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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/359/2022

ATA/120/2023 du 07.02.2023 sur JTAPI/1075/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/359/2022-PE ATA/120/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 février 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Guy Zwahlen, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 octobre 2022 (JTAPI/1075/2022)


EN FAIT

A. a. Monsieur A______, né le ______1980, est ressortissant du Kosovo.

b. Par décision du 20 décembre 2002, l’office fédéral des réfugiés, devenu secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a refusé la demande d’asile qu’il avait déposée le 10 décembre 2001 et a prononcé son renvoi de Suisse.

c. Le 26 mai 2021, M. A______ a été entendu par la police comme prévenu d’infraction à l’art. 115 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

Assisté par une traductrice, il a notamment déclaré avoir quitté la Suisse en mars 2002, suite au rejet de sa demande d’asile. Il avait ensuite vécu une dizaine d’années au Kosovo avant de se rendre, en 2012 ou 2013, en Italie. Il s’y était marié et avait obtenu un titre de séjour, mais non l’autorisation de travailler. Ne voulant pas être à la charge de son épouse, il était venu travailler à Genève en 2015 et vivait dans le même logement depuis la fin 2015. Sa situation financière était bonne, ayant un revenu mensuel de l’ordre de CHF 4'000.-. Il n’avait pas de dettes. Il n’avait suivi que l’école obligatoire et avait toujours travaillé dans le domaine du bâtiment. Son père était décédé et sa mère, à qui il envoyait environ CHF 500.- chaque mois, vivait au Kosovo. Il avait cinq frères et une sœur, qui vivaient principalement au Kosovo et en Slovénie, hormis un frère domicilié à B______. Sans enfant, il était séparé de son épouse depuis 2020.

Il n’y avait pas de motifs s’opposant à son expulsion de Suisse. Il aimait ce pays et souhaitait pouvoir y rester. Il s’était rendu environ deux fois par année au Kosovo.

d. Il résulte des tampons apposés dans son passeport qu’il a effectué plusieurs voyages vers ou en provenance du Kosovo, à savoir sept trajets en 2016, deux en 2017, 2018 et 2019, ainsi que trois en 2020.

e. Par ordonnance pénale du 28 juin 2021, le Ministère public genevois a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de 140 jours-amende ainsi qu’à une amende de CHF 500.- pour infractions à l’art. 115 al. 1 let. a, b et c LEI (période pénale : entre le 1er janvier 2015 et le 31 mai 2018).

Avant cela, il avait été condamné le 30 mai 2012 par le Ministère public D______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende pour infractions à l’art. 115 al. 1 let. a et b LEI.

f. Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 9 août 2021, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 23 août 2021 pour quitter le territoire.

g. Par acte du 16 août 2021, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Cette procédure, ouverte sous la cause A/2668/2021, est suspendue d’accord entre les parties, selon décision du 20 août 2021.

B. a. Le 21 juillet 2021, M. A______ a déposé auprès de l’OCPM une demande de régularisation de ses conditions de séjour.

 

Il séjournait en Suisse depuis de très nombreuses années et sa situation constituait un cas de rigueur. Il avait vécu loin de son pays depuis plus de 20 ans et s’était totalement intégré au mode de vie helvétique. Après le dépôt de sa demande d’asile en 2001, il avait séjourné à C______ entre 2006 et 2009, puis quelque temps en Italie avant de revenir en Suisse en 2012, d’abord à D______, où était établi son frère, puis à Genève, depuis 2015. Son salaire lui permettait de subvenir à ses besoins. Il maîtrisait parfaitement l’allemand.

 

Il a notamment produit un contrat de travail du 21 décembre 2017 ainsi qu’un décompte de salaire, pour le mois de janvier 2018, émis par l’entreprise E______, une facture des Hôpitaux universitaires de Genève mentionnant un traitement le 9 mars 2018, un formulaire M indiquant la société F______ en qualité d’employeur depuis le15 juin 2020, et un courrier de la Caisse cantonale genevoise de compensation du 27 février 2015.

b. Le 19 octobre 2021, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser d’accéder à sa demande du 21 juillet 2021.

c. Faisant valoir son droit d’être entendu le 18 novembre 2021, M. A______ a relevé qu’il fallait tenir compte de son séjour de 20 ans en Suisse, du fait qu’il avait perdu toute attache au Kosovo, de sa bonne intégration sociale, de sa maîtrise de deux langues nationales et du fait que son activité lucrative lui procurait chaque mois un revenu net de CHF 3'625.40.

d. Par décision du 11 janvier 2022, l’OCPM a refusé de soumettre son dossier au SEM avec un préavis favorable, a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 11 mars 2022 pour quitter le territoire suisse, de même que l’ensemble de l’espace Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible.

M. A______ avait été renvoyé dans son pays d’origine le 11 mars 2009. Son séjour en Suisse – sans interruption – pouvait se voir validé depuis 2015. Cette durée de 6 ans, relativement courte, ne satisfaisait pas aux conditions légales et jurisprudentielles. Les condamnations pour séjour illégal et prise d’emploi à répétition sans les autorisations requises, depuis 2015, ainsi que le non-respect de la décision de renvoi du 9 août 2021, démontraient qu’il faisait fi des injonctions prononcées par les autorités. Il ne pouvait être retenu une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Il n’avait pas créé avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables qu’il ne pouvait plus raisonnablement envisager un retour au Kosovo, ni acquis des connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu’il ne pourrait plus les mettre en pratique dans son pays d’origine. Il n’avait pas démontré qu’un retour au Kosovo aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place.

C. a. Par acte du 31 janvier 2022, M. A______ a interjeté recours auprès du TAPI contre cette décision, concluant à son annulation et à la délivrance d’une autorisation de séjour en sa faveur.

 

Après avoir réitéré les éléments qu’il avait précédemment exposés, il a affirmé qu’il n’était plus envisageable de le renvoyer au Kosovo, car il y avait perdu toute attache étroite et n’était plus habitué au mode de vie de ce pays. La Suisse, où il résidait depuis plus de 18 ans, était devenue le centre de ses relations sociales et personnelles, ce d’autant plus que son frère y vivait. Ses condamnations pénales concernaient la violation de la LEI et n’étaient donc pas pertinentes dans le cadre de l’examen d’un dossier de régularisation de séjour.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

M. A______ ne démontrait pas la continuité d’un séjour en Suisse de près de 20 ans. Les pièces produites, faiblement probantes, pourraient, tout au plus, laisser penser à une présence en Suisse depuis 2015.

c. Par réplique du 17 mai 2022, M. A______ a contesté le caractère peu probant des pièces produites. Il fallait tenir compte de son séjour antérieur à 2015, soit dès mai 2012 dans le canton de D______. En tenant compte de la période de séjour intermédiaire en Italie, il vivait loin de son pays depuis plus de 20 ans.

d. Le 1er juin 2022, M. A______ a transmis au TAPI le décompte de ses cotisations AVS, à savoir, en avril-mai 2012, juin-juillet 2013, de février à décembre 2015, de janvier à mars, juin-juillet et septembre 2016, de janvier à avril et novembre-décembre 2017, janvier-février 2018, de février à septembre 2019 et de juin à décembre 2020.

e. Le TAPI a, par jugement du 14 octobre 2022, rejeté le recours.

Aucun élément n’attestait qu’il aurait vécu en Suisse entre juin 2012 et janvier 2015, hormis les deux mois de juin-juillet 2013. Compte tenu de ses déclarations à la police en mai 2021, il était vraisemblable qu’il avait quitté la Suisse en mai 2012, à la suite de sa condamnation pénale par le Ministère public D______, pour se rendre en Italie, où il indiquait s’être marié et où il avait dû vivre un certain temps pour obtenir son titre de séjour. Il n’y avait pas lieu de prendre en considération la période passée en Suisse avant qu’il n’y soit revenu de manière permanente en 2015. Un enracinement dans un pays ne pouvait réellement avoir lieu si le séjour était interrompu par un départ à l’étranger de quelques années. Ainsi, la durée totale pertinente du séjour de M. A______ devait être fixée à plus de 6 ans et demie, de sorte qu’elle pouvait être qualifiée d’assez longue, mais devait être relativisée au vu de son caractère illégal.

M. A______ avait subvenu à ses besoins par ses propres moyens, ne faisait pas l’objet de poursuites pour dettes, ni d’actes de défaut de biens. Sa maîtrise de la langue française devait être faible, vu le besoin d’une interprète lors de son audition par la police le 26 mai 2021, et celle de l’allemand n’était pas étayée. Il n’avait pas fait état d’une quelconque intégration socioculturelle. Ses deux condamnations pénales et le séjour illégal démontraient sa désinvolture face à l’ordre public suisse. Il avait vécu dans son pays jusqu’au début de sa vie d’adulte. Il ne se prévalait d’aucun problème de santé. Quitter la Suisse et retourner dans sa patrie ne représenterait pas pour lui un profond déracinement.

M. A______ n’obtenant pas d’autorisation de séjour, c’était à bon droit que l’OCPM avait prononcé son renvoi de Suisse.

D. a. M. A______ a formé recours contre ce jugement par acte expédié le 16 novembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à l’annulation dudit jugement et à l’octroi d’une autorisation de séjour.

Son intégration en Suisse, particulièrement à Genève était très réussie, pour les raisons déjà relevées dans ses précédentes écritures. Il était très apprécié de ses employeurs. Il n’avait plus d’attaches au Kosovo dont le mode de vie lui était devenu étranger après avoir passé à l’étranger quasiment toute sa vie adulte. Il n’y aurait aucun point de chute, soit ni travail ni logement. Il avait démontré la durée de son séjour en Suisse, y compris entre 2012 et 2015, par ses cotisations à l’AVS et les autres pièces produites. Une voisine avait attesté, en septembre 2021, de sa présence continue en Suisse depuis 2014.

Le TAPI aurait dû reconnaître qu’il remplissait les conditions du cas de rigueur. L’exigibilité du retour au pays faisait totalement fi de la jurisprudence du Tribunal fédéral, ce d’autant plus que 21 ans de séjour à l’étranger faisaient perdre l’habitude du mode de vie et défaisait les liens et les contacts qu’il avait pu nouer au Kosovo dans sa jeunesse.

b. L’OCPM a conclu, le 13 décembre 2022, au rejet du recours.

c. Par réplique du 20 janvier 2023, M. A______ a relevé qu’il fallait tenir compte de l’intégralité de son séjour en Suisse, depuis sa première arrivée en 2001, nonobstant des interruptions, et non pas l’année 2015. Il revenait sur les éléments fondant son intégration et le fait qu’il n’était pas exigible de le faire retourner au Kosovo.

d. Les parties ont été informées, le 23 janvier 2023, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’OCPM du 11 janvier 2022, confirmée par le TAPI, refusant de présenter au SEM le dossier du recourant avec un préavis positif en vue de la délivrance d’un titre de séjour et prononçant son renvoi de Suisse.

Selon l'art. 61 LPA, le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (al. 1). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (al. 2 ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

3.              

3.1. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées après cette date, à l’instar de la demande du recourant du 21 juillet 2021, sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

3.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

3.2.1 Dans sa teneur depuis le 1er janvier 2019, l’art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 - état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.10 [ci-après : directives LEI] ; ATA/340/2020 du 7 avril 2020 consid. 8a).

L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

3.2.2 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4d).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de s7 à 8 huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées).

Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance – par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

L’intégration professionnelle doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 du 4 juin 2019 consid. 6c et l'arrêt cité).

La question est de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (ATA/353/2019 du 2 avril 2019 consid. 5d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.2.3 Le Tribunal administratif fédéral (TAF) a eu à se pencher sur la problématique de la durée de séjour continu, telle qu’exigée par l’« opération Papyrus », développée par le canton de Genève et ayant visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, plus précisément sur la prise en compte ou non d’une interruption du séjour. Il s’agissait en l’occurrence d’un séjour de la recourante aux Philippines entre 2015 et 2016, sans toutefois donner davantage de précisions, ni quant à la date à laquelle elle était partie dans ce pays, ni quant à celle de son retour en Suisse. À supposer que la jurisprudence genevoise au sujet de motifs excusables pour une interruption du séjour puisse être appliquée, ce qui était douteux en l’occurrence, l’intéressée n’avait pas étayé à satisfaction de droit l’assistance fournie à sa famille en rapport avec un typhon. De plus, le TAF considérait qu’une interruption de plus d’une année serait bien trop étendue pour satisfaire à la nature tout à fait exceptionnelle de la dérogation envisagée. Ainsi, la recourante ne remplissait pas la condition du séjour ininterrompu de 10 ans dans le canton de Genève (arrêt du TAF F_4717/2020 du 23 mai 2022 consid. 6.2.2).

S’agissant de la jurisprudence genevoise à laquelle le TAF fait référence, ce dernier a relevé que la chambre administrative retenait, à tout le moins de façon implicite, que la durée du séjour ininterrompu devait s’examiner concernant les 5 ou 10 ans qui précédaient le dépôt de la demande d’autorisation de séjour. La jurisprudence semblait toutefois relativiser le critère de la durée de séjour continu en cas de motifs impérieux liés à des situations particulières. Il en était ainsi dans un arrêt ATA/1000/2019 du 11 juin 2019, dans lequel une interruption du séjour en Suisse de 9 mois avait été relativisée, dès lors que le séjour d’une famille avait été prolongé au vu de la « gravité de la maladie » du père du recourant. Il y était aussi relevé que « le retour des recourants au Brésil pos[ait] la question de savoir si ce séjour dans leur pays d’origine [pouvait] être considéré comme une véritable interruption de leur séjour en Suisse dans la mesure où il était imposé par des circonstances particulières de la maladie du père du recourant » (arrêt du TAF 4717/2020 précité, consid. 5.3.2 et références citées).

4.             En l'espèce, il ressort du dossier que le recourant est arrivé une première fois en Suisse à la fin de l’année 2001, pour y demander l’asile. Le SEM a refusé sa demande et prononcé son renvoi le 10 décembre 2001. Le recourant a déclaré à la police en 2021 avoir quitté la Suisse en mars 2002. L’OCPM, sans être contredit, indique qu’il a été renvoyé au Kosovo en mars 2009. Un séjour en Suisse entre la fin de l’année 2001 et ce renvoi n’est donc nullement démontré. En tout état, il devrait être considéré comme interrompu, pendant près de 3 ans, dans la mesure où le dossier comporte pour premier élément d’une présence en Suisse depuis le renvoi en mars 2009, des cotisations à l’AVS en avril et mai 2012, respectivement une condamnation à D______ pour séjour illégal et activité sans autorisation en mai 2012. Le décompte de cotisations AVS atteste ensuite d’une présence en Suisse en juin et juillet 2013, puis à partir de février 2015. Aucun élément n’atteste donc que le recourant aurait vécu en Suisse, de manière continue, entre juin 2012 et janvier 2015, hormis les mois de juin-juillet 2013. Au contraire, comme retenu à juste titre par le TAPI, compte tenu de ses déclarations à la police en mai 2021, il est vraisemblable qu’il ait quitté la Suisse en mai 2012, suite à sa condamnation, pour se rendre en Italie où il indique s’être marié. Il sera donc retenu, comme cette instance et l’OCPM, que le recourant séjourne au mieux, de manière ininterrompue en Suisse depuis le début de l’année 2015.

Cette durée de séjour de 6 ans et demie au jour du dépôt de sa demande de régularisation en juillet 2021 doit être fortement relativisée, conformément à la jurisprudence susmentionnée, par le caractère illégal du séjour, et alors même que le recourant faisait l’objet d’une décision de renvoi du 10 décembre 2001. Il a ensuite séjourné en Suisse sous le régime d'une tolérance, le temps que soit instruite sa demande d'autorisation.

Par ailleurs, s'il n'est en l'espèce pas remis en cause que le recourant n'a jamais émargé à l'aide sociale, ni fait l'objet de poursuites, son activité d’ouvrier dans le bâtiment n’est toutefois pas constitutive d'une ascension professionnelle remarquable et ne l'a pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu'il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine. Ces emplois ne lui permettent pas de se prévaloir d'une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée.

C'est vainement que le recourant cherche à relativiser ses condamnations des 30 mai 2012 et 28 juin 2021 inscrites à son casier judiciaire, quand bien même elles sont liées uniquement à son statut illégal en Suisse. Toujours est-il qu’il a contrevenu par deux fois à l'ordre juridique suisse et qu’il ne s’est nullement amendé, puisque depuis 2012, nonobstant sa première condamnation, il a persisté à revenir et à séjourner, fût-ce pour de courtes périodes, en Suisse en toute illégalité.

Le recourant ne met nullement en avant des attaches personnelles particulières avec la Suisse, ni a fortiori n'en étaye, au-delà de son frère qui vit dans le canton de D______. Il ne démontre pas une intégration sociale particulièrement poussée, étant rappelé que les relations de travail, d'amitié ou de voisinage qu'il aurait pu nouer pendant son séjour ne constitueraient en tout état normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception aux mesures de limitation. Il ne démontre pas maîtriser la langue française, ni allemande, étant relevé que lors de son audition à la police en mai 2021, il a dû être assisté d’une interprète en langue albanaise.

S'agissant des possibilités de réintégration dans son pays d'origine, le recourant, bientôt âgé de 43 ans, est né au Kosovo, pays dont il parle la langue où il a vécu toute son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d’adulte. Il a donc passé au Kosovo les années déterminantes pour le développement de sa personnalité et en connaît les us et coutumes. Il y est retourné sept fois en 2016, deux fois en 2017, 2018 et 2019 et trois fois en 2020.

Finalement, de retour dans son pays d'origine, le recourant, en bonne santé, pourra faire valoir l'expérience professionnelle acquise en Suisse.

Dans ces circonstances, il ne ressort pas du dossier que les difficultés auxquelles le recourant devrait faire face en cas de retour au Kosovo seraient pour lui plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants du Kosovo retournant dans leur pays.

Au vu de ce qui précède, le recourant ne se trouve pas dans une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. S'il est vrai qu'un retour dans son pays d'origine pourra engendrer pour lui certaines difficultés, il ne se trouve pas dans une situation si rigoureuse que l'on ne saurait exiger son retour au Kosovo.

Il ne se justifie dès lors pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en faveur du recourant, de sorte que l'autorité intimée était fondée à refuser de donner une suite positive à sa demande d'autorisation de séjour et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

 

5.              

5.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6 et les arrêts cités). Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

5.2 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l'intimé devait prononcer son renvoi. Pour le surplus, aucun motif ne permet de retenir que le renvoi du recourant ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé ; celui-ci ne le fait d'ailleurs pas valoir.

6.             Mal fondé, le recours sera rejeté.

7.             Vu cette issue, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 novembre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 octobre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guy Zwahlen, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Lauber, présidente, M. Mascotto, Mme Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. Lauber

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.