Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/637/2025 du 12.06.2025 ( LCR ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 12 juin 2025
| ||||
dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Carole REVELO, avocate, avec élection de domicile
contre
OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES
1. Monsieur A______ est titulaire d’un permis de conduire de catégories B, B1, C1, D, D1, F, G, M, ainsi que de l'autorisation 121 pour le transport professionnel de personnes.
Il travaille pour les B______ (ci-après : B______) en qualité de conducteur d’autobus.
2. Le 28 février 2024, l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a reçu un rapport de transmission d'informations établi par la police genevoise le 26 février précédent à l'encontre de M. A______.
À teneur de ce rapport, suite à une intervention le concernant, celui-ci présentait un taux important d'alcool par litre d'air expiré (1,05 mg/l). Cette mesure avait été réalisée au moyen d'un éthylotest. De surcroît, il avait été accusé d'être un consommateur de produits psychotropes.
3. Par courrier du 15 mars 2024, l’OCV a informé M. A______ que les autorités de police avaient porté à sa connaissance une infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) constatée le 25 février 2024 à 04:27.
Les constatations des organes de police pouvaient aboutir à une mesure administrative telle qu'un retrait du permis de conduire ou une interdiction de piloter un véhicule à moteur. Dès lors qu'il existait un soupçon d'inaptitude à la conduite une obligation de se soumettre à une expertise pouvait également être ordonnée. Un délai de quinze jours lui était imparti pour formuler ses éventuelles observations, notamment quant à sa consommation de stupéfiants : quels stupéfiants, depuis quand, en quelle quantité et à quel rythme.
4. Par courriel du 27 mars 2024, M. A______ a présenté des observations. Suite à une séparation très conflictuelle, il était en arrêt maladie depuis plusieurs semaines. Depuis qu'il était en arrêt maladie, il n'avait consommé qu'une seule fois du CBD en faible quantité, achetée au bureau de tabac.
5. Par courrier du 5 avril 2024 adressé à M. A______, l'OCV a pris note du fait que selon ses explications ce dernier avait stoppé sa consommation de stupéfiants. Partant, il ne se justifiait pas à l'heure actuelle de prendre une décision de retrait à son encontre. Cela étant, au cas où il aurait connaissance de nouvelles infractions à la LStup de sa part, l'OCV serait dans l'obligation de prononcer, avec effet immédiat, le retrait de son permis de conduire ou à tout le moins de lui imposer un examen approfondi auprès d'une institution médicale spécialisée afin d'établir si son aptitude à la conduite de véhicules à moteur demeurait intacte.
6. Un rapport de transmission d'informations établi par la police genevoise le 30 septembre 2024 à l'encontre de M. A______ a été transmis à l'office cantonal des véhicules (ci-après: OCV). Entendu dans le cadre d'une procédure pénale, M. A______ avait déclaré au policier avoir consommé de la cocaïne la veille au soir.
7. En date du 11 octobre 2024, l'OCV a prononcé une décision de retrait du permis de conduire à titre préventif pour une durée indéterminée, nonobstant recours. Une expertise visant à évaluer son aptitude à la conduite, réalisée auprès d’un médecin de niveau 4, était par ailleurs ordonnée.
En date du 29 septembre 2024, il avait été auditionné par la police concernant une procédure pénale et avait admis, lors de son audition, avoir consommé de la cocaïne à une reprise, la veille de cette audition.
Il ressortait du rapport de transmission dressé par la police qu'il avait déjà fait l'objet de plusieurs interventions de leurs services lors desquelles il était « complètement ivre et en état de détresse psychique », soit les 24 avril, 12 mai, 6 juin et 6 août 2024. Il avait mentionné à plusieurs reprises avoir l'envie de se suicider. Il avait répondu avoir des problèmes de santé sans pouvoir dire aux forces de l'ordre ce qu'il avait. Enfin, il avait précisé ne pas être aidé psychologiquement par un thérapeute. Suite au test « DrugWipe » il avait été testé positif à la cocaïne. Il avait également été testé positif à l'éthylotest avec 1.18 mg/l. S'agissant de sa consommation d'alcool il avait déclaré « […] quand je bois, je bois trop. Je ne sais pas quelle quantité je bois, mais quand je bois je le fais bien.[…]. Je bois une à deux fois par semaine lorsque j'ai congé. J'ai congé tous les quatre jours ».
Le 5 avril 2024, une mise en garde lui avait été adressée lui précisant qu'en cas de nouvelle infraction à la LStup de sa part, il serait dans l'obligation de prononcer, avec effet immédiat, le retrait de son permis de conduire notamment. Au vu de la gravité des faits reprochés ainsi que de son métier, la présente était prononcée.
L'examen de son dossier incitait l'autorité à concevoir des doutes sérieux quant à son aptitude à la conduite des véhicules à moteur. Une décision finale serait prise lorsque les questions relatives à son aptitude auraient été élucidées ou, en cas de non soumission à l’examen imposé, dans un délai de six mois.
8. Le 22 octobre 2024, M. A______, il a recouru, sous la plume de son conseil, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal) contre la décision du 11 octobre 2024, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif et à l'octroi d'un délai complémentaire de 10 jours pour compléter son recours; principalement à l'annulation de la décision ; subsidiairement à ce qu'il lui soit ordonné de transmettre à l'OCV un rapport d'un médecin spécialiste confirmant son aptitude à la conduite tout en lui permettant de conserver son permis pendant la durée de la procédure; plus subsidiairement, au renvoi du dossier à l'OCV pour instruction ou nouvelle décision dans le sens des considérants. Les conclusions étaient prises sous suite de frais et dépens.
Une décision de retrait à titre préventif apparaissait parfaitement injustifiée et violait le principe de la proportionnalité dès lors que s'il avait indiqué à la police avoir consommé de la cocaïne à une reprise, cette affirmation n'était en aucun cas constitutive d'une consommation qui justifierait des doutes sur son aptitude à conduire et le fait qu'il se soit trouvé en était d'ébriété en dehors de ses heures de travail et sans avoir pris le volant ne saurait justifier de tels doutes. Pour les mêmes motifs, une expertise n'était pas justifiée.
Son droit d'être entendu avait été violé, puisqu'il n'avait pas pu s'exprimer avant la prise de décision. Lacunaire, celle-ci ne lui permettait pas de se déterminer sur la cause exacte du retrait.
9. M. A______ a déposé son permis de conduire le 24 octobre 2024.
10. Dans ses observations du 31 octobre 2024, l'OCV s'est opposé à la restitution de l'effet suspensif.
11. Le 11 novembre 2024, le recourant a complété son recours et a répliqué dans le cadre de sa demande d'effet suspensif.
Dès réception de la décision litigieuse, il avait pris des mesures afin d'effectuer des examens démontrant l'absence de toute dépendance et de tout risque le concernant.
Le 16 octobre 2024, il avait contacté l'UPMT afin de programmer une expertise. Il ne souffrait d'aucune dépendance et souhaitait pouvoir le démontrer par le biais d'examens dont le résultat serait communiqué dans les prochains jours. Il avait également contacté un thérapeute au sein de l'association Paros et un premier rendez-vous était prévu le 21 novembre 2024. Il contestait se trouver en détresse psychique et n'avait pas d'idées suicidaires.
La simple mention d'une consommation de CBD intervenue pendant un arrêt maladie, n'était pas constitutive de toxicomanie diminuant son aptitude à la conduite.
La mise en garde du mois d'avril 2024 ne se justifiait pas puisque la consommation de CBD ne constituait pas une infraction à la LStup. La consommation unique de cocaïne admise constituait ainsi une première infraction, laquelle à ce stade n'avait donné lieu à aucune condamnation. Quant à sa consommation d'alcool, elle était intervenue hors du cadre professionnel. Au demeurant, il contestait toute dépendance à l'alcool. Enfin, s'agissant de son état psychique, la police ne disposait pas des compétences permettant d'évaluer cette question.
Il a produit un chargé de pièces, soit notamment un échange de courriel avec l'unité de médecine et psychologie du trafic (ci-après: UMPT), confirmant qu'il avait demandé le 16 octobre 2024, un rendez-vous pour une expertise, de même que la fixation d'un rendez-vous avec le Dr C______, prévu le 21 novembre 2024, au sein de l'association ______, laquelle avait notamment pour but de soutenir psychologiquement et socialement les hommes victimes de violence conjugale.
12. Le 18 novembre 2024, l'OCV a présenté des observations, persistant dans son opposition à la restitution de l'effet suspensif. Les éléments présents dans le dossier suffisaient à faire naître de sérieux doutes quant à l'aptitude à la conduite du recourant, conducteur des B______. Dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait restitué, il n'était pas exclu que celui-ci prenne le volant sous l'influence de l'alcool et/ou de stupéfiants, voire qu'il exerce sa profession sans disposer des aptitudes essentielles à l'exercice de celle-ci.
À toutes fins utiles, il joignait les résultats des analyses toxicologiques ordonnées à l'endroit du recourant, lesquels confortaient ses doutes. En effet, la présence dans l'urine de cocaïne, de benzoylecgnonine et de cocaéthylène avait été mise en évidence. Ces résultats étaient indicateurs d'une consommation non récente de cocaïne pouvant remonter à plusieurs heures, voire jours, avant l'événement. Dans ces circonstances, seule l'expertise ordonnée permettrait de dissiper ces doutes de manière définitive.
13. Par décision DITAI/599/2024 du 3 décembre 2024, le tribunal a rejeté la demande d'effet suspensif.
14. Par courrier reçu le 20 décembre 2024 par le tribunal, l'OCV a informé ce dernier que M. A______ n'avait pas pris rendez-vous auprès d'un médecin de niveau 4.
15. Le 26 février 2025, M. A______ a persisté dans ses conclusions sur le fond.
Un suivi médical avait été mis en place, lequel n'était pas en lien avec ses prétendues addictions, fermement contestées, mais avec le contexte conflictuel dans le cadre de sa séparation avec son ex-compagne. Les contrôles de police concernaient précisément cette période et s'inscrivaient dans un contexte privé.
16. Dans sa duplique du 19 mars 2025, l'OCV a persisté dans ses précédentes conclusions.
Il n'incombait ni au recourant ni au tribunal de se déterminer sur la question de l'aptitude à la conduite de M. A______, à laquelle seule l'expertise ordonnée par décision du 11 octobre 2024 devait répondre.
Aucune confirmation de rendez-vous auprès d'un médecin de niveau 4 n'avait été communiquée et en l'absence de celle-ci, elle se verrait dans l'obligation de prononcer une décision de retrait du permis de conduire pour une durée indéterminée.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).
2. Interjeté en temps utile, c’est-à-dire dans le délai de dix jours, s’agissant d’une décision incidente (art. 4 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), car prise pendant le cours de la procédure et ne représentant qu’une étape vers la décision finale (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 1 ; cf. aussi ATA/765/2021 du 15 juillet 2021 consid. 1 et l'arrêt cité ; Cédric MIZEL, La preuve de l'aptitude à la conduite et les motifs autorisant une expertise, Circulation routière 3/2019, p. 35 ; cf. encore, par analogie, ATF 122 II 359 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_212/2021 du 16 juin 2021 consid. 1.1 ; 1C_154/2018 du 4 juillet 2018 consid. 1.1 et 1C_514/2016 du 16 janvier 2017 consid. 1.1, portant sur le retrait à titre préventif du permis de conduire), et devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 115 et 116 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05 ; art. 17 al. 1, 3 et 4, 57 let. c, 62 al. 1 let. b, 62 al. 3 1ère phr. et 63 al. 1 let. c LPA).
3. A teneur de l'art. 57 let. c LPA, les décisions incidentes sont susceptibles de recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.
4. Lorsqu’il n’est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d’expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; 133 II 353 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 1 ; ATA/765/2021 du 15 juillet 2021 consid. 2).
5. Selon la jurisprudence, une décision est susceptible de causer un préjudice irréparable si le recourant encourt un retrait provisoire du permis de conduire et doit avancer les frais de l'examen médical auquel il doit se soumettre et qui ne lui seront peut-être pas restitués (arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 1 ; 1C_248/2011 du 30 janvier 2012 consid. 1 et les références ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 1 ; cf. également arrêt 1C_328/2011 du 8 mars 2012 consid. 1).
6. En l'espèce, la décision querellée stipule que le permis devait être déposé le 24 octobre 2024 pour une durée indéterminée, ordre auquel le recourant s'est conformé. Ce dernier allègue, qu'en tant que chauffeur professionnel, ce retrait même temporaire pourrait avoir pour conséquence de lui faire perdre son emploi. De plus, au terme de la décision, les frais d'expertise seront mis à sa charge. Partant, les conditions de l'art. 57 let. c LPA sont réalisées, si bien qu'il convient d'entrer en matière (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 1 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 1).
7. Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu dès lors qu'il n'a pas pu se déterminer sur les faits qui lui étaient reprochés avant que la décision soit rendue.
8. Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).
9. Le droit d’être entendu implique aussi l’obligation, pour l’autorité, de motiver sa décision afin que le destinataire puisse la comprendre, l’attaquer utilement s’il y a lieu et afin que l’autorité de recours puisse exercer son contrôle. L’autorité doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. Elle n’est pas tenue de discuter tous les arguments soulevés, mais peut se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige. La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision. Savoir si la motivation présentée est convaincante est une question distincte de celle du droit à une décision motivée. Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l’autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_762/2020 du 17 mars 2021 consid. 2.1 et les références citées ; 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1 ; ATA/447/2021 du 27 avril 2021 consid. 6b).
10. La réparation d’un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d’être entendu, n’est possible que lorsque l’autorité dispose du même pouvoir d’examen que l’autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_240/2017 du 11 décembre 2018 consid. 3.2). Elle dépend toutefois de la gravité et de l’étendue de l’atteinte portée au droit d’être entendu et doit rester l’exception. Elle peut cependant se justifier en présence d’un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/802/2020 du 25 août 2020 consid. 4c et les références cités).
11. Le recours au tribunal ayant un effet dévolutif complet, celui‑ci dispose d’un libre pouvoir d’examen en fait et en droit qui implique la possibilité de guérir une violation du droit d’être entendu, même s’il n’a pas la compétence d’apprécier l’opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_257/2019 du 12 mai 2020 consid. 2.5 ; ATA/321/2024 du 5 mars 2024 consid. 4.7).
12. En l'espèce, l'autorité intimée était fondée à prononcer un retrait préventif avec retrait de l'effet suspensif sans entendre le recourant préalablement eu égard aux déclarations qu'il a faite à la police le 26 février 2024 et le 26 septembre 2024, lors desquelles il a admis qu'il consommait occasionnellement des stupéfiants. Par ailleurs, les résultats de l'enquête de police s'agissant de l'infraction commise le 26 septembre 2025 permettaient de concevoir des doutes quant à son aptitude à la conduite. De plus, le recourant a eu l'occasion de s'exprimer dans son courriel du 27 mars 2024. Par courrier du 5 avril 2024, soit avant que la décision ne soit rendue, l'autorité intimée a attiré son attention sur le fait que la conduite de véhicules à moteur était incompatible avec la consommation de stupéfiants et l'a averti qu'un retrait de permis serait prononcé avec effet immédiat dans le cas où il commettait de nouvelles infractions.
La décision querellée ne saurait être qualifiée de lacunaire dès lors qu'elle contient une description complète des faits reprochés au recourant, la précision qu'elle est prononcée en raison de la nouvelle infraction à la LStup constatée et non contestée, de la gravité des faits et du métier exercé par le recourant. Elle contient également les bases légales applicables.
Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que le droit d’être entendu du recourant, lequel aurait d’ailleurs été, en tout état, réparé devant le tribunal de céans, n’a pas été violé.
13. Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.
14. Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).
15. Selon l'art. 14 al. 1 LCR, tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l’aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite. Est apte à la conduite, aux termes de l'art. 14 al. 2 LCR, celui qui a atteint l’âge minimal requis (let. a), a les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b), ne souffre d’aucune dépendance qui l’empêche de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c) et dont les antécédents attestent qu’il respecte les règles en vigueur ainsi que les autres usagers de la route (let. d).
16. Si l'aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fait l'objet d'une enquête dans les cas énumérés de manière non exhaustive à l'art. 15d al. 1 let. a à e LCR (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1).
17. Les faits objet des hypothèses de l’art. 15d al. 1 LCR fondent un soupçon préalable que l'aptitude à la conduite pourrait être réduite (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1 ; ATA/1138/2017 du 2 août 2017 consid. 5d et la référence). Si des indices concrets soulèvent des doutes quant à l'aptitude à la conduite de la personne concernée, un examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite par un médecin et/ou un examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite par un psychologue du trafic doivent être ordonnés
(art. 28a al. 1 OAC ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_41/2019 du 4 avril 2019
consid. 2.1 ; 1C_76/2017 du 19 mai 2017 consid. 5 ; cf. aussi ATF 139 II 95
consid. 3.5).
18. Aux termes de l'art. 30 OAC, le permis de conduire peut être retiré à titre préventif lorsqu'il existe des « doutes sérieux » (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1) quant à l'aptitude à conduire de l'intéressé.
19. Il s'agit d'une mesure provisoire destinée à protéger les intérêts menacés jusqu'à l'issue de la procédure principale portant sur un retrait de sécurité. En effet, vu l'importance du risque inhérent à la conduite des véhicules automobiles, il s'impose qu'un conducteur puisse se voir retirer son permis à titre préventif dès que des indices autorisent à penser qu'il représente un risque particulier pour les autres usagers de la route et font douter sérieusement de sa capacité à conduire. Une preuve stricte n'est pas nécessaire. En effet, si une telle preuve était apportée, c'est un retrait de sécurité qu'il y aurait lieu d'ordonner sans plus attendre. Au contraire, le retrait préventif intervient, par définition, avant que tous les éclaircissements nécessaires pour juger de la nécessité d'un retrait de sécurité aient été obtenus. Pour décider d'un retrait préventif, l'autorité doit donc se fonder sur les éléments dont elle dispose en l'état. La prise en considération de tous les éléments plaidant pour ou contre l'aptitude de l'intéressé à la conduite de véhicules automobiles interviendra à l'issue de la procédure au fond (cf. ATF 125 II 492 consid. 2b ; 122 II 359 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_154/2018 du 4 juillet 2018 consid. 4.2 ; 1C_514/2016 du 16 janvier 2017consid. 2.2 ; 1C_768/2013 du 10 mars 2014 consid. 3.1 ; 1C_173/2009 du 27 mai 2009 consid. 3.1 in JdT 2009 I 520 ; ATA/1138/2017 du 2 août 2017 consid. 5c).
20. Les exigences liées à la mise en œuvre d'un examen d'aptitude ne sont pas les mêmes que celles prévalant en matière de retrait préventif, même si, en pratique, les deux mesures vont, dans un premier temps du moins, souvent de pair (cf. ATF 125 II 396 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.4.2 ; 1C_404/2007 du 7 mars 2008 consid. 2.4 ; ATA/390/2018 du 24 avril 2018 consid. 3b). Alors que l'ouverture d'une enquête peut être ordonnée en présence d'indices suffisants pour que se pose la question de l'aptitude à conduire (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.4.2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1), une décision de retrait préventif du permis de conduire suppose, quant à elle, l'existence de « doute sérieux » sur l'aptitude de conduire de l'intéressé (art. 30 OAC). A l'inverse, une clarification de l'aptitude intervient généralement sans retrait préventif lorsqu'il n'existe pas de danger immédiat pour la circulation routière (arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.4.2 et la référence citée ; cf. aussi arrêt 1C_593/2012 consid. 3.3 ; ATA/390/2018 du 24 avril 2018 consid. 3b).
21. En définitive, il appartient à l'autorité cantonale d'apprécier dans chaque cas d'espèce si le principe de la proportionnalité autorise un retrait préventif ou s'il commande d'y renoncer en considérant qu'il paraît peu vraisemblable que le conducteur présente un danger particulièrement important et menaçant pour les autres usagers de la route (ATA/390/2018 du 24 avril 2018 consid. 3b ; ATA/1138/2017 du 2 août 2017 consid. 5d et les références citées).
22. En l'espèce, il n'appartient pas au tribunal, à ce stade, de se déterminer sur la question de l'aptitude à la conduite du recourant, à laquelle l'expertise ordonnée par l'OCV devra répondre. La prise en considération de tous les éléments plaidant pour ou contre cette aptitude aura en effet lieu à l'issue de cette procédure. La seule question qui se pose en l'état revient à savoir s'il existe effectivement ou non des doutes, voire des « doutes sérieux » quant à l'aptitude à conduire du recourant, susceptibles de justifier l'ordonnance d'une expertise, respectivement le retrait préventif.
Or, au vu des pièces du dossier, le tribunal ne peut que confirmer que l’autorité intimée pouvait effectivement concevoir des doutes quant à l’aptitude à la conduite de l’intéressé. En effet, mis en présence de la police le 25 février 2024, alors qu’il était en état d'ébriété, ce dernier a déclaré qu'il consommait occasionnellement des joints de CBD et qu'en raison de son travail, il ne pouvait pas se permettre de consommer de la drogue. Pourtant, le 26 septembre 2024, alors qu'il se trouvait à nouveau en état d'ébriété, le recourant a admis avoir consommé de la cocaïne. Sa consommation de drogue s'est ainsi aggravée en l'espace de quelques mois seulement. Au cours de cette même audition, il a également déclaré "quand je bois je le fais bien". Il n'était pas soutenu psychologiquement par un thérapeute. Lors des quatre interventions dont il a fait l'objet, il était ivre et en état de détresse psychique, avec des intentions de suicide. Ces interventions sont intervenues dans un espace-temps court, soit six mois, durée durant laquelle la consommation d'alcool a été constatée. Quant à sa consommation de stupéfiants, elle s'est aggravée.
Les analyses toxicologiques effectuées le 30 septembre 2024, révèlent la présence dans le sang de benzoylecgonine et dans l'urine de cocaïne, de benzoylecgonine et de cocaéthylène et indiquent une consommation non récente de cocaïne pouvant remonter à plusieurs heures, voir jours avant l'événement. Testé à deux reprises lors des contrôles de police, le recourant présentait des taux importants d'alcool par litre d'air expiré, soit respectivement 1,05 mg/l et 1, 18mg/l.
L'ensemble de ces éléments ne permet pas d'exclure que le recourant souffrirait d'une addiction à la cocaïne et / ou à l'alcool ce que précisément l'expertise ordonnée pourrait confirmer ou exclure.
Il sera encore rappelé que le fait qu'il n'ait pas conduit en état d'ébriété n'est pas pertinent puisque c'est son aptitude à la conduite, en raison d'une possible dépendance, qui est remise en question par la décision querellée. Le retrait préventif ne tend pas en soi à réprimer une infraction fautive à une règle de la circulation, mais à protéger la sécurité du trafic contre les conducteurs inaptes à la conduite.
Enfin, et comme également déjà précisé dans la décision sur effet suspensif, si l'intérêt du recourant à recouvrer son permis de conduire est évident, il n'en va pas différemment de l'intérêt public à protéger la sécurité du trafic contre des conducteurs potentiellement inaptes à la conduite, à fortiori des conducteurs de transports publics qui pourraient mettre en danger non seulement les autres usagers de la route mais également les personnes véhiculées.
A ce jour, le recourant n'a pas démontré qu'il faisait l'objet d'un suivi médical, les pièces versées au dossier permettant tout au plus de constater un premier contact avec le Dr. D______. Quant à la prise d'un rendez-vous avec un médecin de niveau 4, elle n'a pas été démontrée, alors que seule l'expertise ordonnée est à même de confirmer, cas échéant, l'aptitude à la conduite alléguée.
Ces éléments, de même que l'absence de prise de conscience du recourant des effets négatifs de ses addictions sur son aptitude à la conduite, justifient la décision prise par l'autorité intimée. Face à de tels éléments, l'OCV pouvait à juste titre émettre des doutes sérieux quant à l'aptitude à la conduite du recourant et était donc fondé à lui retirer à titre préventif son permis de conduire. En regard de l'intérêt public à la protection des usagers de la route, largement prépondérant, l'atteinte à l'intérêt privé du recourant demeure faible et reste encore, par voie de conséquence, proportionnée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.3 ; 1C_282/2007 du 13 février 2008 consid. 2.4 ; 6A.17/2006 du 12 avril 2006 consid. 3.2 in fine).
C'est aussi à juste titre que l'OCV a fait obligation au recourant de se soumettre à une expertise permettant d'évaluer son aptitude à la conduite avant qu'une décision finale soit prise, étant souligné qu'en cas de mesure préventive prise en application de l'art. 30 OAC, une expertise doit être exécutée dans les meilleurs délais afin que le droit de conduire puisse être restitué au plus vite à son titulaire s'il n'y a pas lieu de prononcer un retrait (une interdiction de circuler en Suisse) de sécurité (cf. ATF 125 II 396 consid. 3 ; 106 Ib 115 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_404/2007 du 7 mars 2008 consid. 2.4 ; 6A.48/2004 du 26 août 2004 consid. 2.3 ; 6A.114/2000 du 20 février 2001 consid. 4a ; cf. aussi arrêt 1C_195/2013 du 20 mars 2013 consid. 3.2-3.4).
Dès lors, la décision querellée ne prête pas le flanc à la critique et ne peut qu’être confirmée.
23. Le recours, mal fondé, sera rejeté.
24. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.-.
25. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 22 octobre 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 11 octobre 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge du recourant , un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Kristina DE LUCIA
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
| Genève, le |
| Le greffier |