Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/376/2025 du 09.04.2025 ( MC ) , ADMIS
REJETE par ATA/486/2025
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 9 avril 2025
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Betsalel ASSOULINE, avocat
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Monsieur A______, né le ______ 1976, connu sous divers alias, est ressortissant de Tunisie.
2. M. A______ a fait l’objet d’une décision de renvoi de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 3 août 2023, notifiée à l'intéressé à la prison de Champ-Dollon le lendemain. Le recours interjeté à son encontre a été déclaré irrecevable par jugement du 12 octobre 2023 du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).
3. Par décision du 29 août 2023, valablement notifiée le lendemain, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé à l’encontre de M. A______ une interdiction d'entrée en Suisse pour une durée de trois ans dès sa date de départ du territoire.
4. M. A______ a été condamné à sept reprises sur territoire suisse, notamment le 21 février 2024, par le Ministère public pour vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0).
5. M. A______ a été libéré de détention pénale le 1er septembre 2023 et à nouveau écroué à la prison de Champ-Dollon le 18 septembre 2024.
6. M. A______ a été reconnu par les autorités tunisiennes comme ressortissant de ce pays le 11 septembre 2024.
7. Libéré de détention pénale le 12 novembre 2024, il a été remis entre les mains des services de police.
8. Le même jour, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de deux mois et l'a soumis au tribunal. Un vol DEPA était réservé pour la Tunisie pour le 9 décembre 2024.
Au commissaire de police, l’intéressé a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi dans son pays d’origine.
9. Par jugement du 15 novembre 2024, le tribunal a confirmé l’ordre de mise en détention du 12 novembre 2024 pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 11 janvier 2025 (JTAPI/1137/2024).
10. Le 19 novembre 2024, M. A______ a déposé une demande d'asile auprès du SEM.
11. Le 3 décembre 2024, le SEM a informé les autorités genevoises que le vol prévu le 9 décembre 2024 devait être annulé « car à l'heure actuelle, l'ambassade n'émettait plus de laissez-passer pour les non-volontaires ».
12. Le 6 décembre 2024, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours interjeté le 26 novembre 2024 par M. A______ contre le jugement du 15 novembre 2024 (ATA/1429/2024).
Le recourant n’avait rendu vraisemblable ni son homosexualité ni un risque concret qu’il pourrait courir à son retour en Tunisie du fait de son homosexualité ni que son état de santé rendait son renvoi impossible ou inexigible.
13. Par requête du 19 décembre 2024, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de six mois. Il demeurait dans l'attente de l'issue de la procédure d'asile déposée par l'intéressé.
14. Lors de l’audience devant le tribunal le 27 décembre 2024, M. A______ a indiqué être arrivé en Suisse en 1996. Il était parti en Italie où il était resté 27 ans avant de revenir en Suisse à la fin de l'année 2021. Il était venu voir ses deux sœurs qui vivaient à Genève, l’hébergeaient et le nourrissaient. Elles habitaient, respectivement, 1______, rue de B______ et 2______, rue de C______ à D______. Il avait des enfants en Italie, âgés de 15 et 25 ans. Il n'était pas d'accord de retourner en Tunisie et refusait de faire les démarches pour obtenir son passeport auprès de l'ambassade. Il avait déposé une demande d'asile, ayant tout perdu, notamment son épouse, à cause de son homosexualité. Il ne pouvait pas retourner en Tunisie car l'homosexualité y était interdite. Il avait également des problèmes d'addiction. S'il avait déposé seulement à ce stade sa demande d'asile, c'était « comme ça », peut‑être car c'était la première fois qu'il était enfermé. Il souhaitait être remis en liberté et irait alors chez sa sœur. Sa détention à Favra était infernale. Il y était rejeté. C'était comme s'il était en Tunisie car le 99% des « gens là‑bas étaient des Arabes » qui le rejetaient à cause de son homosexualité. Il a transmis un texte au tribunal expliquant les raisons pour lesquelles il ne voulait pas retourner en Tunisie. Selon ce texte, il avait déposé une demande d'asile en raison des graves risques de persécution, de torture et d'emprisonnement s'il devait être renvoyé en Tunisie. Il n'avait jamais commis de crime en Suisse, même le vol.
Le représentant de l’OCPM a indiqué qu’il s’agissait du premier cas où l’ambassade n’avait pas délivré de laissez-passer au motif que l’intéressé n’était pas volontaire. L’OCPM avait entendu parler d’un cas similaire dans un autre canton, mais l’information n’était pas vérifiée. Un tel refus étant contraire à l’accord de réadmission avec la Tunisie, cela n’était pas définitif. Le SEM devait examiner la situation, laquelle était peut-être due au changement d’ambassadeur de Tunisie. Le délai de six mois était nécessaire vu la demande d’asile. Le délai de traitement dépendait des preuves fournies par le requérant. L’OCPM ne prévoyait pas de vol spécial pour l’instant en raison du blocage du laissez-passer.
15. Par jugement du 27 décembre 2024 (JTAPI/1299/2024), le tribunal a rejeté le recours.
16. Par arrêt du 17 janvier 2025 la chambre administrative a rejeté le recours interjeté le 9 janvier 2025 par M. A______ contre le jugement du tribunal du 27 décembre 2024 (ATA/75/2025).
Le recourant alléguait que son renvoi serait impossible, l’ambassade de Tunisie ne délivrant plus de laissez-passer. Cet élément ne ressortait toutefois que d’une remarque du SEM en marge de l’annulation du vol du 9 décembre 2024. Lors de l’audience devant le tribunal, le représentant de l’OCPM avait fourni des explications convaincantes, notamment quant à des changements à l’ambassade, au fait qu’il s’agissait d’un premier cas, que le SEM devait analyser la situation et notamment la question de la compatibilité de la situation avec l’Accord de coopération. L’OCPM pouvait en conséquence être suivi lorsqu’il soutenait qu’en l’état cette situation n’était pas définitive et devait faire l’objet d’une analyse du SEM. Il n’était en conséquence pas établi que le refus fut toujours d’actualité, ni qu’il fut durable.
L’impossibilité du renvoi découlait au contraire, en l’état, de la demande d’asile déposée par l’intéressé le 19 novembre 2024, suite au jugement du tribunal du 15 novembre 2024 confirmant l’ordre de mise en détention du 12 novembre 2024 pour une durée de deux mois, et dont il convenait d’attendre l’issue.
La durée de trois mois telle que réduite par le tribunal et non contestée par l’OCPM, prolongeant la détention jusqu’au 11 avril 2025 inclus, arrivera à échéance près de cinq mois après le dépôt de la demande d’asile. Ce délai restait proportionné compte tenu notamment des fêtes de fin d’année. Ce délai permettra par ailleurs aux autorités d’obtenir toute explication utile sur la pratique de l’ambassade tunisienne en matière de laissez-passer, indépendamment de la décision sur la demande d’asile et en tous les cas avant de solliciter une éventuelle prolongation de la détention du recourant.
Le principe de célérité était respecté au vu des démarches entreprises, singulièrement de l’organisation du vol le 19 décembre 2024 (art. 76 al. 4 LEI). Celui de la proportionnalité n’est pas violé, aucune autre mesure moins incisive que la détention ne paraissant apte à garantir la présence de l’intéressé lors du vol, compte tenu de son refus de quitter le territoire. La prolongation de trois mois respectait en conséquence la durée maximale autorisée et est nécessaire pour assurer la mise en œuvre du renvoi (art. 79 LEI).
17. Le 11 mars 2025, le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté le 9 janvier 2025 (daté du 26 décembre 2024) par M. A______ contre l’arrêt de la chambre administrative du 6 décembre 2024 (ATF 2C_27/2025).
18. Le 14 mars 2025, le SEM a rejeté la demande d’asile déposée par M. A______.
19. Par requête motivée du 31 mars 2025, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu’au 11 août 2025. La brigade migration et retour (BMR) procédera à une réservation de vol dès réception de l’entrée en force de la décision du SEM du 14 mars 2025. La détention administrative constituait l’unique moyen de mener à terme le rapatriement de l’intéressé à destination de son pays d’origine.
20. Devant le tribunal, lors de l'audience du 8 avril 2025, M. A______ a déclaré être toujours opposé à repartir en Tunisie et n’avoir entrepris aucune démarche en vue de son départ, ne souhaitant pas à partir par ses propres moyens. Il n’avait pas l'intention de recourir contre la décision du SEM du 14 mars 2025 rejetant sa demande d'asile. S’il était remis en liberté, il quitterait immédiatement la Suisse et se rendrait en Italie où habitaient ses deux enfants. Il n’avait toutefois pas d'autorisation de séjour en Italie à produire au tribunal. Pour lui, jamais les autorités tunisiennes ne délivreraient de laissez-passer à l'un de leurs ressortissants non-volontaires au retour et qui n'avait pas commis d'infraction. Il souhaitait être remis en liberté pour pouvoir immédiatement partir.
La représentante de l’OCPM a indiqué qu’ils étaient actuellement dans l'attente de la communication du SEM de l'entrée en force de sa décision du 14 mars 2025. Une fois cette communication reçue, ils procéderaient à la réservation d'une place sur un vol à destination de la Tunisie avec escorte policière puis solliciteraient la délivrance, par les autorités tunisiennes, d'un laissez-passer, étant précisé que le délai d'annonce aux autorités tunisiennes était d'environ quatre semaines. Malgré le fait le fait que les autorités tunisiennes eussent précédemment refusé la délivrance d'un laissez-passer en faveur de l'intéressé, ils allaient ré-entreprendre les mêmes démarches, étant précisé qu’ils ne pouvaient pas solliciter la délivrance d'un laissez-passer sans avoir une date de vol. Elle ne pouvait pas affirmer que les autorités tunisiennes refuseraient à l'heure actuelle de délivrer un laissez-passer, même si sa pièce 4 indiquait qu'au 3 décembre 2024, les autorités tunisiennes refusaient effectivement la délivrance d'un laissez-passer pour les non volontaires. A Genève, le cas de M. A______ était le seul. L'OCPM avait connaissance d'un autre cas dans un autre canton comme cela ressortait du procès-verbal du 27 décembre 2024. Si les autorités tunisiennes leur indiquaient que le seul motif de non délivrance d'un laissez-passer était le fait que M. A______ n'était pas volontaire, ils envisageraient de modifier son régime de détention et de prononcer un ordre de mise en détention pour insoumission. Elle entendait que M. A______ souhaitait être détenu à Genève ; les autorités verraient si elles pouvaient envisager un transfert, mais sans garantie. Elle a conclu à la confirmation de la demande de prolongation de la détention administrative pour une durée de quatre mois.
Le conseil de l’intéressé a déposé une pièces complémentaire relative à l'état de santé de son client. Il a précisé que son client était détenu à Zurich et que la barrière de la langue était difficile pour lui. De plus, M. A______ ne recevait pas la visite de ses sœurs qui étaient domiciliées à E______. Il a plaidé et conclu à l'annulation de la demande de prolongation de détention et à la mise en liberté immédiate de M. A______, subsidiairement à la réduction de la durée de la demande de prolongation à un mois.
1. Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour prolonger la détention administrative en vue de renvoi ou d'expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. e de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. S'il entend demander la prolongation de la détention en vue du renvoi, l'OCPM doit saisir le tribunal d'une requête écrite et motivée dans ce sens au plus tard huit jours ouvrables avant l’expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. d et 8 al. 4 LaLEtr).
3. En l'occurrence, le 31 mars 2025, le tribunal a été valablement saisi, dans le délai légal précité, d'une requête de l'OCPM tendant à la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois.
4. Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai fixé par l'art. 9 al. 4 LaLEtr, qui stipule qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.
5. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).
6. Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI). Concrètement, dans ces deux circonstances, la détention administrative peut donc atteindre dix-huit mois (cf. not. ATA/848/2014 du 31 octobre 2014 ; ATA/3/2013 du 3 janvier 2013 ; ATA/40/2012 du 19 janvier 2012 ; ATA/518/2011 du 23 août 2011).
7. Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Elle doit non seulement apparaître proportionnée dans sa durée, envisagée dans son ensemble (ATF 145 II 313 consid. 3.5 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1), mais il convient également d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si elle constitue une mesure appropriée et nécessaire en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 143 I 147 consid. 3.1 ; 142 I 135 consid. 4.1 ; 134 I 92 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.4 ; 2C_263/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.1) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées).
8. Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).
9. Selon la jurisprudence, le devoir de célérité est en principe violé lorsque, pendant plus de deux mois, aucune démarche n'est accomplie en vue de l'exécution du refoulement par les autorités compétentes, sans que cette inaction soit en première ligne causée par le comportement des autorités étrangères ou celui de l'intéressé lui-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; ATA/567/2016 du 1er juillet 2016 consid. 7a).
10. Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention de maintien ou de levée tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention.
11. La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Dans ce cas, la détention dans l'attente de l'expulsion ne peut en effet plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours; elle est, de plus, contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 et les arrêts cités; arrêts 2C_955/2020 précité consid. 5.1 et l'arrêt cité). Les raisons juridiques ou matérielles doivent être importantes (« triftige Gründe »), l'exécution du renvoi devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 et les arrêts cités). Tel est par exemple le cas lorsqu'un État refuse explicitement, ou du moins de manière clairement reconnaissable et cohérente, de reprendre certains de ses ressortissants (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1.3; 125 II 217 consid. 2 et la référence et l'arrêt cités; arrêts 2C_768/2020 du 21 octobre 2020 consid. 5.1; 2C_473/2010 du 25 juin 2010 consid. 4.1). Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêts 2C_955/2020 précité consid. 5.1; 2C_635/2020 précité consid. 6.1; 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1). La détention viole l'art. 80 al. 6 let. a LEI, ainsi que le principe de proportionnalité, lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas (ATF 130 II 56 consid. 4.1.3 et les arrêts cités). Sous l'angle de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1.3; arrêts 2C_955/2020 précité consid. 5.1; 2C_597/2020 précité consid. 4.1).
12. Savoir si un renvoi, exclu au moment où l'autorité de la détention statue, est possible dans un délai prévisible et donc réalisable, suppose que l'autorité ou le juge dispose d'indications suffisamment concrètes à ce sujet, indications qui sont en particulier fournies par le SEM (cf. arrêt 2C_597/2020 précité consid. 4.1 et les nombreux arrêts cités). À défaut, force est d'admettre qu'il n'y a pas de perspective sérieuse d'exécution de la décision de renvoi et le détenu doit être libéré. La vague possibilité que l'obstacle au renvoi puisse être levé dans un avenir prévisible ne suffit pas à justifier le maintien en détention (cf. ATF 125 II 217 consid. 3b/bb; arrêt 2C_955/2020 précité consid. 5.1 et les arrêts cités).
13. Selon la jurisprudence, le simple fait que les autorités chargées du refoulement des étrangers se heurtent à des difficultés et risquent de ne pouvoir le faire en temps utile n'est pas suffisant pour lever la détention. Sous l'angle du principe de la proportionnalité, la détention n'est inadmissible que si des raisons sérieuses laissent penser que la mesure d'éloignement ne pourra certainement pas intervenir avant la fin du délai légal de détention (ATF 122 II 148 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.584/2003, 2A.606/2003 du 8 janvier 2004 consid. 6 ; 2A.549/2003 du 3 décembre 2003 consid. 2.2 ; Grégor CHATTON/Laurent MERZ in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, n. 5 p. 780).
14. En l'espèce, s'agissant du principe de la détention de M. A______, sa légalité a été examinée, admise et confirmée par le tribunal par jugement du 15 décembre 2024, confirmé par la chambre administrative dans son arrêt du 6 décembre 2024 (ATA/1429/2024), puis par jugement du tribunal du 27 décembre 2024 confirmé par la chambre administrative dans son arrêt du 17 janvier 2025 (ATA/75/2025). En l'absence d'un changement déterminant des circonstances depuis lors, il n'y sera pas revenu.
L'assurance du départ effectif de M. A______ répond toujours à un intérêt public certain et s'inscrit dans le cadre des obligations internationales de la Suisse, étant rappelé que les autorités suisses doivent s'assurer du fait qu'il quittera effectivement le territoire, à destination de son pays d'origine Ainsi, M. A______ ne saurait être remis sans autre en liberté pour quitter la Suisse par ses propres moyens et se rendre en Italie. Dans son principe, la détention en cause n'est par conséquent toujours pas contraire au principe de la proportionnalité.
Concernant les démarches en vue de son refoulement, l’on relèvera que suite à sa demande d’asile, les démarches n’ont pas pu avancer. Le SEM a rejeté la demande d’asile par décision du 14 mars 2025, décision n’étant pas encore en force. Malgré le fait que M. A______ ait indiqué ne pas vouloir recourir contre cette décision, les autorités se voient dans l’obligation d’attendre cette entrée en force pour continuer leurs démarches en vue de son renvoi.
Aucun élément du dossier ne permet de retenir que les autorités tunisiennes ne délivreraient plus jamais de laissez-passer en faveur de M. A______, étant rappelé que bien que non volontaire, ce dernier a été condamné pénalement en Suisse à pas moins de sept reprises. Si certes, le 3 décembre 2024, les autorités tunisiennes ont fait valoir qu’elles ne délivraient pas de laissez-passer pour leurs ressortissants non volontaires au retour, c’est à juste titre que les autorités suisses ont indiqué reprendre les démarches et tenter d’obtenir ce laisser-passer, quatre mois s’étant écoulés depuis le refus des autorités tunisiennes. Comme expliqué par la représentante de l’OCPM à l’audience du 8 avril 2025, elles doivent d’abord procéder à la réservation d'une place sur un vol à destination de la Tunisie avec escorte policière puis solliciter la délivrance, par les autorités tunisiennes, d'un laissez-passer, étant précisé que le délai d'annonce aux autorités tunisiennes est d'environ quatre semaines.
Dès lors, force est de retenir que les autorités suisses ont agi et continuent d’agir avec toute la diligence requise, et ne peuvent entreprendre de nouvelles démarches tant que la décision du SEM du 14 mars 2025 n’est pas en force.
S'agissant enfin de la durée de la prolongation requise par l'OCPM, M. A______ est détenu administrativement depuis le 12 novembre 2024, de sorte que la durée de la détention administrative admissible en vertu de l'art. 79 LEI n'est de loin pas atteinte. Elle ne le sera pas non plus à l'issue de la prolongation de quatre mois sollicitée par l’OCPM, laquelle apparait proportionnée et nécessaire au vu de la situation et des démarches en cours et encore à entreprendre, étant observé qu'en l'absence de coopération de l’intéressé, sa détention pourrait se prolonger jusqu'à dix-huit mois en application de l'art. 79 al. 2 let. a LEI.
Le tribunal relèvera par ailleurs que si M. A______ coopérait à son retour, son renvoi pourrait certainement intervenir dans un meilleur délai et sa détention prendre fin.
15. Au vu de ce qui précède, la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ sera admise pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 11 août 2025.
16. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative de Monsieur A______ formée le 31 mars 2025 par l’office cantonal de la population et des migrations ;
2. prolonge la détention administrative de Monsieur A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 11 août 2025 ;
3. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Sophie CORNIOLEY BERGER
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
| La greffière |