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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3539/2019

ATA/631/2021 du 15.06.2021 sur JTAPI/862/2020 ( ICCIFD ) , ADMIS

Descripteurs : ASCENDANT;BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS D'ASSISTANCE;CALCUL DE L'IMPOT;CHARGE FISCALE;COMPÉTENCE;CANTON;DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL);DESCENDANT;FAMILLE;IMPÔT;REVENU;REVENU DÉTERMINANT; INTÉRÊT DÉBITEUR; DÉDUCTION SOCIALE(DOUBLE IMP.);DETTE
Normes : LHID.9.al4; LIPP.17; LIPP.28; LIPP.39.al2.letc; RIPP.24.al1
Résumé : La législation genevoise prévoit une déduction sociale pour charge de famille pour des proches incapables de subvenir entièrement à leurs besoins. Une personne est dans le besoin lorsque, pour des motifs objectifs, elle n’est durablement pas en mesure de subvenir seule à son entretien et dépend dès lors de l’aide de tiers. Pour évaluer les revenus du proche aidé, il faut prendre en considération, outre le produit de son activité lucrative, toutes les autres sources de revenu dont il dispose, y compris les revenus exonérés, tels que les prestations complémentaires AVS/AI. Le revenu à prendre en considération pour déterminer si un contribuable a droit à une déduction pour charge de famille correspond par conséquent aux revenus bruts du proche aidé. Par ailleurs, l’incapacité (financière) de subvenir seul à ses besoins est une condition impérative de la déduction. Il existe une incapacité totale ou partielle d’exercer une activité lucrative lorsque, eu égard à sa santé physique ou psychique ou à d’autres motifs, une personne n’est objectivement pas, plus ou plus entièrement à même de travailler et de subvenir seule à ses besoins.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3539/2019-ICCIFD ATA/631/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 juin 2021

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Monsieur A______

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 octobre 2020 (JTAPI/862/2020)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1988, est domicilié à Genève. Ses parents, Monsieur B______et Madame C______, nés respectivement les ______1945 et ______ 1962, sont également domiciliés à Genève.

2) Dans sa déclaration fiscale 2018, M. A______ a sollicité la déduction d’une charge de famille respectivement de CHF 8'181.- pour son père et de CHF 6'018.- en faveur de sa mère.

Son père était retraité, sa mère souffrait d’un état dépressif sévère et se trouvait dans l’incapacité de travailler. Elle était suivie médicalement depuis le 8 octobre 2012, d’après un certificat médical du 21 juin 2018.

3) Par bordereaux du 22 juillet 2019, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé M. A______ à hauteur de CHF 7'962.15 d’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2018 pour un revenu imposable de CHF 53'402.- à un taux de CHF 53'402.- et une fortune de CHF 0.- à un taux de CHF 0.-, et à hauteur de CHF 524.05 d’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2018 pour un revenu imposable de CHF 53'000.- à un taux de CHF 53'000.-.

Aucune charge de famille n’était admise pour l’ICC, le revenu brut des parents de l’intéressé excédant CHF 22'955.-. Une déduction sociale de CHF 6'500.- lui était reconnue pour l’IFD.

4) Le 5 septembre 2019, M. A______ a élevé réclamation auprès de l’AFC-GE contre les bordereaux précités en concluant à ce que ses parents soient considérés comme des charges de famille. L’AFC-GE a, le 12 septembre 2019, déclaré la réclamation irrecevable pour cause de tardiveté.

5) Par acte expédié le 23 septembre 2019, M. A______ a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions sur réclamation en concluant à leur rectification.

6) L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Inscrit à iCorrespondance, l’intéressé avait été informé le 23 juillet 2019 de la notification des bordereaux. En outre, la réclamation aurait dû être rejetée, sur le fond, ses parents ne constituant pas des charges de famille pour lui. Leur revenu annuel brut excédait CHF 22'955.-.

7) Le 6 février 2020, le TAPI a adressé à l’AFC-GE une demande de renseignements portant sur l’utilisation de la messagerie IncaMail.

8) Le 14 mai 2020, l’AFC-GE a renoncé à se prévaloir de la tardiveté de la réclamation de l’intéressé et a souhaité se déterminer sur le fond du litige.

9) Dans sa détermination, elle a à nouveau conclu au rejet du recours.

En 2018, le revenu brut du père de l’intéressé excédait la limite légale pour pouvoir être qualifié de personne incapable de subvenir à ses besoins. Il ne constituait pas une charge de famille pour son fils. En outre, aucun élément ne permettait de retenir l’incapacité de sa mère, âgée de 56 ans en 2018, d’exercer une activité lucrative, en raison d’une déficience propre. L’attestation du 21 juin 2018, mentionnant un état dépressif sévère, était insuffisante.

10) Dans sa réplique, M. A______ a indiqué que ses parents ne parvenaient pas à subvenir seuls à leurs besoins.

Leurs revenus bruts se montaient à CHF 43'716.- et leur revenu net était de CHF 26'130.-, selon leur avis de taxation 2018. L’office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS) versait à son père une rente AVS, une rente complémentaire et des allocations familiales pour enfant aux études. Il convenait de retrancher de la rente de CHF 43'716.- la part de son frère étudiant et la part de son épouse aux allocations de logement (CHF 5'100.-), la rente AVS pour enfant de CHF 8'844.- et les allocations familiales de CHF 4'800.-. Le revenu brut de ses parents s’élevait ainsi seulement à CHF 24'972.-.

Son aide à ses parents était dès lors indispensable et leur permettait de vivre convenablement. Il prenait en charge tous leurs frais médicaux. Le montant de la rente AVS de son père ne suffisait pas à couvrir ses dépenses et ses nombreux ennuis de santé nécessitaient la présence de son épouse. Celle-ci, qui rencontrait également des problèmes de santé, était considérée comme une proche aidant son époux dans son quotidien.

11) Par jugement du 12 octobre 2020, le TAPI a admis partiellement le recours.

Pour l’ICC, la capacité économique du proche aidé était déterminante pour savoir s’il pouvait constituer une charge de famille pour un contribuable. L’ensemble du système fiscal suisse, au niveau fédéral et cantonal, se fondait sur l’imposition du revenu global net. Il convenait ainsi de se fonder sur le revenu et la fortune nets, et non sur un revenu brut, pour établir si une personne se trouvait dans le besoin. Les dispositions topiques étaient inscrites dans une loi se fondant sur l’imposition d’un revenu global net.

Les montants des revenus et de la fortune nets devaient être divisés par deux pour un couple aidé vivant en ménage commun. Le père ayant dépassé en 2018 l’âge de la retraite, il ne pouvait pas être exigé de lui d’exercer une activité lucrative. La mère, âgée de 56 ans en 2018, se trouvait, à teneur d’un certificat médical, en incapacité de travailler depuis 2012 en raison d’un état dépressif sévère. Elle devait être considérée comme incapable de subvenir à ses besoins en raison d’une déficience propre. Les parents de l’intéressé disposaient, à teneur de leur avis de taxation 2018, de CHF 26'130.- par an. Le montant déterminant de CHF 13'065.- pour les considérer comme une charge de famille n’excédait pas les limites autorisées. La déduction à laquelle leur fils pouvait prétendre était limitée au montant versé de CHF 14'099.- (CHF 8'181.- + CHF 6'018.-.) dans la mesure où ils ne faisaient pas ménage commun avec lui durant l’année en cause.

Pour l’IFD, l’AFC-GE avait octroyé à l’intéressé une déduction sociale pour son père. En revanche, il l’avait refusée pour sa mère, le montant de CHF 6'018.- versé à celle-ci étant inférieur à celui de la déduction légale de CHF 6'500.-.

12) Par acte expédié le 12 novembre 2020, l’AFC-GE a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité en concluant à son annulation.

Seul le revenu brut des parents de M. A______ devait être pris en compte, aides sociales et allocations familiales comprises, pour déterminer une charge de famille. Le raisonnement du TAPI était erroné. Il excluait du revenu déterminant par exemple des aides sociales exonérées et un rachat de prévoyance important.

Aucun autre document, hormis le certificat médical du 21 juin 2018, la déclarant incapable de travailler depuis 2012, n’attestait de la situation critique de la mère de l’intéressé. Celle-ci avait consulté son médecin traitant une seule fois en 2018. Il se posait ainsi la question de savoir si ses troubles dépressifs l’empêchaient réellement de travailler, du moins partiellement. De plus, le TAPI ne s’était pas interrogé sur le point de savoir pour quelle raison elle n’avait jamais formulé de demande de rente invalidité, voire obtenu celle-ci. Dans un litige fiscal de 2016, son fils l’avait déclarée comme femme au foyer s’occupant de son mari alors malade. La dépression n’avait pas été invoquée à cette date. Pourtant, le certificat médical de 2018 faisait état d’un état dépressif depuis 2012. L’intéressé n’ayant pas apporté la preuve de l’incapacité de sa mère à subvenir à ses besoins en 2018, en raison de son âge ou de déficits physiques ou psychiques propres, sa charge n’aurait pas dû être admise dans le cadre du jugement contesté.

13) M. A______, sans en tirer de conclusion formelle, a indiqué avoir, depuis la taxation 2017, essayé de faire reconnaître son aide financière à ses parents comme déductible. Les frais de prise en charge avaient été acceptés en 2017. En 2018, le TAPI avait reconnu la prise en charge financière de son père. La situation était pourtant identique en 2017 et 2018. Malgré les justificatifs présentés, les proches aidant financièrement ou physiquement avaient de la peine à faire reconnaître leur situation.

14) Après la réplique de l’AFC-GE, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le revenu des parents aidés à prendre en considération afin de déterminer si l’intimé peut se prévaloir d’une charge de famille et sur la capacité de la mère de celui-ci à exercer une activité lucrative, dans le cadre de l’ICC 2018.

3) a. En droit genevois, l’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu’en soit l’origine, avant déductions (art. 17 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08). Le revenu est défini comme l’ensemble des biens économiques recueillis par un contribuable pendant une période déterminée et dont il peut disposer pour couvrir ses besoins personnels (et ceux de son exploitation) sans diminuer sa fortune. Les textes légaux ne contiennent le plus souvent pas de véritable définition de la notion de base du terme revenu. Ils se cantonnent à énoncer que l’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus uniques ou périodiques. Les lois cantonales ont choisi d’inclure une clause générale, accompagnée d’un catalogue d’exemples de types de revenus imposables (Walter RYSER/Bernard ROLLI, Précis de droit fiscal suisse (impôts directs), 4ème éd., 2002, p. 155 et 158).

Après une clause générale, la LIPP donne un catalogue exhaustif d’exonérations. Le revenu englobe toutes les recettes provenant d’une activité, les rendements de fortune mobilière ou immobilière, voire d’autres sources. Le revenu n’est imposable que s’il est réalisé. Il est considéré comme réalisé, lorsque le contribuable reçoit une prestation en espèces ou lorsqu’il acquiert une créance ferme permettant d’exiger cette prestation, créance dont il peut effectivement disposer (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5ème éd., 2021, n. 7 à 14 p. 110 à 113).

b. L’objet de l’impôt sur le revenu est le revenu net. Il se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 29 à 37 LIPP (art. 28 LIPP), soit en réduisant le revenu brut de certaines charges et coûts admis au titre de déductions. Il est en effet jugé plus conforme au principe de la capacité contributive d’admettre la déduction de certaines dépenses du contribuable (Thierry OBRIST, Introduction au droit fiscal suisse, 2ème éd., 2018, n. 155 p. 142).

4) La loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) donne une liste exhaustive des déductions qui sont défalquées de l’ensemble des revenus imposables. Elle réserve des déductions pour enfants et autres déductions sociales de droit cantonal (art. 9 al. 4 LHID). Les cantons ne peuvent pas prévoir d’autres déductions que celles prévues exhaustivement dans la LHID. La loi émet cependant une réserve pour les déductions pour enfants et autres déductions sociales de droit cantonal (Thierry OBRIST, op. cit., n. 155 p. 142). Dans ce cadre, la LHID laisse une liberté totale aux cantons (Xavier OBERSON, op. cit., n. 373 p. 218).

a. L’art. 39 al. 1 LIPP prévoit une déduction pour charges de famille. Constituent des charges de famille les ascendants et descendants (dans les autres cas que ceux visés à l’art. 38 al. 2 let. a et b LIPP), frères, sœurs, oncles, tantes, neveux et nièces, incapables de subvenir entièrement à leurs besoins, qui n’ont pas une fortune supérieure à CHF 87'500.- ni un revenu annuel supérieur à CHF 15'333.- (charge entière) ou à CHF 23'000.- (demi-charge), pour celui de leur proche qui pourvoit à leur entretien (art. 39 al. 2 let. c LIPP dans sa version applicable à l’année fiscale 2018). Dans sa jurisprudence, la chambre administrative a confirmé que le montant de la déduction d'une charge/demi-charge de famille relative à l'ICC était effective et non forfaitaire (ATA/854/2018 du 21 août 2018 ; ATA/808/2018 du 7 août 2018). Le législateur genevois a repris cette jurisprudence dans la teneur de l’art. 39 al. 2 let. c LIPP entrée en vigueur le 1er janvier 2020 (ROLG 2019 304).

La déduction pour personne nécessiteuse permet de tenir compte de la diminution de la capacité contributive du contribuable qui, par obligation juridique (art. 328 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210) ou par devoir moral, entretient un proche (Message du Conseil fédéral du 28 février 2001 sur le train de mesures fiscales 2001, FF 2001 2837, p. 2868 ; Christine JAQUES in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l’impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017, ad. art. 35, n. 35 p. 808).

b. Par déductions sociales, on entend celles qui ne tiennent pas compte des dépenses effectives, mais du statut social du contribuable et de son influence sur sa capacité contributive (ATF 131 I 377 consid. 4.2 = RDAF 2006 II 19 ; Xavier OBERSON, op. cit., n. 283 p. 193 et n. 368 p. 217 ; Thierry OBRIST, op. cit., n. 181 p. 164). Il s’agit, en d’autres termes, d’équilibrer la charge fiscale entre divers groupes de contribuables, selon leur capacité économique. Cela concerne tout d’abord les relations familiales du contribuable et les charges qui en résultent. De ce point de vue, les déductions sociales s’apparentent à une mesure touchant au barème de l’impôt (ATF 131 I 377 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_302/2012 du 27 février 2013 consid. 3.3.3 et les références citées = RDAF 2013 II 175).

c. La notion de « proches incapables de subvenir entièrement à leurs besoins » doit être interprétée de manière stricte : le proche à charge doit faire partie des membres de la famille énoncés à l’art. 39 al. 2 let. c LIPP et il ne doit pas être capable, en raison de son âge ou d’une déficience qui lui est propre, de gagner sa vie, d’occuper un emploi rémunéré ou d’avoir une activité produisant un gain supérieur aux minima légaux. Cette interprétation respecte l’exigence de stabilité voulue par le législateur : elle limite les déductions accordées aux contribuables à des situations bien précises en ne prenant en compte que les particularités propres aux personnes en situation de besoin. Ce faisant, elle évite la survenance de situations arbitraires et choquantes du fait des subtilités de la loi fiscale (ATA/844/2020 du 1er septembre 2020 consid. 6c ; ATA/217/2016 du 8 mars 2016 consid. 8 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_327/2016 du 23 mai 2016 consid. 5 et 6). Ainsi, un obstacle administratif ayant pour effet d’empêcher une personne de trouver un emploi ne permettrait pas de considérer cette personne comme un proche nécessiteux (ATA/240/2015 du 3 mars 2015 consid. 4b ; ATA/350/2012 du 5 juin 2012 consid. 3). En revanche, le besoin d’acquérir une formation restreignant les possibilités de réaliser un gain pour un proche mineur ne devrait pas faire obstacle à l’admission d’une charge ou d’une demi-charge pour le contribuable pourvoyant à l'entretien de celui-ci si ce fait était établi (ATA/240/2015 précité consid. 3).

Il incombe au contribuable d’établir la situation d’indigence de la personne soutenue et d’apporter la preuve des sommes versées pour son entretien pendant la période fiscale concernée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.609/2003 du 27 octobre 2004 consid. 2). Le soutien peut être apporté en espèces ou en nature. Les prestations en nature peuvent consister en particulier à fournir l’hébergement et la nourriture. Ne représentent pas des aides – à défaut de gratuité – les prestations d’entretien (gîte et couvert) accordées à des personnes qui vivent dans le foyer du contribuable et fournissent une contreprestation, en particulier tiennent son ménage (Christine JAQUES, op. cit., n. 41 à 43 p. 810).

L’incapacité (financière) de subvenir seul à ses besoins est une condition impérative de la déduction. Une personne est dans le besoin lorsque, pour des motifs objectifs, elle n’est durablement pas en mesure de subvenir seule à son entretien et dépend dès lors de l’aide de tiers. En revanche, la personne soutenue qui renonce, librement et sans motif impératif, à l’obtention d’un revenu suffisant n’est pas dans le besoin. Il existe une incapacité totale ou partielle d’exercer une activité lucrative lorsque, indépendamment de sa volonté, il est impossible à une personne, ou il ne lui est possible que de manière limitée, d’exercer une activité lucrative, et qu’une situation d’indigence en résulte ou, autrement dit lorsque, eu égard à sa santé physique ou psychique ou à d’autres motifs, elle n’est objectivement pas, plus ou plus entièrement à même de travailler et de subvenir seule à ses besoins. Pour évaluer ses revenus, il faut prendre en considération, outre le produit de son activité lucrative, toutes les autres sources de revenu dont elle dispose, y compris les revenus exonérés, tels que les prestations complémentaires AVS/AI. L’incapacité de subvenir seul à ses besoins s’évalue selon des critères objectifs et non d’après les besoins subjectifs du bénéficiaire des prestations. Le seuil au-dessous duquel l’indigence existe doit donc être concrétisé. S’agissant d’une déduction sociale qui tient compte schématiquement de la situation familiale et des charges du contribuable, il se justifie de définir l’incapacité de subvenir seul à ses besoins au moyen de critères aisément vérifiables. Si la Confédération n’a pas édicté de directives en la matière, la pratique cantonale fixe généralement des limites de revenu et de fortune au-dessous desquelles une incapacité financière de subvenir seul à ses besoins peut être considérée comme établie (Christine JAQUES, op. cit., n. 38 à 40 p. 809-810 et les références citées).

d. Les déductions sociales sont fixées en fonction de la situation du contribuable à la fin de la période fiscale ou de l’assujettissement (art. 65 al. 1 LIPP).

5) Le Conseil d’État édicte les dispositions nécessaires à l’application de la LIPP (art. 68 LIPP).

a. À teneur de l’art. 24 al. 1 du règlement d'application de la LIPP du 13 janvier 2010 (RIPP - D 3 08.1), le revenu au sens de l’art. 39 al. 2 let. b et c LIPP s’entend de l’ensemble des revenus bruts, prestations et avantages, qu’ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature, exonérés ou non, et quelle qu’en soit l’origine, dont bénéficie la personne considérée.

b. Le principe général régissant le domaine de la prévoyance (AVS, AI, LPP et prévoyance individuelle liée et reconnue) est que les contributions sont déductibles, mais que les prestations sont entièrement imposables. Ces restrictions englobent non seulement les rentes, mais aussi les versements en capital et les remboursements des versements de primes et cotisations (Walter RYSER/Bernard ROLLI, op. cit., p. 175).

Le législateur a voulu concrétiser le principe général de la pleine imposition des revenus du premier et deuxième pilier lié à la pleine déductibilité des cotisations. En principe, tous les revenus provenant de l’AVS/AI, de la prévoyance professionnelle ou fournis selon les formes reconnues de prévoyance individuelle liée sont imposables à 100 %. Les rentes sont imposables selon le régime ordinaire avec les autres revenus. Sont toutefois exonérées les prestations complémentaires de l’AVS et l’AI qui sont octroyées lorsque les prestations et le revenu du bénéficiaire ne suffisent pas à couvrir ses besoins vitaux (art. 4 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 - loi sur les prestations complémentaires - LPC, art. 24 let h de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11, art. 7 al. 4 let. k LHID ; Xavier OBERSON, op. cit., n. 242-3 p. 183). Sont aussi exonérées les subsides provenant de fonds publics ou privés (art. 27 let. e LIPP). Il s’agit de prestations versées à des personnes nécessiteuses à titre gratuit par des institutions publiques ou privées dans le but de leur venir en aide. Sont également exonérées les prestations versées en exécution d’une obligation fondée sur le droit de la famille (art. 37 let. f LIPP ; Xavier OBERSON, op. cit., n. 272-275 p. 191).

c. La Commission fiscale chargée d’étudier le projet de loi 10199 a abordé la question de la différence de taxation entre des rentiers disposant d’un même revenu net. Le Conseiller d’État en charge des finances a estimé que le problème dépendait de la manière dont la déduction était fixée. Les résultats étaient différents selon que la base de calcul était le revenu net ou le revenu brut. Pour le Conseiller d’État, c’était un choix qui devait être fait (Rapport du 26 mai 2009 de la Commission fiscale chargée d’étudier le projet de loi 10'199 [ci-après : PL 10199-A], MCG 200-2009/IX A 11564). Le même Conseiller d’État a indiqué, s’agissant des rentiers que leurs revenus nets équivalaient généralement aux revenus bruts (MCG 2008-2009/IX A 11789). Néanmoins, il ne ressort pas des travaux préparatoires cités que la question du revenu déterminant de la personne dans le besoin pour reconnaître une charge de famille ait été discutée.

d. Dans sa jurisprudence, la chambre administrative s’est référée aux revenus bruts d’un enfant dans le besoin, aidé par ses parents, lors de l’examen des conditions pour reconnaître à ces derniers une charge de famille (ATA/844/2020 précité consid. 8a et 13b).

6) a. L’autorité recourante reproche au TAPI d’avoir retenu que le revenu net des parents est déterminant pour reconnaître la charge familiale à l’intimé.

Le père de l’intimé est rentier AVS et perçoit une rente annuelle de CHF 43'716.-. La LHID prévoit que tous les revenus du contribuable sont imposables. La doctrine citée ci-avant reconnaît que tous les revenus provenant de l’AVS/AI, de la prévoyance professionnelle ou fournis selon les formes reconnues de prévoyance individuelle liée sont imposables à 100 %. La LIPP retient aussi que l’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu’en soit l’origine, avant déductions. Elle a confié au Conseil d’État la compétence d’édicter des dispositions d’application. Or, il ne ressort pas des travaux préparatoires de la loi 10'199 que le législateur ait exclu de retenir le revenu brut d’un bénéficiaire d’un entretien pour reconnaître une charge de famille. La doctrine citée estime que pour évaluer les revenus du proche aidé, il faut prendre en considération, outre le produit de son activité lucrative, toutes les autres sources de revenu dont il dispose, y compris les revenus exonérés, tels que les prestations complémentaires AVS/AI. En revanche, le législateur genevois a prévu que la charge de famille est déduite du revenu net du proche qui pourvoit à l’entretien.

Ainsi, l’art. 24 RIPP qui précise l’art. 39 al. 2 let. b et c LIPP en énonçant que le revenu à retenir pour les proches dans le besoin est l’ensemble de leurs revenus bruts n’est pas contraire à la volonté du législateur genevois. Par ailleurs, dans sa jurisprudence, la chambre administrative se réfère au revenu brut du proche dans le besoin lors de l’examen des conditions pour reconnaître une charge de famille.

Le revenu à prendre en considération pour déterminer si l’intimé a droit à une déduction pour charge de famille correspond par conséquent aux revenus bruts de ses parents, soit la rente AVS, la rente complémentaire, les allocations familiales pour enfant aux études versées à son père et les allocations de logement octroyées à sa mère, qui déterminent leur capacité économique. En l’espèce, cette somme se monte à CHF 43'716.-. C’est cette capacité économique des parents aidés qui est pertinente en l’occurrence et non la capacité contributive déterminante pour leur propre imposition basée sur leur revenu net. Les revenus bruts des parents aidés excédant la limite reconnue par le canton en 2018 (soit CHF 23'000.-), aucune charge de famille ne devait être admise en faveur de l’intimé pour l’ICC.

Le grief de l’autorité recourante est dès lors fondé.

b. L’autorité recourante reproche ensuite au TAPI d’avoir retenu que la mère de l’intimé était incapable d’exercer une activité lucrative en raison d’une sévère atteinte à sa santé.

En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; ATA/560/2021 du 25 mai 2021 consid. 7 ; ATA/412/2021 du 13 avril 2021 consid. 4c).

L’intimé a versé à la procédure un certificat médical qui retient que sa mère est incapable de travailler en raison d’une atteinte psychique sévère. Néanmoins, il ressort du dossier qu’il a allégué devant le TAPI que sa mère s’est, durant la période couverte par le certificat médical, de 2012 à 2018, occupée, comme personne aidant, de son époux malade. Sa présence auprès de celui-ci était indispensable en raison des ennuis de santé de ce dernier. Face à ces allégations contradictoires sur la capacité de travail de la mère de l’intimé, l’indication contenue dans le certificat médical, sans plus de précisions, n’est pas suffisante pour démontrer l’incapacité de travail de celle-ci pour raisons médicales au moment de requérir la charge de famille.

La décision du TAPI est dans ce sens contraire au droit. Le grief de l’autorité recourante est ainsi fondé sur ce point.

Les considérants qui précèdent conduisent à l’admission du recours. Le jugement du TAPI sera annulé et les bordereaux du 22 juillet 2019 portant sur l’ICC 2018 rétablis.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 novembre 2020 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 octobre 2020 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement entrepris ;

rétablit les bordereaux du 22 juillet 2019 portant sur l’impôt cantonal et communal 2018 de Monsieur A______ ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à Monsieur A______, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :