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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3118/2018

ATA/1108/2018 du 17.10.2018 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3118/2018-PRISON ATA/1108/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 octobre 2018

en section

 

dans la cause

 

M. B_______

contre

ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE FERMÉ CURABILIS



EN FAIT

1. a. Le 29 août 2018, M. B______, né en 1988 et détenu depuis le 10 octobre 2016 au sein de l’établissement pénitentiaire fermé Curabilis (ci-après : Curabilis ou établissement), a, selon un rapport du même jour du gardien principal, décidé de perturber le repas de midi de l’unité de la manière qui suit : à 11h20, il a commencé à prendre possession du saladier dans lequel il s’est servi à mains nues, puis, remis à l’ordre par le gardien principal, a cessé ce comportement ; à 11h25, il a demandé aux autres détenus de « se pousser » et de garder la distance par rapport à lui d’un ton provocateur, à la suite de quoi l’agent de détention lui a indiqué que c’était l’heure du repas et que cela expliquait la concentration d’autant de personnes autour de la table de service ; à 11h55, l’intéressé, n’ayant toujours pas débarrassé sa table malgré plusieurs injonctions de l’agent de détention présent, mais prenant son temps, a commencé à rire du fonctionnement de l’unité ; à 12h00, il a été informé par le gardien principal qu’il serait enfermé en cellule jusqu’à la promenade de 16h30 et prendrait le repas du soir en cellule, sa cellule étant toutefois ouverte pour l’espace détente à 19h30. Le sous-chef a été averti de cette situation.

Le même jour, à teneur d’un rapport de l’agent A., après sa promenade, à 17h33, M. B______ a été accompagné par ledit agent pour faire sa lessive. Arrivés à la buanderie, ce dernier l’a informé qu’en remontant, il devait lui donner son assiette afin qu’il lui serve son repas. Le détenu lui a répondu : « Ton chef m’a dit que ce soir je mange avec les autres et de toute façon ce n’est pas un petit sous-fifre marocain de merde qui me donnera des ordres ». L’agent lui a alors demandé de lui parler avec respect comme lui-même continuait à le faire malgré ses insultes. Après quoi l’intéressé lui a dit « Vas te faire foutre, on se croisera un jour dehors et on rigolera bien. Non tu rigoleras moins », puis il a remonté en courant les étages jusqu’à sa cellule. À 17h40, l’agent A. avec un collègue, l’a rejoint à l’étage et a fermé sa cellule. M. B______ a refusé à trois reprises la demande qui lui était faite par ces deux agents de leur donner son assiette afin que son repas soit servi, puis il a mis la musique et leur a demandé de partir par un signe de la main. Les agents lui expliquant que ce comportement valait refus de repas, il n’a rien voulu savoir. À 17h43, le gardien principal puis le sous-chef ont été avertis de ce qui précède. À 18h05, le détenu a refusé une assiette qui lui était présentée par l’agent A. À 18h35, un médecin interne de l’unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire (ci-après : UHPP) a évalué M. B______ et l’a considéré comme « compensé », ce qui ressort également d’une attestation signée le même jour par le sous-chef. Par décision du gardien principal et du sous-chef, l’intéressé a été enfermé jusqu’au lendemain.

Le lendemain, 30 août 2018, à 7h30, M. B______ a été informé par l’agent A. qu’il resterait enfermé en cellule jusqu’à nouvel avis en lien avec les événements de la veille. Il n’a, à trois reprises, pas répondu à la proposition qu’il lui était faite d’avoir un petit-déjeuner, mais a demandé de pouvoir chercher sa lessive.

b. Par décision du 30 août 2018 également, « sans sursis » et déclarée exécutoire immédiatement nonobstant recours, signifiée à 10h00 à M. B______ qui a refusé de la signer, le sous-chef a, au titre de sanction(s), prononcé la suppression des multimédias pendant deux mois ainsi que la suppression du sport et du matériel de sport aussi pendant deux mois, les faits reprochés étant « menace et insultes envers le personnel » et les motifs une « insubordination et/ou incivilité à l’encontre du personnel » (art. 69 let. b du règlement de l'établissement de Curabilis du 19 mars 2014 - RCurabilis - F 1 50.15) et des « menaces et/ou atteintes intégrité corporelle ou à l’honneur » (art. 69 let. c RCurabilis).

M. B______ avait été entendu oralement par le sous-chef le matin même à 8h15.

À teneur du procès-verbal de cette audition, que le sous-chef a signé mais que l’intéressé a refusé de signer, celui-ci était resté dans le déni en précisant qu’il n’avait ni insulté ni menacé, avait dénoncé une haine dirigée contre lui depuis l’expertise psychiatrique, « une pluie de sanctions lui [étant tombée] dessus depuis lors » et avait déclaré être indifférent à la sanction qui lui serait infligée.

2. Par décision du 5 septembre 2018, « sans sursis » et déclarée exécutoire immédiatement nonobstant recours, un autre sous-chef a, au titre de sanction(s), infligé à M. B______, qui avait été entendu oralement un peu plus de deux heures auparavant et qui a refusé de signer ladite décision, quatre jours d’arrêt disciplinaire, les faits reprochés étant « comportement dans la provocation, irrespectueux envers [des agents] et refus d’obtempérer » et les motifs une « insubordination et/ou incivilité à l’encontre du personnel » (art. 69 let. b RCurabilis), un « trouble de la tranquillité » (art. 69 let. m RCurabilis) et un « comportement inadéquat » (art. 69 let. n RCurabilis).

3. Par acte expédié le 10 septembre 2018 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), M. B______ a formé recours contre la décision du 30 août 2018 précitée, concluant à l’annulation des sanctions qui y étaient prononcées et à ce que les agents le laissent en paix, comme pour les autres détenus.

Il n’avait pas eu accès à de quelconques preuves des faits qui lui étaient reprochés, à savoir des déclarations écrites des agents et un procès-verbal reprenant les propos qu’il avait lui-même tenus. Ces faits étaient totalement faux. Il invoquait sa bonne foi.

C’était aussi sans procès-verbal ni justification que de nombreuses sanctions lui avaient été infligées depuis environ sept mois et auxquelles il s’était symboliquement opposé en ne les signant pas, alors que pendant les quarante mois de détention précédents et dans les diverses prisons dans lesquelles il avait été détenu, il n’avait été sanctionné qu’une fois pour un malentendu. Cette fois-ci, c’était « trop ». Il lui était arrivé d’être enfermé de manière abusive.

Le recourant remettait en cause le but visé par la suppression des activités sportives, le milieu pénitentiaire, médicalisé ou non, étant censé privilégier la santé sous toutes ses formes, en particulier par le sport, élément indispensable et sans rapport avec les faits qui lui étaient reprochés.

Il était également contraire au but de la détention d’isoler, par la suppression des multimédias, une personne détenue « musicalement, informationnellement, culturellement, instructivement, etc. », sachant qu’elle était déjà isolée par définition du monde extérieur. À titre de preuve de la mauvaise foi et de la malveillance envers sa personne, son réveil, sa montre et sa calculatrice avaient été saisis.

Ces deux sanctions servaient à lui faire « péter les plombs », alors que Curabilis, milieu médico-psychiatrique, avait précisément pour fonction de prendre en charge des personnes fragiles au plan mental ou au moins de ne pas accentuer le mal-être ou leurs éventuels problèmes psychologiques.

Le corps médical des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) ne faisait pas état d’un trouble mental chez lui et il ne prenait aucun médicament.

Il laissait à son avocat le droit de porter plainte contre l’établissement et contre l’office cantonal de la détention (ci-après : OCD).

Il sollicitait que les autorités d’application des peines de son canton soient informées de sa démarche.

4. Dans sa réponse du 28 septembre 2018, Curabilis a conclu au rejet du recours et au déboutement de M. B______ de toutes autres ou contraires conclusions.

C’était en raison d’une erreur de la part des agents que la calculatrice et la montre lui avaient été retirées. Le réveil, étant un radioréveil et donc un multimédia, lui serait rendu à la fin de l’exécution de la sanction disciplinaire.

Celui-ci avait, précédemment, entre le 19 mars et le 17 août 2018, fait l’objet de douze sanctions avec ou sans sursis, la plupart sans sursis, soit cinq fois des arrêts disciplinaires (cellule forte), quatre fois une suppression des multimédias jusqu’à un mois – couplée ou non avec des arrêts disciplinaires –, une suppression de l’accès aux salles de sport pendant trois semaines ainsi que trois amendes de CHF 20.- à CHF 150.-.

Par jugement du Tribunal cantonal de son canton du 28 juin 2016, l’exécution de la peine privative de liberté du recourant avait été suspendue au profit d’un traitement institutionnel au sens de l’art. 59 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), à titre de mesure thérapeutique. Selon une expertise psychiatrique établie le 12 mai 2018, il souffrait d’un grave trouble psychique de type schizophrénique qui était partiellement compensé.

5. Dans sa réplique du 8 octobre 2018, M. B______ a persisté dans les arguments et conclusions de son recours, précisant que son opposition portait essentiellement sur la sanction du 30 août 2018.

La production par l’établissement de l’expertise psychiatrique du 12 mai 2018 violait ses droits à disposer des documents d’ordre personnel et médical le concernant, et il y avait des divergences d’appréciation entre l’auteur de ce rapport et le responsable des HUG pour Curabilis.

Il demandait à la direction de l’établissement de recadrer professionnellement les agents « qui [faisaient] du zèle avec leur autorité sur les détenus et les patients » afin qu’ils fassent tout simplement leur travail. Les agents n’étaient pas tous malveillants, certains étant même bienveillants.

6. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

7. Pour le reste, les arguments des parties seront, en tant que de besoin, repris dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 74 al. 1 RCurabilis ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La sanction a été prise par un agent pénitentiaire ayant le grade de sous-chef, auquel le directeur de Curabilis – compétent selon l’art. 71 al. 1 RCurabilis – avait délégué la tâche de statuer, en application de l’art. 71 al. 2 RCurabilis en lien avec l’art. 70 al. 4 RCurabilis. La sanction a été ainsi valablement prononcée par l’autorité compétente (ATA/266/2018 du 20 mars 2018 consid. 5d et 7).

3. a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il permet de sanctionner des comportements fautifs – la faute étant une condition de la répression – qui lèsent les devoirs caractéristiques de la personne assujettie à cette relation spécifique, lesquels en protègent le fonctionnement normal. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

b. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/731/2018 du 10 juillet 2018 consid. 5b ; ATA/310/2017 du 21 mars 2017 consid. 5a).

Les sanctions disciplinaires étant régies par les principes généraux du droit pénal, l’autorité doit tenir compte, lorsqu’elle fixe la sanction, des motifs d’atténuation, voire d’exemption de peine au sens des art. 48ss et 52ss CP.

Ainsi, la peine doit être atténuée notamment si l'auteur a agi dans une détresse profonde (art. 48 let. a ch. 2 CP), en proie à une émotion violente que les circonstances rendaient excusable ou s'il a agi dans un état de profond désarroi (art. 48 let. c CP).

c. La sanction doit être conforme au principe de la proportionnalité (ATA/499/2017 du 2 mai 2017 consid. 3c). Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d’aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé - de nécessité - qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/1159/2017 du 3 août 2017 consid. 7a).

 

4. a. La personne détenue a l'obligation de respecter les dispositions du RCurabilis, les directives du directeur général de l’OCD, du directeur de Curabilis, du personnel pénitentiaire ainsi que les instructions du personnel médico-soignant (art. 67 RCurabilis). La personne détenue doit observer une attitude correcte à l'égard des différents personnels, des autres personnes détenues et des tiers (art. 68 RCurabilis).

En vertu de l’art. 69 al. 1 RCurabilis, sont notamment interdits l’insubordination et les incivilités à l’encontre des personnels de Curabilis (let. b), les menaces dirigées contre les différents personnels de Curabilis, les intervenants extérieurs ou des personnes codétenues et les atteintes portées à leur intégrité corporelle ou à leur honneur (let. c), d'une façon générale, le fait d'adopter un comportement contraire au but de Curabilis (let. n).

b. Aux termes de l’art. 70 RCurabilis, si une personne détenue enfreint le RCurabilis ou contrevient au plan d'exécution de la sanction pénale, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (al. 1) ; il est tenu compte de l’état de santé de la personne détenue au moment de l’infraction disciplinaire (al. 2) ; les sanctions sont l'avertissement écrit (let. a), la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximale de trois mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières (let. b.), l'amende jusqu'à CHF 1'000.- (let. c) et les arrêts pour une durée maximale de dix jours (let. d ; al. 4). Ces sanctions peuvent être cumulées (al. 5) ; l’exécution de la sanction peut être prononcée avec un sursis ou un sursis partiel de six mois au maximum (al. 6), qui peut être révoqué lorsque la personne détenue fait l'objet d'une nouvelle sanction durant le délai d'épreuve (al. 7) ; après son prononcé, la sanction peut être suspendue ou la personne détenue en être dispensée pour justes motifs ou en opportunité (al. 8).

5. De jurisprudence constante, la chambre administrative accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/731/2018 précité consid. 5d ; ATA/266/2018 précité consid. 6 ; ATA/73/2017 du 31 janvier 2017 consid. 7 et les références citées), sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 19 de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/731/2018 précité consid. 5d ; ATA/266/2018 précité consid. 6 ; ATA/1410/2017 du 17 octobre 2017 consid. 4).

6. a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 41 LPA, comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 et les références citées ; ATA/1515/2017 du 21 novembre 2017 consid. 3a).

La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 138 I 97 consid. 4.16.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_533/2012 du 12 septembre 2013 consid. 2.1 ; ATA/1515/2017 du 21 novembre 2017 consid. 3c). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d’être entendu et doit rester l'exception (ATF 126 I 68 consid. 2 et les références citées). Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; ATA/1515/2017 précité consid. 3c). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/1515/2017 précité consid. 3c).

b. À teneur de l’art. 70 al. 3 RCurabilis, avant le prononcé de la sanction, la personne détenue doit être informée des faits qui lui sont reprochés et être entendue ; elle peut s'exprimer oralement ou par écrit.

7. En l’espèce, le recourant n’a pas reçu les rapports du gardien principal et de l’agent A., ni le procès-verbal de son audition, avant la notification de la réponse au recours émise par l’établissement. Toutefois, il n’indique pas que lors de son audition avant le prononcé de la décision querellée, il n’aurait pas été mis au courant des reproches qui lui étaient faits, ni que l’absence de possession des rapports et procès-verbaux susmentionnés à ce moment-là et avant la rédaction de son recours l’aurait empêché de faire valoir de manière efficace et complète ses griefs en fait et en droit. Au demeurant, la mise de ces documents à disposition du détenu concerné lors de son audition précédant une éventuelle sanction n’est pas exigée par l’art. 70 al. 3 RCurabilis, qui apparaît pour le reste avoir été respecté.

Une violation du droit d’être entendu de l’intéressé ne saurait donc être retenue.

Par surabondance, celui-ci a pu formuler des observations après avoir reçu les rapports et procès-verbal précité, de sorte que, même si une violation de son droit d’être entendu devait être admise, elle serait réparée, la chambre administrative connaissant de la présente cause avec un plein pouvoir d’examen (ATA/1060/2018 du 9 octobre 2018 consid. 4 ; ATA/310/2017 précité consid. 4).

8. Concernant le fond du litige, l’intéressé s’est contenté de contester l’ensemble des faits reprochés contre lui par l’intimé, sans toutefois préciser lesquels seraient inexacts.

Aucun élément ne permet de remettre en cause la pleine valeur probante des constatations figurant dans les rapports du gardien principal et de l’agent A.

Le 29 août 2018, dans le cadre du repas de midi de l’unité, le recourant a perturbé volontairement le repas et a eu un comportement provocateur. Le soir-même, il a tenu des propos racistes, insultants et menaçants à l’encontre d’un agent, puis, dans sa cellule, a adopté une attitude de refus de à l’égard de deux agents. Le lendemain matin, il n’a pas voulu répondre, à trois reprises, à un agent s’il voulait un petit-déjeuner.

Ces comportements répétés durant un jour et demi dénotent un manque de respect à l’égard du personnel de l’établissement, dont le paroxysme a consisté en les paroles racistes, insultes et menace à l’encontre d’un agent et pour lesquels la responsabilité de l’intéressé a été reconnue par un médecin interne de l’UHPP.

Ils sont constitutifs d’insubordination et d’incivilités à l’encontre d’agents de Curabilis (art. 69 al. 1 let. b RCurabilis), ainsi que de menaces dirigées contre un agent, voire d’atteintes portées à l’honneur de celui-ci (art. 69 al. 1 let. b RCurabilis), comme considéré par l’intimé.

Le principe d’une sanction est en conséquence établi.

9. Sous l’angle du principe de la proportionnalité, les actes commis par le recourant sont notablement plus graves que dans le cas où le détenu, apparemment sans antécédents, avait dit à un agent « Il fait trop le bonhomme, il ne sait pas qui je suis » et « Tu verras, tu me connais pas et tu ne sais pas de quoi je suis capable » et dans lequel une suppression des multimédias pendant quatre semaines, dont deux semaines avec sursis de deux mois, avait été jugée conforme au principe de la proportionnalité (ATA/156/2018 du 20 février 2018).

En outre, la sanction querellée, qui cumule une suppression des multimédias ainsi que du sport et du matériel de sport pendant une même période de deux mois, n’atteint pas le maximum de trois mois prévu par l’art. 70 al. 4 let. b RCurabilis et fait suite à plusieurs sanctions disciplinaires non contestées par l’intéressé et présentant, avec la sanction présentement litigieuse, une gradation progressive de la sévérité.

 

Enfin, la suppression des multimédias et des activités sportives selon l’art. 70 al. 4 let. b RCurabilis constitue une sanction certes plus sévère que l’avertissement écrit (let. a) mais moins incisive que l’amende et les arrêts (let. c et d). Elle ne résulte aucunement d’une volonté de nuire au recourant et ne l’empêche pas d’avoir d’autres loisirs ainsi que des relations sociales. Aucun manque de respect ni abus d’autorité à son encontre ne ressortent des actes accomplis par les agents les 29 et 30 août 2018. Il sied de préciser que l’intimé a reconnu une erreur dans la confiscation de la calculatrice et de la montre, le radioréveil constituant quant à lui un multimédia.

En définitive, la sanction en cause est conforme au principe de la proportionnalité.

10. Vu ce qui précède, la décision querellée ne constitue pas un excès ou un abus du pouvoir d’appréciation par l’établissement (art. 61 al. 1 let. a LPA) et est, partant, conforme au droit.

Le recours sera en conséquence rejeté.

Aucune règle ne permet à la chambre de céans de communiquer le présent arrêt au service d’exécution des peines du canton de l’intéressé. Rien n’empêche ce dernier de le faire s’il le souhaite.

11. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne serait allouée au recourant (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 septembre 2018 par M. B______ contre la décision de l’établissement pénitentiaire fermé Curabilis du 30 août 2018 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à M. B______, ainsi qu'à l'établissement pénitentiaire fermé Curabilis.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mme Junod et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Marinheiro

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :