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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1095/2000

ATA/403/2002 du 23.07.2002 ( TPE ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 17.09.2002, rendu le 19.11.2002, ADMIS, 1A.180/02
Descripteurs : PERMIS DE CONSTRUIRE; AMENDE; PROTECTION DE LA SITUATION ACQUISE; SANCTION ADMINISTRATIVE; CE
Normes : LCI.139; LCI.150; LCI.129; LCI.130; LCI.137
Résumé : Confirmation de l'amende (ramenée à CHF 10'000.-) pour avoir agrandi un chalet de week-end sans autorisation. La qualité de savoir si ce chalet a été initialement érigé illégalement peut rester indécise car il est établi que son existence a été expressément tolérée par le département depuis 1973 et l'on doit par conséquent admettre que ce chalet de week-end bénéficie de la garantie de la situation acquise. Admission du maintien à titre précaire dudit chalet.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 23 juillet 2002

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur S___________

représenté par Me Serge Morosow, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DE L'ÉQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 

 

et

 

 

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

 

 

1. Monsieur S___________ est propriétaire de la parcelle no ___________, feuille __________ de la commune de Puplinge, à l'adresse___________ .

 

Cette parcelle est située en zone agricole au sens de l'article 20 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LALAT - L 1 30). Elle abrite deux bâtiments cadastrés, soit une petite cabane (no __________) et un chalet de week-end (no __________), construction en bois, recouvert d'un crépi blanc, d'une surface de 31 m2, dont l'existence, connue du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le département) a été tolérée depuis 1973.

 

2. M. S___________ habite la villa sise sur la parcelle voisine (no ___________).

 

3. Le 17 août 2000, un inspecteur de la police des constructions du département a constaté que des travaux portant sur les deux bâtiments de la parcelle no ___________ étaient en cours.

 

4. Par décision du 18 août 2000, le département a signifié à M. S___________ l'ordre d'arrêt des travaux entrepris sur les bâtiments nos __________ et __________ d'une part et portant sur les parcelles nos ___________ et ___________ d'autre part. Les éventuelles sanctions et mesures administratives étaient réservées.

 

Dite décision indiquait les voie et délai de recours au Tribunal administratif.

 

Cette décision est devenue définitive.

 

5. Le 22 août 2000, un représentant du département a rencontré M. S___________ sur les lieux. Le constat dressé à cette occasion indique que des travaux de rénovation, de transformation et d'extension des bâtiments nos __________ et __________ sont en cours d'exécution. Ils consistent en la réfection des murs (lambrissage), de la toiture, du sol (carrelage), de l'agencement d'une cuisine-séjour, de deux chambres et d'une douche-WC. La surface de plancher passe ainsi de 31 m2 à 55 m2. A l'extérieur, une tranchée part de la construction litigieuse et traverse la parcelle voisine (no ___________) en direction du bâtiment no 353 (maison d'habitation de M. S___________, ndr). De plus, un portail est installé à front du chemin vicinal. Tous ces travaux sont entrepris sans aucune autorisation. Selon les déclarations de M. S___________, les travaux visent à rénover et à transformer les bâtiments précités pour n'en former plus qu'un seul. Il envisage de raccorder ce dernier aux canalisations existantes et de demander aux Services industriels de Genève (SIG) l'amenée de l'électricité.

 

A ce constat était annexé un relevé établi le 22 août 2000 par l'inspecteur de la police des constructions ainsi que huit photographies attestant de la réalité des travaux entrepris.

 

6. Par courrier du 28 août 2000, le département s'est adressé aux SIG en les priant de ne pas donner suite à une demande de raccordement des bâtiments nos __________ et __________, vu le caractère illicite des travaux engagés.

 

7. Par décision du 6 septembre 2000, le département a ordonné à M. S___________ la remise en l'état antérieur du bâtiment no __________ dans un délai de 90 jours et de démolir la surface de plancher récemment édifiée de manière à retrouver l'emprise au sol d'origine, soit 31 m2. En outre, il a infligé à M. S___________ une amende administrative de CHF 20'000.-, en application de l'article 137 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Le montant de l'amende tenait compte de la gravité tant objective que subjective des faits reprochés.

 

8. M. S___________ a saisi le Tribunal administratif d'un recours contre la décision précitée par acte du 3 octobre 2000 (cause no A/1095/2000).

 

Les travaux effectués apportaient une plus-value au chalet de week-end ainsi qu'à l'environnement. Le montant de l'amende était excessif par rapport à la gravité de l'infraction commise.

 

9. Dans sa réponse du 6 décembre 2000, le département s'est opposé au recours.

 

L'ancienne législation relative à l'aménagement du territoire (art. 24 de la fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 - LAT - RS 700 et art. 26 et 26A de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LALAT - L 1 30) ne permettaient ni d'autoriser la construction en cause, ni d'en autoriser le maintien. La LAT - et la législation fédérale d'exécution y relative - partiellement modifiée et entrée en vigueur le 1er septembre 2000 portait pour l'essentiel sur les constructions et les installations admissibles en conformité ou par voie de dérogation à la zone agricole. Le bâtiment de M. S___________ ne remplissait pas les conditions du nouvel article __________a LAT. Les dispositions dérogatoires de la nouvelle LAT ne permettaient pas davantage d'admettre la construction litigieuse (art. 24 à 24d LAT). D'une part, l'agrandissement en cause dépassait les 30 % de la surface existante (tolérance admise par l'article 24c LAT). D'autre part, les travaux litigieux ne rentraient pas dans le champ d'application de l'article 24d LAT traitant du changement d'affectation d'une construction ou d'une installation sise hors zone à bâtir, le bâtiment litigieux n'étant ni un ancien bâtiment agricole, ni un bâtiment digne de protection.

 

S'agissant du principe de l'amende et de sa quotité, M. S___________ avait procédé aux travaux d'agrandissement d'une dépendance sans avoir sollicité du département une autorisation, ce qui justifiait le principe de l'amende. Quant au montant de celle-ci, elle était proportionnée à l'infraction commise objectivement et subjectivement grave. M. S___________ avait mis le département devant le fait accompli.

 

10. Le Tribunal administratif s'est rendu sur place le 27 février 2001.

 

M. S___________ a expliqué que dans le temps se trouvaient derrière le week-end existant deux petites cabanes, l'une en bois, l'autre en tôle. La première était pourrie et il l'avait démolie et la seconde avait été déplacée de quelques mètres et se trouvait encore sur les lieux. Le week-end existant était pourvu d'une cuisine, d'une chambrette et d'un WC chimique. Il n'avait pas touché au gabarit du week-end existant mais, en lieu et place des deux cabanes précitées, il avait agrandi le week-end de telle sorte que le gabarit actuel de la construction était resté celui qu'il était auparavant (week-end plus les deux cabanes). Il avait recouvert le toit avec des lattes de bois et boisé complètement l'extérieur de la construction. L'intérieur de la partie existante n'avait pas été modifié, hormis le WC chimique qui avait été supprimé. Il n'avait pas poursuivi les travaux de creusement de la tranchée destinés au raccord des eaux usées avec les canalisations existantes et cela suite à la visite du département du 22 août 2000.

 

A l'intérieur du week-end existant, le juge délégué a constaté la présence d'une cuisine suivie d'une chambrette. Par un petit corridor - créé sur l'emplacement des anciens WC -, l'on accédait à une pièce douche-WC pas terminée et une chambre. Ces deux pièces constituaient l'extension du bâtiment existant.

 

M. S___________ a confirmé que le relevé établi par le département le 22 août 2000 était correct.

 

Il a déclaré vouloir déposer une demande d'autorisation de maintien à titre précaire auprès du Conseil d'Etat.

 

11. Le 5 mars 2001, M. S___________ a présenté au Conseil d'Etat une demande d'autorisation à titre précaire. L'instruction de la cause pendante devant le Tribunal administratif a été suspendue par décision du 13 mars 2001.

 

12. Par arrêté du 21 novembre 2001 (ACE), le Conseil d'Etat a refusé le maintien à titre précaire de l'agrandissement du chalet de week-end sis sur la parcelle no ___________. Il ressortait d'un nouveau contrôle effectué le 13 juin 2001 par un inspecteur de la police des constructions que ledit chalet était destiné à devenir une maison de week-end pour les deux filles de M. S___________. Cet agrandissement réalisé pour des motifs de pure convenance personnelle n'était pas compatible avec la LAT.

 

Dit arrêté indiquait les voie et délai de recours au Tribunal administratif.

