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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/3239/2020

AARP/91/2024 du 12.03.2024 sur JTDP/92/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ABUS DE CONFIANCE;FAUX MATÉRIEL DANS LES TITRES;DIFFAMATION;PREUVE LIBÉRATOIRE;IN DUBIO PRO REO
Normes : CP.138.ch1; CP.173.ch2; CP.172.chter; CP.173.ch1; CP.251.ch1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3239/2020 AARP/91/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 12 mars 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me B______, avocat,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/92/2023 rendu le 25 janvier 2023 par le Tribunal de police,

 

et

C______, partie plaignante, comparant par Me Oliver CIRIC, avocat, TA ADVISORY SA, rue de Rive 3, 1204 Genève,

ORGANISATION INTERNATIONALE D______, partie plaignante, sise ______, comparant par Me Oliver CIRIC, avocat, TA ADVISORY SA, rue de Rive 3, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 25 janvier 2023 par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 du Code pénal [CP)], de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) et de diffamation (art. 173 ch. 1 CP), et l'a acquittée des infractions reprochées en lien avec un détournement de CHF 10'000.-. Le premier juge l'a condamnée à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, à CHF 30.- l'unité, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, aux frais de la procédure et a rejeté ses conclusions en indemnisation.

A______ conclut à son acquittement des chefs d'abus de confiance, de faux dans les titres et de diffamation, à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'État et à l'octroi d'une indemnité en réparation de son tort moral d'un montant de CHF 200.-, avec intérêts à 5% dès le 30 mars 2021.

b.a. Selon l'ordonnance pénale du 10 décembre 2021, A______, qui occupait la fonction d'experte financière et de comptable pour le compte de la société E______ SA, était chargée de la tenue de la comptabilité et de certains aspects administratifs dans la gestion de l'Organisation internationale D______ [ci-après : D______]. Elle utilisait à ce titre le code "D______001". Entre 2015 et 2018, à Genève, elle a commis des fraudes au préjudice de D______, en usant de stratagèmes lui permettant de détourner des liquidités de la petite caisse, fonds qu'elle avait sous sa responsabilité, et en maquillant différentes saisies comptables pour que cela ne se remarque pas.

Il lui est ainsi reproché d'avoir comptabilisé incorrectement 236 opérations comptables dans la petite caisse, détournant un montant total de CHF 29'101.-, notamment en :

-          enregistrant dans le système de comptabilité un retour d'avance de fonds réduit par rapport à celui effectivement rendu par l'employé, la différence étant détournée à son profit ;

-          enregistrant dans le système comptable un montant de dépenses supérieur de l'ordre de CHF 50.- à CHF 200.- à celui déclaré et remboursé par l'employé concerné, la différence étant détournée de la caisse ;

-          déclarant que le montant des frais remboursés était supérieur au montant réellement dépensé par l'employé ;

-          établissant et en se remboursant, à une occasion, une note de frais d'un montant supérieur de CHF 150.- aux justificatifs annexés.

Dans les mêmes circonstances, il lui était reproché d'avoir dissimulé dans un compte de charges de la comptabilité un prêt personnel de CHF 10'000.-, octroyé en sa faveur par D______ en 2015, faits pour lesquels elle a été acquittée.

b.b. Par la même ordonnance pénale, il lui est également reproché d'avoir porté atteinte à la réputation de C______, Secrétaire général adjoint de D______, en écrivant par courriel à plusieurs représentations diplomatiques pour les informer de son dépôt de plainte pénale pour diffamation à l'encontre de celui-ci.

B.                Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.    D______ est une organisation intergouvernementale qui a pour objectif de ______, ainsi qu’à ______.

Le règlement intérieur de D______ n'indique pas si l'Organisation doit tenir une comptabilité, ni quelle norme comptable appliquer. L'art. 84 du Règlement prévoit que toutes les opérations financières de l’Organisation devront être préalablement autorisées par le Secrétaire Général et le Secrétaire Général Adjoint (https://D______.org/fr/______/constitution-et-reglement-intérieur.html).

b. A______ était employée par la société E______ SA et a été placée à 100% dès janvier 2014 à D______ en tant qu'experte financière et responsable de la comptabilité de l'entreprise. Elle a été licenciée en mai 2019.

b.a. Le 14 février 2020, D______ a déposé plainte pénale à l'encontre de A______, notamment pour abus de confiance (art. 138 CP), en raison de fraudes, révélées par un rapport d'audit, commises dans le cadre de son activité d'experte financière et de responsable de la comptabilité au sein de cette Organisation.

b.b. En annexe à sa plainte, D______ a produit un document signé par F______ et G______, directeurs exécutifs de H______ SA, intitulé "Extrait du rapport du 16 novembre 2019 – Constatations en lien avec Mme A______", établi à l'en-tête de H______ SA le 5 décembre 2019 (ci-après "le rapport H______").

Ce document soulève en préambule une problématique liée à la documentation comptable de D______, à savoir que celle-ci était "en général insuffisante, telle que l'utilisation d'une classification non systématique et non chronologique, le stockage des pièces justificatives dans différents entrepôts, l'utilisation d'un index de fournisseur non alphabétique, les factures sans approbation et les copies au lieu des originaux". 111 pièces justificatives étaient manquantes. Il semblait ainsi que D______ ne se conformait pas aux principes comptables, notamment la justification par pièce de chaque enregistrement comptable, en analogie avec le principe de l'art. 957 du Code des obligations (CO).

L'extrait du rapport H______ relève notamment l'identification de trois schémas de fraude en lien avec 209 transactions de caisse (sur un échantillon de 385) totalisant un montant total en CHF 23'263.-. Le premier schéma de fraude lié à ces transactions en espèces consistait, au moyen d'avances de fonds, à enregistrer dans la comptabilité un retour d'avance réduit par rapport à celui effectivement rendu par l'employé, la différence pouvant ainsi être subtilisée de la caisse. Le deuxième schéma de fraude était lié aux notes de frais et consistait à enregistrer dans le système comptable un montant de dépenses supérieur – de l'ordre de CHF 50.- à CHF 200.- – à celui déclaré et remboursé par l'employé concerné, la différence pouvant ainsi être subtilisée de la caisse. Le troisième schéma de fraude, identifié pour une seule occurrence, liée à une note de frais de A______ elle-même, avait consisté à déclarer que le montant des frais à rembourser était supérieur au montant réellement dépensé, permettant la soustraction de CHF 150.-. H______ SA relevait encore que A______ tenait la comptabilité sans aucune supervision ni revue régulière au cours de l'année par la direction de D______ et recommandait de mettre en œuvre des journaux de caisse ainsi qu'une procédure relative aux dépenses en espèces, soit le processus lié aux avances de fonds et la documentation et la validation des notes de frais. Par ailleurs, parmi les écritures pour lesquelles l'auditeur H______ SA n'avait pas pu récupérer de pièces justificatives, 57 contenaient de la fraude, parmi lesquelles des écritures de caisse suivant le deuxième schéma, soit un montant supplémentaire de fraude de CHF 5'838.-, portant le montant total à CHF 29'101.- ; les mesures correctives recommandées étaient du même ordre.

L'extrait du rapport H______ est complété par deux tableaux excel : le premier nommé "I10_Summary" (Detail testing - frauds identified) accompagné des pièces justificatives I100 à I103, le second intitulé "H10_Summary" (related parties - fraud identifies), accompagné des pièces justificatives H100 à H543.

Il ressort de ces tableaux que les opérations frauduleuses, réalisées entre le 2 juin 2015 et le 7 mars 2019, portent sur des montants oscillant entre CHF 20.- et CHF 250.-, excepté les six opérations suivantes portant sur des montants de :

-          CHF 389.85, document daté du 11 avril 2016 et écriture du 31 mai 2016 (tableau H10_Summary) ;

-          CHF 415.04, document daté du 20 avril 2017 et écriture du 7 juin 2017 (tableau H10_Summary) ;

-          CHF 407.82, document daté du 12 mai 2017 et écriture du 6 juin 2017 (tableau H10_Summary) ;

-          CHF 388.40, document daté du 22 novembre 2017 et écriture du 4 janvier 2018 (tableau H10_Summary) ;

-          CHF 405.-, document daté du 8 juin 2018 et écriture du 18 juillet 2018 (tableau I10_Summary) ;

-          CHF 883.61, document daté du 8 octobre 2018 et écriture du 22 février 2019 (tableau H10_Summary).

b.c. Le 10 mars 2021, la police a entendu en qualité de personnes appelées à donner des renseignements G______, expert-comptable au sein de H______ SA, et I______, consultant pour le même employeur, qui ont participé à l'audit de D______. Ces derniers ont expliqué que H______ SA était une firme d'audit accréditée auprès de l'autorité de surveillance ASR à Berne, possédant toutes les accréditations, y compris pour les audits de sociétés cotées en bourse, et l'agrément de la FINMA permettant l'audit de sociétés financières, telles les banques et assurances. Selon le mandat d'audit confié par D______, ils devaient globalement examiner la comptabilité pour les années 2014 à 2018, en se focalisant sur les transactions réalisées en lien avec notamment A______. Ils ont précisé que la précitée utilisait le profil "D______001" (recte) sans pour autant pourvoir affirmer qu'elle en était la seule utilisatrice.

c. Selon un rapport du 7 avril 2021, la Brigade financière a obtenu les données relatives au contrôle des comptes de D______ et a confirmé les explications de H______ SA et les totaux de CHF 23'263.31 (pour 172 opérations de caisse comptabilisées) ainsi que CHF 5'837.52 (pour 64 opérations de caisse comptabilisées).

d. Le 4 août 2021, C______ a déposé plainte pénale à l'encontre de A______ pour diffamation (art. 173 al. 1 CP) et dénonciation calomnieuse (art. 303 CP). La précitée avait envoyé un courriel le 22 juillet 2021 à la Mission permanente de la République de J______ auprès des Nations Unies entres autres, informant les destinataires que le 3 mai 2021, elle avait déposé plainte pénale pour diffamation contre C______ et D______, et que la procédure était en cours.

e. A______ a été entendue par la police, par le Ministère public (MP) puis en audience de jugement. Elle a tout au long de ses auditions persisté à contester les faits et infractions reprochés.

Elle était seule en charge de la comptabilité de D______ depuis septembre 2013, d'abord sous la forme d'une location de services de la société K______, puis dès février 2014, en qualité d'employée de la société E______ SA, elle-même mandatée pour la tenue de la comptabilité de D______. Elle n'avait jamais volé un centime à l'Organisation. H______ SA n'avait pas tenu compte dans son rapport du fait qu'elle payait les factures qui arrivaient sur son bureau après avoir été vérifiées et signées par L______, vice-secrétaire de D______, et que l'enregistrement de ces dernières était automatique. Elle était la seule à comptabiliser les opérations de D______ dans le système comptable. Le nom d'utilisateur "D______001" lui était attribué. Lorsqu'il y avait un problème avec le système Abacus, elle appelait E______ SA, qui avait un contrat de maintenance dudit système et pouvait procéder à une correction ou modification avec notamment le code "001". Seul le responsable informatique ("IT guy") connaissait également son mot de passe.

Elle ignorait l'intérêt de l'auditeur externe H______ SA à faire de faux constats, notamment sur un détournement de liquidités de CHF 29'101.-, mais observait que celui-ci était intervenu à la suite de circonstances particulières, à savoir que depuis octobre 2018 et le départ de M______, alors Secrétaire général de D______, et jusqu’à son propre licenciement, il y avait eu des problèmes de gestion et le Secrétaire général qui venait de partir avait été accusé de mauvaise gestion. H______ SA était intervenue en son absence, après son licenciement, lequel avait été très rapide et sans transition, alors qu'elle était la seule personne en charge de la comptabilité, et elle ignorait quels documents avaient été transmis à l'auditeur.

Elle admettait être l'auteure du courriel incriminé, adressé à plusieurs représentations diplomatiques en juillet 2021 pour les informer qu'elle avait déposé plainte pour diffamation à l'encontre de C______. Elle l'avait envoyé parce que les nouveaux dirigeants de D______ avaient continué à l’intimider et qu’ils avaient déposé une seconde plainte contre elle le 13 août 2020. D______ avait utilisé le rapport de H______ SA pour répandre des accusations de fraudes contre elle, devant tous les États membres du Conseil exécutif de D______. Les destinataires de son courriel étaient ceux qui avaient été informés des fraudes dont on l’accusait ; cet écrit était destiné à informer les États membres qu'elle-même avait déposé une plainte en diffamation s’agissant des accusations portées contre elle.

f. Entendu par le MP, C______ a indiqué que le rapport H______ avait coûté plus de CHF 200'000.- Les comptes étaient révisés par une fiduciaire lors de contrôles restreints, lesquels n'avaient fait mention d'aucune réserve concernant des fautes de comptabilité.

g. Sur réquisition de preuves, D______ a notamment produit des extraits du Grand Livre relatifs aux comptes Caisse pour les exercices 2015 à 2018 ainsi que les rapports du réviseur N______ SA concernant les comptes pour les exercices 2015 à 2018. Il en ressort que la comptabilité et les comptes annuels sont conformes à l'acte de constitution et au règlement financier, sous réserve d'un poste à l'actif du bilan "créances États-membres".

Il est précisé en préambule de chaque rapport que la révision effectuée permet de constater des anomalies significatives dans les comptes annuels pris dans leur ensemble en procédant à des analyses et à des examens par sondages.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

L'ordonnance pénale du 10 décembre 2021 ne mentionnait pas le détail, la date, le montant, l'intitulé ou les caractéristiques de chacune des 236 opérations comptables auxquelles elle faisait référence, ni n'indiquait en quoi chacune de ces opérations constituait une fraude. À la lecture dudit acte, elle n'était pas en mesure de comprendre quelles informalités lui étaient précisément reprochées. Le MP n'avait retenu que 236 opérations incorrectes sur les 266 décrites par H______ SA, sans indiquer lesquelles n'avaient pas été retenues, ni pour quelles raisons. La maxime d'accusation avait ainsi été violée et elle devait être acquittée d'abus de confiance. Le Tribunal avait retenu la valeur probante de l'audit réalisé par la société H______ SA alors qu'il s'agissait d'une expertise privée, mandatée par une organisation internationale suite au changement de son Secrétaire Général et du "tumulte médiatique" qui l'avait accompagné, facturé plusieurs centaines de milliers de francs. Le but de cet audit était vraisemblablement de jeter l'opprobre sur A______, sans tenir compte des éléments à décharge. Lors de son propre examen, la police avait été dépendante de la production de pièces par D______, les locaux de cette dernière ne pouvant pas être perquisitionnés. Il était tout à fait possible que D______ n'ait pas produit de pièces qui contrediraient ou complèteraient les constatations de H______ SA et permettraient ainsi de comprendre les prétendues différences constatées. D'ailleurs, H______ SA avait indiqué que 111 pièces n'avaient pas été retrouvées, soit autant de pièces qui permettraient de disculper A______. Le tableau "I10_Summary" se rapportait à des comptes caisses 1221, 1222 et 1223, qui n'avaient pas été versés à la procédure, de sorte qu'il n'était pas possible de vérifier les éléments y relatifs. Il existait également des remboursements qui n'avaient pas été suffisamment détaillés dans les comptes caisses et qui n'avaient ainsi certainement pas été pris en compte par H______ SA. L'identifiant "D______001", utilisé par A______, l'avait été aussi par E______ SA et l'"IT guy" connaissait le mot de passe. Il ne pouvait ainsi être établi que toutes les écritures avaient été réalisées par elle-même. Les révisions effectuées annuellement par N______ SA n'avaient jamais mis en évidence d'informalités. A______ avait également pu commettre des erreurs, de manière involontaire et sans volonté de soustraire le moindre centime. Ainsi, il demeurait un doute sérieux et insurmontable qui devait conduire à l'acquittement du chef d'abus de confiance. Si une telle infraction devait toutefois être retenue, il existait un empêchement de procéder devant conduire à son classement ; les infractions reprochées, découlant d'une volonté de "l'occasion", ne résultaient pas d'une unité d'action. Ces dernières devaient être punies individuellement de l'amende en vertu de l'art. 172ter CP et, ayant été commises entre 2015 et 2018, la prescription était atteinte au moment du jugement du TP.

Aucune fraude ne pouvant être reprochée à A______, il ne pouvait être retenu une infraction de faux dans les titres à son égard. Subsidiairement, D______ n'était, selon ses statuts, pas tenue de respecter une norme comptable particulière, si bien que l'art. 957 CO ne trouvait pas application et qu'en conséquence, la comptabilité de l'Organisation ne constituait aucunement un titre. A______ ne pouvait ainsi pas être reconnue coupable d'infraction de faux dans les titres.

Elle contestait avoir rédigé le courriel du 22 juillet 2021 dans un dessein de nuire ; elle souhaitait "laver son honneur" et se défendre en envoyant ledit courriel à des individus qui avaient connaissance des poursuites pénales dont elle faisait l'objet, à tort. Elle ne pouvait ainsi pas être reconnue coupable de diffamation, au vu de la réalité de ses propos.

Au vu de l'acquittement total devant être prononcé à son égard et à la durée de son audition à la police, plus de trois heures, une indemnité de CHF 200.-, avec intérêt à 5% dès le 30 mars 2021, devait lui être allouée par l'État, à titre de réparation de son tort moral.

c.a. D______ conclut à la confirmation du jugement entrepris, au rejet des conclusions en indemnisation de A______ et à la condamnation de celle-ci aux frais de la procédure d'appel.

Lors de ses auditions, l'intéressée était représentée par un conseil expérimenté, assistée d'un interprète et ainsi en mesure de comprendre les faits reprochés, sur lesquels elle avait pu s'exprimer et se déterminer devant les différentes autorités. Le MP avait retenu 236 opérations incorrectes sur les 266 relevées par le rapport d'audit en agissant conformément à la jurisprudence, soit en retenant les éléments constitutifs des infractions réalisées suite à un examen minutieux des pièces justificatives et en appliquant la présomption d'innocence quant aux 30 opérations ne figurant pas dans l'ordonnance pénale. H______ SA n'avait pas pu se procurer 111 pièces justificatives en raison d'une documentation insuffisante, d'une classification non systématique et non chronologique, du stockage insuffisant des pièces justificatives dans différents entrepôts, de l'utilisation d'un index de fournisseurs non alphabétique, de factures sans approbation et de la présence de copies au lieu d'originaux. H______ SA était une société internationale présente dans plus de 95 pays et comptant plus de 47'000 professionnels, dont 400 en Suisse, et dont l'expertise était confirmée depuis plus de 70 ans. Cette société avait été informée en amont du contexte dans lequel le rapport d'audit devait être effectué. Il n'y avait ainsi aucun élément permettant de douter de l'impartialité de H______ SA. Contrairement à ce qu'elle arguait dans son mémoire d'appel, A______ avait indiqué durant l'instruction que ses identifiants étaient connus par des tiers uniquement après son licenciement et que pour pouvoir accéder au système de comptabilité, il était nécessaire de détenir son SwissID personnel, qu'il était difficile d'obtenir. Elle avait également précisé qu'elle était la seule à comptabiliser les opérations de D______ dans le logiciel de comptabilité.

Étant une employée qualifiée et expérimentée, A______ ne pouvait pas raisonnablement prétendre avoir commis involontairement "quelques erreurs" en détournant CHF 29'101.- par le biais de 236 opérations comptables, sur une période allant de 2015 à 2018. À cet égard, il ne pouvait être retenu que les faits reprochés, espacés dans le temps, découlaient d'une "volonté de l'occasion" et ne formaient pas une unité d'action. La situation financière difficile de l'intéressée était en outre une indication évidente de son mobile.

D______ avait établi une comptabilité et soumettait ses comptes annuels à un réviseur, si bien que celle-ci jouissait d'une force probante accrue, ce d'autant plus que D______ devait rendre des comptes à ses États membres et contributeurs. En raison de son statut et de sa crédibilité mondiale, l'Organisation était en outre obligée de tenir une comptabilité commerciale exacte et transparente.

Les accusations à l'encontre de A______ étaient fondées et établies, si bien que le courrier que celle-ci admettait avoir envoyé le 22 juillet 2021 à des tiers, laissant croire que C______ l'avait diffamée, n'avait d'autre but que de nuire à la réputation du précité.

c.b. D______ dépose le procès-verbal de l'audience de débats principaux du 15 novembre 2023 devant le Tribunal des Prud'hommes, duquel il ressort que :

- L______ a déclaré que le rapport établi par la société H______ SA était "indépendant à 1'000% et non orienté" et qu'il était "exact que le réviseur aux comptes de D______ [avait] confirmé chaque année que les comptes pouvaient être approuvés" sans jamais signaler, à sa connaissance, de problème en lien avec la tenue de ces derniers. Il ignorait si "le réviseur aux comptes avait tous les documents comptables". Il a expliqué que selon lui "dès aout 2018, une campagne de désinformation [avait] été menée contre M______ par ses collaborateurs les plus favorisés et le président du conseil exécutif".

- O______, ancienne secrétaire au sein de D______, a expliqué qu'à sa connaissance, "le conseil exécutif [avait] toujours approuvé les comptes révisés par N______ SA" et qu'elle supposait que l'organe de révision avait accès à l'ensemble des documents utiles. Elle a précisé que "c'était une période assez difficile" et qu'un article paru dans [le journal] P______, qu'elle avait trouvé "bizarre", "dénigrait autant D______ que M______".

d.a. A______ réplique indiquant que si, selon la partie plaignante, le MP n'avait pas poursuivi certaines informalités en raison de la présomption d'innocence, il avait violé la maxime d'accusation en ne mentionnant pas dans son ordonnance pénale quelles informalités il avait décidé de classer. Elle n'était ainsi pas en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles le MP avait décidé d'abandonner l'accusation concernant certains faits. Le rapport H______ avait été demandé dans un contexte de "putsch", mandaté, pour plusieurs centaines de milliers de francs, par une organisation internationale, soit un lieu où les luttes de pouvoirs existaient, et ne tenait pas compte des éléments à décharge. Il existait un doute irréductible et insurmontable quant à la véracité de ce rapport d'expertise. Il était rappelé que, selon le rapport H______, 111 pièces justificatives étaient manquantes alors que celles-ci auraient pu la disculper.

d.b. Selon D______, A______ n'apportait aucune preuve ni aucun élément tendant à remettre en question l'expertise indépendante réalisée par la société H______ SA. Cette dernière avait relevé un nombre important d'opérations frauduleuses sur la base de la documentation fournie. La découverte des 111 pièces soi-disant manquantes pourrait, au contraire de ce qu'indiquait A______, aggraver les accusations portées à son encontre, étant précisé qu'étant seule en charge de la tenue de la comptabilité, l'absence de ces pièces relevait uniquement d'un manque de diligence de sa part. L'audit réalisé par N______ SA était limité et restreint, soit non adapté pour relever des malversations.

e. Le MP conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, auquel il se réfère intégralement.

D. A______, née le ______ 1953, est de nationalité américaine, célibataire et sans enfant à charge. Elle vit en Suisse depuis 1995 et est au bénéfice d'un permis C depuis 2000. Elle est titulaire d’un MBA de l’Université de Q______ (Etats-Unis). Retraitée, elle perçoit mensuellement entre CHF 3'600.- et 3'700.- net à titre de rente, son loyer est de CHF 2'300.- et son assurance maladie, en CHF 530.-, est prise en charge par le Service des prestations complémentaires. Elle n'a pas de fortune mais des dettes de cartes de crédit pour environ CHF 28'000.- au total.

Elle n'a pas d'antécédent judiciaire.

E. Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant 11h45 d'activité d'associé, dont 30 minutes d'"Examen du dossier", 1h00 pour "Examen du dossier en vue de la déclaration d'appel" et 30 minutes au titre de "Examen du dossier (suite nouveaux éléments)", étant précisé que 2 heures d'activité ont été réalisées en janvier 2024.

En première instance, il a été rémunéré pour plus de 54 heures d'activité.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1. L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation, laquelle découle également des art. 29 al. 2 et 32 al. 2 de la Constitution fédérale [Cst.] (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et 6 par. 3 let. a de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales [CEDH] (droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation).

Selon ce principe, l'acte d'accusation définit l'objet du procès (fonction de délimitation). Une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le Ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. Il doit décrire les infractions qui sont imputées au prévenu de façon suffisamment précise pour lui permettre d'apprécier, sur les plans subjectif et objectif, les reproches qui lui sont faits (cf. art. 325 CPP). En effet, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et quelles sont les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 143 IV 63 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_834/2018 du 5 février 2019 consid. 1.1).

Selon l'art. 325 al. 1 CPP, l'acte d'accusation désigne notamment les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur ainsi que les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du Ministère public. En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du Ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu (ATF 143 IV 63 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_665/2017 du 10 janvier 2018 consid. 1.1 ; 6B_166/2017 du 16 novembre 2017 consid. 2.1 ; 6B_275/2016 du 9 décembre 2016 consid. 2.1). Des imprécisions relatives au lieu ou à la date sont sans portée, dans la mesure où le prévenu ne peut avoir de doute sur le comportement qui lui est reproché (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1185/2018 du 14 janvier 2019 consid. 2.1). Lorsque par la voie de l'opposition, l'affaire est transmise au tribunal de première instance, l'ordonnance pénale tient lieu d'acte d'accusation (art. 356 al. 1 CPP).

La description des faits reprochés dans l'acte d'accusation doit être précise et complète mais concise (ATF 140 IV 188 consid. 1.4). Celui-ci ne poursuit pas le but de justifier ni de prouver le bien-fondé des allégations du Ministère public, qui sont discutées lors des débats (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1023/2017 du 25 avril 2018 consid. 1.1, non publié in ATF 144 IV 189 ; 6B_1185/2018 du 14 janvier 2019, consid. 2.1)

L'acte d'accusation doit permettre, à sa lecture, de comprendre les faits et les infractions qui sont reprochés au prévenu, et à celui-ci d'exercer efficacement ses droits à la défense. Il n'est pas une fin en soi, mais un moyen de circonscrire l'objet du procès pénal et de garantir l'information de l'accusé, afin que celui-ci ait la possibilité de se défendre et doit ainsi décrire précisément les infractions reprochées, tant sur le plan objectif que subjectif. Il faut se garder de tout formalisme excessif dans les exigences formulées à l'égard de l'acte d'accusation lequel n'est pas un jugement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_799/2014 du 11 décembre 2014 in Forumpoenale 5/2015 p. 262).

Le fait de regrouper, dans l'acte d'accusation, plusieurs infractions de même catégorie ne constitue pas une violation de l'art. 325 CPP, aussi longtemps que tous les faits qui correspondent aux éléments constitutifs des infractions envisagées sont mentionnés (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1297/2017 du 26 juillet 2018 consid. 4.1 ; 6B_666/2015 du 27 juin 2016 consid. 1.3.3).

2.2. En l'espèce, l'ordonnance pénale du 10 décembre 2021 reproche à l'appelante 236 opérations frauduleuses commises entre 2015 et 2018 par lesquelles elle a "us[é] de stratagèmes lui permettant de détourner des liquidités de la petite caisse fonds qu'elle avait sous sa responsabilité, tout en maquillant différentes saisies comptables pour que cela ne se remarque pas", puis énumère quatre méthodes utilisées par l'appelante au cours desquelles elle aurait procédé à des enregistrements incorrects dans le système de comptabilité. Au vu de l'importance du nombre d'agissements litigieux, il ne peut être reproché au MP d'avoir regroupé les infractions de même catégorie, afin que l'ordonnance pénale reste lisible. Des imprécisions quant à la date de commission des infractions sont sans portée, d'autant plus que la période pénale est suffisamment circonscrite, et les opérations ont été catégorisées en quatre groupes, chacun expliquant en détail le mode opératoire reproché. Au terme de l'instruction, l'ordonnance pénale retient 236 opérations frauduleuses, soit le nombre d'opérations indiqué dans le rapport de la Brigade financière, et un montant total détourné de CHF 29'101.-, soit le montant figurant dans le rapport H______, et également confirmé par la Brigade financière. Ainsi, contrairement à ce qu'elle argue, l'appelante ne pouvait avoir de doute sur les comportements qui lui étaient reprochés, sur lesquels elle s'est déterminée à plusieurs reprises, et a pu exercer efficacement son droit à la défense.

L'ordonnance pénale remplit ainsi sa fonction de délimitation et d'information, de sorte qu'un classement concernant la totalité des faits d'abus de confiance ne saurait être prononcé.

L'appel est rejeté sur ce point.

3. 3.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

3.2. Les résultats issus d'une expertise privée sont soumis au principe de la libre appréciation des preuves et sont considérés comme des simples allégués de parties (ATF 142 II 355 consid. 6 ; 141 IV 369 consid. 6).

3.3.1. Commet un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers, des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées.

Sur le plan objectif, l'infraction suppose qu'une valeur ait été confiée, autrement dit que l'auteur ait acquis la possibilité d'en disposer, mais que, conformément à un accord (exprès ou tacite) ou un autre rapport juridique, il ne puisse en faire qu'un usage déterminé, en d'autres termes, qu'il l'ait reçue à charge pour lui d'en disposer au gré d'un tiers, notamment de la conserver, de la gérer ou de la remettre (ATF 133 IV 21, consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_613/2016 et 6B_627/2016 du 1er décembre 2016 consid. 4). Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1). Bien que cet élément ne soit pas explicitement énoncé à l'art. 138 CP, la disposition exige que le comportement adopté par l'auteur cause un dommage, qui représente en l'occurrence un élément constitutif objectif non écrit (ATF 111 IV 19 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_972/2018 du 20 novembre 2018 consid. 2.1).

Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ATF 118 IV 27 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_356/2016 du 6 mars 2017 consid. 2.1).

3.3.2. Le cas est atténué lorsque l’auteur ne visait qu’un élément patrimonial de faible valeur conformément à l'art. 172ter al. 1 CP. Dans ce cas, l’abus de confiance est une contravention et l’auteur peut être puni de l’amende (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n 60 ad art. 138).

3.3.3. Il y a unité naturelle d'action lorsque des actes séparés procèdent d'une décision unique et apparaissent objectivement comme des évènements formant un ensemble en raison de leur relation étroite dans le temps et dans l'espace. Ainsi, l'unité naturelle d'action vise la commission répétée d'infractions ‑ par exemple, une volée de coups ‑ ou la commission d'une infraction par étapes successives ‑ par exemple, le sprayage d'un mur avec des graffitis pendant plusieurs nuits successives ‑ une unité naturelle étant cependant exclue si un laps de temps assez long s'est écoulé entre les différents actes, quand bien même ceux-ci seraient liés entre eux (ATF 132 IV 49 consid. 3.1.1.3 et 131 IV 83 consid. 2.4.5).

Les infractions en série, comme des vols ou des abus de confiance successifs, doivent être considérées comme une pluralité d’infractions dont chacune sera sanctionnée à titre individuel, le cas échéant en appliquant l'art. 172ter CP si ces valeurs individuelles sont inférieures à CHF 300.- (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n 16 ad art. 172ter).

Ainsi, il a été jugé que ne formaient pas une unité naturelle d'action plusieurs dizaines de détournements de fonds distincts sur une période de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1248/2019 du 17 décembre 2019, consid. 4.3 ; AARP/128/2020 du 24 mars 2020, consid. 2.8) ou encore 14 abus de confiance répartis sur 14 mois et espacés de quelques jours à quelques mois (arrêt du Tribunal fédéral 6B_25/2008 du 9 octobre 2008 consid. 3).

3.3.4. L'action pénale en cas de contravention se prescrit par trois ans (art. 109 CP).

3.3.5. En l'espèce, le rapport de l'audit effectué par H______ SA constitue une expertise privée et ainsi un élément de preuve à analyser parmi d'autres. Les arguments avancés par l'appelante afin de mettre en doute l'impartialité de H______ SA ne convainquent pas. H______ SA, informée en amont du contexte dans lequel le rapport était demandé, soit de la forte suspicion éprouvée par la nouvelle équipe dirigeante de D______ à l'égard de la précédente gouvernance, disposait de toutes les qualifications et accréditations nécessaires, si bien qu'elle possédait les compétences idoines pour s'acquitter de son mandat. Malgré les nombreuses pièces justificatives manquantes dans la comptabilité de D______, cette société a été en mesure de réaliser l'audit, sans émettre de supposition. En outre, on peine à comprendre pourquoi D______ aurait dépensé plus de CHF 200'000.- pour obtenir un rapport d'audit faussé, uniquement dans le but de "jeter l'opprobre" sur l'appelante. La Brigade financière, une fois en possession des pièces nécessaires, a été en mesure d'approuver le rapport d'audit de H______ SA et de confirmer les totaux. Ainsi, la théorie du complot avancée par l'appelante ne repose sur aucun élément objectif et il n'existe pas de raison pertinente de s'écarter des conclusions du rapport H______, qui décrivent avec précision les manquements et fraudes dans la tenue de la comptabilité de caisse de D______.

Les comptes de D______ étaient annuellement soumis au réviseur N______ SA dont les rapports n'ont pas mis en évidence les manquements reprochés à l'appelante. Il appert toutefois à la lecture de ces rapports que le contrôle effectué était restreint, comme l'a indiqué C______, et que les comptes de caisses n'ont pas été analysés en détail. Or, le montant détourné s'élevant à CHF 29'101.- sur plus de quatre ans, il est tout à fait envisageable que l'analyse effectuée par l'organe de révision, portant sur les comptes pris dans leur ensemble et se concentrant sur des anomalies significatives, ne les ait pas mis en exergue, contrairement à l'audit H______ SA, effectué de manière beaucoup plus approfondie.

Ainsi, les faits en lien avec des dizaines d'occurrences réparties en trois schémas de fraude, l'enregistrement d'écritures ne correspondant pas à la réalité et le détournement d'espèces à concurrence de CHF 29'101.- au total, tels que décrits dans le rapport H______, sont établis.

L'appelante conteste les faits et argue que ses nom d'utilisateur et mot de passe étaient connus d'autres personnes et qu'elle n'était ainsi pas la seule à entrer des données dans le système comptable. Or, il ressort de ses déclarations détaillées, mais également du rapport H______, que depuis septembre 2013 et jusqu'à son licenciement en 2019, elle était seule en charge de la comptabilité de D______. Elle a indiqué être la seule à enregistrer les opérations comptables dans le système et que le code "D______001" lui était attribué à elle-seule. Elle a certes expliqué qu'en cas de soucis, E______ SA pouvait modifier les écritures sur sa demande avec le code 001 et que l'"IT GUY" connaissait son mot de passe, et qu'ils pouvaient ainsi être les auteurs des écritures. Mais on peine à comprendre quel aurait été l'intérêt de E______ SA et du responsable informatique et comment ils auraient pu agir sans disposer des justificatifs comptables, en mains de l'appelante. Elle a également argué que le vice-secrétaire vérifiait toutes les factures avant de les signer. Cette procédure de vérification ne l'empêchait toutefois pas, a posteriori, d'entrer dans le système comptable des chiffres inexacts, ne correspondant pas à ceux mentionnés sur les factures.

La Cour est ainsi d'avis que l'appelante a intentionnellement effectué l'intégralités des opérations frauduleuses mentionnées dans l'ordonnance pénale du 10 décembre 2021, à l'exception de celle en lien avec un détournement de CHF 10'000.- pour laquelle elle a été acquittée, prélevant régulièrement de petits montants afin de s'enrichir. Elle s'est dès lors rendu coupable d'abus de confiance.

Au vu de la jurisprudence citée, en cas d'abus de confiance répétés, il n'y a pas d'unité naturelle d'action, mais des actes distincts, devant être sanctionnés individuellement. Afin d'analyser si l'art. 172ter CP trouve application, il ne faut dès lors pas se fonder sur le montant total détourné, mais sur le montant de chaque abus de confiance réalisé.

En l'espèce, six opérations frauduleuses portent sur des montants dépassant individuellement CHF 300.- (les écritures des 31 mai 2016, 6 et 7 juin 2017, 4 janvier 2018, 18 juillet 2018 et 22 février 2019) et ne peuvent ainsi pas être considérées comme des cas de peu d'importance. L'appelante sera dès lors reconnue coupable de six cas d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 al. 2 CP).

Les autres infractions reprochées portent en revanche sur des montants inférieurs à CHF 300.- et sont sujettes à l'art. 172ter CP. Commises entre avril 2015 et octobre 2018, ces infractions sont aujourd'hui prescrites – elles l'étaient déjà lors des débats de première instance – et feront l'objet d'un classement (art. 329 al. 4 et 5 CPP).

Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

3.4.1. L'art. 251 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre. Cette disposition vise tant le faux matériel, qui consiste dans la fabrication d'un titre faux ou la falsification d'un titre, que le faux intellectuel, à savoir la constatation d'un fait inexact en ce sens que la déclaration contenue dans le titre ne correspond pas à la réalité.

Le faux intellectuel vise l'établissement d'un titre qui émane de son auteur apparent, mais qui est mensonger dans la mesure où son contenu ne correspond pas à la réalité. Un simple mensonge écrit ne constitue pas un faux intellectuel punissable. La confiance que l'on peut avoir à ne pas être trompé sur la personne de l'auteur est plus grande que celle que l'on peut avoir à ce que l'auteur ne mente pas par écrit. Pour cette raison, même si l'on se trouve en présence d'un titre, il est nécessaire, pour que le mensonge soit punissable comme faux intellectuel, que le document ait une capacité accrue de convaincre, parce qu'il présente des garanties objectives de la véridicité de son contenu. Sa crédibilité doit être accrue et son destinataire doit pouvoir s'y fier raisonnablement. Il doit résulter des circonstances concrètes ou de la loi que le document est digne de confiance, de telle sorte qu'une vérification par le destinataire n'est pas nécessaire et ne saurait être exigée (ATF 144 IV 13 consid. 2.2.3 ; ATF 142 IV 119 consid. 2.1 ; ATF 138 IV 130 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_55/2017 du 24 mars 2017 consid. 2.2). Il a ainsi été déduit sous l'empire de l'ancien droit comptable, du fait que les articles 957 et 963 CO définissent le contenu des documents de comptabilité commerciale, que ceux-ci (pièces justificatives, livres, extraits de compte, bilans ou comptes de résultat) étaient des titres aptes à prouver l'exactitude de la situation et des opérations qu'ils présentent (ATF 132 IV 15 consid. 8.1 ; 129 IV 130 consid. 2.2) et que, même non prescrite par la loi, mais tenue sur une base volontaire pour atteindre les buts visés à l'art. 957 CO, une comptabilité demeurait un titre d’une valeur probante accrue, susceptible donc de constituer un faux dans les titres, à la condition (i) qu’elle soit tenue dans un contexte économique ou commercial et (ii) comprenne des livres et justificatifs exhaustifs, et permette dès lors la constatation de la situation financière
(ATF 125 IV 17 consid. 2b/aa ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 85 ad art. 251). Depuis l'entrée en vigueur du nouveau droit comptable, une partie de la doctrine estime que l'extension du domaine de l'obligation comptable, et la modulation de son intensité en fonction des besoins réels, justifient de renoncer à l'incrimination de faux dans les titres dans la mesure où la comptabilité est tenue sur une base volontaire. Ces auteurs estiment également que, lorsque, ou dans la mesure où, la comptabilité est tenue de façon si lacunaire ou irrégulière qu’elle ne donne même plus l’apparence de l’image exacte et complète de la situation économique réelle qu’elle est censée fournir, un faux intellectuel est exclu (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 86 et 87 ad art. 251 ; RINGELMANN C., in Ackermann/Heine, Wirtschaftsstrafrecht, § 18 n. 36).

Sur le plan subjectif, le faux dans les titres est une infraction intentionnelle.

3.4.2. Pour dissimuler les nombreux détournements opérés dans la petite caisse, l'appelante a enregistré dans le système de comptabilité des écritures dont le montant n'était pas conforme à la réalité. D______ n'est pas tenu, selon le CO, d'établir une comptabilité ; elle l'a fait sur une base volontaire. Si l'on suit l'avis doctrinal cité supra, une telle comptabilité ne saurait constituer un titre. De plus, il est vrai que D______ soumet annuellement sa comptabilité à un réviseur, mais pour un contrôle restreint, se concentrant davantage sur les contributions et frais des États membres. Le rapport H______ soulève une réelle problématique au niveau de la documentation comptable : la comptabilité est établie de manière lacunaire, de nombreux justificatifs sont manquants. On ne saurait ainsi affirmer que D______ tient une comptabilité exhaustive permettant de donner une image globale exacte de sa situation économique.

La comptabilité de D______ ne pouvant être considérée comme un titre, aucune infraction de faux dans les titres ne saurait être retenue à l'encontre de l'appelante, qui sera ainsi acquittée de cette infraction.

Le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

3.5.1. L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, ou aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon.

Cette disposition protège la réputation d'être une personne honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. Il faut donc que l'atteinte fasse apparaître la personne visée comme méprisable (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.1 ; 119 IV 44 consid. 2a). Dans le domaine des activités socio-professionnelles, il ne suffit pas de dénier à une personne certaines qualités, de lui imputer des défauts ou de l'abaisser par rapport à ses concurrents. En revanche, il y a atteinte à l'honneur, même dans ces domaines, si on évoque une infraction pénale ou un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises (arrêt du Tribunal fédéral 6B_226/2019 du 29 mars 2019 consid. 3.3 ; ATF 116 IV 205 consid. 2 et 103 IV 161 consid. 2). Ainsi, le fait d'accuser une personne d'avoir commis un crime ou un délit intentionnel entre dans les prévisions de l'art. 173 ch. 1 CP (ATF 132 IV 112 consid. 2.2 ; 118 IV 248 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_138/2008 du 22 janvier 2009 consid. 3.1).

Du point de vue subjectif, l'art. 173 ch. 1 CP exige que l'auteur ait eu conscience du caractère attentatoire à l'honneur de ses propos et qu'il les a néanmoins proférés (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.6).

L'inculpé n'encourra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies (art. 173 ch. 2 CP).

L'inculpé qui a allégué la commission d'une infraction doit en principe apporter la preuve de la vérité par la condamnation pénale de la personne visée
(ATF 132 IV 112 consid. 4.2).

L'inculpé ne sera pas admis à faire ces preuves et sera punissable si ses allégations ont été articulées ou propagées sans égard à l'intérêt public ou sans autre motif suffisant, principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui, notamment lorsqu'elles ont trait à la vie privée ou à la vie de famille (art. 173 ch. 3 CP). La jurisprudence et la doctrine interprètent de manière restrictive ces conditions. En principe, l'accusé doit être admis à faire les preuves libératoires et ce n'est qu'exceptionnellement que cette possibilité doit lui être refusée. Pour que les preuves libératoires soient exclues, il faut, d'une part, que l'accusé ait tenu les propos attentatoires à l'honneur sans motif suffisant (d'intérêt public ou privé) et, d'autre part, qu'il ait agi principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui. Ces deux conditions doivent être réalisées cumulativement pour refuser les preuves libératoires. Ainsi, l'accusé sera admis aux preuves libératoires s'il a agi pour un motif suffisant (et ce, même s'il a agi principalement pour dire du mal d'autrui) (ATF 132 IV 112 consid. 3.1 ; 116 IV 31 consid. 3).

3.5.2. L'art. 176 CP précise qu'à la diffamation verbale est assimilée la diffamation par l’écriture, l’image, le geste, ou par tout autre moyen.

3.5.3. En l'espèce, le contenu du courriel adressé par l'appelante le 22 juillet 2021 à la Mission permanente de la République de J______ auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève ainsi qu'à d'autres représentations diplomatiques est conforme à la vérité, en ce sens que A______ a effectivement déposé plainte pénale le 3 mai 2021 à l'encontre de D______ et de C______ pour diffamation. Là n'est toutefois pas la question. Cette diffusion fait porter un soupçon selon lequel C______ aurait commis une infraction pénale, soit une diffamation. En d'autres termes, l'appelante laisse entendre, à l'attention de tiers, qu'il serait un délinquant (art. 10 al. 3 CP), ce qui est propre à porter atteinte à sa considération. À tout le moins a-t-elle accepté le caractère attentatoire à l'honneur de sa communication en la proférant ‑ le dol éventuel suffit. Les conditions d'application de l'art. 173 ch. 1 CP sont ainsi réalisées.

L'appelante doit se voir refuser la preuve libératoire. Vu les considérants du présent arrêt, elle savait pertinemment qu'elle avait abusé de la confiance de D______ en puisant dans la petite caisse et, partant, que C______ ne la diffamait pas en le prétendant. Elle a donc tenu les propos incriminés non seulement sans motif suffisant, mais encore dans le but, manifestement, de dire du mal de lui. Dût-on en douter qu'elle serait dans l'impossibilité de produire un jugement condamnant C______ du chef de diffamation.

La calomnie (art. 174 CP) n'entre pas en considération (art. 9 al. 1 et 391 al 2 CPP).

A______ sera dès lors reconnue coupable de diffamation (art. 173 ch. 1 et 3 CP).

4. L'infraction d'abus de confiance est punie d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Celle de diffamation l'est d'une peine pécuniaire.

4.1.1.1. La réforme du droit des sanctions entrée en vigueur le 1er janvier 2018 marque, globalement, un durcissement du droit des sanctions (Message relatif à la modification du code pénal et du code pénal militaire du 4 avril 2012, FF 2012 4385 ss ; M. DUPUIS/ L. MOREILLON/ C. PIGUET/ S. BERGER/ M. MAZOU/ V. RODIGARI [éds], op. cit., Rem. prél. ad art. 34 à 41, n. 2 ss).

L'ancien et le nouveau droit ne peuvent être combinés (ATF 134 IV 82 consid. 6.2.3 p. 89 ; 102 IV 196 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_310/2014 du 23 novembre 2015 consid. 4.1.1 in SJ 2016 I 414).

En cas de concours réel d'infractions, chaque acte est jugé selon le droit en vigueur lorsqu'il a été commis, et une peine d'ensemble est fixée selon le droit en vigueur au moment du jugement (R. ROTH/ L. MOREILLON [éds], Code pénal I : art. 1-100 CP, Bâle 2009, n. 19 ad art. 2 ; dans le même sens, M. NIGGLI/ H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht I : Art. 1-136 StGB, Jugendstrafgesetz, 4ème éd., Bâle 2018, n. 10 ad art. 2).

4.1.1.2. En l'espèce, les faits reprochés à l'appelante sont à la fois antérieurs et postérieurs à l'entrée en vigueur du nouveau droit des sanctions. Toutefois, dans la mesure où les principes régissant la fixation de la peine postulent le prononcé d'une peine d'ensemble, la peine sera fixée selon le nouveau droit.

4.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1).

4.1.3. Selon l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion.

4.2. En l'espèce, la faute est importante. L'appelante s'en est pris au patrimoine d'autrui, dans le but de se l'approprier, abusant de la confiance qui lui avait été accordée dans le cadre de son emploi. Elle a agi égoïstement, par appât du gain facile. Les sommes prélevées à son profit ne sont certes pas conséquentes mais ses agissements se sont étalés sur une période pénale longue, d'environ trois ans. Seul son licenciement a mis fin à ses agissements. Elle s'en est également prise à l'honneur du plaignant, lui prêtant un comportement pénalement répréhensible. Sa situation personnelle et notamment financière était plutôt bonne au moment des faits, et ne justifie aucunement son comportement.

La collaboration de l'appelante a été mauvaise, persistant jusqu'en appel dans ses dénégations. Sa prise de conscience est inexistante ; elle n'a eu cesse de rejeter la faute sur les plaignants, et n'a pas hésité à salir leur réputation pour se soustraire à sa responsabilité.

L'appelante n'a pas d'antécédent, facteur neutre sur la fixation de sa peine.

La circonstance atténuante du temps écoulé n'est pas réalisée, contrairement à ce qui a été retenu en première instance. Le temps écoulé depuis les infractions d'abus de confiance est certes long, l'activité pénale s'étant étendue de mai 2016 à février 2019 ; le délai légal de prescription de 15 ans n'est néanmoins pas proche au moment de la présente décision.

Les infractions les plus graves sont les abus de confiance, en particulier celui du 22 février 2019 portant sur un montant de CHF 883.61, qui emporte une peine pécuniaire de 30 jours-amende. Conformément au principe de l'aggravation, les cinq autres actes d'abus de confiance aggravent cette peine de 100 jours-amende (peine théorique : 30 jours-amende chacun). S'y ajoutent 15 jours-amende (peine théorique de 30 jours-amende) pour sanctionner la diffamation. La peine d'ensemble encourue par l'appelante s'élève donc à 145 jours-amende, ramenée à 90 jours-amende (interdiction de la reformatio in pejus (art. 391 al. 2 CPP)). Le montant du jour-amende arrêté à CHF 30.- l'unité en première instance apparait adéquat, au vu de la situation financière de l'appelante, et sera confirmé.

Le principe du sursis est acquis à l'appelante (art. 391 al. 2 CPP).

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Un jour-amende sera toutefois déduit de la peine prononcée afin de tenir compte de la durée de l'audition de l'appelante par la police (art. 51 CP), l'indemnisation financière étant subsidiaire à l'imputation (ATF 141 IV 236 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_671/2016 du 17 mai 2017 consid. 1.1).

5. 5.1.1. Le prévenu supporte les frais de procédure de première instance s'il est condamné (art. 426 al. 1 CPP).

5.1.2. Les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé (art. 428 al. 1 CPP).

Si l'autorité de recours rend elle-même une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l'autorité inférieure (art. 428 al. 3 CPP).

5.2. En seconde instance, l'appelante a obtenu partiellement gain de cause, de sorte qu'il apparaît équitable de lui faire supporter la moitié des frais de la procédure d'appel, lesquels comprennent un émolument de CHF 2'000.-, et de laisser le solde restant à la charge de l'État.

Les frais de la procédure préliminaire et de première instance seront dès lors mis à sa charge dans la même proportion.

6. 6.1.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

6.1.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3). Des exceptions demeurent possibles, charge à l'avocat de justifier l'ampleur d'opérations dont la couverture ne serait pas assurée par le forfait.

6.2. En l'occurrence, l'état de frais déposé par Me B______, défenseur d'office de A______, sera amputé de 2h00 correspondant à l'"Examen du dossier", "Examen du dossier en vue de déclaration d'appel" et "Examen du dossier (suite nouveaux éléments)", prestations incluses dans le forfait pour activités diverses, étant précisé que les "nouveaux éléments" se rapportent au mémoire et pièces déposés par la partie plaignante.

En conséquence, l'indemnité de Me B______ sera arrêtée à CHF 2'311.95 correspondant à 9h45 d'activité au tarif de CHF 200.-/heure, plus la majoration forfaitaire de 10% et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 131.30 et au taux de 8.1% en CHF 475.65.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/92/2023 rendu le 25 janvier 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/3239/2020.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Classe la procédure s'agissant des faits d'abus de confiance portant sur des montants ne dépassant pas CHF 300.- (art. 329 al. 4 et 5 CPP).

Acquitte A______ des faits d'abus de confiance portant sur un montant de CHF 10'000.-.

Acquitte A______ de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP).

Déclare A______ coupable d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP) et de diffamation (art. 173 ch. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement (art. 34 et 51 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Prend acte de ce que les frais de la procédure de première instance ont été arrêtés à CHF 2'261.-, comprenant un émolument complémentaire de jugement en CHF 600.-.

Les met à la charge de A______ par moitié.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 2'255.-, lesquels comprennent un émolument de jugement de CHF 2'000.-.

Met la moitié de ces frais, soit CHF 1'127.50, à la charge de A______ et laisse le solde à la charge de l'État.

Prend acte de ce que l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______, a été fixée en première instance à CHF 13'246.35.

Arrête à CHF 2'311.95, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Linda TAGHARIST

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2261.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

180.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

2'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'255.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

4'516.00