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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1802/2024

JTAPI/880/2024 du 09.09.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31; CDE.3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1802/2024

JTAPI/880/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 septembre 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, agissant en leurs noms personnels et en qualité de représentants légaux de leur enfant mineur C______, représentés par Me Andrea VON FLÜE, avocat, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur B______, né le ______ 1988 et sa femme, Madame A______, née le ______ 1993, sont ressortissants du Costa Rica.

Ils ont un fils, C______, né le ______ 2009.

2.             Le 8 août 2023, par l’intermédiaire de la société D______ SA, M. B______ a sollicité la délivrance d’une autorisation de séjour avec activité lucrative auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

3.             Par décision du 23 octobre 2023, l’OCPM a refusé la délivrance d’une autorisation de séjour pour M. B______, sa femme et leur fils, et a prononcé leur renvoi, avec un délai de départ au 23 janvier 2024.

4.             Par acte du 22 novembre 2023, sous la plume de leur conseil, M. B______ et Mme A______, agissant en leur nom et celui de leur fils (ci-après : les recourants), ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à l’octroi d’un titre de séjour fondé sur l’art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

5.             Le 8 janvier 2024, l’OCPM a annulé sa décision et transmis le dossier des recourants en interne au service compétent pour examiner la demande de permis pour cas de rigueur.

Les recourants ont ainsi retiré leur recours et le tribunal a rendu une décision de retrait le 29 janvier 2024 (RTAPI/42/2024).

6.             Le 7 février 2024, l’OCPM a informé les recourants de son intention de refuser de soumettre leur dossier avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) et de prononcer leur renvoi.

Un délai de trente jours leur était octroyé pour lui faire part par écrit de leurs observations et objections éventuelles.

7.             Par courrier du 8 mars 2024, les recourants ont indiqué persister dans leur position s’agissant des difficultés rencontrées dans leur pays d’origine, soit le harcèlement scolaire dont avait fait l’objet leur fils.

Leur intégration était excellente, notamment celle de leur fils parvenu à suivre une scolarité en classe ordinaire et être devenu membre de l’E______ : un retour au Costa Rica représenterait un changement difficile à supporter. Ils étaient par ailleurs financièrement indépendants.

8.             Par décision du 22 avril 2024, l’OCPM a refusé de régulariser les conditions de séjour des recourants et a prononcé leur renvoi de Suisse, avec un délai de départ au 22 juillet 2024.

Ils séjournaient en Suisse depuis 2022 et comptabilisaient ainsi moins de deux ans de présence.

Sans minimiser les répercussions du harcèlement scolaire dont avait fait l’objet C______ dans son pays d’origine, cela ne permettait pas de considérer leur cas comme un cas d’extrême gravité. Ils n’avaient pas démontré une longue durée de séjour en Suisse ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Leur intégration socioculturelle correspondait au mieux au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour.

Ils n’avaient pas démontré qu’une réintégration dans leur pays d’origine aurait de graves conséquences sur leur situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place. La durée relativement courte de leur séjour en Suisse était suffisante pour considérer qu’un retour au Costa Rica pouvait être raisonnablement exigé. La situation scolaire de C______ ne saurait le convaincre du contraire : il leur était loisible et certainement plus aisé de changer d’établissement scolaire que de continent.

S’agissant de la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant conformément à l’art. 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107), il convenait de retenir que C______ était arrivé en 2022 et qu’il était âgé de 14 ans ; bien que scolarisé, il fréquentait une classe d’accueil et de développement et était en bonne santé. Sa réintégration dans son pays d’origine ne devait pas lui poser de problèmes insurmontables.

9.             Par acte du 27 mai 2024, les recourants, sous la plume de leur conseil, ont recouru contre cette décision auprès du tribunal, concluant à son annulation et à la délivrance d’un titre de séjour au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEI.

Leur demande concernait en particulier leur fils C______ à qui ils étaient parvenus à offrir une certaine stabilité, bénéfique pour son épanouissement, ce qui n’avait pas été le cas lorsqu’ils vivaient au Costa Rica ; C______ s’était rapidement intégré en Suisse, parlant aujourd’hui bien le français et se plaisant dans son école. Il avait développé des attaches avec ses camarades et des repères qui lui seraient difficiles aujourd’hui de quitter. C’était donc dans l’intérêt de leur fils qu’ils sollicitaient qu’il soit dérogé aux conditions de séjour usuelles, afin de leur permettre de demeurer en Suisse et de lui offrir une vie meilleure.

Depuis leur arrivée, ils avaient démontré une excellente capacité d’intégration, parvenant à trouver du travail, être indépendants financièrement, sans jamais avoir défavorablement occupé les services de police ni négligé leurs obligations financières. Il n’était aucunement à craindre qu’ils deviennent une charge pour l’assistance publique, étant d’un naturel actif, sérieux et respectueux des institutions. Rien ne permettait de douter que leur intégration se poursuivra aussi bien et rapidement qu’elle avait débuté.

10.         L’OCPM s’est déterminé sur le recours le 15 juillet 2024, proposant son rejet. Il a produit son dossier.

La situation des recourants ne satisfaisait pas aux strictes conditions nécessaires à l’octroi d’un permis humanitaire. L’intégration du couple et celle de leur enfant n’apparaissait pas accrue. Leur parcours personnel et professionnel n’était pas exceptionnel et les relations établies en Suisse n’étaient pas d’une intensité telles qu’elles compromettraient un retour dans leur pays d’origine. Leur situation ne présentait pas un cas de rigueur, d’autant qu’ils étaient arrivés sur le territoire en 2022. C______ avait tout juste commencé son adolescence et le harcèlement dont il aurait été victime dans son pays ne permettait pas encore de parvenir à une autre conclusion.

11.         Invités à répliquer, les recourants n’ont pas transmis d’écritures.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Les recourants sollicitent qu’une autorisation de séjour leur soit octroyée sous l’angle du cas de rigueur, ce que l’OCPM a refusé. Est ainsi litigieuse la question de savoir si l’autorité intimée a, à juste titre, refusé de transmettre le dossier des recourants avec un préavis favorable au SEM et prononcé leur renvoi de Suisse.

6.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Nicaragua (cf. ATA/596/2023 du 6 juin 2023 consid. 2.1).

7.             Les conditions d’entrée d’un étranger en Suisse sont régies par les art. 5 ss LEI.

Les dérogations aux prescriptions générales d’admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l’art. 30 al. 1 LEI. Selon l’art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte d’un cas individuel d’extrême gravité. En vertu de l’art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA.

8.             L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

Le critère de l’intégration du requérant se base sur le respect de la sécurité et de l’ordre public, le respect des valeurs de la Constitution, les compétences linguistiques, la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (art. 58a LEI).

9.             Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/545/2022 du 24 mai 2022 consid. 3e).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4b ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3).

10.         Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du
7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises
(ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).

11.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4).

12.         S’agissant de la condition de la durée totale du séjour, elle constitue un critère important de reconnaissance d’un cas de rigueur. Il importe cependant de rappeler que selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d’admettre un cas personnel d’une extrême gravité. Il s’agit d’un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e). En outre, la durée d’un séjour illégal, ainsi qu’un séjour précaire ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 9.1 et les références citées ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4f). Par durée assez longue, on entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017).

13.         En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ; F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3).

L’intégration socio-culturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ;
C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ;
C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

14.         Lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, elle y reste encore attachée dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

15.         Il doit également être tenu compte de l’art. 3 par. 1 CDE qui impose d’accorder une importance primordiale à l’intérêt supérieur de l’enfant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2012 du 13 février 2013 consid. 4.3). Les dispositions de la CDE ne font toutefois pas de l’intérêt de l’enfant un critère exclusif, mais un élément d’appréciation, dont l’autorité doit tenir compte lorsqu’il s’agit de mettre en balance les différents intérêts en présence, étant relevé que les dispositions de cette convention ne confèrent aucune prétention directe à l’octroi d’une autorisation de séjour (ATF 139 I 315 consid. 2.4).

Les enfants mineurs partagent, du point de vue du droit des étrangers, le sort des parents qui en ont la garde (arrêts du Tribunal fédéral 2C_529/2020 du 6 octobre 2020 consid. 5.3 ; 2C_257/2020 du 18 mai 2020 consid. 6.1). Afin de tenir compte de la situation spécifique des familles, une présence de cinq ans en Suisse doit être retenue comme valeur indicative (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 – état au 1er avril 2024 [ci-après : directives LEI], ch. 5.6.10.4). Comme pour les adultes, il y a lieu de tenir compte des effets qu’entraînerait pour les enfants un retour forcé dans leur pays d’origine. Il faut prendre en considération qu’un tel renvoi pourrait selon les circonstances équivaloir à un véritable déracinement, constitutif d’un cas personnel d’extrême gravité. Pour déterminer si tel serait le cas, il faut examiner plusieurs critères. La situation des membres de la famille ne doit pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global (ATF 123 II 125 consid. 4a ; ATA/434/2020 du 30 avril 2020 consid. 10a).

D’une manière générale, lorsqu’un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d’origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêts du TAF F-3493/2017 du 12 septembre 2019 consid. 7.7.1 ; C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l’intégration au milieu suisse s’accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l’âge de l’enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l’état d’avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter, dans le pays d’origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l’école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L’adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b). Sous l’angle du cas de rigueur, le Tribunal fédéral a considéré que cette pratique différenciée réalisait la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, telle qu’elle est prescrite par l’art. 3 par. 1 CDE (arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1 ; cf. aussi ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 7).

16.         Dans un arrêt de principe (ATF 123 II 125), le Tribunal fédéral a mentionné plusieurs exemples de cas de rigueur en lien avec des adolescents. Ainsi, le cas de rigueur n’a pas été admis, compte tenu de toutes les circonstances, pour une famille qui comptait notamment deux adolescents de 16 et 14 ans arrivés en Suisse à, respectivement, 13 et 10 ans, et qui fréquentaient des classes d’accueil et de développement (arrêt non publié Mobulu du 17 juillet 1995 consid. 5). Le Tribunal fédéral a précisé dans ce cas qu’il fallait que la scolarité ait revêtu une certaine durée, ait atteint un certain niveau et se soit soldée par un résultat positif (ATF 123 II 125 consid. 4b). Le Tribunal fédéral a admis l’exemption des mesures de limitation d’une famille dont les parents étaient remarquablement bien intégrés ; venu en Suisse à 12 ans, le fils aîné de 16 ans avait, après des difficultés initiales, surmonté les obstacles linguistiques, s’était bien adapté au système scolaire suisse et avait achevé la neuvième primaire ; arrivée en Suisse à 8 ans, la fille cadette de 12 ans s’était ajustée pour le mieux au système scolaire suisse et n’aurait pu se réadapter que difficilement à la vie quotidienne scolaire de son pays d’origine (arrêt non publié Songur du 28 novembre 1995 consid. 4c, 5d et 5e). De même, le Tribunal fédéral a admis que se trouvait dans un cas d’extrême gravité, compte tenu notamment des efforts d’intégration réalisés, une famille comprenant des adolescents de 17, 16 et 14 ans arrivés en Suisse cinq ans auparavant, scolarisés depuis quatre ans et socialement bien adaptés (arrêt Tekle du 21 novembre 1995 consid. 5b ; arrêt non publié Ndombele du 31 mars 1994 consid. 2, admettant un cas de rigueur pour une jeune femme de près de 21 ans, entrée en Suisse à 15 ans).

Dans le cas d’une famille avec deux enfants dont l’aîné était âgé de 13 ans, le Tribunal fédéral a estimé que l’âge de l’aîné et l’avancement relatif de son parcours scolaire étaient des éléments de nature à compliquer sa réintégration dans son pays d’origine mais qu’ils n’étaient pas suffisants, à eux seuls, pour faire obstacle au renvoi de la famille. Il était établi que l’enfant parlait parfaitement l’espagnol et qu’il n’avait pas encore terminé sa scolarité obligatoire ; la poursuite de celle-ci dans son pays d’origine devrait donc pouvoir se faire dans des conditions satisfaisantes. À cet égard, il a considéré que sa situation n’était pas comparable à celle d’un jeune qui aurait entrepris des études ou une formation professionnelle initiale en Suisse, par exemple un apprentissage, qu’il ne pourrait pas mener à terme dans son pays d’origine » (arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4). On ne saurait toutefois en déduire, sous peine de vider de son sens l’arrêt de principe cité ci-dessus, que seuls les mineurs ayant déjà terminé leur scolarité obligatoire et ayant entamé une formation professionnelle peuvent être reconnus comme se trouvant dans un cas d’extrême gravité. Ainsi, la chambre administrative a déjà admis l’existence d’un tel cas pour un jeune de 14 ans né à Genève, vivant seul avec sa mère et n’ayant pas encore terminé sa scolarité obligatoire (ATA/163/2013 du 12 mars 2013).

17.         Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d’un droit à l’autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l’inverse aurait pour effet de déduire de l’art. 96 LEI un droit à l’obtention ou au renouvellement de l’autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).

18.         En l’espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, il y a lieu de constater que l’OCPM n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que les recourants ne satisfaisaient pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur.

Il n’est pas contesté que les recourants sont arrivés en Suisse dans le courant de l’année 2022, à tout le moins en mai 2022, selon l’attestation de parcours scolaire de C______, à savoir depuis un peu plus de deux ans à ce jour. Ainsi, les membres de la famille ne comptabilisent pas cinq années de séjour en Suisse. Si la durée de cinq ans de présence pour l’examen d’une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur pour une famille avec enfant mineur scolarisé est certes indicative selon les directives du SEM, il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, la durée de séjour ne saurait être qualifiée de longue. En outre, elle doit être relativisée dès lors qu'il s’est déroulée dans l’illégalité puis, dès le dépôt de la demande de permis en vue d’exercer une activité lucrative en août 2023, moyennant une simple tolérance des autorités. Partant, la durée de séjour de la famille en Suisse ne saurait, en soi, être déterminante.

Les recourants ne peuvent pas non plus se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle particulièrement marquée. Même s’ils parviennent à subvenir aux besoins de leur famille, n’ont jamais émargé à l’aide sociale et n’ont pas de dettes, ces éléments ne sont pas encore constitutifs d’une intégration exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Le recourant travaillant comme agent d’entretien, il ne peut se prévaloir d’avoir acquis en Suisse des connaissances ou des qualifications si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans sa patrie. Il n’a pas non plus fait preuve d’une ascension professionnelle remarquable au point de justifier la poursuite de son séjour en Suisse.

Pour le surplus, arrivés en Suisse à l’âge respectivement de 34 et 31 ans, les recourants ont passé toute leur enfance et adolescence, périodes décisives pour la formation de la personnalité, ainsi qu’une partie de leur vie d’adulte et la majeure partie de leur existence dans leur pays d’origine. Ils en maîtrisent la langue ainsi que les us et coutumes, n’indiquant par ailleurs pas avoir acquis des connaissances de français. Dans ces circonstances, leur réintégration au Costa Rica, où le recourant pourra également faire valoir les compétences professionnelles acquises en Suisse, ne parait pas gravement compromise en soi, étant relevé qu’il est encore jeune et en bonne santé. En tout état, rien n’indique que les difficultés auxquelles les recourants pourraient faire face en cas de retour dans leur pays seraient plus lourdes que celles que rencontrent d’autres compatriotes contraints de retourner dans leur pays d’origine au terme d’un séjour régulier en Suisse, étant rappelé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce que les recourants n’ont pas établi. Il faut enfin rappeler que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui. Ainsi, au vu de leur statut précaire en Suisse, les recourants ne pouvaient à aucun moment ignorer qu’ils risquaient d’être renvoyés dans leur pays d’origine.

S’agissant de C______, il est né au Costa Rica où il a vécu jusqu’à l’âge de 13 ans. Agé désormais de 15 ans, il a été scolarisée à Genève en mai 2022, à son arrivée en Suisse, dans un classe d'accueil au sein de laquelle il se trouve toujours, venant de débuter sa 11ème année. Il n’a ainsi pas encore atteint un degré scolaire particulièrement élevé et son intégration scolaire et sociale ne témoigne pas d'une ascension remarquable ; il n’a en outre pas débuté de formation professionnelle particulière. Les connaissances qu’il a acquises sont avant tout d’ordre général et lui seront donc profitables pour la suite de sa scolarité ailleurs qu’en Suisse. Par ailleurs, venant tout juste d’entamer la période de l’adolescence, on ne saurait traiter sa situation de la même manière que les enfants ayant vécu toute leur adolescence dans le pays et qui peuvent ainsi se prévaloir d’une intégration sociale accrue pour ce motif. Concernant le harcèlement dont il aurait été victime dans son établissement scolaire au Costa Rica, force est d’une part de constater qu’aucun élément du dossier ne vient étayer cette situation. D’autre part, un simple changement d’établissement scolaire au sein du même pays aurait certainement permis de mettre fin à cette situation sans avoir besoin de quitter le Costa Rica pour se rendre sur un autre continent. Si, certes, son retour au Costa Rica nécessitera de sa part un effort d’adaptation, dont l’importance ne saurait être sous-estimée, il ne faut pas perdre de vue qu’il sera accompagnée de sa famille. Sa réintégration dans son pays d’origine, où il a vécu la majeure partie de sa vie et effectué le début de sa scolarité, paraît ainsi possible.

19.         Au vu de ces circonstances, l’appréciation que l’OCPM a faite de la situation des recourants sous l’angle des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA ne prête pas le flanc à la critique. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à l’autorité intimée, ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire.

20.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

21.         En l’occurrence, au vu de l’absence de délivrance de titre de séjour, c’est à juste titre que l’autorité intimée, qui ne dispose d’aucune latitude de jugement à cet égard, a ordonné le renvoi de Suisse des recourants.

Quant à l’exécution de ce renvoi, aucun élément au dossier ne laisse supposer que celle-ci ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI).

22.         Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

23.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

24.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.                  déclare recevable le recours interjeté le 27 mai 2024 par Madame A______ et Monsieur B______, agissant en leurs noms personnels et en qualité de représentants légaux de leur enfant mineur C______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 22 avril 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Madame A______ et Monsieur B______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière