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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2754/2023

ATA/1286/2023 du 29.11.2023 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2754/2023-PRISON ATA/1286/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 novembre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON intimée



EN FAIT

A. a. A______ est détenu depuis le 25 mai 2023 à la prison de Champ-Dollon, en exécution de peine.

b. Il a signé la « convention d’occupation » avec la prison, dont le « cadre disciplinaire des ateliers » prévoit que tout comportement troublant l’ordre et la tranquillité et le refus d’obtempérer aux ordres des responsables d’atelier feront l’objet d’une attention particulière et pourront être sanctionnés de la suppression immédiate ou temporaire de travail.

c. Le détenu a été affecté à l’atelier cuisine du 15 août au 11 septembre 2023. Depuis le 12 septembre 2023, il travaille à l’atelier conditionnement.

d. Il ressort du rapport d’incident du 1er septembre 2023 qu’à la suite d’une panne du tunnel de lavage du lave-vaisselle, vers 9h00, des détenus avaient été appelés en renfort pour la plonge. Le précité se sentant inutile avait eu « une légère altercation » avec d’autres détenus. Invité par un appointé à se calmer, il avait répondu que si c’était ainsi, il souhaitait remonter en cellule.

Entendu au sujet des faits, le détenu les avait niés. Il avait ensuite refusé de signer la sanction de suppression du travail pendant trois jours pour attitude incorrecte.

B. a. Par acte expédié le 4 septembre 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision. Il était victime d’un abus de pouvoir et de harcèlement. Il souhaitait pouvoir s’expliquer oralement.

b. La prison a conclu au rejet du recours. Les faits reprochés ressortaient du rapport d’incident et le recourant avait pu se déterminer à leur sujet. Son attitude à l’atelier cuisine avait nécessité l’intervention d’un agent de détention. Sa réaction de dépit n’était pas compatible avec le bon fonctionnement de l’atelier.

c. Invité à se déterminer sur les écritures de la prison, le recourant ne s’est pas manifesté.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Bien que la sanction ait été exécutée, le recourant conserve un intérêt actuel à l'examen de la légalité de celles-ci, dès lors qu'il pourrait être tenu compte de la sanction contestée en cas de nouveau problème disciplinaire ou de demande de libération conditionnelle (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/679/2023 du 26 juin 2023 consis. 2 ; ATA/498/2022 du 11 mai 2022 consid. 2 ; ATA/50/2022 du 18 janvier 2022 consid. 2).

Bien que le recourant ne développe guère sa contestation, il ressort de son acte de recours qu’il n’est pas d’accord avec la sanction qui lui a été infligée, de sorte qu’il répond aux exigences d’une motivation minimale (art. 65 LPA).

Son recours est donc recevable.

3.             Le recourant sollicite son audition.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 132 II 485 consid. 3.2). Ce droit n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l’espèce, le recourant a eu l’occasion de s’exprimer avant que la sanction ne soit prononcée. Il a pu le faire également dans son recours, puis à nouveau après avoir pris connaissance des déterminations de la prison, ce à quoi il a toutefois renoncé.

Dans ces circonstances, il ne sera pas donné suite à sa demande d’audition.

4.             Est litigieuse la sanction de trois jours de suppression de travail.

4.1 Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, font l'objet d'une surveillance spéciale. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

4.2 Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence d'une faute (ATA/412/2022 du 13 avril 2022 consid. 4a ; ATA/43/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1108/2018 du 17 octobre 2018 et les références citées).

4.3 Les détenus doivent observer les dispositions du RRIP, les instructions du directeur général de l'office cantonal de la détention ainsi que les ordres du directeur et du personnel pénitentiaire (art. 42 RRIP). En toute circonstance, ils doivent observer une attitude correcte à l'égard du personnel pénitentiaire, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP). Il est interdit aux détenus, d’une façon générale, de troubler l’ordre et la tranquillité de l’établissement (art. 45 let. h RRIP).

4.4 Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP).

À teneur de l'art. 47 al. 3 RRIP, le directeur ou, en son absence, son suppléant sont compétents pour prononcer a) la suppression de visite pour 15 jours au plus, b) la suppression des promenades collectives, c) la suppression des activités sportives, d) la suppression d’achat pour 15 jours au plus, e) suppression de l’usage des moyens audiovisuels pour 15 jours au plus f) la privation de travail ou encore g) le placement en cellule forte pour dix jours au plus. Le directeur peut déléguer ces compétences à un membre du personnel gradé (art. 47 al. 7 RRIP).

4.5 Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 6d et la référence citée).

4.6 En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation, le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limitant à l'excès ou l'abus de ce pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/679/2023 précité consid. 5.5 et les références citées).

4.7 De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s'en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 19 de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaire du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/679/2023 précité consid. 5.6 et les références citées).

4.8 En l’espèce, il ressort du rapport d’incident que le recourant était mécontent du fait qu’en raison de la panne du tunnel du lave-vaisselle, d’autres détenus soient venus en renfort et qu’ainsi, il s’était trouvé sous-occupé. Si cette frustration est compréhensible, elle ne permettait au recourant ni de s’en prendre verbalement à ses codétenus ni, par dépit, de refuser de rester à l’atelier et insister pour remonter en cellule. La « convention d’occupation » signée par ses soins soulignait, en particulier, l’importance d’adopter un comportement irréprochable en atelier et d’obtempérer aux ordres des responsables d’atelier. Le recourant se devait donc, même s’il éprouvait une frustration liée à sa sous-occupation, de s’abstenir de s’engager dans un différend verbal avec ses codétenus et de refuser de continuer à travail à l’atelier.

Ayant ainsi contrevenu à son obligation d’adopter une attitude correcte à l’égard des autres détenus et du personnel, son comportement justifiait une sanction.

Celle infligée, à savoir la suppression de trois jours de travail, tient dûment compte du fait que le recourant n’a, à teneur du dossier, pas d’antécédents disciplinaires et que les faits reprochés sont d’une faible gravité. Elle respecte ainsi le principe de la proportionnalité.

Au vu du large pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée en la matière, la sanction prononcée ne viole pas la loi ni ne consacre un abus du pouvoir d’appréciation.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu la nature et l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu ni aucune indemnité de procédure allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 septembre 2023 par A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 1er septembre 2023 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à la prison de Champ‑Dollon.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. DESCHAMPS

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :