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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/22161/2019

AARP/59/2023 du 27.02.2023 sur JTCO/15/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : COMPÉTENCE RATIONE LOCI;IN DUBIO PRO REO;ENTRAIDE JUDICIAIRE PÉNALE;ADMINISTRATION DES PREUVES
Normes : CP.3; LSTUP.19.al4; CPP.147; LSTUP.19.al1; LSTUP.19.al2; CP.66A.al1.letO
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22161/2019 AARP/59/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 10 février 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de C______, ______, comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTCO/15/2022 rendu le 2 février 2022 par le Tribunal correctionnel,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 2 février 2022, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) l'a reconnu coupable d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c, d, e et g et al. 2 let. a LStup), d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a de la loi sur les étrangers et l'intégration [LEI]) et de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et l'a acquitté d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. g LStup, s'agissant des infractions décrites sous chiffres 1.1.1.1.5 acba et 1.1.1.1.5 acbb de l'acte d'accusation. Le TCO l'a condamné à une peine privative de liberté de six ans, sous déduction de 827 jours de détention avant jugement, et a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de dix ans, avec signalement dans le système d'information Schengen (SIS). Les premiers juges ont également rejeté ses conclusions en indemnisation et l'ont condamné aux frais de la procédure de première instance.

Diverses mesures de séquestre, confiscation, destruction et restitution ont été ordonnées.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement et à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'État. Il renonce en appel à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure et conclut à l'octroi d'une indemnité de CHF 112'900.- pour la réparation du tort moral subi en raison de sa détention injustifiée (1'129 jours de détention x CHF 100.-), laquelle avait été particulièrement longue et éprouvante en raison de l'absence de visites.

b. Selon l'acte d'accusation du 3 juin 2021, il est reproché ce qui suit à A______.

b.a. Depuis une date indéterminée en 2019, jusqu'à son interpellation par la police le 30 octobre 2019, de concert avec de nombreux individus, dont les dénommés D______, E______, son oncle F______ et d'autres inconnus agissant comme clients, il a participé à un important trafic de produits stupéfiants entre la Suisse (Genève), la France (G______) et l'étranger (Portugal et Brésil notamment), portant sur une quantité indéterminée et indéterminable de cocaïne conditionnée, mais assurément plusieurs kilogrammes de cette drogue. Il a agi notamment comme suit :

b.a.a. en lien avec le client E______

À des dates indéterminées avant le 14 septembre 2019, alors qu'il était son fournisseur habituel, il a vendu à E______ des quantités indéterminées et indéterminables de cocaïne, conditionnée sous forme de doigts, mais assurément plusieurs dizaines de grammes, destinés à être vendus sur la voie publique à Genève (ch. 1.1.1.1.1 let. a, b, c et d de l'acte d'accusation).

b.a.b. en lien avec le client "H______"

Le 25 octobre 2019 à 18h02 et 19h45, il a été contacté par un inconnu surnommé "H______", ce dernier l'informant qu'il entendait lui commander une quantité de 20 grammes brut de cocaïne, destinée à être vendue sur la voie publique, et a pris des mesures concrètes afin de pouvoir vendre cette drogue (ch. 1.1.1.1.2 de l'acte d'accusation).

b.a.c. en lien avec la mule D______ et le fournisseur F______

Entre le printemps 2019 et septembre 2019, il a organisé le voyage de D______ vers le quartier de I______, à J______ [Portugal], avec le véhicule privé de celui-ci, afin qu'il prenne possession d'une quantité comprise entre deux et trois kilogrammes de cocaïne conditionnée, moyennant le paiement de EUR 2'000.- par kilogramme, et lui a versé les sommes de EUR 700.- et EUR 500.- pour les frais de voyage, tout en étant très régulièrement en contact téléphonique avec lui et avec son oncle F______, qui devait remettre la drogue à D______, à J______, celui-ci ne lui remettant finalement qu'un kilogramme de cocaïne, conditionné en plaque carrée, retrouvé le 16 septembre 2019, lors de l'interpellation de D______ à proximité de K______ [France] par les douaniers français (ch. 1.1.1.1.3 et 1.1.1.1.4 de l'acte d'accusation).

b.a.d. en lien avec les divers envois d'argent à l'étranger réalisés en 2019

b.a.d.a. Dans le courant de l'année 2019, il a transféré ou fait transférer à l'étranger, en France ainsi qu'au Brésil, soit directement, soit par le biais de tierces personnes, notamment L______, M______, N______ et O______, plusieurs milliers de francs et d'euros, par le biais de P______, Q______ et R______, destinés à S______, F______ ou T______, étant précisé que :

- ces montants ont été destinés à financer la venue de mules en Europe depuis l'Amérique du Sud, transportant des quantités indéterminées et indéterminables de cocaïne conditionnée, A______ prenant des mesures concrètes en ce sens (ch. 1.1.1.1.5 let. aa de l'acte d'accusation) ;

- plus précisément, au mois de juin 2019, de concert avec S______, A______ a financé et participé à l'organisation du voyage de U______ depuis V______, au Brésil, jusqu'à W______ [France], son vol aller ayant pris place le 4 juin 2019 et son vol retour le 19 juin 2019, cette dernière ayant transporté une quantité indéterminée et indéterminable de cocaïne et été en contact avec A______ dès son arrivée sur le territoire français, par le biais d'échanges de messages (ch. 1.1.1.1.5 let. ab de l'acte d'accusation).

b.a.d.b. Durant la même période, dans le cadre de ses activités illicites multiples, A______ :

- a sans cesse été informé de l'organisation de voyages effectués par les mules vers l'Europe, recevant par messages interposés des informations relatives à l'identité des mules, des photographies de celles-ci et de leurs papiers d'identité ou de leurs titres de transport ;

- a été interpellé par des tiers, par messages interposés, toujours en lien avec ses activités illicites multiples (ch. 1.1.1.1.5 let. acb de l'acte d'accusation), soit notamment par "X______ [prénom]" (let. acbc), "X______" (let. acbd), "Y______ [petit nom]" (let. acbe) et "Ami W______ [France]" (let. acbf) ;

A______ a ainsi pris des mesures concrètes, notamment par messages interposés, pour organiser, pour son compte, mais également pour le compte de tiers entrés en contact avec lui en raison de sa grande expérience en la matière, la venue de mules en Europe.

b.a.e. en lien avec le client "Z______"

Le 9 septembre 2019, il a indiqué dans un message vocal adressé à un certain "Z______" qu'il allait lui envoyer une quantité de dix grammes de cocaïne conditionnée, l'intéressé projetant de gagner beaucoup d'argent avec un client médecin (ch. 1.1.1.1.6 de l'acte d'accusation).

b.a.f. en lien avec le client "AA______"

Entre les mois d'avril et mai 2019, il a participé à un important trafic de stupéfiants, à Genève, de concert avec "AA______ [prénom]", portant sur une quantité indéterminée et indéterminable de cocaïne (ch. 1.1.1.1.7 let. aa, ab, ac, ad, ae et af de l'acte d'accusation).

b.a.g. en lien avec le client "AB______"

À tout le moins en mai 2019, il a fourni à un dénommé "AB______/G______" [ci-après : AB______] une quantité indéterminée et indéterminable de cocaïne conditionnée, étant précisé que, par message du 22 mai 2019, ce dernier l'a informé que certains de ses clients achetaient cinq grammes de cocaïne avant chaque week-end (ch. 1.1.1.1.8 de l'acte d'accusation).


 

b.a.h. en lien avec le client "AC______"

À une date indéterminée entre le mois d'août 2019 et le 9 septembre 2019, il a fourni à un dénommé "AC______ [surnom]", une quantité indéterminée et indéterminable de cocaïne conditionnée, l'intéressé se plaignant de la qualité de la marchandise par message vocal du 9 septembre 2019 (ch. 1.1.1.1.9 de l'acte d'accusation).

b.b. Depuis une date indéterminée en 2019 jusqu'au 30 octobre 2019, date de son interpellation, il a intentionnellement pénétré et séjourné à Genève, sans bénéficier d'un titre de séjour et sans moyens de subsistance (ch. 1.1.2.1 de l'acte d'accusation).

b.c. Par ce même acte d'accusation, il était également reproché à A______ les faits suivants, pour lesquels il a été acquitté :

Il a pris des mesures concrètes pour organiser la venue de mules en Europe depuis l'étranger afin qu'elles transportent d'importantes quantités de cocaïne conditionnée, notamment par messages interposés avec "AD______" (let. acba) et "AE______ [prénom]" (let. acbb).

B. a. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

b. En date du 4 septembre 2019, la police a reçu le renseignement d'une source sûre et confidentielle, selon lequel un individu d'origine africaine, identifié par la suite comme étant A______, utilisant le numéro de téléphone +41 1______, était lié à un trafic de cocaïne, en particulier à un prochain arrivage de cette drogue en Suisse. Lors de son interpellation du 30 octobre 2019, A______ était en possession d'un téléphone muni de ce raccordement, et ce depuis le début du mois de juillet 2019 a-t-il déclaré.

Le numéro utilisé par A______ a fait l'objet d'une mesure de surveillance active et celui-ci a reconnu sa voix sur les enregistrements des conversations téléphoniques auxquelles il a été confronté par la suite.

Faits en lien avec D______

c.a. Durant cette surveillance, D______ a été interpellé à K______ [France] le 16 septembre 2019, en possession de 1,1 kilogrammes de cocaïne, d'un taux de pureté de 40%, laquelle était conditionnée dans un paquet carré.

Le numéro de téléphone de A______ figurait dans le répertoire du téléphone utilisé par D______ et celui utilisé par ce dernier, le +351 2______, figurait dans le téléphone du premier, sous dénomination "Amigo AF______".

Les retranscriptions des écoutes téléphoniques ont permis d'établir que D______ devait se rendre au Portugal, afin de rencontrer un dénommé F______, dont A______ dira qu'il s'agit de son oncle, AG______. En chemin, la voiture de D______ est tombée en panne, de sorte qu'il a dû changer de véhicule. Il a ensuite rencontré F______ au Portugal, qui lui a remis – selon les termes utilisés par D______ – "une voiture" et – selon les termes utilisés par l'individu au Portugal – quelque chose "en carré". Ce dernier a ensuite précisé à A______, par téléphone, qu'il n'avait pas pu donner plus, en raison du changement de véhicule. D______ est reparti et devait rencontrer A______. Ce dernier a en outre envoyé EUR 500.- à D______, par le biais de Q______, étant précisé que, selon les enregistrements, il aurait voulu envoyer EUR 800.-, mais qu'il avait atteint la limite autorisée.

A______ a très fréquemment été en contact, tant avec D______ qu'avec son contact au Portugal, notamment :

- Le 14 septembre 2019, il a indiqué à D______ vouloir lui envoyer EUR 800.-, mais que sa limite était dépassée si bien qu'il n'avait pu lui envoyer que EUR 500.-. Il allait essayer de trouver quelqu'un pour envoyer plus. Son interlocuteur lui a répondu que cette valeur allait lui suffire pour l'essence jusqu'à son arrivée et les péages.

- Vers 18h le même jour, D______ a appelé A______ pour lui dire qu'il était allé jusque chez l'homme et qu'il l'attendait. Celui-ci ne pouvait lui "donner qu'une seule, une seule voiture", alors qu'il avait pensé que c'était deux. A______ lui a dit de laisser faire et de se taire, précisant que l'autre lui expliquerait plus tard ce qu'il avait décidé. Une heure et demie plus tard, son interlocuteur l'a rappelé pour lui dire qu'il avait reçu la chose et qu'il retournait en AH______ [Portugal] pour se préparer à partir. Il avait également pris l'argent, ce qui préoccupait le plus A______ et la voiture, "tout était avec [lui] ici". A______ lui a fait part de ce qu'il avait parlé avec l'homme et il pensait que celui-ci lui avait fait "une jeune fille". L'interlocuteur n'a pas compris et a répété que l'autre lui "a juste donné un une voiture". A______ a confirmé que c'était ce qu'il lui disait, que l'autre avait voulu "que ce soit comme un échantillon ( ) pour voir si la chose marche bien, si pour de vrai la jeune fille va connaître le chemin". Il lui a ensuite dit que rien n'allait changer et que tout était dans les mains de Dieu. Il savait maintenant ce qu'il fallait faire et il n'allait plus l'appeler.

- Le 15 septembre 2019, à 22h23, A______ a contacté son oncle. Il a demandé à son interlocuteur comment il allait. Celui-ci lui a demandé s'il avait déjà parlé à la personne. A______ a répondu qu'il avait eu des nouvelles et il voulait savoir comment il avait donné la chose, "petit peu à petit peu ou comment ( ) de la façon que en carré ?". Son interlocuteur a confirmé et A______ a précisé "on sait jamais
( ) ils peuvent aller le changer, c'est pour ça qu'il faut avoir des calculs pour tout
".

- Le 16 septembre 2019, A______ a tenté de joindre D______ à cinq reprises, sans succès, à 02h19, 03h12, 05h23, 06h07 et 12h51. À 12h52, il a appelé son oncle pour l'en informer. Il était inquiet et trouvait cela étrange. Ce dernier lui a précisé que l'homme en question ne roulait pas avec sa voiture, mais avec une voiture immatriculée en Espagne. Il lui avait demandé où était sa voiture et celui-ci lui avait dit qu'elle était en panne. Il lui avait dit "que c'était pour ça qu['il] ne pouvait pas lui donner plus que ça".

c.b. Devant les autorités françaises, et après avoir entendu l'enregistrement des conversations, D______ a confirmé qu'il parlait avec A______ et qu'ils évoquaient son voyage au Portugal. Il devait se rendre auprès de P______ pour aller chercher EUR 500.- pour les frais de route. Il avait pris contact avec A______ pour l'informer que l'homme n'allait lui donner qu'un kilogramme. Ils n'avaient pas utilisé de mot de substitution, mais, en créole, les mots "kilos" et "voiture" se ressemblaient phonétiquement et la traduction devait être fausse. Il a toutefois indiqué, juste après, qu'ils avaient utilisé le mot "caro", soit la voiture en portugais, comme nom de code pour parler de drogue, qu'ils avaient également désigné comme "la chose" et "jeune fille". A______ lui avait dit que, si les choses se passaient bien, il allait l'aider. Il ne savait pas si cela voulait dire qu'il allait lui confier d'autres voyages de ce genre.

Il savait qu'il transportait de la cocaïne qu'il devait remettre à une personne, dont il ne se souvenait pas le nom, au centre-ville de Genève, contre EUR 2'000.-. Son véhicule était tombé en panne à l'aller, en Espagne, et il y avait loué une voiture. Il était allé chercher "la chose, la drogue" le lendemain chez un homme, originaire de Guinée-Bissau. Son contact en Suisse lui avait donné le numéro, qui était enregistré sur son téléphone sous "AI______". Il avait rencontré son contact un mois et demi ou deux plus tôt, dans un kebab de G______ [France]. C'était un Africain mesurant 1,71 m.

c.c. A______ a en substance indiqué se trouver dans la pire des situations, à savoir qu'il n'avait plus de moyens. Il pouvait compter sur quelques amis, qui lui donnaient à manger et un peu d'argent. Il vivait au jour le jour et ne savait pas quoi faire de sa vie, n'ayant plus d'économies. D______ avait menti. Il aurait été dans l'impossibilité d'avoir EUR 2'000.- à disposition pour les lui donner. Il utilisait le téléphone AJ______, avec le numéro +41 1______, depuis cinq mois et le téléphone de marque AK______ depuis le mois de janvier 2019. Le numéro +351 3______, enregistré sur ce téléphone au nom de "Amigo AF______/AL______ [France]" [ci-après : Amigo AF______]", lui avait été donné par son neveu, AF______, vivant à AM______ [VD], celui-ci devant donner CHF 200.- à D______, qu'il ne connaissait pas. La drogue trouvée sur cet homme ne lui était pas destinée. Comme ce dernier l'avait informé de son départ pour le Portugal, il lui avait demandé de venir à son retour récupérer l'argent de son neveu. Confronté aux enregistrements, il a déclaré que, le lendemain de la précédente conversation, D______ lui avait parlé de quelqu'un qui avait des voitures à vendre au Portugal. Lui et son oncle étaient intéressés mais cet achat de voiture ne s'était finalement pas concrétisé. Plus tard, il a expliqué que D______ lui avait parlé d'une voiture d'occasion qui était à vendre à J______ [Portugal] et que son oncle devait analyser, avant de l'acheter pour la revendre. Il avait envoyé de l'argent pour les plaques de la voiture. Il intervenait beaucoup, car c'était son affaire et qu'il avait de l'argent à y gagner. L'affaire s'était concrétisée mais la voiture était restée à J______. Il avait autant insisté auprès de son interlocuteur durant son voyage car il était en charge de fixer les prix pour la voiture, alors que son oncle et D______ ne se connaissaient pas. Lors de l'audience de jugement, il a expliqué qu'après leurs premiers contacts, D______ lui avait appris qu'il faisait du commerce de voitures et lui avait proposé deux véhicules, qu'un de ses amis vendait au Portugal. Cette affaire l'avait intéressé et il l'avait envoyé voir son oncle au Portugal. Il lui avait demandé de ne pas évoquer la question du prix car il s'occupait de cette question. Il avait choisi cette façon de faire pour éviter un contact direct entre D______ et son oncle, car il avait dit à celui-ci que les voitures coûtaient EUR 4'500.- au lieu de EUR 3'500.-. L'argent qu'il avait envoyé à D______ devait servir à payer le changement de plaques, en vue de l'importation. Il avait envoyé EUR 500.-, parce que ce montant comprenait également CHF 200.- que son neveu devait rendre à D______ et que l'affaire devait initialement concerner deux voitures. Confronté au fait que le compte n'y était pas, il a indiqué qu'il y avait également EUR 100.- que son oncle devait toucher pour les remettre en cadeau à sa nièce. D______ pouvait garder l'éventuel solde. Avec son oncle, ils n'évoquaient jamais de marques de voitures dans les conversations, car ils savaient tout deux déjà de quoi ils parlaient. Ils n'y évoquaient pas non plus les kilométrages ou les défauts des véhicules, car D______ et son oncle ne s'étaient pas encore vus. Il a affirmé que son oncle et lui se faisaient une confiance aveugle, avant d'expliquer qu'il intervenait souvent par téléphone, car il devait s'assurer que D______ et son oncle ne parlent pas des prix entre eux, afin d'assurer son propre bénéfice.

Confronté à l'interprétation de ces écoutes par la brigade des stupéfiants, A______ a indiqué que D______ lui avait dit que son interlocuteur ne lui avait donné l'argent que pour une seule voiture. Lui-même avait été surpris, car il s'attendait à deux véhicules et qu'il venait de perdre EUR 1'000.-. Confronté au fait que les conversations faisaient état d'une voiture à donner et non d'argent, il a indiqué que ces discussions n'étaient pas en français et que, pour sa part, il comprenait qu'il y était question de donner de l'argent pour une voiture. Lorsque D______ l'avait rassuré, en lui disant que la voiture était avec lui ou que la chose était avec lui, celui-ci avait évoqué l'argent pour l'immatriculation et la voiture, qu'il avait conduite pour aller l'immatriculer. L'évocation de la "jeune fille" était en lien avec les coupures d'argent et il avait parlé d'un "amostra", traduit par un "échantillon", pour dire que son oncle avait voulu que ce soit à la perfection, sans la moindre arnaque. Le terme "amostra" avait plusieurs significations et ici, cela signifiait la preuve qu'il était capable d'avoir des contacts et qu'ils pourraient faire des affaires. Il était prévu que D______ l'appelle pour lui dire à qui il avait finalement laissé la voiture au Portugal, en vue de son exportation. Ce jour-là, D______ avait sur lui sa commission de CHF 1'000.-, donnée par son oncle. A______ a expliqué avoir été inquiet car il avait vraiment besoin de son argent pour payer son loyer et qu'il n'arrivait plus à joindre D______. Il voulait aussi savoir où la voiture se trouvait en AH______ [Portugal] pour que son oncle puisse la récupérer.

Par-devant le MP, A______ a dit que la chose carrée évoquée était l'argent, certains utilisant de faux billets. Ensuite, il a indiqué que ce terme désignait la montre qu'il portait, de forme carrée, et qu'il voulait vendre pour le compte de son oncle à l'époque. En audience de jugement, il a contesté avoir évoqué devant le MP que la chose carrée était de l'argent. Il devait voir un ami marocain et son oncle lui demandait de ne montrer qu'une seule montre, pour ne pas lui faire perdre de valeur. Les discussions avaient eu lieu en créole et certains termes pouvaient avoir été mal interprétés en français. Il n'avait pas utilisé le terme de montre dans les discussions avec ses interlocuteurs car ils savaient de quoi ils parlaient.

c.d. Par courrier du 6 janvier 2020, le conseil de A______, qui avait eu accès au résumé des déclarations de D______ faites aux autorités françaises, a indiqué au MP qu'il n'avait pas de question à faire poser à D______, mais se réservait le droit de poser des questions complémentaires.

c.e. Le 24 juin 2020 sur commission rogatoire, D______ a expliqué qu'il avait connu un homme d'origine guinéenne, deux ou trois mois avant son interpellation. Il lui avait dit qu'il devait se rendre au Portugal et lui avait proposé de transporter un kilogramme de cocaïne de ce pays vers G______. Il avait peur de cette personne. Il aurait dû ramener trois kilogrammes et recevoir EUR 2'000.-. Il avait reçu EUR 700.- au départ, puis EUR 500.- par P______ pour les frais de route. Il devait se rendre dans le quartier de I______, à J______ [Portugal]. Le contact sur place ne lui avait donné qu'un kilogramme de cocaïne, car il conduisait une voiture immatriculée en Espagne. Cette marchandise avait la forme d'un petit paquet carré, de couleur noire, dans un sac en plastique. Il devait la livrer à proximité de la boîte de nuit AN______ ou à côté du kebab, à G______ [France]. Il ne savait pas comment le prix de la drogue avait été réglé, car lui n'avait rien donné.

c.f. Suite à plusieurs tentatives d'interroger D______ par commission rogatoire, le conseil de A______ ayant émis le souhait de faire poser des questions complémentaires, la circonscription de sécurité publique de Bourg-en-Bresse a indiqué dans son procès-verbal du 20 septembre 2021 que D______ n'était plus détenu et ne pouvait plus être entendu.

Faits en lien avec E______

d.a. La surveillance du numéro de téléphone utilisé par A______ a permis de découvrir que ce dernier était en contact avec le raccordement +41 4______ utilisé par E______, qui a également été mis sous surveillance active. Cette dernière mesure a permis de comprendre que E______ se fournissait également auprès de AO______ et d'interpeller ces deux individus à la suite d'une transaction portant sur trois doigts de cocaïne, de 34.9 g brut. Selon leurs déclarations, leurs conversations téléphoniques portaient sur un trafic de stupéfiants et étaient codées (ndr : par exemple : "tu viennes avec 2", "une seule fois", "Je veux que tu viennes avec un").

d.b. Les conversations suivantes entre A______ et E______ ont notamment été enregistrées :

- Le 14 septembre 2019 à 23h47, E______ a appelé A______ qui lui a dit être déçu, ce que E______ a indiqué comprendre. Celui-ci lui a proposé de se voir pour parler. Il allait lui donner ce qu'il lui devait, mais ne pourrait pas lui "donner tout le tout tout de suite". A______ a répondu qu'il était un homme d'affaires et qu'il comprenait les choses. E______ a précisé "on en a déjà fait des tas de choses mais". A______ l'a interrompu en disant que c'était pour cela que cela l'avait un peu choqué. E______ a répliqué que les temps changeaient. Il a parlé de la venue d'une personne à la maison qui faisait partie "de la AP______". Cela avait été "tout un bordel" et il avait "même quitté". Il a poursuivi en affirmant qu'ils ne pouvaient pas dire tout cela au téléphone. Il "ne veux pas devoir à quelqu'un" et était soucieux de pouvoir discuter avec A______. Tous deux ont mis en avant le fait qu'ils se connaissaient bien. Ils étaient gênés par rapport à un contact que E______ avait développé avec une autre personne, dont il a indiqué qu'elle faisait partie de sa famille.

- Le 15 septembre 2019 à 21h07, A______ a appelé E______, lequel cherchait à lui fixer un rendez-vous, tout en précisant qu'il ne pourrait pas lui donner d'argent ce jour.

- Le 25 septembre 2019 à 19h29, E______ a appelé A______ et lui a donné rendez-vous près du parking de AQ______. A______ a demandé si c'était pour discuter de leur situation ou si c'était "par rapport à ton ami" et "comment il faut qu['il] vienne
( ) juste pour parler ou 
". Lorsque E______ lui a écrit "il veut", en parlant de cet ami, A______ lui a demandé "combien?", ce à quoi E______ a répondu "une seule fois". A______ a indiqué qu'il allait se débrouiller pour venir aux AQ______.

- Le 5 octobre 2019 à 16h23, E______ a appelé A______, qui lui a indiqué être vraiment fâché contre lui et vouloir lui parler. E______ a répondu comprendre et ajouté "je veux que tu viennes avec 1 et puis je te donne la même temps quelque chose". A______ a accepté le rendez-vous. À 18h07, A______ a appelé E______ et lui a demandé combien celui-ci lui avait donné en francs suisses : "CHF 150.- tu m'as donné non?". E______ a répondu : "Oui, avec 10 francs".

- Le 11 octobre 2019 à 17h18, E______ a appelé A______, lequel l'informe qu'il ne va pas bien du tout. E______ a indiqué qu'il comprenait et que c'était "chaud" pour tout le monde. E______ lui a demandé s'il pourrait venir à Genève "avec 2", ce que A______ a accepté. Le même jour à 19h23, A______ a appelé E______ et lui a demandé où il se trouvait, précisant que lui était là. E______ lui a confirmé qu'il arrivait et venait vers lui. À 19h28, E______ a appelé A______ et constaté : "ah c'est toi qui est devant c'est bon c'est".

d.c. Après avoir dans un premier temps indiqué au MP ne pas "connaître" A______ sur planche photographique, E______ a expliqué, en audience de confrontation, avoir fait sa connaissance durant l'été 2019. À sa connaissance, celui-ci n'était pas impliqué dans un trafic de stupéfiants. Avec son épouse, il tenait un salon de coiffure au Portugal et A______ lui avait vendu six mèches brésiliennes à crédit. Il lui devait CHF 1'000.- environ. Ils avaient eu des contacts téléphoniques car A______ voulait récupérer son argent et il lui avait demandé de patienter et ne voulait pas parler de ses problèmes d'argent au téléphone. Ils n'avaient jamais parlé de drogue non plus, ce qu'il avait maintenu même confronté au fait que les expressions utilisées dans ses conversations avec AO______, dont il avait admis qu'elles étaient liées au trafic de drogue, étaient les mêmes que celles utilisées avec A______. Il a ensuite précisé avoir vu A______ à deux reprises pour des affaires de cheveux brésiliens. La première fois, il avait acheté deux paquets de cheveux brésiliens, dont le prix variait en fonction de la qualité et de la longueur, mais valant au minimum CHF 350.- à 450.-. Cela lui avait coûté CHF 1'000.- et il n'avait payé que CHF 200.-. La deuxième fois, il n'avait acheté qu'un paquet et cela lui avait coûté CHF 650.- après négociations. Des photos de mèches de cheveux se trouvaient dans son téléphone. Ils n'avaient eu des contacts téléphoniques qu'à deux ou trois reprises.

d.d. A______ a confirmé devant le MP les propos de E______ à qui il avait vendu des cheveux à crédit et qui connaissait des gens intéressés par des mèches. Il a précisé qu'entre Africains, il était important de discuter en face à face, pour avoir plus de crédibilité. Il a contesté avoir joué le rôle d'intermédiaire pour la vente de cocaïne et indiqué que E______ et lui n'avaient rien à voir avec un trafic de drogue. À l'époque, il était en train de perdre tout ce qu'il avait mis en place et cela n'allait pas bien dans sa vie. Il devait de l'argent à des personnes et cela lui posait des problèmes. Il en avait marre de E______ qui ne lui rendait jamais son argent, ce qui avait motivé son refus de le voir.

d.e. Les poursuites à l'encontre de E______ et AO______ ont été disjointes. La procédure P/879/2021 a été produite au dossier. Il en ressort que le premier a été condamné dans le cadre d'une procédure simplifiée au cours de laquelle il a reconnu les faits reprochés en lien avec A______ ; il a été expulsé de Suisse pour une durée de cinq ans.


 

Faits en lien avec "H______"

e.a. La surveillance du numéro de téléphone utilisé par A______ a permis de découvrir que ce dernier était en contact avec un dénommé "H______" :

- Le 25 octobre 2019 à 18h02, "H______" a appelé A______ lui déclarant qu'il lui "paie 1 cash" et qu'il lui donne "l'autre 1" et qu'il pouvait venir chercher son argent dans cinq jours. A______ a répondu qu'il lui confirmerait si c'était possible ou non. À 19h45, l'intéressé a rappelé A______, lequel a indiqué être toujours à Genève. "H______" a déclaré avoir des clients qui l'avaient appelé et il voulait savoir si c'était bon ou non. A______ a répondu : "c'est pas bon là, d'accord?".

- Le 26 octobre 2019 à 18h26, A______ a appelé "H______", qui lui a dit "avoir besoin". A______ lui a demandé de combien il avait besoin et l'autre lui a répondu : "tu me ramènes 20, 2 cartes comme ça". A______ lui a précisé qu'il fallait les payer d'un coup, parce que ce n'était pas à lui. "H______" lui répondu qu'il n'avait pas "mille balles" mais qu'il pouvait avoir 500. A______ lui a conseillé de ne prendre que 1. "H______" lui a demandé de ramener et lui allait regarder si c'était bon. A______ a répondu qu'il allait appeler "son gars" pour voir s'il était à côté. "H______" l'a pressé, indiquant que sinon il allait "appeler quelqu'un comme hier" et allait "acheter ailleurs". Il a ajouté "He A______ ( ) pour travailler avec toi c'est la merde. Laisse ( ) Toi t'es plus comme avant".

e.b. A______ a indiqué au MP que son interlocuteur voulait acheter "deux sacs ceinture de type banane". Il voulait en payer un pour sa copine et payer l'autre cinq jours plus tard, ce qu'il avait refusé. Confronté au fait qu'il était question de clients impatients et non d'une copine, il a maintenu sa version. Concernant les "cartes", après beaucoup d'hésitations, il a indiqué qu'il s'agissait d'une affaire de cartes téléphoniques à CHF 10.-, qui ne le concernait pas du tout. Confronté à l'interprétation des enquêteurs selon lesquels ce terme était souvent utilisé pour parler de dix grammes de cocaïne, il s'est borné à répéter qu'il ne s'agissait pas d'une affaire de drogue et que les enquêteurs se faisaient des films. Lors de l'audience de jugement, il a précisé que "H______" et lui s'étaient vu quelques jours plus tôt et qu'il lui avait montré des photographies d'accessoires de maroquinerie. Il s'agissait de la photographie retrouvée dans son téléphone. C'était pour cette raison qu'ils n'avaient pas eu besoin de parler directement de sacs bananes lors de leurs conversations téléphoniques. "H______" lui avait aussi demandé CHF 10.- de crédit sur une carte téléphonique car il connaissait quelqu'un à G______ qui travaillait chez AR______.

Faits en lien avec "Z______"

f.a. La surveillance du numéro de téléphone utilisé par A______ a permis de découvrir que ce dernier était en contact avec le raccordement +41 5______, enregistré dans la mémoire du téléphone AJ______ sous "Z______", à qui il avait envoyé, le 9 septembre 2019, un message vocal en français selon lequel il allait lui envoyer "10". Celui-ci lui a répondu également par message vocal qu'il était pressé de recevoir la marchandise car il allait voir son client le soir-même. Il a précisé que son client était docteur et que, si la qualité était bonne, il y aurait beaucoup d'argent à gagner.

f.b. A______ a indiqué au MP qu'il ne savait pas qui était cette personne. Après avoir entendu le message vocal, il a indiqué et maintenu qu'il s'agissait de crédit téléphonique que son interlocuteur pouvait revendre à des tiers et en retirer de l'argent dans le cadre de transferts d'appels en Afrique. Il ne s'agissait pas de drogue. Pour un Africain, le terme docteur ne désignait pas forcément quelqu'un qui exerçait une profession médicale. En audience de jugement, il a expliqué que "Z______" était un ami qui se trouvait en Afrique à l'époque des faits. Les messages vocaux évoquant l'envoi de "10" faisaient référence à des recharges téléphoniques, qu'il avait la possibilité d'acheter auprès d'un ami travaillant chez AR______, et destinées à un ami de "Z______", qui détenait des cabines téléphoniques au Bénin. L'affaire s'était concrétisée.

Faits en lien avec "AA______"

g.a. La surveillance du numéro de téléphone utilisé par A______ a permis de découvrir que ce dernier était en contact avec le raccordement +41 6______, enregistré sous le nom de "AA______" :

- Le 16 avril 2019, "AA______" a écrit : "C'est sa te dérange pas ceux qui ont ramener ils dit davoir perdu un peut" et A______ a répondu : "Petit on a arrêté de écrire ça stp attend jusqu'à demain on ce voit on parle stp".

- Le 1er mai 2019, A______ a écrit à "AA______" : "Petit il manque 40fr pour qui fait 5mil". Le même jour, dix heures plus tard, "AA______" a écrit à A______ : "Mon petit sava pas avec le boulot quelqu'un aussi vien de me dire qu'on arrête parce que ce la merde que je lui ai donné".

- Le 19 mai 2019, "AA______" a écrit : "3500". A______ lui a répondu : "Petit essaye de le faire arriver à 5 stp", ce à quoi "AA______" a répondu : "ATTENDS DEMAIN ALOR. Du coup j'ai 7000 que je partage entre toi et le cousin". Le dernier message du jour a émané de A______ : "Petit garde pour moi 4 stp".

- Le 21 mai 2019, "AA______" a écrit à A______ : "Je sors mai tu peut garder ton sac. Du coup ma femme ne veut pas de matoss ici". A______ a répondu : "OK pas de soucis mais là il mon confirmé que elle bien arrivé après il faut que je part demain petit alors comme je te dit regarde bien comment tu peu me aider à retourner là bas demain". "AA______" a confirmé : "Ok si j'ai quelques choses je te dirais.du coup ce que j'avait ici j'ai partagé entre toi et cousin". A______ a conclu en disant qu'il comptait sur lui. Un peu plus d'une heure et demie plus tard, "AA______" a écrit à A______ : "Peti ya rien ( ) Le gars que je venue voir on la attraper hier". A______ a notamment répondu : "Merde merde merde. Ce pas bonne nouvelle ça petit".

- Le 26 mai 2019, A______ a écrit à "AA______" qu'il n'arrivait "pas à finir [s]on programme là jusqu'à mentenam". "AA______" lui dit notamment qu'il "faut vendre 300 tu garde 200 pour moi. Même moi c'est calme actuellement".

- Le 29 mai 2019, "AA______" a écrit à A______ : "24 mon petit". A______ lui a rappelé qu'il avait dit 20. "AA______" lui a répondu que c'était si lui voulait vendre, mais que maintenant il voulait tout et qu'il aurait des "programmes" cette semaine.

g.b. A______ a indiqué au MP que le nom de "AA______" ne lui disait rien, ni les conversations qui lui avaient été lues. En tous les cas, il n'y avait rien à voir avec un trafic de drogue. En audience de jugement, il a indiqué que "AA______" était un ami qui se trouvait en Gambie et qu'ils parlaient de matériel de construction de deuxième main, des matelas, de petites choses. Il a expliqué avoir loué des containers à G______. Il envoyait ce matériel en Afrique, où "AA______" lui trouvait des clients, soit des personnes qui vendaient ces objets dans la rue. Lorsqu'il avait écrit "petit, il manque 40 FR pour qui fait 5mil", il parlait en francs CFA, que "AA______" devait donner pour lui à un ami pour qu'il fasse un sacrifice. Les messages suivants évoquaient de l'argent, en monnaie du pays, que "AA______" avait récolté en récupérant les objets du container. Celui-ci espérait encore pouvoir en récolter plus. De la marchandise devait encore arriver et l'épouse de "AA______" ne voulait pas en avoir chez elle. Il avait pensé que cela pouvait être un prétexte utilisé par "AA______", qui avait constaté que certains objets n'étaient pas de bonne qualité. La personne attrapée, évoquée dans les messages, était un vendeur ambulant, qui devait de l'argent à "AA______" et qui avait été arrêté par la police. Les quantités de "300", qu'il fallait vendre, et de "200", à garder pour "AA______", concernaient un container qui devait arriver et qui contenait des crics. Il pouvait gérer cette vente à distance, par téléphone. Le fait que "AA______" utilisait un numéro de téléphone suisse n'était pas inconciliable avec le fait que celui-ci se trouvait en Gambie, les échanges se faisant par Whatsapp. Il n'avait pas évoqué ces explications plus tôt, son avocate lui ayant conseillé de ne plus répondre aux questions du MP.

Faits en lien avec "AB______"

h.a. La surveillance du numéro de téléphone utilisé par A______ a permis de découvrir que ce dernier était en contact avec le raccordement +41 7______, enregistré sous le nom de "AB______" avec lequel il avait eu plusieurs échanges Whatsapp, en espagnol :

- Le 22 mai 2019, "AB______" a écrit à A______ pour savoir s'il avait "des choses que vous me donné" car il avait "un client qui prendre toujours le week-end". A______ a répondu "Ya demain quand tu m'auras rendu mon argent" et l'interlocuteur a confirmé qu'il allait le lui rendre.

- Le 24 mai 2019, "AB______" a relancé A______ pour savoir s'il avait réussi à avoir "les choses" pour lui, parce qu'il avait des clients demain qui prenaient toujours "5 pour le week-end". A______ a dit qu'il l'attendait.

h.b. A______ a indiqué au MP que cette personne ne lui disait rien. En février 2019, il se trouvait en Afrique et, au mois d'avril 2019, au Portugal, comme cela figurait dans son passeport. Il ne se rappelait pas de ces messages.

Faits en lien avec "AC______"

i.a. La surveillance du numéro de téléphone utilisé par A______ a permis de découvrir que ce dernier était en contact avec le raccordement +41 8______, enregistré sous le nom "AC______", ce dernier ayant envoyé un message vocal en anglais sur Whatsapp à A______ le 9 septembre 2019. Il lui faisait savoir qu'il n'était pas content et que "le dernier truc, c'est de la merde". Il a ajouté : "Ce n'est pas la même chose que tu m'as donnée la dernière fois ( ) tous les clients se plaignent. C'est de la merde. L'odeur quand ils la cuisinent rien". Ce message était précédé d'un "bonjour" et d'une tentative d'appel. A______ a ensuite appelé l'intéressé.

i.b. A______ a indiqué au MP qu'il ne se rappelait pas de ce nom. Après avoir entendu le message vocal, il a expliqué qu'il s'agissait d'un grave complot contre lui et que ce message ne le concernait pas. En audience de jugement, il a indiqué que "AC______" habitait en Belgique. Le message vocal par lequel il se plaignait de la qualité de quelque chose ne lui était pas destiné. Il lui avait uniquement été transféré par erreur. L'intéressé était religieux et n'était donc pas lié au trafic de stupéfiants, si bien qu'il devait être question d'autre chose que de drogue.

Faits en lien avec les envois d'argent à l'étranger

j.a. Les informations concernant divers transferts d'argent ont été transmises au MP par les filiales suisses des organismes Q______, P______ et R______.

R______ a précisé que les décomptes adressés au MP par courrier du 16 décembre 2019 ne concernaient que les envois d'argent effectués depuis la Suisse.

j.b. L'analyse des données fournies par Q______ indique que A______ a envoyé en son nom propre plusieurs milliers d'euros et de francs à divers destinataires, dont une majorité localisée au Brésil.

Selon les décomptes fournis par Q______ et R______, il a envoyé un total de EUR 4'421.50 à l'étranger en 2017, EUR 15'308.80 et CHF 80.- en 2018, EUR 7'850.10 et CHF 13'045.40 en 2019.

j.c. L'analyse des smartphones AK______ et AJ______ de A______ ont permis de mettre en évidence de nombreuses photographies de récépissés d'envois d'argent Q______, R______ et P______ qui recoupent les données transmises par ces derniers organismes.

j.d. A______, M______, N______ et L______ ont envoyé de l'argent au Brésil, notamment à S______.

Entre mars et juin 2019, S______ a ainsi reçu plus de EUR 6'698.-.

j.e. Il avait joué le rôle d'intermédiaire dans les divers envois d'argent réalisés par le biais de L______, M______, N______ ou encore O______ à des destinataires tels que S______, F______ et ou encore T______. Il n'y avait aucun lien avec un trafic de drogue. Il lui était aussi arrivé d'envoyer de l'argent à S______, pour qu'il puisse payer son loyer, car celui-ci était étudiant au Brésil. Le MP y voyait des histoires qui n'existaient pas, pour justifier sa détention.

Messages évoquant des trajets par des mules

k.a.a. Le 3 avril 2019, A______ a envoyé un message au raccordement 00351927470664, enregistré dans la mémoire de son téléphone AJ______ sous le nom "AI______", lui indiquant avoir besoin d'argent pour payer le voyage de trois personnes et promettant de verser la totalité de l'argent le lendemain. Il a également envoyé une demande de passeport effectuée au Brésil au nom de AS______. Une photo de la carte d'identité et du passeport brésiliens de cette dernière se trouvaient dans son téléphone.

Le 5 avril 2019, A______ a envoyé à "AI______" une photo d'un récépissé d'envoi d'argent P______, établi au nom de S______, pour la somme de EUR 2'178.-.

Une capture d'écran de conversation Whatsapp a été extraite du téléphone de A______ de laquelle il ressort qu'un inconnu demande à AS______ de lui envoyer une photo, ce qu'elle fait.

k.a.b. A______ n'a pas souhaité donner d'explications concernant ces éléments.

k.b.a. Le 13 avril 2019, le raccordement +41 9______, enregistré dans la mémoire du téléphone AJ______ de A______ sous le nom "Y______", lui a écrit en créole sur Whatsapp : "Ils ont arrêté au scanner", ce à quoi celui-ci a répondu : "efface ton téléphone avec lequel tu l'as parlé".

k.b.b. A______ a dans un premier temps indiqué au MP qu'il s'agissait d'une histoire de mèches de cheveux avec E______, avant d'expliquer que l'auteur du message était son frère et qu'il s'agissait d'argent qui avait été passé au scanner.

k.c.a. Des photographies de différents documents retrouvés dans le téléphone AJ______ utilisé par A______ (copie du passeport de AT______, documents de voyage à son nom et billet de AU______ au nom de A______) ont permis d'établir que le 3 juillet 2019, AT______ a embarqué sur un vol AV______ à AW______ [Brésil] à destination de BH______, au Pérou, où il est resté jusqu'au 13 juillet 2019, date à laquelle il a embarqué pour W______ [France].

Le 20 juillet 2019, A______ a effectué le trajet W______-Genève en bus.

k.c.b. A______ n'a pas souhaité répondre aux questions du MP. Il a indiqué qu'il s'agissait d'un complot de la police, qui allait encore "fabriquer et manipuler sur [lui]". Il s'agissait d'un hasard qu'il se soit trouvé à W______ à la même période que AT______.

k.d.a. Le 2 août 2019, le raccordement +55 10______, enregistré dans la mémoire du téléphone AK______ de A______ sous le nom "AD______", lui a laissé un message vocal en portugais, dans lequel il indiquait vouloir voyager avec son épouse et lui demandait s'il connaissait quelqu'un de confiance au Brésil pour aider. Il avait connu un garçon qui lui avait envoyé une personne pour lui et maintenant la personne n'avait pas bien payé.

k.d.b. Au MP, A______ ne s'est pas rappelé de cette personne. Après avoir entendu le message vocal, il a indiqué qu'il s'agissait d'un homme de sa communauté qui voulait venir trois mois en Europe avec sa femme pour travailler. En audience de jugement, il a précisé que "AD______" était déjà venu en février ou mars 2019 et il l'avait aidé à trouver un travail. Ce dernier lui demandait s'il connaissait quelqu'un qui pouvait lui avancer le prix du billet d'avion. Après son premier voyage, celui-ci avait beaucoup parlé de A______ au Brésil, du fait qu'il était gentil et pouvait aider à trouver du travail.

k.e.a. Le 2 octobre 2019, le raccordement +33 11______, enregistré dans la mémoire du téléphone AK______ de A______ sous le nom "AE______", lui a écrit en portugais sur Whatsapp en lui disant qu'il avait besoin d'un "Patron fort" pour envoyer ses contacts pour la France. Il avait six personnes, dont trois avaient un passeport. Il lui a demandé s'il connaissait quelqu'un au Brésil pour faire ces voyages.

k.e.b. A______ a indiqué au MP qu'il ne savait pas qui était cette personne et qu'il ne connaissait pas ce numéro. Il s'agissait également d'une personne qui voulait venir travailler trois mois en Suisse.

k.f.a. Le 12 août 2019, le raccordement +55 12______ a écrit en portugais sur Whatsapp à A______ qu'il a "voyagé avec vous il y a quelques temps en mars" et qu'il a "deux expérimentées voulant y aller, comment vont les routes?". Il a ensuite envoyé la photographie d'une jeune femme mentionnant : "celle-ci j'ai envoyé en mars ( ) pour la première fois ( ) maintenant ce sera la 2ème ( ) elle a pris 98 de 10". A______ a répondu "ok" le lendemain et qu'il allait prendre contact dans quelques jours.

k.f.b. Le 13 octobre 2019, le raccordement +55 13______, enregistré sous "X______" dans la mémoire du téléphone AK______ de A______, lui a écrit qu'il avait demandé à sa sœur de parler avec "la jeune fille de AX______ [Brésil]" et qu'il prendrait contact avec lui dès qu'il aurait sa réponse. A______ lui a répondu qu'il allait attendre et a demandé à X______ d'essayer de la convaincre pour eux.

Le 19 octobre 2019, ce même raccordement a été utilisé pour dire à A______ que petit à petit, elle allait avoir confiance. "Les autres avec qui elle a été [avaie]nt été très méchants", mais il avait parlé de lui en bien. A______ a confirmé qu'elle n'allait pas le regretter et que X______ serait fier d'elle si elle venait.

k.f.c. Ces deux raccordements (k.f.a et k.f.b.) étaient utilisés par la même personne selon la police.

k.f.d. A______ a indiqué au MP qu'il s'agissait toujours de personnes qui voulaient venir travailler en Europe. Il ne savait pas ce que voulait dire la personne qui avait écrit qu'elle avait pris "98 de 10". En audience de jugement, il a expliqué que le message adressé par "X______", utilisateur du raccordement +55 12______, faisait référence au trois mois que celui-ci avait passé à G______. C'était un autre ami de S______. Les termes d'avoir "voyagé avec lui" résultaient d'une mauvaise traduction. Il avait quitté l'Europe le 14 février 2019 pour aller en Gambie et était revenu le 24 février 2019 à G______, via Genève. La mention "98 de 10" signifiait qu'une agence lui payait EUR 98.- pour 10 heures de travail par jour. Concernant les messages de "X______", celui-ci lui avait dit qu'il allait essayer de convaincre une amie de sa petite sœur de venir en Europe pour travailler. Il cherchait tous les moyens possibles pour gagner un peu d'argent et aurait pu percevoir EUR 25.-, par jour de travail, si cette fille était venue. Il avait calculé qu'avec huit personnes, il aurait gagné environ "EUR 250.- par jour, ce qui aurait fait une petite somme d'argent par mois". Malheureusement, personne n'était venu depuis AD______ et X______. Il leur avait trouvé du travail, de fin mars à juin 2019, dans le restaurant dans lequel il travaillait, et leur avait pris EUR 25.- par jour.

Voyage effectué par U______

l.a. Des photographies de différents documents ont été retrouvés dans les smartphones utilisés par A______ :

- le passeport et la carte d'identité de U______, originaire du Brésil ;

- des titres de transport démontrant que, le 21 mai 2019, celle-ci a pris un bus de V______ à AW______ [Brésil] et que, le 3 juin 2019, elle a pris une autre correspondance en direction de AY______ [Brésil], en compagnie de S______. Le même jour, U______ a embarqué sur un vol AZ______ à destination de W______ [France], avec un retour prévu le 18 juin 2019. Un billet était également émis au nom de S______ ;

- une capture d'écran d'un échange Whatsapp non daté, entre un inconnu et un utilisateur enregistré sous le nom de "U______", qui indique se rendre dans "la salle" à 14h25. "U______" a précisé effacer le numéro de son interlocuteur et a ajouté : "J'envoie des photos à AS______ et je lui demande de t'envoyer" ;

- une autre capture d'écran d'un échange Whatsapp entre un inconnu et un utilisateur enregistré sous le nom de "AS______" montre que l'inconnu a demandé à "AS______" s'il lui avait parlé maintenant. Celui-ci a demandé "avec BA______?", ce à quoi l'inconnu a répondu : "Oui, elle m'a dit que tu enverrais les photos pour moi". "AS______" a confirmé lui avoir parlé ;

- une réservation d'hôtel, démontrant que U______ a résidé à l'hôtel BB______ du 4 au 13 juin 2019 ;

- sur le téléphone AK______ utilisé par A______, deux messages Whatsapp adressés à un numéro de téléphone brésilien, enregistré sous le nom "U______", le 4 juin 2019 à 07h55 "Salut" et à 17h44 "Ca va".

Selon le rapport de police, un autre message envoyé à ce contact par A______ a été effacé et n'a pas pu être récupéré. Pour la brigade des stupéfiants, A______ a pris contact avec U______ à son arrivée à W______ [France] pour prendre possession de la drogue qu'elle transportait.

l.b. A______ a refusé de répondre aux questions posées par le MP ; tous ces éléments ne le concernaient pas et étaient des mensonges de la police. En audience de jugement, il a indiqué ne pas connaître personnellement U______ et ne l'avoir jamais vue. Il s'agissait de la copine de son ami, qui souhaitait venir travailler en Europe pour trois mois. Son ami, S______, lui avait demandé s'il pouvait l'aider à trouver du travail, car il avait beaucoup de contacts. Les échanges trouvés dans son téléphone avaient eu lieu entre "U______" et S______, sans qu'il ne sache de quoi il s'agissait. Ce dernier le lui avait envoyé pour lui dire que "U______" venait. Finalement tel n'avait pas été le cas où, en tout cas, lui ne l'avait pas rencontrée. La capture d'écran de conversation Whatsapp entre "AS______" et un inconnu lui avait également été envoyée par S______, pour lui dire qu'il n'avait plus de nouvelles de "U______". S______ n'avait jamais pris l'avion, si bien qu'il ne se trouvait certainement pas aux côtés de U______ à l'aéroport. La photographie de "AS______" figurant dans son téléphone lui avait été envoyée par S______ pour lui montrer qu'elle était belle. Dans l'idée de S______, si elle l'avait intéressé, il aurait pu lui payer son billet d'avion. Aucune des deux filles n'était venue en Europe.

Faits en lien avec la LEI

m.a.a. le 25 juillet 2019, dans une conversation Facebook, A______ a envoyé un message indiquant : "Mon adresse rue 14______ no. ______ BC______".

m.a.b. Le 15 septembre 2019 à 21h07, A______ a appelé E______, lui indiquant être à Genève.

Il lui a également indiqué vivre à G______ mais qu'il lui arrivait de dormir chez des amis à Genève.

m.a.c. Dans le cadre du contrôle téléphonique mis en place sur le raccordement utilisé par A______, toutes les antennes activées se trouvaient en Suisse.

m.b. A______ a indiqué au MP ne pas avoir de titre de séjour en France mais détenir un récépissé pour une demande de carte de séjour. Il ignorait s'il avait le droit de venir en Suisse. En audience de jugement, il a précisé n'avoir jamais passé plus de vingt-quatre heures dans le pays. Il avait été contrôlé une fois à la douane et avait présenté son récépissé de demande de carte de séjour, son passeport et son permis de conduire et il avait pu passer.

Autres éléments

n.a. Par courriers du 8 janvier et du 15 octobre 2021 ainsi que par courriel du 27 janvier 2022, le Ministère de la Justice français a confirmé que A______ n'avait pas été poursuivi en France pour les faits faisant l'objet de la présente procédure.

n.b. Des photographies de mèches de cheveux, de voitures et d'articles de maroquinerie ont notamment été extraites des téléphones de A______.

n.c. L'argent saisi sur A______ lors de son arrestation, soit les sommes de CHF 5.90 et EUR 0.60, a été séquestré sous chiffre 3 de l'inventaire n° 15______ du 30 octobre 2019.

C. a.a. Devant la CPAR et par la voix de son conseil, A______ a soulevé deux questions préjudicielles concluant, dans un premier temps, au classement des deux complexes de faits relatifs à D______ et aux envois d'argent à l'étranger, en raison de l'incompétence des autorités suisses. D______ était parti de France, avait réceptionné la marchandise au Portugal et s'était fait arrêter en France. En l'absence d'élément concret, il devait être retenu que la drogue allait être vendue en France, à G______, et que les conversations entre D______ et A______ avaient eu lieu en France dans la mesure où il n'était pas possible d'établir avec précision leur position géographique. Concernant les envois d'argent, il n'avait pas été déterminé d'où les fonds avaient été envoyés et ceux-ci avaient soi-disant servi à financer l'arrivée de mules en Europe, mais non à Genève, ce qui ressortait des messages, boarding pass et réservations d'hôtels figurant au dossier. Les infractions reprochées n'avaient ainsi aucun lien avec la Suisse. Il aurait dès lors fallu déterminer si les infractions étaient punissables selon le droit français et quelles étaient les sanctions applicables afin de déterminer si le droit français était plus favorable à A______. Les autorités suisses s'étaient limitées à demander aux autorités françaises si elles renonçaient à poursuivre l'intéressé, ce qui n'était pas suffisant.

Dans un deuxième temps, le conseil de A______ a conclu à l'inexploitabilité et au retrait des moyens de preuve obtenus sur commission rogatoire internationale en rapport avec D______ et ceux issus de la procédure P/879/2021 en lien avec E______.

En janvier 2020, il avait été renoncé à poser des questions à D______ lors de la première commission rogatoire car le dossier n'avait pu être que partiellement consulté et A______ n'avait pas eu connaissance des déclarations du précité. Le droit de poser des questions complémentaires ultérieurement avait ainsi été réservé. En septembre 2020, A______ avait eu connaissance des propos de D______ et demandé une confrontation avec ce dernier, ce qui lui avait été refusé. Après relances, il avait obtenu le droit de poser des questions complémentaires. Cette seconde commission rogatoire n'avait toutefois pas pu porter ses fruits en raison de l'inactivité des autorités françaises pendant une année, puis de la libération de D______. En refusant à A______ la consultation du dossier dans son intégralité, ce dernier s'était vu privé d'une confrontation indispensable et fondamentale.

Par ailleurs, il avait comparu lors de onze audiences au MP en présence de E______, qui ne l'avait jamais incriminé mais avait confirmé procéder à un commerce de mèches de cheveux avec lui. Après disjonction de la procédure, qui avait été dans un premier temps refusée afin d'instruire le lien entre les deux protagonistes, E______ avait incriminé A______ au cours d'une procédure simplifiée ayant abouti à sa libération. Suite à l'apport des déclarations de E______ à la procédure par-devant le TCO, A______ avait requis une confrontation qui lui avait été refusée, puis était devenue impossible à cause de la libération de E______.

a.b. Le MP a conclu au rejet des questions préjudicielles, précisant que la poursuite des infractions en lien avec le trafic de stupéfiants en France était notoire. Le MP avait procédé à deux demandes auprès des autorités françaises qui l'avaient informé ne pas poursuivre A______. Cette démarche était suffisante.

A______ ne s'était pas opposé à la disjonction de la procédure en lien avec E______. Le TCO n'avait par ailleurs pas tenu compte des déclarations de ce dernier, intervenues durant la procédure simplifiée, mais s'était uniquement basé sur les écoutes téléphoniques.

Les commissions rogatoires avaient eu cours pendant la pandémie de Covid-19, alors que les frontières étaient fermées. En décembre 2019, le MP avait invité les parties à poser des questions à D______. Le conseil de A______ n'en avait pas saisi l'opportunité mais s'était réservé le droit de poser des questions complémentaires. La commission rogatoire ayant eu lieu tardivement, la même opportunité avait encore été offerte en juin 2020. Ce dernier avait toutefois à nouveau décliné, alors qu'à cette date, toutes les conversations téléphoniques avaient été instruites. Une fois le résultat de la commission rogatoire transmis aux parties, le conseil de A______ avait souhaité poser des questions complémentaires, étant précisé que ces dernières étaient des questions qui auraient déjà pu être soulevées début 2020. L'impossibilité d'effectuer la seconde commission rogatoire en raison de la libération de D______ n'était pas imputable au MP. A______, en refusant de poser des questions d'emblée, avait pris le risque de l'écoulement du temps.

a.c. Après avoir ouï les parties présentes, la Cour a rejeté les questions préjudicielles au bénéfice d'une brève motivation orale (cf. infra consid. 2ss).

b.a. Sur le fond, A______ a contesté son implication dans un commerce de stupéfiants.

E______ était une connaissance de Genève avec laquelle il était en contact pour son commerce de vente de mèches de cheveux. Après trois mois d'absence, le précité l'avait recontacté pour lui proposer de lui rembourser une dette de CHF 1'200.-. Au téléphone, il ne parlait pas explicitement de mèches de cheveux car il était évident que les deux y faisaient référence, notamment lorsque E______ demandait deux sachets. Il ignorait pourquoi E______ l'avait accusé d'être un trafiquant de stupéfiants.

"H______" était également une connaissance genevoise, rencontrée en 2013. Il lui avait plus récemment fait part de son intérêt pour l'achat de sacs banane, de marque BD______ notamment. Il lui avait également parlé d'un contact sur G______ qui travaillait chez AR______ et pouvait procéder à la recharge de cartes téléphoniques. Lorsqu'ils parlaient de "500", il s'agissait du prix unitaire d'un sac banane. Il n'y avait pas eu d'échange de photos entre eux car il avait rencontré "H______" à G______ et lui avait montré la marchandise à cette occasion. Il n'y avait pas d'intermédiaire. Dans son téléphone se trouvaient des photos de sacs banane envoyées par des marocains de G______, qui les lui avaient proposés. Les conversations résultant des écoutes téléphoniques relatives au voyage au Portugal traitaient de l'achat de deux voitures par D______ et d'une commission de CHF 1'000.- que ce dernier devait lui rapporter. Les conversations avaient eu lieu dans sa langue maternelle et il devait y avoir eu une interprétation erronée de ses propos. Le terme "carré" faisait référence à des billets de EUR 50.-, soit à sa commission, et le terme "chose" employé par son oncle, à l'argent attendu pour la vente, soit EUR 4'500.-. A______ n'a pas donné d'explication concernant ses propos sur la remise d'un "échantillon" à D______ pour voir si "la jeune fille va connaitre le chemin", précisant n'avoir aucun lien avec la cocaïne transportée par le précité. Il avait été inquiet du fait que D______ ne répondait plus au téléphone car il avait pris la responsabilité de l'achat de la voiture et que ce dernier devait remettre le double de la clé à un ami au Portugal pour un changement de plaques. Il se faisait également du souci pour sa commission, se trouvant dans le besoin. Il contestait les déclarations faites par D______ aux policiers français.

En 2019, sa situation financière était correcte et il avait eu les moyens de payer ses billets d'avion, pour un montant de plus de CHF 1'000.-, pour un voyage en Afrique. Il avait ainsi envoyé de l'argent au Brésil à sa nièce. T______, qu'il ne connaissait pas, avait retiré cet argent étant donné que dans ce pays un tiers pouvait le faire en présentant sa carte d'identité. Il connaissait en revanche S______, qui était le petit-ami de sa nièce, et X______, qui était un ami brésilien souhaitant travailler en Europe.

Les termes "d'expérimentés" et de " 98 de 10" avaient fait l'objet d'une mauvaise interprétation par la police. Il était question de personnes actives dans le domaine du nettoyage qui devaient être payées en principe EUR 120.- par jour, mais qui se seraient satisfaites de EUR 98.-, le solde venant en commission pour X______. Ses propos avaient également été mal interprétés s'agissant de ses conversations avec "Z______" et "AA______". Avec ce dernier, il avait échangé sur l'envoi de matériel de construction ou de mécanique dans un conteneur parti pour la Gambie en février 2019. Il ne connaissait pas l'individu "AB______". "AC______" était un ami en Belgique qui lui avait envoyé, par erreur, un message vocal reçu d'une personne que lui-même ne connaissait pas.

Il n'avait pas eu connaissance d'une interdiction quelconque l'empêchant de transiter par le territoire suisse qu'il aurait sinon respectée, comme il l'avait fait en 2016 suite à une interdiction de territoire valable un an. En février 2019, il s'était rendu à l'aéroport de Genève et avait passé la douane sans problème pour se rendre en Afrique et pour revenir en Suisse, avec son passeport guinéen.

b.b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions.

Il avait toujours clamé son innocence et avait remis, dès son arrestation et sans rechigner, ses téléphones avec les code d'accès. Il avait par la suite eu un comportement maladroit, voire arrogant et s'était emporté, notamment devant le MP. Après plus de mille jours de détention, il avait toutefois changé.

Le dossier avait été instruit en partant du postulat qu'il était coupable. Ainsi, la police avait interprété à charge les conversations issues des écoutes téléphoniques, qui étaient pour certaines particulières, voire difficilement exploitables. De même, n'avaient été extraites de son téléphone que les données à charge. Il existait dans ce dossier beaucoup de lacunes et de points indéterminés pour être en mesure de le condamner.

Les déclarations de D______ obtenues par commission rogatoire étaient à relativiser car il n'y avait pas eu de confrontation. Ce dernier avait varié sur des points fondamentaux, contrairement à ce qu'avait retenu le TCO. Il n'avait pas été clair concernant le lieu de prise en charge de la drogue, la quantité et le point de livraison. Il avait indiqué ne pas connaître le nom de A______ alors qu'il avait reçu de l'argent de ce dernier via un organisme et la description physique qu'il en avait fait ne correspondait pas à la réalité. La lecture des conversations téléphoniques permettait d'établir que A______ et D______ avaient été en contact mais pas de déterminer la nature de leur relation, tant leur contenu était incompréhensible. Le terme "chose" était vague et utilisé également par A______ pour parler de l'argent envoyé. Ce terme était donc utilisé de manière générale et récurrente. D______ avait proposé à A______ de faire des photos, ce qui apparaissait en contradiction avec le fait d'utiliser un langage codé.

Les écoutes téléphoniques des conversations entre A______ et E______ avaient permis de découvrir que le deuxième était lié à AO______. Lors de l'arrestation de E______ et AO______, de la drogue et des balances avaient été saisies, sur lesquelles il n'y avait pas l'ADN de A______. Aucune drogue n'avait été trouvée en possession de ce dernier. E______, entendu par la police sans avoir eu connaissance des déclarations de A______, avait expliqué avoir ouvert un salon de coiffure à J______ [Portugal] et être en relation avec A______ pour l'achat de mèches de cheveux. Il y avait eu onze auditions durant lesquelles les deux protagonistes avaient été constants dans leurs déclarations. AO______ avait quant à lui indiqué connaître A______ mais ne pas savoir si celui-ci était impliqué dans un trafic de stupéfiants. Contrairement à ce qu'avait retenu le TCO, il n'était pas possible d'établir la commission d'actes préparatoires sur la base des écoutes téléphoniques, lesquelles avaient pourtant duré deux mois.

Concernant les cas "H______", "Z______", "AA______", "AB______" et "AC______", aucun des cinq n'avait été identifiés ni entendus et confrontés. Le TCO avait condamné A______ en raison du contexte en établissant une culpabilité en chaîne. Les messages analysés n'étaient corroborés par aucun élément tangible. Le message vocal envoyé par "AC______" était un audio transféré, ce qui confirmait les déclarations de A______, à savoir qu'il n'en était pas le destinataire.

A______ avait envoyé de l'argent pour son compte ou celui de tiers et avait également demandé à d'autres de procéder à de tels envois. Ces tiers n'avaient pas été interrogés, à l'exception de O______. Le rapport de renseignements portait sur une pléthores d'envois et seuls ceux qui dérangeaient avaient été analysés. Certaines transactions pouvaient être difficilement explicables mais il ne pouvait pour autant pas être établi de lien direct entre les envois et un trafic de stupéfiants, ce qui ressortait des constats de la police. Lors de l'analyse du téléphone de A______, la police avait retenu la prétendue organisation de trois voyages au Brésil sur la base de captures d'écran. Le MP s'était en particulier intéressé à celui effectué par U______ en juin 2019 et s'était forgé sa conviction sur la base de suppositions puisqu'il n'était pas possible d'affirmer que l'argent envoyé avait financé son voyage, qu'elle avait de la drogue sur elle, ni qu'elle avait rencontré A______ à W______ [France], étant précisé qu'il était établi que ce dernier s'y trouvait en juillet, et non en juin 2019.

Il existait plusieurs éléments à décharge qui n'avaient pas été pris en compte. Lors de ses arrestations, A______ était démuni ne possédant sur lui que quelques francs. O______ avait déclaré tout payer durant leur relation. Elle ne l'avait jamais entendu parler de drogue, ni vu en posséder. Elle-même en consommait de manière festive, ce qui lui valait une leçon de morale de la part de A______. Il était une personne correcte, qui se comportait bien. Elle avait ainsi été choquée des accusations portées à l'encontre de son ex-compagnon, indiquant qu'il était soit un très bon menteur, soit que ces accusations étaient fausses. Elle avait entendu A______ parler de mèches de cheveux et celui-ci lui avait demandé leur prix sur le marché genevois. Ils avaient regardé ensemble des offres pour des voitures d'occasion. Elle n'avait aucun intérêt à mentir, étant précisé qu'elle avait rompu leur partenariat (pacs) durant l'incarcération de A______. La belle-sœur de A______, BE______, avait indiqué que BF______ lui avait demandé à deux ou trois reprises de remettre trois paquets à son beau-frère, contenant chacun une mèche de cheveux, et qu'elle avait été très surprise de l'arrestation de celui-ci. Enfin, le contenu du téléphone de A______ venait corroborer ses différents commerces, dans la mesure où s'y trouvaient des photos de voitures d'occasion, d'articles de maroquinerie et de mèches de cheveux. En deux mois d'écoutes actives, il n'avait pas été possible de prendre A______ en flagrant délit. Enfin, A______ avait indiqué à O______ qu'il prévoyait de quitter la France pour la Guyane afin d'y commencer une nouvelle vie, ce qui n'était pas compatible avec la gestion d'un trafic de stupéfiants bien ancré.

A______ avait indiqué de manière constante ne pas avoir su qu'il n'avait pas le droit de venir en Suisse depuis la France. Il avait pu voyager en Afrique, en passant par les contrôles de douanes obligatoires, s'en être inquiété. Au bénéfice du doute, il devait être considéré qu'il était dans l'erreur.

Dans un arrêt antérieur (AARP/238/2022 du 23 juillet 2022), la CPAR avait confirmé une peine privative de liberté de quatre ans à l'encontre d'un individu condamné pour un important trafic de stupéfiants international, ayant eu lieu sur neuf mois et portant sur la vente de 2.4 kilogrammes de cocaïne. L'individu avait de nombreux antécédents spécifiques et récents et fait preuve d'une mauvaise collaboration, étant précisé que sa situation personnelle n'était pas mauvaise. En comparaison, la peine prononcée à l'encontre de A______ était sévère. Contrairement à ce qu'avait retenu le TCO et au-delà de l'acquittement plaidé, il ne pouvait qu'être établi que le trafic avait tout au plus porté sur un kilogramme de drogue, les autres quantités étant "indéterminées" ou "indéterminables". A______ n'avait pas d'antécédents récents et spécifiques en Suisse. Son casier judiciaire français était vierge. Sa condamnation en Autriche avait été prononcée douze ans auparavant. Il essayait de s'établir dans la région, s'était "pacsé" et avait tenté de mener une vie honnête. Sa situation personnelle n'était pas favorable. Sa détention à la prison de C______ pendant trois ans avait été un cauchemar durant lequel il n'avait pas eu droit aux visites. Il avait ainsi payé le prix de son attitude.

c. Le MP persiste dans ses conclusions. Le jugement du TCO ne prêtait pas flanc à la critique et écartait les thèses invraisemblables de A______. Il existait un faisceau d'indices qui permettait d'établir la culpabilité de ce dernier : un indicateur de la police avait fait un témoignage l'impliquant et il avait dès lors fait l'objet de mesures secrètes de surveillance. Quand A______ avait été arrêté, son répertoire téléphonique contenait le contact "amigo AF______/AL______ [France]" qui n'était autre que le raccordement de D______, connu par les services de police pour avoir officié par le passé comme mule et qui avait été arrêté en France, à K______, en possession de 1.1 kilogrammes de cocaïne conditionnée, d'un taux de pureté de 40%. Ce dernier avait donné une description détaillée de son voyage au Portugal, qui avait été confirmée notamment par les écoutes téléphoniques. Il avait de plus admis que les conversations analysées concernaient un trafic de stupéfiants et qu'il avait utilisé un langage codé. Ayant déjà été condamné en France, il n'avait aucun bénéfice à admettre ces faits et ses déclarations étaient dès lors crédibles. A______ lui avait versé de l'argent via P______ pour financer son trajet. Il l'avait également rassuré par de nombreux messages et s'était inquiété lorsqu'il n'avait plus de ses nouvelles en pleine nuit. Le comportement de A______ ne corroborait pas ses déclarations, selon lesquelles D______ était parti acheter des voitures. Dans leurs conversations, il n'était par ailleurs jamais question de commerce d'automobiles. Les photos de voitures retrouvées lors de l'extraction des données du téléphone portable de A______ ne permettaient pas de valider sa version des faits, dans la mesure où aucun lien avec D______ ne pouvait être établi. Il en allait de même des clichés de mèches de cheveux ou d'articles de maroquinerie qui ne permettaient pas de faire le lien avec E______. À cet égard, le TCO n'avait pas tenu compte des déclarations de ce dernier tenues en procédure simplifiée pour établir la culpabilité de A______. À nouveau, un langage codé avait été utilisé lors de leurs conversations. Concernant les envois d'argent à l'étranger, les rapports de police faisaient le lien entre ces derniers et les personnes qui voyageaient.

La faute de A______ était lourde. Il avait fait preuve d'une volonté délictuelle intense. Il avait agi en tant que grossiste aguerri sur une longue période et à l'international. Seule son arrestation avait permis de mettre fin à son activité illicite. Il avait agi par appât du gain au préjudice de la santé d'autrui, alors qu'il avait parfaitement conscience des ravages causés par la drogue. Sa collaboration avait été exécrable. Ses condamnations passées n'avaient pas eu l'effet escompté. Il avait pour projet de s'installer en France, ce qui justifiait le signalement de son expulsion dans le SIS.

D. a. A______ est né le ______ 1984 à BG______ en Guinée, pays dont il est originaire. Célibataire, il est le père de deux enfants de huit et six ans, nés de deux lits. Sa fille vit à Burkina Faso et son fils en Guinée-Bissau, pays dans lequel vivent également sa mère et sa sœur, qui soutiennent l'enfant. Son frère et la fille de son autre frère vivent en Suisse. A______ a déclaré avoir effectué sa scolarité obligatoire dans son pays, jusqu'à l'âge de 18 ans. Il s'est ensuite formé sur le tas en ______. En 2004, il a été envoyé en Europe par son père pour sa sécurité, suite à la guerre civile dans son pays. Il s'est ainsi rendu au Portugal, en Autriche, au Danemark, puis à nouveau en Autriche, pays dans lequel il a déposé une demande d'asile, et où il a été arrêté le 11 décembre 2007 et détenu pendant 30 mois environ. À la fin de l'exécution de sa peine, il a demandé à être extradé vers la Guinée-Bissau, où il a appris la mort de son père, puis il est reparti vers l'Europe six mois après, en Espagne puis au Portugal. Il est ensuite venu en Suisse en avril 2013, indiquant avoir espéré y trouver un travail et la vie dont il rêvait. Le 18 janvier 2015, il s'est établi à BI______, en France et a rencontré O______ en mai 2015, avec laquelle il a été "pacsé" pendant quatre ans, jusqu'en mars 2019. Ne parvenant plus à payer le loyer, il a fini par trouver une chambre en location dans les environs de G______ [France], que sa nouvelle compagne l'aidait à payer. Il dit avoir gagné de l'argent, avant son interpellation, en réalisant de petites affaires, soit notamment des ventes de voiture en Afrique, ou en occupant de petits emplois en intérim en France voisine de septembre 2016 à juillet 2017, ainsi que le 27 décembre 2018.

À la prison, il travaille comme nettoyeur d'étage. Il a volontairement entrepris un suivi psychologique, portant sur sa situation personnelle, en particulier les injustices subies depuis sa jeunesse, telles de fausses accusations portées contre lui-même et sa famille. Ce suivi l'aide à supporter sa détention.

À sa sortie de prison, il prévoit de retourner en France voisine, où il est bien intégré, pour renouveler sa carte de séjour et reprendre contact avec ses amis. Il aimerait aider sa famille sur le plan financier et pourvoir à l'éducation de ses enfants.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné par le MP :

- le 15 novembre 2013, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 30.- l'unité, avec sursis pendant trois ans, révoqué le 13 février 2014, ainsi qu'à une amende de CHF 700.-, pour faux dans les certificats, entrée illégale et séjour illégal du 8 novembre 2013 au 13 novembre 2013 ;

- le 13 février 2014, à une peine privative de liberté de 30 jours, pour séjour illégal du 31 décembre 2013 au 12 février 2014 ;

- le 24 avril 2014, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.- l'unité, avec sursis pendant trois ans, pour activité lucrative sans autorisation.

En Autriche, sous l'alias A______, il a été condamné :

- le 28 février 2006, pour vente d'héroïne, à une peine privative de liberté de 15 mois, donc cinq mois ferme (délai d'épreuve : trois ans) ;

- le 3 mai 2010, pour vente d'héroïne, à une peine privative de liberté de cinq ans et six mois ;

- le 11 janvier 2016, pour trafic de stupéfiants, à une peine pécuniaire de 60 jours à EUR 4.- l'unité.

En France, il a été condamné le 4 septembre 2019 par le Tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse pour détention et usage de faux documents administratifs (ndr : la peine prononcée n'a pas été communiquée par les autorités françaises).

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale suisse [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. Selon l'art. 339 al. 2 CPP, le tribunal et les parties peuvent soulever des questions préjudicielles, notamment concernant les preuves recueillies (let. d).

2.1.1. À teneur de l'art. 3 al. 1 CP, le Code pénal est applicable à quiconque commet un crime ou un délit en Suisse. Un crime ou un délit est réputé commis tant au lieu où l'auteur a agi ou aurait dû agir qu'au lieu où le résultat s'est produit (art. 8 al. 1 CP).

2.1.2. Selon l'art. 19 al. 4 LStup, celui qui commet à l'étranger un acte punissable selon les al. 1 et 2 de cette même disposition est également punissable, s'il se trouve en Suisse et n'est pas extradé, pour autant que l'acte soit également punissable dans le pays où il a été commis. La législation de ce dernier est applicable si elle est plus favorable à l'auteur de l'acte.

Lorsque des actes ont été commis à l'étranger, l'art. 19 al. 4 LStup s'applique à titre de lex specialis. En règle générale, le juge suisse ne connaîtra pas des infractions commises à l'étranger sans s'être assuré que l'extradition – admissible a priori – ne sera pas requise (ATF 116 IV 244). Dans la mesure où il s'agit d'une compétence de remplacement, le juge suisse doit interpeller préalablement le for naturel, c'est-à-dire le juge du lieu de commission et le juge suisse n'est compétent que si le juge du lieu de commission renonce à demander l'extradition, ne l'obtient pas ou ne répond pas (S. GRODECKI / Y. JEANNERET, Petit commentaire LStup – dispositions pénales, 2022, n. 157 ad art. 19 ; CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. II 2010, n. 131, p. 929).

L'art. 19 al. 4 LStup n'exige pas que le juge suisse établisse précisément et séparément quels actes mentionné dans l'art. 19 al. 1 LStup ont été commis dans l'Etat étranger dont le nihil obstat a été obtenu. Si les comportements mentionnés par l'art. 19 al. 1 LStup sont érigés en infractions indépendantes, ils n'en constituent pas moins les stades successifs de la même activité délictuelle. On peut ainsi considérer que ces différents comportements forment, pour une opération donnée, un complexe de faits. Il suffit de déterminer à quel État le complexe de fait peut-être rattaché (S. GRODECKI / Y. JEANNERET, op. cit., n. 159 ad art. 19).

Pour déterminer si l'acte est punissable dans le pays où il a été commis et, cas échéant, si la législation de ce dernier elle est plus favorable à l'auteur, le droit étranger doit être véritablement établi préalablement à une condamnation, par exemple grâce à un avis de droit de L'institut suisse de droit comparé (S. GRODECKI / Y. JEANNERET, op. cit., n. 160 ad art. 19).

2.1.3. Il est reproché à l'appelant, arrêté en Suisse, d'avoir participé à un trafic de cocaïne entre la Suisse, la France, le Brésil et le Portugal. Il ressort du dossier que le téléphone de l'appelant a activé de nombreuses bornes situées sur le territoire genevois, qu'il a indiqué à plusieurs reprises se trouver sur le sol suisse, notamment le 25 juillet 2019 en communiquant une adresse à BC______ [GE], le 15 septembre 2019 en indiquant à son interlocuteur être à Genève ou encore en expliquant vivre en France mais lui arriver de dormir à Genève. Il lui est également reproché d'avoir convenu de rendez-vous à Genève avec des dealers afin de leur transmettre de la drogue à vendre sur le territoire suisse et d'avoir fait appel à des mules afin de transporter de la drogue à vendre en Suisse. Il a effectué ou fait effectuer en son nom de nombreux transferts d'argent qui pourraient avoir un lien avec le financement d'un trafic de stupéfiants, selon le MP. Contrairement à ce que plaide l'appelant, ces faits ont un lien avec la Suisse. En effet, les informations concernant ces transferts ont été transmises par les filiales suisses des organismes Q______, P______ et R______ [transferts d'argent internationaux]. En 2019 et en 2020, de nombreux transferts ont porté sur des sommes en francs suisses. Enfin, il est précisé sur les décomptes R______ envoyés le 16 décembre 2019 que seuls les envois d'argent effectués depuis la Suisse sont mentionnés. De plus, ces envois d'argent s'inscrivent dans un complexe de faits dont la finalité serait la vente de stupéfiants, notamment sur le territoire suisse.

Le MP a sollicité les autorités françaises afin d'avoir la certitude que A______ ne serait pas poursuivi dans leur pays, ce qu'elles ont confirmé, renonçant ainsi à demander l'extradition de l'appelant. Le droit français n'a pas véritablement été établi, par un avis de droit par exemple. Toutefois, il est notoire que les infractions à la LStup sont réprimées en France et les dispositions y relatives, afin de déterminer la peine menace, sont librement accessibles sur Legifrance (www.legifrance.gouv.fr) et ne sont pas sujettes à interprétation. Ainsi, le fait que le droit français n'ait pas été versé au dossier n'est pas de nature à écarter la compétence des autorités suisses, étant précisé que ce dernier est examiné d'office : il punit le trafic de stupéfiants de peines allant de cinq ans de réclusion et EUR 75'000.- d'amende à la réclusion criminelle à perpétuité et EUR 7'500'000.- d'amende. Il réprime notamment l'importation ou l'exportation (art. 222-36 du Code pénal français), le transport,
la détention, l'offre, la cession, l'acquisition et l'emploi illicite de stupéfiants (art. 222-37 du Code pénal français) de dix ans d'emprisonnement et de EUR 7'500'000.- d'amende. La loi suisse, qui prévoit en matière de trafic de stupéfiants une peine privative de liberté minimale d'un an jusqu'à 20 ans en cas de circonstance aggravante, éventuellement assortie d'une peine pécuniaire (art. 19 al. 2 LStup), est ainsi plus favorable à l'appelant.

2.1.4. Au vu de ce qui précède, la compétence ratione loci des autorités suisses est donnée.

2.2.1.1. L'art. 147 al. 1, 1ère phrase CPP consacre le principe de l'administration des preuves en présence des parties durant la procédure d'instruction et les débats. Il en ressort que les parties ont le droit d'assister à l'administration des preuves par le Ministère public et les tribunaux et de poser des questions aux comparants, cela dans le but d'établir ou de mettre en doute la crédibilité des déclarations de ces derniers (ATF 141 IV 220 = JdT 2016 IV 79 ; ATF 139 IV 25 = JdT 2013 IV 226). Le droit d'être confronté, au moins une fois, aux témoins à charge est absolu (ATF 131 I 476 consid. 2.2), faute de quoi ces preuves ne pourront en principe pas être exploitées à charge du prévenu (art. 147 al. 4 CPP). On entend par témoins à charge tous les auteurs de déclarations susceptibles d'être prises en considération au détriment de l'accusé, quelle que soit la qualité de ces personnes dans le procès ; il s'agit donc aussi des plaignants ou autres parties à la cause (ATF 125 I 127 consid. 6a in fine). Le prévenu ne peut toutefois participer à l'audition des coaccusés que si ces personnes sont accusées dans la même procédure que lui. Le droit du prévenu de participer à l'administration des preuves ne s'étend donc pas aux procédures conduites séparément contre d'autres prévenus. Il faut cependant tenir compte du droit de confrontation lorsque les autorités de poursuite pénale se fondent sur les déclarations d'un prévenu ressortant d'une procédure conduite séparément dans la mesure où celles-ci ne peuvent être utilisées que si le prévenu a au moins eu une fois la possibilité de mettre en doute les déclarations à sa charge et de poser des questions au prévenu contre lequel la procédure séparée est menée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1028/2020 du 1er avril 2021 consid. 1.2.2).

Ces règles générales sont complétées par l'art. 148 CPP quant aux mesures d'instruction réalisées par voie d'entraide judiciaire, en particulier en cas de commission rogatoire à l'étranger. Dans cette hypothèse, le droit de participer des parties est satisfait lorsque les conditions suivantes sont remplies (al. 1) : les parties peuvent adresser des questions à l'autorité étrangère requise (let. a) ; elles peuvent consulter le procès-verbal de l'administration des preuves effectuée par commission rogatoire (let. b) ; elles peuvent poser par écrit des questions complémentaires (let. c). Il faut admettre que la possibilité de poser des questions complémentaires, éventuellement assortie d'autres correctifs, offre une compensation suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 6B_947/2015 du 29 juin 2017 consid. 5.3.2).

2.2.1.2. Il ne peut être renoncé à une confrontation que dans des circonstances particulières. Dans de tels cas, et sur la base de l'art. 6 ch. 1 et 3 let. d de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), il est nécessaire que le prévenu puisse suffisamment prendre position s'agissant du témoignage litigieux, qu'il puisse examiner les déclarations soigneusement et que le verdict de culpabilité ne soit pas basé uniquement sur ces déclarations, c'est-à-dire qu'il ne soit pas donné une valeur déterminante à ce témoignage, respectivement, qu'il ne représente pas le seul élément de preuve, ou du moins un élément essentiel (ATF 131 I 476 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_369/2013 du 31 octobre 2013 consid. 2.3.1). De manière générale, il convient de rechercher si la procédure, considérée dans son ensemble, y compris la présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable. La question de savoir si le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge garanti par l'art. 6 par. 3 let. d CEDH a été respecté doit donc être examinée dans chaque cas en fonction de l'ensemble de la procédure et des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_456/2011 du 27 décembre 2011 consid. 1.1).

La CourEDH considère comme éléments susceptibles de rétablir l'équilibre du procès en permettant une appréciation correcte et équitable de la fiabilité de pareilles preuves, notamment le fait que les juridictions internes se sont penchées avec prudence sur les déclarations non vérifiées d'un témoin absent, qu'elles ont montré avoir été conscientes de la valeur réduite de ces déclarations, soit qu'elles ont exposé en détail pourquoi elles considéraient que ces déclarations étaient fiables, tout en tenant compte des autres éléments de preuve disponibles. La production au procès d'éléments de preuve venant corroborer la déposition non vérifiée constitue une autre garantie de grand poids, à l'instar de déclarations faites au procès par des personnes auxquelles le témoin absent a rapporté les événements immédiatement après leur survenue. La CourEDH considère aussi comme des facteurs importants la déposition d'un autre témoin rapportant, avec de grandes similitudes, une infraction similaire, pour autant qu'il n'y ait pas collusion et de surcroît si ce témoin a pu être entendu en audience et faire l'objet d'un contre-interrogatoire. La défense doit se voir en outre offrir la possibilité de donner sa propre version des faits et de mettre en doute la crédibilité du témoin absent en soulignant toute incohérence ou contradiction avec les déclarations d'autres témoins. Le fait que la défense connaisse l'identité du témoin constitue un élément supplémentaire susceptible d'améliorer la situation de la défense en la mettant en mesure d'identifier et d'analyser les motifs que le témoin peut avoir de mentir, et donc de contester la crédibilité de manière effective, même en son absence (arrêt CEDH Schatschaschwili c. Allemagne [requête n 9154/10] du 15 décembre 2015, § 125 ss ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_947/2015 du 29 juin 2017 consid. 10.2.2.6.4 ; 6B_862/2015 du 7 novembre 2016 consid. 4.3.3).

De manière générale, il convient d'adopter une démarche en trois étapes, à savoir rechercher s'il existait un motif sérieux justifiant une non comparution, se demander si cette déposition constitue le fondement unique ou déterminant de la condamnation et enfin, examiner s'il existe des éléments compensateurs, notamment des garanties procédurales solides, suffisants pour contrebalancer les difficultés causées à la défense et assurer, de cette manière, l'équité de la procédure dans son ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 6B_947/2015 du 29 juin 2017 consid. 5.5.1).

2.2.2. Les déclarations de D______ ont été recueillies le 24 juin 2020, lors de la commission rogatoire internationale décernée en France. Auparavant, et comme le stipule l'art. 148 let. a CPP, le MP a offert aux parties la possibilité d'adresser par écrit leurs questions à l'autorité étrangère, par courrier du 10 décembre 2019 puis par courriel du 5 juin 2020, ce que le conseil de A______ a décliné, étant précisé qu'à cette dernière date, la majorité des conversations résultant des écoutes téléphoniques, en particulier celles entre A______ et D______, avait été instruite. Les protagonistes ont eu ensuite accès au procès-verbal de l'administration des preuves effectuée par commission rogatoire et ont souhaité poser des questions complémentaires à D______ (art. 148 let. b et let. c CPP). Malgré tous les efforts du MP, les autorités françaises ont tardé à effectuer la seconde commission rogatoire, dont l'exécution est devenue impossible suite à la libération de l'intéressé, sa localisation n'étant effective en l'absence de transmission d'informations à cet égard.

Ainsi, il existait des motifs sérieux, et non imputables aux autorités suisses, justifiant la non audition contradictoire de D______. De plus, il existe au dossier d'autres éléments permettant d'apprécier la culpabilité de A______ (notamment les écoutes téléphoniques ; cf. consid. 4.2.2.1), si bien que les déclarations de D______ ne constituent pas, le cas échéant, le fondement unique ou déterminant de la condamnation de l'appelant.

Il en va de même des déclarations de E______ issues de la procédure simplifiée. L'utilisation de déclarations à charge recueillies dans le cadre d'une procédure connexe se révèle problématique, sous l'angle du principe des débats contradictoires, respectivement des considérations motivant les déclarations d'une personne souhaitant être jugée selon une procédure simplifiée, dès lors que durant les onze audiences durant lesquelles il a été entendu avec l'appelant dans la procédure de céans, E______ a toujours contesté avoir participé à un trafic de stupéfiants avec A______. Ce dernier a souhaité pouvoir être confronté à E______ lorsque lesdites déclarations ont été apportées à la présente procédure, ce qui lui a été refusé, étant précisé que E______ a fait l'objet d'une expulsion de Suisse pour cinq ans. Il y avait donc des motifs sérieux de non comparution. Les déclarations succinctes de E______ ne constituent par ailleurs pas l'élément unique et déterminant de la condamnation de l'appelant (cf. les écoutes téléphoniques ; consid. 4.2.2.2), étant précisé que le jugement du TCO ne s'est pas fondé sur ces dernières pour retenir sa culpabilité.

Ainsi, le handicap qui en découle pour A______ sera compensé de la manière suivante : La Cour sera d'abord attentive à ces circonstances et veillera à exposer en détails dans quelle mesure et pourquoi elle tient les éléments relatés dans les déclarations de D______ et de E______, auxquelles l'appelant n'a pas pu être confronté, pour crédibles, ou non. Seuls les éléments soutenus par d'autres preuves ou indices sérieux présents au dossier seront ensuite retenus. Elle discutera enfin, dans toute la mesure utile, les arguments de l'appelant, étant rappelé que celui-ci a par ailleurs bénéficié d'un large espace devant le MP, le TCO, ainsi qu'en appel pour développer sa défense, lors de ses interrogatoires ainsi que lors des plaidoiries.

Il n'existe dès lors pas de raisons suffisantes permettant d'écarter d'emblée les déclarations de D______ et de E______.

3. 3.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence ; lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40 et les arrêts cités) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1145/2014 du 26 novembre 2015 consid. 1.2 et 6B_748/2009 du 2 novembre 2009 consid. 2.1).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

3.2.1.1. L'art. 19 al. 1 LStup réprime celui qui, sans droit, entrepose, expédie, transporte, importe, exporte des stupéfiants ou les passe en transit (let. b) ; celui qui, sans droit, aliène ou prescrit des stupéfiants, en procure de toute autre manière à un tiers ou en met dans le commerce (let. c) ; celui qui, sans droit, possède, détient ou acquiert des stupéfiants ou s'en procure de toute autre manière (let. d) ; finance le trafic illicite de stupéfiants ou sert d'intermédiaire pour son financement (let. e) ; enfin, celui qui prend des mesures aux fins de commettre une des infractions visées aux let. a à f (let. g).

L'art. 19 al. 1 let. g LStup vise tant la tentative que les actes préparatoires qualifiés qu'il tient pour aussi répréhensibles que les comportements énumérés aux let. a à f. Ne peut prendre des mesures au sens de l'art. 19 al. 1 let. g Lstup que celui qui projette d'accomplir l'un des actes énumérés à l'art. 19 al. 1 let. a à f Lstup en qualité d'auteur ou de coauteur avec d'autres personnes. Dès que l'auteur a accompli l'un des actes punissables par l'art. 19 al. 1 let. a à f LStup, les actes préparatoires sont absorbés par la commission de l'acte visé. Les actes préparatoires doivent consister en des mesures concrètes, représentant la forme extérieure et non équivoque de l'intention délictueuse de l'auteur, propre à la commission d'un des actes visés à l'art. 19 al. 1 let. a à f LStup, comme par exemple convenir d'un rendez-vous afin de tester des stupéfiants (S. GRODECKI / Y. JEANNERET, op. cit., n. 46 à 49 ad art. 19).

3.2.1.2. Selon l'art. 19 al. 2 let. a LStup, le cas est grave lorsque l'auteur sait ou ne peut ignorer que l'infraction peut directement ou indirectement mettre en danger la santé de nombreuses personnes.

La formulation de cette disposition contient une condition objective (la mise en danger, directe ou indirecte, de la vie de nombreuses personnes) et une condition subjective (le fait que l'auteur le sache ou ne puisse l'ignorer). Les deux conditions sont cumulatives : l'intention de l'auteur (y compris le dol éventuel) ne peut suppléer l'absence de la condition objective. Pour apprécier la mise en danger, directe ou indirecte, de la santé de nombreuses personnes, la quantité de stupéfiants en cause constitue un élément central d'appréciation, même si d'autres critères sont également susceptibles d'être pris en considération, tels les risques liés à une drogue particulièrement pure ou à un mélange dangereux (ATF 145 IV 312 consid. 2.1.1 et 2.1.2 p. 315 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1428/2019 du 5 février 2020 consid. 1.1.2).

S'agissant de la quantité pour la cocaïne, la condition objective est remplie dès que l'infraction porte sur une quantité contenant 18 grammes de substance pure (ATF 145 IV 312 consid. 2.1 ; 138 IV 100 consid. 3.2). Si l'auteur commet plusieurs actes distincts, les quantités doivent être additionnées (ATF 112 IV 109 consid. 2b p. 113). Dans ce cadre, il sied de déterminer la quantité de drogue pure sur laquelle a porté l'infraction, qui est seule décisive (ATF 121 IV 193 consid. 2b/aa p. 196). Lorsque la drogue n'est plus disponible pour une analyse, le taux de pureté peut être déterminé sur une base statistique en référence au degré de pureté habituel à l'époque du trafic (ATF 138 IV 100 consid. 3.5 p. 105). Pour le trafic dans la rue, on retient un taux de pureté de 20% (arrêt du Tribunal fédéral 6B_632/2008 du 10 mars 2009 consid. 1 et 2).

Faits en lien avec D______

3.3.2.1. Il est établi que D______ s'est rendu au Portugal et qu'à son retour, vers Genève, il a été interpellé à K______ [France], en France, en possession de 1.1 kilogrammes de cocaïne, conditionnée dans un paquet carré. Pendant le trajet d'aller, sa voiture est tombée en panne, de sorte qu'il a dû changer de véhicule. Au Portugal, il a rencontré un individu qui lui a remis – selon ses termes – "une voiture" et – selon les termes utilisés par l'individu – quelque chose "en carré", forme correspondant au conditionnement de la cocaïne saisie. Pendant tout son périple, il a été en contact téléphonique avec un raccordement attribué à l'appelant.

D______ a déclaré aux autorités françaises, de manière constante sur l'essentiel, que l'appelant – qu'il a formellement reconnu sur planche photographique – était l'individu avec qui il était en contact et qui lui avait demandé de transporter deux, voire trois kilogrammes de cocaïne depuis le Portugal. Dans la mesure où l'appelant n'a pas pu être confronté avec D______ suite à ses déclarations recueillies lors d'une commission rogatoire, ces dernières ne sauraient fonder à elles seules la culpabilité de l'appelant.

Toutefois, il apparaît que les déclarations de D______ ne sont pas les seuls éléments à charge au dossier.

Le numéro de téléphone de l'appelant figurait dans le répertoire de celui utilisé par D______ et le numéro utilisé par ce dernier figurait dans le téléphone de l'appelant, sous la dénomination "Amigo AF______".

Selon les retranscriptions des écoutes téléphoniques, D______ s'est rendu au Portugal afin de rencontrer un individu, dont l'appelant dira qu'il s'agissait de son oncle, qui lui a remis "une voiture", une chose "en carré". L'oncle a précisé à l'appelant, par téléphone, qu'il n'avait pas pu donner plus, en raison du changement de véhicule de D______, celui-ci se déplaçant désormais avec une voiture immatriculée en Espagne, ce qui pouvait être de nature à provoquer des contrôles lors du franchissement des frontières. Ce dernier est ensuite reparti pour rencontrer l'appelant.

L'appelant a envoyé EUR 500.- à D______, par le biais de Q______, pour payer ses frais de voyage, étant précisé que, selon les enregistrements, il aurait voulu envoyer EUR 800.- mais qu'il avait atteint la limite autorisée.

Durant tout le déplacement de D______, l'appelant a été très fréquemment en contact, tant avec ce dernier qu'avec son contact au Portugal. Suite à son interpellation, D______ n'a plus été en mesure de répondre aux appels de l'appelant, qui se sont multipliés. L'appelant a à cet égard évoqué auprès de son oncle la possibilité de joindre un tiers afin de connaître les raisons du silence de D______.

Enfin, les déclarations de l'appelant, qui a nié de manière constante que les conversations enregistrées avaient un lien avec la drogue, ne convainquent pas.

Il n'a cessé de changer de versions en déclarant que D______ était un individu à qui il avait uniquement demandé de venir récupérer, auprès de lui, de l'argent que son neveu devait à ce dernier, puis, confronté aux écoutes, en affirmant que D______ lui avait proposé la vente d'une voiture, mais que l'affaire ne s'était pas faite. Confronté ultérieurement à de nouveaux enregistrements, il a alors indiqué qu'une voiture avait été vendue. En audience d'appel, il a finalement expliqué que le voyage de D______ au Portugal avait pour but l'achat de deux voitures et que ce dernier devait lui rapporter une commission de CHF 1'000.-. Il a également indiqué que son oncle devait vérifier l'état du véhicule, mais que c'était lui qui avait fixé le prix auparavant, ce qui n'est en rien plausible.

Certaines de ses explications se heurtent au contenu des conversations enregistrées, notamment lorsqu'il indique que l'argent envoyé par Q______ à D______ pendant son périple au Portugal était destiné au remboursement de la dette de son neveu et à payer les frais d'immatriculation des véhicules. Or, D______ lui dit au téléphone, sans ambiguïté possible, que la somme sera suffisante pour couvrir les frais d'essence et de péage de son voyage retour. En outre, l'appelant indique avoir confié la mission de rapporter les voitures du Portugal à D______ par téléphone. Or, cela ne ressort d'aucune des conversations enregistrées.

Interrogé sur la chose carrée évoquée dans les conversations téléphoniques, l'appelant s'est contredit en expliquant d'abord qu'il s'agissait d'argent, avant de parler de montres, puis d'évoquer à nouveau de l'argent et des billets en audience d'appel. Durant cette dernière audience, il n'a pas su expliquer ses propos tenus sur la remise d'un "échantillon" à D______ pour voir si "la jeune fille va connaitre le chemin". Il a expliqué que les conversations avaient eu lieu dans sa langue maternelle et qu'il devait y avoir eu une interprétation erronée de ses propos. Force est de constater que l'appelant s'est servi de cette excuse, ou de celle de significations doubles de certains mots dans sa langue maternelle, lorsqu'il ne parvenait pas à expliquer le sens de conversations téléphoniques.

L'emploi de ces termes, combiné au fait que certains passages des conversations téléphoniques n'ont aucun sens en considérant le sens propre des mots utilisés, permet de considérer que les protagonistes ont utilisé un langage codé, comme l'ont relevé les inspecteurs de la brigade des stupéfiants, s'appuyant sur leur expérience. De plus, si les protagonistes ne parlent jamais ouvertement de stupéfiants, il n'est jamais question non plus de vocabulaire en rapport avec la vente de voitures ou de montres, à l'exception d'une fois où D______ a employé le terme voiture. L'appelant a expliqué qu'il n'avait pas besoin d'utiliser de tels termes, D______ et lui sachant de quoi ils parlaient, mais cette assertion reste sans ancrage. Il n'existe en effet aucun intérêt à compliquer des conversations par l'utilisation d'un code si ces dernières concernent un commerce légal.

Si quelques photographies de voitures ont bien été extraites du téléphone de l'appelant, celles-ci ne sont toutefois pas suffisantes pour établir un lien avec un commerce réel de voitures, comme l'auraient été des cartes grises, des contrats de vente ou encore des bons de livraison, documents que l'appelant n'a jamais offert de produire.

L'inquiétude palpable et excessive de l'appelant lorsque D______ ne répond plus à ses appels n'est pas non plus compatible avec ses explications alambiquées, à savoir qu'il était responsable de l'achat de la voiture dont un ami au Portugal devait récupérer les clés pour effectuer le changement de plaques, et qu'il s'inquiétait pour sa commission.

Enfin, au vu de tous ces éléments, additionnés au fait que l'appelant a refusé que D______ lui envoie des photos prises sur place, lui a indiqué que son oncle lui avait remis un "échantillon" et a demandé à ce dernier si la "chose" avait été donnée "en carré", la Cour a acquis la conviction qu'il a organisé la remise et le transport de cocaïne, en possession de laquelle la mule D______ a été arrêtée.

Comme évoqué, il ressort des conversations enregistrées que le transport devait initialement porter sur une quantité de drogue plus importante que celle saisie ; la mule indique dans une conversation avoir pensé que "c'était deux" et lors de la commission rogatoire a indiqué qu'il devait initialement transporter trois kilogrammes. L'appelant a indiqué au MP que l'affaire portait initialement sur deux voitures, bien que contestant qu'il se soit agi d'un trafic de stupéfiants.

Ainsi, il demeure un doute sur la quantité de drogue que l'appelant avait prévu de faire transporter par sa mule, si bien que c'est la quantité saisie de 1.1 kilogrammes de cocaïne qui sera retenue.

L'appelant sera reconnu coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. b LStup.

Faits en lien avec E______

3.3.2.2. L'implication de E______ dans un trafic de stupéfiants a été établie, notamment à la suite de son interpellation après avoir acheté trois doigts de dix grammes de cocaïne à AO______. Ce dernier et E______ ont admis que leurs conversations téléphoniques, qui ont fait l'objet d'écoutes, étaient codées et portaient sur l'achat de cocaïne. Ces conversations sont difficilement compréhensibles et il est régulièrement question de "pour 3", "j'ai besoin de 2", "je peux pas te donner pour deux", "une fois".

Il ressort également du dossier que E______ a eu un certain nombre de contacts avec l'appelant. Il est vrai, comme l'allègue ce dernier, qu'il n'y a pas eu de découverte de drogue, d'argent ou de traces matérielles en lien avec les faits qui lui sont directement reprochés. A______ a déclaré de manière constante que ses échanges avec E______ concernaient la vente de mèches de cheveux, version corroborée par le précité, avant que ce dernier admette avoir participé à un trafic de stupéfiants avec l'intéressé. Comme mentionné antérieurement, il n'est donné aux aveux de ce dernier que peu de crédit dans la mesure où ils ont eu lieu dans une autre procédure, simplifiée. L'appelant n'a ainsi pas été confronté à E______ après ses aveux, qui sont relativement succins. Cependant, force est de constater que leurs conversations ne font jamais référence à des mèches de cheveux et qu'il n'apparaît pas justifié de prendre des précautions pour ne pas évoquer un commerce légal. Or, ses conversations avec E______ se tiennent en langage codé et sont similaires à celles enregistrées entre E______ et AO______ ; on y trouve notamment les termes "tu viennes avec 2", "une seule fois", "je veux que tu viennes avec 1". E______ a par ailleurs indiqué à l'appelant que "vu que c'est au téléphone on peut pas tout se dire". Ce dernier a justifié ses propos en indiquant ne pas vouloir parler au téléphone de ses soucis, explication qui ne convainc pas, la Cour étant plutôt d'avis que les protagonistes ne souhaitaient pas évoquer leur trafic au téléphone pour des raisons évidentes.

Si des photographies de mèches de cheveux ont bien été retrouvées dans le téléphone de l'appelant, rien ne permet de les lier auxdites conversations, étant précisé qu'il est tout à fait possible que ces dernières constituent une couverture. Et quand bien même l'appelant aurait fait un commerce de mèches de cheveux, cela ne permet pas d'exclure son implication dans un trafic de stupéfiants.

À cet égard, dans ses premières déclarations, E______ a indiqué avoir acheté à deux reprises des mèches de cheveux à l'appelant ; une première fois deux sachets pour CHF 1'000.- mais ne lui avoir payé que CHF 200.-, et une seconde fois un sachet pour un prix de CHF 650.-. Le 5 octobre 2019, il l'avait contacté pour lui acheter un sachet à CHF 150.-, qu'il comptait revendre en espérant bénéficier d'une commission de CHF 20.-. Il a toutefois indiqué que le prix d'un sachet de mèches de cheveux variait selon la qualité, mais coûtait au minimum CHF 350.- à CHF 450.-. Il semble ainsi que les montants évoqués correspondent en réalité au paiement de différentes quantités de cocaïne, comme cela ressort des conclusions des inspecteurs de la brigade des stupéfiants.

Au vu de ces éléments, la Cour est d'avis que les discussions en question étaient en lien avec la vente de cocaïne.

Si les éléments tirés de la surveillance technique permettent de constater que le prévenu s'est déplacé à Genève dans le but de fournir E______ en cocaïne, il n'est toutefois pas possible de déterminer de manière certaine si la totalité des transactions évoquées a pu se concrétiser. Seules celles des 5 et 11 octobre 2019 peuvent être retenues : en effet, le 5 octobre 2019 à 16h23, E______ demande à l'appelant de venir "avec 1" et à 18h07, l'appelant lui demande s'il lui a bien donné CHF 150.-. Le 11 octobre 2019 à 17h18, E______ demande à l'appelant de venir "avec 2" et à 19h23, il lui indique "j'arrive là ! Je viens vers toi", puis à 19h28 "Ahhh, c'est toi qui est devant".

Il sera ainsi retenu que l'appelant a fourni une quantité de 30 grammes de cocaïne à E______. En revanche, seuls les actes préparatoires en vue de la vente seront retenus en lien avec les faits des 14, 15 et 25 septembre 2019.

L'appelant sera ainsi reconnu coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c LStup (ch. 1.1.1.1.1. let. c et d de l'acte d'accusation) et à l'art. 19 al. 1 let. g LStup (ch. 1.1.1.1.1. let. a et b dito).

Faits en lien avec "H______"

3.3.2.3. Le dénommé "H______" n'a pas pu être identifié et n'a ainsi pas été entendu. L'appelant a indiqué avoir été en relation avec ce dernier qui souhaitait lui acheter deux sacs banane, dont des photos ont été retrouvées dans son téléphone. Toutefois, dans leurs conversations, à nouveau peu compréhensibles, les protagonistes n'utilisent pas un vocabulaire en lien avec la maroquinerie mais des termes similaires à ceux utilisés dans les conversations codées avec E______ et D______, tels "je te paie 1 [ ] tu me donnes l'autre 1", "tu me ramènes 20, 2 cartes comme ça", "j'ai besoin de 2".

L'individu "H______" fait quant à lui référence à des clients qui l'ont contacté et presse l'appelant, en lui disant que, s'il n'est pas d'accord, il va appeler quelqu'un "comme la veille" et va acheter ailleurs, que ce n'est "plus comme avant de travailler avec lui".

La Cour a ainsi acquis la conviction qu'il est question de cocaïne dans ces conversations.

L'appelant a toutefois refusé la vente, au regard des conditions exigées par son client. Il a à de nombreuses reprises indiqué que la marchandise n'était pas à lui ("parce que c'est pas à moi tu vois. Le gars là il va pas", "désolé parce que c'est pas à moi" "je ne peux rien faire parce que c'est c'est pas moi tu vois?" "je vais l'appeler mon gars pour voir si il est à côté", etc.) et qu'il devait "confirmer" si la transaction sollicitée par "H______" était possible. Il n'est ainsi pas possible d'affirmer que l'appelant détenait la drogue qu'il souhaitait vendre à "H______" mais tout au plus qu'il est entré en matière pour écouler des stupéfiants.

Ces faits doivent être qualifiés d'infractions à l'art. 19 al. 1 let. g LStup, dont l'appelant sera reconnu coupable.

Faits en lien avec "Z______"

3.3.2.4. Le dénommé "Z______" n'a pas pu être identifié et n'a ainsi pas été entendu.

Selon son message vocal envoyé à "Z______", l'appelant allait "envoyer 10" au précité qui a répondu qu'il allait voir son client le soir-même et que si la qualité était bonne, il y avait beaucoup d'argent à gagner. Selon l'appelant, il parlait de crédit téléphonique, explications qui ne convainquent pas. À nouveau, il est surprenant que les protagonistes ne parlent pas en des termes clairs s'il s'agit d'un commerce légal et difficile d'imaginer comment l'appelant peut faire un bénéfice en vendant du crédit téléphonique.

Compte tenu du contexte et de l'activité délictueuse de l'appelant, la Cour est d'avis que la discussion avait trait à la vente d'une quantité de dix grammes de cocaïne.

Il ne peut en revanche pas être établi que cette vente a bien eu lieu, ni que l'appelant détenait la drogue, n'indiquant pas qu'il allait la lui apporter lui-même, mais la lui envoyer, prenant ainsi des mesures concrètes pour la vente de drogue.

Partant, l'appelant sera reconnu coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. g LStup.

Faits en lien avec "AA______"

3.3.2.5. Le dénommé "AA______" n'a pas pu être identifié et n'a ainsi pas été entendu.

Les messages Whatsapp échangés entre l'appelant et "AA______" contiennent les mêmes termes que dans les précédentes conversations téléphoniques instruites et apparaissent ainsi codées.

Les explications de l'appelant à leur sujet n'emportent pas conviction. Il a tout d'abord indiqué ne pas se souvenir de ces échanges, avant d'expliquer de manière détaillée qu'ils concernaient l'envoi de différents matériaux de chantier, de divers articles et, notamment, de crics en Afrique. Il n'est toutefois jamais expressément fait mention de ce genre d'objets dans les discussions. De plus, l'appelant demande à son interlocuteur d'arrêter d'écrire et d'attendre de se voir le lendemain.

Le contenu des discussions démontre notamment que l'appelant demande à son interlocuteur de ne pas parler de leur business au téléphone. "AA______" indique qu'un tiers s'est plaint de la qualité de ce qu'il lui a donné, que c'est "de la merde". L'appelant demande à "AA______" son aide pour récupérer et entreposer du matériel chez lui, ce que l'intéressé n'accepte pas compte tenu du refus de son épouse. "AA______" l'informe que la personne qu'il devait rencontrer s'est faite arrêter la veille et qu'il n'y a rien, ce qui inquiète l'appelant, qui dit que c'est "la merde". Il est question de manière récurrente de quantité et de prix. Enfin, les deux indiquent que c'est "calme" actuellement mais "AA______" précise qu'il aura bientôt "des programmes".

Au vu de ces éléments, la Cour a acquis la conviction que les échanges concernent un trafic de cocaïne. Les messages ne permettent pas d'établir précisément la quantité exacte de drogue concernée – qui, au vu de l'importance du nombre de messages échangés devait être importante –, ni si des ventes ont effectivement eu lieu, mais que des mesures ont été prises en ce sens, étant précisé qu'il était de plus question de stockage de "matoss".

En conséquence, l'appelant sera reconnu coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. g LStup.

Faits en lien avec "AB______"

3.3.2.6. Le dénommé "AB______" n'a pas pu être identifié et n'a ainsi pas été entendu.

Les messages Whatsapp échangés entre l'appelant et "AB______" apparaissent similaires aux conversations téléphoniques instruites, et à mots codés.

L'appelant n'a fourni aucune explication, indiquant ne pas se souvenir de ces échanges.

La Cour suit le TCO lorsque ce dernier indique que sur la base du contenu de la discussion, du contexte général et en particulier de l'activité délictueuse déjà mise en lumière ci-dessus, "AB______" a cherché à se procurer de la cocaïne auprès de l'appelant, pour le compte d'un client qui en achetait régulièrement cinq grammes pour le week-end. S'il n'est pas possible d'établir que la vente a bien eu lieu, un rendez-vous a été fixé à cette fin par l'appelant qui a indiqué être en possession de ce que recherchait "AB______".

Compte tenu de ce qui précède, le prévenu sera reconnu coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. d et g LStup.

Faits en lien avec "AC______"

3.3.2.7. Le dénommé "AC______" n'a pas pu être identifié et n'a ainsi pas été entendu.

Vu le contexte général, il semble que "AC______" se plaint de la qualité de la drogue remise par l'appelant et vendue à ses clients. L'appelant indique que le message ne le concernait pas et avait été envoyé par erreur, ce qui n'apparaît pas compatible avec le fait que "AC______" ait préalablement à ce message tenté de le joindre, lui a envoyé un message de salutation, puis que l'appelant a ensuite appelé ce dernier.

Toutefois, cet unique message vocal, duquel on ne peut établir aucun comportement actif de l'appelant, n'est pas suffisant pour établir sa culpabilité. Il sera acquitté de ces faits et le jugement entrepris réformé sur ce point.

Faits en lien avec les envois d'argent à l'étranger et voyage effectué par U______

3.3.2.8. L'appelant ne conteste pas avoir effectué, ou demandé à des tiers d'effectuer, les nombreux transferts d'argent figurant à la procédure. Il nie en revanche tout lien de ces derniers avec un trafic de stupéfiants. Ses explications, peu crédibles, n'emportent pas conviction. L'envoi d'importantes sommes d'argent, en euros ou en francs suisses, notamment vers le Brésil, évoque le financement d'un trafic de drogue, notamment des trajets de mules vers l'Europe, d'autant plus au vu du contexte général et des infractions à la LStup retenues en amont. Ceci est appuyé par les différents messages reçus par l'appelant, comme ceux de "AD______" et "AE______" qui, selon les officiers de police, évoquaient pour l'un un transport de cocaïne et pour l'autre la disponibilité de mules, l'utilisation de termes tel "98 de 10", ou celui qui l'averti que "Ils ont été arrêté au scanner" auquel l'appelant répond d'effacer son téléphone. De même, les éléments extraits du téléphone de l'appelant en lien avec l'inconnu enregistré sous le nom de "AI______", avec AS______ ou encore avec le voyage effectué par AT______ à destination de W______ [France] à une époque où l'appelant s'y trouvait lui-même apparaissent très suspects.

Force est toutefois de constater qu'il n'y a pas au dossier d'éléments permettant de relier les nombreux transferts d'argent, bien que douteux, à des infractions à la LStup. Sur cette seule base, il n'est pas possible de déterminer ce qu'est advenu l'argent une fois récupéré par les contacts de l'appelant et donc d'affirmer qu'il a servi aux voyages de mules.

Un lien apparaît en revanche entre les nombreux virements reçus entre mars et juin 2019 par S______ (plus de EUR 6'698.-) et le voyage effectué par U______. Les explications de l'appelant selon lesquelles il avait versé ou fait verser ces sommes à S______ afin de lui payer son loyer au Brésil ne sont pas crédibles et ne convainquent pas. On voit mal comment l'appelant, sans revenus licites réguliers, aurait pu être en mesure d'envoyer un tel montant, qui de plus apparaît assez élevé pour un loyer au Brésil. Il a également indiqué que U______ était venue en Europe pour y travailler trois mois, comme d'autres femmes, ce qui est contredit par le fait que cette dernière possédait son billet retour 15 jours après son arrivée.

Des photographies de documents extraits du téléphone de l'appelant ont permis d'établir que U______ avait effectué le trajet de AW______ [Brésil] à AY______ [Brésil] en compagnie de S______ puis qu'elle avait embarqué sur un vol AZ______ à destination de W______ [France] le 3 juin 2019 et avait logé dans un hôtel de la capitale du 4 au 13 juin 2019. Le 4 juin 2019 à 07h55, l'appelant a envoyé "salut" à un numéro brésilien enregistré sous le nom "U______", à 17h44, "ca va" ainsi qu'un troisième message qui a été effacé et n'a pas pu être récupéré. "U______" et un inconnu ont échangé par Whatsapp, cette dernière indiquant effacer le numéro de l'inconnu et envoyer des photos à "AS______" qui les lui transmettra. Dans la foulée, "AS______" indique à un inconnu qu'elle a parlé avec "elle" (ndr : "BA______"), l'inconnu précisant que "AS______" devait lui envoyer des photos. Ces messages ont été envoyés entre 14h14 et 14h28. "U______" précise à l'inconnu qu'elle sera dans la "salle" à 14h25, ce qui correspond à l'heure d'embarquement du vol de U______ du 4 juin 2019.

Ces éléments permettent certes de retracer le trajet de U______ du Brésil à W______ mais pas d'établir qu'elle était en possession de drogue qu'elle aurait par la suite remis à l'appelant, dont la présence à W______ ne peut être confirmée, ou à un complice de ce dernier.

La procédure ne permet ainsi pas de démontrer que l'appelant a eu un comportement actif dans les faits mentionnés sous chiffres 1.1.1.1.5 de l'acte d'accusation, desquels il sera acquitté.

Le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

3.3.2.9. L'appelant a été acquitté en première instance d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. g LStup pour les faits en lien avec les chiffres 1.1.1.1.5. acba et 1.1.1.1.5. acbb, ce qui n'est pas remis en cause.

3.3.2.10. Au regard des quantités de cocaïne concernées dans l'ensemble des cas retenus, soit à tout le moins 446 grammes purs (1.1 kg à un taux de pureté de 40% et 30 grammes à un taux de pureté de 20% selon jurisprudence), le seuil de 18 grammes de substance pure fixé par la jurisprudence est largement dépassé. De plus, au vu de cette quantité, il est évident que l'appelant savait ou ne pouvait ignorer qu'il mettrait en danger la santé de très nombreuses personnes, d'autant plus que son ex-compagne a indiqué qu'il lui faisait régulièrement la morale quand elle consommait des stupéfiants, preuve qu'il connaissait les conséquences de leur consommation. Les conditions d'application de la circonstance aggravante de l'art. 19 al. 2 let. a sont ainsi à l'évidence remplies.

3.4.1.1. L'art. 115 al. 1 LEI réprime celui qui contrevient aux dispositions sur l'entrée en Suisse (art. 5) (let. a) ou séjourne illégalement en Suisse, notamment après l'expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé (let. b).

3.4.1.2. En vertu de l'art. 5 LEI, pour entrer en Suisse, tout étranger doit avoir une pièce de légitimation reconnue pour le passage de la frontière et être muni d'un visa si ce dernier est requis (let. a), disposer des moyens financiers nécessaires à son séjour (let. b), ne représenter aucune menace pour la sécurité et l'ordre publics ni pour les relations internationales de la Suisse (let. c) et ne pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement (let. d). Ces prescriptions sont cumulatives (AARP/323/2017 consid. 3.3.2 et 3.3.3).

3.4.2. Il ressort des éléments au dossier, notamment des déclarations de l'appelant, que celui-ci a pénétré sur le territoire suisse à de nombreuses reprises, sans pouvoir précisément établir à quelles dates. Il conteste toutefois avoir commis une infraction, dans la mesure où il disposait d'un récépissé d'une demande de carte de séjour française, d'une part, et qu'il avait été autorisé à passer la frontière suisse à son arrivée à l'aéroport lors de son retour de voyage du 23 février 2019, d'autre part. Aucun élément ne permet de confirmer les dires de l'appelant.

Au vu de son activité illicite précédemment retenue (cf. consid. 4.2.2.2), il est établi que l'appelant a pénétré sur le territoire suisse pour se livrer à un trafic de stupéfiants, soit en représentant une menace pour la sécurité et l'ordre publics de la Suisse, les 5 et 11 octobre 2019.

Il n'est en revanche pas possible de dater les autres entrées de l'appelant sur notre territoire, ce qui ne ressort d'ailleurs pas de l'acte d'accusation, si bien que la question de sa possession de documents d'identité idoines peut rester ouverte.

L'appelant sera ainsi reconnu coupable d'entrées illégales au sens de l'art. 115 al. 1 let. a LEI, s'agissant des occurrences des 5 et 11 octobre 2019.

En revanche, aucun élément au dossier ne permet d'établir que l'appelant a séjourné durablement en Suisse, si bien qu'il sera acquitté de séjour illégal au sens de l'art. 115 al. 1 let. b LEI.

Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

4. 4.1. Les infractions commises en lien avec l'art. 19 al. 1 let. b, c, d et g LStup sont sanctionnées par une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Pour les cas aggravés (art. 19 al. 2 LStup), une peine privative de liberté d'un an au moins et de vingt ans au plus, doit être prononcée. L'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI) est quant à elle puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire.

4.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

4.2.2. En matière de trafic de stupéfiants, la jurisprudence a dégagé les précisions suivantes (ATF 127 IV 101) : le critère de la quantité de drogue trafiquée, même s'il ne joue pas un rôle prépondérant dans l'appréciation de la gravité de la faute, constitue sans conteste un élément important. Il perd toutefois de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 al. 2 let. a LStup. Il en va de même lorsque plusieurs circonstances aggravantes sont réalisées. Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation : la faute d'un simple passeur est moins grave que celle de celui qui joue un rôle décisif dans la mise sur pied des opérations et qui participe de manière importante au bénéfice illicite (ATF 121 IV 202 consid. 2d/cc).

L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux ; celui qui écoule une fois un kilogramme de cocaïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises. Outre les éléments qui portent sur l'acte lui-même, le juge doit prendre en considération la situation personnelle du délinquant, à savoir sa vulnérabilité face à la peine, ses obligations familiales, sa situation professionnelle, les risques de récidive, etc. Il faudra encore tenir compte des antécédents, qui comprennent aussi bien les condamnations antérieures que les circonstances de la vie passée. Enfin, le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (arrêt du Tribunal fédéral 6B_595/2012 du 11 juillet 2013 consid. 1.2.2).

4.3. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine. Si les sanctions envisagées concrètement ne sont pas du même genre, elles doivent être prononcées cumulativement (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1 p. 316).

4.4. En l'espèce, la faute du prévenu est lourde. Il a participé à un trafic international de cocaïne portant sur, à tout le moins, 1'130 grammes, dont 1'100 grammes à un taux de pureté de 40%, sur plusieurs mois, agissant à au moins six reprises. Il a organisé la venue de la mule D______, dans le but de commercialiser une importante quantité de cocaïne sur le marché genevois. À cette fin, il a eu un contact direct avec le fournisseur au Portugal. Il a également écoulé de la cocaïne dans la région genevoise auprès de plusieurs revendeurs, sans jamais avoir de contacts directs avec les consommateurs finaux. Son rôle ne s'est ainsi pas limité à celui d'un simple revendeur de rue, au bas de l'échelle. Il se situait au contraire, dans la hiérarchie du trafic, à un échelon élevé, jouant un rôle important dans la mise sur pied des différentes opérations. Seule son interpellation a mis fin à ses agissements. L'appelant est en outre entré en Suisse afin de s'adonner à ses activités illicites. Ces éléments dénotent une volonté délictueuse importante.

Il a agi au mépris de la santé publique et des lois en vigueur en Suisse, par appât du gain. Son mobile était ainsi égoïste.

Sa situation personnelle n'explique ni ne justifie ses agissements.

Sa collaboration a été très mauvaise. Il a contesté toute implication dans un trafic de stupéfiants, niant, ce faisant, l'évidence et faisant des déclarations fantaisistes au sujet du contenu des écoutes téléphoniques. Il s'est en outre positionné en victime, invoquant un complot à son encontre. Sa prise de conscience est ainsi nulle.

Il a des antécédents spécifiques, tant s'agissant du trafic de stupéfiants, notamment vu sa condamnation autrichienne du 3 mai 2010, certes ancienne mais pour des faits graves, et ses précédentes condamnations pour infraction à la LEI. L'appelant est ainsi imperméable à la sanction.

Il y a concours d'infractions, facteur aggravant.

Au vu de la peine plancher prévue par l'art. 19 al. 2 LStup, seule une peine privative de liberté est envisageable pour sanctionner le trafic reproché et, vu son impécuniosité, l'infraction à la LEI.

L'infraction à la LStup objectivement la plus grave est celle concernant les faits en lien avec D______ pour laquelle une peine de base de 36 mois sera fixée. Cette peine doit être augmentée de six mois pour tenir compte de l'infraction en lien avec E______ (peine hypothétique de neuf mois), de quatre mois pour celle en lien avec "AB______" (peine hypothétique de six mois), de trois mois pour celle en lien avec "AA______" (peine hypothétique de cinq mois) et de deux mois pour chacune de celle en lien avec "H______" et "Z______" (peines hypothétiques respectives de trois mois). Enfin, cette peine sera aggravée d'un mois pour tenir compte de l'infraction à la LEI (peine hypothétique de deux mois).

La peine privative de liberté d’ensemble doit ainsi être fixée à quatre ans et six mois.

Compte tenu de la quotité de la peine infligée au regard de sa faute, l'octroi d'un sursis n'entre pas en considération.

Le jugement entrepris sera modifié en ce sens.

5. 5.1.1. À teneur de l'art. 66a al. 1 let. o CP, le juge expulse de Suisse, pour une durée de cinq à quinze ans, l'étranger qui est condamné pour infraction à l'art. 19 al. 2 LStup.

La jurisprudence du Tribunal fédéral reconnaît, en matière de drogue, l'existence d'intérêts publics importants à l'expulsion, compte tenu en particulier des ravages qu'elle provoque dans la population, alors que la CourEDH admet pour sa part que les autorités sont fondées à faire preuve d'une grande fermeté à l'encontre des personnes qui contribuent à la propagation de ce fléau (cf. arrêts CourEDH K.M. c. Suisse du 2 juin 2015 [requête n° 6009/10], § 55 ; Dalia c. France du 19 février 1998, Recueil CourEDH 1998-I 76 § 54 ; aussi arrêts du Tribunal fédéral 6B_93/2021 du 6 octobre 2021 consid. 5.2 ; 6B_40/2021 du 29 septembre 2021 consid. 7.3).

5.1.2. Si le tribunal prononce une expulsion, il doit, s'agissant de ressortissants d'États tiers, obligatoirement aussi décider si l'expulsion doit être signalée dans le SIS, indépendamment d'une requête en ce sens du ministère public (art. 20 de l'ordonnance sur la partie nationale du Système d'Information Schengen (N-SIS) et sur le bureau SIRENE ; ATF 147 IV 340 ; 146 IV 172 consid. 3.3.4).

L'inscription de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) était jusqu'au 11 mai 2021 régie par le chapitre IV du règlement SIS II (règlement CE n° 1987/2006) relatif aux signalements de ressortissants de pays tiers aux fins de non-admission ou d'interdiction de séjour. La Suisse a repris le 11 mai 2021 le nouveau règlement (UE) 2018/1861 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du SIS dans le domaine des vérifications aux frontières (RS 0.362.380.085). La question de savoir si c'est le règlement (UE) 2018/1861 ou le règlement SIS II qui s'applique à la présente procédure peut être laissée ouverte dans la mesure où les dispositions topiques sont, dans une large mesure, identiques. Les deux normes exigent que la présence du ressortissant d'un pays tiers constitue une "menace pour l'ordre public ou la sécurité nationale" ou "une menace pour l'ordre public ou la sécurité publique ou nationale", ce qui est le cas lorsque le ressortissant d'un pays tiers a été condamné dans un État membre pour une infraction passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins un an. Selon les deux règlements, la décision d'inscription doit être prise dans le respect du principe de proportionnalité (individuelle) (cf. art. 21 du règlement SIS II ; art. 21, par. 1, du règlement [UE] 2018/1861, et arrêt du Tribunal fédéral 6B_932/2021 du 7 septembre 2022 consid. 1.8.1). Vu le contenu similaire des deux actes, la jurisprudence développée en lien avec le premier s'applique pleinement.

5.2. En l'espèce, l'expulsion de l'appelant, qu'il ne remet pas en cause dans son principe, sera confirmée dans la mesure où elle respecte les critères légaux de l'art. 66a CP, étant précisé qu'il n'a aucun lien particulier avec la Suisse, pays dans lequel il s'est rendu uniquement pour commettre des infractions, et que ses enfants vivent en Guinée-Bissau et à Burkina Faso.

Les infractions graves et répétées à la LStup pour lesquelles l'appelant a été condamné constituent à l'évidence une menace pour l'ordre et la sécurité publics, au sens de la jurisprudence fédérale et du règlement CE susmentionné.

Si, dans l'hypothèse d'un transport de drogue dite "douce", la question de la proportionnalité d'une inscription au SIS aurait pu se poser, il en va différemment du trafic de cocaïne, pour lequel une grande fermeté s'impose.

Partant, vu la gravité des faits pour lesquels l'appelant a été condamné et la peine privative de liberté de quatre ans et six mois prononcée à son encontre, laquelle dépasse largement le seuil d'une année fixé dans la jurisprudence, il ne s'agit manifestement pas d'un cas pour lequel l'absence d'inscription au registre SIS pourrait se justifier.

Dans ces circonstances, il se justifie de procéder à ladite inscription, ce d'autant plus en raison du caractère international du trafic reproché.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

6. 6.1. Les mesures de confiscation et destruction, à juste titre non contestées, seront confirmées.

6.2. Concernant les sommes saisies, il est établi que l'appelant a participé à un trafic de stupéfiants et n'a pas démontré avoir des revenus licites au moment de son interpellation. La Cour considère qu'il s'agit de sommes de provenance délictueuse et que le séquestre doit ainsi être maintenu en prévision du paiement des frais de la procédure (cf. art. 268 al. 1 let. a CPP). L'argent séquestré devrait dès lors faire l'objet d'une créance en restitution et être compensé avec celle de l'État en paiement des frais de la procédure (art. 442 al. 4 CPP).

7. Les motifs ayant conduit les premiers juges à prononcer, par ordonnance séparée du 2 février 2022, le maintien de l'appelant en détention pour des motifs de sûreté sont toujours d'actualité, ce que celui-ci ne conteste au demeurant pas, de sorte que la mesure sera reconduite mutatis mutandis (ATF 139 IV 277 consid. 2.2 à 2.3).

8. 8.1.1. Si l'autorité de recours rend elle-même une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l'autorité inférieure (art. 426 al. 3 CPP).

Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure de première instance s'il est condamné. Si sa condamnation n'est que partielle, les frais ne doivent être mis à sa charge que de manière proportionnelle, en considération des frais liés à l'instruction des infractions pour lesquelles un verdict de culpabilité a été prononcé (arrêts du Tribunal fédéral 6B_572/2018 du 1er octobre 2018 consid. 5.1.1 et 6B_726/2017 du 20 octobre 2017 consid. 5.1).

8.1.2. Dans le cadre du recours, les frais de la procédure sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé (art. 428 al. 1 CPP). Pour déterminer si une partie succombe ou obtient gain de cause, il faut examiner dans quelle mesure ses conclusions sont admises en deuxième instance (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1261/2017 du 25 avril 2018 consid. 2 et 6B_636/2017 du 1er septembre 2017 consid. 4.1). Lorsqu'une partie obtient gain de cause sur un point, succombe sur un autre, le montant des frais à mettre à sa charge dépend de manière déterminante du travail nécessaire à trancher chaque point (arrêts du Tribunal fédéral 6B_472/2018 du 22 août 2018 consid. 1.2 et 6B_636/2017 précité consid. 4.1).

8.2.1. Vu l'acquittement partiel prononcé en première instance, et étendu en appel, il y a lieu de revoir la répartition des frais de première instance selon l'art. 428 al. 3 CPP. Concernant les infractions à la LStup, la culpabilité de l'appelant est confirmée mais porte sur huit complexes de faits au lieu de douze et, concernant plus spécifiquement les faits en lien avec "H______", "Z______" et "AA______", seuls les actes préparatoires ont été retenus. Toute l'instruction a principalement porté sur les faits en lien avec D______ et E______ et dans une moindre mesure sur ceux en lien avec les personnes non identifiées. En particulier, il n'y a eu qu'une seule audience où les faits en lien avec "H______", "Z______" et "AA______" ont été abordés. Concernant les infractions à la LEI, l'appelant a été acquitté de séjour illégal et seules deux entrées illégales ont été retenues. Cependant, ces infractions n'ont nécessité aucun acte d'instruction particulier. A______ supportera ainsi trois-quarts des frais de la procédure de première instance.

8.2.2. L'appelant obtient partiellement gain de cause en appel, dans la mesure où il est très partiellement acquitté et qu'une peine privative de liberté réduite est prononcée. Il supportera ainsi trois-quarts des frais de la procédure d'appel (art. 428 al. 2 let. b CPP).

9. 9.1.1. La question de l'indemnisation doit être tranchée après celle des frais (arrêt du Tribunal fédéral 6B_548/2018 du 18 juillet 2018 consid. 1.1.2). Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2 p. 357 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_548/2018 du 18 juillet 2018 consid. 1.1.2).

9.1.2. L'art. 429 al. 1 let. c CPP, applicable aux voies de recours par renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP, prévoit notamment que, s'il est acquitté en partie, le prévenu a droit à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (art. 429 al. 1 let. c CPP).

9.1.3. Les jours de détention provisoire sont imputés sur la peine prononcée et ne font l'objet d'une indemnisation qu'en cas de condamnation à une peine inférieure à la durée de la détention déjà subie (art. 431 al. 2 CPP). L'indemnisation financière est en effet subsidiaire à l'imputation (ATF 141 IV 236 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_671/2016 du 17 mai 2017 consid. 1.1) et l'intéressé n'a pas le droit de choisir entre les deux formes d'indemnisation (arrêts du Tribunal fédéral 6B_389/2018 du 6 septembre 2018 consid. 1.1 ; 6B_671/2016 du 17 mai 2017 consid. 1.1 ; 6B_431/2015 du 24 mars 2016 consid. 2.2 ; 6B_84/2014 du 13 août 2014 consid. 5.1).

9.2. L'appelant obtient partiellement gain de cause.

Toutefois, sa détention est justifiée au vu de sa condamnation pour infraction à l'art. 19 al. 1 let. b, c, d, g et al. 2 LStup, et partant licite.

Au surplus, et comme rappelé ci-dessus, l'imputation des jours de détention déjà subis est prioritaire sur l'indemnisation, étant précisé que la peine privative de liberté prononcée (quatre ans et six mois) est supérieure à la détention déjà subie (1'200 jours).

Ainsi, aucune indemnité pour la détention subie ne sera allouée à l'appelant (429 al. 1 let. c CPP a contrario).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTCO/15/2022 rendu le 2 février 2022 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/22161/2019.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. b, c, d, g et al. 2 let. a LStup) et d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI).

Acquitte A______ d'infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. b, c, d et g LStup) s'agissant de celles décrites sous chiffres 1.1.1.1.5 et 1.1.1.1.9 de l'acte d'accusation ainsi que de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de quatre ans et six mois, sous déduction de 1'200 (au 10 février 2023) jours de détention avant jugement (art. 40 et 51 CP).

Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de dix ans (art. 66a al. 1 let. o CP).

Dit que l'exécution de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Ordonne le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art.  20 de l'ordonnance N-SIS ; RS 362.0).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Ordonne le séquestre, la confiscation et la destruction des objets figurant sous chiffres 1 et 2 de l'inventaire n° 15______ (art. 69 CP).

Condamne A______ aux trois-quarts des frais de la procédure de première instance, qui s'élèvent à CHF 19'076.60, y compris un émolument de jugement de CHF 3'000.-, et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État (art. 426 al. 1 CPP).

Prend acte de ce que l'indemnité due à MBJ______, défenseur d'office de A______, a été fixée à CHF 14'015.25 pour la procédure de première instance (art. 135 CPP).

Ordonne le maintien de A______ en détention pour des motifs de sûreté.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 3'335.-, comprenant un émolument de jugement de CHF 3'000.-.

Met trois-quarts de ces frais, soit CHF 2'501.25, à la charge de A______ et en laisse le solde à la charge de l'État.

Compense à due concurrence la créance de l'État portant sur les frais de la procédure avec les valeurs patrimoniales séquestrées figurant sous chiffre 3 de l'inventaire n° 15______ du 30 octobre 2019 (CHF 5.90 et EUR 0.60).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, au Secrétariat d'Etat aux migrations, à l'Office fédéral de la police, à l'Office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'au Service de l'application des peines et mesures.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

19'076.60

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

140.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

120.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

3'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

3'335.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

22'411.60