Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/76/2025 du 23.01.2025 ( OCPM ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 23 janvier 2025
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dans la cause
Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Zoltan SZALAI, avocat, avec élection de domicile
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Madame A______, née le ______ 1956, est ressortissante d’Albanie.
Son époux, Monsieur B______, né le ______ 1957, est également originaire de ce pays.
2. Le 28 mars 2018, Mme B______ a transmis à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) un formulaire de demande d’autorisation de séjour pour traitement médical. Elle indiquait loger chez Madame C______ au 1______.
3. Selon une rapport médical établi par le D______ le 12 mars 2019, Mme B______ souffrait d’une hypertension artérielle datant de 2018. Elle était sous trithérapie par CoAprovel, Nebilet et Amlodipin depuis le 16 février 2019 et, avant, sous Enalapril, soit depuis un an en Albanie.
4. Le 29 mai 2019, M. B______ a déposé auprès de l’OCPM une demande de regroupement familial.
5. Par formulaire du 26 juin 2019, les époux A______ et B______ ont informé l’OCPM de leur nouvelle adresse, soit une sous-location au 2______, chez Madame E______.
6. Selon un certificat médical du 7 août 2019 établi par le Dr D______, la durée du suivi médical de Mme B______ auprès de sa consultation était indéterminée et serait réévaluée à chaque consultation selon l’évolution clinique et le plan de traitement futur.
7. Le Dr D______ a établi un certificat médical le 11 octobre 2019 et rempli le formulaire médical établi par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM).
Mme B______ souffrait d'une hypertension artérielle depuis un an. Elle souffrait également, depuis le 16 février 2019, de céphalées et d'une fatigue importante. Elle présentait depuis 6 mois un trouble visuel et le risque d'un AVC était important. Un contrôle médical mensuel était nécessaire.
8. Suite à une demande de l’OCPM, l’ambassade suisse en Albanie a indiqué, dans un courriel du 16 décembre 2019 que les médicaments pour la traitement d’une occlusion de l’artère carotide primitive, de l’hypertension artérielle et du diabète étaient accessibles en Albanie et pouvaient pour une partie d’entre eux être remboursés, selon le système de remboursement des médicaments de l’État albanais. Par ailleurs, l’intervention « Angio IRM » cérébral pouvait se réaliser au centre médical universitaire de Tirana plus de 100 interventions s’y réalisaient par année.
9. Le ______ 2020, Mme A______ et M. B______ ont annoncé leur changement d’adresse, soit au 3______ chez Monsieur F______.
10. Le 21 juillet 2020, l’OCPM a informé le conseil de Mme A______ et M. B______ de son intention de refuser la demande d’octroi d’une autorisation de séjour en faveur de Mme A______ et, subsidiairement, de son conjoint, et de prononcer leur renvoi de Suisse.
Un délai de 30 jours leur était octroyé pour exercer par écrit leur droit d’être entendu.
11. Le Dr D______ a établi, en date du 17 août 2020, une attestation médicale concernant Mme A______, dans laquelle il indiquait qu’actuellement la situation de cette dernière était stable mais qu’elle pouvait se modifier à tout moment. Un IRM cérébral avec contraste serait prochainement réalisé, ainsi qu'un « coro CT complet ».
Pour ce motif, il déconseillait un retour dans son pays d’origine pour le moment, au vu aussi de la pandémie de coronavirus.
12. Par courrier du 21 août 2020, Mme A______ et M. B______, sous la plume de leur conseil, se sont opposés au projet de décision.
Le départ de Suisse de Mme A______ aurait de fortes chances de comporter des graves conséquences pour elle dans la mesure où les soins et le suivi nécessaire ne pourraient pas être obtenus dans son pays d’origine. La fin de son traitement n’était pas fixée et elle devait encore subir un IRM cérébral.
Son médecin suggérait d’éviter pour le moment un retour dans son pays d’origine en raison de sa condition médicale délicate et du risque lié à la pandémie.
Les seules personnes proches étaient leurs deux enfants majeurs habitant à Genève.
13. Le 13 octobre 2020, Mme A______ a déposé un nouveau formulaire de demande d’autorisation de séjour, indiquant demeurer avec son mari chez Monsieur G______ au 4______.
14. Le 15 juillet 2021, l’OCPM a requis la production d’un rapport médical actualisé concernant Mme A______ et le résultat des examens médicaux qui avaient été annoncés, soit un « Coro CT complet », une IRM cérébrale et une éventuelle intervention chirurgicale.
15. Sans réponse à son courrier, l’OCPM a réitéré sa demande par courrier du 18 février 2022.
16. Le 24 mars 2022, Mme A______ et M. B______ ont transmis des pièces médicales, notamment :
- une attestation médicale du Dr D______ du 20 mars 2022 indiquant que la situation clinique de sa patiente restait stable mais ne s’améliorait pas et que, pour cela, elle nécessitait un suivi médical régulier et étroit, en déconseillant des efforts physiques et des déplacements en avion de longue durée ;
- une convocation pour un scanner cardiaque le 6 septembre 2022 ;
- un courriel indiquant que Mme A______ avait refusé de passer un IRM ;
- une attestation médicale du H______, diabétologue, du 16 mars 2022 retenant que Mme A______ présentait un diabète de type 2 et de l’obésité, dans le contexte d’un très haut risque cardio-vasculaire ;
- une carte de rendez-vous chez un neurologue pour le 8 novembre 2022.
17. Le 13 juillet 2022, Mme A______ et M. B______ ont annoncé leur changement d’adresse au 5______.
18. Le 3 novembre 2022, ils ont annoncé leur changement d’adresse au 1______, chez Monsieur I______.
19. Par courrier du 8 mai 2023, Mme A______ et M. B______ ont transmis des pièces médicales complémentaires :
- une attestation du J______, médecin généraliste, du 6 mars 2023, indiquant suivre Mme A______ à raison d’une à deux fois par année ;
- une attestation médicale du Dr H______ du 15 mars 2023 indiquant que Mme A______ bénéficiait d’un traitement de Melformin et d’Ozempic, et que l’évolution était bonne avec une perte de poids et un contrôle métabolique. Le prochain contrôle était prévu à douze mois ;
- une attestation du K______, neurologue, du 25 avril 2023 indiquant que sa patiente avait besoin d’un examen échoDoppler carotido-vertébral et transcrânien à raison de deux fois par an ;
- un certificat médical du Dr D______ du 27 avril 2023 indiquant que sa patiente présentait un état de santé fragile et qu’elle devait être régulièrement suivie en consultations spécialisées en cardiologie et en neurologie. Il était préférable qu’elle évite les déplacements, notamment en avion.
20. Selon un extrait du registre des poursuites du 13 mars 2024, Mme A______ fait l'objet de deux commandements de payer de 2019 dont la notification n'avait pas été possible.
21. Par courrier du 10 octobre 2023, l’OCPM a sollicité des recourants la production d’un rapport médical concernant Mme B______ ainsi que l’indication des types d’examens qu’elle devait subir et les dates de ceux-ci.
22. N’ayant pas reçu de réponse, il a réitéré sa demande le 12 mars 2024.
Aucune réponse n’a été transmise.
23. Selon l’attestation de l’Hospice général du 5 juin 2024, Mme A______ et M. B______ perçoivent des prestations financières depuis le 1er juin 2019, pour un montant total de plus de CHF 135'000.-.
24. Par décision du ______ 2024, l'OCPM a refusé à M. B______ et Mme A______ l'octroi d'une autorisation de séjour et a prononcé leur renvoi de Suisse.
Les conditions pour la délivrance d'une autorisation pour traitement médical n'étaient pas remplies. En effet, le financement du traitement de Mme A______ n'était manifestement pas garanti compte tenu du fait que son foyer émargeait à l'aide sociale depuis le 1er juin 2019. De plus, la durée de son traitement médical n'était pas définie dans le temps et, surtout, son départ de Suisse au terme de son traitement médical n'était pas garanti, étant précisé qu'elle n'avait pas pris d'engagement écrit allant dans le sens d'un départ volontaire à la fin de son traitement.
Du point de vue de la reconnaissance d'un cas de rigueur, les conditions légales n'étaient pas non plus réunies. La durée du séjour de Mme A______ et M. B______, soit cinq ans, ne saurait constituer un élément déterminant susceptible de justifier une suite favorable à leur demande. En effet, celle-ci devait être relativisée en lien avec le nombre d'années qu'ils avaient passé dans leur pays d'origine. Ils étaient arrivés en Suisse alors qu'ils étaient âgés respectivement de 63 ans et 62 ans et étaient maintenant âgés de bientôt 68 ans, respectivement 67 ans. Ils avaient donc passé leur enfance, leur adolescence et leur vie d'adulte en Albanie, années apparaissant comme essentielles pour le développement de la personnalité et, partant, pour l'intégration sociale et culturelle. Ils ne pouvaient pas se prévaloir d'une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée au point de devoir admettre qu'ils ne pussent quitter la Suisse sans devoir être confrontés à des obstacles insurmontables.
En outre, leur intégration au sens de la jurisprudence applicable ne revêtait aucun caractère exceptionnel, étant rappelé qu'ils remplissaient un motif de révocation d'une autorisation de séjour en émargeant totalement à l'aide sociale depuis le 1er juin 2019.
Quant à leur situation personnelle, elle ne se distinguait guère de celle de bon nombre de leurs concitoyens connaissant les mêmes réalités en Albanie, l'exception aux mesures de limitation n'ayant pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie dans son pays d'origine.
Concernant la maladie dont souffrait Mme A______, il ressortait des rapports établis par la Section Analyses du SEM et de sa représentation à Tirana, que le principe actif de tous les médicaments décrits dans les certificats médicaux étaient disponibles en Albanie et ce pays prenait en charge l'ensemble des coûts s'agissant de retraités de plus de 65 ans. Aussi, renseignements pris auprès du Centre médical universitaire de Tirana, l'intervention Angio IRM cérébrale se réalisait notamment dans leur établissement. Ils confirmaient que plus de 100 interventions par année se faisaient dans leur structure.
Malgré ses courriers des 10 octobre 2023 et 12 mars 2024, aucun rapport médical actualisé du SEM ni les justificatifs des résultats des derniers examens médicaux n'avaient été versés au dossier. Aussi, il constatait que Mme A______ avait reporté son IRM cérébrale en raison de sa claustrophobie. Elle pouvait ainsi parfaitement poursuivre son traitement dans son pays d'origine et le cas échéant se soumettre à sa probable future intervention chirurgicale (tel que faisait bon nombre d’Albanais souffrant d'une même affection), d'autant plus qu'avant son arrivée en Suisse, elle suivait déjà un traitement médical depuis 2018 en Albanie. Ainsi, elle ne saurait se fonder uniquement sur cette affection pour réclamer une exemption aux mesures de limitations des étrangers.
Par ailleurs, à teneur des éléments présents à son dossier, la requérante était en mesure de se déplacer. Elle avait pu prendre l'avion pour venir en Suisse, comme en attestait la copie du billet de vol Pristina-Genève jointe à la demande. Aussi, depuis son arrivée à Genève, elle poursuivait son traitement en ambulatoire, pouvant se déplacer aux rendez-vous médicaux. A noter aussi qu'elle avait été en mesure de changer d'adresse plusieurs fois.
Par ailleurs, les éléments versés au dossier ne faisaient pas apparaître qu'ils existaient d'autres raisons ou motifs familiaux majeurs, ou encore qu'ils pussent se prévaloir d'un droit à l'octroi d'une autorisation de séjour en application des dispositions relevant du droit fédéral ou international.
Dès lors, il n'avait pas été démontré à satisfaction de droit que la situation de Mme A______ et M. B______ relevait d'une situation représentant un cas d'extrême gravité.
Concernant l'exigibilité du renvoi, s'agissant des personnes en traitement médical en Suisse, l'exécution du renvoi ne devenait inexigible, en cas de retour dans leur pays d'origine ou de provenance, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. En l'espèce, la prise en charge médicale dans le pays d'origine était possible et accessible financièrement. Le renvoi était donc raisonnablement exigible.
Au surplus, le dossier ne faisait pas apparaître que l'exécution du renvoi ne serait pas possible ou pas licite.
25. Par acte du 4 juillet 2024, Mme et M. B______ (ci-après: les recourants), sous la plume de leur conseil, ont recouru contre cette décision auprès du le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant préalablement à l'octroi d'un délai pour compléter leur recours, principalement à son annulation et à ce qu'une autorisation de séjour en leur faveur soit octroyée, subsidiairement au renvoi de la décision à l'OCPM pour réexamen et nouvelle décision, et plus subsidiairement à ce qu'il soit sursoit à l'exécution du renvoi.
Un éventuel renvoi aurait des conséquences qui pourraient mettre leur vie en danger au vu du manque de structures médicales pouvant leur assurer une prise en charge efficace. Ils n'avaient plus de liens effectifs avec leur pays d'origine. Une obligation de revenir dans leur pays de façon abrupte aurait des effets irréversibles sur l'état de santé psychique et physique de Mme A______, comme cela ressortait du rapport médical rempli par son médecin traitant. Ainsi, un départ forcé les mettrait dans une situation de grave détresse.
26. Par courrier du 12 août 2024, les recourants ont transmis le chargé de pièces cité dans leur recours et indiqué qu'ils complèteraient leur recours dans le cadre de la réplique.
Ils ont notamment produit des certificats médicaux concernant M. B______, desquels il ressort que le bilan cardiaque structurel réalisé en 2023 était assez rassurant, ne trouvant pas de trouble de la cinétique régionale au niveau du ventricule gauche et la fonction systolique bi-ventriculaire étant normale.
Concernant Mme A______, selon le certificat médical établi le 27 avril 2024 par le Dr D______, le bilan cardiaque structurel réalisé le même jour était tout à fait normal. Par ailleurs, selon le rapport médical rempli par le Dr D______ le 3 mai 2024, Mme A______ était bien compensée et asymptomatique; elle prenait des traitements médicamenteux et une visite cardiologique et neurologique devait être assurée deux fois par an. Son pronostic sans traitement était « moyen » avec un risque d'AVC. Elle était apte au voyage mais avec un risque pour un voyage en avion.
27. L'OCPM s'est déterminé sur le recours le 18 septembre 2024, proposant son rejet. Il a produit son dossier.
Les recourants ne contestaient pas que les conditions de l'art. 29 LEI n'étaient pas réalisées mais persistaient dans leur demande de permis de séjour pour cas de rigueur.
Ils étaient âgés de 67 et 68 ans, étaient arrivées en Suisse il y avait seulement cinq ans, n'avaient jamais exercés d'activité lucrative en Suisse et ne pouvaient pas se prévaloir d'une intégration sociale particulière. Ils ne disposaient pas non plus de moyens financiers leur permettant de subvenir à leurs besoins et étaient ainsi dépendant de l'aide sociale depuis leur arrivée. Ils faisaient principalement valoir leurs graves problèmes de sa santé, le fait qu'ils ne pourraient pas recevoir les soins nécessaires en Albanie et qu'un renvoi risquait de mettre leur vie en péril; or, ce seul motif ne pouvait justifier l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur mais devait être prise en considération dans l'examen de l'exigibilité de leur renvoi.
Contrairement à ce qu'ils alléguaient, leur état de santé avait été dûment pris en considération lors de l'examen de leurs conditions de séjour et il avait été retenu, sur la base des informations communiquées par la représentation suisse à Tirana et de la documentation du SEM que les recourants auraient accès aux soins nécessaires en Albanie, les coûts étant entièrement prise en charge pour les retraités de plus de 65 ans. Par ailleurs, leur retour en Albanie pouvait être organisé autrement que par avion. Leur renvoi était dès lors raisonnablement exigible.
28. Dans le délai prolongé, les recourants ont transmis leur réplique le 13 novembre 2024, ainsi qu'un chargé de pièces, contenant notamment un courriel du Dr D______ à leur conseil relatif à la situation médicale de la recourante au 8 novembre 2024.
Les certificats médiaux produits attestaient de leur état de santé et des soins dont ils avaient besoin.
Ils s'opposaient à leur renvoi en raison du fait que l'accès aux soins était excessivement difficile en Albanie, y compris à Tirana, où ils vivaient avant leur arrivée en Suisse. Les traitements nécessaires à leur état de santé ne pouvaient être obtenus que moyennant le paiement de « dessous-de-table »; or, le montant de leurs rentes ne permettrait pas de payer ces « dessous-de-table ». Face à la réalité et à l'étendue de pratiques illégales, la gratuité des soins pour les retraités de plus de 65 ans n'était qu'un mirage. Concrètement, ils n'auraient pas accès au soins en cas de renvoi et seraient donc confrontés à une absence de possibilité de traitement adéquat; leur état de santé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de leur vie ou à une atteinte sérieuse, durable et grave de leur intégrité physique. Leur renvoi ne pouvait par conséquent être raisonnablement exigé.
Par ailleurs, on ne pouvait exiger de la recourante qu'elle fasse le voyage de retour dans son pays. Un voyage en avion était très risqué et clairement déconseillé et un voyage en voiture, alors qu'elle souffrait également de problèmes de dos, serait une épreuve risquée pour sa santé.
Une admission provisoire devait ainsi être prononcée.
29. Les recourants ont encore transmis une pièce complémentaire le 28 novembre 2024.
30. L'OCPM a dupliqué le 3 décembre 2024, indiquant que les arguments invoqués dans le cadre de la réplique n'étaient pas de nature à modifier sa position.
Concernant l'argument selon lequel les recourants ne pourraient pas avoir accès aux traitements adéquats dans leur pays d'origine et que personne ne pourrait les soutenir financièrement, il était rappelé que leur fille, qui vivait à Genève, devrait pouvoir les aider, au moins de manière ponctuelle, dans la mesure où le coût de la vie était sensiblement plus bas en Albanie.
S'agissant de l'indisponibilité de certains médicaments, si elle se vérifiait, elle pourrait être compensée par l'administration de médicaments équivalents et, cas échéant, les recourants pourraient se constituer une réserve de médicaments avant leur départ de Suisse.
Pour terminer, le Dr D______ avait précisé que le voyage entre Genève et Tirana pourrait tout à fait être réalisé par la recourante en voiture à condition de l'effectuer en plusieurs étapes afin d'éviter des longs déplacements sans pauses.
31. Le détail des pièces sera repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).
4. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ventriculaire était noralle,s du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).
5. Les recourants ont sollicité qu’une autorisation de séjour leur soit octroyée sous l’angle du cas de rigueur, ce que l’OCPM a refusé. Dans le cadre de leur recours, ils ont conclu formellement à l'annulation de la décision querellée et à l'octroi d'une telle autorisation, même si dans leurs dernières écritures ils n'ont fait valoir que l'impossibilité du renvoi au sens de l'art. 83 al. 4 LEI et le prononcé d’une admission provisoire.
Est ainsi litigieuse la question de savoir si l’autorité intimée a, à juste titre, refusé de transmettre le dossier des recourants avec un préavis favorable au SEM et prononcé leur renvoi de Suisse.
6. La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Nicaragua (cf. ATA/596/2023 du 6 juin 2023 consid. 2.1).
7. Les conditions d’entrée d’un étranger en Suisse sont régies par les art. 5 ss LEI.
8. Les dérogations aux prescriptions générales d’admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l’art. 30 al. 1 LEI. Selon l’art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte d’un cas individuel d’extrême gravité. En vertu de l’art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA.
9. L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).
Le critère de l’intégration du requérant se base sur le respect de la sécurité et de l’ordre public, le respect des valeurs de la Constitution, les compétences linguistiques, la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (art. 58a LEI).
10. Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/545/2022 du 24 mai 2022 consid. 3e).
11. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4b ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3).
12. Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées).
13. La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).
14. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4).
15. S'agissant de la condition de la durée totale du séjour, elle constitue un critère important de reconnaissance d’un cas de rigueur. Il importe cependant de rappeler que selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d’admettre un cas personnel d’une extrême gravité. Il s’agit d’un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e). En outre, la durée d’un séjour illégal, ainsi qu’un séjour précaire ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 9.1 et les références citées ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4f). Par durée assez longue, on entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017).
Ainsi, le simple fait, pour un étranger, de séjourner en Suisse pendant de longues années, y compris à titre légal, ne permet pas d’admettre un cas personnel d’extrême gravité sans que n’existent d’autres circonstances tout à fait exceptionnelles (ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.540/2005 du 11 novembre 2005 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.1).
16. En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).
Il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ; F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3).
L’intégration socio-culturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).
17. Doivent également être pris en compte l’existence d’une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse ou le fait que l’intéressé démontre souffrir d’une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d’urgence, indisponibles dans le pays d’origine, de sorte qu’un départ de Suisse serait susceptible d’entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d’obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d’origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_57/2019 du 4 novembre 2019 consid. 6.2 ; ATA/1124/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8g).
Une grave maladie (à supposer qu’elle ne puisse pas être soignée dans le pays d’origine) ne saurait cependant justifier à elle seule la reconnaissance d’un cas de rigueur, l’aspect médical ne constituant que l’un des éléments, parmi d’autres à prendre en considération (ATF 128 II 200 consid. 5.1 à 5.4 ; 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6545/2010 du 25 octobre 2011 consid. 6.4). Ainsi, en l’absence de liens particulièrement intenses avec la Suisse, le facteur médical ne saurait constituer un élément suffisant pour justifier la reconnaissance d’un cas personnel d’extrême gravité.
Il sied enfin de rappeler que les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l’exécution du renvoi et qu’une personne qui ne peut se prévaloir que d’arguments d’ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d’origine et souffrant de la même maladie (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4125/2016 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1 ; ATA/895/2019 du 14 mai 2019 consid. 6f).
Ainsi, hormis des cas d’extrême gravité, l’état de santé ne peut fonder un droit à une autorisation de séjour, ni sous l’aspect de l’art. 3, ni sous celui de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (arrêt du Tribunal fédéral 2C_891/2016 du 27 septembre 2016 consid. 3.3 et la référence citée).
18. Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).
Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d’un droit à l’autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l’inverse aurait pour effet de déduire de l’art. 96 LEI un droit à l’obtention ou au renouvellement de l’autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).
19. En l’espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, il y a lieu de constater que l’OCPM n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que les recourants ne satisfaisaient pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur.
À teneur des éléments au dossier, le tribunal retient que les recourants sont arrivés en Suisse il y a cinq ans, alors qu'ils étaient âgés de 62 et 63 ans. Cette durée n’est pas exceptionnellement longue et ne les place pas, en soi, dans la situation de personnes ayant depuis très longtemps reconstitué toute leur existence en Suisse, tout en ayant par ailleurs perdu tout lien avec leur pays d’origine. Cette durée doit en tout état être fortement relativisée dès lors qu’elle a été effectuée de manière illégale par les recourants jusqu’au dépôt de leurs demandes d’autorisation au début 2019, puis à la faveur d’une simple tolérance. Or, les recourants ne peuvent déduire des droits résultant d’un état de fait créé en violation de la loi ni, au vu des circonstances, tirer parti de la seule durée de leur séjour, qui constitue un élément parmi d’autres à prendre en compte, pour bénéficier d’une dérogation aux conditions d’admission.
Les recourants étant arrivés en Suisse à l’âge de respectivement 62 et 63 ans, leur intégration socioculturelle ne peut en aucun cas être qualifiée d’exceptionnelle. Ils n’ont jamais travaillé en Suisse, n’y ont acquis aucune formation particulière et n’ont fait état, sur le plan social, d’aucun engagement particulier, notamment amical ou associatif, qui traduirait un profond enracinement dans la vie de la cité – étant souligné que depuis leur arrivée en Suisse, ils ont fréquemment déménagé, dans différents quartiers de Genève. Ils ont passé toute leur enfance, leur adolescence et leur vie d’adulte en Albanie, et ces années apparaissent comme essentielles pour le développement de leur personnalité et, partant pour leur intégration sociale et culturelle. Ils dépendent en outre entièrement de l’aide sociale, et ce depuis leur arrivée en Suisse en 2019, pour un montant de plus de CHF 135'000.- au 5 juin 2024 et rien de permet de retenir qu’ils se soient efforcés d’apprendre le français.
S’agissant de leur état de santé, il n’est pas contesté que les recourants sont atteints dans leur santé, en particulier la recourante. Ils n’ont cependant pas établi à satisfaction de droit que les médicaments et le suivi médical qu’ils nécessitent, notamment en ce qui concerne la recourante pour mener une vie normale seraient indisponibles dans leur pays d’origine, ou que l’accès aux soins leur serait dénié du fait qu’il serait indispensable de verser des « dessous-de-table » pour y accéder. L’autorité intimée a, quant à elle, produit un rapport du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) du 26 septembre 2018 relatif aux soins médicaux de base en Albanie, lequel décrit l’accès aux soins nécessaires et précise que les coûts des soins sont entièrement pris en charge pour les retraités de plus de 65 ans, ainsi qu’un courriel de l’ambassade de suisse à L______ (Albanie) indiquant que les médicaments prescrits à la recourantes étaient accessibles en Albanie et que l’examen « angio IRM cérébral » était réalisable au Centre médical universitaire de L______ (Albanie). À ce jour, les atteintes à leur santé respective ne revêtent pas une gravité telle que leurs situations doivent être qualifiées de cas de rigueur. En effet, même à admettre que lesdites atteintes répondent aux critères jurisprudentiels énoncés plus haut, ces éléments ne suffisent de toute façon pas, à eux seuls, à justifier l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité, en l’absence de liens particulièrement intense avec la Suisse, dont les recourants ne peuvent se prévaloir. Il faut en outre rappeler que, conformément à la jurisprudence, le seul fait d’obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d’origine ne suffit pas pour justifier une exception aux mesures de limitation du nombre des étrangers. Enfin, celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 et les références citées).
Ces aspects médicaux seront toutefois discutés ci-après, en lien avec la question de l’exigibilité du renvoi.
Au vu de ce qui précède, l’appréciation que l’OCPM a faite de la situation du recourant sous l’angle des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA ne prête pas le flanc à la critique. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à l’autorité intimée, ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire.
20. Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.
Elle ne dispose à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).
21. Dès lors qu’il a refusé de soumettre le dossier des recourants au SEM en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, l’OCPM devait ordonner leur renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, ne disposant, dans ce cadre, d’aucun pouvoir d’appréciation.
22. Reste toutefois à déterminer si l’exécution du renvoi est conforme à l’art. 83 LEI, plus particulièrement, sous l’angle de l’exigibilité.
23. Conformément à l’art. 83 al. 1 LEI, le SEM décide d’admettre provisoirement l’étranger si l’exécution du renvoi ou de l’expulsion n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée. Ces trois conditions susceptibles d’empêcher l’exécution du renvoi sont de nature alternative : il suffit que l’une d’elles soit réalisée pour que le renvoi soit inexécutable (arrêt du Tribunal administratif fédéral D-6776/2023 du 15 décembre 2023).
L’admission provisoire est de la seule compétence du SEM ; elle ne peut être que proposée par les autorités cantonales (art. 83 al. 6 LEI ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1001/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3). L’art. 83 al. 6 LEI vise avant tout la situation dans laquelle des autorités cantonales constatent des obstacles liés à l’exécution d’un renvoi. Elle n’est pas conditionnée à une demande de l’intéressé, ni à ce qu’un membre de la famille se trouve déjà au bénéfice d’une admission provisoire. Cette disposition a un caractère facultatif et implique que le SEM n’est saisi que si l’avis de l’autorité cantonale s’avère positif. Les intéressés n’ont, pour leur part, aucun droit à ce que le canton demande au SEM une admission provisoire en leur faveur sur la base de l’art. 83 al. 6 LEI (ATF 141 I 49 consid. 3.5.3). Néanmoins, l’existence même de l’art. 83 LEI implique que l’autorité cantonale de police des étrangers, lorsqu’elle entend exécuter la décision de renvoi, statue sur la question de son exigibilité (ATA/1539/2017 du 28 novembre 2017 consid. 7c).
24. Selon l’art. 83 al. 4 LEI, l’exécution du renvoi n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.
Cette disposition s’applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu’ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, éd., Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, 2017, p. 949).
En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d’emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-5549/2020 du 17 octobre 2022 consid 7.1 ; ATA/14/2024 du 9 janvier 2024 consid. 5.3).
25. S’agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l’exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d’origine, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d’existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d’urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires ne peuvent pas être assurés dans le pays d’origine de l’étranger concerné, en raison de l’absence de possibilités de traitement adéquat, si l’état de santé de l’intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique, l’exécution du renvoi sera raisonnablement exigible (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2092/2023 du 3 novembre 2023 consid. 7.2 ; ATA/137/2022 du 8 février 2022 consid. 9d).
26. L’art. 83 al. 4 LEI ne confère donc pas un droit général d’accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l’infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d’origine de l’intéressé n’atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d’origine ou de provenance de l’étranger concerné, l’exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l’absence de possibilités de traitement adéquat, si l’état de santé de l’intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2092/2023 du 3 novembre 2023 consid. 7.1 et 7.2).
27. Dans le cas présent, il n’apparaît pas que les problèmes de santé de la recourante ne pourraient pas être traités dans son pays d’origine.
Comme relevé précédemment, à teneur des informations fournies par le SEM, les soins de base sont accessibles en Albanie et la prise en charge des soins médicaux est gratuite pour les personnes âgées de plus de 65 ans. Aucun élément du dossier ne permet de retenir que les recourants ne pourraient pas bénéficier de ces soins, même s’ils pourraient ponctuellement rencontrer des difficultés ; en cas de nécessité, ils pourraient se faire aider par leurs enfants établis en Suisse. La recourante est suivie par le Dr D______, lequel n’a pas revu sa patiente depuis le mois de mai 2024. Il indique dans un courriel du 8 novembre 2024 adressé au conseil des recourants que l’état de santé de sa patiente est stable e ne s’était pas dégradé depuis son arrivée en Suisse en 2019, et qu’elle ne présente pas de nouveaux symptômes. La prise en charge des facteurs de risque ainsi que la thérapie en raison de ses comorbidités neuro-vascularisés avaient été bien instaurées et la patiente était bien protégée par les traitements en cours. Avec la poursuite de la prise de ses médicamentas, il n’y avait pas de crainte de péjoration de son état de santé.
Le Dr H______, qui suit également la recourante, a indiqué dans son attestation médicale du 9 octobre 2024 que le diabète de sa patiente était bien contrôlé avec les médicaments prescrits.
Enfin, Dr J______ a listé dans son rapport médical du 30 octobre 2024 les médicaments actuellement prescrits à la recourante, lesquels sont accessibles en Albanie, comme l’a confirmé l’ambassade de suisse en Albanie à l’OCPM en 2019 déjà.
Il découle de ce qui précède que l’état de santé de la recourante est stable, qu’elle n’a pas un suivi très fréquent auprès de ses médecins et que les traitements instaurés permettent d’écarter une dégradation rapide de son état de santé. Dès lors, en cas de retour en Albanie, elle pourra continuer ses traitements, passer un « angio IRM » lorsque celui-ci sera nécessaire et pourra être prise en charge par des médecins présents dans les centres hospitaliers du pays.
Concernant la question du voyage de retour en Albanie, il ressort clairement des différents rapports médicaux produits dans la procédure qu’un voyage en avion est fortement déconseillé. Cependant, le Dr D______ a clairement indiqué, dans son courriel du 8 novembre 2024, qu’un voyage en train ou en voiture, avec des pauses fréquentes, était permis et sans danger particulier, à condition que la recourante puisse avoir un confort pendant le voyage et effectuer ledit voyage en plusieurs étapes afin d’éviter de longs déplacements sans pauses.
Enfin, il sera rappelé que le fait que la qualité des soins en Albanie ne soit pas la même qu’en Suisse ne saurait être considéré comme un obstacle insurmontable au retour dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal fédéral 2C-193/2020 du 18 août 2020 consid. 4.2 et les références citées).
Concernant le recourant, si certes il rencontre quelques soucis de santé attestés par des rapports médicaux établis en 2023 et février 2024, il ne peut être retenu à la lecture de ces pièces qu’il ne pourrait être suivi par des médecins en Albaine ; les médicaments qu’il prend sont par ailleurs des médicaments courants (aspirine et statine) et aucun examen médical n’a été effectué depuis près d’une année ni n’est actuellement prévu.
28. En conclusion, l’exécution du renvoi des recourants est raisonnablement exigible au sens de l’art. 83 LEI dans les circonstances d’espèce, de sorte que l’OCPM n’avait pas à proposer leur admission provisoire au SEM.
29. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
30. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 4 juillet 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du ______ 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge de Madame A______ et Monsieur B______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Sophie CORNIOLEY BERGER
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
| La greffière |