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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/11651/2017

AARP/79/2023 du 15.03.2023 sur JTDP/319/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 03.05.2023, rendu le 20.11.2023, REJETE, 6B_559/2023
Descripteurs : DÉFAUT DE VIGILANCE EN MATIÈRE D'OPÉRATIONS FINANCIÈRES;DÉPENS;PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
Normes : CP.305ter.al1; CPP.426.al2; CPP.429.al1.leta
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11651/2017 AARP/79/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 8 mars 2023

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/319/2022 rendu le 22 mars 2022 par le Tribunal de police,

 

et

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me V______, avocat,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, le Ministère public (MP) appelle du jugement JTDP/319/2022 du 22 mars 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) a acquitté A______ de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 du Code pénal [CP]). Le TP a en outre laissé les frais de la procédure à la charge de l'État et condamné celui-ci à verser à A______ une indemnité d'un montant de CHF 28'836.70 (TVA comprise) à titre d'indemnité pour ses frais d'avocat.

b. Le MP entreprend partiellement ce jugement, concluant à la mise à charge de A______ des frais de la procédure et au rejet de sa requête d'indemnisation.

B. Les faits tels que retenus par le TP ne sont pas contestés. S'agissant des questions encore débattues au stade de l'appel, les faits pertinents sont les suivants :

a.a. A______, spécialiste en matière de trust et membre de la B______ [association professionnelle], a exercé une activité de prestataire de service au sein de O______ SA, société initialement incorporée au Panama, puis transférée à Samoa, dont il était l'un des administrateurs avec signature collective à deux. Il s'occupait notamment de constituer des sociétés de domicile et de les gérer pour le compte des clients de O______ SA.

a.b. D______ TRUST, devenu E______ TRUST le 21 décembre 2012, est un trust de droit bahaméen constitué le ______ février 2004 à F______, aux Bahamas. Ses bénéficiaires étaient G______ et les membres de sa famille, et H______ LTD, société néozélandaise alors détenue par la société I______ LTD, également de droit néozélandais. Ses trustees étaient J______, K______ et L______.

a.c. M______ TRUST était un trust discrétionnaire et irrévocable de droit panaméen constitué le ______ mars 2014. Selon ses documents constitutifs, son bénéficiaire, jusqu'au 30 décembre 2016, était la société N______ CORP. et son trustee la société H______ LTD.

a.d. N______ CORP. était une société de domicile incorporée le ______ 2013 au Panama et détenue par M______ TRUST.

b.a. N______ CORP., représentée par O______ SA, a ouvert, le 30 avril 2014, un compte bancaire n° 1______ auprès de P______ TRUST SA, société bancaire de droit suisse.

À cette occasion, A______ a signé le 30 avril 2014 un formulaire A dans lequel H______ LTD figurait comme bénéficiaire des avoirs déposés au nom de N______ CORP.

À la même date, A______ a également signé un formulaire T faisant référence à la Convention relative à l'obligation de diligence des banques de 2008, et désignant Q______ en qualité de settlor du M______ TRUST et H______ LTD en qualité de trustee et bénéficiaire de ce trust.

A______ a enfin signé un formulaire KYC ("know your customer") attestant que les avoirs déposés sur le compte n° 1______ provenaient de la distribution d'un autre trust de la famille et avaient pour origine E______ TRUST.

b.b. Par courrier du 18 août 2014, H______ LTD, en sa qualité de bénéficiaire de E______ TRUST et de trustee du M______ TRUST, a demandé aux trustees de E______ TRUST d'ordonner le virement des avoirs de celui-ci sur le compte n° 1______ de N______ CORP., avec la référence "N______".

Le 14 octobre 2014, USD 10'080'000.- ont été versés sur ce compte.

b.c. En mai 2015, [la banque] R______ (Suisse) a repris une partie des comptes déposés auprès de P______ TRUST SA, notamment ceux de N______ CORP., et s'est vu remettre à cette occasion le formulaire KYC susmentionné.

b.d. Le 1er mai 2016, R______ (Suisse) a fait signer à N______ CORP., représentée par O______ SA, soit pour elle A______, ses propres documents d'ouverture de compte. Parmi ceux-ci figurait un formulaire T désignant Q______ et S______ en tant que settlors de M______ TRUST et H______ LTD en qualité de bénéficiaire ce dernier.

b.e. Par addendum du 21 novembre 2016, les settlor et trustee du M______ TRUST ont décidé de transférer les fonds déposés sur le compte n° 1______ en faveur d'un partenaire commercial, T______ LLP, et de dissoudre ensuite N______ CORP. et M______ TRUST.

b.f. Le 20 mars 2017, une réunion s'est tenue au sein de R______ (Suisse), à laquelle ont assisté notamment A______ et G______, afin de clarifier la structure sociale et économique de M______ TRUST. Selon le compte-rendu fait par la banque, G______ qu'elle ne connaissait pas jusqu'alors, a affirmé être le véritable settlor de M______ TRUST et ne pas connaître Q______ et S______.

c.a. Le 11 mai 2017, le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent de l'Office fédéral de la police (MROS) a adressé au MP une communication de soupçons de blanchiment d'argent qu'il avait reçue de R______ (Suisse), en relation avec le compte bancaire détenu par N______ CORP.

c.b. En date du 6 juin 2017, le MP a ordonné un séquestre des documents relatifs au compte de N______ CORP. auprès de R______ (Suisse), ainsi que des avoirs rattachés audit compte. Une instruction pénale a été formellement ouverte le 8 juin 2017.

c.c. A______ a été entendu à deux reprises par le MP, la première fois le 3 octobre 2019 pendant quatre heures et 30 minutes, et la seconde fois le 18 octobre 2019 pendant quatre heures. Il était à chaque fois assisté d'un avocat.

Ce dernier a en outre consulté le dossier de la procédure le 16 octobre 2019 pendant une heure et le 9 janvier 2020 pendant également une heure.

c.d. Le 23 novembre 2020, le MP a rendu une ordonnance pénale déclarant A______ coupable de faux dans les titres. Le 4 décembre 2020, A______ a, par un bref courrier, fait opposition à cette ordonnance pénale. Par ordonnance du 15 décembre 2015, le MP a maintenu celle-ci et transmis le dossier au TP.

d. Une audience d'une durée d'une heure et cinq minutes s'est tenue le 22 mars 2021 devant le TP, en présence de A______ et de son défenseur.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par voie écrite.

b.a. Dans son mémoire d'appel, le MP est d'opinion que c'est par négligence que A______ a transmis des informations inexactes aux banques P______ TRUST SA et R______ (Suisse). Ces actions n'étaient certes pas punissables au titre de l'art. 251 CP, mais avaient cependant déclenché la communication au MROS et, par conséquent, l'ouverture de la procédure pénale. Les conditions des art. 426 al. 2 et 430 al. 1 let. a CPP étaient donc remplies et imposaient que A______ supportât les frais de la procédure de première instance et qu'une indemnité pour ses frais de sa défense lui fût refusée.

b.b. Dans son mémoire de réponse, A______ conclut au rejet du recours sous suite de frais, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de CHF 2'550.- en sa faveur pour ses frais liés à la procédure d'appel.

Selon lui, il n'avait violé aucune norme de comportement permettant de mettre les frais de la procédure à sa charge ou de le priver d'une indemnité. Le MP ne précisait d'ailleurs pas à quelle norme de comportement il aurait contrevenu.


 

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. Il convient tout d'abord de déterminer si c'est à juste titre que le TP a laissé les frais de première instance à charge de l'État et qu'il a, sur le principe, octroyé une indemnité à l'intimé.

2.1.1. Selon l'art. 423 al. 1 CPP, les frais de procédure sont mis à la charge du canton qui a conduit la procédure sous réserve d'une autre règle d'imputation prévue par le CPP.

Lorsque le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent néanmoins être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art. 426 al. 2 CPP). Une condamnation aux frais sur la base de cette norme n'est admissible que si le prévenu a causé les frais en cause en violant fautivement une règle juridique proscrivant un certain comportement ; le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, en application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO, mais l'acte reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement en cause (ATF 144 IV 202 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_162/2022 du 9 janvier 2023 consid. 2.1 ; 6B_248/2022 du 26 octobre 2022 consid. 1.1 ; 6B_1306/2021 du 8 août 2022 consid. 2.3 ; 6B_997/2020 du 18 novembre 2021 consid. 1.2). Le juge ne peut fonder une décision d'imputation des frais sur l'art. 426 al. 2 CPP que si les faits justifiant cette imputation sont incontestés ou clairement établis (arrêts du Tribunal fédéral 6B_997/2020 du 18 novembre 2021 consid. 1.2 ; 6B_1090/2020 du 1eravril 2021 consid. 2.1.1 ; 6B_660/2020 du 9 septembre 2020 consid. 1.3). La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit en outre respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 6 par. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) ; sous sa forme de principe de droit matériel, celle-ci interdit en effet de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées (arrêts du Tribunal fédéral 6B_162/2022 du 9 janvier 2023 consid. 2.1 ; 6B_248/2022 du 26 octobre 2022 consid. 1.1 ; 6B_660/2020 du 9 septembre 2020 consid. 1.3 ; 6B_886/2018 du 31 octobre 2018 consid. 2.7).

L'art. 430 al. 1 let. a CPP repose sur les mêmes principes s'agissant du refus de l'octroi d'une indemnité à un prévenu acquitté (arrêts du Tribunal fédéral 6B_357/2022 du 20 janvier 2023 consid. 2.1.2 ; 6B_762/2022 du 11 janvier 2023 consid. 2.1.2), étant rappelé que la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation et qu'une indemnité est en principe exclue en cas d'application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP (ATF 147 IV 47 consid. 4.1 ; 145 IV 94 consid. 2.3.2 ; 144 IV 207 consid. 1.8.2 ; 137 IV 352 consid. 2.4.2).

2.1.2.1. Selon l'art. 251 ch. 1 CP, est punissable celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.

Sur le plan subjectif, le faux dans les titres est une infraction intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs ; le dol éventuel suffit (ATF 141 IV 369 consid. 7.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_261/2020, 6B_270/2020 du 10 juin 2020 consid. 4.2 ; 6B_891/2018 du 31 octobre 2018 consid. 3.5.1).

2.1.2.2. Selon l'art. 305ter al. 1 CP, est punissable celui qui, dans l'exercice de sa profession, aura accepté, gardé en dépôt ou aidé à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à un tiers et qui aura omis de vérifier l'identité de l'ayant droit économique avec la vigilance que requièrent les circonstances.

Le contenu de l'obligation de vigilance dont le non-respect est sanctionné par cette norme est déterminé par les art. 3 ss de la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme dans le secteur financier du 10 octobre 1997 (LBA) (B. A. ISENRING, OFK- StGB/JStG Kommentar, 21ème éd. 2022, n. 7 ad art. 305ter ; W. WOHLERS, Handkommentar Schweizerisches Strafgesetzbuch, 4ème éd. 2020, n. 5 ad art. 305ter ; D.K. GRAF, StGB Annotierter Kommentar, 2020, n. 6 ad art. 305ter). Le spectre des comportements proscrits par l'art. 305ter al. 1 CP est ainsi relativement large puisqu'il couvre même la violation du devoir de documentation prévu par l'art. 7 LBA (ATF 136 IV 127 consid. 3.1.3.2). Les devoirs posés aux art. 3 et suivants LBA sont concrétisés par l'ordonnance de la FINMA [autorité fédérale de surveillance des marchés financiers] sur le blanchiment d'argent (OBA-FINMA) et la Convention relative à l'obligation de diligence des banques (CDB) de l'Association suisse des banques, bien que cette dernière ne lie pas le juge pénal (ATF 125 IV 139 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_501/2009 du 17 janvier 2011 consid. 2.1.3), en tout cas en ce qui concerne la période antérieure au 1er janvier 2023 (cf. art. 17 al. 2 LBA).

L'infraction de l'art. 305ter al. 1 CP est intentionnelle ; cependant la violation fautive par un auteur qui "traite" de valeurs patrimoniales dans le cadre de son devoir de diligence est suffisante (ATF 125 IV 139 consid. 4 ; D.K. GRAF, StGB Annotierter Kommentar, 2020, n. 10 ad art. 305ter ; FF 1989 II 961, p. 990 ; voir également : Mark PIETH, Basler Kommentar StGB, 4ème éd. 2019, n. 29s. ad art. 305ter).

3.2. En l'espèce le MP avance que l'intimé est responsable de l'ouverture d'une procédure pénale à son encontre en raison des négligences qu'il aurait commises au moment de remplir un formulaire A le 30 avril 2014, et des formulaires T les 30 avril 2014 et 1er février 2016.

S'agissant en premier lieu de la commission par négligence du comportement réprimé par l'art. 251 CP, elle ne saurait fonder une imputation des frais selon l'art. 426 al. 2 CPP. En effet, l'art. 1 CP pose le principe selon lequel le choix des comportements à réprimer pénalement relève du pouvoir exclusif du législateur (ATF 148 IV 329 consid. 5.1) ; un tribunal pénal n'est en particulier jamais autorisé à créer une infraction en comblant une lacune légale (ATF 134 IV 297 consid. 4.3). En l'absence de base légale expresse, la Chambre de céans ne saurait retenir que l'art. 251 CP fonde une norme de comportement non-écrite prohibant la commission d'un faux dans les titres par négligence. Cela reviendrait en effet à ignorer le choix politique du législateur fédéral qui a considéré que la confection ou l'utilisation par négligence d'un titre faux ne devait pas être réprimée. Autrement dit, on ne saurait considérer que la commission par négligence d'une infraction uniquement intentionnelle constituerait une violation d'une norme de comportement de l'ordre juridique suisse en l'absence d'une base légale de droit public ou de droit civil prévoyant spécifiquement le contraire.

Eu égard, en second lieu, à la potentielle violation par l'intimé d'un devoir de diligence fondé sur la LBA en lien avec l'OBA-FINMA ou la CDB, il appert que celui-ci est un professionnel de la finance dont l'activité entre dans le champ d'application personnel de l'art. 305ter CP. La question de savoir s'il a fait preuve d'un manque de vigilance coupable au moment d'identifier les ayants-droits économiques des sommes situées sur le compte bancaire dont était titulaire N______ CORP., respectivement M______ TRUST, ou a violé une obligation de diligence et clarification particulière au sens de l'art. 6 LBA, conduirait nécessairement à l'examen de sa culpabilité du chef de l'art. 305ter al. 1 CP ou des dispositions pertinentes de la LBA. Dès lors que le MP a limité son appel à la question des frais et dépens de première instance, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) ne peut pas y procéder, indépendamment de la question de savoir si l'acte d'accusation était suffisant ou non à cet égard. Si la CPAR se fondait sur une violation de son obligation de diligence par l'intimé pour lui imputer les frais de première instance, cela reviendrait à violer le droit de celui-ci à la présomption d'innocence.

Par ailleurs, l'art. 426 al. 2 CPP exige que la violation de la norme de comportement en cause soit claire, en plus d'être basée sur des faits établis. Or, une violation de ses devoirs consacrés par les art. 3 et suivants LBA par l'intimé est loin d'être clairement caractérisée à l'aune des faits arrêtés par le TP. Celui-ci a au contraire retenu que "{ } aucun élément à même de les mettre en doute, n'apparaissent pas dénuées de pertinence s'agissant de la raison pour laquelle il n'a pas indiqué N______ CORP. comme étant le bénéficiaire, en tant qu'il ressort que cette dernière est la société sous-jacente de M______ TRUST et que H______ LTD, en tant que trustee du trust, avait le pouvoir de disposer des fonds, même si elle n'en était pas l'ayant droit économique. { } Le fait qu'il est établi que l'origine des fonds provenait de E______ TRUST, dont était en partie bénéficiaire G______, ne signifie pas pour autant qu'il en était encore le bénéficiaire suite à la création de M______ TRUST et au transfert des fonds de E______ TRUST en faveur de M______ TRUST." (cf. JTDP/319/2022, consid. 3.2.2 p. 16). Il ressort par ailleurs des faits arrêtés en première instance, et non contestés en appel, que le bénéficiaire réel des avoirs du M______ TRUST, respectivement de N______ CORP., pourrait aussi bien être G______ que d'autres individus se trouvant derrière la société de droit néozélandais H______ LTD, respectivement derrière la société U______ LTD (anciennement I______ LTD : https://app.companiesoffice.govt.nz/companies/app/ui/pages/
companies/______/detail ; consulté pour la dernière fois le 16 février 2023) qui détenait la société H______ LTD, selon le tableau établi par l'intimé (cf. pièces 50'018 et 60'050). Or, la question de savoir jusqu'où allait le devoir de diligence de l'intimé dans une telle situation est une question nécessitant un examen détaillé du fond de la cause et qui, a contrario, ne peut être qualifiée de suffisamment claire pour fonder une imputation des frais au prévenu acquitté sur la base de l'art. 426 al. 2 CPP.

Il n'apparaît pas que les faits arrêtés en première instance permettent de retenir que l'intimé ait violé une autre norme de comportement prévue par le droit suisse.

En conclusion, c'est à juste titre que le TP a laissé les frais engendrés par la procédure préliminaire et de première instance à la charge de l'État et octroyé une indemnité à l'intimé en lien avec les dépenses occasionnées pour celui-ci par l'usage raisonnable de ses droits de procédure selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP.

4. Reste à examiner si le montant retenu à titre d'indemnité par l'autorité précédente est conforme au droit.

4.1. L'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit que s'il est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

C'est au prévenu (totalement ou partiellement) acquitté qu'il appartient de prouver le bien-fondé de ses prétentions en indemnisation, conformément à la règle générale du droit de la responsabilité civile selon laquelle la preuve du dommage incombe au demandeur (ATF 146 IV 332 consid. 1.3 ; 142 IV 237 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_278/2021 du 2 novembre 2021 consid. 1.2.3).

L'État ne prend en charge les frais de défense que si l'assistance d'un avocat était nécessaire compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit et que le volume de travail, et donc les honoraires, étaient ainsi justifiés (ATF 142 IV 45 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_380/2021 du 21 juin 2022 consid. 2.2.1 ; 6B_706/2021 du 20 décembre 2021 consid. 2.1.1 ; 6B_2/2021 du 25 juin 2021 consid. 1.1.2). L'État doit en principe indemniser la totalité des frais de défense, ceux-ci devant toutefois demeurer raisonnables compte tenu de la complexité et de la difficulté de l'affaire (ATF 142 IV 163 consid. 3.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_380/2021 du 21 juin 2022 consid. 2.2.2 ; 6B_706/2021 du 20 décembre 2021 consid. 2.1.1 ; 6B_230/2021 du 17 novembre 2021 consid. 1.1).

L'indemnité doit correspondre au tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule ; l'État n'est pas lié par une convention d'honoraires passée entre le prévenu et son avocat (ATF 142 IV 163 consid. 3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_380/2021 du 21 juin 2022 consid. 2.2.2). Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, il n'en a pas moins posé, à l'art. 34 de la loi sur la profession d'avocat (LPAv), les principes généraux devant présider à la fixation des honoraires, qui doivent en particulier être arrêtés compte tenu du travail effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire, de la responsabilité assumée, du résultat obtenu et de la situation du client. La Cour de justice applique ainsi un tarif horaire maximal de CHF 450.- pour les chefs d'étude (AARP/357/2022 du 16 novembre 2022 consid. 6.1 ; AARP/347/2022 du 16 novembre 2022 consid. 2.1 ; AARP/318/2022 du 17 octobre 2022 consid. 9.1) et de CHF 150.- pour les avocats-stagiaires (AARP/9/2023 du 16 janvier 2023 consid. 4.2 ; AARP/347/2022 du 16 novembre 2022 consid. 2.1).

4.2. En l'espèce, le TP a octroyé à l'intimé une indemnité d'un montant de CHF 28'836.70 (TVA comprise). Il a retenu une activité de 59.50 heures au tarif horaire de CHF 450.-, en écartant 14.50 heures de travail réalisées par un avocat stagiaire et 0.42 heure de travail réalisée par un collaborateur.

Des 3'570 minutes de travail par un avocat associé retenues, 27 heures et demie (soit 1'620 minutes) ont été consacrées au travail du dossier par ledit avocat ou aux séances de travail de celui-ci avec l'intimé, avant que le MP ne rende son ordonnance pénale du 23 novembre 2020. Ce total est excessif, même en tenant compte d'une certaine complexité factuelle de la cause. Il faut en particulier prendre en considération le fait que l'intimé était représenté par un conseil particulièrement expérimenté en matière d'infractions économiques, et donc en mesure de cerner les éléments clés de la cause de façon plus efficiente. À cette aune, un total de douze heures (720 minutes) de travail de fond du dossier (hors consultation de celui-ci au MP), seul ou avec l'intimé, jusqu'au prononcé de l'ordonnance pénale initiale apparaît suffisant. Il convient donc de réduire l'indemnité octroyée en première instance d'un montant de CHF 6'975.- ([27.5 – 12] x 450).

Les 905 minutes (15 heures et 5 minutes) alléguées consacrées à des communications à distance de tout type (courriers et téléphones) par un avocat associé constituent également une durée qui excède ce qui est nécessaire à une défense efficace de la cause, en particulier par un avocat hautement expérimenté. Au vu du fait que le travail concerné ne concernait qu'un seul prévenu, mais également de la complexité factuelle de la cause, une durée de six heures (360 minutes) apparaît adéquate. Il convient donc de réduire l'indemnité octroyée en première instance d'un montant de CHF 4'086.- ([15.08 – 6] x 450).

Enfin, les six heures et demie (390 minutes) de travail d'un avocat associé consacrées à la préparation des débats principaux sont excessives, dès lors qu'il ressort de l'état de frais qu'une "plaidoirie écrite" a été antérieurement rédigée non par le défenseur, mais par un avocat-stagiaire de son étude, qu'aucune question préjudicielle n'a été soulevée et qu'aucun témoin n'a été interrogé à cette audience. Au vu du temps consacré au travail sur le dossier et de la brièveté des débats principaux, une durée de trois heures (180 minutes) était suffisante pour préparer ceux-ci. Il convient donc de réduire l'indemnité octroyée en première instance d'un montant de CHF 1'575.- ([6.5 – 3] x 450).

Eu égard au travail réalisé par l'avocat stagiaire, il ressort de l'état de faits que bien que celui-ci ait consacré plusieurs heures au travail du dossier, y compris un entretien d'une heure et 20 minutes avec l'intimé et la préparation d'une "plaidoirie écrite", il n'a finalement pas représenté celui-ci lors des débats principaux, ce qui réduit notablement l'utilité du travail réalisé. Il convient donc uniquement de rajouter au montant retenu en première instance une heure de travail d'avocat-stagiaire correspondant à la rédaction d'un courrier de détermination au MP du 17 novembre 2020 (cf. facturation du 12 novembre 2020) et d'un courrier d'opposition sans motivation particulière (cf. ibidem), soit une somme de CHF 150.-.

Il convient en outre de rajouter au total retenu un montant de CHF 562.50
(1.25 x 450) pour tenir compte de la durée de l'audience de débats principaux, à savoir une heure et cinq minutes, ainsi que d'une durée de dix minutes pour la seconde consultation du dossier par le défenseur de l'intimé en date du 9 janvier 2020. Ces deux éléments avaient en effet été omis dans le calcul du TP, alors qu'ils ressortent du dossier (fait notoire car connu du Tribunal : ATF 143 IV 380 consid. 1.1.1).

En conclusion, il convient de réduire l'indemnité octroyée à l'intimé pour la procédure préliminaire et de première instance à un montant de CHF 16'913.20, TVA comprise (28'836.70 – [6'975 + 4'086 + 1'575] + [150 + 562.50]). L'appel du MP est bien-fondé dans cette mesure.

5. 5.1. Selon l'art. 428 al. 1, première phrase, CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé ; pour déterminer si une partie succombe ou obtient gain de cause, il faut examiner dans quelle mesure ses conclusions sont admises en deuxième instance (arrêts du Tribunal fédéral 6B_143/2022 du 29 novembre 2022 consid. 3.1 ; 6B_1397/2021 du 5 octobre 2022 consid. 11.2 ; 6B_275/2022 du 2 septembre 2022 consid. 3.1 ; 6B_44/2020 du 16 septembre 2020 consid. 11.1.1). Seul le résultat de la procédure d'appel ou de recours elle-même est déterminant (ATF 142 IV 163 consid. 3.2.1).

5.2. En l'espèce, l'appelant succombe sur le principe, mais l'indemnité octroyée à l'intimé pour la procédure de préliminaire et de première instance était néanmoins notablement trop élevée, de sorte qu'il faut retenir que ce dernier succombe également partiellement.

Au vu de ce qui précède, il convient de laisser trois cinquièmes des frais de la procédure d'appel à la charge de l'État, l'intimé devant pour sa part en supporter les deux cinquièmes, y compris un émolument de CHF 2'000.-.

6. 6.1. L'art. 436 al. 1 CPP prescrit que les règles relatives à la fixation de l'indemnité en relation avec la procédure de première instance, soit les art. 429 à 434 CPP, trouvent application à la procédure d'appel.

6.2. En l'espèce, l'intimé conclut à ce que lui soit octroyée une indemnité correspondant à une heure de travail d'un associé et six heures de travail d'un collaborateur en lien avec la rédaction de ses déterminations écrites du 26 août 2022 d'une longueur d'environ sept pages. Cette durée est excessive, dès lors que seule restait à trancher une pure question de droit de procédure (le résumé des faits réalisé par l'intimé était en particulier sans utilité).

En tenant compte de la nécessité de se replonger dans le dossier de la cause, une durée de quatre heures de travail par un avocat collaborateur apparaît appropriée, soit un montant de CHF 1'400.- (4 x 350), TVA comprise. Ce montant doit être réduit de deux cinquièmes, en proportion des frais imputés à l'intimé. Partant, il convient de lui octroyer un montant de CHF 840.- à titre d'indemnité pour la présente procédure d'appel.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par le Ministère public contre le jugement JTDP/319/2022 rendu le 22 mars 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/11651/2017.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP).

Laisse les frais de la procédure préliminaire et de première instance à la charge de l'État.

Alloue à A______ un montant de CHF 16'913.20 (TVA comprise) à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure au cours de la procédure préliminaire et de première instance.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 2'155.- et en met deux cinquièmes, soit CHF 862.-, à la charge de A______, le solde étant laissé à la charge de l'État.

Alloue à A______ un montant de CHF 840.- (TVA comprise) à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure au cours de la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'386.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

2'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'155.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'541.00