 

13. Par acte daté du 14 octobre 2000 (sic), mais réceptionné par le tribunal de céans le 21 décembre 2001, M. S___________ a recouru contre l'arrêté précité (cause no A/1291/01).

 

L'acte de recours étant dépourvu de toute motivation, M. S___________ a été invité à le compléter.

 

Dans ses écritures du 15 février 2002, M. S___________, représenté dans cette procédure-ci par un mandataire, a exposé que l'article 139 LCI avait pour but de permettre la régularisation, a posteriori, d'une construction érigée illégalement. Or, l'ACE du 21 novembre 2001 allait à l'encontre de l'esprit de cette disposition légale. Il violait le principe de proportionnalité si tant est qu'une mesure plus douce était possible. Le Conseil d'Etat avait abusé et excédé le pouvoir d'appréciation qui était le sien et s'était arbitrairement laissé guider par des considérations factuelles et juridiques sans pertinence. Il a conclu à l'annulation de l'arrêté querellé et à ce que le tribunal de céans prononce le maintien à titre précaire du chalet de week-end sis sur la parcelle no ___________.

 

14. Dans sa réponse du 2 avril 2002, le département a conclu au rejet du recours. Préalablement, le Tribunal administratif devait se prononcer sur la cause A/1095/2000 afin de déterminer si la seconde procédure avait encore un objet.

 

Sur le fond, le recourant perdait de vue le véritable but de l'article 139 LCI et de la législation relative à l'aménagement du territoire qui était de préserver la zone agricole de toute construction. A cet égard, l'on ne saurait reprocher au Conseil d'Etat de mener une politique de dissuasion. En l'espèce, et bien que l'agrandissement querellé ne viole vraisemblablement pas les prescriptions de sécurité, d'esthétique et de salubrité, le Conseil d'Etat pouvait refuser le maintien à titre précaire en fondant sa décision d'une part sur la zone de fond et d'autre part sur la mauvaise foi de M. S___________. Celui-ci était parfaitement au courant que la construction initiale était illicite et il savait aussi que le département n'en aurait pas autorisé l'agrandissement. Il avait manifestement agi de mauvaise foi et mis les autorités devant le fait accompli, ce qui n'était pas tolérable.

 

15. A la demande du Tribunal administratif, M. S___________ a produit les pièces fiscales des années 2000 et 2001.

 

Pour l'année 2000, le bordereau d'impôts cantonaux fait apparaître un revenu imposable de CHF 26'263.- et une fortune imposable de CHF 257'523.-.

 

Pour l'année 2001, la déclaration fiscale de M. S___________ donne les renseignements suivants : Revenu brut de l'activité dépendante CHF 55'987.-, revenu et fortune bruts de l'activité indépendante CHF 29'417.-, revenu et fortune bruts immobilier CHF 80'908.-, revenu et fortune bruts immobilier CHF 293'898.-.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Les deux recours portant sur des faits connexes et opposant les mêmes parties, ils seront joints en application de l'article 70 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

 

Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a LPA).

 

A. Ordre de remise en état et amende administrative

 

2. a. Le Tribunal administratif est compétent pour connaître d'un recours contre une mesure ou une sanction lorsque des travaux sont entrepris sans autorisation (art. 150 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05).

 

b. En l'espèce, l'agrandissement du chalet de week-end propriété du recourant n'a pas fait l'objet d'une demande d'autorisation et a fortiori n'a pas été autorisé. Le tribunal de céans est donc compétent pour en connaître.

 

3. Le département peut ordonner la remise en état, à l'égard d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose non conforme aux prescriptions de la LCI, de ses règlements ou des autorisations délivrées (art. 129 let. e et 130 LCI).

 

4. a. L'aménagement du territoire est régi par la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) et ses dispositions d'application, notamment la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LALAT - L 1 30). La LAT a subi diverses modifications qui sont entrées en vigueur le 1er septembre 2000 et sont applicables aux procédures en cours, en vertu de l'article 52 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 2 octobre 1989 (OAT - RS 700.1.), en tant qu'elles sont plus favorables au recourant.

 

b. La zone agricole est régie par les articles __________, __________a et __________b LAT ainsi que par les articles 20 et suivants LALAT. Ces dispositions définissent notamment les constructions qui sont conformes à la zone, soit qu'elles sont nécessaires à l'exploitation agricole soit qu'elles servent au développement interne d'une activité conforme.

 

c. L'autorisation de construire ne peut être délivrée qu'à la condition que la construction soit conforme à la zone (art. 22 al. 2 lit. a LAT) ou qu'elle puisse bénéficier d'une dérogation.

 

d. Les conditions de dérogation pour des constructions hors de la zone à bâtir sont prévues par le droit fédéral (art. 24 à 24d LAT). Ces dispositions sont complétées ou reprises par les articles 26, 26A et 27 LALAT.

 

e. Dans la mesure où les exceptions spéciales ne trouvent pas application, c'est l'article 24 LAT qui sera déterminant. La révision de 1999 n'a apporté aucune modification à ce propos et seules les constructions et installations dont l'implantation est imposée par leur destination peuvent être autorisées hors de la zone à bâtir si elles ne sont pas conformes à la zone dans laquelle elles se trouvent (F. MEYER-STAUFFER, "La zone agricole" in Journée du droit de la construction, 2001, p. 48).

 

f. En vertu de l'article 24 LAT, en dérogation à l'article 22 alinéa 2 lettre a LAT, des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d'affectation si l'implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination et si aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose. Ces conditions cumulatives sont reprises par l'article 26 alinéa 2 LALAT.

 

g. L'article 26A LALAT régit les transformations, reconstructions, rénovations, changements d'affectation et agrandissements mesurés des constructions et installations existantes sises hors de la zone à bâtir et non conformes à l'affectation de la zone.

 

h. En l'absence de dispositions cantonales applicables ou dans l'attente de leur adaptation sur certains points, les dispositions fédérales sont directement applicables.

 

5. En l'espèce, l'agrandissement d'un chalet de week-end en maison d'habitation n'est pas conforme à la zone agricole. Il convient donc d'examiner si les travaux peuvent être autorisés sur la base d'un régime dérogatoire prévu par le droit fédéral ou cantonal.

 

6. a. La doctrine et la jurisprudence ont toujours reconnu un certain pouvoir d'appréciation à l'administration dans l'octroi de dérogations. Lorsque la loi autorise l'autorité administrative à déroger à l'une de ses dispositions, notamment en ce qui concerne les constructions admises dans une zone, elle confère à cette autorité un certain pouvoir d'appréciation qui lui permet en principe de statuer librement. L'autorité est néanmoins tenue d'accorder la dérogation dans un cas où le texte légal l'y oblige expressément ou implicitement, ou encore lorsque la dérogation se justifie par des circonstances particulières, que notamment elle répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu'elle est commandée par l'intérêt public ou par un intérêt privé auquel ne s'opposent pas un intérêt public ou d'autres intérêts privés prépondérants, ou encore lorsqu'elle est exigée par le principe de l'égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATF 117 Ia 146-147, consid. 4 et 117 Ib 134, consid. 6d; ATA V. du 23 novembre 1999; F. du 4 mai 1999; S. du 10 février 1998; P. MOOR, Droit administratif, vol. I, Berne, 2ème éd., 1994, ch. 4.1.3.3; RDAF 1976 p. 124).

 

b. L'interprétation des dispositions exceptionnelles doit être résolue de cas en cas, à l'aide des méthodes d'interprétation proprement dites, qui valent tant pour celles-ci que pour les autres règles (ATA N. du 5 février 2002 et les références citées).

 

L'autorité n'est toutefois pas tenue d'accorder une dérogation, sauf si ce refus est entaché d'arbitraire (ATF 99 Ia 471 consid. 3a; SJ 1987 p. 397-398; RDAF 1981 p. 424; ATA B. du 7 décembre 1993).

 

La dérogation sert fondamentalement à éviter des cas d'extrême dureté, permettant de prendre en considération des situations exceptionnelles. La plupart du temps, toutefois, des considérations générales ou d'ordre économique ne permettent pas de justifier une dérogation qui ne peut en tout cas pas être accordée pour fournir "une solution idéale" au maître de l'ouvrage (ATF 107 Ia 214, consid. 5, p. 2__________; ATA F. du 4 mai 1999; H. du 18 août 1988).

7. a. Selon l'article 24 LAT, repris par l'article 26 alinéa 2 LALAT, une dérogation ne peut être octroyée que si l'implantation de la construction ou de l'installation hors de la zone à bâtir est imposée par sa destination et, cumulativement, si aucun intérêt prépondérant - tel le maintien de la surface utile pour l'exploitation agricole par exemple - ne s'y oppose. En outre, l'apparence urbanisée du voisinage ou le caractère non cultivable d'un terrain voué en principe à l'agriculture ne constituent pas des critères pertinents sous l'angle de l'article 24 alinéa 1 LAT (ATA P.-D. du 26 mars 2002 et les références citées).

 

b. Est considéré comme imposé par sa destination un ouvrage qui peut remplir ses fonctions seulement s'il est érigé à un endroit bien déterminé ou qui ne peut les remplir s'il est implanté à l'intérieur de la zone à bâtir (Département fédéral de justice et police (DFJP) / Office fédéral de l'aménagement du territoire (OFAT), Étude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire Berne 1981, no 32, pp. 285 et ss.). De plus, il faut toujours que des raisons objectives - techniques, économiques ou découlant de la configuration du sol - justifient la réalisation de l'ouvrage projeté à l'emplacement prévu (ATF 112 Ib 407-408; 108 Ib 367 consid. 6a).

 

c. Des motifs purement personnels, d'ordre familial, successoral, financier ou ne relevant que de l'agrément, ne peuvent pas, en règle générale, être retenus (ATA du 29 mai 1991 en la cause G.; ATF 108 Ib 362 consid. 4a; V. SCHEUCHZER, La construction agricole en zone agricole, thèse 1992, p. 91 ss).

 

8. En l'espèce, le recourant n'est ni agriculteur, ni horticulteur et l'implantation du chalet de week-end sur une parcelle à vocation agricole n'est certes pas imposée par sa destination. La première des deux conditions cumulatives de l'article 24 alinéa 1 LAT n'étant pas remplie, l'examen de la seconde condition est superfétatoire.

 

Il résulte de ce qui précède que ce n'est pas par voie dérogatoire que pourrait être autorisé le chalet de week-end litigieux.

 

9. Se pose alors la question de savoir si l'agrandissement querellé peut être autorisé en application des dispositions relatives à la transformation partielle d'un bâtiment. Une telle transformation est soumise à autorisation en vertu du droit fédéral, laquelle est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 1 et 2 let. a LAT). En l'occurrence, cette condition n'est manifestement pas réalisée en tant que la transformation a pour objet un bâtiment qui n'est pas destiné au logement de personnes admises à résider en zone agricole (ATF 121 II 30 consid. 3b p. 310 et les arrêts cités). Les modifications de la LAT, entrées en vigueur le 1er septembre 2000, ont emporté l'abrogation de l'article 24 alinéa 2 aLAT. Dès lors, la transformation partielle d'une construction ou d'une installation bénéficiant de la situation acquise relève exclusivement du droit fédéral, à l'exclusion des exigences plus restrictives que les cantons pouvaient auparavant imposer (ATF 127 II 215 consid. 3b p. 219; ATF R. du 20 juin 2002 et les références citées). En l'espèce, il n'y a pas lieu de retenir les dispositions cantonales - et en particulier l'article 26A alinéa 1 LALAT -, lequel ne fait que reprendre les termes de l'article 24 alinéa 2 aLAT.

 

10. L'article 24c LAT a pour objet les constructions et les installations existantes sises hors la zone à bâtir et non conformes à l'affection de la zone.

 

Pour bénéficier de la protection de l'article 24c LAT, la construction doit être située hors des zones à bâtir, avoir été construite légalement, avoir une affectation non agricole au 1er juillet 1992 et doit être encore utilisable selon sa destination.

 

En l'occurrence, la question de savoir si le chalet de week-end initial a été érigé illégalement souffre de rester indécise, car il est établi que son existence a été expressément tolérée par le département depuis 1973, soit depuis près de 30 ans. Dans de telles circonstances, l'on doit admettre que le week-end initial bénéficie de la garantie de la situation acquise. A cet égard, il est significatif que le département n'exige pas la démolition du bâtiment en tant que tel mais bien uniquement des travaux d'agrandissement.

 

Aux termes de l'alinéa 2 de l'article 24c LAT, un agrandissement mesuré peut être autorisé. Selon les commentateurs et la jurisprudence y relative, l'agrandissement mesuré est égal ou inférieur à 30 % de la surface initiale. En l'espèce, de 31 m2, le chalet a passé à 55 m2 ! Point n'est besoin de plus amples développements pour arriver à la conclusion que cette disposition légale ne permet pas d'autoriser les travaux d'agrandissement entrepris.

 

11. En ce qui concerne le principe de la proportionnalité, la mesure litigieuse doit être apte à produire les résultats attendus sans que ceux-ci ne puissent être atteints par des mesures moins restrictives. En outre, il interdit toute limitation qui irait au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics et privés compromis (ATF 123 I 112, consid. 4e p. 121 et les références citées).

 

En l'espèce, il est manifeste que les travaux entrepris par le recourant n'ont pas été autorisés, et ne sont pas autorisables. A cet égard, la décision de remise en l'état antérieur se justifie et respecte le principe de la proportionnalité. Une telle mesure est d'ailleurs conforme à la pratique du département en la matière et à la jurisprudence du Tribunal administratif (ATA N. du 5 février 2002; A. du 5 décembre 2000).

 

12. a. Selon l'article 137 alinéa 1 LCI, est passible d'une amende administrative de Frs 100.- à 60'000.- - s'agissant de travaux non autorisables, ce qui est le cas en l'espèce - tout contrevenant à ladite loi, aux règlements et arrêtés édictés en vertu de LCI, ainsi qu'aux ordres donnés par le département.

 

b. Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister (ATA S. du 29 septembre 1998; C. du 30 juin 1998; U. du 18 février 1997; P. MOOR, Droit administratif, Les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, Berne 1991, ch. 1.4.5.5, pp. 95-96; P. NOLL et S. TRECHSEL, Schweizerisches Strafrecht, Allgemeine Voraussetzungen der Strafbarkeit, AT I 4ème éd., Zurich 1994, pp. 30-31).

 

c. Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon des principes qui n'ont pas été remis en cause, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel, 1984, pp. 646-648; ATA G. du 20 septembre 1994) et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA C. & H. du 27 avril 1999; G. du 20 septembre 1994; Régie C. du 8 septembre 1992). La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès (ATA U. du 18 février 1997). Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA P. du 5 août 1997).

 

d. Pour fixer le montant de l'amende, le département doit tenir compte du degré de gravité de l'infraction, la cupidité et la récidive constituant des circonstances aggravantes (art. 137 al. 3 LCI). Il doit de manière plus générale respecter le principe de proportionnalité.

 

13. L'autorité doit ainsi tenir compte de la gravité de l'infraction constatée sur le plan objectif et subjectif, des antécédents de l'intéressé ainsi que de sa situation financière, l'article 63 du Code pénal suisse étant applicable par analogie.

 

En l'espèce, la gravité objective de l'infraction est réalisée. En revanche, la gravité subjective doit être relativisée. D'une part, le recourant pouvait considérer au vu des circonstances que l'existence tolérée du chalet de week-end sur une parcelle agricole ne posait pas de problème en tant que telle. D'autre part, il a immédiatement obtempéré aux ordres du département et il s'est rigoureusement conformé à l'ordre d'arrêt des travaux. Le recourant est inconnu du département et c'est la première infraction qui lui est reprochée. Enfin, sa situation financière peut être qualifiée de modeste.

 

14. Pour tenir compte des éléments précités, l'amende sera ramenée à CHF 10'000.-. Ce faisant, le Tribunal administratif s'inspirera de la jurisprudence en la matière et en particulier d'un arrêt A. du 5 décembre 2000 qui concernait un problème identique, à savoir l'agrandissement d'un week-end en zone agricole. Vu la situation personnelle du recourant, l'amende CHF 10'000.- avait alors été réduite à CHF 5'000.-.

 

15. Le recours contre la décision du 6 septembre 2000 sera donc partiellement admis en ce sens que le montant de l'amende sera réduit à CHF 10'000.-, alors que l'ordre de remise en l'état antérieur sera confirmé.

 

B. Maintien à titre précaire

 

__________. Selon l'article 139 LCI :

 

"1. Lorsqu'une construction ou une installation n'est pas conforme à l'autorisation donnée ou si, entreprise sans autorisation, elle n'est pas conforme aux prescriptions légales, le Conseil d'Etat peut la laisser subsister, à titre précaire, si elle ne nuit pas à la sécurité, à la salubrité ou à l'esthétique, moyennant le paiement, en plus de l'amende, d'une redevance annuelle dont il fixe le montant et la durée selon la gravité de l'infraction.

 

2. Cette redevance doit être au moins égale au bénéfice annuel résultant de l'infraction et sa durée ne peut être supérieure à 30 ans. En cas de vente, le nouveau propriétaire est tenu du paiement de cette redevance.

 

3. En cas de retard dans le paiement, la redevance est productive d'intérêts au taux de 5% l'an dès son exigibilité".

 

17. Dans un arrêt ancien, rendu en application de l'ancien article 298 LCI - devenu depuis lors l'article 139 LCI -, le Tribunal fédéral a jugé que cette disposition légale doit permettre d'assouplir les exigences de la loi lorsque, dans un cas particulier, son application stricte se révélerait contraire à l'intérêt public, ou porterait une atteinte excessive aux intérêts d'un propriétaire, sans que l'intérêt public ou l'intérêt des voisins le justifie. Cette disposition donne ainsi à l'autorité exécutive la latitude de s'incliner devant le fait accompli et d'accorder par un acte de souveraineté une dérogation générale quant à la nature des constructions, sans passer par l'enquête publique, comme le prévoit l'article __________ LCI. A cette occasion, le Conseil d'Etat genevois doit examiner la question de savoir si la construction ne nuit pas à la sécurité, à la salubrité ou à l'esthétique. Il est donc tenu d'appliquer une notion juridique imprécise à une situation concrète dépendant, dans une large mesure, des circonstances locales. En pareil cas, le Tribunal fédéral n'intervient qu'avec réserve et ne casse une décision que si l'autorité cantonale a manifestement abusé de son pouvoir d'appréciation (ATF 100 Ia 340, 99 Ia 149/150 consid. 4; ATF D. et F. du 24 janvier 1979).

 

Le Tribunal fédéral a de plus relevé le pouvoir discrétionnaire qui compète à l'autorité exécutive en application de cette disposition légale. A ce sujet, le Tribunal fédéral a rappelé : "Lorsqu'un texte utilise le mot "peut" - comme en l'espèce -, il s'agit fréquemment d'une "Kannvorschrift" qui implique la faculté d'opter entre deux ou plusieurs solutions, c'est-à-dire une véritable liberté d'appréciation (A. GRISEL, Droit administratif suisse, p. __________9; IMBODEN-RHINOW, Verwaltungsrechtsprechung, no 66 IV p. 409/410); mais cette liberté n'est jamais absolue et, lorsqu'il dépasse certaines bornes, son exercice est contraire à l'ordre juridique (RDAF 1974 p. 197; GRISEL, op. cit., p. 171 let. c; IMBODEN-RHINOW, op. cit., no 66 II d p. 406; no 67 II p. 417)" (ATF D. et F. du 24 janvier 1979).

 

18. Dans l'ACE du 21 novembre 2001 présentement discuté, le Conseil d'Etat n'a pas procédé à l'examen des conditions de l'article 139 LCI mais il a fait une référence toute générale aux principes fondamentaux de l'aménagement du territoire. Or, il résulte du texte même de l'article 139 LCI que ce sont précisément les constructions non autorisées ou non autorisables qui peuvent faire l'objet d'un maintien à titre précaire. Le Conseil d'Etat devait donc examiner les conditions spécifiques posées par cette disposition légale.

 

Le pouvoir de cognition du Tribunal administratif étant le même que celui du Conseil d'Etat, il procédera lui-même à l'examen des conditions de la disposition légale pertinente.

 

A cet égard, il est significatif de relever que ces conditions ne sont pas discutées par le département qui au contraire admet, dans la procédure devant le tribunal de céans, que l'agrandissement ne les "viole vraisemblablement pas".

 

Il résulte du texte même de l'article 139 alinéa 1 LCI qu'il ne s'agit pas tant de déterminer si la construction litigieuse peut être admise au regard des principes généraux de l'aménagement du territoire, mais bien de la question de savoir si ladite construction peut être maintenue à titre précaire. Or, la réponse à cette question se déduit de la disposition légale précitée aux termes de laquelle celle-ci peut subsister pour autant qu'elle ne nuise pas à la sécurité, à la salubrité ou à l'esthétique.

 

En l'espèce, on ne voit pas en quoi la construction litigieuse porte atteinte à l'un des trois critères précités. Vu l'absence de toute motivation sur ces conditions spécifiques, le Tribunal administratif relèvera que le recourant a pris les précautions nécessaires pour assurer la salubrité des lieux en prévoyant le raccordement des eaux claires et des eaux usées. Quant au critère de l'esthétique, il fait appel à des notions juridiques imprécises et indéterminées (RDAF 1992 p. 277). Le contenu de telles notions varie selon les conceptions de celui qui les interprète et selon les circonstances de cinq cas d'espèce. C'est dire que ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement (B. KNAPP, Précis de droit administratif, 1982, p. 25; ATA R. du 29 mai 2001). In casu, l'agrandissement du chalet existant emporte la démolition d'une petite cabane et dans cette mesure il contribue à harmoniser l'ensemble des constructions sur cette parcelle. A cet égard, il est compatible avec la condition d'esthétique telle que définie ci-dessus.

 

Dès lors, il apparaît que le principe du maintien à titre précaire doit être admis.

 

19. S'agissant maintenant du montant de la redevance, celle-ci doit être au moins égale au bénéfice annuel résultant de l'infraction (art. 139 al. 2 LCI).

 

En l'espèce, la construction litigieuse est destinée à l'usage de la famille du recourant. Son bénéfice annuel est ainsi moindre. La jurisprudence du Conseil d'Etat en la matière est fort rare. Dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal fédéral de 1979 précité, le Conseil d'Etat avait fixé une redevance annuelle de CHF 10.- pour une durée de dix ans et cela en relation avec le maintien d'une cabane construite par un pêcheur pour y entreposer son matériel. Le Tribunal fédéral avait qualifié ce montant de "non seulement dérisoire, mais contraire à la loi". Il n'avait toutefois pas la compétence de le modifier. En l'espèce, un montant de CHF 1'000.- par an pendant dix ans, soit CHF 10'000.- payables en une seule fois, au plus tard le 31 décembre 2002, apparaît raisonnable.

 

20. Au vu de ce qui précède, le recours contre l'ordre de remise en état et l'amende administrative sera partiellement admis (A/1095/2000).

 

Le recours contre l'arrêté du Conseil d'Etat sera admis (A/1291/2001).

 

21. Vu l'issue du litige, un émolument réduit de CHF 250.- sera mis à la charge du recourant dans la cause A/1095/2000. Il ne lui sera pas alloué d'indemnité.

 

S'agissant de la cause A/1291/2001, il ne sera pas perçu d'émolument. Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à M. S___________ qui agit par le ministère d'un avocat et qui a pris des conclusions dans ce sens.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

préalablement :

 

prononce la reprise de la procédure A/1095/2000;

 

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 3 octobre 2000 par Monsieur S___________ contre la décision du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement du 6 septembre 2000 (A/1095/2000);

 

déclare recevable le recours interjeté le 14 octobre 2000 (sic), réceptionné par le tribunal le 21 décembre 2001, par Monsieur S___________ contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 21 novembre 2001 (A/1291/2001);

 

au fond :

 

admet partiellement le recours A/1095/2000;

 

réduit le montant de l'amende à CHF 10'000.-;

 

le rejette pour le surplus;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 250.- dans la procédure A/1095/2000;

 

admet le recours A/1291/2001;

 

annule l'arrêté du Conseil d'Etat du 21 novembre 2001;

 

prononce le maintien à titre précaire de l'agrandissement du chalet de week-end sis sur la parcelle ___________, feuille __________ de la commune de Puplinge;

 

fixe le montant de la redevance à CHF 1'000.- par an et ce pour une durée de dix ans, soit CHF 10'000.-, payables en une seule fois, au plus tard le 31 décembre 2002;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument pour la cause A/1291/2001;

 

alloue à Monsieur S___________ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'Etat de Genève;

 

dit que conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il est adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

communique le présent arrêt à Me Serge Morosow, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'Etat, au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et à l'office fédéral de l'aménagement du territoire.

 


Siégeants : M. Thélin, président, MM. Paychère, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj.: le président :

 

M. Tonossi Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci