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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2900/2016

ATA/844/2016 du 10.10.2016 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2900/2016-FPUBL

" ATA/844/2016

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 10 octobre 2016

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Eric Maugué, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L'ÉCONOMIE



Vu l’art. 7 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ;

Attendu, en fait, que :

1. Le 1er février 1987, M. A______, né en 1957, a été engagé par le Conseil d’État en qualité d’officier de gendarmerie avec grade de lieutenant, pour une année à titre d’épreuve, et, dès le 1er février 1988, a été confirmé dans ses fonctions.

Le 1er juillet 2001, il a été promu officier de police par le Conseil d’État, le
9 avril 2003, remplaçant du chef de la police genevoise et le 1er novembre 2003, commandant de la gendarmerie avec grade de lieutenant-colonel.

Le 1er septembre 2013, il est devenu chef des opérations de la police, son grade de lieutenant-colonel étant conservé, sa fonction étant située en classe 30.

Au 1er mai 2016, il percevait un traitement en classe 30, annuités 22.

Parallèlement, M. A______ a suivi des cours en Suisse et à l’étranger, en particulier en matière de commandement de police et de gestion de crise contre l’ordre public.

2. Lors d’un entretien qui s’est tenu le 1er février 2016 en présence de la secrétaire générale adjointe du département de la sécurité et de l’économie (ci-après : DSE ou le département) et de la cheffe de la police, le chef dudit département a reproché à
M. A______, à titre de manquements à ses devoirs de service, d’avoir interprété les deux notes datées des 15 et 17 décembre 2015 qu’il avait reçues avant la manifestation du 19 décembre 2015 – lors de laquelle des manifestants avaient commis d’importantes déprédations sur des bâtiments, notamment sur le Grand Théâtre de Genève – de telle sorte que le dispositif qu’il avait mis en place par la police pour cadrer les manifestants s’était révélé totalement insuffisant, de ne pas avoir fait mention desdites notes des 15 et 17 décembre 2015 lorsque la cheffe de la police lui avait demandé toutes les informations utiles à l’établissement du rapport demandé par le conseiller d’État, et d’avoir répondu à la cheffe de la police que le contenu de la note du 15 décembre 2015 était conforme au rapport du 10 janvier 2016.

3. Par arrêté du 1er février 2016, le chef du DSE a ouvert une enquête administrative à l’encontre de M. A______.

4. Par arrêté du 3 février 2016, déclaré exécutoire nonobstant recours, le Conseil d’État a prononcé la suspension provisoire de M. A______ avec maintien des prestations à la charge de l’État, le prononcé d’une décision de suppression de toutes prestations à charge de l’État demeurant toutefois réservé.

5. Par arrêté du Conseil d’État du 22 juin 2016, déclaré exécutoire nonobstant recours, M. A______ a été dégradé en tant que major, fonction située en classe 27, annuités 22, pour une période de quatre ans.

L’enquête administrative ouverte à son encontre était close et la suspension provisoire prononcée le 3 février 2016 prenait fin dès la notification dudit arrêté.

L’intéressé avait gravement enfreint les art. 20, 21 let. a et c et 21 al. 1 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01), et 3 al. 1 du règlement sur les cadres supérieurs de l'administration cantonale du 22 décembre 1975 (RCSAC - B 5 05.03), ainsi que les ordres de service, particulièrement en ce qui concernait son comportement consécutif à la manifestation du 19 décembre 2015.

6. Le même jour, le conseiller d’État en charge du département a notifié à
M. A______ la décision précitée et l’a, par ailleurs, informé qu’il lui confiait la fonction de chargé de mission à l’office cantonal de la protection de la population et des affaires militaires (ci-après : OCPPAM) en lien avec la protection de la population, lui remettant un cahier des charges élaboré le 13 juin 2016 relatif à cette nouvelle affectation, mentionnant notamment les activités et les
« compétences-clé ».

7. Par télécopie de son conseil adressée le soir même au chef du département,
M. A______ a contesté sa réaffectation en observant d’ores et déjà que les art. 39 et 47 de la loi sur la police du 9 septembre 2016 (LPol - F 1 05) dérogeaient à l’art. 12 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du
4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et que, par voie de conséquence, il ne pouvait être affecté qu’à un poste au sein de la police.

8. Le lendemain 23 juin 2016, M. A______ a été convoqué par le secrétaire général du DSE à un entretien fixé le même jour à 16h00, afin d’évoquer sa nouvelle affectation et de lui permettre de formuler ses remarques.

Par fax de son avocat du même jour, M. A______ a sollicité le report de cet entretien dans un délai raisonnable afin qu’il ait suffisamment de temps pour préparer ses objections.

L’entretien prévu s’est néanmoins tenu le 23 juin 2016 à 16h00, en présence du secrétaire général et de la secrétaire générale adjointe. Le secrétaire général a fait part à M. A______ – qui était assisté par son conseil – que, suite à la décision de dégradation prise par le Conseil d’État le 22 juin 2016, il ferait l’objet d’un changement d’affectation en qualité de chargé de mission, en vertu des art. 2 et 34LPol, 12 LPAC et 15 du règlement général sur le personnel de la police
(RGPPol - F 1 05.07) ; il allait sans dire qu’il resterait soumis à la LPol et à ses règlements d’application ; il continuerait à bénéficier des avantages liés à ce statut, ce qui signifiait qu’il percevrait les indemnités qui lui étaient versées actuellement, à savoir l’indemnité pour risques inhérents à la fonction ; par ailleurs les frais médicaux seraient pris en charge par l’employeur comme actuellement ; dans l’intervalle, l’intéressé pouvait rester à son domicile ou d’ores et déjà se présenter à l’OCPPAM.

9. Depuis le 30 juin 2016 et selon certificats médicaux d’une spécialiste FMH en médecine interne, M. A______ est en arrêt de travail à 100 % pour cause de maladie, les « sorties libres » étant « autorisées ».

10. Par écriture de son avocat du 1er juillet 2016, M. A______ s’est opposé à la nouvelle affectation susmentionnée. En effet, il ne pouvait être réaffecté qu’au sein de la police et non dans un autre secteur de l’administration. En violation de l’art. 34 LPol, la nouvelle mission qui lui était confiée, qui embrassait la prise en compte de risques qui excédaient largement ceux qui étaient spécifiques de police, ne correspondait ni à ses aptitudes ni à son expérience, et était en complète contradiction avec les griefs qui lui avaient été adressés par le Conseil d’État, à savoir des prétendus manquements en matière d’encadrement de la manifestation du 19 décembre 2015. Cette nouvelle affectation ne répondait pas aux besoins de la police et à l’exigence d’une saine et efficace gestion des services publics, étant donné que la loi fédérale sur la protection de la population et sur la protection civile du
4 octobre 2002 (LPPCi - RS 520.1), notamment ses art. 6 à 8 afférents à la planification, l’organisation et la coordination en matière de protection de la population, était en vigueur depuis près de quinze ans et qu’il était totalement invraisemblable que le canton de Genève ne se soit jusqu’à ce jour pas conformé à ses obligations dans ce contexte, de sorte qu’il était inimaginable que les tâches prévues dans le cahier des charges qui lui avait été remis ne soient pas déjà réalisées au sein de l’OCPPAM. Il en résultait que cette nouvelle affectation constituait une sanction déguisée en ce sens qu’elle revenait à le mettre sur la « touche » et visait l’objectif premier du chef du département, à savoir l’écarter de la police.

11. Par décision du 12 juillet 2016, déclarée exécutoire nonobstant recours, le conseiller d’État en charge du DSE a décidé que, dès le 1er août 2016,
M. A______ exercerait la fonction de chargé de mission au sein de l’OCPPAM, son traitement étant situé en classe 27, position 22.

Ayant perdu son grade de lieutenant-colonel, l’intéressé ne pouvait plus exercer la fonction de chef des opérations de la police, laquelle requérait précisément ce grade conformément à l’art. 5 al. 3 du règlement sur l’organisation de la police (ROPol - F 1 05.01). Les fonctions liées au grade de major, à savoir les fonctions expressément mentionnées à l’art. 5 al. 2 ROPol – les chefs de police secours, de la police judiciaire, de la police de proximité, de la police internationale, de la police routière, du centre opérations et planification et du service des commissaires de police –, avaient d’ores et déjà été repourvues dans le cadre de l’entrée en vigueur de la LPol le 1er mai 2016, raison pour laquelle l’intéressé n’avait pas pu être affecté dans l’une de celles-ci. M. A______ disposait de toutes les compétences nécessaires pour occuper la fonction à laquelle il était affecté au sein de l’OCPPAM, qui concernait principalement la protection de la population et relevait de ce fait de la sécurité au sens large ; en sa qualité de chef des opérations de la police, il avait été impliqué dans la gestion de dossiers stratégiques, s’était occupé principalement de doctrines d’engagement, de planifications, de coordinations et de conduites, autant d’aspects qui étaient parfaitement en lien avec les besoins d’analyses des risques et la nécessité de réformer le dispositif OSIRIS ; l’intéressé connaissait d’ores et déjà tous les partenaires qui traitaient de la protection de la population, ainsi que leur fonctionnement, ce qui était un atout considérable pour le poste envisagé ;
M. A______ avait d’ailleurs fait partie de la composition de la commission de la protection de la population. Ce changement d’affectation ne constituait pas une sanction déguisée.

