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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/460/2019

ATA/434/2020 du 30.04.2020 sur JTAPI/501/2019 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : RESSORTISSANT ÉTRANGER;RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO;ADMISSION PROVISOIRE;AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;SÉJOUR;INTÉGRATION SOCIALE;CONDAMNATION;ORDONNANCE PÉNALE
Normes : LStup.19.al1.letb; LPA.61; LEI.11; LEI.30.al1.letb; OASA.31.al1; LEI.83.al1; LEI.83.al6; LEI.41.al2; LEI.85.al1; LEI.84.al5; CEDH.8; CDE.3; LEI.99; OASA.85
Résumé : Refus de transformer une admission provisoire en autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. La recourante, en Suisse depuis près de dix-huit ans, est mère de quatre enfants, dont les deux aînés sont naturalisés suisse. Elle-même et ses deux enfants cadets sont titulaires d'une admission provisoire. Il est douteux que les recourants puissent se prévaloir de leur droit à la protection de la vie familiale selon l’art. 8 CEDH, dans la mesure où la décision de refus de transformation ne les empêche pas de demeurer en Suisse auprès des deux aînés, puisque l'admission provisoire dont ils bénéficient n'est aucunement levée. La plus âgée des deux enfants cadets est âgée de 11 ans. Il ne s'agit pas d'un enfant en bas âge. Elle entame sa préadolescence, période importante pour le développement et l'intégration d'un individu. Compte tenu de cela, la situation des recourants doit être considérée comme constitutive de raisons personnelles majeures. Admission partielle du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/460/2019-PE ATA/434/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 avril 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Mme A______,agissant en son nom personnel et en qualité de représentant de ses enfants mineurs, B______ A______ et C______ A______
représentés par Me Anik Pizzi, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 juin 2019 (JTAPI/501/2019)


EN FAIT

1) Mme A______, née le ______ 1976, est ressortissante de la République démocratique du Congo (ci-après : RDC).

2) Le 2 septembre 2001, Mme A______ est entrée en Suisse et y a déposé une demande d'asile le lendemain. Elle a été attribuée au canton de Genève.

Dans le cadre de l'instruction de sa demande, elle a déclaré avoir une fille, D______, née le ______ 1994, qui vivait avec sa mère à Kinshasa. Lors de sa seconde audition du 27 novembre 2001, elle s'est présentée avec un enfant, E______ A______, né le ______ 2001 à Genève. Le père de cet enfant s'appelait F______. Mme A______ ignorait son nom de famille et ignorait si les pères de ses enfants vivaient toujours à Kinshasa.

3) Par décision du 4 février 2003, l'office fédéral des réfugiés, devenu depuis lors le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), a rejeté la requête d'asile de Mme A______ et de son fils et ordonné leur renvoi. Toutefois, l'exécution dudit renvoi n'était pas raisonnablement exigible compte tenu de la situation familiale particulière, ils étaient admis provisoirement en Suisse pour une durée initiale de douze mois.

4) Le ______ 2006 est né, à Genève, G______ A______, issu de la relation de Mme A______ avec M. H______, né le ______ 1970, naturalisé suisse le 29 janvier 2018, selon les données figurant au registre cantonal de la population, tenu par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM ; « Calvin »).

Deux autres enfants sont issus de cette relation :

- B______ A______, née le ______ 2009 à Genève ;

- C______ A______, né le ______ 2012 à Genève.

Selon Calvin, E______ et G______ ont été naturalisés suisses respectivement le 8 février 2017 et le 11 avril 2018 ; B______ et C______ sont au bénéfice de permis F.

5) Le 16 avril 2009, Mme A______ a déposé une demande de transformation de son admission provisoire en autorisation de séjour régulière (« de permis B humanitaire ») auprès de l'office cantonal de la population, devenu depuis lors l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM ou l'office).

6) Par décision du 8 octobre 2009, l'OCPM a refusé d'octroyer une autorisation de séjour en faveur de Mme A______ et ses trois enfants, sa situation financière demeurant très précaire au vu des nombreuses dettes accumulées. L'office n'allait de plus pas soumettre son dossier au SEM en vue d'une reconnaissance d'un cas de rigueur. Enfin, un éventuel renvoi dans son pays d'origine n'était pas d'actualité, le SEM n'ayant pas levé son admission provisoire, ni même envisagé de le faire.

À cette date, Mme A______ faisait l'objet de poursuites pour un montant total de CHF 39'487.-, d'actes de défaut de biens pour un montant total de
CHF 21'739.30 et était redevable d'une dette envers l'Hospice général (ci-après : l'hospice) de CHF 34'764.-.

7) Par ordonnance pénale du 16 août 2018, Mme A______ a été reconnue coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et condamnée à une peine pécuniaire de nonante jours-amende à CHF 60.- le jour, assortie d'un délai d'épreuve de trois ans.

En substance, il lui était reproché d'avoir, à Genève, à tout le moins en août 2018, participé à un vaste trafic de stupéfiants, portant principalement sur de la marijuana, et d'avoir, à ce titre, entreposé dans la cave qu'elle louait à Aïre, une quantité brute totale de 6'247 g de marijuana dissimulée dans des valises et des sacs poubelle, pour le compte d'un tiers, lequel destinait ces stupéfiants à la vente.

8) Le 22 août 2018, Mme A______, sous la plume de son conseil, a demandé à l'OCPM la transformation de son admission provisoire en autorisation de séjour régulière (permis B).

Elle séjournait en Suisse de manière ininterrompue depuis plus de seize ans. Dès son arrivée, elle avait travaillé pour une agence de placement. Entre 2007 et 2017, elle s'était entièrement consacrée à sa famille. Depuis septembre 2017, elle avait repris une activité professionnelle en qualité de femme de ménage auprès de l'association La Corolle - Communauté de l'Arche, à Versoix. Elle bénéficiait actuellement de l'aide de l'hospice, lui permettant de faire face aux charges de sa famille. Elle souhaitait s'insérer rapidement dans le marché du travail suisse et participer à la vie économique d'un pays qu'elle considérait comme le sien, ce que lui permettrait aisément le permis B. L'obtention d'un emploi lui permettrait également de pourvoir à l'entretien courant de ses quatre enfants, lesquels étaient tous scolarisés, avaient grandi en Suisse et étaient totalement intégrés à ce pays. Ils vivaient avec elle. M. H______ était le père des quatre enfants. Elle avait noué un large réseau social en Suisse et respectait l'ordre juridique suisse et les valeurs de la Constitution fédérale, n'ayant aucune condamnation pénale depuis son arrivée en Suisse.

9) Le 3 septembre 2018, l'OCPM a informé Mme A______ que sa requête était suspendue dans l'attente de l'issue de la procédure pénale dont elle faisait l'objet.

10) Le 17 septembre 2018, Mme A______ a informé l'OCPM de l'entrée en force de l'ordonnance pénale du 16 août 2018, n'ayant pas formé opposition à son encontre, et a sollicité la reprise de l'instruction de sa requête.

11) Par décision du 18 décembre 2018, l'OCPM a refusé d'octroyer une autorisation de séjour régulière à Mme A______ et à ses deux enfants cadets et de soumettre leur dossier au SEM.

Durant son séjour, elle avait travaillé en qualité d'employée d'entretien deux mois à plein temps en 2003, puis de septembre 2005 à mai 2007, à temps partiel. De juillet 2009 à janvier 2010, elle avait été placée par l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE) en qualité d'aide-soignante. Depuis septembre 2017, elle occupait un poste de femme de ménage à plein temps. Cet emploi ne lui permettait pas d'être financièrement indépendante de l'aide sociale. Elle était redevable d'une importante dette envers l'hospice qui avait diminué au cours des dernières années au vu des remboursements mensuels effectués. En revanche, elle avait contracté de très nombreuses poursuites et actes de défaut de biens également au cours des dernières années, si bien que le montant total dû avait augmenté de plus du double depuis 2009. Finalement, en date du 16 août 2018, elle avait été condamnée, pour infraction à la LStup.

Les conditions de délivrance d'une autorisation de séjour n'étaient ainsi pas remplies.

Un éventuel renvoi dans son pays d'origine n'était pas d'actualité et la poursuite de son séjour en Suisse n'était pas remise en cause, le SEM n'ayant pas levé son admission provisoire, ni même envisagé de le faire.

12) Par acte du 1er février 2019, Mme A______ et ses deux enfants cadets ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision susmentionnée, concluant à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour.

L'OCPM avait constaté de manière incomplète les faits pertinents. Son centre de vie était en Suisse où elle résidait de manière continue depuis dix-sept ans. B______ et C______, à l'instar de leurs deux grands frères, étaient nés et avaient toujours vécu à Genève. Ils n'avaient pas commis d'infraction pénale. La famille A______ était parfaitement intégrée, les quatre enfants ayant fréquenté l'école publique à Genève, parlant parfaitement le français et ayant de nombreux amis. Les deux frères aînés étaient de nationalité helvétique, ce qui était de nature à permettre un regroupement familial inversé.

Elle appelait de ses voeux de trouver un emploi, afin de faire vivre sa famille. Elle se heurtait cependant au refus d'employeurs qui rechignaient à employer un travailleur au bénéfice d'un permis F. Cette situation la poussait dans un cercle vicieux où elle ne pouvait trouver un emploi, la contraignant à faire appel à l'aide sociale pour nourrir ses enfants. Cette situation ne lui permettait pas d'envisager un avenir professionnel stable, laissant augurer une dépendance à l'aide sociale permanente. Âgée de quarante-trois ans, il était important qu'elle puisse au plus vite intégrer le marché de l'emploi.

La décision querellée ne tenait pas non plus compte de l'intérêt des enfants en matière de regroupement familial inversé. Elle exerçait en effet l'autorité parentale et la garde exclusive sur ses quatre enfants, qui étaient tous domiciliés auprès d'elle. S'agissant de sa condamnation pénale, les faits qui lui étaient reprochés, principalement imputables à son voisin, mais qu'elle avait admis dès lors qu'elle avait mis à sa disposition sa cave, ne constituaient pas une atteinte à l'ordre et à la sécurité publics d'une gravité telle qu'il se justifiait de prononcer le renvoi. Quant à sa situation financière, elle remboursait sa dette envers l'hospice depuis plusieurs années et sa volonté était de sortir de la dépendance à l'aide sociale et d'acquérir une autonomie financière. L'OCPM n'avait pas tenu compte du fait qu'elle pourrait d'autant plus y participer si elle était au bénéficie d'un emploi stable.

Elle a produit une attestation d'aide sociale datée du 25 juin 2018, ainsi qu'un décompte provisoire de l'hospice pour le mois de juillet 2018, détaillant ses charges et revenus. Une aide financière de CHF 1'504.85 lui était versée pour ce mois.

13) Le 4 avril 2019, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

14) Le 29 avril 2019, Mme A______ a persisté dans ses conclusions, relevant que toutes les informations concernant sa situation financière ressortaient du décompte de l'hospice produit à l'appui de son recours, lequel attestait notamment du versement de la contribution d'entretien par le père des enfants en CHF 700.-.

S'agissant de l'absence d'opposition à sa condamnation pénale, elle confirmait n'avoir pas été informée des agissements de son voisin à qui elle avait confié sa cave, ce dernier ayant à son insu entreposé de la drogue. Elle ne s'était pas opposée à cette ordonnance en ignorant qu'elle aurait pu le faire, et n'avait pas eu les moyens de faire face aux frais d'un avocat pour cette procédure.

15) Le 24 mai 2019, l'OCPM a informé le TAPI n'avoir pas d'observations complémentaires à formuler.

16) Le 28 mai 2018 [recte : 2019], Mme A______ a encore produit notamment un arrangement de paiement avec l'administration fiscale cantonale daté du 22 mai 2019, concernant le versement mensuel de CHF 45.80 pour ses impôts cantonaux et communaux 2017, ainsi qu'une attestation de l'hospice du 21 mai 2019 à teneur de laquelle M. H______ s'acquitte mensuellement de CHF 700.- pour les enfants G______, B______ et C______. Aucune pension n'était versée pour E______. Elle a également remis une déclaration concernant l'autorité parentale conjointe entérinée par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) le 27 avril 2018 concernant B______. Une même déclaration se trouve au dossier de l'OCPM concernant C______.

17) Par jugement du 3 juin 2019, le TAPI a rejeté le recours de Mme A______ et de ses enfants cadets.

Mme A______ vivait légalement à Genève depuis septembre 2001, soit depuis dix-sept ans. Elle remplissait indéniablement le critère de la durée de résidence requise par la loi. Cela étant, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant plusieurs années, y compris à titre légal, ne permettait pas d'admettre un cas personnel d'extrême gravité en l'absence d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles à même de justifier l'existence d'un cas de rigueur. L'intéressée ne pouvait donc tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse pour bénéficier d'une autorisation de séjour.

Concernant sa situation familiale, elle faisait ménage commun avec ses quatre enfants mineurs, nés et scolarisés à Genève, dont deux avaient obtenu la nationalité suisse. Cela étant, cette situation familiale n'était pas déterminante en soi en vue de l'octroi d'un permis de séjour, dès lors que son renvoi de Suisse n'était pas à l'ordre du jour et n'était pas couvert par l'objet du litige. Le grief en lien avec l'admission d'un éventuel regroupement familial inversé n'était donc pas pertinent.

S'agissant de l'intégration socio-professionnelle de Mme A______ en Suisse, elle ne pouvait être qualifiée de bonne. Celle-ci ne se prévalait en effet pas de liens particuliers qu'elle aurait créés au sein du tissu social genevois ou suisse. Elle participait certes à la vie économique, mais de manière insuffisante pour être indépendante financièrement, puisqu'elle bénéficiait de prestations financières de l'hospice depuis le 1er mars 2015, étant relevé qu'elle avait bénéficié de l'aide sociale, de manière pratiquement ininterrompue, depuis son arrivée en Suisse en 2001. Elle faisait en outre l'objet de poursuites et avait accumulé des actes de défaut de biens pour montant total de plus de CHF 159'000.-. Malgré la diminution de sa dette envers l'hospice, ses poursuites et actes de défaut de biens avaient quasiment triplé depuis octobre 2009, date à laquelle sa première demande de permis de séjour avait été refusée en raison de ses nombreuses dettes.

Si, certes, le fait d'être au bénéfice d'une admission provisoire n'avantageait pas Mme A______ sur le marché du travail, elle avait toutefois réussi à travailler par le passé et occupait un emploi à plein temps depuis septembre 2017. De plus, l'intéressée ne démontrait pas qu'elle aurait, en vain, effectué des recherches d'emploi soutenues ces dernières années afin de ne plus dépendre de l'aide sociale. Son statut administratif en Suisse ne pouvait ainsi justifier à lui seul la dépendance à l'aide sociale pendant une si longue période et partant la mauvaise situation financière dans laquelle elle se trouvait.

Enfin, l'intéressée n'avait pas toujours respecté l'ordre juridique suisse puisqu'elle avait fait l'objet d'une condamnation en 2018 pour infraction à la LStup. À cet égard, même si elle tentait de minimiser son implication, cette condamnation pénale devait être prise en compte dans l'analyse du respect de la sécurité et de l'ordre publics.

Au vu de l'ensemble de ces éléments et de l'examen circonstancié du dossier, Mme A______ n'avait, en l'état, et pour les motifs susmentionnés, pas fait montre d'une bonne intégration en Suisse au sens de la loi. Elle ne satisfaisait ainsi pas aux conditions strictes requises à la délivrance d'une autorisation de séjour. Par conséquent, l'OCPM n'avait pas excédé ni abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant de donner une suite favorable à sa demande de changement de permis F en autorisation de séjour.

Pour le surplus, le jugement du TAPI ne remettait pas en cause la poursuite du séjour de Mme A______ et de ses deux enfants cadets en Suisse, le SEM n'ayant pas levé son admission provisoire.

18) Par acte du 8 juillet 2019, Mme A______ et ses deux enfants cadets ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour.

Le TAPI avait constaté de manière incomplète les faits pertinents. En effet, il n'avait pas tenu compte de sa situation familiale et du jeune âge de ses enfants. Elle avait mené quatre grossesses durant son séjour en Suisse et il ne lui avait été pas possible de travailler à leur naissance au vu des frais de garderie. Elle n'avait de plus pas été aidée par un assistant social de manière satisfaisante, en ce sens que la grande majorité de ses dettes étaient composées d'arriérés de prime maladie, alors qu'elle aurait dû bénéficier d'un subside. Il n'était pas admissible d'exiger d'elle qu'elle travaillât à plein temps pour faire face à l'ensemble des frais de famille, tout en s'occupant dans le même temps de ses quatre enfants. En outre, l'absence d'autorisation de séjour l'empêchait de conclure un contrat de travail, les employeurs actifs dans sa branche (le nettoyage) exigeant une autorisation de séjour pour leurs employés.

Le TAPI n'avait en outre pas tenu compte du fait que sa famille élargie se trouvait en Suisse (son père, trois demi-frères et soeur, un oncle et deux cousins). Ces derniers étaient parfaitement intégrés en Suisse exerçant divers métiers universitaires (procureur, avocats, médecins, assistant social). Elle n'avait plus de famille au Congo, sa grand-mère, dernière membre de sa famille, étant décédée.

Le niveau d'intégration exigé par la loi était acquis, étant relevé que ses enfants, dont deux étaient ressortissants suisses, étaient parfaitement intégrés dans leur école et leur quartier.

S'agissant de la condamnation pénale de 2018, la peine avait été prononcée avec sursis et ne correspondait pas à une peine privative de liberté de longue durée. En outre, elle avait été trompée par son voisin à qui elle avait loué sa cave sans imaginer qu'il y entreposerait des substances illicites.

Mme A______ et ses deux enfants cadets remplissaient les critères d'obtention d'une autorisation de séjour (permis B) et plus particulièrement ceux de l'art. 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Elle avait suivi plusieurs formations et avait travaillé pour plusieurs employeurs comme agent d'entretien. Elle était actuellement pénalisée dans ses démarches en raison de la pratique des employeurs qui n'engageaient que des personnes au bénéfice, au moins, d'un permis de séjour. Sa condamnation ne constituait pas un motif d'empêchement. La problématique de la scolarisation des enfants était importante sachant qu'ils étaient de bons élèves. La durée de leur séjour devait également être prise en compte. Leur santé était bonne. Enfin, une réintégration au Congo n'était pas envisageable, dans la mesure où les enfants devaient poursuivre leur scolarité à Genève. Ses deux aînés étaient ressortissants suisses et ne quitteraient pas Genève. Un départ priverait les enfants de leur père qui exerçait un droit de visite usuel.

19) Par décision du 11 juillet 2019, Mme A______ et ses deux enfants cadets ont été mis au bénéfice de l'assistance juridique avec effet au 18 juin 2019.

20) Le 15 juillet 2019, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

21) Le 24 juillet 2019, l'OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments soulevés par Mme A______ n'étaient pas de nature à modifier sa position.

22) Le 29 août 2019, Mme A______ et ses deux enfants cadets ont répliqué, persistant dans leurs conclusions. Ils ont repris et développé leurs précédents arguments.

23) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr -
F 2 10, a contrario ;
ATA/12/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3).

3) Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la LEI, et de l'OASA. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêts du Tribunal fédéral 2C_325/2019 du 3 février 2020 consid. 2.2.1 ; 2C_841/2019 du 11 octobre 2019 consid. 3 ; 2C_737/2019 du 27 septembre 2019 consid. 4.1), les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit.

En l'espèce, la demande de transformation de son admission provisoire en autorisation de séjour régulière (permis B) a été réceptionnée par l'OCPM le 23 août 2018, de sorte que c'est l'ancien droit, soit la LEI et l'OASA dans leur teneur avant le 1er janvier 2019, qui s'appliquent.

4) L'objet du litige consiste à déterminer si le TAPI était fondé à confirmer la décision de l'intimé 18 décembre 2018 refusant la demande de transformation de l'admission provisoire des recourants en autorisation de séjour régulière (permis B) et de soumettre leur dossier au SEM.

5) La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants de la RDC (ATA/163/2020 du 11 février 2020 consid. 6).

6) Le séjour en Suisse en vue d'y exercer une activité lucrative est soumis à autorisation (art. 11 renvoyant aux art. 18 ss de la LEI). Cette dernière doit être requise auprès du canton de prise d'emploi (art. 11 al. 1 LEI).

7) a. Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

b. À teneur de l'art. 31 al. 1 OASA dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018, lors de l'appréciation d'un cas d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment :

a) de l'intégration du requérant ;

b) du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant ;

c) de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants ;

d) de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation ;

e) de la durée de la présence en Suisse ;

f) de l'état de santé ;

g) des possibilités de réintégration dans l'État de provenance.

c. Selon la jurisprudence rendue avant le 31 décembre 2018, les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/777/2019 du 16 avril 2019 consid. 5c et les arrêts cités). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1).

d. Pour admettre l'existence d'un cas d'extrême gravité, il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c'est-à-dire que le refus de soustraire l'intéressé à la règlementation ordinaire d'admission comporte pour lui de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré socialement et professionnellement et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité ; il faut encore que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que l'intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6628/2007 du 23 juillet 2009 consid. 5 ; ATA/648/2009 du 8 décembre 2009 consid. 3b ; Alain WURZBURGER, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers, RDAF 1997 I 267 ss). Son intégration professionnelle doit en outre être exceptionnelle ; le requérant possède des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ; ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/720/2011 du 22 novembre 2011 consid. 8d ; ATA/639/2011 du 11 octobre 2011 consid. 6d ; ATA/774/2010 du 9 novembre 2010 consid. 5d).

8) a. Si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée, l'étranger doit être admis provisoirement (art. 83 al. 1 LEI). Cette décision est prise par le SEM et peut être proposée par les autorités cantonales (art. 83 al. 1 et 6 LEI).

b. L'étranger admis à titre provisoire reçoit un titre de séjour qui indique son statut juridique (art. 41 al. 2 LEI). Le titre de séjour de l'étranger admis à titre provisoire est établi par le canton de séjour (art. 85 al. 1 LEI).

c. L'admission provisoire prend fin lorsque l'intéressé quitte définitivement la Suisse ou obtient une autorisation de séjour (art. 84 al. 4 LEI dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018). Les demandes d'autorisation de séjour déposées par un étranger admis provisoirement et résidant en Suisse depuis plus de cinq ans sont examinées de manière approfondie en fonction de son niveau d'intégration, de sa situation familiale et de l'exigibilité d'un retour dans son pays de provenance (art. 84 al. 5 LEI).

d. Cette dernière disposition ne confère en outre pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1003/2012 du 9 octobre 2012 consid. 2 ; 2C_195/2010 du 23 juin 2010 consid. 6.3 ; 2C_663/2009 du 23 février 2010 consid. 4.1 ; 2C_216/2009 du 20 août 2009 consid. 2.2 ; ATA/105/2013 du 19 février 2013 consid. 5d).

e. De plus, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue sur la base de la législation dans sa teneur en vigueur avant le 31 décembre 2018, l'art. 84 al. 5 LEI ne constitue pas un fondement juridique autorisant l'octroi d'une autorisation de séjour ; celle-ci est décernée dans un tel cas sur la base de l'art. 30 LEI (arrêt du Tribunal fédéral 2C_766/2009 du 26 mai 2010 consid. 4). Les conditions auxquelles un cas individuel d'une extrême gravité peut être reconnu en faveur d'étrangers admis provisoirement en Suisse, fixées par l'art. 84 al. 5 LEI, ne diffèrent pas fondamentalement des critères retenus pour l'octroi d'une dérogation aux conditions d'admission, au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI ; tout en s'inscrivant dans le contexte plus général de cette dernière disposition et de la jurisprudence y relative, elles intégreront néanmoins naturellement la situation particulière inhérente au statut résultant de l'admission provisoire (arrêt du Tribunal administratif fédéral
C-835/2010 du 13 novembre 2012 consid. 4.3).

f. Au vu de la condition posée par l'art. 84 al. 5 LEI, le pouvoir d'appréciation de l'autorité est ainsi limité (Marc SPESCHA/Antonia KERLAND/Peter BOLZLI, Handbuch zum Migrationsrecht, 2010, p. 109), et l'on doit partir de l'idée d'un séjour en Suisse d'une certaine durée, ainsi que d'une impossibilité de réintégration dans l'État d'origine (Ruedi ILLES, in Martina CARONI/ Thomas GÄCHTER/Daniela THURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer [AuG], Berne 2010, n. 29 ad art. 84 LEtr). Néanmoins, tant le Tribunal administratif fédéral que le Tribunal fédéral - dans un obiter dictum - ont retenu que le fait qu'un étranger n'arrive pas à gérer sa situation financière de manière autonome et dépende, dans une large mesure, de la collectivité publique représente indéniablement un échec au niveau de l'intégration et peut justifier un refus d'autorisation de séjour lors de l'examen de l'art. 84 al. 5 LEI (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-835/2010 précité consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_22/2009 du 5 octobre 2009 consid. 2.2.2).

9) a. Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, il doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1). Les relations familiales qui peuvent fonder un droit à une autorisation sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble
(ATF 135 I 143 consid. 1.3.2).

Il n'y a cependant pas atteinte à la vie familiale si l'on peut attendre des personnes concernées qu'elles réalisent leur vie de famille à l'étranger ;
l'art. 8 CEDH n'est pas a priori violé si le membre de la famille jouissant d'un droit de présence en Suisse peut quitter ce pays sans difficultés avec l'étranger auquel a été refusée une autorisation de séjour. En revanche, si le départ du membre de la famille pouvant rester en Suisse ne peut d'emblée être exigé sans autres difficultés, il convient de procéder à la pesée des intérêts prévue par l'art. 8 § 2 CEDH, qui suppose de tenir compte de l'ensemble des circonstances et de mettre en balance l'intérêt privé à l'obtention d'un titre de séjour et l'intérêt public à son refus (ATF 144 I 91 consid. 4.2 et les références citées). Dans la pesée des intérêts, il faut aussi tenir compte de l'intérêt de l'enfant à maintenir des contacts réguliers avec son parent, objet de la mesure, ainsi que l'exige l'art. 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, entrée en vigueur pour la Suisse à compter le 26 mars 1997 (CDE - RS 0.107), étant toutefois précisé que, sous l'angle du droit des étrangers, cet élément n'est pas prépondérant par rapport aux autres et que la disposition en cause ne fonde pas une prétention directe à l'octroi ou au maintien d'une autorisation (ATF 144 I 91 consid. 5.2 et les références citées). L'intérêt de l'enfant est ainsi un élément d'appréciation dont l'autorité doit tenir compte lorsqu'il s'agit de mettre en balance les différents intérêts en présence (ATF 139 I 315 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_851/2014 du 24 avril 2015 consid. 4.2).

b. Lorsqu'un parent a le droit de garde et l'autorité parentale sur son enfant, qui a par ailleurs la nationalité suisse, lors de la pesée des intérêts au sens de l'art. 8 § 2 CEDH, le fait que le parent étranger qui cherche à obtenir une autorisation de séjour en invoquant ses relations avec un enfant suisse (regroupement familial inversé) a adopté un comportement illégal est à prendre en compte dans les motifs d'intérêt public incitant à refuser l'autorisation requise. Toutefois, seule une atteinte d'une certaine gravité à l'ordre et à la sécurité publics peut l'emporter sur le droit de l'enfant suisse de pouvoir grandir dans sa patrie avec le parent qui a le droit de garde et l'autorité parentale sur lui (ATF 137 I 247 consid. 4.2.1 et 4.2.2 ; 136 I 285 consid. 5.2). Cette jurisprudence est dictée par le fait que le départ du parent qui a la garde de l'enfant entraîne de facto l'obligation pour ce dernier de quitter la Suisse. En pareil cas, le renvoi du parent entre ainsi en conflit avec les droits que l'enfant peut tirer de sa nationalité suisse, comme la liberté d'établissement, l'interdiction du refoulement ou le droit de revenir ultérieurement en Suisse. Le Tribunal fédéral a cependant précisé que cette jurisprudence ne s'étendait pas aux enfants étrangers en provenance d'État tiers au bénéfice d'une autorisation d'établissement ou de séjour
(ATF 137 I 247 consid. 4.2.3 ; ATA/17/2018 du 9 janvier 2018 consid. 11b confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_162/2018 du 25 mai 2018).

c. Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a considéré, dans un dossier concernant un couple au bénéfice d'une admission provisoire (permis F) et dont les six enfants avaient acquis la nationalité suisse par la suite, que pour que le droit au respect de la vie privée et familiale puisse être invoqué il fallait être en présence d'une mesure étatique qui aboutissait à la séparation des membres d'une famille (ATF 135 I 153 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_689/2017 du 1er février 2018 consid. 1.2.2 ; 2C_916/2017 du 30 octobre 2017 consid. 4.2.1 ; 2C_505/2009 du 29 mars 2010 consid. 5.1, non publié in ATF 136 I 285). Or, le refus d'octroyer les autorisations de séjour requises n'avait pas pour effet de les obliger à quitter ce pays et à se séparer de leurs enfants suisses, puisque le couple bénéficiait de l'admission provisoire en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_689/2017 précité consid. 1.2.2).

10) a. La situation des enfants peut, selon les circonstances, poser des problèmes particuliers. Comme pour les adultes, il y a lieu de tenir compte des effets qu'entraînerait pour eux un retour forcé dans leur pays d'origine. À leur égard, il faut toutefois prendre en considération qu'un tel renvoi pourrait selon les circonstances équivaloir à un véritable déracinement, constitutif à son tour d'un cas personnel d'extrême gravité. Pour déterminer si tel serait ou non le cas, il faut examiner plusieurs critères. La situation des membres de la famille ne doit pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global, dès lors que le sort de la famille forme un tout ; il serait difficile d'admettre le cas d'extrême gravité, par exemple, uniquement pour les parents ou pour les enfants. Ainsi, le problème des enfants est un aspect, certes important, de l'examen de la situation dela famille, mais ce n'est pas le seul critère (ATF 123 II 125 consid. 4a ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 6d).

D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence, une période comprise entre douze et seize ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a). Cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 CDE, entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997 (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-636/2010 précité consid. 5.4 et les références citées).

Sous l'angle du cas de rigueur, le Tribunal fédéral a considéré que cette pratique différenciée réalisait la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 CDE, entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997 (arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-3592/2010 du 8 octobre 2012 consid. 6.2 ; ATA/1818/2019 du 17 décembre 2019 consid. 4f).

b. Dans sa jurisprudence, la chambre administrative a notamment admis un cas d'extrême gravité au vu de la situation d'une famille qui vivait en Suisse depuis dix-sept ans pour le père et douze ans pour la mère dont la fille aînée, une jeune préadolescente, âgée de plus de 10 ans, était scolarisée en septième primaire à la satisfaction de ses enseignants (ATA/770/2014 du 30 septembre 2014).

11) En l'espèce, conformément à la jurisprudence précitée, il convient de considérer la situation des membres de la famille dans un contexte familial global, dès lors que le sort de la famille forme un tout.

La recourante se trouve en Suisse depuis un peu plus de dix-huit ans, de sorte qu'elle remplit largement le critère de la durée de résidence mentionné à l'art. 84 al. 5 LEtr.

En présence d'un séjour particulièrement long en Suisse, comme en l'espèce, les exigences posées aux critères d'appréciation du cas de rigueur doivent être assouplies (ATAF C-1136/2013 du 24 septembre 2013 consid. 6.1).

Concernant l'intégration de la recourante, notamment professionnelle, il ressort du dossier que celle-ci, malgré son statut relativement précaire de son permis F - à propos de laquelle le Tribunal fédéral rappelle qu'il est difficilement concevable que les personnes auxquelles l'asile a été refusé soient, lorsque leur renvoi est durablement impossible, indéfiniment contraintes de conserver un statut aussi précaire que celui qui découle de l'admission provisoire (ATF 128 II 200 consid. 2.2.3) -, a travaillé lorsque l'âge de ses enfants le lui permettait et travaille désormais à plein temps pour subvenir aux besoins de sa famille.

Certes, la situation en Suisse de la recourante n'est pas exempte de reproche. Elle a dû recourir, pour certaines périodes, à l'aide sociale et a contracté des dettes (CHF 20'513.- à l'égard de l'hospice qu'elle rembourse à hauteur de CHF 200.- par mois selon l'attestation de l'hospice du 4 septembre 2019 figurant au dossier), des poursuites (CHF 4'253.20 selon le décompte global de l'office des poursuites du 3 septembre 2018), ainsi que de nombreux actes de défaut de biens (pour un montant total de CHF 155'199.60 selon ce même document). Toutefois, cet élément ne constitue qu'un des critères parmi tous ceux énumérés à l'art. 31 al. 1 OASA dans son ancienne teneur.

Le comportement adopté par la recourante durant son séjour en Suisse n'est pas exemplaire. Elle a fait l'objet d'une condamnation en août 2018 pour une infraction à la loi sur les stupéfiants. Cette condamnation doit toutefois être replacée dans son contexte en ce sens que la recourante semble avoir été abusée par la confiance donnée à un voisin lequel avait entreposé dans sa cave et à son insu de la marijuana. Compte tenu de ces circonstances, cette condamnation doit être relativisée.

Quant à son intégration sociale, la recourante ne fait état d'aucune intégration particulière que cela soit avec son voisinage ou la participation à des activités sociétales particulières de la communauté suisse.

S'agissant de ses enfants aînés qui sont suisses, il est douteux que les recourants puissent se prévaloir de leur droit à la protection de la vie familiale selon l'art. 8 CEDH, dans la mesure où la décision de refus de transformation ne les empêche pas de demeurer en Suisse auprès d'eux, puisque l'admission provisoire dont ils bénéficient n'est aucunement levée.

Les deux enfants cadets, concernés par la demande de transformation de leur admission provisoire en autorisation de séjour régulière (âgés désormais de 11 et 7 ans), sont nés et ont grandi à Genève. La plus âgée doit en principe se trouver à la fin de son école primaire (Accord intercantonal sur l'harmonisation de la scolarité obligatoire du 14 juin 2007 - HarmoS - C 1 06). Il ne s'agit donc pas d'un enfant en bas âge, en début de scolarité, fréquentant une garderie ou l'école enfantine. La jeune fille entame au contraire sa préadolescence en Suisse, étant rappelé qu'il s'agit d'une période importante pour le développement et l'intégration d'un individu. Elle est ainsi totalement intégrée en Suisse, où sa personnalité s'est formée et a évolué au fil du temps depuis son jeune âge. Compte tenu de son statut administratif relativement précaire, le risque existe, malgré tout, de voir sa formation interrompue à un stade délicat et elle devrait s'adapter au système scolaire d'un pays où elle n'a aucuns liens et repères, et dont les conditions de vie lui sont totalement étrangères. À plus long terme cela serait de nature à remettre en cause les acquis de l'enseignement genevois et à compromettre sérieusement toute future formation professionnelle. Il s'agirait pour elle d'un véritable déracinement.

Enfin et quant au critère relatif aux possibilités de réintégration dans l'État de provenance, le fait que le SEM n'ait pas remis en cause l'admission provisoire en Suisse de la recourante et de ses deux enfants cadets démontre qu'une réintégration dans leur pays d'origine est difficilement envisageable.

Ces circonstances particulières, prises dans leur ensemble, sont de nature à faire admettre que les conditions relatives à l'art. 30 al. 1 let. b LEI dans son ancienne teneur auraient été réalisées si les recourants avaient présenté leur demande alors qu'ils ne bénéficiaient pas d'une admission provisoire.

Dès lors, leur situation doit être considérée comme constitutive de raisons personnelles majeures, et cela même si l'intégration de la recourante ne peut être qualifiée d'exceptionnelle, mais reste suffisante pour faire prévaloir l'intérêt privé des enfants à rester en Suisse, avec leur mère.

Au vu de ce qui précède, l'OCPM devra soumettre le dossier des recourants au SEM en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission (art. 99 LEI dans son ancienne teneur et art. 85 OASA ; Samah POSSE-OUSMANE, in Minh Son NGUYEN/Celsa AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II : Loi sur les étrangers [LEtr], 2017, n. 16 ad art. 84 LEtr).

12) Le recours sera en conséquence partiellement admis. Le jugement du TAPI du 3 juin 2019 sera en conséquence annulé, de même de la décision de l'OCPM du 18 décembre 2018. Le dossier sera renvoyé à l'OCPM qui devra le soumettre au SEM en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission.

13) Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux recourants, dès lors qu'ils n'y ont pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 juillet 2019 par Mme A______, agissant en son nom personnel et en qualité de représentant de ses enfants mineurs, B______ A______ et C______ A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 juin 2019 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 juin 2019 ;

annule la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 18 décembre 2018 ;

renvoie le dossier à l'office cantonal de la population et des migrations pour qu'il procède dans le sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Anik Pizzi, avocate des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Verniory et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. Deschamps

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.