avaient pas été réalisés conformément à l'autorisation. Selon le rapport de cet inspecteur, la surface des sous-sols aurait été augmentée de 60 m2, et celle du premier étage de 44 m2; une cage d'escaliers extérieure avait été ajoutée ainsi qu'une baie vitrée au sous-sol. 

6.             Par décision du 27 octobre 1999, le département a ordonné à M. A______ d’arrêter les travaux et de mettre les locaux en conformité avec l’autorisation de construire. Il lui a simultanément infligé une amende. Cette décision été confirmée par le Tribunal fédéral en date du 1er février 2005.

7.             Le 24 novembre 2006, suite à diverse demandes de reconsidération et au vu de certains éléments avancés par M. A______, le Conseiller d’État responsable du département a exceptionnellement accordé un maintien à titre précaire du sous-sol agrandi sans droit uniquement.

8.             La remise en état de la parcelle, pour les autres éléments, est intervenue en 2007. Le 21 juin 2007, un constat sur place a été réalisé par le département pour s’en assurer.

9.             Par courrier du 13 novembre 2020, le département, soit pour lui l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC), a interpellé M. A______ au sujet d’une plainte dont il avait été saisi, qui était accompagnée d’un reportage photographique duquel il ressortait que, d’une part, les travaux de remise en état des constructions (bâtiments nos 5______ et 6______) n’auraient toujours pas été correctement effectués et, d’autre part, des tentes plastiques y auraient été ajoutées et un couvert aurait été installé à l’ouest de la parcelle no 1______ sans autorisation. Un délai de 10 jours lui était octroyé pour présenter ses observations.

10.         Par courrier du 20 novembre 2020, M. A______, sous la plume de son avocat, a assuré au département la remise en état des éléments qui devaient l’être. Une autorisation de construire n’était pas nécessaire pour les tentes en plastiques qui étaient parfois utilisées pour stocker, recouvrir et favoriser le séchage du bois de cheminée coupé sur la propriété. S’agissant du couvert situé à l’ouest de la parcelle, il existait depuis toujours et était d’ailleurs normalement cadastré.

11.         Le 15 décembre 2020, un rendez-vous a eu lieu entre l’inspecteur de la construction en charge du dossier et l’avocat de M. A______ afin de passer en revue les éléments indiqués dans la plainte.

12.         Le 16 décembre 2020, l’inspecteur s’est rendu à proximité immédiate de la parcelle afin de se rendre compte, de visu, de la présence du couvert et l’a photographié.

13.         Par courrier du 11 janvier 2021, M. A______ a invité le département à reconsidérer sa position compte tenu de la lettre du Conseiller d’État du 24 novembre 2006, laquelle était jointe au courrier car elle manquait au dossier. De plus, ni la plainte ni le reportage photographique auxquels le département faisait référence n’étaient présents au dossier. Il demandait soit d’en avoir une copie soit de les consulter afin d’avoir un accès complet au dossier et ainsi exercer exhaustivement son droit d’être entendu. Il souhaitait s’assurer que les moyens de preuves étaient licites dans la mesure où le reportage photographique portait apparemment sur une construction qui n’était pas visible depuis l’extérieur de la propriété ou par une photographie aérienne.

14.         Par décision du 29 janvier 2021, le département a ordonné à M. A______ le rétablissement d’une situation conforme au droit en procédant à la démolition et à l’évacuation du couvert dans un délai de soixante jours. Une demande d’autorisation de construire pouvait être déposée pour tenter de régulariser la situation. Les modifications en façade sud-ouest du bâtiment no 6______ et l’extension de son sous-sol pouvaient être maintenues en l’état, vu qu’elles bénéficiaient d’un maintien à titre précaire. S’agissant des tentes plastiques, celles-ci étaient tolérées au vu de leur caractère léger. Une sanction administrative demeurait réservée.

Le droit de prendre connaissance du dossier en matière administrative n’était pas un droit absolu et il était justifié de ne pas donner accès à la dénonciation afin de protéger l’anonymat de l’informateur. Ainsi, M. A______ avait pu exercer valablement son droit d’être entendu.

15.         Le 1er mars 2021, M. A______ a déposé une demande d’autorisation de construire pour tenter de régulariser le couvert litigieux (DD 8______).

16.         Par acte du 3 mars 2021, M. A______ a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision du 29 janvier 2021, concluant préalablement à ce que le département produise le dossier relatif à la présente cause dans sa totalité et, principalement, à l’annulation de la décision querellée, sous suite de frais et dépens.

Son droit d’être entendu avait été violé car le dossier ne contenait pas la dénonciation et le reportage photographique qui l’accompagnaient et sur lesquels se fondait exclusivement l’OAC. Il ne comprenait à cet égard pas la position de l’OAC qui refusait de lui transmettre ces pièces.

Le couvert litigieux était déjà présent avant la visite en 2007 de l’inspecteur du département, ce qui serait démontré par la production par l’OAC des photographies prises en 2007 contenues dans son dossier. Ainsi, dès l’exécution des travaux requis, la situation avait été conforme au droit et aux autorisations du département compétent, sous réserve que le couvert avait été reconstruit quelques mètres plus loin.

Pour chacun de ces deux motifs, la décision devait être annulée. En tout état, une requête en autorisation de construire avait été déposée le 1er mars 2021 afin d’obtenir la régularisation administrative de la construction litigieuse, de sorte que la présente procédure dépendait du résultat de cette requête. Si par impossible l’autorisation devait être refusée, il demandait d’ores et déjà d’être autorisé à compléter son recours dès la transmission par l’OAC de son dossier complet.

17.         En date du 29 juin 2021, la demande d’autorisation DD 8______, pour la régularisation du couvert, a été rejetée.

18.         Le 2 juillet 2021, le département a répondu au recours, concluant à son rejet et à la confirmation de sa décision. Il a produit son dossier qui ne comprenait pas les pièces demandées par le recourant.

Il avait correctement appliqué les bases légales et la jurisprudence en refusant au recourant l’accès à la plainte. En substance, le droit d’accès au dossier n’était pas absolu et, en cas de dénonciation, il pouvait être limité par les intérêts publics de l’État ou les intérêts privés du tiers dénonciateur.

La pesée des intérêts penchait en faveur de la possibilité pour l’autorité de contrôler les situations dénoncées par ces personnes, dénonciations qui étaient nécessaires – si ce n’est essentielles – à l’exécution des tâches publiques qui lui étaient confiées, sa volonté de veiller au respect de la loi ne pouvant lui être reprochée. De plus, la plainte n’était pas pertinente pour la résolution du présent litige et le recourant ne démontrait en quoi la connaissance de cette plainte ainsi que son reportage photographique seraient utiles. Le recourant savait en effet pertinemment sur quels éléments portait la plainte et, sur quels éléments il avait donc à s’exprimer. Il avait d’ailleurs pu faire valoir plusieurs fois son droit d’être entendu. À l'exception de ces pièces, le recourant avait eu accès à l’intégralité du dossier. Contrairement à ce que soutenait ce dernier, la décision n’était pas uniquement basée sur la plainte et le reportage photographique mais aussi sur une instruction du cas par le département consécutivement à la plainte reçue, avec récolte d’informations au moyen du système d’information du territoire à Genève (ci-après : SITG), auprès du propriétaire et par une constatation de visu, avec photographie du 16 décembre 2020, par l’inspecteur en charge du dossier d’infraction. Le recourant avait pu se déterminer sur chacun des éléments pertinents et ses observations avaient été prises en compte dans la décision querellée. Le fait de n’avoir pas eu accès à la plainte n’impactait aucunement son droit d’être entendu.

C’était à tort que le recourant invoquait la violation du principe de la bonne foi. Il ne pouvait en effet être déduit de l’attestation par le département de la remise en état de la parcelle en 2007 qu’il aurait validé toutes les autres constructions, même illégales, situées sur la parcelle et sur lesquelles son intention n’avait pas été spécifiquement portée. De plus, il ressortait des photographies aériennes antérieures à 2012 qu’aucun couvert n’était érigé en son emplacement actuel.

Concernant la prescription trentenaire, non seulement aucune autorisation de construire n’avait été trouvée à propos de l’édification d’un couvert sur la parcelle, mais en outre, un bâtiment détruit puis reconstruit en un autre endroit ne pouvait bénéficier de la situation acquise. À cela s’ajoutait que la prescription trentenaire ne s’appliquait de toute façon pas en zone agricole.

Enfin, la décision était proportionnée et le recourant ne le contestait pas. En effet, la demande d’autorisation de construire déposée par le recourant afin de tenter de régulariser la situation avait été rejetée le 29 juin 2021. En présence d’une construction illégale, non conforme à la zone et ne pouvant pas bénéficier d’une dérogation au vu de sa proximité trop importante à la forêt, seul un ordre de remise en état pouvait être ordonné. Ce d’autant plus que l’intérêt public sur lequel étaient fondées les règles relatives à la délimitation des zones à bâtir, respectivement à la prohibition de construire hors des zones à bâtir, devait être qualifié d’important et l’emporter sur celui privé purement financier du propriétaire.

19.         Le 3 septembre 2021, le recourant a répliqué, persistant dans sa demande de d'avoir accès à la plainte et au reportage.

Si par hypothèse le tribunal entendait confirmer la légalité de l'ordre de remise en état, il convenait néanmoins de l'annuler et de le mettre au bénéfice d'une autorisation de maintien à titre précaire du couvert litigieux, le temps de la réalisation du plan de site mentionné ci-après et ainsi éviter la destruction d'un simple couvert de jardin qui ne faisait de mal à personne. Alternativement, la présente procédure pouvait être suspendue jusqu’au dépôt de ce plan de site.

Il ne pouvait savoir si la plainte litigieuse était utile dans la mesure où il n’en connaissait pas le contenu et refusait de croire le département à cet égard. Les constructions maintenues à titre précaire n’étant pas visibles depuis l’extérieur de la propriété, elles ne pouvaient avoir été photographiées qu’en violation du droit pénal. Dans cette hypothèse, la saisine de l’OAC aurait été illicite.

Il contestait la proportionnalité de la remise en état du couvert, lequel avait été reconstruit à quelques mètres de son emplacement initial et qui servait exclusivement à entreposer du matériel de jardinage nécessaire à l’entretien des parcelles nos 1______ et 2______ d’un total de 18'255 m2. La construction avait un impact minimal et son usage ne contrevenait pas au principe de proportionnalité.

L’affectation agricole de la zone, invoquée par l’autorité intimée, était tout au plus théorique, l’ensemble du plateau C______ étant résidentiel. La Commission foncière agricole avait d'ailleurs admis les requêtes du recourant de non-assujettissement des parcelles nos 1______ et 2______ au droit foncier rural. En outre, il s’était adressé à la Ville de B______ par lettre du 26 février 2021, en récapitulant l'historique de ce plateau et posant un certain nombre de questions à cet égard laquelle lui avait notamment répondu en date du 20 juillet 2021 qu'un plan de site aurait pu répondre à l'intérêt d'une forme de régularisation de l'aménagement de ce lieu habité au fil du temps, proposition qu'elle entendait faire dans le cadre de la prochaine révision de son plan directeur communal.

20.         Le 30 septembre 2021, le département a répliqué, persistant dans ses conclusions.

La dénonciation avait été mentionnée à titre d’information et le seul intérêt pour le recourant d’avoir accès à la plainte et au reportage photographique serait de déterminer si une infraction pénale avait été commise, ce qui ne relevait pas de sa compétence. Ainsi, l'apport de ces éléments ne paraissait être ni utile ni pertinent mais il ne s’opposerait pas à leur production si, pas impossible, le tribunal devait en juger différemment. La dénonciation l’avait uniquement mené à investiguer sur une nouvelle éventuelle infraction et à constater lui-même que le couvert avait été érigé postérieurement à 2012, sans autorisation de construire, ce que le recourant ne contestait pas.

Il avait démontré à satisfaction dans ses observations que l’ordre de remise en état était fondé et proportionné.

Par ailleurs, le tribunal n’avait pas la compétence d’accorder une autorisation de maintien à titre précaire.

Concernant la suspension de la présente procédure jusqu'au dépôt d'un plan de site, cette demande devrait être rejetée, puisque la possibilité d'initier une telle procédure n'était à ce jour pas décidée par la commune, et donc encore moins prévue à brève échéance.

De plus, même si un plan de site – lequel s'avérait plus qu'incertain – devait être adopté, et comme relevé par la commune de B______, cela ne permettrait pas pour autant de légaliser une construction telle que le couvert en question, dans la mesure où celui-ci n'avait jamais été autorisé. Dès lors, une suspension de la présente procédure n'aurait eu aucun sens en l’espèce.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le recourant avance tout d’abord que la saisine de l’autorité aurait été illicite dans l’hypothèse où les prises photographiques auraient été obtenues en violation de dispositions pénales.

4.             Il convient de distinguer la dénonciation à l’autorité (art. 10A LPA) du sort des preuves illicites.

5.             L’art. 10A LPA prévoit que toute personne peut porter à la connaissance des autorités des faits susceptibles d’entraîner l’ouverture d’une procédure administrative. Toutefois, l’autorité ne donne aucune suite aux dénonciations anonymes.

6.             Si le juge devait parvenir à la conclusion qu’un moyen de preuve serait illicite ou aurait été obtenu illégalement, la même conclusion s’imposerait pour toutes les preuves acquises sur cette base. Dès lors elles ne seraient pas exploitables conformément à l’art. 141 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0) applicable par analogie (ATA/240/2017 du 28 février 2017, consid. 6g).

Selon l’art. 141 al. 2 CPP, les preuves qui ont été administrées d’une manière illicite ou en violation de règles de validité par les autorités pénales ne sont pas exploitables, à moins que leur exploitation soit indispensable pour élucider des infractions graves. Son alinéa 4 prévoit que si un moyen de preuve est recueilli grâce à une preuve non exploitable au sens de l’al. 2, il n’est pas exploitable lorsqu’il n’aurait pas pu être recueilli sans l’administration de la première preuve.

Conformément à la jurisprudence applicable, s’il est certain que la première preuve n’a pas eu d’influence sur l’obtention de la deuxième preuve qui aurait pu être obtenue indépendamment de la première, étant donné que la preuve illégale n’a pas eu d’effet causal sur la deuxième et que par conséquent on ne saurait parler d’effet induit, il n’existe pas de motif interdisant d’exploiter la deuxième preuve (ATF 138 IV 169 consid. 3.3.2 = JdT 2013 IV 82). Selon le considérant 3.3.3 du même arrêt, il n’y a pas non plus d’effet induit lorsque la deuxième preuve aurait pu être obtenue sans la première preuve illicite, avec une grande vraisemblance, compte tenu du déroulement hypothétique des investigations, les circonstances concrètes étant déterminantes.

7.             À teneur de l’art. 8 al. 1 LCI, le département peut faire visiter en tout temps par ses agents ou ceux des départements intéressés les constructions, les installations et les dépôts en tout genre. L’alinéa 3 prévoit toutefois que les logements habités ne peuvent être visités que si cela est nécessaire pour contrôler l’application de la loi, notamment en cas d’urgence, sur plainte relative à leur état de sécurité ou de salubrité ou si des travaux y sont ou y ont été exécutés.

8.             En l’espèce, il ressort des explications du département qu’une personne identifiée lui a dénoncé la situation du recourant. Cette saisie ne pose en soi aucun problème, laquelle est d’ailleurs prévue par la loi (art. 10A LPA).

La question de savoir si les photographies ou les informations dénoncées ont été obtenues de manière illégale peut rester ouverte dans le cadre de la présente procédure compte tenu de ce qui suit.

9.             Le recourant se prévaut essentiellement d’une violation de son droit d’être entendu. Il reproche au département de ne pas lui avoir donné accès à la plainte, accompagnée du reportage photographique, de sorte qu’il n’avait pas été à même de s’assurer que la décision ne se fondait sur des moyens de preuve illégaux. En conséquence, il n’aurait pas pu exercer son droit d’être entendu de manière exhaustive, souhaitant s’assurer que les moyens de preuves étaient licites.

10.         Le droit d'être entendu garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat (ATA/625/2019 du 13 octobre 2020 consid. 3a).

Il sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité, garantissant à un particulier de participer à la prise d'une décision qui touche sa position juridique. Sa garantie implique que l'administré soit informé de l'objet de la procédure et du contenu prévisible de la décision susceptible d'être prise à son égard (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 1529, p. 519 et les références citées). En tant que droit de participation, il englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 et les références).

11.         L'étendue du droit de s'exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L'idée maîtresse est qu'il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 123 I 63 consid. 2d ; 111 Ia 273 consid. 2b ; 105 Ia 193 consid. 2b/cc ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 5A_378/2014 du 30 juin 2014 consid. 3.1.1 ; 1D_15/2007 du 13 décembre 2007 consid. 3.4.1).

12.         Il s’agit d’une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 133 III 235 consid. 5.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_825/2012 du 17 avril 2013 consid. 3.1). Le droit d'être entendu n'est toutefois pas une fin en soi, mais constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure. Lorsque l'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée pour ce seul motif (arrêts du Tribunal fédéral 6B_93/2014 du 21 août 2014 consid. 3.1.3 ; 4A_153/2009 du 1er mai 2009 consid. 4.1 ; 2P.20/2005 du 13 avril 2005 consid. 3.2).

13.         Les parties et leurs mandataires sont admis à consulter au siège de l'autorité les pièces du dossier destinées à servir de fondement à la décision (art. 44 al. 1 LPA). L'autorité peut interdire la consultation du dossier ou d'une partie de celui-ci si l'intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l'exigent, le refus d'autoriser la consultation des pièces ne pouvant s'étendre toutefois qu'aux pièces qu'il y a lieu de garder secrètes (art. 45 al. 1 et 2 LPA). La décision par laquelle la consultation d'une pièce est refusée peut faire l'objet d'un recours immédiat (art. 45 al. 4 LPA).

14.         Il n'existe pas en la matière de norme spécifique et concrète garantissant l'anonymat, et seule est interdite l'instruction d'une dénonciation anonyme (art. 10A LPA). Le Tribunal fédéral a précisé que l'intérêt de la personne dénoncée à connaître l'identité de ses dénonciateurs peut se voir limité par les intérêts publics de l'État ou les intérêts légitimes du tiers dénonciateur. Toutefois, il ne peut être accepté un intérêt général pour garantir la confidentialité de tout informateur ; il convient de se déterminer par une pesée des intérêts en examinant les intérêts du dénoncé et du dénonciateur (ATF 129 I 249 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_609/2015 du 5 novembre 2015 consid. 4.1 ; ATA/1828/2019 du 17 décembre 2019 ; Stéphane GRODECKI /Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, LPA/GE et lois spéciales, 2017, p. 149 n. 567).

L'art. 45 LPA prévoit que l'autorité peut interdire la consultation du dossier si l'intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l'exigent (al. 1). Le refus d'autoriser la consultation des pièces ne peut s'étendre qu'à celles qu'il y a lieu de garder secrètes et ne peut concerner les propres mémoires des parties, les documents qu'elles ont produits comme moyens de preuves, les décisions qui leur ont été notifiées et les procès-verbaux relatifs aux déclarations qu'elles ont faites (al. 2). Une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l'autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l'affaire et lui a donné en outre l'occasion de s'exprimer et de proposer les contre-preuves (al. 3).

15.         En l’espèce, parmi les pièces figurant au dossier, seule la plainte, accompagnée d’un reportage photographique, ne s’y trouvent pas. Cela étant, ces éléments ont uniquement incité le département à ouvrir une procédure d'infraction, laquelle a fait l'objet d'une instruction ainsi que le révèlent les éléments du dossier, à savoir le constat opéré par son inspecteur, et la photographie du 16 décembre 2020 ainsi que la consultation du SITG et au terme de laquelle, le département a été en mesure de fonder sa décision. Ainsi, on ne saurait retenir que le reportage photographique a eu un effet causal sur les moyens de preuve utilisés par l’autorité intimée, qui empêcherait qu’elles soient exploitables. Par conséquent, il est sans incidence pour l'issue de la présente procédure que les photographies accompagnant la plainte aient été obtenues de manière illégale, puisqu'en définitive, la décision ne se fonde que sur les faits établis par le département.

Le recourant, assisté d'un avocat, a par ailleurs parfaitement identifié les éléments mis à sa charge par le département. Il a pu se prononcer avant toute prise de décision et se déterminer sur les griefs formulés à son encontre puis recourir devant le tribunal de céans en toute connaissance de cause.

Dès lors, on ne voit pas quelle influence sur la procédure administrative aurait pu avoir la divulgation de la plainte, du reportage photographique et de l’identité du dénonciateur. L’intérêt privé de celui-ci à garder l’anonymat et l’intérêt public à ne pas dissuader la saisie de l’autorité par crainte de représailles afin qu’elle puisse accomplir la tâche publique qui lui est dévolue priment l’intérêt privé du recourant. En effet, outre un intérêt pénal non pertinent en l’espèce, le recourant n’a pas démontré quel était son intérêt à obtenir les éléments demandés ni que celui-ci primerait tant l’intérêt privé du dénonciateur que l’intérêt public.

Par conséquent, c’est à juste titre que l’autorité intimée a refusé de verser au dossier la plainte et le reportage photographique l’accompagnant. Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de requérir la production de ces éléments et le grief de violation du droit d’être entendu sera écarté.

Cela étant, si le recourant soupçonne un tiers d’avoir commis une infraction pénale, rien ne l’empêche de saisir les autorités compétentes s’il s’y estime fondé.

16.         Il convient maintenant d’examiner si c’est à bon droit que l’autorité intimée a ordonné la démolition et l’évacuation du couvert litigieux.

17.         Selon l’art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente. L’alinéa 2 prévoit que l’autorisation est délivrée si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone (let. a) et si le terrain est équipé (let. b). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d’autres conditions (art. 22 al. 3 LAT).

18.         Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le département peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI). Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

19.         De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions cumulatives :

- l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur ;

- les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation ;

- un délai de plus de trente ans ne doit pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux pour la zone à bâtir ; la situation diffère hors de la zone à bâtir, puisque depuis avril 2021, le Tribunal fédéral a renoncé à appliquer aux constructions illégales situées en zone agricole le délai de péremption de trente ans, à l’échéance duquel l’État ne peut plus exiger la démolition d’une installation pour rétablir une situation conforme au droit (arrêt 1C_469/2019 du 28 avril 2021) ;

- l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné, que ce soit par des promesses, par des infractions, des assurances ou encore un comportement des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi ;

- l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/1030/2018 du 2 octobre 2018 consid. 6c ; ATA/1411/2017 du 17 octobre 2017 consid. 4a et les références citées).

20.         Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a précisé qu'à l'inverse de ce qui prévaut pour les zones à bâtir, l'obligation de rétablir un état conforme au droit ne s'éteignait pas après trente ans s'agissant de bâtiments et installations érigés illégalement en dehors de la zone à bâtir (arrêt 1C_469/2019 du 28 avril 2021 consid. 4 et 5, destinés à la publication). En particulier, s'il peut certes être tenu compte de situations exceptionnelles par le biais de solutions spécifiques, notamment par la fixation d'un délai de remise en état plus long, une utilisation illégale, qui contrevient au principe fondamental en matière d'aménagement du territoire de la séparation des zones à bâtir des zones non constructibles, ne doit pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps (arrêts 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.2.1 ; 1C_469/2019 précité consid. 5.5 et 5.6).

21.         En l’espèce, les quatre premières conditions nécessaires à la validité d’un ordre de mise en conformité sont réalisées.

L’ordre est dirigé contre le perturbateur, soit le recourant propriétaire du couvert érigé sur sa parcelle. Le couvert, construit sans autorisation, n’a été régularisé malgré la demande en ce sens qui a été rejetée par décision du DT du 29 juin 2021, entrée en force. Pour le surplus, le recourant n’explique pas en quoi le non assujettissement à la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR – RS 211.412.11) pourrait avoir une quelconque incidence en l’espèce. Cette circonstance n’a du reste pas été jugée par le département comme permettant l’octroi de l’autorisation de construire nécessaire à la régularisation du couvert, ce qui ne peut plus être remis en cause (voir notamment en ce sens l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_117/2008 du 12 août 2008, consid. 5.4). Le couvert a été construit en zone agricole, de sorte que la prescription trentenaire ne lui est pas applicable, étant de toute façon retenu que, même si la construction avait été éligible à cette prescription, le délai aurait commencé à courir uniquement à la date à laquelle l’ouvrage a été achevé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_564/2010 du 7 juillet 2011, consid. 2.2 et les références citées). Or, comme l’a justement relevé l’autorité intimée, les photos aériennes antérieures à 2012 témoignent de l’absence du couvert en son emplacement actuel. Dès lors, la durée de trente ans n’aurait de toute façon pas été atteinte. Il n’y a pas lieu non plus de s’attarder sur une éventuelle protection de la bonne foi, le couvert n’étant pas construit en son emplacement actuel lors de la visite en 2007 effectuée par l’inspecteur du département.

22.         Ne reste qu’à déterminer si l’intérêt privé du recourant l’emporte sur l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit.

23.         Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées). Les critères de l'aptitude et de la subsidiarité sont particulièrement concernés lorsqu'un ordre de démolition est envisagé. Ils impliquent en effet de déterminer si une – ou plusieurs – autre mesure administrative pourrait être préférée, cas échéant en combinaison (ATA/463/2021 du 27 avril 2021).

24.         Lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit. Le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel ; il fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 Cst. (cf. Message du Conseil fédéral du 20 janvier 2010 relatif à une révision partielle de la LAT, FF 2010 964 ch. 1.2.1, et 973 ch. 2.1 ; arrêts 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.1 ; 1C_469/2019 du 28 avril 2021 consid. 5.5.). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues la loi, demeurer d'application stricte (ATF 132 II 21 consid. 6.4). S'ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d'autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et dimensions des constructions en zone agricole ainsi que le respect du principe de l'égalité devant la loi (ATF 132 II 21 consid. 6.4 ; arrêts 1C_60/2021 précité consid. 3.1; 1C_76/2019 du 28 février 2020 consid. 7.1 et les références citées).

25.         La proportionnalité au sens étroit implique une pesée des intérêts. C'est à ce titre que l'autorité renonce à ordonner la remise en conformité si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle (...). Le postulat selon lequel le respect du principe de la proportionnalité s'impose même envers un administré de mauvaise foi est relativisé, voire annihilé, par l'idée que le constructeur qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que cette dernière se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour lui (arrêt 1C_60/2021 précité consid. 3.1 ; ATF 123 II 248 consid. 4a; Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, op. cit, p. 218).

26.         De manière générale dans l'examen de la proportionnalité, les intérêts des propriétaires sont, à juste titre, mis en retrait par rapport à l'importance de préserver la zone agricole d'installations qui n'y ont pas leur place. Le Tribunal fédéral a déjà énoncé concernant le canton de Genève, que « s'agissant de constructions édifiées dans la zone agricole dans un canton déjà fortement urbanisé où les problèmes relatifs à l'aménagement du territoire revêtent une importance particulière, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit l'emporte sur celui, privé, du recourant à l'exploitation de son entreprise sur le site litigieux » (arrêt du Tribunal fédéral 1C_446/2010 du 18 avril 2011, consid. 5.1.1 et les références citées ; ATA/1370/2018 du 18 décembre 2018 consid. 10 ; ATA/303/2016 du 12 avril 2016 consid. 9).

27.         La passivité de l'autorité qui n'intervient pas immédiatement à l'encontre d'une construction non autorisée n'est en règle générale pas constitutive d'une autorisation tacite ou d'une renonciation à faire respecter les dispositions transgressées. La tolérance des autorités n'est retenue que dans des circonstances exceptionnelles. Seul le fait que l'autorité aurait sciemment laissé le propriétaire construire de bonne foi l'ouvrage non réglementaire pourrait obliger cette autorité à tolérer ensuite l'ouvrage en question (ATA/700/2014 du 2 septembre 2014 consid. 4c).

28.         Sous l'angle de la proportionnalité, on peut prendre en compte le fait que les frais de démolition et de remise en état des lieux engendreraient des charges excessives que l'intéressé ne serait pas en mesure de prendre en charge (arrêts du Tribunal fédéral 1C_370/2015 du 16 février 2016 consid. 4.4 ; 1C_537/2011 du 26 avril 2012). Néanmoins, un intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit (arrêt du Tribunal fédéral 1C_544/2014 du 1er avril 2015 consid. 4.2). Donner de l'importance aux frais dans la pesée des intérêts impliquerait de protéger davantage les graves violations et mènerait à une forte et inadmissible relativisation du droit de la construction. C'est pourquoi il n'est habituellement pas accordé de poids particulier à l'aspect financier de la remise en état (Vincent JOBIN, Construire sans autorisation - Analyse des arrêts du Tribunal fédéral de 2010 à 2016, VLP-ASPAN, Février 1/2018, p. 16 et les références citées).

29.         En l’espèce, l’ordre de démolir et d’évacuer le couvert est apte à faire respecter les prescriptions en matière de constructions applicables en l’espèce. On ne verrait pas de moyens moins incisifs pour parvenir à ce but, le vice affectant la construction ne pouvant être réparé par exemple par une interdiction d’utiliser ou d’exploiter ou par sa réparation ou sa modification.

Concernant la proportionnalité au sens strict, l’intérêt public à la protection de ce secteur, qui se situe en zone agricole et à proximité de la lisière de la forêt est considérable et l’intérêt au maintien de la zone agricole, surtout à Genève, prime par principe celui des particuliers quand bien même le recourant parle d’impact minimal. Cette solution se justifie d’autant plus que le recourant a érigé le couvert alors même qu’il ne pouvait ignorer les restrictions posées par la zone agricole et les restrictions en matière d’emplacement de constructions à proximité de la forêt vu ses antécédents judiciaires.

L’intérêt privé du recourant, atteint par l’ordre de remise en état, relève essentiellement de la convenance personnelle, le couvert étant un espace de stockage d’outils de jardinage. À cet égard, le seul fait de maintenir le couvert pour le confort du recourant n’est pas suffisant. De plus, le recourant n’allègue pas que les coûts de destruction seraient élevés, cet élément n’ayant quoi qu’il en soit pas de poids particulier dans la pesée des intérêts.

Au vu de ce qui précède, il n'existe ainsi aucune mesure moins incisive qu'une remise en état pour rétablir une situation conforme au droit. L'intérêt public susmentionné l’emporte en l’espèce sur l'intérêt privé du recourant de continuer à profiter de l’aménagement litigieux.

30.         L’ordre de remise en état étant légal, le recourant souhaiterait toutefois que celui-ci soit annulé et qu’il soit mis au bénéfice d’une autorisation à titre précaire du maintien du couvert litigieux le temps que le plan de site puisse être réalisé de concert avec le département et ainsi éviter la destruction dudit couvert.

31.         Selon l’art. 139 LCI, lorsqu’une construction ou une installation n’est pas conforme à l’autorisation donnée ou si, entreprise sans autorisation, elle n’est pas conforme aux prescriptions légales, le Conseil d’État peut la laisser subsister, à titre précaire, si elle ne nuit pas à la sécurité, à la salubrité ou à l’esthétique, moyennant le paiement, en plus de l’amende, d’une redevance annuelle dont il fixe le montant et la durée selon la gravité de l’infraction.

Cette disposition donne à l'autorité exécutive la latitude de s'incliner devant le fait accompli et d'accorder par un acte de souveraineté une dérogation générale quant à la nature des constructions (ATA/403/2002 du 23 juillet 2002, consid. 17).

32.         L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b et l'arrêt cité ; ATA/590/2017 du 23 mai 2017 consid. 2b ; ATA/1050/2016 du 13 décembre 2016 consid. 3b ; ATA/1076/2015 du 6 octobre 2015 consid. 3b). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b ; ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 5 et les arrêts cités ; ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b).

33.         En l’espèce, dans sa décision contestée du 29 janvier 2021, le département ne s’est pas prononcé sur le maintien à titre précaire du couvert, le recourant n’ayant pas déposé une telle demande. La décision étant circonscrite à l’ordre de remise en état du couvert et à son évacuation, le tribunal ne saurait entrer en matière sur la question de son maintien à titre précaire. Par conséquent, ce grief est irrecevable.

34.         Enfin, à titre subsidiaire, le recourant demande à ce que la procédure soit suspendue jusqu’à la réalisation du plan de site.

35.         Selon l’art. 38 al. 1 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05), le Conseil d’État peut édicter les dispositions nécessaires à l’aménagement ou à la conservation d’un site protégé par l’approbation d’un plan de site assorti, le cas échéant, d’un règlement. Selon l’alinéa 2, ces plans et règlements déterminent notamment :

a) les mesures propres à assurer la sauvegarde ou l’amélioration des lieux, telles que : maintien de bâtiments existants, alignement aux abords de lisières de bois et forêts ou de cours d’eau; angles de vue, arborisation ;

b) les conditions relatives aux constructions, installations et exploitations de toute nature (implantation, gabarit, volume, aspect, destination) ;

c)  les cheminements ouverts au public ainsi que les voies d’accès à un site ou à un point de vue ;

d)  les réserves naturelles.

36.         Le plan de site, qualifié de plan d'affectation spécial, déploie des effets contraignants pour chacun, particuliers comme autorités (cf. art. 21 al. 1 LAT ; ATF 143 II 276 consid. 4.2.1 ; cf. aussi not. ATA/1444/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c et les références citées).

37.         Selon l’art. 78 LPA, l’instruction du recours est suspendue par la requête simultanée de toutes les parties (let. a), le décès d’une partie (let. b), la faillite d’une partie (let. c), son interdiction (let. d), la cessation des fonctions en vertu desquelles l’une des parties agissait (let. e) ou le décès, la démission, la suspension ou la destitution de l’avocat ou du mandataire qualifié constitué (let. f).

38.         En l’espèce, faute d’accord entre les parties, la suspension de la procédure ne peut être prononcée, étant patent que les autres hypothèses de l’art. 78 LPA ne sont pas réalisées.

39.         À teneur de l’art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions.

40.         En l’espèce, le courrier de la ville de B______ indique entre autres que : « sous réserve d’un avis favorable du département quant à une modification du statut C______, la commune pourrait donc proposer dans son plan directeur en cours de révision, l’étude de faisabilité d’un plan de site du plateau C______. Ce dernier devra préciser et définir les conditions cadres de protection du patrimoine architectural et paysager. Cette possibilité sera analysée et devra se conformer aux législations y relatives en vigueur. Cette option ne peut en aucun cas rendre licite des constructions qui n’ont pas obtenu l’autorisation formelle ».

Vu ce qui précède, l'adoption d'un plan de site concernant le plateau C______ ne semble être qu’une possibilité et rien n’indique qu’il permettrait de faire droit aux prétentions du recourant, la ville de B______ indiquant même le contraire.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de suspendre la procédure jusqu’à ce qu’un éventuel plan de site soit adopté. Ce grief sera par conséquent écarté.

41.         Partant, entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

42.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

43.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 3 mars 2021 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du 29 janvier 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Saskia RICHARDET VOLPI et Diane SACHSCA, juges assesseures

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière