Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/440/2025 du 28.04.2025 ( MC ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 28 avril 2025
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Leonardo CASTRO, avocat
contre
COMMISSAIRE DE POLICE
1. Entre le 23 juillet 2018 et le 18 octobre 2023, Monsieur A______, né le ______ 1993 et originaire d'Espagne, a été condamné à plusieurs reprises, pour infractions à la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), appropriation illégitime, violation de domicile, vol (au sens de l'art. 139 ch. 1 du code pénal suisse (CP ; RS 311.0 ), contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée, séjour illégal et rupture de ban; à cet égard, il faut préciser que l'intéressé était sous le coup d'une mesure d'expulsion du territoire suisse ordonnée par le Tribunal de police de Genève le 11 décembre 2018 pour une durée de 5 ans, mesure que l'autorité administrative compétente a décidé de ne pas reporter. Par jugement du tribunal de police du 18 octobre 2023, il a été condamné à une expulsion de Suisse d'une durée de 5 ans.
2. Par arrêt du 23 juillet 2024, la Chambre pénale d'appel et de révision a rejeté l'appel formé par M. A______ contre le jugement du tribunal de police du 18 octobre 2023 précité.
3. M. A______ a été refoulé à six reprises (les 11 février 2019, 13 septembre 2019, 10 novembre 2021, 14 février 2023, le 16 juillet 2023 et 5 novembre 2024) en Espagne.
4. De retour en Suisse, il a été interpellé le 23 avril 2025 pour infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), à la LStup et pour rupture de ban. Il ressort du rapport d'arrestation du 23 avril 2025 que M. A______ a été interpellé à proximité du B______, alors qu'il s'apprêtait à consommer du crack. Il était arrivé à Genève depuis la France une semaine auparavant. Il n'a pas fait de déclaration.
5. Le 24 avril 2025, il a été entendu par le Ministère public et condamné pour infraction à la LStup.
6. M. A______ a ensuite été remis en mains des services de police, lesquels ont immédiatement procédé à la réservation d'un vol à destination de l'Espagne prévu pour le 26 avril 2025.
7. Le 24 avril 2025, à 17h20, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée trois semaines.
Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son renvoi en Espagne.
8. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.
9. Le 25 avril 2025, le commissaire de police a indiqué au tribunal que M. A______ était hospitalisé à l'Unité cellulaire hospitalière pour une durée indéterminée.
10. Lors de l'audience de ce jour devant le tribunal, M. A______ ne s'est pas présenté pour cause d'hospitalisation.
Son conseil a indiqué qu'elle s'était entretenue ce matin avec ce dernier auprès de l'Unité hospitalière des HUG. Il lui avait indiqué avoir été opéré du doigt ce week-end en raison d'une infection et qu'il était actuellement sous traitement antibiotiques afin de lutter contre cette infection. Le médecin de garde présent sur place et responsable de M. A______ lui avait indiqué que le traitement antibiotique se faisait actuellement par injection. En fonction de l'évolution, ce traitement devrait pouvoir se poursuivre par la prise de médicaments par voie orale dans les heures ou les jours qui suivent. Le chirurgien qui avait opéré M. A______ et le médecin addictologue prendront cette décision. Dans ce cas, M. A______ pourrait quitter l'hôpital. M. A______ ne s'opposait pas à son renvoi ni à sa détention dans la mesure où celle-ci lui permettait de se soigner et de se sevrer. Il souhaitait retourner en Espagne au plus vite. S'agissant de la situation personnelle de M. A______, ce dernier lui avait confirmé son souhait de retourner en Espagne et de se sevrer. Il avait pris conscience et avait compris qu'il n'était pas autorisé à se rendre à Genève et avait également pris conscience qu'il y avait des mauvaises fréquentations qui le poussaient dans sa consommation de drogue. S'il devait avoir à nouveau envie de consommer de la drogue, ce qu'il ne souhaitait pas, il ne viendrait pas en Suisse. Après son séjour en Espagne, il souhaitait rejoindre sa famille à C______ (France), où il avait également un travail.
Sur question du tribunal, le conseil de l'intéressé ignorait s'il était en possession d'une autorisation de séjour en France.
Le conseil de M. A______ s'en est rapporté à justice quant au principe et à la durée de la détention administrative de son client tant et pour autant que son état de santé ne constituait pas un obstacle à son renvoi.
La représentante du commissaire de police a indiqué qu'elle avait appelé l'Unité hospitalière des HUG ce matin et avait obtenu les mêmes informations que le conseil de l'intéressé, à savoir qu'il pourrait retourner au centre de détention administrative de Frambois dès que son traitement antibiotique pourrait se faire par voie orale. Les autorités suisses réserveront alors à nouveau un vol à destination de l'Espagne après avoir étudié son aptitude au vol au vu de ses problèmes de santé. Elle a versé à la procédure un extrait du casier judiciaire à jour de M. A______. Sur question du conseil de l'intéressé, le certificat d'aptitude au vol devrait être obtenu dans les dix jours. Sur question du tribunal, elle a indiqué qu'un accord de réadmission des autorités espagnoles n'était pas nécessaire dès lors que M. A______ était de nationalité espagnole et qu'il était en possession d'un passeport valable.
Elle a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention pris à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines.
1. Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; 9 al. 3 LaLEtr).
2. En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 24 avril 2025 à 17h20.
3. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).
4. Selon l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l'art. 75 al. 1 LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement. Il découle de la jurisprudence qu'une décision d'expulsion pénale au sens des art. 66a ou 66abis CP vaut comme interdiction d'entrée pour la durée prononcée par le juge pénal (ATA/615/2022 du 9 juin 2022 consid. 2a ; ATA/730/2021 du 8 juillet 2021 consid. 4 ; ATA/179/2018 du 27 février 2018 consid. 4) (let. c).
5. En l'espèce, Monsieur M. A______ fait l'objet de deux mesures d'expulsions de Suisse d'une durée de 5 ans prononcée le 11 décembre 2018 par jugement du Tribunal de police et d'une durée de 5 ans prononcée le 18 octobre 2024 par le Tribunal de police et confirmé par arrêt du 23 juillet 2024 de la Chambre pénale d'appel et de révision.
Par sa présence dans le canton de Genève au mois d'avril 2025, il n'a pas respecté la mesure d'expulsion prononcée à son encontre, valant interdiction d'entrée en Suisse. Par conséquent, les conditions légales de sa détention, au sens des dispositions sus-rappelées, et en particulier la condition posée par l'art. 75 al. 1 let. c LEI, sont, sur le principe, réalisées, ce que d'ailleurs M. A______ ne conteste pas.
6. Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Elle doit non seulement apparaître proportionnée dans sa durée, envisagée dans son ensemble (ATF 145 II 313 consid. 3.5 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1), mais il convient également d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si elle constitue une mesure appropriée et nécessaire en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 143 I 147 consid. 3.1 ; 142 I 135 consid. 4.1 ; 134 I 92 consid. 2.3 ; 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.4 ; 2C_263/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).
7. Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).
8. Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).
9. Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).
10. En l'espèce, M. A______ été refoulé à six reprises (les 11 février 2019, 13 septembre 2019, 10 novembre 2021, 14 février 2023, 16 juillet 2023 et 5 novembre 2024) en Espagne. Malgré les mesures d'expulsion prononcées à son encontre, il n'a pas hésité à revenir en Suisse. Durant ses séjours à Genève, il a également fait l'objet de nombreuses condamnations pénales. Son comportement démontre non seulement un mépris des décisions prises à son encontre mais également de l'ordre juridique suisse. Ainsi, la détention administrative est la seule mesure permettant d'assurer que M. A______ se conforme à son obligation de quitter la Suisse à destination de l'Espagne. Il n'y a pas lieu d'escompter qu'une mesure moins incisive que la détention permette de s'assurer de sa présence lors de l'exécution de son renvoi.
Lors de l'audience de ce jour, le conseil de M. A______ a indiqué qu'il devrait pouvoir retourner au sein du centre de détention administrative de Frambois ces prochains jours et la commissaire de police a confirmé qu'un certificat d'aptitude au vol devrait pouvoir être délivré dans les 10 jours. Ainsi, la durée de trois semaines devrait être suffisante pour permettre l'organisation de son retour, ce d'autant plus que ce dernier ne s'oppose pas à son renvoi en Espagne. Au contraire, selon les déclarations de M. A______ par l'intermédiaire de son conseil ce jour en audience, il voit dans son départ l'opportunité de prendre ses distances avec les personnes qu'il fréquente à Genève, lesquelles ont une mauvaise influence sur sa consommation de drogue.
11. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois semaines, celle-ci devant permettre au commissaire d'organiser son départ, cas échéant de solliciter la prolongation de sa détention administrative en vue de son renvoi.
12. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à
M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 24 avril 2025 à 17h45 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois semaines, soit jusqu'au 14 mai 2025 inclus ;
2. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Kristina DE LUCIA
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police, et au secrétariat d'État aux migrations.
| Genève, le |
| La greffière |