12. Par acte déposé le 22 août 2016 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre l’arrêté du Conseil d’État du 22 juin 2016, concluant à son annulation.

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de cause A/2757/2016.

13. Par acte déposé le 5 septembre 2016 au greffe de la chambre administrative,
M. A______ a formé recours contre la décision du conseiller d’État en charge du DSE du 12 juillet 2016, concluant à la restitution de l’effet suspensif au recours, préalablement au versement à la procédure par le directeur de l’OCPPAM de toutes les informations communiquées aux collaborateurs de cet office entre le 13 et le 22 juin 2016 en relation avec son changement d’affectation ainsi qu’à l’ouverture d’enquêtes, principalement à l’annulation de ladite décision, « avec suite de frais et dépens ».

Il se prévalait d’une violation du droit d’être entendu car il apparaissait que la décision entreprise avait déjà été prise de manière irrévocable avant même qu’il puisse s’exprimer ; en effet le cahier des charges avait été rédigé le 13 juin 2016 et il apparaissait que le directeur de l’OCPPAM avait déjà été informé de manière confidentielle, à la même époque, de sa mutation, ce à quoi s’ajoutait le fait que le chef du département avait exprimé une volonté arrêtée de procéder à sa mutation lors de l’entretien du 22 juin 2016. Les griefs au fond reprenaient pour l’essentiel ceux énoncés dans son écriture du 1er juillet 2016.

Ce recours est l’objet de la présente cause A/2900/2016.

14. Dans ses observations du 16 septembre 2016, le DSE a conclu à l’irrecevabilité du recours, le recourant ne démontrant pas que l’exécution de la décision du
12 juillet 2016 lui causait un préjudice irréparable, de même qu’au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif.

Avant le prononcé de la décision litigieuse, l’OCPPAM avait demandé à plusieurs reprises au DSE un renforcement en termes d’effectif pour pouvoir effectuer ou améliorer l’exécution de ses tâches, comme le montrait le procès-verbal d’une séance du 10 novembre 2014 entre le DSE et l’OCPPAM ainsi qu’une note de la hiérarchie dudit office du 30 mai 2016 relative à l’« actualisation de l’analyse cantonale des risques et plans de coordination pour l’intervention » à teneur de laquelle la variante à favoriser serait la mise à disposition de ressources externes mais internes à l’État en faveur de l’OCPPAM afin de lui permettre de mener à bien une actualisation partielle. C’était dans ce contexte que le DSE avait souhaité que
M. A______ soit temporairement détaché de la police. Le changement d’affectation du recourant répondait à un besoin avéré de l’employeur, respectivement de l’OCPPAM.

Ce changement d’affectation n’avait une incidence ni sur le traitement du recourant, ni sur son statut, dès lors que celui-ci conservait son statut de policier avec le grade de major, et ne constituait en aucun cas un « placard », le recourant n’étant d’ailleurs pas le seul policier à avoir été provisoirement détaché de la police.

Il était vrai que le poste de chargé de mission à l’OCPPAM n’avait pas fait l’objet d’une publication dans le bulletin des places vacances (ci-après : BPV). Cela étant, l’annonce aurait mentionné que le poste serait repourvu à l’interne, de sorte que cette procédure aurait été superflue.

Enfin, si la chambre administrative accédait à la demande de
M. A______ sur l’effet suspensif, cela reviendrait à lui octroyer le plein de ses conclusions sur le fond.

15. Par lettre du 23 septembre 2016, la chambre administrative a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger sur effet suspensif.

Attendu, en droit, que :

1. Aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

Selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis, et ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1383/2015 du 23 décembre 2015 consid. 1 ; ATA/1352/2015 du
16 décembre 2015 consid. 4). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1 ; ATA/1352/2015 du 16 décembre 2015 consid. 6a). Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/1352/2015 précité consid. 6a).

2. Selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, un changement d’affectation d’un fonctionnaire relève en principe de la gestion interne de l’administration, n’est pas une décision au sens de l’art. 4 LPA et n’est donc pas sujette à recours, quand bien même cette mesure intervient en corollaire d’une procédure disciplinaire. Les conditions pour admettre une sanction déguisée – et donc une entrée en matière sur le fond du recours – sont strictes. En principe, en l’absence de modification de traitement et en présence d’un poste concernant les sphères de compétences du fonctionnaire, il ne s'agit pas d'une sanction déguisée (ATA/575/2014 du 29 juillet 2014 consid. 9 et 10 et 11 ; ATA/475/2009 précité consid. 6 et les références citées ; ATA/221/2009 du 5 mai 2009 consid. 4, confirmé l’arrêt du Tribunal fédéral 8D_4/2009 du 3 mars 2010), même si la mesure en cause est comprise comme une sanction par l’intéressé (ATA/69/2016 du
26 janvier 2016).

Dans un arrêt du 16 août 2010, le Tribunal fédéral a admis la recevabilité du recours contre l’ATA/475/2009 non pour des raisons de principe mais pour des motifs liés aux circonstances du cas tranché, à savoir parce que l’objet du déplacement en cause allait au-delà de l'exécution des tâches qui incombaient au fonctionnaire dans sa sphère d'activité habituelle ou des instructions qui lui étaient données dans l'exercice de ces tâches et que le nouveau cahier des charges de l’intéressé avait un contenu totalement différent de celui de sa fonction antérieure (ATF 136 I 323 consid. 4.5 et 4.7 ; ATA/69/2016 précité consid. 2d). La Haute Cour a en outre rappelé deux critères permettant généralement de déterminer si on a affaire à une décision ou à un acte interne. D'une part, l'acte interne n'a pas pour objet de régler la situation juridique d'un sujet de droit en tant que tel et, d'autre part, le destinataire en est l'administration elle-même, dans l'exercice de ses tâches. Ainsi, un acte qui affecte les droits et obligations d'un fonctionnaire en tant que sujet de droit, par exemple la fixation de son salaire, d'indemnités diverses ou encore de sanctions disciplinaires, est une décision. En revanche, un acte qui a pour objet l'exécution même des tâches qui lui incombent en déterminant les devoirs attachés au service, telles que la définition du cahier des charges ou des instructions relatives à la manière de trancher une affaire, est un acte interne juridique (ATF 136 I 323
consid. 4.4 ; 131 IV 32 consid. 3).

En définitive, la jurisprudence de la chambre de céans émanant des ATA/475/2009 et ATA/221/2009 précités demeure applicable, et la question de savoir si la mesure en cause est en adéquation avec les aptitudes et l’expérience du collaborateur (ATA/575/2014 précité consid. 11) doit être examinée de manière rigoureuse (ATA/69/2016 précité consid. 2e).

3. En l’espèce, le recourant a été effectivement provisoirement suspendu du
3 février au 22 juin 2016, et il n’a pas formé recours contre l’arrêté du Conseil d’État du 3 février 2016 prononçant cette mesure. Il semble donc avoir de facto quitté sa fonction de chef des opérations de la police et ne l’a pas réintégrée depuis lors. Une telle réintégration serait au demeurant actuellement impossible puisqu’elle requière que le titulaire porte le grade de lieutenant-colonel, grade que l’intéressé a précisément perdu dès le prononcé de l’arrêté du Conseil d’État du 22 juin 2016, qui a été déclaré immédiatement exécutoire, et celui-ci n’a pas sollicité la restitution de l’effet suspensif dans son recours formé le 22 août 2016 contre cet arrêté (cause A/2757/2016).

Le recourant, qui n’a pas repris le travail depuis le 3 février 2016, se contente de contester son changement d’affectation, sans indiquer quelle fonction au sein de la police il jugerait adéquate pour lui. À cet égard, selon les explications de l’intimé, ce ne pourrait pas être l’une des fonctions pour lesquelles le grade de major est requis (art. 5 al. 3 ROPol), ces postes ayant déjà été repourvus. Ainsi, les fonctions qui auraient été envisageables au sein de la police auraient été en tout état de cause inférieures par rapport à son grade de major auquel il a été dégradé par l’arrêté du Conseil d’État du 22 juin 2016. Par ailleurs, on ne voit prima facie pas en quoi, pour les policiers, une nouvelle affectation dans un autre service que la police serait exclue. Certes, les art. 34 LPol et 15 al. 1 RGPPol, qui concernent l’affectation des membres du personnel de la police, respectivement leur mobilité entre les différents services de la police, paraissent circonscrire le champ d’application à l’intérieur de la police. Toutefois, ces règles n’excluent pas l’application des dispositions de la LPAC, laquelle, en vertu de son art. 1 al. 1 let. b, s’applique aux fonctionnaires de police, sous réserve des dispositions particulières de la LPol. Or, selon
l’art. 12 LPAC, l’affectation d’un membre du personnel dépend des besoins de l’administration ou de l’établissement et peut être modifié en tout temps (al. 1) ; un changement d’affectation ne peut entraîner une diminution de salaire (al. 2).

Pour ce qui est de la fonction de chargé de mission au sein de l’OCPPAM à laquelle le recourant a été affecté par la décision querellée du 12 juillet 2016, celle-ci présente certes des différences importantes par rapport à celle de chef des opérations de la police, avec des responsabilités différentes et un rayon d’analyse plus vaste puisqu’englobant la protection de la population au sens large. Cette nouvelle fonction paraît néanmoins présenter des points communs avec celle de chef des opérations de la police, dans la mesure notamment où elle porte sur l’analyse des risques existants, sur la conduite de certains groupes de travail d’importance stratégique et opérationnelle ainsi qu’au maintien de l’état de préparation du dispositif ; cette nouvelle fonction semble aussi requérir d’importantes compétences. En outre, l’intéressé n’exerce plus sa fonction de chef des opérations de la police, et il n’était plus titulaire d’une quelconque fonction avant son affectation au poste de chargé de mission au sein de l’OCPPAM. De plus, les allégations du recourant tendant à démontrer que cette nouvelle fonction serait sans consistance ne paraissent reposer pour l’essentiel que sur des suppositions de sa part. Il semble au contraire, prima facie, que l’affection de l’intéressé à cette nouvelle fonction répond, au regard des pièces produites par l’intimé, à une vraie demande et un réel besoin de l’OCPPAM, formulés par la hiérarchie dudit office. Dans ce contexte, on voit prima facie mal en quoi la mesure querellée constituerait une sanction déguisée, ce d’autant moins que l’intéressé a déjà fait l’objet d’une sanction disciplinaire, par arrêté du Conseil d’État du 22 juin 2016. Au demeurant, on peine à voir en l’état en quoi cette fonction au sein de l’OCPPAM serait, le cas échéant, plus dévalorisante pour l’intéressé que l’attribution d’un poste au sein de la police.

4. Vu les circonstances qui précèdent, outre la question de savoir si le recours est recevable compte tenu de la nature de la décision attaquée – sanction déguisée ou non –, on peut sérieusement s’interroger en l’état si le recourant a bien un intérêt personnel digne de protection à ce que la décision du 12 juillet 2016 soit annulée et donc un intérêt pour recourir au sens de l’art. 60 al. 1 let. b LPA.

En tout état de cause, si la demande de restitution de l’effet suspensif était admise, elle ne pourrait que mettre en échec provisoirement l’affectation de l’intéressé à la fonction de chargé de mission au sein de l’OCPPAM, mais ne maintiendrait en aucun cas un état de fait, étant donné qu’il n’est actuellement et de facto plus en activité dans son ancienne fonction ou tout autre poste.

Dans ces conditions et sur la base d’un examen sommaire, d’une part, les chances de succès du recours paraissent faibles, d’autre part, l’intérêt public à l’exécution immédiate de la décision querellée, découlant notamment des besoins apparemment existants de l’OCPPAM, priment sur l’intérêt privé du recourant à s’y opposer.

5. En conséquence, la demande de restitution de l’effet suspensif sera refusée, le sort des frais de la procédure étant réservé jusqu’à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse la restitution de l’effet suspensif au recours de M.
A______ formé contre la décision du département de la sécurité et de l’économie du 12 juillet 2016 ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Eric Maugué, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité et de l'économie.

 

 

Le président :

 

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :