Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/890/2024 du 09.09.2024 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT
ATTAQUE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 9 septembre 2024
|
dans la cause
Madame A______
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS
1. Le présent litige concerne l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2021 et plus spécifiquement la déduction de frais de garde.
2. Madame A______ (ci-après : la contribuable ou la recourante) est la mère de l'enfant B______, né le ______ 2013.
3. Les parents de la contribuable, Madame C______, née le ______ 1948, et Monsieur D______, né le ______ 1945, tous deux au bénéfice d'un permis B, sont domiciliés dans un logement, sis ______[GE], à Genève propriété de la contribuable.
4. Dans sa déclaration fiscale, déposée le 1er avril 2022, la contribuable a fait valoir la déduction de frais de garde pour son fils à hauteur de CHF 25’048.- en ICC et
CHF 10'100.- en IFD, ainsi que l'octroi de deux charges de famille pour proches nécessiteux, l'une pour sa mère et l'autre pour son père - précisant leur avoir versé CHF 14'000.- à chacun et que leur revenus 2021 s’élevaient à respectivement
CHF 9'049.- et CHF 3'989.-, et une charge de famille pour son enfant mineur. Elle a joint à sa déclaration un tableau récapitulatifs ainsi que :
- un contrat pour la garde d'enfant signé avec ses parents le 1er septembre 2020, dans lequel ces derniers s'engageaient à garder son fils pendant la pause de midi et à la sortie de l'école ainsi qu'à le surveiller pour ses devoirs et l'accompagner en promenade ou à ses activités extra-scolaires, en échange de quoi, elle s'engageait à leur verser une indemnisation à hauteur de
CHF 1'250.- par mois et par personne ;
- des relevés bancaires UBS couvrant l'année 2021 de Mme C______ faisant état de six versements de CHF 2’500.- pour la garde d'enfant de janvier à décembre 2021 ainsi que quatre versements de CHF 3'500.-, en tant qu'« aide financière 2016 », en sa faveur de la part de la contribuable ;
- des relevés bancaire UBS couvrant l'année 2021 de M. A______ faisant état de six versements de CHF 2'500,- pour la garde d'enfant de janvier à décembre 2021 ainsi que six versements de CHF 3'500.- en tant qu'« aide financière 2016 », en sa faveur de la part de la contribuable ;
- des factures du centre aéré « E______ » pour une prise en charge de l'enfant, pendant les vacances de Pâques, deux semaines en juillet et une semaine en octobre 2021 ;
- une facture du Groupement intercommunal pour l'animation parascolaire
(ci-après : GIAP) relative à des présences de l'enfant du 30 août 2021 au 31 décembre 2021 ;
- une facture du centre aéré de la maison de quartier de F______ pour une prise en charge de l'enfant deux semaines au mois d'août 2021 ;
- une facture pour un stage de Taekwondo d'une semaine au mois de juillet 2021 ;
- une facture pour un camp de break dance d'une semaine au mois de juillet 2021 ;
- des factures de l'Ecole suisse de ski de Genève pour des cours collectifs des dimanches en janvier, février et en mars et la première semaine du mois de janvier 2021.
5. Par demande de renseignements du 18 octobre 2022, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a invité Mme A______ à lui transmettre le certificat de salaire 2021 remis à ses parents pour la garde de l'enfant ainsi que la copie de tous les mouvements bancaires de son compte UBS n° 1______ d'ici au 18 novembre 2022.
6. Par réponse du 14 novembre 2022, la contribuable a indiqué qu'elle n'établissait pas de certificat de salaire pour ses parents car il s'agissait d'une « indemnité des frais de garde » et non d'un salaire proprement dit. Les indemnités versées ne dépassaient pas la franchise mensuelle de CHF 1'000.- pour les cotisations AVS/AI/APG. Leur montant avait été déclaré sous la rubrique « Autres revenus » (n° 16.64) de la déclaration fiscale 2021 de ses parents dont elle transmettait une copie. Elle a également transmis les autres documents demandés.
7. Par avis de taxation et bordereaux datés du 11 janvier 2023, l'AFC-GE a fixé l'ICC 2021 de la contribuable à CHF 24'623.50 sur la base d'un revenu imposable de CHF 124'240.- et d'une fortune de CHF 222'061.-. Calculé sur un revenu imposable de CHF 142'978.-, l'IFD 2021 s'élevait quant à lui à CHF 4'911.-. Elle a refusé les frais de garde effectifs en ICC, et ne les a admis qu'à hauteur de CHF 1'429.- en IFD. Seuls les frais du centre aéré (CHF 140.-, CHF 350, CHF 400.- et CHF 175.-) et du parascolaire (CHF 364.-) ont été admis en déduction.
8. Par courrier daté du 13 février 2023, la contribuable a élevé réclamation à l'encontre de ces bordereaux, concluant à leur annulation, à la déductibilité des frais de garde versés à ses parents, à l’octroi de deux charges de famille pour ces derniers et à l'octroi d’une réduction de CHF 251.- par personne à charge, liée au barème parental.
9. Par décisions du 27 septembre 2023, l'AFC-GE a émis des bordereaux rectificatifs, admettant à titre de charges de famille une déduction de CHF 39'000.- en ICC et de CHF 19'500.- en IFD, tout en supprimant les frais de garde admis jusqu'alors, la déduction pour charge de famille étant plus favorable. Au surplus, la taxation était maintenue.
La garde des enfants par les grands-parents relevait des obligations familiales et les heures consacrées ne pouvaient pas être accordées en déduction à ce titre. De plus, les frais de garde devaient coïncider avec la rémunération d'une activité professionnelle.
10. Par acte du 3 novembre 2023, la contribuable a recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à l'annulation des bordereaux ICC et IFD du 27 septembre 2023, à ce que les indemnisations versées à ses parents pour la garde de son fils soient considérées comme des frais de garde déductibles et à l'émission par l'AFC-GE de nouveaux bordereaux tenant compte de ces déductions à hauteur des plafonds légaux.
Le 1er septembre 2020, elle avait signé avec ses parents un contrat de garde concernant son fils B______. Selon ce contrat, elle s'était engagée à les indemniser à hauteur de CHF 1'250.- par mois et par personne. Ses parents récupéraient son fils après l'école, le surveillaient dans la réalisation de ses devoirs, l'emmenaient aux activités extra-scolaires, etc. Pour l'année 2021, le montant total, s'élevant à CHF 30'000.-, avait été limité à CHF 25'048.- dans la déclaration 2021 pour l'ICC et à CHF 10'100.- pour l'IFD. Étant mère célibataire, la garde de son fils par ses parents était essentielle pour pouvoir maintenir son taux d'occupation actuel de 100 %.
Subsidiairement, elle a fait valoir que le Conseil fédéral, en réponse à une motion du 2 octobre 2020 acceptée par le Conseil National, avait indiqué que la commission d'experts estimait que « la déduction des frais prouvés de garde des enfants serait également autorisée, dans les limites fixées, lorsque l'enfant n'est pas confié à une institution officielle, mais est gardé à la maison […] par une tierce personne (parents de jour, grands-parents, etc.) ». Ce postulat soutenait ses arguments et contestait le raisonnement de l'AFC-GE selon lequel « la garde des enfants par les grands-parents relève des obligations familiales et les heures y relatives consacrées ne peuvent pas être accordées en déduction à ce titre ».
Elle a joint à son recours, notamment, l'avis de taxation 2021 de ses parents ainsi que le contrat de garde.
11. Dans sa réponse du 12 décembre 2023, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.
Lorsqu'un membre de la parenté (c'est-à-dire le plus souvent les grands-parents) gardait un enfant à titre gracieux, les père et mère de ce dernier ne s'acquittaient pas de frais supplémentaires justifiant un allégement fiscal, et le membre de la parenté s'occupant de l'enfant ne réalisait pas un revenu imposable (cf. Message concernant l'initiative populaire sur des déductions fiscales aussi pour les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants, FF 2012 6711, 6718). En revanche, des frais de garde pouvaient être portés en déduction aux conditions de l'art. 33 al. 3 LIFD lorsque l'encadrement d'enfants était confié, contre rétribution, à des membres de la parenté (p. ex. aux grands-parents); ces derniers devaient déclarer leur rémunération (Message sur le dégrèvement des familles, FF 2009 4237, 4272), dans la mesure où ce montant ne les dédommageait pas seulement de frais causés par les enfants
(cf. Message concernant l'initiative populaire sur des déductions fiscales aussi pour les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants, FF 2012 6711, 6718). Cette fonction de garde devait aller au-delà de ce que les grands-parents consacraient habituellement à cette tâche dans le cadre de leurs obligations familiales. Cela impliquait que l'encadrement soit régulier et ne se limite pas à des prises en charge spontanées, plus ou moins décidées par les grands-parents eux-mêmes et sans horaire fixe (Christine JAQUES, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, p. 780 n. 140 ad art. 33 LIFD).
Or, elle constatait que, dans le cas d'espèce, une déduction pour des frais investis était manifestement infondée. Elle ne saurait, dans tous les cas, pas être justifiée par le schéma mis en place par la recourante pour tenter de démontrer que ses parents auraient réalisé un revenu imposable, à ce titre. En effet, s'il ressortait des pièces versées par la recourante que des montants réguliers avaient bien été versés, dans un premier temps, sur chacun des comptes bancaires des grands-parents, pour un montant total de CHF 58'000.- force était de constater que d'autres pièces démontraient que, dans un second temps, ces montants avaient été retirés et reversés sur le compte bancaire de la recourante, à hauteur de CHF 52'438.60. Ces mouvements bancaires circulaires avaient de surcroît été justifiés de manière détaillée par la recourante elle-même à l'aide de pièces qu'elle avait versées à la procédure. L'on ne pouvait dès lors pas retenir que la recourante se serait acquittée de frais de garde justifiant un allégement fiscal, ni que les grands-parents auraient réalisé un revenu imposable. La recourante indiquait d'ailleurs expressément qu'elle n'avait pas versé de « salaire à proprement dit », ni délivré de certificat de salaire. Elle n'avait au demeurant pas retenu, dans les taxations 2021 des grands-parents, que le montant de CHF 30'000.- constituait un revenu imposable, bien qu'il eût été déclaré comme tel dans leur déclaration fiscale 2021. Force était par ailleurs de constater que l'enfant n'avait pas été pris en charge uniquement par ses grands-parents. En effet, il ressortait des pièces de la procédure, une prise en charge par divers organismes (GIAP, centres aérés, camps et stages à thème) respectivement entre les 30 août et 31 décembre 2021, durant six semaines en été et pendant les vacances de Pâques et d'octobre. En comparaison avec les tarifs mensuels appliqués par le GIAP pour un même temps de garde à midi et après l'école, l'indemnisation de CHF 30'000.- prévue par le contrat du 1er septembre 2020, questionnait et paraissait disproportionnée.
12. Dans sa réplique du 9 janvier 2024, la recourante a persisté intégralement dans ses conclusions.
La déduction des indemnités pour frais de garde versés à ses parents avait été acceptée en 2020 sans interrogations supplémentaires. Ces dépenses correspondaient à la définition légale des frais de garde déductibles. La prise en charge de son fils par ses grands-parents était régulière et se déroulait selon un horaire fixe : il était récupéré à l'école, accompagné aux activités extra-scolaires ou chez eux pour faire ses devoirs. Les noms de ses parents figuraient sur les listes des personnes autorisées à récupérer son fils après l'école et après les activités para et extra-scolaires. Elle avait déjà expliqué à l'AFC-GE, tant dans ses précédentes correspondances que lors de la réunion du 25 septembre 2023, que le schéma de versement mis en place pour indemniser ses parents (comprenant des montants reversés sur son compte bancaire) était nécessaire car ces derniers ne maîtrisaient pas l'utilisation du e-banking, ce qui la contraignait à effectuer des paiements en leur nom. De plus, elle avait fourni une réconciliation globale pour prouver que les sommes versées pour leur compte dépassaient largement l'aide financière et l'indemnité des frais de garde. La remarque de l'AFC-GE selon laquelle la non prise en compte de l'indemnisation des frais de garde dans le revenu imposable 2021 de ses parents signifiait que cette indemnisation n'était pas considérée comme un revenu, et que par conséquent, la déduction des frais de garde était infondée, était dénuée de sens. Lorsque l'encadrement d'enfant était confié, contre rétribution, à des membres de la parenté (par exemple, les grands-parents) ces derniers devaient déclarer leur rémunération. Le Message du Conseil fédéral ne mentionnait pas l'imposition de ces revenus déclarés comme un critère pour la reconnaissance des frais de garde.
Enfin, la comparaison faite par l'AFC-GE entre l'indemnisation des frais de garde et le tarif du GIAP n'était pas fondée. Un simple calcul démontrait que les 24 heures de garde hebdomadaire assurées par ses parents (4 heures par jour du lundi au samedi de 16h à 20h, ainsi que 8 heures le mercredi de 12h à 20h) sur 39 semaines scolaires équivalait à CHF 32.- par heure pour ses deux parents (CHF 30'000.-/24 heures/39 semaines). Ce tarif était très proche du salaire minimum de CHF 24,13 par heure pour l'année 2021. De plus, ce calcul ne prenait pas en compte les heures supplémentaires que ses parents consacraient à accompagner son fils aux activités pendant les vacances scolaires. Les frais du GIAP couvraient uniquement la prise en charge de son fils à midi.
13. Dans sa duplique du 31 janvier 2024, l'autorité intimée a persisté intégralement dans ses conclusions. En raison du principe d'étanchéité des périodes fiscales elle n'était pas liée par une taxation antérieure à l'année fiscale litigieuse. Le grief portant sur le fait que la déduction avait été admise l'année 2020 tombait donc en faux.
14. Par courrier du 30 mai 2024, le tribunal a invité la recourante à lui communiquer sa détermination sur le fait que ce dernier pourrait rectifier sa taxation 2021 en sa défaveur, en ce sens que les deux charges de famille accordées pour ses parents pourraient être réduites ou supprimées, en lien avec les montants versés à titre de frais de garde.
15. Le 7 juin 2024, la recourante a indiqué au tribunal avoir compris que l’admission des frais de garde litigieux pourrait avoir pour conséquence une réduction des déductions accordées à titre de charges de famille pour ses parents, mais qu’elle souhaitait néanmoins obtenir un jugement concernant ces frais.
1. Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.
3. Le litige porte sur la question de savoir si la somme de CHF 30'000.- que la recourante a versée à ses parents en 2021 est déductible à titre de frais de garde.
4. À teneur des art. 34 let. a LIFD et 38 let. a de la loi genevoise sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), ne peuvent être déduits du revenu imposable notamment les frais d'entretien du contribuable et de sa famille, y compris les dépenses privées résultant de sa situation professionnelle.
5. Selon l'art. 33 al. 3 LIFD, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 1er janvier 2023, un montant de CHF 10'100.- au plus par enfant dont la garde est assurée par un tiers est déduit du revenu si l'enfant a moins de 14 ans et vit dans le même ménage que le contribuable assurant son entretien et si les frais de garde documentés ont un lien de causalité direct avec l'activité lucrative, la formation ou l'incapacité de gain du contribuable.
6. L'art. 9 al. 2 let. m de la loi sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) oblige les cantons à introduire une déduction similaire tout en restant libres de fixer le plafond de la déduction (art. 72l LHID ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 2012, p. 187-188 n. 336). Il s'ensuit que, conformément au principe d'harmonisation verticale, la jurisprudence et la doctrine développées en droit fédéral sont également applicables en droit cantonal.
7. A Genève, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 1er janvier 2023, l'art. 35 LIPP prévoyait qu'un montant de CHF 25'000.- au plus par enfant dont la garde est assurée par un tiers est déduit du revenu si l'enfant a moins de 14 ans et vit dans le même ménage que le contribuable assurant son entretien et si les frais de garde, documentés, ont un lien de causalité direct avec l'activité lucrative, la formation ou l'incapacité de gain du contribuable.
8. Selon l'art. 8 du règlement relatif à la compensation des effets de la progression à froid du 14 octobre 2020 (RCEPF - D 3 08.05), ce montant était fixé à CHF 25'048.- pour l'année fiscale 2021.
9. Selon les travaux préparatoires de l’art. 33 al. 3 LIFD (cf. Message sur la loi fédérale sur le dégrèvement des familles avec enfants, in FF 2009 p. 4237 ; ci-après : Message), dont la teneur (à l'exception du montant retenu) est similaire à celle de l’art. 35 LIPP, la mise en place d’une déduction pour la garde des enfants était destinée à respecter l’impératif constitutionnel d’imposition selon la capacité économique, qui soit équitable tant pour les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants que pour ceux qui les font garder par des tiers. Même s’il ne s’agissait pas de frais directement liés à une activité lucrative, ils constituaient une condition à son exercice hors du ménage. Il s’agissait de dépenses typiques qui dépendaient surtout de la situation personnelle du contribuable et de frais fixes qui n’étaient pas liés à une activité lucrative exercée dans un lieu déterminé. Il y avait lieu de concevoir dans la LIFD la déduction des frais effectifs de la garde des enfants par des tiers, considérée comme une déduction anorganique (c'est-à-dire non liés à l'acquisition du revenu) plafonnée à un montant déterminé. Il s’agissait d’une déduction accordée pour des dépenses particulières qui constituaient une consommation du revenu, mais qui étaient prises en compte fiscalement dans une certaine mesure, pour des raisons extra-fiscales. Les frais déterminants étaient les frais effectifs engagés pendant la période fiscale jusqu’à concurrence du plafond fixé par le législateur (cf. Message, p. 4257 ; ATA/265/2016 du 22 mars 2016 consid. 3).
10. Le Tribunal fédéral s'est prononcé en faveur d'une interprétation restrictive des déductions anorganiques, pour des motifs de systématique fiscale, car il s'agit d'une exception au principe selon lequel les frais d'entretien (utilisation du revenu) ne sont pas déductibles (Christine JAQUES, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, p. 781 n. 145 ad art. 33 LIFD).
11. Le 21 décembre 2010, l’administration fédérale des contributions a adopté la circulaire n° 30 relative à l’imposition des époux et de la famille selon la LIFD (ci-après : la circulaire), à teneur de laquelle le contribuable peut demander la déduction des frais de garde des enfants uniquement s’il ne peut l’exercer et que cet empêchement est en lien de causalité directe avec l’activité lucrative, la formation ou l’incapacité de gain. Pour les parents séparés, divorcés ou non mariés, c’est en principe le parent qui vit avec l’enfant et qui est empêché de le garder parce qu’il exerce une activité lucrative, est frappé d’une incapacité de gain ou suit une formation, qui peut demander la déduction. Sont déduits de la base de calcul commune de l’impôt les frais prouvés de garde des enfants par des tiers, jusqu’à concurrence du montant maximum de la déduction (ch. 8.4.2).
Seuls peuvent être déduits les frais engendrés exclusivement par la garde des enfants pendant la durée effective du travail, les frais de garde par des tiers en dehors du temps de travail ou du temps de formation des parents ne sont pas déductibles, car il s’agit de dépenses assimilées à des frais liés au train de vie. Sont par exemple déductibles à titre de frais de garde des enfants par des tiers, les indemnités journalières de nourriture ou d’autres frais d’entretien compris dans les frais de garde, des organisations publiques ou privées comme les crèches ou les garderies et la rémunération des personnes dont la profession principale ou accessoire est de garder des enfants, comme les mamans de jour et les familles d’accueil. En revanche, les frais de nourriture ou d’autres frais d’entretien compris dans les frais de garde sont des frais afférant au train de vie qui ne sont pas déductibles. Il s’agit en effet de frais devant être engagés même si l’enfant n’est pas gardé par des tiers (ch. 8.5 de la circulaire).
12. Lorsqu'une aide-ménagère est engagée et qu'elle s'occupe aussi des enfants pendant que les parents exercent une activité lucrative, seule la partie des frais relative aux frais de garde des enfants par des tiers peut être déduite, étant donné que les autres dépenses pour les travaux domestiques ne constituent pas des frais d'entretien déductibles (ch. 8.5 de la circulaire). Il a été reconnu qu'une personne pouvait garder deux enfants en même temps sans rémunération supplémentaire (ATA/265/2016 consid. 10).
13. Les frais de garde des enfants par des tiers peuvent également être portés en déduction lorsque la garde des enfants est assurée moyennant rémunération par des membres de la famille, par exemple les grands-parents. De leur côté, ces derniers doivent alors déclarer le même montant à titre de revenu, dans la mesure où ce montant ne dédommage pas seulement des frais causés par les enfants (cf. Message concernant l'initiative populaire sur des déductions fiscales aussi pour les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants, FF 2012 6711, 6718).
14. De façon générale, en matière fiscale, il appartient à l’autorité de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; 2C_319/2014 du 9 septembre 2014 consid. 2.2 ; ATA/234/2015 du 3 mars 2015 ; ATA/112/2015 du 27 janvier 2015). Ces règles s’appliquent également à la procédure devant les autorités de recours en matière fiscale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_986/2013 du 15 septembre 2014 consid. 5.1.4 ; 2C_514/2009 du 25 mars 2010 ; 2C_47/2009 du 26 mai 2009 consid. 5.4 ; ATA/332/2016 du 19 avril 2016 consid. 5b).
En matière de frais de garde des enfants par des tiers, plus particulièrement, la preuve du droit à la déduction y relative, incombe au contribuable. Celui-ci doit en principe joindre à sa déclaration d’impôts une liste des frais, des personnes ou des institutions qui ont assuré la garde des enfants. La déduction ne peut pas être accordée si les frais concernés ne sont pas entièrement prouvés par, notamment, des quittances, factures ou certificats de salaire, voire par d’autres justificatifs pertinents (ch. 8.6 de la circulaire).
15. Aux termes de l’art. 35 al. 1 let. b LIFD, dans sa teneur pour l’année fiscale en cause, sont déduits du revenu CHF 6'500.- pour chaque personne totalement ou partiellement incapable d’exercer une activité lucrative, à l’entretien de laquelle le contribuable pourvoit, à condition que son aide atteigne au moins le montant de la déduction.
16. Au niveau cantonal, l’art. 39 al. 1 let. a LIPP prévoit que sont déduits du revenu net annuel CHF 13'000.- pour chaque charge de famille entière ou CHF 6'500.- pour chaque demi-charge de famille.
17. Selon l’art. 39 al. 2 let. c LIPP, constituent des charges de famille des proches incapables de subvenir entièrement à leurs besoins, à savoir « les ascendants et descendants, frères, sœurs, oncles, tantes, neveux et nièces, incapables de subvenir entièrement à leurs besoins, qui, pour l’année fiscale 2021, n’ont pas une fortune supérieure à CHF 88'776.- ni un revenu annuel supérieur à CHF 15'557.- (charge entière) ou à CHF 23'335.- (demi-charge), pour celui de leur proche qui pourvoit à leur entretien. La déduction est toutefois limitée aux dépenses effectivement encourues mais au maximum aux montants figurant à l’al. 1 ».
18. À teneur de l’art. 24 al. 1 du règlement d'application de la LIPP du 13 janvier 2010 (RIPP - D 3 08.1), le revenu au sens de l’art. 39 al. 2 let. b et c LIPP s’entend de l’ensemble des revenus bruts, prestations et avantages, qu’ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature, exonérés ou non, et quelle qu’en soit l’origine, dont bénéficie la personne considérée. Par ailleurs, dans sa jurisprudence, la chambre administrative se réfère au revenu brut du proche dans le besoin lors de l’examen des conditions pour reconnaître une charge de famille.
19. Pour le cas où, comme en l'espèce, la contribuable aide un couple marié vivant en ménage commun, les montants de revenus et de fortune à prendre en considération doivent pris en compte globalement pour déterminer les charges dont elle peut bénéficier (cf. ATA/631/2021 consid 6a.).
20. La notion de « proches incapables de subvenir entièrement à leurs besoins » doit être interprétée de manière stricte : le proche à charge doit faire partie des membres de la famille énoncés à l’art. 39 al. 2 let. c LIPP et il ne doit pas être capable, en raison de son âge ou d’une déficience qui lui est propre, de gagner sa vie, d’occuper un emploi rémunéré ou d’avoir une activité produisant un gain supérieur aux minima légaux. Cette interprétation respecte l’exigence de stabilité voulue par le législateur : elle limite les déductions accordées aux contribuables à des situations bien précises en ne prenant en compte que les particularités propres aux personnes en situation de besoin. Ce faisant, elle évite la survenance de situations arbitraires et choquantes du fait des subtilités de la loi fiscale (ATA/604/2023 du 6 juin 2023 consid. 5.2).
L’incapacité (financière) de subvenir seul à ses besoins est une condition impérative de la déduction. Une personne est dans le besoin lorsque, pour des motifs objectifs, elle n’est durablement pas en mesure de subvenir seule à son entretien et dépend dès lors de l’aide de tiers. En revanche, la personne soutenue qui renonce, librement et sans motif impératif, à l’obtention d’un revenu suffisant n’est pas dans le besoin. Il existe une incapacité totale ou partielle d’exercer une activité lucrative lorsque, indépendamment de sa volonté, il est impossible à une personne, ou il ne lui est possible que de manière limitée, d’exercer une activité lucrative, et qu’une situation d’indigence en résulte ou, autrement dit lorsque, eu égard à sa santé physique ou psychique ou à d’autres motifs, elle n’est objectivement pas, plus ou plus entièrement à même de travailler et de subvenir seule à ses besoins. Pour évaluer ses revenus, il faut prendre en considération, outre le produit de son activité lucrative, toutes les autres sources de revenu dont elle dispose, y compris les revenus exonérés, tels que les prestations complémentaires AVS/AI. L’incapacité de subvenir seul à ses besoins s’évalue selon des critères objectifs et non d’après les besoins subjectifs du bénéficiaire des prestations. Le seuil au-dessous duquel l’indigence existe doit donc être concrétisé. S’agissant d’une déduction sociale qui tient compte schématiquement de la situation familiale et des charges du contribuable, il se justifie de définir l’incapacité de subvenir seul à ses besoins au moyen de critères aisément vérifiables. Si la Confédération n’a pas édicté de directives en la matière, la pratique cantonale fixe généralement des limites de revenu et de fortune au-dessous desquelles une incapacité financière de subvenir seul à ses besoins peut être considérée comme établie (Christine JAQUES, op. cit., n. 38 à 40).
21. La procédure administrative est régie par le principe de la libre appréciation des preuves, en ce sens qu'elle n'obéit pas à des règles de preuve légales prescrivant à quelles conditions l'autorité devrait admettre que la preuve a abouti et quelle valeur probante elle devrait reconnaître aux différents moyens de preuve les uns par rapport aux autres (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral C-2500/2012 du 3 mai 2013 consid. 4.2). Le principe de la libre appréciation des preuves signifie ainsi que le juge forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, dont ni le genre, ni le nombre n’est déterminant, mais uniquement leur force de persuasion (cf. art. 20 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 - cum art. 2 al. 2 LPFisc ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/1064/2015 du 6 octobre 2015 ; ATA/769/2015 du 28 juillet 2015), aucun moyen de preuve ne s'imposant à lui (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_564/2013 du 22 avril 2014 consid. 2.3).
22. En l’espèce, au vu des éléments figurant au dossier, il faut admettre que la recourante a établi le lien de causalité direct de frais de garde avec son activité lucrative, au sens des art. 33 al. 3 LIFD et 35 LIPP. C’est en effet en raison de l’exercice de cette activité qu’elle a dû confier la garde de son enfant à un tiers. Le fait que ce tiers soit l’un de ses parents ne saurait avoir la conséquence que lui donne l’AFC-GE au vu du type de garde mis en place, qui va bien au-delà de ce que des grands-parents consacrent habituellement à cette tâche dans le cadre de leurs obligations familiales. Ces frais sont ainsi justifiés dans leur principe. Tel n’est toutefois pas le cas de leur quotité. En effet, le montant de CHF 30'000.- versé à ce titre correspond à l’activité de deux personnes. Or, la nécessité que la garde du fils de la recourante, âgé en 2021 de 8 ans, soit assurée simultanément par deux personnes n'est pas démontrée. La recourante n’explique pas, ni a fortiori ne démontre, pourquoi la présence des deux grands parents serait indispensable pour assurer la garde de son enfant. Il faut dès lors en déduire que le choix de la recourante de procéder ainsi relève de la pure convenance personnelle. En conséquence, seuls le frais de garde versés à un grand-parent, soit CHF 15'000.-, doivent être considérés comme tels.
Le grief de la recourante est ainsi admis partiellement.
23. Au vu de cette solution, il s’agira encore de déterminer si l’admission des frais de garde précités impacte les charges de famille accordées à la recourante au stade de la réclamation, étant rappelé que dans la procédure de recours, le tribunal a les mêmes compétences que l'AFC-GE dans la procédure de taxation (cf. art. 142 al. 4 LIFD et 50 al. 2 LPFisc) et qu’il peut à nouveau déterminer tous les éléments imposables (cf. art. 143 al. 1 LIFD et 51 al. 1 LPFisc).
A cet égard, il faut constater en premier lieu que, dans la mesure où les parents de la recourante ont effectivement perçu CHF 30'000.- pour leur activité de garde, cette somme doit être prise en considération dans l'analyse de leur qualité de proches nécessiteux. À teneur de l’avis de taxation du 27 juin 2022 les concernant, leur revenu brut s'élevait à CHF 13'870.- en 2021. En y ajoutant CHF 30'000.-, il s'élève donc à CHF 43'870.-.
Ce montant se situe au-dessus de la limite (CHF 23'335.-) posée pour l’octroi d’une demi-charge de famille en ICC. Il en résulte qu’en ICC, la recourante ne peut bénéficier d'aucune charge pour ses parents. De même, compte tenu de leur activité de garde et des revenus en découlant, ces derniers ne peuvent pas être considérés comme proches incapable à subvenir seul à leurs besoins au sens de l’art. 35 al. 1 let. b LIFD et de la jurisprudence citée plus haut. Des charges de famille pour eux sont dès lors exclues également en IFD.
Or, il ressort des bordereaux ICC et IFD 2021 émis sur réclamation, que l'AFC-GE a accordé à la recourante trois charges entières, soit une déduction totale de
CHF 39'000.- en ICC et de CHF 19'500.- en IFD, alors que seule une déduction de CHF 13'000.- en ICC et de CHF 6'500.- en IFD aurait dû lui être accordée, pour son enfant mineur. Ces bordereaux doivent donc être rectifiés, dans cette mesure, en défaveur de la recourante.
24. Enfin, il convient d’observer que, compte tenu de la qualification en tant que revenu - dans le cadre de la présente procédure - des prestations que la recourante a versées à ses parents en 2021 (CHF 30'000.-), le fait que ces derniers lui en aient reversé une partie relève de l’utilisation de leur revenu, laquelle est sans effet sur le plan fiscal. Il apparait au demeurant que la recourante a effectivement réglé des factures concernant ses parents.
25. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis partiellement et le dossier renvoyé à l'AFC-GE pour qu’elle établisse un nouveau bordereau ICC 2021, tenant compte des déductions de CHF 15'000.- (frais de garde) et de CHF 13'000.- (charge de famille pour enfant mineur), et un nouveau bordereau IFD 2021, tenant compte des déductions de CHF 10'100.- (frais de garde) et de CHF 6'500.- (charge de famille pour enfant mineur).
26. En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe dans une très large mesure, est condamnée au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.
27. La recourante ayant agi en personne et ne démontrant pas avoir encouru des frais particuliers pour les besoins de la cause n'a pas droit à une indemnité de procédure (cf. not. ATA/1278/2018 du 27 novembre 2018 consid. 11 ; ATA/759/2018 du 19 juillet 2018).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 3 novembre 2023 par Madame A______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 27 septembre 2023 ;
2. l'admet partiellement ;
3. renvoie le dossier à l'AFC-GE pour l’établissement de nouveaux bordereaux ICC et IFD 2021, dans le sens des considérants ;
4. met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
5. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
6. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Laurence DEMATRAZ et Caroline GOETTE, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Marielle TONOSSI
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |