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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/256/2009

ATA/475/2009 du 29.09.2009 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 20.11.2009, rendu le 16.08.2010, ADMIS, 8D_8/2009
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/256/2009-FPUBL ATA/475/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 29 septembre 2009

 

dans la cause

 

Monsieur T______
représenté par Me Nathalie Bornoz, avocate

contre

CORPS DE POLICE
représenté par Me François Bellanger, avocat


_________



EN FAIT

1. Monsieur T______ est inspecteur de la police judiciaire ayant la fonction, au 8 janvier 2009, de chef de la brigade des investigations spéciales (ci-après : BRIS).

2. Lors d’un entretien du 8 janvier 2009 auquel participaient M. S______, chef de la police adjoint, M. V______, chef de la police judiciaire et M. B______, sous-chef d'état major, il a été avisé oralement qu’il serait muté au commissariat de police dès le 1er février 2009.

3. Il a eu la confirmation de ce transfert par la lecture du bulletin interne de la police judiciaire du 9 janvier 2009 annonçant son rattachement à l'état-major 3.

4. Le 12 janvier 2009, son nouveau cahier des charges lui a été communiqué par un courriel du chef de section de l'état-major 3. Sous la direction technique de M. P______, juriste, il aurait comme tâche principale de rédiger les ordres de mise en détention administrative, de participer aux réunions avec l'office cantonal de la population, de suivre les cas de mise en détention administrative, de collaborer activement avec la brigade des enquêtes administratives sur ces dossiers et de remplacer M. P______ durant ses absences. Une formation lui serait dispensée à cet effet. Il aurait pour tâches secondaires, sous la responsabilité de l'état-major 3, d'effectuer des enquêtes au sujet de candidats et des inventaires et relevés de dossiers dans le cadre de l'application de la loi sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance des certificats de bonne vie et mœurs (LCBVM - F 1 25).

5. Le 16 janvier 2009, le bulletin d'information n° 02 annonçait que la date du changement de brigade de M. T______, comme celle de tous les collaborateurs mutés, était avancée au 29 janvier 2009 en raison de la manifestation anti-world economic forum.

6. Le 22 janvier 2009, le conseil de M. T______ a écrit à la Cheffe de la police. Son client avait été déplacé au commissariat de police dès le 29 janvier sans qu'aucune décision formelle n'ait été prise et en violation de ses droits.

7. Le 27 janvier 2009, la Cheffe de la police a répondu à l'avocate en lui transmettant copie d'un courrier daté du 23 janvier qu'elle avait adressé à M. T______.

M. T______ avait été entendu à sa demande. Lors de l'entretien du 8 janvier 2009, il avait été informé qu'il serait transféré dès le 1er février 2009 au commissariat en vertu de l'art. 30 de la loi sur la police du 26 octobre 1957 (LPol - F 1 05.01). Il ne s'agissait pas d'une sanction disciplinaire.

8. M. T______ a recouru le 28 janvier 2009 auprès du Tribunal administratif contre cette décision prise le 8 janvier 2009. Celle-ci constituait une sanction déguisée.

Il concluait à titre préalable à la restitution de l'effet suspensif qu’entraîne le dépôt de tout recours, dans la mesure où la loi ne l'accorderait pas déjà.

Sur le fond, il concluait à la constatation de la nullité de la décision et subsidiairement, à son annulation ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure.

Il n'avait jamais eu connaissance du rapport qui fondait la décision. Son droit d'être entendu avait été violé.

Son nouveau cahier des charges ne comportait que des fonctions administratives alors qu'actuellement, il dirigeait un service avec des hommes sous son commandement. La nouvelle fonction ne correspondait ni à ses aptitudes ni à son expérience. Il s'agissait d'une mesure qui portait atteinte à sa personnalité et elle était humiliante. Elle était arbitraire, disproportionnée et n'était pas fondée sur un intérêt public.

9. Le 13 février 2009, le service des ressources humaines du département des institutions, (ci-après DI) ne s'est pas opposé à la restitution de l'effet suspensif.

10. Le 20 février 2009, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties. Le DI n'était pas représenté et M. T______ s'est fait représenter, étant empêché de comparaître pour des raisons médicales.

La responsable du service juridique de la police a confirmé la teneur et la portée de la décision prise par la hiérarchie de la police. Il s'agissait d'un changement d'affectation sans changement de grade. Elle a pris note des conclusions sur effet suspensif prises par le DI, mais la cheffe de la police n'y adhérait pas. Selon ses informations, le recourant était en arrêt maladie mais lorsqu'il reviendrait, il irait travailler au commissariat comme cela avait été décidé.

Par la voix de son conseil, M. T______ a maintenu sa demande de mesures provisionnelles.

11. Le 20 février, le corps de police a confirmé qu'il s'opposait à la restitution de l'effet suspensif.

12. Le 5 mars 2009, par décision de son vice-président, le Tribunal administratif a rejeté la requête en restitution de l'effet suspensif, le recours ayant effet suspensif de par la loi (ATA/118/2009 du 5 mars 2009).

13. Le 23 mars 2009, le corps de police a répondu au recours en concluant principalement à son irrecevabilité et subsidiairement à son rejet ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure.

L'acte attaqué ne remplissait pas les conditions de l'art. 4 LPA et ne constituait pas une décision. Le mécanisme des changements d'affectation avait pour but d'assurer le fonctionnement des services. En l'espèce, il ne s'agissait pas d'une sanction déguisée. Un rapport sur le fonctionnement de la BRIS avait été demandé à M. B______ qui avait proposé trois solutions pour remédier aux dysfonctionnements constatés et notamment aux problèmes que connaissait M. T______ avec son subordonné M. R______. La première solution consistait à déplacer M. R______, la deuxième à muter M. T______ et la troisième à ne rien changer. Face aux trois solutions proposées, la Cheffe de la police avait considéré qu'il n'y avait pas de droit à obtenir un poste de commandement de brigade et celui dans lequel M. T______ était muté était une affectation importante comportant des responsabilités.

La procédure avait été parfaitement suivie. La mesure avait été ordonnée par la cheffe de la police en lieu et place du chef de la police judiciaire, du fait du pouvoir d'évocation de celle-là, puis confirmée par un ordre de service. Les conditions d'un changement d'affectation étaient réalisées dans le but de réorganiser la BRIS afin d'en améliorer le fonctionnement.

M. T______ ne subissait aucun préjudice de cette mesure. Il gardait son grade et sa rémunération et il était transféré dans un secteur où la police avait un besoin impérieux de ressources supplémentaires. Concernant les ordres de mise en détention administrative que M. T______ serait amené à traiter, il y en avait eus 58 en 2007 suivis de 24 recours. En 2008, leur nombre était passé à 108 avec 34 recours. Pour les deux premiers mois de 2009, il y en avait déjà 35, ce qui correspondait à près de 200 sur l'année.

Il était faux de prétendre que tous les chefs de brigade avaient un commandement. Cinq exemples étaient cités : MM. B______ du service des armes, explosifs et autorisations (ci-après : BEAD), D______ rattaché au chef de la police adjoint, C______ et R______ qui occupaient le poste auparavant attribué à M. M______, devenu officier spécialisé en contrôle interne.

14. Le 23 avril 2009, M. T______ a répliqué et demandé que le tribunal ordonne une comparution personnelle des parties et l'audition, à titre de témoins, de tous les collaborateurs de la BRIS.

Sa mutation intervenait sur la base de constatations inexactes, contenues dans un rapport d'audit controversé, vraisemblablement ordonné afin de couvrir M. R______, dont le comportement avait pourtant été vivement critiqué par l'ensemble de ses collègues. Il avait lui même, à plusieurs reprises, dénoncé les agissements de M. R______ et demandé que des mesures soient prises à son encontre.

Actuellement, il avait repris le commandement de la BRIS et celle-ci fonctionnait parfaitement. M. R______ avait été muté, ce qui avait permis de régler les tensions qui régnaient.

Il s'agissait d'une sanction déguisée au regard du caractère humiliant de la mutation. Sur les cinq chefs de brigade cités qui n'avaient pas de commandement, M. R______ n'avait jamais occupé son poste, étant malade, M. M______ avait obtenu ce grade au moment de sa prise de fonction afin qu'il se trouve sur un pied d'égalité avec les policiers qu'il contrôlait, M. D______ avait renoncé à un commandement pour occuper le poste d'ombudsman. MM. C______ et B______ disposaient d'un commandement effectif sur les hommes rattachés à leur service, bien que ceux-ci ne soient historiquement pas organisés en brigade. Leur situation n'était dès lors pas comparable. Sur les vingt chefs de brigade existants, seuls quatre n'avaient pas de commandement.

Le poste auquel il était muté était auparavant occupé par un policier de base sous les ordres d'un fonctionnaire administratif, juriste. Une partie des tâches proposées étaient effectuées à l'heure actuelle par de simples commis administratifs. A ce jour, ce poste n'était pas occupé par un gradé ni d'ailleurs mis au concours. Ces faits contredisaient clairement les allégués du corps de police. La tâche prévue ne correspondait manifestement pas aux compétences d'un chef de brigade et portait atteinte à sa personnalité.

Le seul intérêt du service concerné par la mutation ne suffisait pas, à lui seul, à établir le caractère non-punitif d'une mutation. Il fallait que celle-ci tienne compte des compétences du fonctionnaire concerné. Ce n'était que s'il était déplacé dans une fonction mieux adaptée à ses compétences que sa mutation devait être considérée comme un acte de gestion interne justifiée par l'intérêt public.

En l'espèce, ce n'était pas dans le souci de garantir un fonctionnement optimal des services que la décision avait été prise. Il suffisait de comparer les cahiers des charges. Il s'agissait bien d'une sanction disciplinaire déguisée portant atteinte à sa personnalité et ne reposant sur aucun motif valable dans le sens d'une saine et efficace gestion des services publics.

Il produisait un projet de cahier des charges de chef de brigade communiqué en février 2009.

15. Le 29 mai 2009, le corps de police a répliqué.

Le poste attribué à M. T______ n'était pas subalterne puisqu'il était directement rattaché à l'état-major 3. L'une de ses tâches serait d'effectuer des enquêtes sur les candidats à l'entrée dans la police judiciaire. Les inventaires et les relevés des dossiers de police impliquaient une responsabilité importante. Vu son lien direct avec l'état-major 3, il pourrait se voir attribuer toutes autres missions de police que les chefs de section jugeraient utiles ou qui seraient requises par le chef de la police judiciaire ou son remplaçant. Le poste était également lié au commissariat de police qui travaillait pour partie sous la responsabilité des officiers de police qui étaient placés à un niveau hiérarchique supérieur à celui de l'état-major, puisqu'ils dépendaient directement de la cheffe de la police. Une partie du travail de M. T______, en relation avec les ordres de mise en détention administrative serait réalisée sous la direction technique du juriste mais sans lien hiérarchique puisqu'il dépendait directement du chef du commissariat. De plus, M. T______ devait remplacer ledit juriste en son absence.

La police judiciaire était composée de brigades opérationnelles et de brigades administratives, tels le commissariat, le centre d'information et de documentation et le COPJ. La BEAD avait un statut hybride. La direction d'une brigade administrative n'était ni dégradante ni humiliante. La situation était similaire pour le poste auquel il était dorénavant affecté et qui concernait pour partie une mission essentielle du commissariat de police en relation avec les ordres de mise en détention et pour une autre partie, des fonctions administratives ou opérationnelles de la police judiciaire.

Le cahier des charges des chefs de brigade produit n'était pas définitif car il n'avait pas été approuvé par la cheffe de la police. Il était possible d'avoir le grade de chef de brigade sans pour autant avoir de commandement.

16. Le 19 juin 2009, M. T______ a demandé la production des annexes du dossier d'audit, soit les déclarations de ses collègues et d'éventuels autres documents car le document produit, soit le rapport de M. B______, tenait en trois pages.

17. Le 31 juillet 2009, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

18. Le 4 août 2009, M. T______ a déposé un organigramme des services d'état-major, figurant sur le réseau intranet de la police, dans lequel il ne figurait plus comme chef de la BRIS, ce qui représentait selon lui une nouvelle atteinte à sa personnalité.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2009, le Tribunal administratif est l’autorité supérieure de recours ordinaire en matière administrative (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 – LOJ – E 2 05). Les exceptions qui existaient précédemment en matière de fonction publique ont été abrogées.

La disposition qui prévoyait que le recours au Tribunal administratif n’était ouvert que dans la mesure où une disposition légale, réglementaire ou statutaire spéciale le prévoyait contre les décisions concernant le statut et les rapports de service des fonctionnaires et autres membres du personnel de l’Etat, des communes, et des autres corporations et établissements de droit public a été abrogée dès cette date (art. 56B al. 4 let. a aLOJ, dans sa teneur du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2008).

Prima facie, la compétence du tribunal de céans contre un acte qui concerne le statut et les rapports de service des fonctionnaires est ouvert, sous réserve de la réalisation des conditions de l'article 56A al. 2 LOJ, à savoir notamment que l'acte litigieux soit une décision au sens de l'art. 4 al. 1 LPA, la LOJ n'ayant pas été modifiée sur ce point.

2. a. Le recourant requiert l’ouverture d’enquêtes et notamment la production des déclarations faites par ses collègues ainsi que l'audition de ces derniers.

b. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst, le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuve pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquière la certitude que celle-ci ne pourrait l’amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.2000/2003 du 7 octobre 2003, consid. 3.1 ; ATA/344/2008 du 24 juin 2008, consid. 2). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge examine ceux qui lui paraissent pertinents (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.32/2004 du 12 février 2004, consid. 6).

En l'espèce, il sera renoncé aux mesures d'instruction demandées, celles-ci n'étant pas de nature à modifier l'issue du litige, les faits pertinents pour trancher ce dernier étant suffisamment établis par les pièces produites.

3. a. Sont considérées comme des décisions au sens de l'art. 4 al. 1 LPA, les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c).

b. La notion de décision sur laquelle repose le contentieux de droit public genevois est calquée sur la notion correspondante prévue par le droit fédéral, soit l'art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021. Il en va de même en ce qui concerne les cas limites, ou plus exactement les actes dont l’adoption n’ouvre pas, en principe, la voie à un recours (ATA/633/2007 du 11 décembre 2007 et les références citées).

c. Ne constituent pas des décisions, notamment, les mesures d'organisation administrative qui sont aussi qualifiées d'actes internes ou d'organisation de l'administration et qui s'adressent à leurs destinataires en qualité d'organe, d'agent d'auxiliaire ou de service chargé de gérer une tâche publique sans autonomie. Le destinataire n'est donc pas un administré mais l'administration. En principe, ces actes n'ont pas d'effets juridiques sur l'administré, même s'ils peuvent avoir des conséquences pratiques ou indirectes sur lui (B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 261).

d. La distinction importante entre actes internes ou d'organisation et décisions n'est pas aisée. Ne constituent pas des décisions les ordres impartis par un chef hiérarchique à ses subalternes dans la mesure où ils les visent en tant que titulaires d'une fonction publique et non pas en qualité de personnes ayant des droits propres à l'égard de l'Etat (A. GRISEL, Traité de droit administratif, t. II 1984, p. 861 et 863). Certains actes affectent les droits et obligations du fonctionnaire en tant que sujet de droit : fixation du salaire ou d'indemnités diverses, sanctions disciplinaires qui sont des décisions. D'autres actes qui ont pour objet l'exécution même des tâches qu'ils doivent remplir, en déterminant les devoirs attachés au service, tels que définition du cahier des charges, instruction sur la manière de trancher une affaire, sont des actes internes juridiques (P. MOOR, Droit administratif, t. II, 2e éd., 2002, p. 164).

4. Le commandement de la gendarmerie, le chef de la police judiciaire et le chef de la police de la sécurité internationale décident de l'affectation de leurs collaborateurs selon leurs aptitudes et les besoins. La durée de l'affectation à un poste de travail dépend des exigences du service (art. 30 al. 2 LPol). Selon les travaux préparatoires, l'organisation rationnelle du travail implique que le commandement puisse modifier en tout temps l'affectation d'un membre du corps de police à un poste de travail correspondant à son grade. Cette règle correspond à celle applicable au sein de l'administration cantonale (MCG 1981 I 556/573).

Cette réglementation trouve son pendant, s'agissant de l'administration cantonale, à l'art. 12 al. 1 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) qui prévoit que l'affectation d'un membre du personnel dépend des besoins de l'administration ou de l'établissement et peut être modifiée en tout temps.

Ces dispositions visent à garantir à l’administration une certaine souplesse dans sa politique de mise à contribution de son personnel, mais uniquement en considération des nécessités d’une saine et efficace gestion des services publics, devant permettre à ceux-ci de faire face à leur mission (ATA/630/2006 du 28 novembre 2006, consid. 2).

5. En droit genevois, les changements d'affectation sont en principe considérés comme des actes internes et non des mesures touchant directement la sphère juridique du fonctionnaire (U. MARTI et R. PETRY, La jurisprudence en matière disciplinaire rendue par les juridictions administratives genevoises, RDAF 2007 I p. 249). Ils constituent donc pas des décisions, sauf lorsque, par leurs effets, ils portent atteinte à des droits et obligations d'un fonctionnaire, au même titre qu'une sanction.

Sous l'empire de l'aLOJ, s’agissant plus particulièrement des changements d’affectation concernant les rapports de service entre l’Etat et ses fonctionnaires, le Tribunal administratif ne pouvait être saisi d’un recours que dans les cas où le changement d’affectation constituait une sanction disciplinaire déguisée (ATA/630/2006 du 28 novembre 2006, consid. 1 et les références citées).

Comme exposé dans la décision sur restitution de l'effet suspensif rendue dans la présente cause (ATA/118/2009 du 5 mars 2009), cette jurisprudence doit être abandonnée en tant qu'elle se fondait sur l'art. 56B al. 4 aLOJ. En revanche, la jurisprudence rendue sous l'aLOJ reste pertinente en tant qu'elle fixe les critères permettant de distinguer un changement d'affectation constituant une mesure interne, d'un changement d'affectation représentant une sanction déguisée. En effet, comme vu ci-dessus, si le changement d'affectation revêt un caractère disciplinaire, il correspond à une décision au sens de l'art. 4 al. 1 LPA, alors qu'un transfert justifié par les besoins du service constitue une mesure d'organisation interne contre laquelle le recours n'est pas recevable (art. 56A al. 2 LOJ).

6. a. Le Tribunal administratif a rendu plusieurs arrêts dans lequel il a examiné si le changement d’affectation constituait une sanction déguisée :

b. Il a considéré comme relevant des mesures d'organisation, une décision retirant à un fonctionnaire toute responsabilité dans son travail. Même si cette décision pouvait être ressentie par l'intéressé comme une sanction, elle avait été prise essentiellement pour des raisons liées à une saine gestion du service. Elle correspondait à un acte de gestion courante ou d'organisation interne propre à l'administration (ATA B. du 20 novembre 1991 résumé in SJ 1992 p. 496).

c. De même, saisi d'un recours contre un changement d'affectation motivé par la nécessité de garantir un fonctionnement optimal du service, le Tribunal administratif s'est également déclaré incompétent. Dans ce cas, il était principalement reproché à une fonctionnaire, infirmière cheffe, une mauvaise communication avec sa hiérarchie et ses collaborateurs, ainsi qu'une gestion du personnel défaillante.

d. Le transfert d'un buandier qui travaillait de manière autonome à la centrale de traitement du linge des établissements publics médicaux du canton de Genève n'a pas été considéré comme une sanction déguisée, malgré le prononcé simultané d'un retour au statut d'employé (ATA/705/1997 du 18 novembre 1997).

e. En outre, le tribunal de céans a admis que les insuffisances d'une fonctionnaire dans la gestion de ses dossiers imposaient à ses supérieurs hiérarchiques de l'affecter à un poste où de tels manquements n'étaient plus à craindre, sans que cela ne constitue une sanction déguisée, et même si cette nouvelle affectation, décidée dans un cadre conflictuel, avait pu être comprise par l'intéressée comme une sanction (ATA/196/1998 du 7 avril 1998).

f. Selon la jurisprudence du Tribunal administratif, le transfert d'un inspecteur du service de la main-d'œuvre étrangère (OME) vers l'un des services de l'office cantonal de l'emploi, à la suite d'un audit interne ayant constaté des dysfonctionnements au sein de l'OME, n'est pas constitutif d'une sanction disciplinaire déguisée et, par voie de conséquence, n'ouvre pas de voie de recours. Il ne s'est agi, a rappelé le tribunal de céans, que d'un acte de gestion interne à l'administration, justifié par l'intérêt public à rétablir le bon fonctionnement d'un service dont le climat de travail était insatisfaisant, étant de surcroît précisé qu'aucun reproche n'avait jamais été émis à l'encontre du recourant (ATA/86/1999 du 2 février 1999).

