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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/10987/2020

AARP/224/2022 du 21.07.2022 sur JTCO/100/2021 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : EXPULSION(DROIT PÉNAL);NON-REFOULEMENT;ÉMOTION;EXCÈS;LÉGITIME DÉFENSE
Normes : CP.22; CP.122; CP.66a.al3; CP.48.letc
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10987/2020 AARP/224/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 21 juillet 2022

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me B______, avocate,

C______, sans domicile connu, comparant par Me D______, avocate,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelants,

intimés sur appel joint,

 

contre le jugement JTCO/100/2021 rendu le 21 septembre 2021 par le Tribunal correctionnel,

et

E______, sans domicile fixe, comparant par Me F______, avocate,

intimé,

appelant sur appel joint.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, C______, A______ et le Ministère public (MP) appellent du jugement JTCO/100/2021 du Tribunal correctionnel (TCO) du 21 septembre 2021. Ce jugement acquitte C______ de tentative de lésions corporelles graves mais le reconnaît coupable de rixe (art. 133 du code pénal [CP]), d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a de la loi sur les étrangers et l'intégration [LEI]), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), d'infraction à l'art. 19a ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) et le condamne à une peine privative de liberté de 12 mois ainsi qu’à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 10.- l’unité, toutes deux assorties du sursis et d’un délai d'épreuve de trois ans, et à une amende de CHF 300.-. Toutes ces peines ont été compensées avec la détention préventive subie. L'expulsion de Suisse de C______ a été ordonnée pour une durée de trois ans avec signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS).

C______ s’est vu allouer CHF 1'000.- à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure ainsi qu’une indemnité de CHF 3'500.- à titre de réparation du tort moral subi en raison de 70 jours de détention excessive.

Ce même jugement reconnaît A______ coupable de tentative de lésions corporelles graves (art. 22 al. 1 cum 122 CP), le condamne à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de 458 jours de détention avant jugement, dont 20 mois assortis du sursis partiel et d’un délai d'épreuve de trois ans, et ordonne son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans (art. 66a al. 1 CP) avec signalement de l'expulsion dans le SIS.

Ce jugement reconnaît également E______ coupable de tentative de lésions corporelles graves (art. 22 al. 1 cum 122 CP), de rixe (art. 133 CP), d'entrée illégale, de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. a et b LEI) et de contraventions à l’art. 19a LStup, le condamne à une peine privative de liberté de 24 mois ainsi qu’à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 10.- l’unité, toutes deux assorties du sursis et d’un délai d'épreuve de trois ans, et à une amende de CHF 100.-. L'expulsion de Suisse de E______ est ordonnée pour une durée de cinq ans (art. 66a al. 1 let. b CP) avec signalement de l'expulsion dans le SIS.

Le TCO a débouté A______ de ses conclusions civiles prises à l’encontre de E______ et de C______ et E______ de celles qu’il avait prises à l’encontre de A______. Il a également ordonné diverses confiscations et restitutions, arrêté les indemnités de procédure pour les avocats nommés d’office et condamné les prévenus au paiement des frais de la procédure, à raison de 10 % pour C______ et 40% chacun pour E______ et A______, le solde étant laissé à la charge de l'état (art. 426 al. 1 CPP).

b. C______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement du chef de rixe, au prononcé d’une peine pécuniaire clémente assortie du sursis, à ce qu’il soit renoncé à son expulsion, à ce que son indemnisation soit portée à CHF 200.- par jour de détention injustifiée et à ce que le temps consacré à l’audience de jugement par son avocate soit pris en compte dans l’indemnité octroyée pour ses dépens.

c. A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement du chef de tentative de lésions corporelles graves et de rixe (infraction non mentionnée dans le dispositif du TCO) et à l’indemnisation de la détention subie ; subsidiairement il conclut au prononcé d’une peine assortie du sursis complet et à ce qu’il soit renoncé à l’expulsion, subsidiairement à ce que celle-ci ne soit pas inscrite au SIS. Il conclut à la condamnation de C______ du chef de tentative de lésions corporelles graves à son encontre, à l’octroi d’une indemnité pour tort moral de CHF 4'000.- à charge de C______ et E______ et à ce que les frais de la procédure soient intégralement mis à la charge de ces derniers.

d. Le MP conclut à ce que A______ soit reconnu coupable de tentative de meurtre et de rixe et condamné à une peine privative de liberté de quatre ans et à l’expulsion pendant dix ans. Il conclut à ce que E______ soit reconnu coupable de tentative de meurtre, de rixe, d’infraction à l’art. 115 al. 1 let. a et b LEI, de contravention à l’art. 19a LStup et condamné à une peine privative de liberté de quatre ans, à une amende de CHF 300.- et à l’expulsion pendant dix ans. Il conclut à ce que C______ soit reconnu coupable de tentative de lésions corporelles graves, de rixe et d’infraction à l’art. 115 al. 1 let. a et b LEI, de contravention à l’art. 19a LStup et condamné à peine privative de liberté de 36 mois, dont la moitié ferme et le solde assorti d’un délai d’épreuve de trois ans, à une amende de CHF 300.- et à l’expulsion pendant cinq ans et au rejet de ses conclusions en indemnisation.

e. Dans le délai légal, E______ forme un appel joint, concluant à son acquittement des infractions de tentative de lésions corporelles graves et de rixe, à ce qu’il soit renoncé au prononcé d’une peine privative de liberté et de l’expulsion, et à ce que A______ soit condamné à lui verser une indemnité de CHF 5'000.- à titre de tort moral (cf. PV TCO p. 21).

f. Selon l'acte d'accusation du 7 mai 2021, il est reproché ce qui suit aux prévenus, étant précisé que si les faits sont essentiellement les mêmes, leur description par le MP comporte de petites variations.

f.a. Faits reprochés à A______ :

Le 21 juin 2020, vers 7h30, E______ et A______ se sont disputés verbalement dans le quartier des G______, à la rue 1______. Cette dispute verbale s'est par la suite muée en une altercation physique, au cours de laquelle A______ s'est emparé d'une bouteille. Il l'a cassée volontairement afin d'en faire un objet tranchant et est allé à l'encontre de E______ qui tenait, lui aussi, une bouteille qu'il avait cassée, dans ses mains.

Sur la rue 2______, A______ a frappé E______, à coups de poing et à coups de tessons de bouteille, au niveau notamment de la tête et du cou, soit à proximité immédiate des structures vitales. A______ a ensuite jeté le tesson de bouteille et a fui.

E______, blessé au cou, l'a pourchassé et l'a rattrapé à l'angle des rues 2______ et 3______. A______ a alors échangé avec E______ plusieurs coups de pied et de poing, étant précisé que ce dernier tenait toujours son tesson de bouteille dans les mains. Ils ont ensuite chuté à terre et E______, qui se tenait sur A______, lequel était sur le dos, a continué à le frapper à coups de poing au niveau de la tête et du cou.

H______ est intervenu afin de les séparer. C______ a ensuite pris part à la bagarre. Durant plusieurs instants, A______ a échangé des coups avec C______ et E______.

Plusieurs personnes, dont H______, sont intervenues afin de ceinturer et tirer en arrière E______, qui tenait encore un tesson de bouteille à la main.

A ce moment, C______ a, à nouveau, frappé H______ au niveau des parties génitales avec son pied et a porté plusieurs coups de poing et de pied à A______ qui se trouvait au sol.

Les personnes présentes, soit I______ et J______, sont ensuite intervenues et ont porté secours à E______ au vu du sang qui giclait de ses plaies.

A______ a causé à E______ trois plaies cutanées à bords nets et légèrement irréguliers au niveau du visage (angle mandibulaire droit et menton à droite) et du cou (face antérieure paramédiane droite) ainsi que deux plaies superficielles au niveau de la branche horizontale de la mandibule droite et du tiers supérieur du sternum paramédian gauche.

E______ a également subi les lésions suivantes au cours des évènements:

- Des fines dermabrasions linéaires de la paume et de la main droite ;

- Des petites dermabrasions au niveau du genou et de la jambe gauche ;

- Deux ecchymoses au niveau pectoral gauche.

C______ a subi les lésions suivantes:

- Une dermabrasion associée à une ecchymose de la lèvre supérieure gauche ;

- Des dermabrasions superficielles associées à de fines squames blanchâtres au pourtour au niveau de la jambe droite.

f.b. Faits reprochés à C______ :

Le 21 juin 2020, vers 7h30, à Genève, alors que H______ venait de séparer A______ et E______, C______ a pris part à la bagarre. Il s'en est d'abord pris à H______, puis à A______ auquel il a fait un "balayage" qui l'a fait tomber au sol. C______, alors que A______, déjà blessé, était au sol contre un véhicule et qu'il saignait beaucoup, l'a ensuite saisi par le col du t-shirt, l'a frappé intentionnellement et délibérément à plusieurs reprises, à coups de poing et à coups de pied sur le corps et sur le visage et lui a asséné un coup de pied à la tête comme s'il cherchait à "l'écraser", tentant de lui causer des lésions corporelles graves.

C______, qui tenait A______ par le col, a ensuite été rejoint par E______ et durant plusieurs instants, des coups ont été échangés entre les trois protagonistes de part et d'autre. Plusieurs personnes, dont H______, sont intervenues afin de ceinturer et tirer en arrière E______ qui tenait encore un tesson de bouteille dans les mains.

A ce moment, C______ a, à nouveau, frappé H______ au niveau des parties génitales avec son pied et a encore porté plusieurs coups de poing et de pied à A______ qui se trouvait au sol.

Suite à ces évènements, A______ a subi notamment les lésions suivantes:

·         Une plaie à bords légèrement irréguliers (plaie cutanée n° 1) du cuir chevelu rétro-auriculaire droit ;

·         Une plaie à bords nets (plaie cutanée n° 2) au niveau cervico-latéral et supérieur gauche, s'étendant en région occipitale rétro-auriculaire ;

·         Des ecchymoses au niveau du thorax antérieur et du dos ;

·         Des dermabrasions associées à des ecchymoses de l'avant-bras et du poignet droits ;

·         Une dermabrasion au niveau de l'avant-bras gauche.

E______ a subi notamment les lésions suivantes:

·         Trois plaies cutanées (plaies n° 1, 2 et 4) à bords nets et légèrement irréguliers au niveau du visage (angle mandibulaire droit et menton à droite) et du cou (face antérieure paramédiane droite) ;

·         Deux plaies superficielles (plaies cutanées n° 3 et 5) au niveau de la branche horizontale de la mandibule droite et du tiers supérieur du sternum paramédian gauche ;

·         Des fines dermabrasions linéaires de la paume et de la main droite ;

·         Des petites dermabrasions au niveau du genou et de la jambe gauche ;

·         Deux ecchymoses au niveau pectoral gauche.

L’acte d’accusation reprochait également à C______ d’avoir pénétré et séjourné sur le territoire suisse depuis le début du mois de juin 2020, notamment à Genève, jusqu'à son interpellation le 21 juin 2020, sans être au bénéfice des autorisations nécessaires, des moyens financiers suffisants à assumer ses frais de séjour et de retour et sans être en possession d'un passeport valable, ainsi que d’avoir détenu quatre boulettes de cocaïne destinées à sa propre consommation lors de son arrestation. Le verdict de culpabilité en lien avec ces faits n’est pas contesté en appel.

f.c. Faits reprochés à E______ :

Le 21 juin 2020, vers 7h30, E______ et A______ se sont disputés verbalement dans le quartier des G______, à la rue 1______. Cette dispute verbale s'est par la suite muée en une altercation physique, au cours de laquelle A______ s'est emparé d'une bouteille qu'il avait cassée volontairement afin d'en faire un objet tranchant et est allé à l'encontre de E______, lequel avait aussi pris une bouteille dans ses mains. Il l'avait cassée délibérément afin d'en faire également un objet tranchant.

Sur la rue 2______, E______ a échangé avec A______ plusieurs coups de poing et de tessons de bouteille au niveau notamment de la tête et du cou, soit à proximité immédiate des structures vitales. A______ a ensuite jeté le tesson de bouteille et a fui.

E______, blessé au cou, l'a pourchassé et l'a rattrapé à l'angle des rues 2______ et 3______. E______, qui tenait toujours son tesson de bouteille dans les mains, a ensuite frappé A______ à coups de poing et de pied. Ils ont ensuite chuté à terre et E______, qui se tenait sur A______, lequel était sur le dos, a continué à le frapper, au niveau de la tête et du cou, à coups de poing et à coups de tessons de bouteille.

H______ est intervenu afin de les séparer. C______ a ensuite pris part à la bagarre. E______ a ensuite rejoint C______, lequel tenait A______ par le col, et durant plusieurs instants, des coups ont été échangés entre les trois protagonistes de part et d'autre.

Plusieurs personnes, dont H______, sont intervenues afin de ceinturer et tirer en arrière E______, qui tenait encore un tesson de bouteille à la main.

E______ a causé à A______ une plaie à bords légèrement irréguliers du cuir chevelu rétro-auriculaire droit ainsi qu'une plaie à bords nets au niveau cervico-latéral et supérieur gauche, s'étendant en région occipitale rétro-auriculaire.

A______ a également subi au cours des évènements les autres lésions décrites ci-dessus (sous A.f.b.).

C______ a subi les lésions décrites ci-dessus (sous A.f.a.).

Cet acte d’accusation reprochait également à E______ d’avoir pénétré et séjourné sur le territoire suisse depuis le début du mois de juin 2020 jusqu'à son interpellation le 21 juin 2020, sans être au bénéfice des autorisations nécessaires, des moyens financiers nécessaires à son séjour et sans être en possession d'un passeport valable indiquant sa nationalité, ainsi que d’avoir détenu deux pilules d'ecstasy et d’en avoir consommé une lors de son arrestation. Le verdict de culpabilité en lien avec ces faits n’est pas contesté en appel.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 21 juin 2020, vers 7h45, la police a été appelée en raison d’une bagarre dans le quartier des G______, à la rue 3______. A l’arrivée de la première patrouille (comprenant notamment le gendarme K______), plusieurs personnes se bagarraient encore. E______ gisait sur la rue 3______ et présentait une importante lésion au niveau du cou ; A______ était aussi au sol, à quelques mètres de lui, également blessé au cou. Sur place se trouvaient aussi C______, H______, deux témoins auditionnés en cette qualité et plusieurs tiers non identifiés.

b. Les images de la vidéosurveillance et les déclarations de plusieurs protagonistes et témoins, qui seront reprises plus en détail ci-après, ont permis d’établir qu’une dispute avait éclaté entre A______ et E______ à l’angle de la rue 1______ et de la rue 2______, avait continué sur cette dernière artère et s’était poursuivie et terminée sur la rue 3______, où H______ et C______, voire des tiers, s’étaient impliqués dans la bagarre.

c. Les protagonistes se rejettent la responsabilité des faits. Leurs déclarations sont essentiellement restées constantes, présentant peu de variation au fil des auditions.

c.a. E______ a affirmé tout au long de la procédure s’être défendu contre une attaque de A______ qui lui avait donné un coup de pied. Il a admis avoir fait usage d’un tesson de bouteille, expliquant avoir perdu ses moyens après avoir été lui-même blessé par son adversaire. Selon lui, l’origine de la bagarre réside dans le fait qu’il s’était emparé d’une cigarette coupée qui était sur la table et l’avait mise dans sa bouche : A______ lui avait retiré cette cigarette, puis s’était levé, s’était mis derrière lui et lui avait asséné un coup de pied dans le dos, geste qui l’avait fait tomber en avant et l’avait mis en colère.

c.b. A______ a pour sa part déclaré s’être défendu contre une attaque de E______ qui s’était dirigé vers lui avec une bouteille cassée à la main. Il a nié s’être servi d’un tesson de bouteille à l’encontre de son adversaire, même s’il a admis initialement avoir saisi un tel objet dans le cours de l’altercation. Selon lui, E______ avait tenté de voler son téléphone portable, ce dont il s’était rendu compte en le traitant de voleur. E______, muni d’une bouteille cassée, s’était énervé de ses propos et l'avait poursuivi alors qu’il cherchait à quitter les lieux.

c.c. C______, qui se dit proche de E______ (lequel le considère comme un frère : B-86, C-36), a affirmé tout au long de la procédure n’avoir porté aucun coup et être uniquement intervenu pour séparer les combattants. Il ne s’est pas reconnu sur les images de vidéosurveillance.

c.d. H______, qui se trouvait en compagnie de A______ avant que la bagarre n’éclate, s’était contenté de séparer les combattants. Dans ce contexte, il avait été pris à partie par C______ qui lui avait porté plusieurs coups, notamment au visage et un coup de pied dans les testicules.

d. Les faits se sont produits dans le champ des caméras de vidéosurveillance des G______ placées à la rue 4______, situées à plusieurs dizaines de mètres de la zone critique, ce qui nécessite d’appliquer un important zoom. Cette opération rend les images floues et écrase les perspectives, diminuant les distances. Il est néanmoins possible de discerner clairement une partie des événements.

Les protagonistes sont clairement identifiés sur les images de vidéosurveillance donnant sur la rue 3______ (caméra 883), où on les voit émerger les uns après les autres de la rue 2______ sur la rue 3______. A______, qui est vêtu d’un haut clair et d’un pantalon foncé, apparaît sur les images dès 7h45.15, en même temps que C______ (cf. infra 2.4.1.), qui porte une veste en jeans avec des manches grises. E______ est mince et vêtu de noir ; il apparaît sur la vidéo à 7h45.27, s’empoignant avec A______. H______, vêtu tout de noir et plus corpulent, apparaît à partir de 7h45.18. Il était porteur d’une casquette, décrite par plusieurs témoins, mais difficilement discernable sur les images.

Les images de l’autre caméra (882, rue 1______) sont plus confuses ; elles montrent le début des faits, essentiellement E______, A______ et C______ qui se dirigent vers la rue 3______. On n’y voit pas d’altercation, même si, sur la fin de la brève séquence, plusieurs protagonistes partent en courant sur la rue 2______.

e. E______, C______, A______ et H______ ont fait l’objet d’examens médicaux par le Centre Universitaire Romand de Médecine Légale (CURML). Les constatations des médecins légistes pour les trois premiers correspondent au résumé qui en est fait dans l’acte d’accusation. Les légistes ont précisé que leurs constatations étaient compatibles avec une hétéro-agression et que les blessures présentées par E______ et A______ au niveau du cou avaient été provoquées de manière parallèle à la plaie, dans un geste dynamique, lorsque les protagonistes étaient en mouvement (C-173 et C-174). Les lésions au visage de E______ (plaies 1 à 3) pouvaient être interprétées ensemble ; en revanche, celles du cou (plaie 4) et du tiers supérieur du sternum paramédian gauche (plaie 5) étaient le résultat de coups supplémentaires (C-172).

La vie des intéressés n’avait pas été concrètement mise en danger ; néanmoins, il était possible que la vie de E______ aurait été mise en danger en l'absence d'une prise en charge rapide, bien que les structures vitales n'aient pas été touchées (C-173). Il en allait de même de A______ (C-175).

Les lésions au niveau des membres supérieurs de ce dernier évoquaient des lésions défensives (C-119), présentant toutefois la particularité d’être superficielles (C-174). Il présentait par ailleurs, sur la base des images radiologiques, au moins trois zones d'impact distinctes au niveau de la tête, soit en régions frontale droite, occipitale droite et occipitale gauche.

Les analyses toxicologiques ont mis en évidence que tous les protagonistes avaient consommé de l’alcool avant les faits. Le taux mesuré dans le sang de E______ était 1.17 g/kg ; celui de A______ était compris entre 1.7 g/kg (mesure effectué à son admission à l’hôpital) et 1.64 g/kg (mesure du CURML) et celui de C______ s’élevait à 0.62 g/kg. E______ et C______ avaient également consommé de la MDMA.

En ce qui concerne H______, les légistes ont mis en évidence une zone ecchymotique rougeâtre de la queue du sourcil gauche associée à une légère tuméfaction du coin externe de l'œil gauche ainsi que des dermabrasions de la base du pouce droit, du membre inférieur droit et du genou gauche. La zone ecchymotique était compatible avec un coup de poing reçu à ce niveau. Son taux d’alcool était de 1.6 g/kg.

f. La police a retrouvé et saisi les débris d’une bouteille de L______ (P001) dans une poubelle à la rue 2______. Aucune trace identifiable n’a été retrouvée sur cet objet, pas plus que sur les débris de verre (P004), possiblement provenant de la même bouteille, saisis sur la rue 2______. Un goulot de bouteille vert (P005), portant des traces de sang et un profil ADN de mélange compatible avec ceux de E______ et de A______, a été retrouvé sur le trottoir pair de la rue 3______, à l’angle de la rue 2______. Un débris de verre transparent (P006) et un goulot de bouteille foncé (P002) ont été retrouvés à hauteur du numéro ______ de la rue 3______. Le débris P006 portait deux traces rougeâtres indicatives de la présence de sang et, sur l’une, le profil ADN de E______ ; sur l’autre trace rougeâtre, un profil ADN de mélange compatible avec ceux de E______ et de A______ a été identifié. Le débris P002 comportait des traces de sang et un profil ADN compatible avec celui de E______. Deux flaques de sang ont également été localisées, à l’endroit où E______ et A______ se trouvaient à l’arrivée des secours. Les analyses ont démontré qu’il s’agissait effectivement de leur sang. Des traces de sang de A______ ont été retrouvées sur un véhicule stationné en face du numéro 31 de la rue 3______ (C-68ss).

g. A l’issue de l’instruction, le MP a classé la procédure en tant qu’elle était dirigée contre H______, faute de charges suffisantes, considérant que celui-ci n’avait donné aucun coup dans la bagarre et uniquement cherché à séparer les protagonistes (C-231ss). Cette décision est entrée en force.

h. Les trois prévenus ont été libérés à l’issue des débats de première instance, au cours desquels ils ont persisté dans leurs versions contradictoires des faits.

C. a. Seul A______ a comparu aux débats d’appel ; C______ et E______ ont été représentés par leurs avocats, qui ont précisé ne pas avoir pu leur transmettre les mandats notifiés au domicile élu en leurs études.

A______ a maintenu ses précédentes déclarations. Il n’avait pas blessé E______, qui avait pu occasionner lui-même ses lésions, dans sa chute avec le tesson de bouteille qu’il tenait à la main. Il n’avait fait que se défendre et n’avait aucune responsabilité, n’ayant jamais saisi de tesson de bouteille au cours de la bagarre. Il avait été frappé violemment par E______ et C______.

Il a produit différentes pièces attestant de sa situation personnelle et financière, des photos des cicatrices subies et des attestations de son médecin traitant faisant état d’un stress majeur et d’un épuisement consécutifs à sa libération de détention.

b. Le MP persiste dans ses conclusions. L’altercation devait être découpée en quatre phases, la première se déroulant hors caméras et voyant A______ porter, au moyen d’une bouteille qu’il avait cassée à ces fins, un coup à E______ et le blessant gravement au cou, faits constitutifs d’une tentative de meurtre. La seconde phase, à l’image, voyait E______ poursuivre A______ et le blesser avec un tesson de bouteille, faits également constitutifs de tentative de meurtre. Dans la troisième phase, C______ cherchait à encercler A______ avant de s’en prendre à lui ; les faits dégénéraient en bagarre générale avec E______, les trois participants devant être reconnus coupables de rixe, et notamment A______ qui n’avait pas eu une attitude purement passive. La dernière phase voyait la police intervenir et C______ continuer à s’en prendre à A______, blessé, lui portant notamment un violent coup de pied à la tête, raison pour laquelle il devait être reconnu coupable de tentative de lésions corporelles graves.

c. La Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a attiré l’attention du conseil de C______ sur la nouvelle inscription au casier judiciaire de celui-ci, postérieure à l’audience de première instance, et l’a invité à se déterminer sur l’application des art. 49 al. 2 et 51 CP en lien avec ce fait nouveau.

Au terme de sa plaidoirie, le conseil de C______ conclut au prononcé d’une peine pécuniaire et s'en rapporte à justice sur l'application de l'art. 51 CP. C______ n’était pas l’individu vêtu d’une veste en jeans et n’avait fait que séparer les protagonistes. Le gendarme qui le désignait se trompait : la témoin I______ avait clairement mis C______ hors de cause. Initialement A______ avait désigné un tiers comme l’auteur du coup de pied reçu à la tête. C______ était une victime et non un coupable.

d. Le conseil de E______ persiste dans ses conclusions, tout en précisant qu’il ne s'oppose pas à un verdict de culpabilité pour lésions corporelles simples. L’agresseur était bien A______, dont la version des faits était fluctuante et incompatible avec les images de vidéosurveillance. E______ avait réagi sous le coup de l’émotion, après avoir subi une lésion grave qui avait occasionné une importante perte de sang. Lui-même n’avait pas occasionné de lésion grave, n’ayant atteint aucun organe vital. Il n’y avait pas de rixe, mais deux bagarres bien distinctes n’opposant à chaque fois que deux personnes, l’art. 133 CP n’était ainsi pas applicable. En tout état de cause, il devait être mis au bénéfice de la circonstance atténuante de l'émotion violente.

e. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions. Les conclusions civiles de E______, formulées uniquement dans sa plaidoirie en première instance, étaient irrecevables. E______ avait initié la bagarre et s’était dès le début muni d’une bouteille cassée, pour l’agresser. On ne pouvait pas exclure que les lésions de E______ aient été occasionnées par un tiers, ou qu’il se soit lui-même blessé en tombant. En tout état de cause, même s’il devait l’avoir blessé, il devait être acquitté au bénéfice de la légitime défense ; subsidiairement, les faits n’étaient en tout cas pas constitutifs d’une tentative de meurtre, faute d’intention homicide. Par ailleurs, A______, battu et blessé par E______ et C______, n’avait fait que se défendre ; il devait donc être acquitté de rixe, ce qui devait figurer au dispositif de l’arrêt à venir de la CPAR. Ses deux agresseurs devaient être condamnés à lui verser une indemnité pour le choc et les lésions subis, qui avaient nécessité une prise en charge médicale documentée. Même en cas de verdict de culpabilité, il était un réfugié reconnu et il fallait, pour ce motif et compte tenu de la légitime défense, renoncer à son expulsion.

D. a. C______, né le ______ 1996, est ressortissant de Guinée. Marié, il est père d'un enfant âgé d'environ cinq ans. Son épouse et son fils vivaient à M______ [France], depuis quelques mois au moment de l’audience de première instance ; il n'avait eu aucun contact avec eux. Le reste de sa famille vit en Guinée, à l'exception de son père qui est établi au Mali et d'un de ses frères qui est en France. Il n'a aucune attache avec la Suisse. Il a quitté la Guinée fin 2016, puis a vécu en France, en Espagne et en Allemagne, avant d'arriver en Suisse début juin 2020. Il s’est dit agriculteur de formation. A l'époque de son arrestation en juin 2020, il dormait dans des parcs et avait une perspective d'hébergement chez une dame. En détention, il a travaillé dans le service des repas. A sa libération, il comptait retrouver sa femme et son enfant.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse du 3 juin 2022, il a été condamné le 23 novembre 2021 par le MP de Genève, à une peine privative de liberté de 120 jours avec sursis pendant trois ans et une amende de CHF 300.- pour séjour illégal (période pénale du 22 septembre au 22 novembre 2021) et infractions à la LStup (art. 19 al. 1 let. b et d et 19a LStup). Il dit avoir été condamné en Guinée, en relation avec des manifestations.

b. E______, né le ______ 2002, est ressortissant de Guinée. Il est célibataire et sans enfant. Selon ses indications, il a quitté la Guinée le 30 mars 2018 et est arrivé en Europe le 31 mai 2018, vivant d'abord en Espagne, puis en Allemagne, avant d'arriver à Genève en juin 2020. Sa mère et ses frères vivent en Guinée. Il dit avoir un cousin qui vit à Genève. Il a été scolarisé en Guinée. En Europe, il n'a pas travaillé. Au moment de son arrestation, en juin 2020, il dormait dans un centre d'accueil aux N______ [GE] et vivait grâce à un solde d'argent des services sociaux allemand. En détention, il a travaillé à la buanderie et bénéficiait d'un suivi médical et psychologique, en relation avec un sevrage à l'alcool et une problématique d'anxiété. A sa libération, il souhaitait commencer une formation d'électricien et voyait son avenir en Suisse.

L'extrait de son casier judiciaire suisse ne comporte aucune condamnation.

c. A______, dont la date de naissance enregistrée en Suisse est le ______ 1995, dit être né en réalité le ______ 1997, à teneur d’un acte de naissance versé à la procédure. Il est arrivé en Suisse en 2013 et titulaire d'un permis F pour étrangers admis provisoirement, valable jusqu'au 1er juin 2023. Le secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) lui reconnaît le statut de réfugié, même s’il n’a pas été mis au bénéfice de l’asile. Hormis son frère O______, qui vit à P______ [VD], sa famille vit à l'étranger, à savoir en Erythrée (sa mère et un frère), au Canada (trois autres frères) et au Soudan (une sœur). Il n'a pas d'autres attaches en Suisse. Sur le plan professionnel, il a appris le métier de menuisier et de soudeur au foyer Q______, puis a été employé dans un fast-food pendant plus d'une année avant d’être licencié en raison d’une absence pour cause d’accident. Au moment de son arrestation, en juin 2020, il était au chômage et bénéficiait aussi d'une aide de l'Hospice général. À sa libération, il a fait un stage de deux mois au R______ puis une formation de deux semaines chez "S______". Il est toujours au chômage et cherche un emploi ; il perçoit également des prestations de l'Hospice général.

Il est célibataire et sans enfant et voit son avenir en Suisse. Un retour en Erythrée serait très risqué pour lui et aussi pour sa famille, puisque durant sa minorité, il avait été emprisonné durant trois mois, ayant été soupçonné d'avoir essayé de quitter le pays illégalement. Il y a une obligation de service militaire dès l'âge de 18 ans pour une durée indéterminée.

L'extrait de son casier judiciaire suisse, dans sa teneur au 3 juin 2022, comporte une condamnation prononcée le 31 octobre 2016 par le Ministère public de Genève, du chef de lésions corporelles simples, en rapport avec des coups infligés à un agent de sécurité du foyer où il logeait à l'époque, selon l'ordonnance pénale (OP) figurant au dossier. Il n'a jamais été condamné à l'étranger d'après ses dires.

E. a. Me D______, défenseure d'office de C______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, quatre heures et 30 minutes d'activité de cheffe d'étude hors débats d'appel, lesquels ont duré cinq heures et 35 minutes.

b. Me F______, défenseure d'office de E______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, quatre heures et 30 minutes d'activité de cheffe d'étude, dont trois heures et demie d’examen du dossier, et 14 heures et 30 minutes d’activité de collaborateur, consistant en l’examen du dossier et la préparation de l’audience d’appel, hors débats d'appel (auxquels seul le collaborateur a participé, avec une stagiaire).

c. Me B______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, hors débats d'appel, 13 heures et 45 minutes d'activité de cheffe d'étude, dont quatre heures et demie d’entretiens avec son mandant, une heure et 15 minutes pour l’étude du dossier en vue de la déclaration d’appel et une heure pour la rédaction de celle-ci, ainsi qu’une demi-heure pour la confection d’un bordereau de pièces.


 

EN DROIT :

1. Les appels sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

Il en va de même de l'appel joint (art. 400 al. 3 let. b et 401 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale (Cst.), concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c et d). En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 p. 351 s.).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 138 V 74 consid. 7 p. 82 ; 127 I 38 consid. 2a p. 41 ; 124 IV 86 consid. 2a p. 87 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_634/2018 du 22 août 2018 consid. 2.1).

2.2. L'art. 10 al. 2 CPP consacre le principe de la libre appréciation des preuves, en application duquel le juge donne aux moyens de preuve produits tout au long de la procédure la valeur qu'il estime devoir leur attacher pour se forger une intime conviction sur la réalité d'un fait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_348/2012 du 24 octobre 2012 consid. 1.3).

Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF
120 Ia 31 consid. 4b p. 40). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).

2.3. L'art. 6 par. 3 let. d CEDH exclut qu'un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoignages en doute et d'interroger les témoins, à quelque stade de la procédure que ce soit. Sont considérées comme des déclarations de témoins toutes celles portées à la connaissance du tribunal et utilisées par lui, y compris lorsqu'elles ont été recueillies lors de l'enquête préliminaire (ATF 131 I 476 consid. 2.2 pp. 480 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1023/2016 du 30 mars 2017 consid. 1.2.3). En tant qu'elle concrétise le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), cette exigence est également garantie par l'art. 32 al. 2 Cst. Ce droit est absolu lorsque la déposition du témoin en cause est d'une importance décisive, notamment lorsqu'il est le seul témoin, ou que sa déposition est une preuve essentielle (ATF
131 I 476 consid. 2.2 p. 480 ; 129 I 151 consid. 3.1 pp. 153 s.). Cependant, dans certains cas, la déclaration d'un témoin auquel le prévenu n'a pas été confronté peut être exploitée, pour autant que la déposition soit soumise à un examen attentif, que l'accusé puisse prendre position à son sujet et que le verdict de culpabilité ne soit pas fondé sur cette seule preuve (ATF 131 I 476 consid. 2.2 pp. 480 ss et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_961/2016 du 10 avril 2017 consid. 3.3.1). De manière générale, il convient de rechercher si la procédure, considérée dans son ensemble, y compris la présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_456/2011 du 27 décembre 2011 consid. 1.1 et les références).

2.4. Sur la base des images vidéo, déclarations et témoignages recueillis, la CPAR retient que les faits se sont déroulés comme suit.

2.4.1. L’appelant C______ conteste avoir été porteur de sa veste en jeans, qu’il affirme avoir laissée dans une boutique (B-56) ou sur une terrasse (PV TCO) à proximité du lieu de l’altercation ; il nie ainsi être la personne qui apparaît sur les images dès 7h45.15. Ses dénégations n’emportent pas la conviction, dans la mesure où une seule personne porte un vêtement correspondant dans la séquence filmée et que de nombreux témoins et protagonistes, à l’exception de E______, le décrivent vêtu de cette veste, dont il était porteur au moment de son interpellation, qui a été saisie par la police, placée en inventaire et dont des photos figurent en pièces C-216/217. Il en va ainsi des déclarations de J______, qui désigne un individu africain porteur d’une veste en jeans et « pris par la police » (B-30) : il ne peut s’agir que de C______, les autres protagonistes ayant été évacués en ambulance ; de H______, qui explique avoir été pris à partie par un individu qu’il qualifie de « Bruce LEE », et qu’il identifie à C______ dans la description faite par la police d’une personne vêtue d’une veste en jeans avec un capuchon gris (B-42). Ce témoin précisera par la suite (alors qu’il ne pouvait avoir eu aucun contact avec les autres protagonistes, qui étaient en détention, et n’avait pas eu accès au dossier de la procédure), que l’intéressé portait un t-shirt bleu sous sa veste grise (C-178, C-180), ce qui correspond à C______ (B-69). Le témoin K______ identifie clairement C______ comme la personne qu’il a dû écarter de A______ ; or, c’est bien le porteur de la veste en jeans qui est repoussé par les policiers (vidéo 7h52.17) ; il précise aussi que C______ a été rapidement interpellé (C-48), ce qui correspond à l’heure d’arrestation (7h48, B-2) et ne lui a en conséquence pas laissé le temps d’aller chercher sa veste ailleurs. C______ a d’ailleurs lui-même admis qu’il avait été interpellé alors qu’il ne s’était éloigné que de quelques pas et a déclaré, initialement, ne pas se souvenir s’il était ou non porteur de sa veste (B-56), ce qui diminue la portée de ses vigoureuses dénégations ultérieures. Certes, I______ ne reconnaît pas C______ comme la personne qui monte sur une voiture lorsqu’elle est confrontée à lui (C-54) ; elle a toutefois précisé à réitérées reprises ne pas être en mesure de reconnaître les protagonistes (C-51) et a confondu A______ avec E______ (C-51, dernier § : elle désigne A______ comme la personne à qui elle a prêté assistance, alors qu’elle a secouru E______), et C______ avec H______ (C-54 et C-55 : elle désigne C______ comme le troisième blessé emmené en ambulance, alors qu’il s’agit de H______).

La CPAR n’attache ainsi aucun crédit aux explications de C______, tant sa version est contredite par les images de vidéosurveillance et les témoignages et déclarations recueillis. Elle retient également que E______ a protégé C______, qu’il désigne comme son « frère », et que ses explications, quant au rôle de celui-ci, doivent être examinées avec circonspection.

En revanche, elle prête une forte crédibilité aux déclarations de H______ qui, même s’il connaissait A______ avant les faits, est le seul prévenu (il a été auditionné en cette qualité) à avoir fourni des explications corroborées non seulement par les images de vidéosurveillance mais également par les témoignages de J______ et I______, explications qu’il a réitérées, sans avoir eu accès au dossier, lors de son audition en confrontation plus de six mois après les faits.

2.4.2. Le déroulement de la bagarre comporte quelques zones floues, mais peut dès lors être reconstitué comme suit, en tenant également compte du principe « in dubio pro reo ».

A______ s’entretenait avec H______ et un tiers non identifié, surnommé ______, à la rue 1______, lorsque E______ s’est approché d’eux. Il ressort des déclarations de H______ (B-40 et C-177), de I______ (B-21 et C-53) et de A______ (B-75) que E______ était déjà muni d’une bouteille en verre, cassée, quand il a pris A______ à partie. L’approche menaçante de E______ est également partiellement corroborée par les déclarations de J______, qui désigne E______ comme « celui qui a commencé » (B-32). Certes, C______ (B-57) et E______ affirment le contraire ; pour les motifs évoqués ci-dessus et au vu des autres déclarations, leur version est toutefois écartée faute de crédibilité. Pour une raison qui n’a pas pu être établie en raison de leurs explications opposées et de l’absence de témoin direct, E______ et A______ en sont venus aux mains ; un jet de bouteille a peut-être eu lieu de part et d’autre (B-32 ; C-16 ; PV TCO p. 9). A______ s’est à son tour muni d’un tesson de bouteille en verre et a d’abord cherché à quitter les lieux, en se dirigeant vers la rue 3______ par la rue 2______ ; il a toutefois été bloqué par C______ (vidéo, 7h45.17 ; déclarations A______ C-86 et PV CPAR p. 6) et s’est donc confronté, à l’angle des rues 2______ et 3______ à E______, à qui il a porté un coup de pied, puis, dans la bagarre, des coups au niveau du cou et du visage avec le tesson de bouteille (vidéo, 7h45.26 à 7h45.41 ; C-69ss : lieu de découverte du goulot portant des traces de sang et un profil ADN de mélange compatible avec les ADN de A______ et E______ ; B-75 : A______ décrit s’être saisi de ce goulot ; B-41, C-178, déclarations H______ : E______ était déjà blessé au moment où il chute à terre avec A______). En parallèle, C______ est monté sur le toit d’une voiture qui est partie sur la rue 2______ en direction de la rue 1______ (vidéo, 7h45.39 à .50), et n’est revenu sur la rue 3______ qu’après quelques secondes (vidéo, 7h46.06). Pendant ce temps, A______ a tenté de fuir, mais E______ l’a rattrapé quelques mètres plus loin et l’a mis à terre où ils ont échangé des coups (vidéo, à partir de 7h45.45). Dans cette partie de la bagarre, E______ a porté plusieurs coups au moyen de son tesson de bouteille à A______, visant sa tête, lui occasionnant les lésions constatées par les légistes (plaie 1 : sous l’oreille et plaie 2 : derrière la tête ; cf. B-22, 1er §, déclaration I______ ; B-40, dernier §, C-178, déclarations H______ ; B-75, avant-dernier §, déclaration A______ ; partiellement confirmées par E______, cf. C-11, C-33 et PV TCO p. 6).

H______ est intervenu pour séparer les deux hommes (vidéo, 7h45.53 ; B-41 et C-178, déclarations H______ ; B-22, C-54 déclarations I______) ; quelques secondes plus tard, C______ est intervenu à son tour, en même temps que deux passants non identifiés (vidéo, 7h46.24). Tous les protagonistes se sont relevés et C______ s’en est pris à A______, qu’il a frappé et poussé entre deux voitures avant de le saisir au col (vidéo, 7h46.54), de le plaquer contre un véhicule et de le frapper, sur le trottoir pair de la rue 3______ (vidéo, 7h45.05). Tous deux ont disparu ensuite de la caméra, se trouvant cachés entre deux véhicules stationnés. C______ a continué à frapper A______, lui portant des coups de pied et de poing et notamment un coup de pied à la tête au sol (B-22, déclaration I______ ; B-32, déclaration J______). Une mêlée s’ensuit à hauteur des deux véhicules ; à un moment donné (vidéo, 7h47.18), E______ s’est approché des véhicules et a pris part à la bagarre. Il a été tiré en arrière par les autres personnes présentes (qui étaient cinq ou six) et s’est effondré au sol à 7h48, pour ne plus se relever jusqu’à l’arrivée de la police à 7h51.51. On ne distingue pas, sur les images, ce qu’il se passe entre les deux véhicules stationnés. A partir de 7h48.38, on aperçoit toutefois le haut du corps de A______, allongé entre les deux véhicules, la tête au sol, et C______ qui lui porte encore plusieurs coups, quand bien même plusieurs personnes cherchent à le retenir (vidéo, jusqu’à 7h49.25), lesquelles sont finalement parvenues à l’écarter à 7h49.30. Les deux protagonistes ont été extraits d’entre les deux voitures ; la mêlée se poursuit néanmoins sur le trottoir et à nouveau entre les voitures, tandis que plusieurs personnes portent secours à E______. Au moins deux personnes (dont l’une pourrait être H______) sont violemment repoussées d’entre les voitures (à 7h51.02 et à 7h51.12). C______ est sorti de derrière les voitures en empoignant toujours A______ (vidéo, 7h51.19) qu’il a continué à malmener et qui a chuté au sol à 7h51.24. Ce nonobstant, C______ a persisté à vouloir s’en prendre à A______, au sol, jusqu’à l’arrivée de la police qui l’a repoussé sans ménagement, notamment en direction du capot du véhicule de patrouille (vidéo, 7h52.16). Des badauds ont fini par le tirer en arrière, par sa veste, à l’arrivée du second véhicule de police (vidéo, 7h52.37).

C______ ayant toujours nié son rôle et refusé de se reconnaître sur les images vidéo, sa motivation est impossible à déterminer. Il semble néanmoins qu’il s’est emporté en voyant les lésions occasionnées à son ami E______, et a cherché à le venger en s’en prenant à A______, puisqu’avant cet épisode il n’avait pas activement participé à la bagarre. Certaines déclarations vont d’ailleurs dans ce sens (B-41, C-181, H______ ; B-75, dernier paragraphe, A______ ; C-3, C-30, C______ ; C-54, I______).

2.4.3. La CPAR écarte ainsi la version du MP (et des premiers juges), qui veut que les premières lésions soient survenues hors du champ des caméras. En effet, aucune trace de sang ni objet entaché de sang n’ont été retrouvés sur la rue 1______ ou sur la rue 2______. Certes, des débris de verre ont été retrouvés sur ces artères ; il ne peut toutefois être établi qu’ils sont en lien avec les faits de la cause, étant notamment relevé qu’aucun des scénarios décrit par les protagonistes n’explique la découverte d’une bouteille cassée dans une poubelle (P001) : cet objet, même s’il avait été utilisé dans la bagarre, a forcément été déplacé par un tiers après coup et, en tout état, ne comporte aucune trace de sang. Le doute, qui doit bénéficier à l’ensemble des prévenus, fait ainsi obstacle à la thèse de l’accusation, sans que cette divergence ne porte pas atteinte au principe d’accusation, les actes des uns et des autres étant suffisamment décrits et les prévenus ayant parfaitement compris ce qui leur était reproché (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_921/2017 du 29 avril 2019 consid. 2.2).

En revanche, la CPAR retient que c’est bien A______ qui a blessé E______, en premier : aucun tiers n’est proche d’eux au moment de leur empoignade initiale, au tout début de la séquence filmée par la caméra 883, et aucune autre version n’explique la constatation des témoins selon laquelle E______ était déjà blessé lorsque les deux protagonistes se sont retrouvés au sol. Il ne subsiste aucun doute sur ce point.

2.4.4. Au bénéfice du doute et compte tenu de la piètre qualité des images, la CPAR considère qu’il n’est pas établi que A______ ait fait autre chose que de se protéger et se défendre, à partir du moment où C______ l’a poussé contre le trottoir pair de la rue 2______. Le témoin I______ déclare certes qu’il aurait continué à se battre jusqu’à la fin (B-22, C-53) ; ce témoin décrit toutefois une mêlée de plusieurs personnes qui perdure, sans décrire un rôle actif plus précis de A______. Compte tenu du flou de la situation et de la difficulté de ce témoin à distinguer les protagonistes, sa déclaration ne peut pas être interprétée autrement que comme signifiant que A______ était encore présent et participait à la mêlée, contrairement à E______ qui gisait au sol ; elles ne signifient néanmoins pas qu’il faisait plus que se défendre, étant rappelé qu’il présentait plusieurs lésions à caractère défensif qui confirment cette interprétation.

2.4.5. Le témoin J______ n’a pas pu être entendu contradictoirement, la police et le MP n’ayant jamais pu le convoquer ni même le localiser. La CPAR considère néanmoins que ses déclarations sont exploitables, dans les limites mentionnées ci-dessus (consid. 2.3). D’une part, ses propos correspondent globalement aux images vidéo ; d’autre part, ce témoin a été désigné par I______ comme la personne ayant le mieux vu la scène. Enfin, à l’exception d’un élément (coup de pied de C______ à la tête de A______), ses déclarations sont corroborées par celles d’autres protagonistes (H______ ou I______, notamment).

Le coup de pied à la tête de A______ n’est mentionné clairement que par celui-ci, partie à la procédure, et par J______. Toutefois, une analyse détaillée de la déclaration de A______ permet de retenir qu’elle correspond à la réalité. En effet, si ce prévenu déclare, immédiatement après les faits, avoir reçu à la tête un coup de pied d’un homme (non identifié) vêtu d’un t-shirt blanc (B-77), il désigne celui-ci comme son troisième agresseur, en sus donc de E______ et de C______ ; surtout, il décrit avoir reçu plusieurs coups à la tête (B-75) et accuse clairement son deuxième agresseur (C______) de l’avoir frappé à coups de pied et de poing (B-75, dernier paragraphe). Ainsi, lorsque A______ précise ultérieurement – après avoir lui aussi visionné les images – que C______ lui a porté un coup de pied à la tête, il ne revient pas sur sa déclaration initiale mais la complète. Les images permettent effectivement de constater la présence d’au moins une, voire de deux personnes vêtues de clair, à proximité de la mêlée, dont l’une, en tout cas, y prend part activement (vidéo 7h47.20 à 30, et à partir de 7h50.30). A______ a par ailleurs indiqué à plusieurs reprises qu’il avait été frappé à la tête par au moins deux personnes différentes, dont C______. Ainsi, la déclaration non contradictoire de J______ en pièce B-32, qui confirme cette version et décrit C______ écrasant à coup de pieds la tête de A______, est exploitable à charge de C______, puisqu’elle ne constitue pas le seul élément mais vient au contraire étayer les déclarations du lésé et expliquer les images vidéo.

L’existence de coups à la tête de A______ est encore démontrée par les trois zones d'impact distinctes constatées par les légistes sur les images radiologiques, qui ne sont pas en regard des plaies (cou) mais au niveau frontal et occipital (arrière du crâne), lésions qui ne s’expliquent pas autrement dans les différentes versions des parties que par des coups portés à la tête.

3. 3.1. L'art. 111 CP réprime le comportement de celui qui aura intentionnellement tué une personne. Selon l'art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait.

Il y a dol éventuel lorsque l'auteur, qui ne veut pas le résultat dommageable pour lui-même, envisage le résultat de son acte comme possible et l'accepte au cas où il se produirait (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3 p. 4 ; 133 IV 9 = JdT 2007 I 573 consid. 4.1 p. 579 ; 131 IV 1 consid. 2.2 p. 4 s. ; 130 IV 58 consid. 8.2 p. 61). Le dol éventuel peut aussi être retenu lorsque l'auteur accepte par indifférence que le danger créé se matérialise ; le dol éventuel implique ainsi l'indifférence de l'auteur quant à la réalisation de l'état de fait incriminé (Ph. GRAVEN / B. STRÄULI, L'infraction pénale punissable, 2e éd., Berne 1995, n. 156 p. 208).

Pour déterminer si l'auteur s'est accommodé du résultat au cas où il se produirait, il faut se fonder sur les éléments extérieurs, faute d'aveux. Parmi ces éléments figurent l'importance du risque – connu de l'intéressé – que les éléments constitutifs objectifs de l'infraction se réalisent, la gravité de la violation du devoir de prudence, les mobiles et la manière dont l'acte a été commis (ATF 125 IV 242 consid. 3c). Plus la survenance de la réalisation des éléments constitutifs objectifs de l'infraction est vraisemblable et plus la gravité de la violation du devoir de prudence est importante, plus sera fondée la conclusion que l'auteur s'est accommodé de la réalisation de ces éléments constitutifs, malgré d'éventuelles dénégations (ATF 138 V 74 consid. 8.4.1). Ainsi, le dol éventuel peut notamment être retenu lorsque la réalisation du résultat devait paraître suffisamment vraisemblable à l'auteur pour que son comportement ne puisse raisonnablement être interprété que comme une acceptation de ce risque (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_259/2019 du 2 avril 2019 consid. 5.1).

L'intention homicide peut être retenue lors d'un unique coup de couteau sur le haut du corps de la victime (arrêt du Tribunal fédéral 6B_775/2011 du 4 juin 2012 consid. 2.4.2). Celui qui porte un tel coup dans la région des épaules et du buste lors d'une altercation dynamique doit s'attendre à causer des blessures graves. L'issue fatale d'un coup de couteau porté dans la région thoracique doit être qualifiée d'élevée et est notoire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_230/2012 du 18 septembre 2012 consid. 2.3), tout comme en cas de coup porté à proximité du cou, endroit du corps particulièrement vulnérable, en raison notamment des veines qui y passent (arrêt du Tribunal fédéral 6B_292/2017 du 14 novembre 2017 consid. 2.2).

3.2. L'art. 122 CP réprime notamment le comportement de celui qui, intentionnellement, aura mutilé le corps d'une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou causé à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou aura défiguré une personne d’une façon grave et permanente. Afin de déterminer si la lésion est grave, il faut procéder à une appréciation globale : plusieurs atteintes, dont chacune d'elles est insuffisante en soi, peuvent contribuer à former un tout constituant une lésion grave. Il faut tenir compte d'une combinaison de critères liés à l'importance des souffrances endurées, à la complexité et à la longueur du traitement (multiplicité d'interventions chirurgicales, etc.), à la durée de la guérison, respectivement de l'arrêt de travail, ou encore à l'impact sur la qualité de vie en général (arrêt du Tribunal fédéral 6B_422/2019 du 5 juin 2019 consid. 5.1).

Le fait d'asséner, en bande, de multiples coups à la tête d'une personne qui ne se défend pas et gît à terre et de frapper plus particulièrement avec les poings, les pieds ou d'autres objets dangereux tels qu'une bouteille en verre est propre à causer des lésions corporelles graves, voire même éventuellement la mort (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2.2).

3.3.1. Il y a tentative lorsque l'auteur a réalisé tous les éléments subjectifs de l'infraction et manifesté sa décision de la commettre, alors que les éléments objectifs font, en tout ou en partie, défaut (ATF 140 IV 150 consid. 3.4). La tentative de meurtre est donc retenue, lorsque l'auteur, agissant intentionnellement, commence l'exécution de cette infraction, manifestant ainsi sa décision de la commettre, sans que le résultat ne se produise. L'équivalence des deux formes de dol – direct et éventuel – s'applique à la tentative de meurtre (ATF 122 IV 246 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1177/2018 du 9 janvier 2019 consid. 1.1.3).

Il n'est ainsi pas nécessaire que l'auteur ait souhaité la mort de la victime, ni que la vie de celle-ci ait été concrètement mise en danger, ni même qu'elle ait été blessée pour qu'une tentative d'homicide soit retenue dans la mesure où la condition subjective de l'infraction est remplie (arrêt du Tribunal fédéral 6B_246/2012 du 10 juillet 2012 consid. 1.2 s.). La nature de la lésion subie par la victime et sa qualification d'un point de vue objectif est sans pertinence pour juger si l'auteur s'est rendu coupable de tentative de meurtre (ATF 137 IV 113 consid. 1.4.2 p. 115 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_924/2017 du 14 mars 2018 consid. 1.4.5). Il importe cependant que les coups portés aient objectivement exposé la victime à un risque de mort (arrêt du Tribunal fédéral 6B_86/2019 du 8 février 2019 consid. 2.1 et les références citées).

3.3.2. La distinction entre une tentative d’homicide (art. 22 et 111 CP) et des lésions corporelles graves au sens de l’art. 122 CP (réalisées ou tentées) tient essentiellement à l’intention de l’auteur. Si celle-ci englobe, même au titre du dol éventuel, le décès de la victime, les faits doivent être qualifiés de tentative de meurtre.

3.4. La rixe au sens de l'art. 133 CP est une altercation physique réciproque entre au moins trois personnes qui y participent activement et qui a pour effet d'entraîner le décès d'une personne ou une lésion corporelle. Le comportement punissable consiste à participer à la bagarre. La notion de participation doit être comprise dans un sens large. Il faut ainsi considérer comme un participant celui qui frappe un autre protagoniste, soit toute personne qui prend une part active à la bagarre en se livrant elle-même à un acte de violence (ATF 131 IV 150 consid. 2 p. 151 ; 106 IV 246 consid. 3e p. 252 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1348/2016 du 27 janvier 2017 consid. 1.1.1 ; 6B_1154/2014 du 31 mai 2016 consid. 1.1).

Pour être punissable en vertu de l'art. 133 CP, il n'est pas nécessaire que celui qui a pris part à la rixe ait lui-même causé la lésion. Le fait d'occasionner la mort ou des lésions corporelles est sanctionné séparément, en concours avec l'art. 133 CP, s'il est possible d'identifier celui qui a causé ce résultat (ATF 118 IV 227 consid. 5b p. 229) et son identification n'exclut pas que les autres participants soient punissables pour rixe. Celui qui quitte une rixe avant que la lésion ne soit causée est punissable au motif qu'il a contribué à stimuler la combativité des participants (cf. ATF 106 IV 246 consid. 3d p. 251 s.), tout comme celui qui ne participe qu'après la lésion (ATF
139 IV 168 consid. 1.1.4).

L'art. 133 CP constitue un délit de mise en danger qui n'exige aucun lien entre les agissements du prévenu et la lésion et rend punissable celui qui participe, indépendamment du fait qu'il a causé d'une manière ou d'une autre la lésion. Une altercation entre deux personnes devient une rixe lorsqu'une troisième intervient. Si l'enchaînement direct des événements commande de considérer les faits incriminés comme une unité, celui qui déclenche une rixe doit donc également être considéré comme un participant à celle-ci au sens de l'art. 133 al. 1 CP. Il n'est pas déterminant qu'il prenne une part active avant l'intervention d'une troisième personne à l'altercation, puis qu'il se comporte de manière passive uniquement. Il n'en va autrement lorsque le déroulement des faits peut se diviser clairement en plusieurs unités d'action (ATF 137 IV 1 consid. 4.3.1 p. 5).

La loi prévoit toutefois un fait justificatif spécial en ce sens que n'est pas punissable l'adversaire qui n'accepte pas le combat et se borne à repousser une attaque, à défendre autrui ou à séparer les combattants (art. 133 al. 2 CP).

Lorsqu'une personne a une attitude purement passive, ne cherche qu'à se protéger et ne donne aucun coup, on ne peut soutenir qu'elle participe à la rixe. En effet, celle-ci exige une certaine forme de participation, soit un combat actif, effectif et réciproque entre au moins trois personnes. Si l'une des trois ne se bat pas et n'use pas de violence pour repousser l'attaque, il n'y a pas de rixe. Dans un tel cas, on retiendra l'agression, les voies de fait, les lésions corporelles ou l'homicide (ATF 131 IV 150 consid. 2.1.2 p. 153 ; 106 IV 246 consid. 3e p. 252 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1348/2016 du 27 janvier 2017 consid. 1.1.2 ; 6B_407/2016 du 28 juin 2016 consid. 4.3).

En revanche, quand une personne a une attitude active mais purement défensive ou de séparation, c'est-à-dire distribue des coups, mais exclusivement pour se protéger, défendre autrui ou séparer les combattants, on a alors affaire à une rixe (ATF
94 IV 105). Dans ce sens, la jurisprudence a précisé que du moment où la loi accorde l'impunité à celui qui s'est borné à se défendre, elle admet qu'il est aussi un participant au sens de l'art. 133 CP (ATF 106 IV 246 consid. 3e p. 252). Cette personne peut toutefois bénéficier de l'impunité prévue par l'art. 133 al. 2 CP, puisque, par son comportement, elle s'est bornée à défendre sa personne ou autrui ou à séparer les combattants (ATF 131 IV 150 consid. 2.1.2 p. 153 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_407/2016 du 28 juin 2016 consid. 4.3).

3.5. Quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d'une attaque imminente a le droit de repousser l'attaque par des moyens proportionnés aux circonstances (art. 15 CP).

La légitime défense suppose une attaque, c'est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d'une attaque, soit le risque que l'atteinte se réalise. Il doit s'agir d'une attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l'atteinte soit effective ou qu'elle menace de se produire incessamment (ATF 106 IV 12 consid. 2a p. 14 ; 104 IV 232 consid. c p. 236 s. ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_600/2014 du 23 janvier 2015 consid. 5.1 non publié in ATF 141 IV 61 ; 6B_632/2011 du 19 mars 2012 consid. 2.1).

La défense doit apparaître proportionnée au regard de l'ensemble des circonstances. À cet égard, on doit notamment examiner la gravité de l'attaque, les biens juridiques menacés par celle-ci et par les moyens de défense, la nature de ces derniers ainsi que l'usage concret qui en a été fait (ATF 136 IV 49 consid. 3.2 p. 51 ; ATF 102 IV 65 consid. 2a p. 68 ; ATF 101 IV 119 p. 120). La proportionnalité des moyens de défense se détermine d'après la situation de celui qui voulait repousser l'attaque au moment où il a agi (ATF 136 IV 49 consid. 3.2 p. 51). Le moyen de défense employé doit être le moins dommageable possible pour l'assaillant, tout en devant permettre d'écarter efficacement le danger (ATF 136 IV 49 consid. 4.2 p. 53 ; ATF 107 IV 12 consid. 3b p. 15). Les autorités judiciaires ne doivent pas se livrer à des raisonnements a posteriori trop subtils pour déterminer si l'auteur des mesures de défense n'aurait pas pu ou dû se contenter d'avoir recours à des moyens différents, moins dommageables. Il est aussi indispensable de mettre en balance les biens juridiquement protégés qui sont menacés de part et d'autre. Encore faut-il que le résultat de cette pesée des dangers en présence soit reconnaissable sans peine par celui qui veut repousser l'attaque, l'expérience enseignant qu'il doit réagir rapidement (ATF 136 IV 49 consid. 3.2 p. 51 ; 107 IV 12 consid. 3 p. 15 ; 102 IV 65 consid. 2a p. 68 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_130/2017 du 27 février 2018 consid. 3.1 = SJ 2018 I 385 ; 6B_6/2017 du 28 février 2018 consid. 4.1).

La légitime défense ne peut être invoquée par le provocateur, savoir celui qui fait en sorte d'être attaqué pour pouvoir porter atteinte aux biens juridiques d'autrui sous le couvert de la légitime défense. Ne constitue pas une provocation le comportement inconvenant d'une personne prise de boisson, sans attaque ou menace à l'égard de tiers (ATF 104 IV 53 consid. 2a p. 56 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_6/2017 du 28 février 2018 consid. 4.1 ; 6B_585/2016 du 7 décembre 2016 consid. 3.3), ni le fait de prévoir l'attaque et de s'y préparer, sans toutefois y inciter (ATF 102 IV 228 consid. 2 p. 230).

Celui qui utilise pour se défendre un objet dangereux, tel qu'un couteau ou une arme à feu, doit faire preuve d'une retenue particulière car sa mise en œuvre implique toujours le danger de lésions corporelles graves ou même mortelles. On ne peut alors considérer la défense comme proportionnée que s'il n'était pas possible de repousser l'attaque avec des moyens moins dangereux, si l'auteur de l'attaque a, le cas échéant, reçu une sommation et si la personne attaquée n'a utilisé l'instrument dangereux qu'après avoir pris les mesures nécessaires pour éviter un préjudice excessif (ATF 136 IV 49 consid. 3.3 p. 52 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_346/2016 du 31 janvier 2017 consid. 2.1.2 ; 6B_889/2013 du 17 février 2014 consid. 2.1).

3.6. Si l'auteur, en repoussant l'attaque, a excédé les limites de la légitime défense au sens de l'art. 15 CP, le juge atténue la peine (art. 16 al. 1 CP). Si cet excès provient d'un état excusable d'excitation ou de saisissement causé par l'attaque, l'auteur n'agit pas de manière coupable (art. 16 al. 2 CP). 

Ce n'est que si l'attaque est la seule cause ou la cause prépondérante de l'excitation ou du saisissement que celui qui se défend n'encourt aucune peine et pour autant que la nature et les circonstances de l'attaque rendent excusable cette excitation ou ce saisissement. Comme dans le cas du meurtre par passion, c'est l'état d'excitation ou de saisissement qui doit être excusable, non pas l'acte par lequel l'attaque est repoussée. La loi ne précise pas plus avant le degré d'émotion nécessaire. Il ne doit pas forcément atteindre celui d'une émotion violente au sens de l'art. 113 CP, mais doit revêtir une certaine importance. La peur ne signifie pas nécessairement état de saisissement au sens de l'art. 16 al. 2 CP. Une simple agitation ou une simple émotion ne suffit pas. Il faut au contraire que l'état d'excitation ou de saisissement auquel était confronté l'auteur à la suite de l'attaque l'ait empêché de réagir de manière pondérée et responsable. La surprise découlant d'une attaque totalement inattendue peut générer un état de saisissement excusable (ATF 101 IV 119 p. 121 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_922/2018 du 9 janvier 2020 consid. 2.2 et 6B_873/2018 du 15 février 2019 consid. 1.1.3). Il est nécessaire que l’auteur, en raison de son état d’excitation ou de saisissement causé par l’attaque, fût dans l’incapacité de réagir de manière réfléchie et responsable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1211/2015 du 10 novembre 2016 consid. 1.3.2).

3.7. En l’espèce, compte tenu de la version des faits établie ci-dessus, les faits reprochés aux prévenus doivent être qualifiés comme suit.

3.7.1. Initialement, l’altercation n’a impliqué que deux protagonistes, A______ et E______. La qualification de rixe est ainsi exclue pour la première partie des faits. Dans cette phase, A______ a commencé par tenter de fuir, avant de blesser le premier son adversaire au moyen d’un tesson de bouteille, dans le cadre d’une bagarre où les deux protagonistes s’étaient munis d’un tel objet. Peu après, E______ l’a également blessé avec son tesson de bouteille. Les deux blessés ont été victimes de lésions au cou, dans une région du corps comprenant des structures vitales (veines carotide et jugulaire, trachée, larynx, pharynx). Ces lésions, même si elles n’ont pas mis en danger la vie des blessés, ont toutes été portées dans une région du corps particulièrement vulnérable où le risque d’une issue fatale d'un coup porté avec un objet tranchant doit être qualifié d'élevé et est notoire. Cela dit, les coups ont été portés dans une altercation dynamique, un échange violent et réciproque ; aux dires des experts, les coups n’ont pas été portés de façon à pénétrer mais parallèlement à la structure de la peau, de façon à lacérer. Les lésions n’étaient pas particulièrement profondes, même si elles ont atteint le muscle sous-jacent. Les deux protagonistes étaient fortement alcoolisés, et les faits se sont produits en fin de nuit. Dans ces circonstances, et même s’il s’agit d’un cas limite, la Cour retient que ni E______, ni A______ n’ont envisagé ni accepté de causer la mort de leur adversaire, au vu de la direction des coups portés et du contexte global de la bagarre. Cela étant, compte tenu de la région touchée, ils ne pouvaient ignorer le risque vital encouru par leur adversaire, même si celui-ci ne s’est pas concrétisé et que les lésions finalement occasionnées ne sont objectivement que des lésions simples. Les faits doivent ainsi être qualifiés, pour les deux protagonistes, de tentative de lésions corporelles graves au sens des art. 22 et 122 CP.

L’appel du MP sur ce point doit être rejeté.

3.7.2. L’intervention de H______ se limite à une séparation des protagonistes ; il n’a pas de rôle actif. La bagarre ne devient une rixe qu’au moment où C______ intervient à son tour et s’en prend à A______, et, surtout, lorsque E______ revient à la charge contre ce dernier. Toutefois, à ce moment-là, la version des faits retenue par la Cour de céans exclut toute attaque de A______ qui ne fait que se défendre. Bien qu’il participe à la rixe, il doit être mis au bénéfice de l’art. 133 al. 2 CP : l’acquittement retenu par les premiers juges sera confirmé et formellement inscrit au dispositif du présent arrêt.

L’appel du MP sur ce point doit être rejeté.

3.7.3. Au lieu de séparer les protagonistes, C______ s’en est pris à A______, relançant de ce fait l’altercation qui a ainsi viré à la rixe. E______, alors qu’il était lui-même blessé et que son adversaire était malmené par C______, n’a pas hésité à revenir à la charge pour frapper à nouveau A______. Il a ainsi également pris part à cette partie de la bagarre, de façon moins intense puisqu’il était déjà blessé.

La condamnation de C______ et E______ pour rixe doit dès lors être confirmée et leurs appels sur ce point rejetés.

3.7.4. Dans cette phase, alors que A______ était déjà blessé, C______ lui a porté plusieurs coups, notamment un violent coup de pied à la tête, cherchant à l’écraser. Compte tenu de la violence de ses agissements, notamment de son acharnement à s’en prendre à sa victime alors qu’elle gisait à terre, les gestes de C______ doivent être qualifiés de tentative de lésion corporelle grave, de tels coups étant susceptibles d’occasionner des lésions importantes. En l’occurrence, une partie des lésions (les zones d’impact visibles sur les images radiologiques) n’ont certes pas été mentionnées dans l’acte d’accusation du MP ; celui-ci décrit néanmoins clairement les lésions externes correspondantes ainsi que les coups de poing et de pied qui les ont occasionnés et leurs conséquences, soit le risque vital encouru par le lésé.

Les appels du MP et de A______ sur ce point doivent être admis et le jugement entrepris sera ainsi réformé. C______ sera reconnu coupable de tentative de lésions corporelles graves sur A______.

3.8. A______ se prévaut de la légitime défense.

3.8.1. A______ a effectivement été attaqué par E______ qui, pour un motif indéterminé, s’est dirigé vers lui en étant muni d’une bouteille cassée. Il était donc en position de se défendre. Cela étant, aucun des protagonistes ne fait état de mise en garde ou d’une sommation avant que les deux hommes n’en viennent aux mains ; or, en s’emparant d’un tesson de bouteille, objet dangereux, A______ devait agir avec retenue. Sa réaction, et notamment le fait de tenter le premier de blesser gravement son adversaire en lui portant des coups de tesson de bouteille dans la région du cou, excède manifestement la mesure nécessaire pour repousser l’attaque. Au moment où il a blessé E______, A______ n’était lui-même pas encore blessé ; or, il a visé une région particulièrement sensible de l’anatomie pour blesser son adversaire. C______ l’avait certes empêché de s’enfuir, prêtant ainsi assistance à son agresseur ; mais A______ n’était pas seul face à deux adversaires déterminés puisque H______ se trouvait encore à proximité et que C______ n’avait pas un rôle actif dans la bagarre à ce moment-là. Dès lors, en blessant aussi gratuitement et violemment son adversaire, d’entrée de cause, A______ a clairement excédé les limites de la légitime défense, et ce motif justificatif doit être écarté. Ses actes restent ainsi illégaux et le verdict de culpabilité doit être confirmé.

3.8.2. Même s’il a réagi à une attaque, A______ a participé activement, portant plusieurs coups et blessant le premier son adversaire, sans qu’on puisse retenir, au vu du déroulement de la bagarre, qu’il se serait agi d’un geste instinctif ou spontané, en réaction immédiate à l’attaque. Les faits s’apparentent bien plus à une bagarre qu’à une simple réaction à une agression. Au vu des circonstances de l’espèce, cet excès de légitime défense n’est donc pas excusable. La peine encourue par A______ devra néanmoins être atténuée en application de l’art. 16 al. 1 CP.

3.8.3. A raison, les autres protagonistes ne se prévalent pas de la légitime défense.

4. 4.1. Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Celle-ci doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle, ainsi que les motivations et les buts de l’auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1), ainsi que l’effet de la peine sur son avenir. L’art. 47 CP confère un large pouvoir d’appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

4.2. Conformément à l'art. 48 let. c CP, le juge atténue la peine si l'auteur a agi en proie à une émotion violente que les circonstances rendaient excusable ou s'il a agi dans un état de profond désarroi.

L’émotion violente – formulation qui correspond à celle de l’art. 113 CP relatif au meurtre passionnel – est un état psychologique particulier, d'origine émotionnelle et non pas pathologique, qui se caractérise par le fait que l'auteur est submergé par un sentiment violent qui restreint dans une certaine mesure sa faculté d'analyser correctement la situation ou de se maîtriser (ATF 118 IV 233 consid. 2a p. 236 ; arrêt du Tribunal fédéral 6S_310/2006 du 29 novembre 2006 consid. 3 et les références citées). Elle suppose que l'auteur réagisse de façon plus ou moins immédiate à un sentiment soudain qu'il ne parvient pas à dominer.

La jurisprudence s’est principalement prononcée sur l’art. 113 CP ; compte tenu de la teneur similaire de l’art. 48 CP les principes développés peuvent également s’appliquer à l’examen de la circonstance atténuante de cette disposition. Ainsi, le caractère excusable de l'émotion violente doit s’examiner à la lumière des circonstances objectives et subjectives permettant d'expliquer le processus psychologique en œuvre au moment des faits mais aussi, surtout, en procédant à une appréciation d'ordre éthique ou moral. L'émotion violente ne doit pas résulter d'impulsions exclusivement ou principalement égoïstes ou ordinaires, mais apparaître comme excusable ou justifiée par les circonstances extérieures qui l'ont causée (ATF 82 IV 86 consid. 1 p. 88). Pour savoir si le caractère excusable peut être retenu, il faut procéder à une appréciation objective des causes de ces états et déterminer si un être humain raisonnable, de la même condition que l'auteur et placé dans une situation identique, se trouverait facilement dans un tel état (ATF 107 IV 105 consid. 2b/bb p. 106).

4.3. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

Une peine d'ensemble en application du principe de l'aggravation suppose que le tribunal ait fixé (au moins de manière théorique) les peines (hypothétiques) de tous les délits (ATF 144 IV 217 consid. 3.5.3).

4.4. A teneur de l'art. 49 al. 2 CP, si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement.

Cette situation vise le concours réel rétrospectif qui se présente lorsque l'accusé, qui a déjà été condamné pour une infraction, doit être jugé pour une autre infraction commise avant le premier jugement, mais que le tribunal ignorait. L'art. 49 al. 2 CP enjoint au juge de prononcer une peine complémentaire ou additionnelle ("Zusatzstrafe"), de telle sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement (ATF 142 IV 265 consid. 2.3.1 = JdT 2017 IV 129 ; ATF 141 IV 61 consid. 6.1.2 p. 67 ; ATF
138 IV 113 consid. 3.4.1 p. 115 et les références). Il doit s'agir de peines de même genre (ATF 142 IV 265 consid. 2.3.2 et les références = JdT 2017 IV 129).

4.5. Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution, notamment, d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d’autres crimes ou délits. Dans le cas des peines privatives de liberté entre deux et trois ans, l'art. 43 CP s'applique de manière autonome. En effet, exclu dans ces cas (art. 42 al. 1 CP), le sursis complet est alors remplacé par le sursis partiel pour autant que les conditions subjectives en soient remplies. Le but de la prévention spéciale trouve alors ses limites dans les exigences de la loi qui prévoit dans ces cas qu'une partie au moins de la peine doit être exécutée en raison de la gravité de la faute commise (ATF 134 IV 1 consid. 5.5.1 p. 14).

Les conditions subjectives permettant l'octroi du sursis (art. 42 CP), à savoir les perspectives d'amendement, valent en revanche également pour le sursis partiel prévu à l'art. 43 CP dès lors que la référence au pronostic ressort implicitement du but et du sens de cette dernière disposition. Ainsi, lorsque le pronostic quant au comportement futur de l'auteur n'est pas défavorable, la loi exige que l'exécution de la peine soit au moins partiellement suspendue (ATF 134 IV 1 consid. 5.3.1 p. 10 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_129/2015 du 11 avril 2016 consid. 3.1 non reproduit in ATF 142 IV 89).

Pour fixer dans ce cadre la durée de la partie ferme et avec sursis de la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. À titre de critère de cette appréciation, il y a lieu de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur. Le rapport entre les deux parties de la peine doit être fixé de telle manière que la probabilité d'un comportement futur de l'auteur conforme à la loi et sa culpabilité soient équitablement prises en compte. Ainsi, plus le pronostic est favorable et moins l'acte apparaît blâmable, plus la partie de la peine assortie du sursis doit être importante. Mais en même temps, la partie ferme de la peine doit demeurer proportionnée aux divers aspects de la faute (ATF 134 IV 1 consid. 5.6 p. 15).

4.6. En l’espèce, les trois prévenus sont reconnus coupables de tentative de lésions corporelles graves, infraction passible d’une peine privative de liberté de six mois à dix ans ; conformément à l’art. 22 CP, cette peine peut être atténuée.

Deux des prévenus sont également reconnus coupables, en concours, de rixe, infraction passible d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire, et d’infractions à l’art. 115 de la loi sur les étrangers et l'intégration (LEI) passibles d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire et de contravention à la LStup, passible d’une amende.

4.6.1. En ce qui concerne A______, il a participé activement à une bagarre, qu’il n’avait certes pas provoquée et dans le cadre de laquelle il s’est défendu contre son agresseur. Il a toutefois outrepassé les limites de la simple défense. S’il n’a pas eu d’intention homicide, il a néanmoins pris le risque de blesser gravement son adversaire en lui portant des coups au niveau de la partie supérieure du corps au moyen d’un objet tranchant, l’atteignant à plusieurs reprises, notamment au visage et au cou. Le fait que l’infraction en soit restée au stade de la tentative tient plus du hasard et de la chance que d’une quelconque décision du prévenu.

La défense n’a pas été son seul mobile ; il a aussi réagi de façon colérique, sans doute en partie sous l’effet de l’alcool (sans que son alcoolisation n’atteigne le stade d’une diminution de sa responsabilité) et de la fatigue de la fin de nuit. Sa situation personnelle ne présente aucune particularité pouvant expliquer ou justifier ses actes. Son unique antécédent, relativement ancien (2016), aurait néanmoins dû lui servir d’avertissement et le dissuader de réagir aussi vivement. Sa collaboration a été médiocre, dans la mesure où il a toujours nié avoir blessé son adversaire et fait usage d’un tesson de bouteille alors qu’il est bien l’auteur des lésions de E______. Sa faute doit être qualifiée de moyenne.

Il expose avoir souffert des conséquences de l’agression ; il apparaît néanmoins que c’est surtout la détention préventive subie qui l’a affecté, élément qui est intrinsèquement lié à la procédure pénale, elle-même directement consécutive à ses agissements. Il remplit les conditions du sursis et il peut être considéré que la détention préventive relativement longue subie en l’espèce le détournera, à l’avenir, de réagir de façon aussi impulsive et violente.

La peine sera fixée en tenant compte de la situation de légitime défense excessive (art. 16 CP) dans laquelle se trouvait le prévenu. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, ainsi que de l’évolution positive de l’appelant depuis sa libération à l’issue de l’audience de première instance, la CPAR considère qu’une peine privative de liberté de 18 mois, assortie du sursis et d’un délai d’épreuve de trois ans, sanctionne adéquatement les faits commis par A______.

4.6.2. En ce qui concerne E______, sa faute est plus importante. Il a provoqué la bagarre, pour un motif qui reste obscur. Qu’il se soit agi d’une dispute pour une cigarette ou d’une accusation de tentative de vol, rien ne justifiait une agression violente, à laquelle il a activement participé. Blessé par son adversaire lorsque celui-ci s’est défendu, il l’a à son tour frappé au niveau du visage, à plusieurs reprises, le blessant sous l’oreille et derrière la tête, dans un geste manifeste de vengeance pour la blessure subie. Là également, le fait que l’infraction en soit restée au stade de la tentative tient plus du hasard et de la chance que d’une quelconque décision du prévenu.

Alors qu’il était lui-même gravement blessé, que son adversaire visiblement mal en point était malmené par C______ qui le dominait, E______ n’a pas hésité à revenir à la charge pour frapper à nouveau A______, démontrant ainsi son acharnement et sa volonté de blesser son opposant. Il a pris activement part à la rixe et ne s’est pas contenté de se défendre, avant de cesser finalement d’y participer lorsque la faiblesse due à sa blessure l’a fait chuter au sol.

Ses mobiles relèvent ainsi de la colère et de la vengeance, mobiles futiles et égoïstes. Sa situation personnelle, certes précaire au moment des faits, ne justifie en rien une telle explosion de violence. Si l’alcool a pu, comme pour les autres protagonistes, jouer un rôle dans le déroulement des événements, son alcoolisation n’avait pas atteint le stade d’une diminution de sa responsabilité qui demeure pleine et entière. Il n’y a pas place pour la circonstance atténuante de l’émotion violente ; même s’il a été blessé le premier, il avait lui-même provoqué la bagarre et ne saurait dès lors prétendre avoir été surpris par la réaction de son adversaire. Sa collaboration à la procédure a été moyenne, dans la mesure où même s’il a minimisé son rôle, il a admis à demi-mots avoir fait usage d’un tesson de bouteille et blessé son adversaire.

Seule une peine privative de liberté entre en ligne de compte pour la rixe et les lésions corporelles graves, infractions qui entrent en concours. Le MP conclut au prononcé d’une telle peine également pour les infractions à la LEI, à raison. En effet, E______ est dépourvu de tout moyen de subsistance et le recouvrement d’une peine pécuniaire serait manifestement dépourvu de chance de succès, ce d’autant plus au vu de sa disparition depuis sa mise en liberté.

L’infraction objectivement la plus grave est la tentative de lésions corporelles graves, qui justifie le prononcé d’une peine de base de 30 mois. Cette peine doit être aggravée de six mois pour la rixe (peine théorique de huit mois) et d’à chaque fois 15 jours pour chacune des infractions à la LEI. La peine privative de liberté d’ensemble théorique est ainsi de trois ans et un mois, durée qui sera ramenée à trois ans pour permettre le prononcé d’un sursis partiel, dont E______ remplit les conditions (ATF 134 IV 17 consid. 3.6 p. 25). Non sans hésitation, compte tenu de la gravité des actes commis, qui justifieraient de fixer la partie ferme de la peine à la moitié, celle-ci sera arrêtée à 15 mois, ce qui évitera à l’intéressé une réincarcération pour subir le solde de sa peine. En revanche, compte tenu de la gravité des faits, la durée du délai d’épreuve pour le solde sera fixée à quatre ans.

Le MP sollicite le prononcé d’une amende de CHF 300.- en lieu et place de celle de CHF 100.- fixée par les premiers juges. Compte tenu des éléments évoqués ci-dessus au sujet de l’absence de ressources de E______, le montant retenu par les premiers juges apparaît adéquat et sera dès lors confirmé.

4.6.3. En ce qui concerne C______, sa faute est moindre que celle de E______, dans la mesure où il n’a pas fait usage d’un objet dangereux et n’a fait qu’assister au début de la bagarre. Néanmoins, il a poursuivi son activité sur une plus longue durée, continuant à frapper A______ pendant plusieurs minutes alors que E______, lui, ne se relevait plus. Au lieu de séparer les protagonistes, il s’en est soudain et violemment pris à A______, relançant de ce fait l’altercation qui a viré à la rixe. Alors que les deux premiers protagonistes étaient séparés, et que H______ avait tout entrepris pour mettre un terme à la mêlée, son intervention a fait remonter la violence. Il s’en est pris pendant de longues minutes à A______, pourtant déjà blessé, le rouant de coups jusqu’à l’arrivée de la police et même alors que celle-ci était déjà présente. Il a notamment porté des coups de pied à sa victime qui se trouvait à terre, même à la tête, prenant le risque de le blesser gravement.

Ses mobiles sont difficiles à cerner. L’alcool et la drogue ont sans doute joué un rôle ; même s’il présentait une alcoolémie inférieure à celle des autres protagonistes, son comportement en partie aberrant (monter sur le toit d’une voiture en marche) démontre une désinhibition qui n’atteint toutefois pas un degré justifiant une diminution de sa responsabilité. Il a en effet fait preuve d’acharnement et de détermination à l’encontre de sa victime, poursuivant celle-ci sans lui laisser d’échappatoire, ce qui démontre une maîtrise conservée et un comportement réfléchi, même si peu rationnel. Il a très certainement réagi à la blessure de son ami E______, et était donc lui aussi motivé par la colère et la vengeance. Même sans avoir fait usage d’un objet dangereux, l’absence d’atteinte plus grave à la victime tient plus du hasard et de la chance que d’une quelconque décision de sa part puisqu’il était décidé à poursuivre sa victime sans relâche, la rouant de coups, y-compris à la tête, au mépris des personnes qui cherchaient à le retenir.

Sa situation personnelle n’est guère favorable mais n’explique pas son passage à l’acte, surtout pour des mobiles aussi futiles. Sa collaboration a été exécrable, niant l’évidence (vidéo, mise en cause du gendarme entendu comme témoin) et refusant toute responsabilité dans les actes commis, pour lesquels il n’a jamais exprimé le moindre regret, jusqu’à faire défaut devant la Cour de céans.

Compte tenu de la peine prononcée par le MP après l’audience de première instance, la sanction prononcée en l’espèce est une peine complémentaire. Seule une peine privative de liberté entre en ligne de compte pour la rixe et les lésions corporelles graves, infractions qui entrent en concours. Le MP conclut à raison au prononcé d’une telle peine également pour les infractions à la LEI. En effet, E______ est dépourvu de tout moyen de subsistance et le recouvrement d’une peine pécuniaire serait manifestement dépourvu de chance de succès, ce d’autant plus au vu de sa disparition depuis sa mise en liberté. Il n’a d’ailleurs pas contesté le prononcé d’une telle sanction en novembre 2021. Il convient dès lors de fixer la peine d’ensemble pour les faits de la présente cause et ceux objets de cette condamnation.

L’infraction objectivement la plus grave sous l’angle de l’art. 49 al. 2 CP est la tentative de lésions corporelles graves, qui justifie le prononcé d’une peine de base de 22 mois vu l’absence d’utilisation d’un objet dangereux. Cette peine doit être aggravée de huit mois pour la rixe (peine théorique de dix mois, son rôle dans la rixe étant plus important que celui de son comparse), de deux mois (peine théorique de trois mois) pour les infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants, sanctionnées dans l’OP du 23 novembre 2021. Le séjour illégal sanctionné par cette même OP a déjà fait l’objet d’une application de l’art. 49 al. 2 CP, et la peine y afférente sera donc fixée à un mois, à laquelle s’ajoutent 15 jours pour le séjour illégal et 15 jours pour l’entrée illégale en juin 2020.

La peine privative de liberté théorique encourue par l’appelant C______ est ainsi une peine de 34 mois. Compte tenu de la peine de 120 jours prononcée par le MP, la peine privative de liberté complémentaire sera arrêtée à 30 mois.

C______ remplit les conditions du sursis partiel, qui sera dès lors accordé. La partie ferme de la peine sera arrêtée à la moitié, soit 15 mois. Compte tenu de la gravité des faits, la durée du délai d’épreuve pour le solde sera fixée à quatre ans.

Ni le MP, ni le prévenu ne contestent l’amende de CHF 300.- fixée par les premiers juges ; la Cour de céans peut néanmoins revoir en faveur du prévenu un point qui n’est pas contesté afin de prévenir des décisions inéquitables (art. 404 al. 2 CPP). Compte tenu des éléments évoqués ci-dessus au sujet de l’absence de ressources de l’intéressé, et du fait que cette amende est complémentaire à celle de CHF 300.- prononcée le 23 novembre 2021, elle sera ramenée à CHF 100.-.

4.7. Les peines prononcées dépassent toutes la durée de la détention subie avant jugement par les prévenus. Ils seront dès lors déboutés de leurs conclusions en indemnisation (art. 429 CPP), y compris, en ce qui concerne C______, pour ses frais de défense puisque l’acquittement dont il a bénéficié est annulé.

5. 5.1. Conformément à l'art. 66a al. 1 CP, le juge expulse un étranger du territoire suisse pour une durée de cinq à quinze ans s'il est reconnu coupable de l'une des infractions énumérées aux let. a à o, également sous la forme de tentative (ATF
144 IV 168 consid. 1.4.1), notamment en cas de condamnation pour lésions corporelles graves (let. b). Conformément à l'al. 2 de cette disposition, le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse. L’al. 3 prévoit enfin que le juge peut également renoncer à l’expulsion si l’acte a été commis en état de défense excusable (art. 16, al. 1) ou de nécessité excusable (art. 18, al. 1).

Malgré la formulation potestative de la norme, le juge de l’expulsion est tenu d'examiner si les conditions de l'art. 66a al. 2 CP sont réalisées et de renoncer à ordonner l'expulsion dans cette hypothèse (ATF 144 IV 332 consid. 3.3 p. 339).

5.2. La loi ne définit pas ce qu'il faut entendre par une « situation personnelle grave » (première condition cumulative) ni n'indique les critères à prendre en compte dans la pesée des intérêts (seconde condition cumulative). Il convient de s'inspirer des critères énoncés à l'art. 31 de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA). L'art. 31 al. 1 OASA prévoit qu'une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité. L'autorité doit tenir compte notamment de l'intégration du requérant selon les critères définis à l'art. 58a al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants, de la situation financière, de la durée de la présence en Suisse, de l'état de santé ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance. Comme la liste de l'art. 31 al. 1 OASA n'est pas exhaustive et que l'expulsion relève du droit pénal, le juge devra également, dans l'examen du cas de rigueur, tenir compte des perspectives de réinsertion sociale du condamné (ATF
144 IV 332 consid. 3.3.1 et 3.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_379/2021 du 30 juin 2021 consid. 1.1).

En règle générale, il convient d'admettre l'existence d'un cas de rigueur au sens de l'art. 66a al. 2 CP lorsque l'expulsion constituerait, pour l'intéressé, une ingérence d'une certaine importance dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la Constitution fédérale (art. 13 Cst.) et par le droit international, en particulier l'art. 8 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.1 et références citées).

5.3. Le juge de l'expulsion ne peut pas ignorer, dans l'examen du cas de rigueur, qui suppose une pesée globale des circonstances, celles qui s'opposeraient à l'expulsion parce qu'il en résulterait une violation des garanties du droit international, notamment le principe de non-refoulement (cf. art. 25 Cst. ; art. 5 al. 1 Loi sur l'asile [LAsi] ; art. 33 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ; art. 3 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants), alors même que ces garanties sont encore expressément réservées par l'art. 66d al. 1 CP. Les éventuels obstacles à l'expulsion, au sens de l'art. 66d al. 1 CP, doivent déjà être pris en compte au moment du prononcé de l'expulsion, pour autant que ces circonstances soient stables et puissent être déterminées de manière définitive (arrêt du Tribunal fédéral 6B_38/2021 du 14 février 2022 consid. 5.5.).

Aux termes de l'art. 66d al. 1 CP, l'exécution de l'expulsion obligatoire selon l'art. 66a ne peut être reportée que: lorsque la vie ou la liberté de la personne concernée dont le statut de réfugié a été reconnu par la Suisse serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques; cette disposition ne s'applique pas au réfugié qui ne peut invoquer l'interdiction de refoulement prévue à l'art. 5 al. 2 LAsi (let. a); lorsque d'autres règles impératives du droit international s'opposent à l'expulsion (let. b). L'exception au principe de non-refoulement qui protège les réfugiés (art. 66d al. 1 let. a 2ème phrase CP) doit être interprétée restrictivement, l'auteur doit en particulier représenter un danger pour la collectivité du pays d'accueil (arrêt du Tribunal fédéral 6B_38/2021 susmentionné consid. 5.5.4 ; S. SCHLEGEL, Schweizerisches Strafgesetzbuch Handkommentar, 4ème éd. 2020, no 2 ad art. 66d).

Seul un crime particulièrement grave autorise à passer outre le principe de non-refoulement. Une exception à ce principe ne se justifie en effet que lorsque l'auteur constitue un danger pour le public de l'État de refuge. Ce danger ne peut pas être admis sur la seule base de la condamnation pour des crimes particulièrement graves; l'étranger doit encore présenter un risque de récidive concret, un risque uniquement abstrait ne suffisant pas (ATF 139 II 65 consid. 5.4 p. 74 et 6.4 p. 76 s.).

5.4. L'inscription de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) est régie par le chapitre IV du règlement SIS II (règlement CE n° 1987/2006) relatif aux signalements de ressortissants de pays tiers aux fins de non-admission ou d’interdiction de séjour. Le signalement dans le SIS suppose que la présence de la personne concernée, ressortissante d’un pays tiers, sur le territoire d’un État membre constitue une menace pour l’ordre public ou la sécurité publique ou pour la sécurité nationale. L'art. 24 précise que tel peut être notamment le cas lorsque l'intéressé a été condamné dans un État membre pour une infraction passible d’une peine privative de liberté d’au moins un an (let. a) ou lorsqu'il existe des raisons sérieuses de croire qu’il a commis un fait punissable grave, ou à l’égard duquel il existe des indices réels qu’il envisage de commettre un tel fait sur le territoire d’un État membre (let. b).

Il ne faut pas poser des exigences trop élevées en ce qui concerne l'hypothèse d'une « menace pour l'ordre public et la sécurité publique ». En particulier, il n'est pas nécessaire que la personne concernée constitue une menace concrète, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société. Il suffit que la personne concernée ait été condamnée pour une ou plusieurs infractions qui menacent l'ordre public et la sécurité publique et qui, prises individuellement ou ensemble, présentent une certaine gravité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1178/2019 du 10 mars 2021 destiné à la publication consid. 4.6 et 4.8).

5.5. En l’espèce, l’ensemble des prévenus encourt une expulsion.

5.5.1. E______ et C______, qui venaient d’arriver en Suisse au moment des faits et n’ont aucun lien avec notre pays, dans lequel ils n’ont jamais séjourné légalement (et qui semblent d’ailleurs l’avoir déjà quitté, au vu de leur défaut aux débats d’appel), ne peuvent pas se prévaloir de la clause de rigueur et leur expulsion sera ordonnée pour la durée de dix ans. Cette durée est justifiée par la gravité des faits et leur absence totale de lien avec la Suisse (étant rappelé qu’en présence d’un appel du MP, la CPAR n’est liée ni par les conclusions des parties, ni par l’interdiction de la reformatio in peius, art. 391 al. 1 let. b et al. 2 CPP). L’inscription de la mesure au SIS s’impose également, compte tenu du comportement dangereux qu’ils ont adopté notamment au vu de leur condamnation en concours pour rixe.

5.5.2. La situation de A______ est très différente. En effet, celui-ci est au bénéfice du statut de réfugié (et non d’une simple admission provisoire), même s’il n’a pas obtenu l’asile, et peut ainsi se prévaloir du principe de non-refoulement. Selon les indications fournies par le SEM, l’octroi d’une admission provisoire signifie que cette autorité a considéré qu’une menace pour son existence peut être présumée en cas de renvoi, ce qui fait en principe obstacle au prononcé de l’expulsion. De plus, il a été mis au bénéfice de la circonstance atténuante de l’état de défense excusable. Dans ces circonstances, compte tenu par ailleurs de son statut légal en Suisse et des efforts d’intégration accomplis, il se justifie de renoncer au prononcé de son expulsion.

6. 6.1. En vertu de l'art. 126 al. 1 let. a CPP, le tribunal statue sur les prétentions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu.

En qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l’infraction par adhésion à la procédure pénale (art. 122 al. 1 CPP). Dans la mesure du possible, la partie plaignante chiffre ses conclusions civiles dans sa déclaration en vertu de l'art. 119 CPP et les motive par écrit ; elle doit les chiffrer au plus tard durant les plaidoiries (art. 123 al. 2 CPP).

Bien que régi par les art. 122 ss CPP, le procès civil dans le procès pénal demeure soumis à la maxime des débats et à la maxime de disposition.

6.2. Selon l'art. 47 de la loi fédérale complétant le code civil suisse (CO), le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. Conformément à l'art. 49 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie. L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques et psychiques consécutives à l'atteinte subie et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. Statuant selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 in limine).

6.3. En l’espèce, A______ fait valoir des prétentions en tort moral à l’encontre de ses deux adversaires. Il est acquis qu’il a été blessé au cours des faits du 21 juin 2020 ; les lésions subies n’ont toutefois pas occasionné de lésion durable. Les cicatrices au poignet, au bras et à l’arrière de la tête sont de peu d’importance. Il présente également une cicatrice au cou, sous l’oreille gauche. Cette cicatrice n’est toutefois pas sur le visage, et ne le défigure nullement : elle ne constitue ainsi pas une atteinte justifiant une indemnisation.

Par ailleurs, comme déjà relevé, les troubles d’ordre psychique décrits sont à mettre en lien avec l’incarcération et le sentiment d’injustice décrit par le prévenu en lien avec le déroulement de la procédure et de sa détention. Or, ces éléments sont directement liés à l’infraction dont il est reconnu coupable. Même s’il a été retenu que C______ et E______ ont joué un rôle dans le déroulement des faits, A______ a lui aussi participé à l’escalade de violence et contribué à l’enchaînement de coups. Sa détention était légale et justifiée, et d’ailleurs compensée par la peine prononcée. La détresse morale de A______ n’est donc pas directement en lien avec les lésions subies, mais avec les conséquences de ses propres agissements qui ont conduit à son arrestation.

En conséquence, il n’y a pas place pour une indemnité pour tort moral en l’espèce.

6.4. Les conclusions civiles de E______ (qui sont recevables en regard de l’art. 123 al. 2 CPP) doivent suivre le même sort, vu sa propre condamnation pour tentative de lésions corporelles graves, sa responsabilité dans la survenance de la lésion occasionnée par la légitime défense et au surplus l’absence de tout élément permettant de retenir une lésion durable.

6.5. Les parties n’ont pris aucune conclusion nouvelle sur les pièces confisquées ou restituées par le Tribunal correctionnel. Il apparaît néanmoins que celui-ci a ordonné la restitution à E______ du téléphone figurant sous chiffre 3 de l’inventaire 5______, alors que cet appareil a d’ores et déjà été restitué à son légitime détenteur (B-98). Le jugement entrepris sera dès lors rectifié d’office et ce point supprimé du dispositif du présent arrêt (art. 83 CPP).

7. 7.1. Selon l'art. 428 al. 1, première phrase, CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. Selon l'al. 3, si l'autorité de recours rend elle-même une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l'autorité inférieure.

7.2. En l’espèce, le MP obtient partiellement gain de cause dans son appel en tant qu’il est dirigé contre C______ et E______, qui succombent dans leurs conclusions ; ils supporteront chacun un tiers des frais de la procédure d’appel, lesquels comprendront un émolument de décision de CHF 3'000.-.

A______ obtient partiellement gain de cause sur la peine et l’expulsion ainsi que sur la culpabilité de C______, mais succombe sur le principe de sa culpabilité. Il supportera donc un huitième des frais de la procédure d’appel, dont le solde sera laissé à la charge de l’état.

7.3. Les frais de la procédure préliminaire et de première instance se sont élevés à CHF 26'148.60. Les premiers juges ont astreint C______ au paiement de 10 % de ces frais (soit CHF 2'614.85) et E______ et A______ au paiement de 40% chacun (soit CHF 10'459.40), le solde étant laissé à la charge de l'état.

L’instruction a été menée de concert pour les trois prévenus. Selon le bordereau établi par le MP, les frais de la procédure préliminaire, repris en totalité par le TCO, s’élèvent à CHF 22'650.60 et incluent les frais relatifs au classement dont H______ a bénéficié. C’est donc à raison que le TCO a laissé une partie des frais à la charge de l’état. Pour le reste, les frais d’expertise du CURML (pour un peu plus de CHF 12'000.-) en constituent le poste principal ; or, tous les prévenus ont fait l’objet d’un constat de lésions, auxquels se sont ajoutés les frais d’analyses toxicologiques. Ces frais doivent donc être partagés également. Les frais liés aux traces biologiques (un peu moins d’un quart des frais du MP) ne concernent certes pas directement C______, mais sa participation, en prolongeant la bagarre et dispersant les traces (le sang de A______ en flaque et en traces sur un véhicule), a contribué à la nécessité d’effectuer des recherches plus pointues. Le solde des frais du MP consiste en des frais de procédure (ordonnances, décisions du Tribunal des mesures de contrainte, procès-verbaux, émoluments etc.) qui doivent être supportés également par les trois prévenus, tout comme les émoluments du TCO.

Ainsi, il est justifié de mettre une part moindre des frais à la charge de C______, mais la proportion retenue par le TCO (un quart de celle des autres) n’est pas justifiée.

Afin de répartir équitablement les frais de la procédure préliminaire et de première instance, il convient de mettre à la charge de E______ et A______ un tiers des frais (soit CHF 8'716.20) chacun, d’en laisser 10% à la charge de l’état (CHF 2’614.90) et de mettre le solde (soit CHF 6'101.30), correspondant à un peu moins d’un quart, à la charge de C______.

8. 8.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit (cf. art. 138 al. 1 CPP) est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. reiser / B. CHAPPUIS [éds], Commentaire romand, Loi fédérale sur la libre circulation des avocats, Bâle 2010, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire.

8.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3).

8.3. En l'occurrence, considéré globalement, l'état de frais produit par Me D______, défenseure d'office de C______, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale. Il convient cependant de le compléter de la durée de l’audience, d’une vacation et du forfait de 20%, cette avocate n’ayant exercé au bénéfice de l’assistance juridique qu’au stade de l’appel.

La rémunération de Me D______ sera partant arrêtée à CHF 2'714.05 correspondant à dix heures et cinq minutes d'activité au tarif de CHF 200.-/heure plus la majoration forfaitaire de 20%, une vacation à CHF 100.- et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 194.05.

8.4. Le temps consacré par Me F______ à l’étude du dossier en perspective des débats d’appel, notamment en comparaison avec celui des autres avocats constitués et compte tenu de l’absence de son mandant, est excessif. Il sera ramené à huit heures, dont quatre heures et demie d’activité de cheffe d’étude et le solde au tarif d’un collaborateur.

En conclusion, la rémunération sera arrêtée à CHF 2’761.15 correspondant à quatre heures et demie d'activité au tarif de CHF 200.-/heure, neuf heures et cinq minutes au tarif de CHF 150.-/heure plus la majoration forfaitaire de 10%, une vacation à CHF 75.- et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 197.40.

8.5. Le temps consacré par Me B______, défenseure d'office de A______, aux entretiens avec son mandant est exagéré, et sera ramené à 90 minutes, durée suffisante à ce stade de la procédure pour discuter de la stratégie et fournir les explications utiles. Le temps consacré à l’étude du dossier en vue de la déclaration d’appel et à la rédaction de celle-ci sera écarté, dans un dossier sensé être connu par le conseil qui l’a suivi tout au long de l’instruction, étant rappelé que la déclaration d’appel n’a pas à être motivée au-delà des conclusions prises ; cette activité entre dans l’indemnisation forfaitaire, tout comme la confection d’un bordereau de pièces qui est une activité administrative. L’activité retenue est ainsi plus importante que pour ses consœurs, mais la différence s’explique par la présence du prévenu et les enjeux différents de la procédure pour celui-ci en raison de son statut de réfugié.

En conclusion, la rémunération sera arrêtée à CHF 3'405.15 correspondant à 13 heures et 55 minutes d'activité au tarif de CHF 200.-/heure plus la majoration forfaitaire de 10%, une vacation et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 243.45.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit les appels formés par le Ministère public, par C______ et par A______ ainsi que l'appel joint formé par E______ contre le jugement JTCO/100/2021 rendu le 21 septembre 2021 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/10987/2020.

Rejette l’appel de C______ et l’appel joint de E______.

Admet partiellement les appels du Ministère public et de A______.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de tentative de lésions corporelles graves (art. 22 al. 1 cum 122 CP).

Acquitte A______ de rixe (art. 133 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 18 mois, sous déduction de 458 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 43 et 44 CP).

Avertit A______ que s’il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d’épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d’une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Renonce à ordonner l'expulsion de Suisse de A______ (art. 66a al. 2 et 3 CP).

Rejette les conclusions civiles de A______.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 et 431 CPP).

* * * * *

Déclare E______ coupable de tentative de lésions corporelles graves (art. 22 al. 1 cum 122 CP), de rixe (art. 133 al. 1 CP), d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et d'infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup.

Condamne E______ à une peine privative de liberté de trois ans sous déduction de 458 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Dit que la peine est prononcée sans sursis à raison de 15 mois.

Met pour le surplus E______ au bénéfice du sursis partiel pour le solde (21 mois) et fixe la durée du délai d'épreuve à quatre ans (art. 43 et 44 CP).

Avertit E______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne E______ à une amende de CHF 100.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution d’un jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Ordonne l'expulsion de Suisse de E______ pour une durée de dix ans (art. 66a al. 1 let. b CP).

Dit que la peine prononcée avec sursis partiel n'empêche pas l'exécution de l'expulsion durant le délai d'épreuve.

Ordonne le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance N-SIS; RS 362.0).

Rejette les conclusions civiles de E______.

* * * * *

Déclare C______ coupable de tentative de lésions corporelles graves (art. 22 al. 1 cum 122 CP), de rixe (art. 133 al. 1 CP), d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et d'infraction à l'art. 19a ch. 1 CP.

Condamne C______ à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de 458 jours de détention avant jugement (art. 40 CP), complémentaire à celle prononcée le 23 novembre 2021 par le Ministère public de Genève.

Dit que la peine est prononcée sans sursis à raison de 15 mois.

Met pour le surplus C______ au bénéfice du sursis partiel pour le solde (15 mois) et fixe la durée du délai d'épreuve à quatre ans (art. 43 et 44 CP).

Avertit C______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne C______ à une amende de CHF 100.- (art. 106 CP), complémentaire à celle prononcée le 23 novembre 2021 par le Ministère public de Genève.

Prononce une peine privative de liberté de substitution d’un jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Ordonne l'expulsion de Suisse de C______ pour une durée de dix ans (art. 66a al. 1 let. b CP).

Dit que la peine prononcée avec sursis partiel n'empêche pas l'exécution de l'expulsion durant le délai d'épreuve.

Ordonne le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance N-SIS; RS 362.0).

* * * * *

Ordonne la confiscation et la destruction des objets figurant sous chiffres 1 à 3 et 5 à 7 de l’inventaire n° 6______ du 21 juin 2020 et la restitution à son ayant-droit de la T______ figurant sous chiffre 4 de cet inventaire.

Ordonne la restitution à A______ du téléphone figurant sous chiffre 1 de l’inventaire n° 7______ du 21 juin 2020 à son nom.

Ordonne la restitution à C______ des objets et valeurs figurant sous chiffres 1 et 2 de l’inventaire n° 8______ du 21 juin 2020 à son nom.

Ordonne la confiscation et la destruction de la drogue figurant sous chiffre 3 de cet inventaire.

Ordonne la restitution à C______ des vêtements figurant sous chiffres 1, 13, 14 et 15 de l’inventaire n° 9______ du 21 juin 2020 au nom d’inconnu.

Ordonne la restitution à E______ des vêtements figurant sous chiffres 2 à 6 de cet inventaire.

Ordonne la restitution à A______ des vêtements figurant sous chiffres 7 à 9 de cet inventaire.

Ordonne la confiscation et la destruction de la drogue figurant sous chiffre 1 de l’inventaire n° 5______ du 21 juin 2020 au nom de E______.

Ordonne la restitution à son ayant-droit du téléphone figurant sous chiffre 2 et la restitution à E______ de celui figurant sous chiffre 4 de cet inventaire.

Prend acte de ce que le Tribunal correctionnel a arrêté à CHF 14'277.05 l'indemnité de procédure due à Me F______, défenseure d'office de E______ (art. 135 CPP) pour la procédure préliminaire et de première instance.

Prend acte de ce que le Tribunal correctionnel a arrêté à CHF 28'055.85 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseure d'office de A______ (art. 135 CPP) pour la procédure préliminaire et de première instance.

Condamne E______, A______ et C______ au paiement des frais de la procédure préliminaire et de première instance, à raison de CHF 8'716.20 à charge de E______, CHF 8'716.20 à charge de A______ et CHF 6'101.30 à charge de C______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l’État.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 3'485.-, comprenant un émolument de jugement de CHF 3'000.-.

Met un tiers de ces frais, soit CHF 1'161.65 à la charge de E______, un tiers soit CHF 1'161.65 à celle de C______, un huitième soit CHF 435.65 à celle de A______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État.

Arrête à CHF 2'714.05, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me D______, défenseure d'office de C______ pour la procédure d'appel.

Arrête à CHF 2'761.15, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me F______, défenseure d'office de E______ pour la procédure d'appel.

Arrête à CHF 3'405.15, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseure d'office de A______ pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, au Secrétariat d'Etat aux migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

26'148.60

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

320.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

90.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

3'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

3'485.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

29'633.60

 

https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/asyl/eritrea/faq.html : qu’arrive-t-il aux ressortissants érythréens dont la demande d’asile a été rejetée ? L’exécution de leur renvoi est-elle possible ? Consulté le 28 juin 2022