Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3477/2021

ATA/50/2022 du 18.01.2022 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3477/2021-PRISON ATA/50/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 janvier 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON



EN FAIT

1) Monsieur A______ est incarcéré à la prison de Champ-Dollon depuis le 4 juin 2021.

2) Selon le rapport d’incident, lors de la promenade du 3 octobre 2021, un appointé avait entendu M. A______ dire à plusieurs détenus de bloquer la remontée de la promenade. Avisé de la situation, le gardien-chef adjoint opérationnel avait décidé de faire intervenir des renforts de la brigade d’intervention et de sécurité (ci-après : BIS) et des agents de détention se trouvant dans l’unité Est. Les détenus étaient ensuite remontés par groupe de quatre.

3) Le même jour, après avoir pu s’exprimer, M. A______ a été sanctionné de cinq jours de cellule forte pour trouble à l’ordre de l’établissement.

4) Par courrier expédié le 11 octobre 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ a recouru contre cette sanction. Il avait expliqué lors de son audition qu’il n’avait jamais organisé d’émeute. Avec d’autres détenus, il avait signé un courrier concernant le sport, la promenade et d’autres activités. Il répétait qu’il n’avait jamais organisé d’émeute.

5) La direction de la prison a conclu au rejet du recours.

Il ressortait du rapport d’incident qu’un appointé avait entendu le recourant inciter ses codétenus à ne pas retourner en cellule. Le recourant ne contestait pas avoir discuté pendant la promenade avec des codétenus et les avoir encouragés à ne pas réintégrer les cellules. Le courrier dont il faisait état n’était pas parvenu à la direction de la prison. Le fait d’inciter des codétenus à ne pas remonter constituait une violation grave du règlement de la prison, justifiant la sanction prononcée.

Les images de vidéosurveillance ont été produites.

6) Le recourant ne s’est pas manifesté dans le délai de réplique.

7) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Bien que la sanction ait été exécutée, le recourant conserve un intérêt actuel à l'examen de la légalité de celle-ci, dès lors qu'il pourrait être tenu compte de la sanction contestée en cas de nouveau problème disciplinaire ou de demande de libération conditionnelle (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/719/2021 du 6 juillet 2021 consid. 1 ; ATA/1597/2019 du 29 octobre 2019 consid. 1).

Le recours est donc recevable.

3) a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, font l'objet d'une surveillance spéciale. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

b. Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04), dont les dispositions doivent être respectées par les détenus (art. 42 RRIP). En toute circonstance, ceux-ci doivent observer une attitude correcte à l'égard du personnel pénitentiaire, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP). Il est interdit aux détenus, notamment, d'une façon générale, de troubler l'ordre et la tranquillité de l'établissement (art. 45 let. h RRIP).

c. Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP).

À teneur de l'art. 47 al. 3 RRIP, le directeur ou, en son absence, son suppléant sont compétents pour prononcer, notamment, le placement en cellule forte pour dix jours au plus (let. g). Le directeur peut déléguer ces compétences à un membre du personnel gradé (art. 47 al. 7 RRIP). L'art. 47 al. 7 RRIP prévoit que le directeur peut déléguer la compétence de prononcer les sanctions prévues à l'al. 3 à d'autres membres du personnel gradé. Les modalités de la délégation sont prévues dans un ordre de service. L'ordre de service B 24 de la prison prévoit une telle délégation pour le placement en cellule forte de un à cinq jours en faveur du membre « consigné » de la direction, et pour la suppression de travail en faveur du gardien-chef adjoint (ATA/1631/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3).

d. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés sauf si des éléments permettent de s'en écarter (ATA/719/2021 précité ; ATA/1339/2018 du 11 décembre 2018 et les arrêts cités). Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/36/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1242/2018 du 20 novembre 2018).

e. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 6d et la référence citée).

f. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/383/2021 du 30 mars 2021 consid. 4; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c).

4) a. En l’espèce, les faits reprochés au recourant ressortent du rapport établi le 3 octobre 2021. Selon ce rapport, un agent de détention avait entendu le recourant inciter des codétenus à ne pas remonter en cellule après la promenade. L’intéressé ne semble pas contester ce point, indiquant uniquement qu’il n’avait jamais organisé d’émeute. Par ailleurs, il ressort également du visionnement des images de vidéosurveillance qu’un détenu a abordé différents groupes de détenus pendant la promenade. Au vu de ces éléments, il n'y a pas lieu de s'écarter des constatations figurant dans le rapport susmentionné, établi au demeurant par un agent assermenté et qui a une pleine valeur probante.

Le comportement consistant à inciter ses codétenus à ne pas remonter en cellule est susceptible de troubler l'ordre, la sécurité et la tranquillité de l'établissement. De ce fait, le recourant a violé ses obligations de détenu, telles que figurant aux art. 42 ss RRIP, en particulier aux art. 44 et 45 let. h RRIP. Il s'ensuit que l'autorité intimée était fondée à le sanctionner pour ces faits.

b. S'il est vrai que le placement en cellule forte constitue la sanction la plus sévère mentionnée à l'art. 47 al. 3 RRIP, il n'en demeure pas moins que le recourant, en incitant ses codétenus à ne pas réintégrer les cellules, a adopté un comportement nuisant au bon fonctionnement de la prison. Ses agissements ont nécessité l’appel à la BIS et à des agents de détention se trouvant dans l’unité Est. Grâce à la présence de l’ensemble de ces agents, la remontée en cellule s’est finalement faite dans le calme. L'autorité intimée était dès lors fondée à faire preuve de sévérité en lui infligeant une sanction de cinq jours de cellule forte, malgré l’absence d’antécédents disciplinaires, étant rappelé que le placement en cellule forte peut être prononcé pour dix jours au plus.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'autorité intimée n'a ni abusé ni excédé son pouvoir d'appréciation, ni violé le principe de la proportionnalité, en prononçant le placement du recourant en cellule forte pour cinq jours.

Le recours sera donc rejeté.

5) Au vu de la nature du litige et de son issue, il ne sera pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 octobre 2021 par Monsieur A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 3 octobre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. Deschamps

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :