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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/604/2025

ATA/479/2025 du 29.04.2025 ( FORMA ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/604/2025-FORMA ATA/479/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 avril 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______, agissant pour leur fille mineure C______ recourants

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé



EN FAIT

A. a. C______ est née le ______2014.

b. Elle a été scolarisée en 2022-2023 et 2023-2024 à D______, où elle a effectué l’équivalent des 4ème et 5ème années primaires (ci-après : 4P et 5P).

c. En été 2024, ses parents ont sollicité son intégration à l’école primaire publique, en demandant une dispense d’âge pour entrer en 8P.

d. Lors des examens d’orientation scolaire des 20, 22 et 26 août 2024, C______ a obtenu en mathématiques les score de 5/5, en français I (compréhension de la langue) 4/5 et en français II (fonctionnement de la langue 2/5). L’enseignante présente a noté que l’élève l’avait beaucoup sollicitée, cherchant constamment à ce qu’elle valide son raisonnement ou ses réponses. L’enfant avait aussi montré des signes de stress.

e. Au vu de ces résultats, insuffisants pour permettre une dispense de classe d’âge sans test complémentaire, C______ a été invitée à se soumettre à une évaluation psychologique, ce dont ses parents ont été informés par courrier du 27 août 2024.

f. À compter du 28 août 2024, C______ a été déscolarisée.

g. Elle ne s’est, à deux reprises, pas présentée à l’examen psychologique, ses parents ayant indiqué qu’ils étaient en discussion au sujet des mesures nécessaires pour que leur fille puisse poursuivre sa scolarité, puis que l’enfant était fatiguée.

h. Après avoir informé les parents que si leur fille ne se soumettait pas aux tests complémentaires, la demande d’orientation scolaire serait considérée comme retirée, C______ s’est soumise à l’évaluation psychologique. Il en est résulté qu’elle pouvait être placée en 7P à compter du 18 novembre 2024.

i. C______ a de nouveau été scolarisée dès le 18 novembre 2024, dans l’enseignement public genevois.

j. À la suite de la contestation des parents d’orienter leur fille en 7P, la direction générale de l’enseignement obligatoire du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) a, par décision du 17 janvier 2025, rejeté leur recours.

La classe d’âge d’C______ correspondait à la 6P. Une dispense d’âge ne pouvait concerner qu’un degré. Au vu des tests effectués, C______ avait été autorisée à intégrer la 7P. Contrairement à ce que souhaitaient les parents, le DIP n’avait pas à comparer les systèmes scolaires de la D______ et de l’école publique genevoise. Il n’y avait pas non plus lieu de tenir compte des exercices complémentaires que les parents choisissaient de faire effectuer à leur enfant à domicile dans le but de la pousser vers un degré scolaire supérieur. Soit le nouvel élève réussissait les tests et pouvait être inscrit dans l’année suivant sa classe d’âge, soit il était scolarisé dans celle de sa classe d’âge.

k. C______ a quitté l’enseignement public le 11 février 2025 et est depuis lors à nouveau scolarisée en école privée.

B. a. Par acte expédié le 20 février 2025 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ et B______, agissant au nom de leur fille C______, ont recouru contre cette décision, concluant à ce que leur fille soit autorisée à intégrer l’enseignement public en 8P.

Dès lors que l’arrêt à rendre allait aboutir à une décision de principe concernant les élèves nés entre le 1er août et le 31 décembre intégrant l’école publique genevoise en provenant d’une autre école, la procédure devait être gratuite.

Leur fille avait commencé l’école à l’âge de 3 ans ; elle avait donc déjà accompli une année de scolarité de plus que le nombre d’années de scolarité obligatoire requis. La production des cahiers de mathématiques qui étaient représentatifs des autres matières démontrait le niveau de l’école allemande. Les élèves nés entre les dates précitées devaient passer un test pour ne pas perdre une année.

Le directeur de l’école allemande n’avait jamais indiqué que la Klasse 4 correspondait à la 5P. D’ailleurs, le système scolaire allemand ne comptait pas l’école maternelle. En ajoutant les deux années d’école enfantine, un élève terminant la Klasse 4, qui correspondait à la 5P, se trouvait ensuite dans l’équivalent de la 8P, dès lors qu’il convenait d’ajouter deux années à la 5P.

La réglementation prévoyait qu’il devait être tenu compte de l’année de scolarité et du type de classe correspondant à l’âge de l’élève. Or, ces deux critères pouvaient entrer en contradiction. Il fallait alors procéder à une pesée des intérêts, tenir compte du principe de la proportionnalité, rechercher le sens de la disposition et l’existence d’éventuels précédents.

b. Le DIP a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

c. Dans leur réplique, les recourants ont notamment fait valoir qu’une analyse du contenu des cours de mathématiques démontrait que le programme de 7P de l’enseignement public genevois correspondait à celui de la Klasse 4 de la D______. Le test psychologique « Wechsler » avait montré un indice de raisonnement fluide « très supérieur ». Ils regrettaient l’absence de dialogue personnalisé avec le directeur de l’établissement scolaire en question. Leur fille, dotée de compétences élevées et provenant d’un système scolaire différent, serait pénalisée par une orientation en 7P, qui équivaudrait à un redoublement. La procédure portait atteinte à l’égalité des chances et au droit fondamental à une éducation continue.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Se pose la question de savoir si le recours présente un intérêt actuel, l’enfant ayant à nouveau été scolarisée dans une école privée.

2.1 Ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (art. 60 al. 1 let. b LPA). Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/471/2024 du 16 avril 2024 consid. 2.1).

2.2 Un intérêt digne de protection suppose également un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1). Il est toutefois exceptionnellement renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 140 IV 74 consid. 1.3.3 ; 139 I 206 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1157/2014 du 3 septembre 2015 consid. 5.2).

2.3 En l’espèce, la fille des recourants, après avoir, au bénéfice d’une dispense d’âge, intégré l’enseignement public genevois en 7P en novembre 2024, n’est désormais plus scolarisée dans celui-ci depuis le 11 février 2025. En effet, le DIP a indiqué, sans être contredit, que l’élève avait quitté l’enseignement public à cette date pour être scolarisée dans un établissement privé. Le présent recours a été interjeté après que l’enfant a quitté l’enseignement public genevois. Les recourants estiment que la présente espèce soulève une question de principe pour les élèves, nés entre le 1er août et le 31 décembre, souhaitant intégrer une école publique genevoise.

Or, contrairement à ce que les recourants font valoir, la présente espèce ne soulève pas une question de principe, la chambre de céans ayant déjà été amenée à se prononcer sur l’orientation scolaire dans l’enseignement public genevois d’élèves provenant d’autres systèmes scolaires, d’une part (cf. consid. 3.3 et 3.4 ci-après). D’autre part, ayant intégré puis quitté l’enseignement primaire public, l’élève devrait faire l’objet d’une nouvelle évaluation visant à déterminer si elle pourrait, à nouveau, bénéficier d’une dispense d’âge. Ses parents n’ont cependant pas formé une telle demande.

Enfin, les démarches des parents de l’enfant, inscrivant celle-ci à l’école publique genevoise, puis la retirant après qu’elle y a suivi à peine trois mois, pour réclamer ensuite à nouveau son intégration en 8P, apparaissent contradictoires et ne méritent ainsi pas protection.

Le recours ne présente donc plus d’intérêt actuel et doit, partant, être déclaré irrecevable.

3.             À titre superfétatoire, il est relevé que, quand bien même le recours aurait été recevable, il aurait dû être rejeté.

3.1 Conformément à l’art. 57 al. 1 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10), tout enfant, dès l’âge de 4 ans révolus au 31 juillet, doit être inscrit à l’école dans les trois jours qui suivent son arrivée à Genève. Lorsqu’un élève venant d’une école privée, d’une scolarisation à domicile ou d’une école extérieure au canton arrive dans un établissement en cours de scolarité obligatoire, il est admis en principe dans le degré et le type de classe qui correspondent à son âge. Un examen et un temps d’essai peuvent lui être imposés (al. 3). Selon l’art. 3 al. 1 du règlement de l’enseignement primaire du 7 juillet 1993 (REP - C 1 10.21), l’âge de référence de 9 à 10 ans correspond à la 6P et celui de 10 à 11ans à la 7P.

3.2 Le Conseil d’État définit dans un règlement les conditions auxquelles une dispense d’âge peut être accordée à des enfants qui, ayant accompli au moins la première année du cycle élémentaire, sont jugés aptes du point de vue scolaire, psychologique et médical à fréquenter une classe destinée normalement à des élèves plus âgés (art. 55 al. 4 LIP).

À teneur de l’art. 21A REP intitulé « inscriptions dans l’enseignement public en cours de scolarité obligatoire », les élèves qui intègrent l’école primaire publique en cours de scolarité obligatoire sont en principe placés dans l’année de scolarité et le type de classe qui correspondent à leur âge (al. 1). Les directions d'établissement primaire peuvent autoriser l’admission d’un enfant dans une année de scolarité supérieure à celle de sa classe d’âge, sur demande écrite et motivée des parents (al. 3). L’autorisation est fondée sur : le bulletin scolaire de l’élève des années précédentes (let. a) ; le résultat des tests scolaires standardisés (let. b) ; si nécessaire, une évaluation psychologique complémentaire de l’élève (al. 4 let. c).

Conformément à l’art. 5 al. 1 du règlement relatif aux dispenses d’âge du 21 décembre 2011 (RDAge - C 1 10.18 ; art. 22 REP), une dispense d'âge peut être accordée lorsque l'élève est jugé apte du point de vue scolaire, psychologique et médical à suivre sans difficulté l'année de scolarité immédiatement supérieure à celle qu'il devrait suivre.

3.3 La chambre administrative a retenu que la procédure de dispense d’âge est réglée par la loi. Elle implique la mise en œuvre de tests psychopédagogiques. La chambre de céans a le pouvoir de vérifier que la procédure s’est déroulée conformément à ce que la loi prévoit, que la décision est cohérente avec les constats mis en évidence par les tests requis et qu’elle respecte les principes généraux du droit (ATA/40/2022 du 18 janvier 2022 consid. 5 ; ATA/1376/2019 du 10 septembre 2019 consid. 2c ; ATA/872/2018 du 28 août 2018 et les réf. cit.).

3.4 En matière de dérogation aux conditions ordinaires en matière d’admission, de promotion ou d’obtention de titres, l’autorité scolaire, de jurisprudence constante, bénéficie d’un très large pouvoir d’appréciation qu’elle doit cependant exercer de manière conforme au droit, soit respecter le but dans lequel le pouvoir d’appréciation en question lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalités de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité (ATA/762/2016 du 6 septembre 2016 consid. 3b ; ATA/685/2016 du 16 août 2016 consid. 9b et jurisprudence citée).

3.5 En l’espèce, l’élève, née en ______ 2014, avait 9 ans à la rentrée scolaire 2024-2025. Elle aurait ainsi dû intégrer une classe de 6P. Ses parents ayant présenté une demande de dispense d’âge, elle s’est soumise aux tests scolaires standardisés ainsi qu’à un examen psychologique. Au terme de ceux-ci, la dispense d’âge a été admise et l’enfant autorisée à intégrer une classe de 7P. La procédure a ainsi été correctement suivie et respectée.

Contrairement à ce que souhaiteraient ses parents, il n’est pas possible d’introduire d’autres critères de scolarisation que ceux prévus par la loi et les règlements applicables. Un traitement dérogeant à la réglementation topique reviendrait, en effet, à traiter différemment la jeune fille d’autres élèves se trouvant dans la même situation que la sienne. Enfin, comme l’a déjà constaté la chambre administrative, la fixation de l’âge déterminant au 31 juillet précédant l’année scolaire est conforme à la convention scolaire romande du 21 juin 2007 (CSR - C 1 07) et respecte les principes d’égalité de traitement et d’interdiction de l’arbitraire (ATA/608/2014 du 29 juillet 2014 consid. 5 ; ATA/227/2013 du 9 avril 2013).

Ainsi, quand bien même il serait recevable, le recours devrait être rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 20 février 2025 par A______ et B______, agissant pour leur fille C______, contre la décision du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 17 janvier 2025 ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______, recourants, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Karine STECK, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

le greffier-juriste :

 

F. SCHEFFRE

 

 


la présidente siégeant :

 

F. KRAUSKOPF

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :