Décisions | Chambre civile
ACJC/647/2023 du 16.05.2023 sur JTPI/6337/2022 ( OO ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/1753/2019 ACJC/647/2023 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 16 MAI 2023 |
Entre
A______ SA, sise ______, appelante et intimée sur appel joint d'un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 mai 2022, comparant par Me François BELLANGER, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale , 1211 Genève 4, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,
et
Madame B______, domiciliée ______, intimée et appelante sur appel joint, comparant par Me Cédric LENOIR, avocat, Lenoir Delgado & Associés SA, rue des Battoirs 7, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.
A. Par jugement JTPI/6337/2022 du 24 mai 2022, reçu par A______ SA le 27 mai 2022, le Tribunal de première instance a débouté B______ de ses conclusions à l'encontre de A______/C______ SA (ch. 1 du dispositif), condamné A______ SA à payer à B______ 14'545 fr. avec intérêts à 5% dès le 15 décembre 2017, 70'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 11 avril 2018 et 13'500 fr. avec intérêts à 5% dès le 2 avril 2019 (ch. 2). ![endif]>![if>
S'agissant des frais judiciaires, le Tribunal les a arrêtés à 15'191 fr. 15, les compensant avec les avances de frais fournies par B______ [recte: les parties], les a mis à la charge de A______ SA à hauteur 9'891 fr. 15 et à la charge de B______ à hauteur de 5'300 fr., condamnant la première à verser 9'891 fr. 15 à la seconde et ordonnant la restitution d'un montant de 300 fr. à A______/C______ SA et de 328 fr. 85 à B______ (ch. 3). Il a également condamné A______ SA à verser 10'780 fr. TTC à B______ à titre de dépens (ch. 4), condamné B______ à verser 2'695 fr. TTC à A______/C______ SA à titre de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 6).
B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour civile le 27 juin 2022, A______ SA appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation des chiffres 2 à 4 du dispositif, avec suite de frais judiciaires et dépens. Cela fait, elle conclut, principalement, à ce que la Cour déboute B______ de ses conclusions. ![endif]>![if>
b. Dans sa réponse, B______ conclut au rejet de l'appel. Elle forme également appel joint et sollicite de la Cour l'annulation des chiffre 3, 4 et 6 du dispositif du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens. Cela fait, elle conclut, principalement, à ce que la Cour condamne A______ SA à lui verser 4'145 fr. 10 et 10'869 fr. 30, les deux montants portant intérêts à 5% à compter du 15 octobre 2017.
c. Dans sa réponse sur appel joint, A______ SA conclut à ce que la Cour déboute son adverse partie de toutes ses conclusions. Elle a également répliqué sur appel principal, persistant dans ses conclusions.
d. B______ a répliqué sur appel joint et dupliqué sur appel principal, persistant dans ses conclusions.
e. A______ SA a dupliqué sur appel joint, ce qui a entraîné encore une détermination spontanée de B______, les deux parties persistant dans leurs conclusions respectives.
f. Les parties ont été informées par plis du greffe de la Cour du 1er mars 2023 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les éléments pertinents suivants résultent de la procédure :![endif]>![if>
a. A______/C______ SA et A______ SA sont deux sociétés anonymes dont le but est l'acquisition, la vente, la détention, la gestion, l'administration et la promotion de biens immobiliers, de même que la prise de participation dans des sociétés immobilières, ce dans le respect des prescriptions de la LFAIE.
b. Le 12 avril 2016, B______ et son époux D______, d'une part, et A______ SA, d'autre part, ont conclu une convention de réservation et engagement d'achat portant sur l'acquisition d'un appartement "D2" d'environ 89,2 m2, avec balcon/loggia de 23,6 m2, un parking en sous-sol et une cave, pour un prix de 950'000 fr., dans le cadre de la promotion immobilière dite "Résidences [du chemin] 3______" sur la parcelle n° 1______ de la commune de E______ [GE].
La convention indiquait une adresse des futurs acheteurs à Genève ainsi qu'une adresse email.
c. Le 13 juin 2016, B______, seule, en sa qualité d'acheteuse, et A______/C______ SA, en sa qualité de propriétaire venderesse, ont conclu un acte de vente par devant Me F______, notaire, portant sur le feuillet n° 2______ de la Commune de E______, pour un prix de 211'570 fr., auquel s'ajoutaient des frais de mise en valeur d'un montant de 150'735 fr.
L'acte de vente précisait, sous la mention "contrat d'entreprise", que la construction du futur bâtiment était assurée par la société A______ SA en sa qualité d'entrepreneur total, ce pour un prix forfaitaire de 587'695 fr. correspondant à la part de copropriété acquise par B______.
d. La société A______ SA a contresigné en qualité "d'intervenante" l'acte de vente du 13 juin 2016.
e. En parallèle, B______ a signé le même jour avec A______ SA un contrat d'entreprise total à prix forfaitaire portant sur la construction du lot D2 (4______), la place de parking n° 5______ et la cave n° 6______ (ci-après : le contrat d'entreprise).
Ce contrat prévoyait notamment à son article 4.1, la mise à disposition du lot de propriété dans les meilleurs délais, soit au plus tard vingt mois après le début des travaux constaté par le document d'ouverture de chantier.
Selon l'article 3.3, A______ SA était responsable du respect des délais convenus pour autant qu'aucune "circonstance extraordinaire" et dont A______ SA n'était pas responsable, vienne perturber le bon déroulement des travaux. Une liste non exhaustive d'évènements pouvant être considérés comme une "circonstance extraordinaire" était ensuite donnée, parmi lesquels figuraient "les intempéries et phénomènes climatiques retenus par le maître de l'œuvre et justifiés par les relevés de la station météorologique la plus proche du chantier", "les jours de retard consécutifs à la faillite, au sursis concordataire ou tout autre évènement analogue des ou d'une entreprise effectuant les travaux ou encore de leurs fournisseurs", "la défaillance pour quelque motif que ce soit des ou de l'une des entreprises effectuant les travaux ou encore de leurs fournisseurs" ou encore "la recherche ou la désignation d'une nouvelle entreprise se substituant à une entreprise défaillante, quel que soit le cas de défaillance visé".
L'article 3.3 prévoyait encore que la justification de la survenance d'une "circonstance extraordinaire" serait notifiée à B______ par courrier de A______ SA, en sa qualité de "direction des travaux".
f. D'après l'extrait du registre informatique des autorisations de construire, le chantier a été ouvert le 16 février 2016. Le délai de vingt mois prévu à l'article 4.1 emportait ainsi une mise à disposition théorique du lot D2 le 16 octobre 2017.
g. B______ a déclaré qu'elle avait initialement l'intention d'acheter cet appartement avec son époux afin d'y emménager. Ils avaient toutefois décidé de divorcer au mois de juin 2017, de sorte que leur projet avait changé. Elle avait désormais l'intention d'y emménager elle-même dans un premier temps puis de le mettre en location. Elle comptait rester à Genève le temps de trouver un locataire puis comptait s'installer à Zurich pour y chercher un travail, étant précisé qu'elle ne parlait pas français.
h. Par lettre du 30 janvier 2017, adressée à B______ et à son époux chez Me F______, notaire, avec mention manuscrite que cette lettre a été envoyée par fax à la notaire le 31 janvier 2017, A______ SA a fait état d'intempéries en début d'année ayant, en raison des températures négatives, empêché les ouvriers de travailler. Un retard de 10 jours ouvrables était dès lors annoncé avec une réception des travaux désormais prévue pour fin novembre 2017.
B______ a déclaré avoir été informée par l'entreprise G______ SARL (cuisiniste) du fait que l'appartement ne serait pas terminé à la date annoncée. Elle avait en outre reçu cette information lors de son arrivée à Genève, à savoir au début du mois d'octobre 2017, A______ SA ne lui ayant communiqué aucune information à ce sujet.
H______, directeur technique au sein du groupe A______, a déclaré que les échanges et communications avec B______ avaient toujours été compliqués. Il n'avait pas trouvé de trace d'autre communication que le courrier du 30 janvier 2017 dont il ignorait pourquoi il avait été adressé au notaire et non directement aux époux B______/D______.
i. Le 3 novembre 2017, B______ a reçu un courriel de H______, faisant suite à un courriel initial, non produit, de cette dernière. Se référant à un courriel envoyé à B______ le 30 janvier 2017 l'informant du report de la livraison à la fin du mois de novembre 2017, H______ lui a expliqué qu'en raison d'une défaillance de l'une des entreprises en charge des travaux, qu'il s'efforçait de remplacer, la date de livraison était reportée sans qu'il ne soit possible de donner une date de livraison spécifique à ce stade. Il a proposé une rencontre sur place le 9 novembre 2017 pour discuter plus en détail de la situation.
H______ a déclaré avoir suivi le chantier litigieux à partir du mois de juin 2017 et confirmé que celui-ci avait pris beaucoup de retard à cause de la défaillance de l'électricien qui avait dû être remplacé au mois d'octobre 2017.
j. Par courriel du même jour, B______ a répondu à H______ ne jamais avoir été informée du retard. Elle avait besoin de se loger dans l'appartement, lequel aurait dû être terminé, et avait l'intention de séjourner à l'hôtel jusqu'à la remise de l'appartement, ce aux frais de A______ SA.
k. Dans un procès-verbal de chantier du 16 novembre 2017, les défaillances de l'entreprise I______ SA étaient évoquées notamment par les mentions "non terminé", "aucun posé", "non reçu" ou "tubes vides" à côté des différentes tâches qui incombaient à l'entreprise à différentes dates entre fin octobre et début novembre 2017.
l. Le 22 novembre 2017, les parties se sont rencontrées dans les locaux de A______ SA. A cette occasion, A______ SA a signé en faveur de B______ un document manuscrit par lequel elle s'engageait vis-à-vis de sa cocontractante à rembourser une somme de 36'000 fr. 40, composée des plus-values relatives à la cuisine de 14'000 fr., au second avenant cuisine de 6'186 fr. 40 et à l'avenant parquet/carrelage de 1'269 fr. ainsi qu'à payer une "indemnité de retard" de 14'545 fr. La livraison de l'appartement était dorénavant prévue entre le 19 et le 23 février 2018. B______ a contresigné ce document avec la mention "I read and understand" (en traduction libre : "Je lis et comprends").
B______ a déclaré que le représentant de A______ SA s'était excusé pour le retard et lui avait proposé de lui rembourser le coût de la cuisine, supplément compris, et de lui payer ses frais d'hôtel jusqu'à l'achèvement des travaux. Les 14'545 fr. prévus comme indemnité de retard correspondaient au coût estimé par A______ SA de ses frais de logement jusqu'au 23 février 2018, date de la livraison désormais prévue. Ce montant avait été articulé par A______ SA et lui semblait correct pour couvrir ses frais de logement dans l'intervalle, y compris sur le marché zurichois.
H______ a déclaré qu'il avait reçu à deux reprises B______ fin 2017, une première fois avec son assistante parlant anglais, puis une seconde fois, le 22 novembre 2017, avec un interprète turc. Le montant de l'indemnité de retard avait été calculé par ses soins à environ 3'500 fr. par mois pour que B______ puisse se reloger jusqu'au mois de février 2018.
m. Le 8 décembre 2017, A______ SA a conditionné le paiement de 14'545 fr. à la conclusion d'un "protocole d'accord" dactylographié de deux pages, que B______ a refusé de signer. Ce document prévoyait notamment une clause de solde de tout compte par laquelle B______ renonçait à "intenter par devant toute juridiction, commission, organisme ou autre, tous recours, instances ou actions, contre la société A______ SA ou l'une des structures du groupe, ou encore contre l'un de ses dirigeants ou mandataires sociaux, qui trouverait sa cause dans toutes problématiques liées aux retards du chantier".
B______ a déclaré qu'elle ne souhaitait pas renoncer à toute prétention à l'encontre de A______ SA. Sa crainte à cet égard était que l'appartement ne soit pas terminé le 23 février 2018 comme promis. Elle n'avait dès lors pas souhaité signer un solde de tout compte avant que l'appartement soit complètement terminé.
H______ a déclaré que c'était lui qui avait soumis à B______ le protocole d'accord et que celle-ci ne lui avait pas parlé d'une crainte de sa part que les travaux ne soient pas terminés en février 2018. Il n'avait pas obtenu de raison très claire, si ce n'était un refus de signer.
n. Par courrier du 13 décembre 2017, B______ a mis en demeure A______ SA de lui verser la somme de 36'000 fr. 40 et attiré l'attention de celle-ci sur le fait qu'elle devait impérativement commander la cuisine afin d'éviter un nouveau retard.
H______ a déclaré que le refus de A______ SA de verser les 14'500 fr. convenus découlait certainement du refus de B______ de signer le protocole d'accord formel.
o. Par courriel du 15 février 2018, B______ a écrit à A______ SA "I have a new buyer for my appartment and wanted to ask if the buyer can change the parkets and bathroom? He is not in a hurry to got the keys" (en traduction libre : "J'ai un nouvel acheteur pour mon appartement et je voulais savoir s'il pouvait changer les parquets et la salle de bain ? Il n'est pas pressé d'avoir les clés").
B______ a déclaré à ce titre que, constatant que les travaux n'avaient pas avancé depuis novembre 2017 et que A______ SA ne tenait pas ses promesses, et compte tenu du fait qu'elle ne disposait plus de revenus ni de fonds suffisants pour continuer, elle s'était finalement résolue, courant janvier 2018, à vendre l'appartement. Elle avait donc contacté l'agent immobilier qui l'avait mise en relation avec A______ SA pour lui expliquer le problème et celui-ci lui avait trouvé les acheteurs.
p. Par courrier du 28 février 2018, A______ SA a communiqué à B______ la liste des travaux encore à terminer suite de l'arrêt des travaux en raison de la demande de B______ de laisser la possibilité aux nouveaux acquéreurs d'effectuer des changements.
q. Par courriel du 14 mars 2018, J______ a transmis à A______ SA une offre se décomposant en une vente de l'appartement en l'état pour un montant "à titre d'illustration" de 980'000 fr., et en un engagement de A______ SA de terminer les travaux afin de finaliser la construction de l'appartement D2 pour un montant "à titre d'illustration" de 80'000 fr. en faveur des nouveaux acquéreurs, à savoir lui et son épouse, montant ayant été prépayé à A______ SA par B______. La transaction comprendrait ainsi deux volets, soit, d'une part, une vente, et, d'autre part, un engagement d'un constructeur de réaliser une prestation qui lui aurait déjà été payée. Le couple J______/K______ acceptait de transférer la totalité du montant prévu, soit 1'060'000 fr., en faveur de B______, pour autant que A______ SA s'engage à compléter les travaux pour ladite somme et que le transfert de contrat de construction soit effectivement en faveur des nouveaux acquéreurs. Les acheteurs effectueraient le transfert des deux montants afin que B______ reçoive la totalité de ce qui lui était dû. Les acheteurs devaient encore recevoir de A______ SA une liste ainsi que la valeur des travaux restant à réaliser en leur faveur en lieu et place de B______. Le montant global devait correspondre dans les grandes lignes à la valeur effective des travaux.
r. Le 15 mars 2018, A______ SA, d'une part, et J______ et K______, d'autre part, ont conclu un protocole à teneur duquel, moyennant la signature de l'acte de vente, les droits et obligations du maître de l'ouvrage passaient de B______ aux époux J______/K______. Ces derniers prenaient acte des travaux encore à accomplir (lesquels étaient listés à l'article 2) ce pour un total de 58'769 fr. 50 sans-plus-value, tandis que A______ SA s'engageait à terminer les travaux et à livrer l'appartement dans les six semaines suivant la réception des matériaux de finition sur le chantier et au plus tard le 31 mai 2018. L'article 3 de ce protocole confirmait le règlement par B______ de la totalité du prix de 587'695 fr.
s. Par courriel du 26 mars 2018 à A______ SA, en copie à Me L______, précédent conseil de B______, J______ a indiqué savoir qu'un litige opposait A______ SA à B______ concernant d'éventuelles compensations, dû au retard de la livraison de l'appartement. Bien que le protocole signé en leur faveur mentionnât que B______ avait payé l'intégralité de l'appartement et que le couple J______/K______ reprenait la relation pour les travaux restants, ils souhaitaient recevoir de la part de A______ SA un courrier précisant qu'en aucune manière le litige qui les opposait ne pouvait avoir une quelconque incidence sur les nouveaux acquéreurs. En d'autres termes, si le litige l'opposant à B______ devait se prolonger, en aucune manière A______ SA ne demanderait des compensations ou un versement complémentaire de la part du couple J______/K______. Ce courrier était à recevoir impérativement avant la signature de la vente, prévue le 3 avril 2018.
t. Par courriel du 28 mars 2018 à J______, en copie à Me L______, A______ SA a répondu que le différend qui l'avait opposée à B______ portait sur le délai de livraison de son logement sur le programme de E______ – Chemin 3______. Revendant son logement, la livraison n'était ainsi plus un sujet. Il n'y avait donc aucune raison pour qu'un litige subsiste entre B______ et A______ SA. Quand bien même il subsisterait un différend pour des raisons inconnues, il opposerait toujours B______ et A______ SA et il ne saurait les impliquer en tant qu'acquéreurs dudit logement.
u. Il ressort d'échange de courriels des 21, 22 et 28 mars 2018 entre B______ et son précédent conseil dans le cadre des négociations pour la vente de l'appartement aux époux J______/K______, qu'elle souhaitait, nonobstant ladite vente, pouvoir conserver la faculté d'agir contre A______ SA en raison des retards de livraison.
v. Par acte de vente à terme du 5 avril 2018 (ci-après également : le contrat de vente), B______ a cédé aux époux J______/K______ sa part de copropriété immatriculée au feuillet n° 2______ de la commune de E______, pour un prix de 1'060'000 fr., entièrement payable d'ici au 11 avril 2018 au plus tard.
Une clause de l'acte intitulée "Travaux" mentionne expressément la signature, le 15 mars 2018, par A______ SA et les époux J______/K______, d'un protocole relatif aux travaux à terminer, aux termes duquel les époux J______/K______ reprenaient les droits découlant du contrat d'entreprise, devenant ainsi le nouveau maître d'ouvrage, B______ ayant été libérée de toute responsabilité par A______ SA.
La clause "Exclusion de garanties" prévoit que la vente a lieu sans garantie pour l'état des lieux, vices de construction apparents ou cachés, vétusté ou autres défauts quelconques. Les acquéreurs déclaraient savoir qu'ils seraient ainsi privés, envers le cédant, des garanties légales du code des obligations, soit des actions en résolution du contrat, en réduction du prix ou en dommages-intérêts. Le cédant attestait qu'il n'existait aucun litige ou procès en cours en lien avec l'immeuble, ni convention limitant d'une quelconque manière la valeur de ce dernier, autre que celles qui apparaissaient au Registre foncier, sous réserve du litige opposant B______ à A______ SA que les acheteurs déclaraient connaître.
w. Sur le prix de vente de 1'060'000 fr., B______ s'est vue imputer une commission de courtage de 20'000 fr., un impôt sur les bénéfices et gains immobiliers de 35'567 fr. 75, des frais de notaire de 1'077 fr., un remboursement "Casatax" de 10'869 fr. 30 et des droits d'enregistrement et émoluments du Registre foncier de 350 fr.
B______ a déclaré qu'au moment de la vente de l'appartement, elle n'avait aucunement renoncé à poursuivre A______ SA pour les dédommagements résultant du retard de livraison.
x. Par prononcé du 25 mai 2018, le président du Tribunal de l'arrondissement de La Côte a accordé à la société I______ SA un sursis concordataire de six mois.
y. Par acte expédié en conciliation le 24 janvier 2019, déclaré non concilié le 28 mars 2019 et introduit au Tribunal le 11 juillet 2019, B______ a conclu, en dernier lieu, principalement, à la condamnation de A______/C______ SA et de A______ SA, conjointement et solidairement, avec suite de frais et dépens, à lui payer, 133'084 fr. 60 avec intérêts à 5% dès le 15 octobre 2017 et, subsidiairement, à la condamnation de A______ SA seule à lui payer le même montant.
La somme réclamée correspondait à une perte locative de 18'000 fr. (soit 6 x 3'000 fr.), des frais de relogement en urgence de 7'592 fr. 30, des honoraires d'avocats de 13'500 fr. et 12'925 fr., une indemnité partielle selon reconnaissance de dette de 14'545 fr., une perte de gain sur la revente dont le montant devait être calculé par expertise et un remboursement de "Casatax" de 10'869 fr. 30.
z. Dans leur réponse, A______/C______ SA et A______ SA ont conclu au déboutement de B______ de l'ensemble de ses conclusions.
A______/C______ SA et A______ SA se sont notamment prévalues de l'absence de légitimation active de B______ tant à l'encontre de A______/C______ SA que de A______ SA, en raison du transfert aux époux J______/K______ de l'ensemble de ses droits et obligations découlant du contrat d'entreprise. Pour le surplus, elles n'étaient pas responsables du retard de livraison et B______ n'avait pas subi de dommage.
aa. Au terme de l'expertise ordonné par le Tribunal, l'expert a conclu dans son rapport du 16 mars 2021, que le loyer mensuel brut pouvant être obtenu pour l'appartement et le garage représentait un montant de 3'033 fr., étant précisé qu'il n'avait pas pu visiter l'intérieur de l'appartement. La moins-value ("décote") pour les travaux restant à effectuer représentait 70'000 fr., décomposée en 58'769 fr. 50 de travaux restant à effectuer et de 9'099 fr. représentant un potentiel manque à gagner sur trois mois.
L'expert a déclaré qu'il n'avait pas tenu compte du fait de savoir si les travaux à réaliser avaient déjà été payés ou non par l'acquéreur précédent dans le calcul de la moins-value. Le prix de vente n'avait pas non plus été un critère pris en compte. Si les travaux avaient été terminés au moment de la vente, le prix de vente de l'appartement aurait pu être plus élevé de 70'000 fr. S'agissant du "manque à gagner sur trois mois", il fallait comprendre que, soit l'acquéreur achetait l'appartement pour le mettre en location et, dans ce cas, les travaux restant à accomplir l'empêchait de le louer durant cette période, soit l'acquéreur achetait l'appartement pour y vivre, auquel cas il devait continuer de payer son précédent loyer durant les travaux. Tenir compte d'une durée de trois mois pour exécuter les travaux paraissait conforme à son expérience compte tenu de la nécessité d'impliquer 8 à 9 corps de métier distincts (dont l'intervention était pour partie successive) et d'éventuels imprévus.
bb. Le Tribunal a entendu les parties, des témoins et l'expert lors des audiences s'étant tenues les 12 octobre, 9 novembre et 17 décembre 2020, 7 juin et 8 septembre 2021. Leurs déclarations ont été intégrées à l'état de fait ci-dessus dans la mesure utile.
cc. Au terme de la dernière audience, les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions respectives et le Tribunal a gardé la cause à juger.
1. 1.1 Le jugement querellé est une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), rendue dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions était supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.
1.2 Déposés dans les délais utiles et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel et l'appel joint sont recevables.
Par souci de simplification, et pour respecter le rôle initial des parties devant la Cour, A______ SA sera désignée en qualité d'appelante et B______ en qualité d'intimée.
1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), mais uniquement dans la limite des griefs motivés qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_55/2017 du 16 juin 2017 consid. 5.2.3.2).
Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).
2. Les parties reprochent au Tribunal d'avoir procédé à une constatation inexacte des faits sur plusieurs points. L'état de fait présenté ci-dessus a donc été rectifié et complété dans la mesure nécessaire, sur la base des actes et pièces de la procédure.
3. Le Tribunal a retenu que la vente du bien immobilier aux nouveaux acquéreurs avait impliqué un transfert du contrat d'entreprise la liant à l'appelante. Ce transfert de contrat était convenu avec effet limité dans le temps à la date du changement de parties au contrat d'entreprise (effet ex nunc). L'intimée avait dès lors la légitimation active s'agissant des prétentions nées avant le 5 avril 2018, date du transfert du contrat.
L'appelante soutient que les trois parties concernées par le transfert de contrat voulaient que l'intégralité du rapport contractuel soit transférée (effet ex tunc), de sorte que l'intimée, au moment de l'ouverture de la litispendance, n'était plus partie au contrat d'entreprise et ainsi n'était plus titulaire des droits qui en découlaient.
3.1.1 La légitimation active ou passive dans un procès civil relève du fondement matériel de l'action; elle appartient au sujet (actif ou passif) du droit invoqué en justice et son absence entraîne, non pas l'irrecevabilité de la demande, mais son rejet (arrêt du Tribunal fédéral 4A_145/2016 du 19 juillet 2016 consid. 4.1). Elle s'examine d'office et librement, dans la limite des faits allégués et établis lorsque le litige est soumis à la maxime des débats (ATF 130 III 550 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_217/2017 du 4 août 2017 consid. 3.4.1).
Il appartient au demandeur de prouver les faits desquels il tire sa qualité pour agir (art. 8 CC; ATF 123 III 60 consid. 3a).
3.1.2 Savoir si une personne est partie à un contrat s'examine à la lumière des règles générales sur la conclusion des contrats, notamment de celles relatives à l'interprétation des déclarations de volonté des parties (arrêts du Tribunal fédéral 4A_385/2017 du 28 septembre 2018 consid. 3.1; 4A_155/2017 du 12 octobre 2017 consid. 2.3).
Pour déterminer quels sont les cocontractants d'une relation contractuelle, le juge doit interpréter les manifestations de volonté. Il doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2; 131 III 606 consid. 4.1). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté – écrites ou orales –, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 118 II 365 consid. 1; 112 II 337 consid. 4a). L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait (ATF 118 II 365 consid. 1; pour un résumé de la jurisprudence sur l'interprétation, cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_508/2016 du 16 juin 2017 consid. 6.2, non publié aux ATF 143 III 348; 4A_98/2016 du 22 août 2016 consid. 5.1; 4A_608/2016 du 30 mai 2017 consid. 2.4). Si sa recherche aboutit à un résultat positif, le juge parvient à la conclusion que les parties se sont comprises (arrêt du Tribunal fédéral 4A_155/2017 du 12 octobre 2017 consid. 2.3).
Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties – parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes – ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat (ATF 131 III 280 consid. 3.1) – ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves (arrêts du Tribunal fédéral 4A_210/2015 du 2 octobre 2015 consid. 6.2.1; 5C_252/2004 du 30 mai 2005 consid. 4.3) –, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (application du principe de la confiance; ATF 132 III 268 consid. 2.3.2; ATF 118 II 365 consid. 1). Ce principe permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 130 III 417 consid. 3.2). Les circonstances déterminantes à cet égard sont uniquement celles qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, mais non pas les événements postérieurs (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_155/2017 du 12 octobre 2017 consid. 2.3).
Ainsi, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective. Lorsque les parties se sont exprimées de manière concordante (échange de manifestations de volonté concordantes; übereinstimmende Willenserklärungen), qu'elles se sont effectivement comprises et, partant, ont voulu se lier, il y a accord de fait (tatsächlicher Konsens); si au contraire, alors qu'elles se sont comprises, elles ne sont pas parvenues à s'entendre, ce dont elles étaient d'emblée conscientes, il y a un désaccord patent (offener Dissens) et le contrat n'est pas conclu. Subsidiairement, si les parties se sont exprimées de manière concordante mais que l'une ou les deux n'ont pas compris la volonté interne de l'autre, ce dont elles n'étaient pas conscientes dès le début, il y a désaccord latent (versteckter Dissens) et le contrat est conclu dans le sens objectif que l'on peut donner à leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance; en pareil cas, l'accord est de droit (ou normatif) (ATF 144 III 93 consid. 5.2).
3.1.3 La reprise de contrat n'est pas réglée expressément par le Code des obligations. Selon la jurisprudence, il ne s'agit pas de la simple combinaison d'une cession de créance et d'une reprise de dette mais d'un contrat sui generis (arrêt du Tribunal fédéral 4A_650/2014 du 5 juin 2015 consid. 6.1), qui n'est soumis à aucune forme particulière. Elle peut intervenir par actes concluants (arrêt du Tribunal fédéral 4D_97/2009 consid. 2.3.2). Une manifestation de volonté tacite ne peut cependant être retenue qu'en présence d'un comportement univoque, dont l'interprétation ne suscite raisonnablement aucun doute (ATF 123 III 53 consid. 5a; ATF 113 II 522 consid. 5c). Ainsi, les actes concluants doivent témoigner avec précision et certitude de l'intention des parties, en ce qui concerne la nouvelle partie contractante, de prendre la place de la partie contractante originaire, et, s'agissant de l'autre partie, d'admettre le tiers et de libérer l'ancienne contractante (ATF 47 II 416 consid. 2b in JdT 1922 I p. 72; arrêt du TC VD du 15.12.1999 in RSJ 2001 p. 328). Si la forme écrite est utilisée, la déclaration de la partie sortante doit être adressée au nouveau cocontractant et contenir (au moins) tous les points objectivement et subjectivement essentiels du transfert, à savoir la volonté de céder au nouveau cocontractant sa place dans le contrat de base (Favre, Le transfert conventionnel de contrat : analyse théorique et pratique, 2005, n. 795, p. 291).
La reprise de contrat suppose l'accord de tous les intéressés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_650/2014 du 5 juin 2015 consid. 6.1). Par la reprise de contrat (Vertragsübernahme), il y a transfert de l'intégralité du rapport contractuel avec tous les droits et obligations y relatifs d'une partie contractante à un tiers qui se substitue à celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 4A_650/2014 du 5 juin 2015 consid. 6.1; Probst, Commentaire romand, Code des obligations I, 3ème éd. 2021, n. 10 ad art. 164 CO). Le transfert de contrat opère ainsi une succession. Cela signifie que le contrat de base conserve son contenu, tel qu'il existe au moment du transfert, nonobstant le changement de partie; autrement dit, le nouveau contractant se retrouve soumis aux même règles de comportement que la partie sortante, qu'elles découlent de la volonté des parties originaires ou de la loi. C'est l'application du principe d'identité (Favre, op. cit., n. 126, p. 33). Le nouveau cocontractant devient titulaire des créances, droits formateurs, droits accessoires et incombances prévus par le contrat de base ou la loi. Il a la qualité de "partie" (Favre, op. cit., n. 1465, p. 528).
3.1.4 En cas de transfert illimité de contrat, le nouveau cocontractant prend la place de la partie sortante dans le contrat de base également pour la période précédant le transfert; il assume ainsi toutes les obligations et acquiert tous les droits qui ont pris naissance à partir de la conclusion du contrat de base (arrêts du Tribunal fédéral 4A_508/2016 du 16 juin 2016 consid. 6.1 non publié in ATF 143 III 348; 4A_665/2010 du 1er mars 2011 consid. 4.1). Cela signifie qu'il acquiert toutes les créances et toutes les dettes du contrat de base déjà fondées au moment du transfert, qu'elles soient conditionnelles ou inconditionnelles, déjà exigibles, échues ou simplement exécutables, sans égard à la question de savoir s'il a été ou non correctement renseigné par la partie sortante sur l'existence de celles-ci (Favre, op. cit., n. 1466, p. 528-529). Dans ce cas, le restant n'est libéré que s'il preste au nouveau cocontractant (Favre, op. cit., n. 1470, p. 530).
Dans le transfert limité de contrat, le nouveau cocontractant remplace la partie sortante dans le contrat de base uniquement pour la période postérieure au transfert (arrêts du Tribunal fédéral 4A_508/2016 du 16 juin 2016 consid. 6.1 non publié in ATF 143 III 348; 4A_665/2010 du 1er mars 2011 consid. 4.1).
Déterminer si un transfert de contrat conventionnel est illimité ou limité est affaire d'interprétation (arrêts du Tribunal fédéral 4A_665/2010 du 1er mars 2011 consid. 4.1 et 4A_79/2010 du 29 avril 2010 consid. 2.4; Favre, op. cit., n. 111, p. 28).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative aux contrats de reprise dans les relations tripartites, ce sont en premier lieu les intérêts présumés de la partie reprenant le contrat (le nouveau contractant) qui sont déterminants en cas de doute. Mais cette jurisprudence retient également qu'en cas de transfert de contrats de durée, l'intérêt de la partie reprenante plaide en principe pour un transfert de contrat limité dans le temps (arrêts du Tribunal fédéral 4A_359/2018 du 30 janvier 2019 consid. 3.5.1; 4A_30/2017 du 4 juillet 2017 consid. 4.1; 4A_311/2011 du 19 juillet 2011 consid. 3.1.2; 4A_665/2010 du 1er mars 2011 consid. 4.1; Favre, op. cit., n. 111 et 113, p. 29).
Lorsque le contrat de base est simple, c'est-à-dire lorsqu'il met à la charge d'une ou de chacune des parties une prestation unique et isolée dans le temps – à l'instar du contrat d'entreprise (arrêt du Tribunal fédéral 4C_387/2001 du 10 septembre 2002 consid. 3.1), le nouveau cocontractant a un intérêt évident à convenir d'un transfert illimité. Dans ce cas, le nouveau cocontractant ne peut que souhaiter acquérir la (seule) créance découlant du contrat de base (Favre, op. cit., n. 112, p. 29). Le nouveau contractant cherchera à occuper une position sûre et indépendante; il devra pour cela non seulement reprendre en plus les dettes qui en découlent, mais veiller en personne au respect des incombances, afin de sauvegarder ses droits. Le tiers ne prête en effet pas uniquement intérêt aux prestations, mais bien au contrat qui les impose et seul peut y répondre un transfert, qui le rend juridiquement maître de la relation contractuelle dans son ensemble (Favre, op. cit., n. 513 p. 175-176). La preuve d'un intérêt contraire demeure réservée (Favre, op. cit., n. 112, p. 29).
3.1.5 Si le transfert se réalise avant la création du lien d'instance et que la partie sortante introduit la demande nonobstant le transfert, il faut présumer que le procès a été introduit par une personne qui ne dispose pas de la légitimation active (Favre, op. cit., n. 1685, p. 601-602).
3.2 En l'espèce, les parties ne contestent plus qu'elles ont souhaité transférer le contrat d'entreprise aux nouveaux acquéreurs, lesquels ont accepté le transfert. Cette question ne sera dès lors pas réexaminée.
Afin de pouvoir déterminer si l'intimée détient la légitimation active pour les prétentions découlant du contrat d'entreprise qu'elle soulève, il y a lieu de répondre à la question de savoir quel effet (limité ou illimité) les parties et les nouveaux acquéreurs ont souhaité donner à ce transfert de contrat.
3.2.1 Du côté de l'intimée, le courriel adressé à l'appelante le 15 février 2018 par lequel l'intimée a informé l'appelante du fait qu'elle avait trouvé des acheteurs pour l'appartement et lui a demandé si ceux-ci pouvait encore changer les parquets et la salle de bain, ne suffit pas à en déduire sa volonté que le transfert déploie un effet illimité. S'agissant des échanges de courriels entre les nouveaux acquéreurs et l'appelante des 26 et 28 mars 2018 concernant l'exclusion de responsabilité des premiers en lien avec le litige entre les parties, dont une copie était adressée à l'intimée, ils ne permettent pas non plus de déterminer la volonté interne de cette dernière. En effet, l'intimée n'ayant pas réagi à cet échange, son silence ne peut être interprété en faveur de l'un ou l'autre des effets possibles d'un transfert de contrat. En revanche, dans le cadre des négociations du contrat de vente du 5 avril 2018, l'intimée avait expressément demandé à son précédent conseil qu'il fasse en sorte qu'elle puisse poursuivre l'appelante en raison des retards de livraison. Il en découle que, dans son for intérieur, l'intimée souhaitait que le transfert de contrat déploie un effet limité puisqu'elle voulait garder les droits et obligations découlant du contrat d'entreprise nés avant le transfert. Elle a verbalisé son souhait auprès de son précédent conseil, lequel a fait mentionner dans le contrat de vente aux nouveaux acquéreurs une clause d'exclusion de garantie indiquant que les nouveaux acquéreurs déclaraient connaître l'existence du litige opposant l'intimée à l'appelante.
Du côté de l'appelante, le protocole du 15 mars 2018 indique que les droits et obligations du maître de l'ouvrage, à savoir l'intimée, passaient aux nouveaux acquéreurs. Dans la mesure où aucune date n'était précisée s'agissant des effets du transfert, dans l'intérêt et la perspective interne de l'appelante, l'intégralité des rapports contractuels entre les parties était transférée de l'intimée aux nouveaux acquéreurs. Ceci est corroboré par le courriel du 28 mars 2018 de l'appelante aux nouveaux acquéreurs, dont une copie était adressée à l'intimée. En effet, elle y indique que le litige l'opposant à l'intimée avait porté sur le délai de livraison et que, compte tenu de la revente de l'appartement, la livraison n'était plus un problème et qu'il n'y avait ainsi aucune raison pour qu'un litige subsiste entre elles, étant rappelé que les nouveaux acquéreurs et l'appelante avait convenu d'un nouveau délai de livraison. Le fait que l'appelante précise dans ce même courriel que, même à supposer qu'un différend subsiste "pour des raisons inconnues" entre elle et l'intimée, celui-ci ne saurait impliquer les nouveaux acquéreurs, confirme la volonté de l'appelante que le transfert de contrat déploie un effet illimité.
Il résulte de ce qui précède que les parties, bien qu'ayant manifesté une volonté commune de transférer le contrat d'entreprise aux nouveaux acquéreurs, ne se sont pas comprises sur l'effet que déploierait ce transfert, désaccord dont elles n'étaient pas conscientes au début, chacune des parties pensant que l'autre avait compris sa propre volonté interne laquelle ne correspondait pas à la volonté de l'autre partie. Il y a par conséquent un désaccord latent entre elles et le contrat est conclu dans le sens objectif que l'on peut donner à leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance, étant rappelé que les intérêts présumés des nouveaux contractants sont déterminants en cas de doute.
A ce propos, le contrat de base étant un contrat d'entreprise et celui-ci n'étant pas un contrat de durée mais un contrat dit "simple", les nouveaux cocontractants ont davantage intérêt à convenir d'un transfert avec effet illimité, ce afin de pouvoir, par exemple, procéder à un avis des défauts sur la partie déjà construite de l'immeuble au moment du transfert compte tenu de l'exclusion de garanties prévue dans le contrat de vente. La preuve d'un intérêt contraire n'a de surcroît pas été apportée par l'intimée. En effet, le fait que le contrat de vente du 5 avril 2018 indique qu'il n'existe aucun litige ou procès en cours en lien avec l'immeuble sous réserve du litige opposant l'appelante et l'intimée que les nouveaux acquéreurs déclaraient connaître, ne permet pas d'en déduire que le transfert de contrat déploiera un effet limité. La formulation choisie est en effet peu claire, l'existence d'un litige entre des parties et le fait que les nouveaux acquéreurs déclarent le connaître ne signifiant pas nécessairement que ledit litige devrait perdurer, entre ces mêmes parties, après la signature du contrat de vente et faire l'objet d'une procédure judiciaire. De même, et comme relevé plus haut, aucun élément du texte du protocole d'accord du 15 mars 2018 ne permet d'en déduire que le transfert aurait un effet limité. Par conséquent, le sens objectif des déclarations des parties qu'il y a lieu de retenir, correspondant à l'intérêt des nouveaux acquéreurs, consiste en un transfert du contrat d'entreprise en leur faveur avec effet illimité dans le temps.
Partant, toutes les prétentions découlant du contrat d'entreprise du 13 juin 2016, sont passées en mains des nouveaux acquéreurs lors de la conclusion du contrat de vente du 5 avril 2018, y compris celles nées avant cette date, étant rappelé que ladite vente constituait une condition nécessaire à l'accord de l'appelante au transfert de contrat selon le protocole d'accord du 15 mars 2018 sollicitée par l'intimée, de sorte que celle-ci ne dispose plus de la légitimation active pour agir sur cette base contre l'appelante.
Le grief étant fondé, le jugement querellé sera annulé et l'intimée sera déboutée de l'intégralité de ses conclusions.
4. 4.1 Lorsque l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).
Le montant des frais judiciaires de première instance, arrêté à 15'191 fr. 15 par le Tribunal, n'est pas contesté en appel. Fixé en conformité avec les dispositions légales applicables en la matière (art. 95 al. 1 let. a et al. 2, 104 al. 1, 105 al. 1 CPC; art. 5, 13, 15, 17, 77 et 78 RTFMC), il sera confirmé. Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires seront mis à charge de l'intimée qui succombe (art. 106 al. 1, 1ère phrase CPC). Ces frais seront compensés avec les avances fournies par les parties (300 fr. pour l'appelante; 15'520 fr. pour l'intimée), qui restent acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à restituer à l'appelante 300 fr. et 338 fr. 85 à l'intimée.
Les dépens de première instance seront arrêtés à 13'475 fr., montant fixé par le Tribunal, lequel n'est pas contesté par les parties (art. 95 al. 1 let. b et al. 3, 96 et 105 al. 2 CPC). L'intimée, qui succombe, sera en conséquence condamnée à verser ce montant à l'appelante au titre de dépens de première instance (art. 106 al. 1, 1ère phrase et 111 al. 2 CPC).
4.2 Les frais judiciaires d'appel et d'appel joint seront arrêtés à 6'300 fr. (art. 95 al. 1 let. a et al. 2, 104 al. 1 et 105 al. 1 CPC; art. 5, 17 et 35 RTFMC), compensés avec les avances de frais fournies par les parties (4'500 fr. pour l'appelante et 1'800 fr. pour l'intimée), acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Les frais judiciaires d'appel et d'appel joint seront mis à la charge de l'intimée qui succombe sur les deux appels (art. 106 al. 1, 1ère phrase CPC). Celle-ci sera en conséquence condamnée à verser 4'500 fr. à l'appelante au titre de remboursement des frais judiciaires d'appel (art. 111 al. 2 CPC).
Les dépens d'appel et d'appel joint seront arrêtés à 7'000 fr., débours et TVA inclus (art. 95 al. 1 let. b et al. 3, 96 et 105 al. 2 CPC; art. 84, 85 et 90 RTFMC, 25 et 26 LaCC). L'intimée, qui succombe intégralement, sera en conséquence condamnée à verser ce montant à l'appelante au titre de dépens d'appels (art. 106 al. 1, 1ère phrase et 111 al. 2 CPC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 27 juin 2022 par A______ SA contre le jugement JTPI/6337/2022 rendu le 24 mai 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1753/2019.
Déclare recevable l'appel joint interjeté le 3 octobre 2022 par B______ contre ce même jugement.
Au fond :
Annule le jugement entrepris.
Cela fait et statuant à nouveau :
Déboute B______ de toutes ses conclusions.
Arrête les frais judiciaires de première instance à 15'191 fr. 15, les met à la charge de B______ et les compense avec les avances de frais fournies par les parties, qui demeurent acquises à l'Etat de Genève.
Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 300 fr. à A______ SA.
Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 338 fr. 85 à B______.
Condamne B______ à verser 13'475 fr. à A______ SA à titre de dépens de première instance.
Sur les frais d'appel :
Arrête les frais judiciaires d'appel et d'appel joint à 6'300 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec les avances de frais fournies par les parties, qui demeurent acquises à l'Etat de Genève.
Condamne B______ à verser 4'500 fr. à A______ SA au titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.
Condamne B______ à verser 7'000 fr. à A______ SA au titre de dépens d'appels.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.