g. Il a déclaré irrecevable le recours d’un fonctionnaire de l’office des poursuites et faillites dont l’affectation avait été modifiée en directeur adjoint du service de l’application des peines et mesure, relevant en particulier que son traitement n’était pas touché par ce changement d’affectation et que ses activités futures entraient dans ses sphères de compétence (ATA/630/2006 du 28 novembre 2007).

h. Il a enfin déclaré irrecevable le recours d'un médecin des HUG transféré de service et pour qui ce changement d'affectation entraînait la perte de sa clientèle privée (ATA/221/2009 du 5 mai 2009).

Il ressort ainsi de la jurisprudence bien établie que les conditions pour admettre une sanction déguisée sont strictes. En principe, en l’absence de modification de traitement et en présence d’un poste concernant les sphères de compétences du fonctionnaire, il s’agit d’un changement d’affectation non susceptible de recours car constituant une mesure interne d'organisation.

Il n'appartient pas au Tribunal administratif de revoir le bien-fondé ou non d'un changement d'affectation, cette question relevant de la gestion interne de l'administration (ATA B. du 30 août 1994, résumé in SJ 1995 p. 583 et in RDAF 1996 p. 282).

7. a. En l'espèce, le recourant fait grand cas du fait qu'il n'aura plus de commandement dans sa nouvelle affectation, ce qui constitue une mesure humiliante qui doit être qualifiée de sanction.

Or, il est établi que, dans la police genevoise, plusieurs chefs de brigades n'ont pas de commandement, il n'est donc pas déterminant que la nouvelle affectation du recourant n'en comporte pas.

b. Selon l'intimé, le changement d'affectation est motivé par les problèmes existant dans le service et par les besoins exprimés par un autre service. Force est de constater que le choix de régler le problème constaté dans le fonctionnement de la brigade, en changeant le recourant d'affectation est laissé par la loi à l'appréciation du commandement. Le fait que la situation ait évolué depuis la prise de décision et que la personne mise en cause par le recourant ait également été affectée à un autre service ne fait que conforter cette appréciation.

Que cette nouvelle affectation ne permette pas au recourant d'exercer au mieux toutes ses aptitudes et ne tienne pas idéalement compte de son expérience, ne suffit pas à la qualifier de sanction. De même, les effets négatifs sur le fonctionnement de la BRIS, qui seraient engendrés par la mutation du recourant, sont hors de propos, dans la mesure où l'appréciation de ces faits est laissée au commandement de l'intimé par la loi.

La hiérarchie du recourant a constaté, notamment sur la base du rapport figurant au dossier, une situation de dysfonctionnement, à laquelle il convenait de remédier. Le choix a été fait de procéder à une réorganisation du service. Une augmentation objective de la quantité de décisions à traiter dans la nouvelle affectation du recourant est par ailleurs établie.

En conséquence, le changement d'affectation du recourant apparaît fondé sur la gestion des services et doit être qualifié de mesure de gestion interne prise dans le but d'améliorer le fonctionnement de l'institution. Cette conclusion s'impose, malgré le fait que le recourant comprenne ce changement comme une sanction et qu'il ne partage pas l'appréciation faite par sa hiérarchie, ni les moyens choisis pour remédier aux dysfonctionnements de la brigade.

8. Au vu de ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable. Un émolument de CHF 750.- sera mis à charge du recourant. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au corps de police, doté d'un service juridique (art. 87 LPA ; ATA/75/2008 du 19 février 2008).

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

déclare irrecevable le recours interjeté le 28 janvier 2009 par Monsieur T______ contre la décision de mutation du corps de police du 8 janvier 2009 ;

met à la charge de Monsieur T______ un émolument de CHF 750.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt  peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 13 et suivants LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nathalie Bornoz, avocate du recourant et à Me François Bellanger, avocat du Corps de police.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni, M. Dumartheray, juges, M. Bonard, juge suppléant

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

F. Rossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :