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Décisions | Chambre civile

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C/19971/2012

ACJC/548/2021 du 04.05.2021 sur JTPI/5625/2020 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19971/2012 ACJC/548/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 4 MAI 2021

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Turquie, appelant d'un jugement rendu par la 7ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 mai 2020 et intimé, comparant par Me Miguel OURAL et Me Adrien VION, avocats, Lenz & Staehelin, route de Chêne 30, case postale 615, 1211 Genève 6, en l'Étude desquels il fait élection de domicile,

et

B______ SA, succursale de Genève, sise ______ [GE], intimée et appelante, comparant par Me Rocco RONDI, avocat, BMG Avocats, avenue de Champel 8C, case postale 385, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/5625/2020 rendu le 18 mai 2020, reçu par les parties le 24 mai suivant, le Tribunal de première instance a écarté de la procédure les pièces 66 à 86 produites par B______ SA (ch. 1 du dispositif), condamné celle-ci à verser à A______ 1'160'858.28 USD avec intérêt à 5% l'an dès le 24 septembre 2012 (ch. 2 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 53'000 fr. (ch. 3), compensés avec les avances fournies par A______ à hauteur de 50'760 fr. et par B______ SA à hauteur de 3'700 fr. (ch. 4), mis à la charge de B______ SA à hauteur de 43'000 fr. et d'A______ à hauteur de 10'000 fr. (ch. 5), condamné B______ SA à verser à A______ 39'300 fr. au titre des frais judiciaires et 40'000 fr. à titre de dépens (ch. 6 et 8) et ordonné à l'État de Genève de restituer 1'460 fr. à A______ (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

B. a.a Par acte expédié le 25 août 2020 au greffe de la Cour de Justice, A______ a formé appel de ce jugement, sollicitant l'annulation du chiffre 2 de son dispositif.

Il a conclu à ce que B______ soit condamnée à lui verser 2'282'160.77 USD avec intérêts à 5% l'an à compter du 30 juillet 2007 sur la somme de 320'000 USD, à compter du 26 août 2008 sur la somme de 1'126'204.77 USD, à compter du 26 janvier 2009 sur la somme de 34'098 USD, à compter du 24 mars 2009 sur la somme de 4'242 USD, à compter du 20 avril 2009 sur la somme de 497'164 USD à compter du 23 juin 2009 sur la somme de 297'202 USD, à compter du 26 novembre 2009 sur la somme de 3'250 USD et à ce que le dispositif du jugement contesté soit complété en ce sens que B______ SA est condamnée à verser à A______ des intérêts à 5% l'an sur la somme de 586'744.23 USD à compter du 26 août 2008 et jusqu'au 16 juin 2020, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Il a produit des pièces nouvelles.

a.b B______ SA a conclu au rejet de l'appel.

a.c Dans leurs réplique et duplique respectives, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

b.a Par acte expédié le 25 août 2020 au greffe de la Cour de Justice, B______ SA forme, elle aussi, appel de ce jugement, sollicitant l'annulation des chiffres 2, 5, 6, 7, 8 et 9 de son dispositif.

Elle conclut à ce que A______ soit débouté de toutes ses conclusions, avec suite de frais judiciaires et dépens de première et deuxième instance.

b.b A______ a conclu au rejet de l'appel.

b.c. Dans leurs réplique et duplique respectives, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

b.d. Par plis du 25 janvier 2021, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. L'établissement bancaire C______ SA avait son siège à D______ [TI], ainsi qu'une succursale à Genève. Par contrat du 5 avril 2017, son patrimoine a été transféré à B______ SA, inscrite au registre du commerce de Zurich.

b. E______ a été engagé le 23 juin 2003 en tant que chargé de relation auprès de C______ SA (ci-après B______ SA) à Genève.

Il était membre de l'équipe Europe, qui a été notamment dirigée par F______ dès 2009.

E______ a été licencié avec effet immédiat le 12 mars 2010 suite à la découverte d'un grand nombre d'opérations effectuées par ses soins sans ordre de ses clients. B______ SA a déposé, le 19 mars 2010, une plainte pénale à son encontre. Elle a notamment allégué dans sa plainte que E______ avait procédé à de nombreux investissements en débitant le compte de ses clients sans l'accord de ses derniers, notamment dans un fonds appelé G______ et fabriqué et remis à ses clients de faux relevés de compte destinés à masquer les pertes générées par ses agissements illicites.

Une instruction pénale a été ouverte par le Ministère public genevois pour abus de confiance et gestion déloyale.

c. A______, né le ______ 1935, est un ressortissant turc, domicilié en Turquie.

Il a signé le 29 juin 2007 la documentation d'ouverture du compte bancaire n° 1______ dénommé H______ (ci-après compte H______) auprès de B______ SA. A______ a crédité sur ce compte des avoirs à hauteur de 6'169'422 USD.

Son chargé de relation était E______.

d. La documentation d'ouverture de compte signée par A______ contient la clause de banque restante suivante :

"The correspondence will be retained at the Bank at the exclusive risk of the Account Holder who shall bear all the damages arising from this arrangement. Any and all communication retained in this manner shall be deemed to have been duly received by the Account Holder. The date on the Bank document concerned shall be regarded as the date of receipt by the Account Holder."

Elle précise que les ordres peuvent être donnés par téléphone ou par télécopie :

"The Account Holder authorizes the Bank to accept any orders - in particular payment orders in favour of third persons as well as any other assets which the Bank may hold for account of the Account Holder - also in cases where such orders are given to the Bank by telephone or telefax. The Account Holder hereby agrees to hold the bank harmless from and against any risks connected therewith. The Account Holder further gives the Bank full discharge with regard to the Bank executing such orders even should said orders be fraudulency transmitted by third persons. The Bank reserves the right to refuse to execute any order given by telephone or telefax or else and/or to request a confirmation of the order with the original signature."

Elle mentionne que la monnaie de référence choisie pour le compte est le dollar américain et l'objectif les investissements. Les relevés de compte sont semestriels.

e. Les règles en matière de contestation des ordres sont prévues à l'article 2 des conditions générales d'ouverture :

"Complaints by the Account Holder relating to the execution or non-execution of any order and disputes over statements of accounts or custody accounts, or any other communications, must be submitted immediately upon receipt of the relevant notification, or at the latest within one month.[...]

If discrepancies relating to statements of account or custody accounts are not notified to the Bank within one month at the latest, these shall be deemed correct, even if no acceptance slip has been signed by the Account Holder or the acceptance slip has not been sent to the Bank. Express or tacit agreement with the statement of account includes acceptance of all positions contained therein as well as any reserves made by the Bank."

Les conditions générales prévoient par ailleurs l'application du droit suisse à la relation bancaire et une élection de for en faveur des tribunaux du lieu de l'établissement de la banque en charge du compte.

f. E______ a effectué un certain nombre de transferts, d'investissements et d'opérations sur devises sur le compte H______ de A______ sans ordre de celui-ci.

f.a Entre le 31 juillet 2007 et le 26 novembre 2009, un total de 369'589.90 USD a été transféré sans ordre du compte H______ sur les comptes de tiers. Les titulaires de ces comptes n'ont pas tous pu être identifiés en raison du fait que B______ SA s'est prévalue du secret bancaire pour ne pas divulguer cette information. Les transferts ont été les suivants :

-        5'000 USD le 31 juillet 2007, vers le compte no 2______ dénommé J______ auprès de [la banque] B______ SA. Le titulaire du compte J______ est le père de E______, M______. Un ordre de virement par téléphone a été établi par B______ SA et signé par E______;

-        16'500 USD le 31 juillet 2007, vers le compte no 3______ dénommé N______ auprès de B______ SA, dont le titulaire n'a pas été identifié. Un ordre de virement par téléphone a été établi par B______ SA et signé par E______;

-        298'500 USD le 31 juillet 2007, vers le compte no 4______ dénommé U______ auprès de B______ SA, dont le titulaire n'a pas été identifié. Un ordre de virement par téléphone a été établi par B______ SA et signé par E______;

-        39'000 fr., soit 34'098.33 USD le 27 janvier 2009, vers le compte U______ auprès de B______ Bank SA. Un ordre de virement par téléphone a été établi par B______ SA et signé par E______ et O______;

-        4'241 USD le 24 mars 2009, vers le compte de P______ LTD auprès de Q______ (Suisse) SA. Un ordre de virement par téléphone, mentionnant un versement de 4'210 USD, a été établi par B______ SA et signé par E______

-        3'250 USD le 26 novembre 2009, vers le compte de P______ LTD auprès de Q______ (Suisse) SA. Un ordre de virement par téléphone a été établi par B______ SA.

f.b. 350'000 titres de R______ ont été crédités le 14 avril 2009 sur le compte H______ pour un montant de 1'546'365.19 USD et revendus les 17 et 18 juin 2009 pour un montant total de 1'085'979.48 USD. La perte découlant de ces opérations s'est élevée à 460'385.71 USD.

f.c. 140'000 titres de I______ (ci-après I______) ont été crédités le 17 juin 2007 sur le compte H______ de A______ pour un montant total de 728'425 USD (189'860.28 USD + 187'213.60 USD + 87'343.89 USD + 89'482.73 USD + 88'165.77 USD + 86'359.33 USD) et revendus le 4 août 2009 pour 445'314.60 USD. La perte découlant de ces opérations s'est élevée à 283'111 USD.

g. Plusieurs investissements ont été effectués dans des parts du fonds G______. Les opérations suivantes ont été effectuées sur le compte H______ de A______. Ces opérations sont contestées par A______, à l'exception des trois premières :

-        2'285.586 parts "B / K______" le 19 juillet 2007, pour un montant de 253'450.66 USD;

-        9'142.347 parts "B / K______" le 26 juillet 2007, pour un montant de 1'007'325.71 USD;

-        4'316.880 parts "B / K______" le 2 novembre 2007, pour un montant de 504'825.75 USD;

-        3'450.232 parts "B / K______ " le 28 novembre 2007, acquises auprès du compte no 5______ dénommé S______ auprès de B______ SA, dont le titulaire n'a pas été identifié, pour un montant de 399'620 USD;

-        2'000 parts "B / K______" le 28 novembre 2007, acquises auprès du compte no 6_____ dénommé T______ auprès de B______ SA, pour un montant de 231'648 USD;

-        12'021.392 parts "B / K______" le 26 août 2008, pour un montant de 1'480'510.87 USD, selon avis d'opération du 27 octobre 2008;

-        2'128.290 parts "EUR K______" le 28 août 2008, pour un montant de 228'991.93 EUR, selon avis d'opération du 27 octobre 2008;

-        1'093.883 parts le 7 novembre 2008 "B / K______", acquises auprès du compte U______ pour un montant de 129'078 USD.

h. Les frais et les commissions bancaires se sont montés à 17'070 USD pour les ordres liés à G______, à 36'778 USD pour ceux liés à R______ et à 14'092 USD pour ceux liés à I______, soit au total à 67'940 USD.

i. Des opérations de change ont été effectuées sur le compte H______ de A______ entre 2007 et 2009. Elles se sont soldées par un gain de 936'686 USD.

S'agissant des opérations de change, pour 2007 et 2008, A______ a déclaré en mai 2012, dans le cadre de la procédure pénale, qu'il voyait le résultat mais pas les opérations de change individuelles. En 2010, après le départ de E______, un employé de B______ SA lui avait remis 5 ou 6 classeurs. A______ avait alors pu examiner ces opérations plus en détail car auparavant, il n'avait pas observé que E______ avait fait des opérations de change sans son accord.

Entendu par le Tribunal le 3 octobre 2014 à ce sujet, A______ a expliqué avoir discuté avec E______ d'opérations de change en 2009. Il était d'accord pour faire de telles opérations de change dès lors qu'il signait pour chaque transaction individuelle. En pratique, cela ne s'était jamais concrétisé.

j. G______ est un fonds enregistré aux Iles Caïmans.

Son directeur est L______. Un des conseils de ce fonds était M______, le père de E______.

Entendu lors d'une commission rogatoire délivrée dans le cadre de la procédure pénale dirigée à son encontre, E______ a indiqué que ce fonds avait été approuvé dans le cadre des règles obligatoires de B______ SA pour qu'il puisse être présenté à ses clients et que c'est ainsi qu'il avait été présenté. Il a ajouté n'avoir pas d'intérêt dans ce fonds de placement.

F______ a pour sa part déclaré qu'il ne s'agissait pas d'un fonds proposé par B______ SA.

A______ a indiqué que c'était E______ qui lui avait présenté ce fonds, en précisant qu'il s'agissait d'un bon investissement. Il avait eu, alors qu'il avait déjà investi dans ce fonds, un entretien avec L______ afin que ce dernier lui explique son fonctionnement. Il avait assisté également à V______ [Turquie] à une réunion organisée par ce fonds.

Entendu dans le cadre de la procédure pénale le 18 mai 2012, A______ a déclaré que, jusqu'à la fin de l'année 2008, E______ l'avait informé des achats de parts de G______. Il avait donné instruction à la banque de placer environ 2'200'000 USD dans G______. Fin 2007, la position était de 2'454'000 USD. A______ était d'accord avec ce placement dans la mesure où il était gagnant. Il y avait eu d'autres opérations sans son accord pour environ 2'000'000 USD en 2008.

Il avait demandé à E______ de vendre ses positions dans G______, car il n'était pas d'accord avec le montant de cet investissement. Dans un premier temps, la vente n'avait pas pu se faire, puis L______ avait été d'accord pour une vente de 500'000 USD, qui avait été faite.

Lors de son audition par le Tribunal le 3 octobre 2014, A______ a notamment déclaré qu'il avait constaté que le nombre de parts qu'il détenait dans G______ avait augmenté entre 2007 et 2008 pour atteindre environ 80% de son portefeuille. E______ ne lui avait fourni aucune explication raisonnable pour l'augmentation de cette participation. A______ avait demandé avec insistance de vendre ces parts. Il était fâché. Cela s'était passé probablement dans les derniers mois de l'année 2008. E______ lui avait indiqué avoir réussi à vendre des parts pour 500'000 USD, mais sans pouvoir encaisser la contrepartie.

Le témoin L______ a déclaré sur ce point qu'en août-septembre 2008, le fonds avait reçu 50% de demandes de rachats de parts ("redemption"). Les ventes avaient commencé en août-septembre 2008. Les rachats avaient été exécutés jusqu'à fin novembre 2008, mais, dès décembre 2009, l'administrateur du fonds avait arrêté de payer. Le fonds ne perdait pas d'argent en août et septembre 2008, mais il y avait beaucoup de demandes de rachat en raison de la crise et tous les fonds sous-jacents bloquaient les rachats. Le témoin a ajouté qu'il avait rencontré A______ à Genève après le départ de E______ de la banque et que A______ lui avait indiqué qu'il avait requis la vente d'une partie de ses parts du fonds.

Le fonds G______ est par la suite entré en liquidation. Toutes les demande de rachats de parts ont finalement pu être exécutées en juin 2020, y compris l'ordre de vente de 5'450 parts donné par A______ le 10 janvier 2009. Suite à cette vente, 556'744.27 USD ont été crédités sur le compte de A______ le 16 juin 2020.

k. Entre juin 2007 et fin 2009, A______ a rencontré environ tous les deux mois E______ en Turquie. Ce dernier lui remettait des relevés et des estimations de son compte.

Dès 2009, E______ ne lui a présenté que des résumés et tableaux que lui-même établissait. A______ a indiqué que les chiffres résultant de ces résumés correspondaient à ceux qu'il espérait.

Les relevés remis à A______ entre le 5 janvier 2009 et le 8 décembre 2009 mentionnaient une quantité de parts de G______ de 34'310.320 en USD et de 2'128.290 en EUR. Ces relevés n'indiquaient cependant pas les versements effectués sans ordre à des tiers ni les titres R______ et I______.

l. En décembre 2009, la hiérarchie de E______ s'est rendu compte que celui-ci avait effectué d'importantes opérations de change pour plusieurs clients sans que l'accord formel de ceux-ci ne figure dans leurs dossiers.

B______ SA lui a alors demandé de faire signer des biens-trouvés aux clients concernés.

Par la suite, certains clients ont indiqué à la banque que la position de leurs avoirs ne correspondait pas à ce qu'ils pensaient.

m. Dans ce cadre, le 9 décembre 2009, A______, qui était en voyage avec sa famille en Suisse, a proposé à E______ de fixer un rendez-vous. Il s'est ainsi rendu à Zurich dans les locaux de B______ SA. Il a été reçu par E______, qui lui a montré les classeurs contenant les 655 pages de correspondance retenue en banque restante pour la période du 12 décembre 2008 au 4 décembre 2009.

A______ a signé le bien-trouvé de banque restante par lequel il confirmait avoir reçu ladite correspondance, sans en examiner le contenu.

Entendu dans le cadre de la procédure pénale le 18 mai 2012, A______ a expliqué qu'il avait signé le document qui lui était présenté sans examiner le contenu des classeurs car il avait entière confiance en E______ à cette époque; c'était "par économie" qu'il n'avait pas examiné tous ces documents. E______ lui avait dit qu'il ne devait pas se fatiguer à regarder les 655 pages se rapportant à ce formulaire de banque restante.

Lors de son audition par le Tribunal, A______ a ajouté que E______ lui avait dit que ses investissements étaient bons et qu'il y avait des centaines de pages à consulter, ce qui serait fastidieux. Il lui avait proposé de signer un formulaire afin que la banque conserve les documents, ce qu'il avait fait, l'entretien avait duré au maximum 25 minutes. E______ avait d'autres rendez-vous à honorer et lui-même était avec sa famille.

E______ a contresigné ce formulaire.

n. Fin 2009, E______ s'est rendu en Turquie et n'est plus revenu en Suisse.

En février 2010, A______ a eu un dernier rendez-vous avec E______ en Turquie, dont ce dernier est parti précipitamment. A______ n'a plus réussi à joindre E______, celui-ci ne répondant pas à ses appels téléphoniques.

o. Le 18 mars 2010 à 14h30, A______ s'est rendu dans les locaux de B______ SA à Genève et a été reçu par F______.

Le rapport de visite précise que la réunion a duré deux heures et relève les éléments suivants :

"Le client passe à la banque parce que, depuis 10 jours, il n'arrive pas à joindre téléphoniquement E______. [...]

Je lui soumets le statement et le client remarque une différence de 2 MM de USD par rapport au statement (faux) que E______ lui a fait voir. Me fait voir les faux statements des deux dernières rencontres, je fais une copie que je soumets aux réviseurs internes. Je passe un par un les ordres de débit et les choses à scanner et il ne reconnaît pratiquement aucune de ces opérations, sauf quelques paiements de faible valeur. [...]

Nous avons convenu : Le client va rentrer en Turquie, vérifiera le dernier statement officiel qu'il reconnaît et me l'enverra par la poste ou par fax et à partir de là, je commencerai à analyser la performance/entrées-sorties pour pouvoir par la suite le rencontrer à Genève pour essayer de reconstituer ensemble la différence".

F______ a précisé que A______ lui avait montré des résumés de ses comptes remis par E______ qui ne correspondaient pas à ceux produits par le système informatique de B______ SA.

p. Le 7 avril 2010, A______ s'est à nouveau rendu dans les locaux de B______ SA à Genève. Il a été reçu par F______.

B______ SA a demandé à A______ de signer les bien-trouvés de banque restante pour les périodes du 19 juillet 2007 au 7 novembre 2008, du 12 décembre 2008 au 4 décembre 2009 et du 7 décembre 2009 au 24 février 2010.

A______ les a signés en apportant la mention suivante :

I receive the documents only and purely as informations - That does not mean I accept the contents in any way.

q. Par courriers des 29 avril, 17 mai et 2 juin 2010, A______ a informé B______ SA du fait qu'il la tenait pour responsable de son dommage et requis la remise de l'ensemble de la documentation bancaire concernant son compte H______.

r. B______ SA a fait établir un audit interne portant sur la période de septembre 2010 à janvier 2011. Ce rapport relève notamment que E______ et un autre conseiller à la clientèle ont profité de la confiance des clients en leur faisant signer des documents de décharge de la gestion, ainsi que des situations patrimoniales inexactes, dans le but de contourner un concept raisonnable de contrôle.

Concernant la poste restante, le rapport précise que la structure et le volume de la poste restante ne permettaient pas au client de se faire une idée immédiate des éventuelles transactions non autorisées qui modifient la situation patrimoniale ; en particulier, elle ne contenait pas une feuille récapitulative comprenant les entrées et les sorties en espèces ou par virement, ainsi que le transfert au niveau des entrées et des sorties de titres.

s. Par demande du 24 septembre 2012, déclarée non conciliée le 5 décembre 2012 et introduite devant le Tribunal le 21 mars 2013, A______ a conclu à ce que B______ SA soit condamnée à lui verser 2'868'905 USD, avec intérêts à 5 % l'an à compter du 30 juillet 2007 sur la somme de 320'000 USD, à compter du 26 août 2008 sur la somme de 1'712'949 USD, à compter du 26 janvier 2009 sur la somme de 34'098 USD, à compter du 24 mars 2009 sur la somme de 4'242 USD, à compter du 20 avril 2009 sur la somme de 497'164 USD, à compter du 23 juin 2009 sur la somme de 297'202 USD et à compter du 26 novembre sur la somme de 3'250 USD.

A______ a notamment allégué avoir donné son accord pour l'achat de certaines parts du fonds G______, mais non pour "12'021 parts de G______ Shares B" ni pour 2'128 parts de "G______ Shares K______" acquises sans son consentement pour un montant total de 1'695'879 USD. Il n'a formulé aucune allégation en lien avec le fait que sa partie adverse aurait violé ses obligations en distribuant en Suisse les parts de ce fonds.

t. Dans sa réponse du 8 juillet 2013, B______ SA a notamment allégué que A______ avait signé la quittance de correspondance de banque restante fin 2009 sans examiner les documents qui lui avaient été soumis. Il était ainsi dûment informé à fin 2009 de l'état de ses avoirs et n'avait formé aucune réclamation avant le 29 avril 2010. A______ avait ce faisant ratifié toutes les positions de son portefeuille à fin mars 2010, de sorte qu'il devait être débouté des fins de son action.

Dans la partie en droit de sa réponse, elle a allégué, se référant au rapport d'expertise produit par A______, que les opérations FOREX, sur devises, effectuées sur le compte de celui-ci s'étaient soldées par un gain de 936'686 USD. Elle n'en a tiré aucune conclusion concrète, se limitant à relever que les prétentions de A______ à son égard étaient abusives pour les raisons suivantes : "En réalité, M. A______ est un joueur. Il a voulu faire des opérations et tant qu'il est gagnant il est content ! (...) Quant M. A______ gagne, il dit qu'il est d'accord, même s'il prétend ne pas avoir donné d'instructions téléphoniques. Quand il est perdant pour des investissements qu'il a voulus sciemment en accord avec M. E______, il s'en prend à la banque parce que tout simplement il n'est pas gagnant...".

u. Les parties n'ont pas formé d'allégué supplémentaire à l'ouverture des débats principaux, laquelle a eu lieu de 30 septembre 2013.

v. Le Tribunal a ordonné le 23 juin 2015 l'apport de la procédure pénale P/7_____/2010 dirigée contre E______. Les éléments pertinents suivants en sont ressortis :

v.a Entendu le 23 mai 2011 par le Ministère public dans le cadre de la procédure pénale, A______ a notamment déclaré que les informations et documents que lui montrait E______ étaient limités. Ce n'était qu'après fin 2009 et en examinant plus en détail les documents de son compte qu'il avait un peu mieux compris ce qui s'était passé.

Après la discussion en 2010 avec F______, A______ avait découvert l'existence des placements non autorisés. Il avait vu qu'ils avaient déjà commencé avant 2008, alors qu'il en ignorait tout auparavant.

v.b Entendu le 18 mai 2012 par le Ministère public dans le cadre de la procédure pénale, A______ a notamment déclaré qu'il n'avait pas eu accès à l'estimation de son compte pour les années 2007 et 2008, mais qu'il avait seulement reçu des résumés préparés par E______. Il ne s'agissait pas d'estimations annuelles, mais de documents intermédiaires. Jusqu'à fin 2008, l'examen qu'il pouvait faire des documents bancaires de son compte montrait que les choses étaient en ordre avec les placements qu'il voulait.

v.c Entendu le 3 octobre 2014 par le Tribunal, A______ a notamment indiqué que, lors de la réunion du 18 mars 2010, F______ lui avait demandé s'il était au courant de la position de son compte. Il avait répondu qu'il n'avait reçu que des documents établis par E______ et ne disposait d'aucune autre information. Lors du rendez-vous du 7 avril 2010, F______ lui avait remis un dernier relevé de son compte et A______ avait pu constater qu'il avait subi une perte importante. Il avait donc demandé à la banque de lui remettre les relevés relatifs à toutes les opérations effectuées sur son compte. Le soir même, 6 classeurs contenant les pièces lui avaient été remis.

w. Le Tribunal a gardé la cause à juger 15 jours après la transmission des dernières répliques spontanées des parties le 3 avril 2020.

x. Dans son jugement, le Tribunal a notamment retenu que la relation liant A______ à B______ SA était de type execution only. Les investissements dans les titres R______ et I______ avaient été réalisés sans ordre du client. De même, les versements de 5'000 USD sur le compte J______, de 16'500 USD sur le compte N______, de 298'500 USD et 39'000 fr. sur le compte U______ et de 4'241.57 USD et 3'250 USD sur le compte de P______ LTD n'avaient pas été ordonnés par A______.

La clause d'exclusion de responsabilité n'était pas applicable, le chargé de relation, en tant qu'auxiliaire de la banque, ayant commis une faute manifestement grave. La banque abusait de son droit en opposant à sa partie adverse la clause de banque restante.

Les acquisitions de 34'130 parts de G______ en USD et de 2'128.290 parts en EUR avaient été ratifiées par le client, dans la mesure où ces investissements avaient été mentionnés sur les relevés qui lui avaient été transmis et où il ne les avait pas contestés dans le délai d'un mois après réception des relevés. A______ ne pouvait pas se prévaloir de ce que cette ratification était viciée du fait d'une prétendue illicéité de la distribution de ce fonds en Suisse par la banque.

La banque devait indemniser A______ pour le dommage qui lui avait été causé en lien avec opérations effectuées sans instruction de sa part en application des règles sur la gestion d'affaires sans mandat. Le dommage causé par les transferts effectués en faveur de tiers équivalait au montant de ceux-ci, soit 361'589.90 USD (5'000 USD + 16'500 USD + 298'500 USD + 34'098.33 USD [39'000 fr.] + 4'241.57 USD + 3'250 USD). Pour les titres, le dommage s'élevait à la différence entre leur prix d'achat et leur prix de vente, soit 460'385.71 USD pour les titres Citigroup (1'546'365.19 USD - 554'378.11 USD - 531'601.37 USD) et 283'111 USD pour les titres I______ (728'425.60 USD - 445'314.60 USD). À ces montants s'ajoutaient les frais et commissions portant sur ces titres, soit un montant de 50'870 USD (36'778 USD + 14'092 USD). Au total, le dommage se montait à 1'160'858.28 USD. Les intérêts moratoires étaient dus dès le 24 septembre 2012, date du dépôt de la requête de conciliation.

Le Tribunal a refusé la compensation que la banque souhaitait opérer avec les bénéfices engendrés par les opérations sur le marché des changes.

EN DROIT

1. 1.1 Interjetés dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC) et dirigés contre une décision finale de première instance, qui statue sur des conclusions pécuniaires dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., (art. 91 al. 1 et 308 al. 2 CPC), les appels sont recevables.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

1.3 Dès lors qu'ils sont dirigés contre le même jugement, reposent sur le même complexe de faits et opposent les mêmes parties, les recours seront traités dans un seul et même arrêt. A______ sera désigné ci-après comme l'appelant et B______ SA comme l'intimée.

1.4 L'appelant fait valoir des faits postérieurs au jugement de première instance et réduit ses conclusions en appel.

1.4.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve ne sont pris en compte qu'aux conditions suivantes : ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (lit. b).

S'agissant des vrais nova ("echte Noven"), soit les faits qui se sont produits après la fin des débats principaux de première instance, la condition de nouveauté posée par la lettre b est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate doit être examinée. En ce qui concerne les pseudo nova ("unechte Noven"), il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être produit en première instance (ATF 143 III 42 consid. 4.2.1 et les références citées).

En règle générale, les nova doivent être introduits en appel dans le cadre du premier échange d'écritures (arrêts 4A_508/2016 du 16 juin 2017 consid. 4.1, non publié aux ATF 143 III 348; 4A_337/2019 du 18 décembre 2019 consid. 4.1.1 et les références citées).

L'art. 317 al. 2 CPC autorise une modification de la demande en appel à la double condition que les conclusions modifiées soient en lien de connexité avec la prétention initiale ou que la partie adverse ait consenti à la modification, d'une part (art. 317 al. 2 let. a et 227 al. 1 CPC), et qu'elles reposent sur des faits ou moyens de preuve nouveaux, d'autre part (art. 317 al. 2 let. b CPC).

Une réduction des conclusions ne constitue pas une conclusion nouvelle au sens de l'art. 317 al. 2 CPC. Elle est donc admissible en tout temps, soit jusqu'aux délibérations (arrêt du Tribunal fédéral 5A_456/2016 du 28 octobre 2016 consid. 4.2.1).

1.4.2 En l'espèce, les pièces nouvelles 19 à 23 produites par l'appelant et les faits y relatifs sont postérieurs à la clôture des débats de première instance. Ils ont été allégués et produits sans retard et sont par conséquent recevables.

La réduction des conclusions de l'appelant est en toute hypothèse recevable. Dans l'hypothèse où l'appel de l'appelant devait être admis en ce qui concerne les investissements dans G______, il sera tenu compte du remboursement d'une partie de la somme réclamée par l'appelant.

2. L'appelant étant domicilié à l'étranger, la cause est de nature internationale (art. 1 al. 1 LDIP). Comme le contrat liant les parties prévoit que le for est à Genève et que le droit suisse s'applique aux relations entre la banque suisse et le client, il y a lieu d'admettre que les juridictions genevoises sont compétentes ratione loci (art. 5 al. 1 LDIP) et que le droit suisse est applicable (art. 116 al. 1 et 2 LDIP), ce que les plaideurs, à juste titre, ne contestent pas.

3. 3.1.1 Lorsque le demandeur allègue que des versements ou virements ont été exécutés par la banque en dépit du défaut de légitimation du donneur d'ordre ou à la suite de faux non décelés, le tribunal doit examiner qui, du client ou de la banque, doit supporter le dommage qui en résulte, en procédant en trois étapes (cf. ATF 146 III 387 consid. 3.1).

Dans une première étape, sur l'action principale du client en restitution de son avoir non amputé des prélèvements indus (art. 107 al. 1 CO), le tribunal doit examiner si les prélèvements ont été exécutés sur mandat ou sans mandat du client, ce qui présuppose, en cas de représentation du titulaire du compte, de se poser la question des pouvoirs du représentant, respectivement de la ratification des prélèvements par le titulaire (ATF 146 III 326 consid. 4.2).

Ce n'est que si les ordres ont été exécutés sans mandat du client que le tribunal doit examiner, dans une deuxième étape, si le dommage est un dommage de la banque (système légal) ou si, en raison de la conclusion d'une clause de transfert de risque (Risikotransferklausel), le dommage est à la charge du client (ATF
146 III 326 consid. 4.2). Lorsque les parties ont conclu une clause de transfert de risque, il n'y a pas de troisième étape comme c'est le cas lorsque le système légal s'applique (cf. ATF 146 III 121 consid. 2). C'est dans le cadre de l'examen de la faute grave de la banque, qui est réservée (art. 100 al. 1 CO par analogie), que le tribunal doit ensuite examiner la faute concomitante du client comme facteur d'interruption du lien de causalité adéquate ou de réduction de l'indemnité qui lui est due (ATF 146 III 326 consid. 4.2).

Ce n'est enfin que lorsque le dommage est subi par la banque que le tribunal peut encore devoir examiner (troisième étape) si la banque peut opposer, en compensation, à l'action en restitution de son client, une prétention en dommages-intérêts (art. 97 al. 1 CO) parce que celui-ci aurait fautivement contribué à causer ou à aggraver le dommage en violant ses propres obligations (par exemple, en ne contestant pas dans le délai convenu les opérations irrégulières ou infondées, respectivement en ne consultant pas son dossier de banque restante; ATF
146 III 121 consid. 2; cf. ég. ATF 146 III 387 consid. 3.1).

3.1.2 L'argent figurant sur le compte bancaire ouvert au nom du client est la propriété de la banque, envers laquelle le client n'a qu'une créance en restitution. Lorsque la banque vire de l'argent depuis ce compte à un tiers sur ordre (avec mandat) du client, elle acquiert une créance en remboursement contre celui-ci (art. 402 CO). A l'action en restitution du client, la banque peut donc opposer en compensation une créance en remboursement (ATF 146 III 326 consid. 5.1 et les références citées; 146 III 121 consid. 3.1.1). La prétention en remboursement présuppose que la banque ait correctement exécuté l'ordre qui lui a été donné par le client (ATF 110 II 283 consid. 3a), notamment qu'elle ne se soit pas trompée, lors de son exécution, dans la personne du destinataire ou le numéro de compte indiqués par le client (ATF 126 III 20 consid. 3b/aa).

En revanche, lorsque la banque vire de l'argent depuis ce compte à un tiers sans ordre (sans mandat) du client, elle n'acquiert pas de créance en remboursement. A l'action en restitution du client, la banque ne peut donc pas opposer en compensation une créance en remboursement; elle doit contre-passer l'écriture et l'art. 402 CO n'entre pas en considération (ATF 146 III 326 consid. 5.1;
146 III 121 consid. 3.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_438/2007 du 29 janvier 2008 consid. 5.1).

3.1.3 Il découle des principes énoncés dans la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, exposés au considérant qui précède, que l'exécution d'opérations bancaires sans instructions ou ordre du client, telles que l'acquisition de titres ou de devises, ne doit pas être appréciée en application des règles relatives à la gestion d'affaires sans mandat (art. 419 ss), contrairement à ce retiennent quelques arrêts plus anciens du Tribunal fédéral (arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2009 du 30 novembre 2009 consid. 5; 4A_262/2008 du 23 septembre 2008 consid. 2.1 4C_326/2003 du 25 mai 2004 consid. 3.5; cf. ég. ACJC/56/2019 du 15 janvier 2019 consid. 3.1.1, Wherlock / von der Crone, Anwendbarkeit von Genehmigungsklauseln hinsichtlich unautorisierter Börsengeschäfte, RSDA 2016 p. 105). Du reste, la banque qui exécute des transactions sans ordre du client ne gère pas l'affaire d'autrui mais dispose de sommes dont elle est elle-même propriétaire (cf. Gautschi, Berner Kommentar, n. 12a ad art. 419 CO).

La distinction a son importance du point de vue de la détermination de la prétention que la banque peut opposer au client (consid. 5 infra), de l'imputation d'éventuels avantages obtenus dans le cadre de l'exécution d'ordres non autorisés (consid. 6 infra), ainsi que s'agissant du point de départ des intérêts (consid. 9 infra).

3.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu que la relation bancaire liant les parties était du type execution only, et que les ordres de transferts à des tiers ainsi que l'achat et la vente de titres de R______ et de I______ avaient été effectués sans instruction de la part de l'appelant. Ces opérations n'avaient pas été ratifiées par ce dernier car elles ne figuraient pas sur les relevés qui lui avaient été remis par E______.

L'intimée ne conteste pas que ces opérations aient été effectuées sans instruction de la part de l'appelant, mais elle soutient que celui-ci a ratifié les opérations effectuées jusqu'à fin 2008 puisque, lors de son audition du 18 mai 2012 devant les autorités pénales, il a indiqué que, jusqu'à fin 2008, l'examen qu'il pouvait faire des documents bancaires de son compte montraient que "les choses étaient en ordre avec les placements [qu'il] voulait".

L'argument de l'intimée n'est pas convaincant. En effet, il est établi que E______ a remis à l'appelant des documents bancaires falsifiés, qui ne reflétaient pas l'état véritable de ses avoirs. Il était dès lors normal que, à la lecture de ces documents falsifiés, l'appelant estime que tout était en ordre, alors même que tel n'était pas le cas.

La déclaration à laquelle se réfère l'intimée n'a ainsi pas la portée qu'elle lui prête. Les informations fournies au client par le chargé de relation étaient précisément destinées à lui faire croire que l'état de son compte correspondait à ce qu'il attendait.

L'intimée ne prouve pas que, avant la découverte des infractions commises par E______, les opérations susmentionnées ont été mentionnées dans un document qui a été soumis à l'appelant et approuvé par ses soins.

Ce n'est qu'en mars 2010, lorsque l'appelant s'est rendu à la banque, qu'il a pu constater l'état réel de son compte. Ces faits ont été confirmés par F______ et l'intimée n'affirme pas que l'appelant aurait reçu d'autres documents que ceux qui ont été soumis à F______ ce jour-là.

L'on ne saurait donc considérer que l'appelant a eu connaissance des opérations effectuées jusqu'à fin 2008 sur la base des documents qui lui avaient été fournis par le chargé de relation. Par conséquent, toute ratification de ces opérations sur cette base est exclue. Le grief de l'intimée sur ce point doit être rejeté.

Dès lors, l'appelant dispose d'une créance en exécution du contrat et non, comme l'a retenu le Tribunal, d'une prétention en dommages et intérêts découlant d'une gestion d'affaires sans mandat, en relation avec les opérations qui ont été exécutés sans ordre, à savoir, comme l'a retenu le Tribunal, les versements effectués au profit de comptes de tiers et l'acquisition des titres R______ et I______.

4. Il convient d'examiner, dans la seconde étape, si une clause de transfert de risque a été conclue entre les parties et si elle est opposable à l'appelant.

4.1 La validité d'une clause autorisant la banque à exécuter les instructions lui parvenant par téléphone, téléfax ou e-mail et transférant sur la tête du client les risques qui en découlent doit être examinée par application analogique des art. 100 et 101 al. 3 CO, qui régissent les conventions d'exonération de la responsabilité pour inexécution ou exécution imparfaite du contrat, et ce bien que la clause de transfert de risque ne relève pas de l'inexécution contractuelle au sens des art. 97 ss CO (ATF 146 III 326 consid. 6.1; 132 III 449 consid. 2 112 II 450 consid. 3a p. 455). Par conséquent, si un dol ou une faute grave est imputable à la banque ou à l'un de ses auxiliaires, la clause d'exonération est nulle (art. 100 al. 1 et 101 al. 3 CO; cf. ATF 146 III 326 consid. 6.1; 112 II 450 consid. 3a).

4.2 En l'espèce, il ressort des faits constatés par le Tribunal que les documents d'ouverture de compte signés par l'appelant prévoient un report sur le client du risque lié aux ordres donnés par téléphone.

En l'absence d'ordres donnés par téléphone ou par fax, cette clause ne saurait toutefois s'appliquer au présent litige. Elle serait quoi qu'il en soit inopérante dans la mesure où, comme l'a retenu le Tribunal, la banque devrait se laisser opposer la faute grave commise par son auxiliaire, E______. À raison, l'intimée ne s'en prévaut pas.

5. Il convient dès lors de déterminer, dans la troisième étape, si l'intimée dispose d'une prétention en dommages-intérêts contre l'appelant qu'elle pourrait opposer à la créance en restitution de celui-ci.

5.1 Selon la jurisprudence, la banque, qui subit le dommage du fait de l'exécution d'un paiement sans mandat, peut tout au plus demander des dommages-intérêts à son client si celui-ci a fautivement contribué à causer ou à aggraver le dommage qu'elle a ainsi subi (art. 97 al. 1 et/ou art. 41 al. 1 CO; ATF 146 III 121 consid. 5.1; 111 II 263 consid. 1c et 2a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_119/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.2). Il s'agit là d'une "action" en dommages-intérêts de la banque contre son client, fondée principalement sur l'art. 97 al. 1 CO, que celle-ci oppose en compensation à l'action en restitution de l'avoir en compte introduite par le client (arrêt du Tribunal fédéral 4A_119/2018 précité consid. 5.2).

Dans le cadre de l'examen de cette prétention en dommages-intérêts de la banque, opposable en compensation, le tribunal devra encore examiner la faute de la banque, au titre de sa faute concomitante, soit comme facteur d'interruption du rapport de causalité adéquate, soit comme facteur de réduction de l'indemnité qui lui serait due (ATF 136 III 387 consid. 6.3).

5.1.1 La responsabilité de l'art. 97 al. 1 CO, qui repose ici sur le rapport juridique noué entre les parties, est soumise à quatre conditions : la violation du contrat, le dommage, le rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation contractuelle et le dommage, ainsi que la faute. Dans le cadre de la prétention compensante de la banque contre le client, le dommage (deuxième condition) est celui subi par la banque et correspond au montant que celle-ci doit payer une seconde fois, au client, en raison des transferts qu'elle a exécutés sans mandat de celui-ci (ATF 146 III 121 consid. 5.1).

Le client viole ses obligations contractuelles (première condition) lorsque, d'une manière ou d'une autre, il contribue à causer le dommage parce qu'il incite la banque à procéder au transfert indu (arrêts du Tribunal fédéral 4A_54/2009 du 20 avril 2009 consid. 1; 4A_438/2007 précité consid. 5.1) ou parce qu'il contribue à aggraver le dommage (arrêts du Tribunal fédéral 4A_119/2018 précité consid. 5.2 et 6; 4A_379/2016 du 15 juin 2016 consid. 3.2.2 et 5.4). Selon la jurisprudence, le client contribue à aggraver le dommage de la banque, notamment en ne contestant pas les écritures irrégulières ou infondées qu'il aurait pu ou dû constater en consultant les relevés de compte qu'il a reçus ou en ne relevant pas, ni ne contrôlant son courrier en banque restante (ATF 146 III 121 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_119/2018 précité consid. 5.2 et 6).

5.1.2 Selon la jurisprudence, par la clause de banque restante, la banque accepte de conserver chez elle, dans le dossier bancaire du client, les avis qu'elle doit lui adresser, mais prévoit que les communications ainsi faites sont opposables à celui-ci comme s'il les avait effectivement reçues (arrêt du Tribunal fédéral 4A_119/2018 précité consid. 6.1.1). Le client qui adopte ce mode de communication est censé avoir reçu immédiatement les avis qui lui sont adressés de cette façon (fiction de réception); il sera traité de la même façon que le client qui aura réellement reçu le courrier, quant à la fiction de ratification d'une opération non contestée dans un certain délai (arrêts du Tribunal fédéral 4A_119/2018 précité consid. 6.1.1; 4A_471/2017 du 3 septembre 2018 consid. 4.2.1 et les références citées). En effet, l'option de banque restante n'est pas utilisée dans l'intérêt de la banque mais bien dans celui du client, qui, pour des raisons de discrétion, n'entend pas recevoir les communications que la banque doit lui adresser. En pareil cas, la banque, qui a l'obligation de rendre compte à ses clients des opérations qu'elle accomplit pour ceux-ci, a un intérêt légitime à ce que le destinataire du courrier en banque restante soit traité de la même manière que le client qui a réellement reçu le courrier en ce qui concerne l'obligation, découlant des règles de la bonne foi, de réagir en cas de refus ou de désaccord avec une opération dont il a reçu communication (arrêts du Tribunal fédéral 4A_386/2019 du 26 mai 2020 consid. 4.3.2; 4A_119/2018 précité consid. 6.1.1; 4A_471/2017 précité consid. 4.2.1 et les références citées).

Le client qui choisit l'option banque restante prend donc un risque, dont il doit supporter les conséquences s'il se réalise (arrêt du Tribunal fédéral 4A_119/2018 précité consid. 6.1.1; 4A_471/2017 précité consid. 4.2.1 et les références citées).

5.1.3 En vertu de la clause de "réclamation" généralement prévue par les conditions générales des banques, toute réclamation relative à une opération doit être formulée par le client dans un certain délai dès la réception de l'avis d'exécution de l'ordre ou du relevé de compte ou de dépôt, faute de quoi l'opération ou le relevé est réputé ratifié par lui. Une telle clause est valable (arrêts du Tribunal fédéral 4A_161/2020 du 6 juillet 2020 consid. 5.2.1; 4A_119/2018 précité consid. 6.1.2; 4A_471/2017 précité consid. 4.2.2 et les références citées).

En effet, les communications de la banque ne servent pas seulement à l'information du client, mais visent aussi à permettre la détection et la correction en temps utile d'écritures erronées, voire d'opérations irrégulières, à un moment où les conséquences financières ne sont peut-être pas encore irrémédiables. Les règles de la bonne foi imposent au client une obligation de diligence relativement à l'examen des communications reçues de la banque et à la contestation des écritures qui lui paraissent irrégulières ou infondées (arrêts du Tribunal fédéral 4A_161/2020 du 6 juillet 2020 consid. 5.2.1; 4A_119/2018 précité consid. 6.1.2 et les références citées).

La clause de réclamation - et sa fiction de ratification - est applicable aux clients auxquels les communications sont faites en banque restante (arrêts du Tribunal fédéral 4A_119/2018 précité consid. 6.1.2; 4A_471/2017 précité consid. 4.2.2).

S'il n'est pas d'accord avec les opérations non autorisées, le client ne peut pas se contenter d'une réclamation téléphonique auprès de son chargé de relation et attendre le développement de cet investissement non souhaité pour contester les opérations plusieurs mois plus tard, lorsque les pertes sont intervenues. Faute de contestation, même s'il n'a pas consciemment voulu ratifier les opérations par son comportement, le client doit se laisser opposer la fiction de ratification (contenue dans les conditions générales), même si le chargé de relation au sein de la banque ne s'était pas tenu à ses instructions (arrêts du Tribunal fédéral 4A_556/2019 du 29 septembre 2020 consid. 5.2; 4A_449/2018 du 25 mars 2018 consid. 4.2; 4A_42/2015 du 9 novembre 2015 consid. 5.2)

5.1.4 Si l'application stricte de la clause de banque restante, entraînant fiction de réception, combinée avec la clause de réclamation, emportant fiction de ratification, conduit à des conséquences choquantes, le tribunal peut exclure celles-ci en se fondant sur les règles de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC; arrêts du Tribunal fédéral 4A_119/2018 précité consid. 6.1.3; 4A_471/2017 précité consid. 4.2.3 et les références citées).

Les fictions de réception et de ratification ne sont en effet opposables au client que pour autant que la banque ne commette pas d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). Il y a notamment abus de droit lorsque la banque profite de la fiction de réception du courrier pour agir sciemment au détriment du client, ou lorsqu'après avoir géré un compte pendant plusieurs années conformément aux instructions orales du client, elle s'en écarte intentionnellement alors que rien ne le laissait prévoir (par exemple en cas de contrat de gestion de fortune), ou encore lorsqu'elle sait que le client n'approuve pas les actes communiqués en banque restante (par exemple lorsqu'elle agit sans instructions dans le cadre d'un contrat "execution only" ou de conseil en placements) (arrêts du Tribunal fédéral 4A_449/2018 précité consid. 7; 4A_119/2018 précité consid. 6.1.3; 4A_548/2013 du 31 mars 2014 consid. 3.6).

Dans une telle hypothèse, il faut encore examiner si le client a effectivement reçu la documentation conservée en banque restante - par exemple lors d'une rencontre avec son chargé de relations ou parce que celle-ci a été remise à son représentant - et pouvait, ou devait, se rendre compte de l'irrégularité des opérations non autorisées eu égard aux connaissances dont il disposait (arrêts du Tribunal fédéral 4A_161/2020 précité, consid. 5.4.5; 4A_471/2017 précité consid. 4.3.2 in initio). Si tel est le cas, le client doit contester les opérations sous peine de se voir opposer la fiction de ratification figurant dans les conditions générales. Dans une telle hypothèse, la jurisprudence qui permet d'exclure la fiction de ratification en vertu des règles sur l'abus de droit ne trouve en effet pas application (arrêt du Tribunal fédéral 4A_161/2020 précité, consid. 5.4.5; 4A_471/2017 précité, consid. 5.4.5).

5.1.5 Dans l'examen de la prétention en dommages-intérêts de la banque, la faute concomitante de celle-ci ne libère le client qui a fautivement violé ses obligations contractuelles que si cette faute est si grave qu'elle fait apparaître comme lointaines et juridiquement sans importance les violations contractuelles du client ayant contribué au dommage, interrompant ainsi le rapport de causalité adéquate entre le dommage et le comportement de l'auteur (ATF 146 III 387 consid. 6.3.1 et les références citées).

La faute concomitante du lésé constitue un facteur de réduction de l'indemnité (art. 44 al. 1 CO, par renvoi de l'art. 99 al. 3 CO) lorsqu'elle n'est pas grave au point d'interrompre le lien de causalité adéquate, mais qu'elle a contribué dans une mesure importante à créer ou à aggraver le dommage alors que l'on aurait pu attendre raisonnablement de tout tiers se trouvant dans la même situation qu'il prenne des mesures de précaution, susceptibles d'écarter ou de réduire le dommage (arrêt du Tribunal fédéral 4A_124/2007 du 23 novembre 2007 consid. 5.4.1). Dans l'examen de de la prétention en dommages-intérêts de la banque, il s'agit d'apprécier la gravité de la faute concomitante de la banque et de ses auxiliaires (art. 101 CO) par rapport à la faute du client (ATF 146 III 387 consid. 6.3.2).

5.1.6 Il incombe à la banque d'apporter la preuve que le client a ratifié les opérations qu'elle a effectuées sans instruction de sa part (arrêts du Tribunal fédéral 4A_41/2016 du 20 juin 2016 consid. 3.5; 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.2; 4C_18/2004 du 11 juin 2008 consid. 1.5 et 1.8).

5.2 En l'espèce, les parties ont convenu d'une clause de banque restante et d'une clause de réclamation stipulant que les contestations relatives aux relevés de compte doivent être adressées à la banque au plus tard un mois après la notification concernée.

Le Tribunal a retenu que la clause de poste restante ne pouvait pas être opposée à l'appelant car l'intimée commettait un abus de droit en s'en prévalant. Il était fort probable que E______ ait dissuadé l'appelant de la consulter. Vu le volume important de la documentation, n'avait pas la possibilité de prendre connaissance en détail des opérations effectuées. Le rapport d'audit produit par l'intimée parvenait à la même conclusion.

L'intimée reproche à l'appelant une faute concomitante qui aurait contribué à créer le "dommage". L'appelant aurait dû faire preuve de vigilance et consulter plus régulièrement la documentation de banque restante, ce d'autant plus que l'année 2009 avait été marquée par des pertes massives sur les marchés mondiaux. Au moment de signer le bien trouvé le 9 décembre 2009, il n'avait pas examiné le contenu de sa banque restante, se contenant des déclarations et décomptes officiels de son chargé de relations.

Compte tenu des principes exposés plus haut, la question n'est pas de déterminer si une faute concomitante peut être reprochée à l'appelant, mais si l'intimée dispose d'une prétention en dommages et intérêts qu'elle peut opposer à la prétention de l'appelant en exécution du contrat. Il ne s'agit donc pas seulement de considérer une éventuelle faute de l'appelant, mais aussi d'examiner s'il peut lui être reproché une violation du contrat, qui serait en lien de causalité avec le préjudice dont pourrait se prévaloir l'intimée. Ce faisant, il faudra tenir compte d'une éventuelle faute concomitante de la banque.

En reprochant à l'appelant de n'avoir pas consulté son courrier en banque restante et de n'avoir pas contesté les opérations litigieuses dans le délai contractuel, l'intimée commet, comme l'a souligné le Tribunal, un abus de droit.

En effet, les parties étant liées par un contrat execution only, l'intimée devait partir du principe que les opérations effectuées sans ordre du client étaient refusées par celui-ci, comme cela résulte de la jurisprudence précitée.

De plus, l'appelant, qui recevait régulièrement des nouvelles de l'état de ses avoirs par l'intermédiaire du chargé de relation de la banque, n'avait aucune raison de demander à consulter des documents supplémentaires. Il n'est en particulier pas allégué qu'il aurait pu se rendre compte du fait que les documents qui lui étaient soumis étaient faux. L'intimée n'avait d'ailleurs jamais requis par le passé de l'appelant qu'il signe un bien-trouvé.

A cela s'ajoute qu'il ressort du rapport d'audit commandé par la banque que E______ a profité de la confiance des clients en leur faisant signer des documents de décharge de la gestion, ainsi que des situations patrimoniales inexactes, dans le but de contourner un concept raisonnable de contrôle. La structure et le volume de la poste restante ne permettaient pas au client de se faire une idée immédiate de la situation; en particulier, elle ne contenait pas une feuille récapitulative comprenant les entrées et les sorties en espèces ou par virement, ainsi que le transfert au niveau des entrées et des sorties de titres.

Ces constatations confirment les indications données par l'appelant selon lesquelles E______ l'a dissuadé de consulter la volumineuse documentation qu'il lui soumettait.

L'intimée n'a en tout état de cause pas allégué, ni démontré qu'en faisant preuve de l'attention qu'elle estime nécessaire, l'appelant aurait été en mesure de réaliser l'existence de transactions non autorisées, ni quelle influence cette découverte le 9 décembre 2009, plutôt qu'en mars 2010, aurait eu sur le cours des choses. Il ressort au contraire des faits constatés par le Tribunal que l'appelante ne conteste pas que la structure et le volume de la poste restante ne permettaient pas au client de se faire une idée immédiate des éventuelles transactions non autorisées. L'appelante n'a d'ailleurs pas offert de preuve démontrant que la poste restante remise à l'appelant le 9 décembre 2009 aurait contenu des relevés exacts concernant les opérations litigieuses et lui aurait donc permis de les identifier.

L'intimée, à qui incombe le fardeau de la preuve à cet égard, ne démontre dès lors pas les circonstances dont il faudrait tirer que l'exception de l'abus de droit serait inapplicable en l'espèce. Au surplus, elle n'apporte pas la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre la violation qu'elle reproche à l'appelant et son préjudice résultant de l'exécution d'ordres non autorisés. Dans ces circonstances, le grief de l'intimée doit être écarté sans qu'il y ait lieu d'apprécier les éventuelles fautes respectives des deux parties.

La Cour n'est pas liée par l'arrêt du Handelsgericht zurichois HG160177-O du 13 juin 2019, auquel se réfère l'appelante. Cet arrêt repose quoi qu'il en soit sur une situation factuelle différente, le client n'étant pas parvenu à prouver que les virements litigieux avaient été exécutés sans ordre de sa part (arrêt cité, consid. 4.3.6.3; cf. ég. l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_386/2019 précité consid. 4.5, relatif à la même cause).

6. Le Tribunal a retenu que contrairement à ce que faisait valoir l'intimée, le montant du dommage subi par l'appelant ne pouvait pas être compensé avec les bénéfices engendrés par les opérations sur le marché des changes et les placements fiduciaires, lesquels avaient été bénéficiaires à hauteur de 936'686 USD, qui, selon elle, avaient été opérés sur la base d'un mandat de gestion oral octroyé par l'appelant. En effet, l'offre de preuve n'avait pas porté sur ces investissements de sorte que le Tribunal ne pouvait pas déterminer si ceux-ci avaient été effectués avec ou sans instructions de l'appelant.

L'intimée soutient que les opérations de change effectuées sur le compte de l'appelant n'ont pas été autorisées par celui-ci, de sorte que le bénéfice qui en est résulté doit être imputé sur la somme due à l'appelant.

6.1.1 Dans le cadre de l'action en exécution, le client bancaire réclame la restitution de son avoir, non amputé des prélèvements indus. Contrairement à l'action en responsabilité fondée sur la mauvaise exécution d'un mandat de gestion de fortune, il ne s'agit donc pas de calculer un dommage subi par le client et qui consisterait en une comparaison entre le portefeuille effectif (à la suite de la mauvaise exécution du contrat) et le portefeuille hypothétique (qu'il aurait eu si le contrat avait été géré correctement) (cf. ATF 144 III 155 consid. 2.2.2). Dans son arrêt du 17 février 2020, le Tribunal fédéral examine certes la question sous l'angle de la responsabilité de la banque et d'un éventuel dommage subi par le client, mais il ne retient cette qualification que dans la mesure où elle n'a pas été contestée par la recourante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_126/2019 du 17 février 2020, consid. 4 et 6.1.2).

Dès lors, il ne s'agit pas de déterminer s'il faut imputer à la prétention du client d'éventuels bénéfices résultant d'opérations données sans ordre (compensatio lucri cum damno, voir à ce propos les arrêts Tribunal fédéral 4A_436/2016 du 7 février 2017 consid. 5.2.3; 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.5; 4C_74/2001 du 17 octobre 2001 consid. 4), mais d'identifier les éventuelles prétentions que la banque pourrait opposer à la prétention du client.

6.1.2 Selon l'art. 150 CPC, la preuve a pour objet les faits pertinents et contestés.

A teneur de l'art. 55 CPC, lorsque la maxime des débats est applicable, comme en l'espèce, les parties allèguent les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produisent les preuves qui s'y rapportent.

La maxime des débats repose sur le principe de l'autonomie des parties: il appartient à celles-ci non seulement d'alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et d'en supporter le fardeau de la preuve, mais aussi de contester les faits allégués par la partie adverse, sans quoi ils seront tenus pour établis (Dietschy, Le devoir d'interpellation du tribunal et la maxime inquisitoire sous l'empire du CPC, RSPC 2011, 82).

Selon l'art. 222 al. 2 CPC le défendeur est censé exposer quels faits allégués dans la demande sont admis ou contestés. D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, la contestation générique et globale n'est pas suffisante et ne peut donc pas avoir pour conséquence d'obliger le demandeur à rapporter la preuve de chacun des postes détaillés dans sa demande. La contestation doit aussi porter sur les faits implicitement allégués par le demandeur. En cas de défaut de la partie supposée se déterminer sur une allégation, autrement dit de silence sur l'allégation en cause, il ressort de l'art.153 al.2 CPC que celle-ci est censée être admise (Schweizer, Commentaire romand CPC, n. 13-14, ad art. 150 CPC).

6.2 En l'espèce, l'appelant n'a pas allégué dans sa demande que les opérations de change litigieuses avaient été effectuées sans instructions de sa part.

L'intimée ne l'a pas non plus allégué dans sa réponse. Tout en prétendant que l'appelant avait accepté toutes les opérations effectuées sur son compte, elle a relevé dans la partie en droit qu'il commettait un abus de droit en ne contestant pas les opérations qui s'étaient avérées bénéficiaires.

Ce qui précède ne respecte pas les règles légales sur la précision de la contestation et de l'allégation. Si l'intimée entendait se prévaloir du fait que les opérations de change avaient été faites à l'insu de l'appelant, de sorte que celui-ci était tenu à restitution du bénéfice qu'elles avaient dégagé, il lui aurait incombé de l'alléguer dans sa réponse, ce qu'elle n'a pas fait.

L'intimée a au contraire soutenu que toutes les opérations effectuées par ses soins avaient été faites avec l'accord de l'appelant.

Dans la mesure où, à l'issue de la phase d'allégation, les allégués des parties concordaient sur le fait que les opérations de change avaient été faites avec l'accord de l'appelant, ce fait devait être considéré comme prouvé.

Les déclarations de l'intimé devant le Tribunal, selon lesquelles il n'avait pas signé d'autorisation individuelle pour chaque opération de change ne sont dès lors pas déterminantes. Cette formulation est au demeurant ambiguë et l'on ne saurait en déduire, au vu de ce qui précède, que l'appelant entendait ce faisant revenir sur les allégations contenues dans sa demande.

En tout état de cause, il convient de relever que, préalablement à la procédure, l'intimée n'a émis aucune réserve relative aux extraits de compte qu'elle a fournis à l'appelant. Elle lui a au contraire demandé à plusieurs reprises de signer des biens-trouvés. Ce faisant, elle a reconnu l'état de ce compte - éventuels bénéfices résultant des opérations de change compris - et ratifié les actes de son chargé de relations. Elle ne saurait désormais affirmer que l'appelant bénéficierait d'un avantage injustifié qu'il devrait lui restituer.

En définitive, le bénéfice résultant des opérations de change ne constitue pas un préjudice pour la banque, car elle n'est pas amenée à payer au client plus que ce qu'elle a reconnu lui devoir en lui soumettant ses relevés de compte et en lui demandant d'en donner quittance.

Le grief de l'intimé sur ce point doit ainsi être rejeté.

Il s'ensuit que les prétentions admises par le Tribunal, portant sur les transferts effectués en faveur de tiers, l'acquisition des titres R______ et I______, ainsi que les frais y relatifs, dont les parties ne contestent pas les montants, doivent être confirmées.

7. L'appelant conteste avoir ratifié les investissements dans G______.

Le Tribunal a retenu que ces investissements étaient expressément mentionnés sur chacun des relevés qui avaient été transmis à l'appelant et qu'il en avait donc pris connaissance avant sa visite à la banque en mars 2010.

L'appelant ne le conteste pas, mais soutient avoir demandé de vendre une partie des parts en question, lesquelles avaient été acquises sans son autorisation. Il prétend en particulier que le rachat de 5'450.23 parts intervenu en juin 2020 démontrerait qu'il avait demandé à vendre ces parts.

Cette présentation des choses diffère des faits allégués par l'appelant en première instance, puisqu'il a soutenu dans sa demande n'avoir découvert les transactions non autorisées qu'en 2010.

A cela s'ajoute que si l'appelant, comme il le soutient, a donné l'ordre de vendre une partie des parts en question, c'est bien qu'il en connaissait l'existence.

En toute hypothèse, les déclarations de l'appelant, qui ne sont corroborées par aucun ordre écrit, sont insuffisamment précises pour établir qu'il a demandé la vente de ses titres dans le délai d'un mois stipulé dans les conditions d'ouverture du compte de la banque. En effet, il a déclaré qu'il avait demandé à vendre ces titres "probablement dans les derniers mois de l'année 2008". Les déclarations du témoin L______ sont également trop floues, celui-ci ayant simplement confirmé que lors de leur seconde rencontre, intervenue après le départ du chargé de relations, l'appelant lui avait dit avoir demandé la vente d'une partie de ses parts.

Les pièces nouvelles que l'appelant produit en procédure d'appel indiquent qu'il n'a demandé la vente que d'une partie des parts dont il affirme avoir contesté l'acquisition. De plus, les échanges qu'il produit ne démontrent pas qu'il a contesté ces acquisitions dans le délai d'un mois prévu par les conditions générales, mais tout au plus que l'ordre de vente est intervenu au plus tard en octobre 2009, L______ ayant confirmé que les demandes de rachat jusqu'à cette date avaient été satisfaites.

Même s'il fallait admettre que l'appelant avait manifesté à temps son désaccord à l'égard du chargé de relations, il résulte de la chronologie des événements qu'il a par la suite préféré attendre de voir comment ce placement allait évoluer avant d'élever des prétentions contre la banque. En particulier, il n'a interpellé la banque ni au moment où "faute de mieux", il aurait accepté de vendre 5'450.23 parts du fonds G______ fin 2009, ni lorsque le chargé de relations lui a signalé que le produit de la vente de ces parts ne pouvait pas être encaissé. Les déclarations de l'appelant, selon lesquelles il aurait insisté sur la vente de ces parts, ne suffisent pas à infléchir ce constat.

Dans ces circonstances, l'appelant doit se laisser opposer la fiction de ratification contenue dans les conditions d'ouverture du compte.

Ce grief de l'appelant sera par conséquent rejeté.

8. Le Tribunal a considéré que l'appelant ne pouvait pas se prévaloir du fait que sa ratification de l'achat des parts du fonds G______ serait viciée du fait d'une prétendue illicéité de la distribution de ce fonds en Suisse par l'appelant car les déclarations y relatives étaient contradictoires et l'instruction de la cause n'avait pas porté sur ces faits, vu les allégués formés dans la demande.

L'appelant fait valoir que l'instruction de la cause avait porté sur ces faits puisque L______ avait été entendu tant par le Tribunal que par le Ministère public en lien avec la question de l'illicéité de la distribution du fonds en Suisse. Cette question était une question de droit, qui devait être traitée d'office par le Tribunal.

8.1 Aux termes de l'art. 2 al. 4 de la loi fédérale du 23 juin 2006 sur les placements collectifs de capitaux (LPCC; RS 951.31), dans sa version en vigueur du 1er janvier 2007 au 28 février 2013 (RO 2006 5379; ci-après LPCC/2007), les placements collectifs étrangers pour lesquels il est fait appel au public en Suisse ou à partir de la Suisse sont soumis aux dispositions de la LPCC qui leur sont directement applicables (art. 119 ss LPCC/2007).

8.1.1 On entend par appel au public au sens de la LPCC/2007 la publicité qui s'adresse au public. Ne peuvent notamment être qualifiés de publicité la publication de prix, de cours et de valeurs d'inventaires par des intermédiaires financiers soumis à une surveillance. La publicité qui s'adresse exclusivement à des investisseurs qualifiés au sens de l'art. 10, al. 3, n'est pas considérée comme un appel au public (art. 3 LPCC/2007)

Ne constitue pas un appel au public la publicité qui s'adresse à un cercle restreint de personnes (ATF 137 II 284 consid. 5.3.2). Le cercle des destinataires peut être restreint aussi bien du point de vue qualitatif, en raison de l'existence de relations préexistantes, que du point de vue quantitatif, si le nombre de destinataires est limité (ATF 137 II 284 consid 5.3.2 et les références citées; Bösch, in Basler Kommentar Kollektivanlagengesetz, 1ère éd. 2009, n. 26 ss ad art. 3 LPCC/2007). La clientèle n'est pas considérée a priori comme un cercle restreint de personnes (Message du Conseil fédéral du 23 septembre 2005 concernant la loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux, FF 2005 p. 6035; Bösch, op. cit., n. 28 ad art. 3 LPCC/2007). Alors que la pratique sous l'ancienne loi du 18 mars 1994 sur les fonds de placement (LFP; RO 1994 2523) admettait que la distribution à moins de vingt personnes ne constituait pas un appel au public, le Tribunal fédéral a renoncé à fixer, sous l'empire de la LPCC/2007, un seuil précis en dessous duquel l'appel est réputé s'adresser à un cercle restreint de personnes (ATF
137 II 284 consid 5.3.2).

8.1.2 La distribution au public de placements collectifs étrangers en Suisse ou à partir de la Suisse requiert l'approbation de l'autorité de surveillance pour les documents tels que le prospectus de vente, les statuts ou le contrat de fonds (art. 120 al. 1 LPCC).

Lorsqu'un placement collectif étranger est distribué au public en Suisse ou à partir de la Suisse, la direction et la société doivent mandater au préalable un représentant chargé de représenter le placement collectif étranger envers les investisseurs et l'autorité de surveillance (art. 123 al. 1 et 124 al. 1 LPCC). En tant que titulaire d'une autorisation, le représentant du fonds étranger est soumis aux devoirs généraux de fidélité, de diligence et d'information prévus à l'art. 20 LPCC/2007 (Comtesse/Fischer/Stupp, in Basler Kommentar Kollektivanlagengesetz, 1ère éd. 2009, n. 18 ad art. 124 LPCC/2007). Par ailleurs, le représentant observe les obligations légales d'annoncer, de publier et d'informer ainsi que les règles de conduite des organisations professionnelles satisfaisant aux exigences minimales de l'autorité de surveillance. Son identité doit être mentionnée dans toutes les publications (art. 124 al. 2 LPCC).

8.1.3 Toute personne qui viole ses obligations répond envers la société, les investisseurs et les créanciers de la société des dommages causés, à moins qu'elle prouve qu'elle n'a commis aucune faute (art. 145 al. 1 LPCC/2007 i.i.). Peut être rendue responsable notammenht toute personne chargée de la fondation, de la direction des affaires, de la gestion de fortune, de la distribution de parts, de la révision ou de la liquidation, notamment auprès d'une banque dépositaire, d'un distributeur ou d'un représentant de placements collectifs étrangers (art. 145 al. 1 let. e, f et g LPCC/2007). L'art. 145 LPCC vise également les personnes qui assument dans les faits les fonctions de distribution ou de représentation sans y être formellement autorisées (faktische Funktionsträger; Comtesse/Fischer/
Stupp, in Basler Kommentar Kollektivanlagengesetz, 1ère éd. 2009, n. 21 ad art. 124 LPCC/2007).

8.1.4 En ce qui concerne l'allégation, les faits doivent être allégués en principe dans la demande, respectivement dans la réponse pour les faits que doit alléguer le défendeur (art. 221 al. 1 let. d et 222 al. 2 CPC). Ils peuvent l'être dans la réplique et la duplique si un deuxième échange d'écritures est ordonné ou, s'il n'y en a pas, par dictée au procès-verbal lors des débats d'instruction (art. 226 al. 2 CPC) ou à l'ouverture des débats principaux, avant les premières plaidoiries (ATF
144 III 519; 144 III 67 consid. 2).

Les exigences quant au contenu des allégués et à leur précision dépendent, d'une part, du droit matériel, soit des faits constitutifs de la norme invoquée et, d'autre part, de la façon dont la partie adverse s'est déterminée en procédure: dans un premier temps, le demandeur doit énoncer les faits concrets justifiant sa prétention de manière suffisamment précise pour que la partie adverse puisse indiquer lesquels elle conteste, voire présenter déjà ses contre-preuves; dans un second temps, si la partie adverse a contesté des faits, le demandeur est contraint d'exposer de manière plus détaillée le contenu de l'allégation de chacun des faits contestés, de façon à permettre au juge d'administrer les preuves nécessaires pour les élucider et appliquer la règle de droit matériel au cas particulier (ATF
144 III 519 consid. 5.2.1.1; 127 III 365 consid. 2b).

Le tribunal applique le droit d'office, mais à la condition que les éléments de fait constitutifs de la disposition en cause aient été suffisamment allégués par les parties. S'il estime que l'allégation est suffisante, le tribunal peut prendre en considération d'autres faits, révélés par l'administration des preuves, s'ils concrétisent l'allégation déjà formulée, de sorte qu'ils sont "couverts" par celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2014 du 27 novembre 2014 consid. 7.1 à 7.3 non publiés in ATF 140 III 602). Si, en revanche, les faits révélés par l'administration des preuves n'ont nullement été allégués auparavant - et s'ils ne peuvent pas non plus l'être par la suite, en tant que nova admissibles au sens de l'art. 229 al. 1 CPC -, le tribunal ne peut pas les prendre en considération pour appliquer d'office le droit (ATF 142 III 462 consid. 4.3-4.4). Il convient de se montrer souple et d'admettre la prise en considération des faits exorbitants, lorsqu'ils se situent encore dans le cadre de ce qui a été allégué, c'est-à-dire lorsqu'ils se rattachent aux faits allégués par l'une ou l'autre des parties (note F. Bastons Bulletti, in CPC Online, Newsletter du 14 juillet 2016).

8.2 En l'espèce, il incombait à l'appelant d'alléguer les faits permettant de conclure à l'application de la LPCC/2007 et, plus précisément, à la responsabilité de l'intimée en vertu de cette loi. Or l'appelant n'a pas allégué dans sa demande que le fonds litigieux avait été offert au public en Suisse, ni que l'intimée était dépositaire ou distributrice dudit fonds. L'appelant n'a pas plus allégué quels manquements l'intimée aurait commis au regard des obligations découlant de la LPCC et quelle aurait été l'influence d'un comportement conforme au droit sur le cours des événements.

L'appelant a allégué ces éléments dans ses plaidoiries finales; cependant, il ne soutient pas qu'il aurait été empêché de les fournir avant la clôture de la phase d'allégation. Certes, les conditions de la distribution du fonds ont été évoquées dans l'échange d'écritures puisque l'intimée a allégué dans sa réponse qu'elle n'avait pas procédé à la distribution des parts du fonds litigieux, qu'elle n'avait pas participé à sa création et que ce fonds ne faisait pas partie de la liste des fonds qu'elle recommandait. Cela ne dispensait pas l'appelant de modifier sa demande s'il entendait la faire porter sur ce complexe de faits ou à tout le moins de contester les faits allégués par la banque à cet égard. En effet, l'on ne saurait affirmer qu'ils restaient dans le cadre de ce qui était allégué dans la demande, qui tendait à démontrer que le chargé de relations avait exécuté des transactions sans ordre de l'appelant et à imputer la "responsabilité" qui en découle à l'intimée.

Vu ce défaut d'allégation, c'est à juste titre que le Tribunal a refusé d'examiner la question de la violation de la LPCC/2007. Contrairement à ce qu'affirme l'appelant, elle ne relève pas uniquement de l'application du droit. Le grief de l'appelant doit dès lors être rejeté.

9. L'appelant soutient que le Tribunal aurait dû lui allouer des intérêts compensatoires, courant dès la date des opérations litigieuses.

9.1 L'intérêt moratoire au sens de l'art. 104 COdoit être distingué de l'intérêt compensatoire (Schadenszins), qui est une composante du dommage réparable dans toute responsabilité et qui résulte du fait que, entre la survenance d'un dommage et sa réparation effective (paiement de l'indemnité), le créancier des dommages-intérêts est privé de cette somme d'argent, ce qui lui cause un préjudice additionnel. Comme l'intérêt compensatoire vise à remettre le lésé dans la situation patrimoniale qui aurait été la sienne si la réparation du dommage avait eu lieu immédiatement, il court donc du jour où le dommage est subi. Visant à réparer la même atteinte aux intérêts du créancier, l'intérêt moratoire et l'intérêt compensatoire ne peuvent pas être cumulés pour la même période, ce qui causerait une surindemnisation. (Thévenoz, Commentaire romand, n. 3 ad art. 104 CO).

Le dommage réparable comprend ainsi les intérêts compensatoires à partir du jour où l'événement dommageable produit des effets économiques et jusqu'au moment du paiement du paiement de la réparation (ATF 131 III 12 consid. 9.1; 122 III 53 consid. 4a). Contrairement aux intérêts moratoires, leur départ n'exige pas d'interpellation du débiteur au sens de l'art. 102 al. 1 CO (ATF 122 III 53 consid. 4a).

L'interpellation est une déclaration, expresse ou par acte concluant, adressée par le créancier au débiteur par laquelle le premier fait comprendre au second qu'il réclame l'exécution de la prestation due (Thévenoz, in Commentaire romand Code des obligations I, 2e éd., 2012, n. 17 ad art. 102).

9.2 En l'espèce, la prétention de l'appelant est une prétention en exécution du contrat et non une prétention en dommages et intérêts, comme relevé plus haut. L'appelant ne peut dès lors pas faire valoir d'intérêts compensatoires. C'est donc à juste titre que le Tribunal a fixé le point de départ des intérêts au jour du dépôt de la requête de conciliation, le 24 septembre 2012. L'appelant n'allègue en effet pas avoir interpellé l'intimée avant cette date.

10. Le Tribunal a fixé les frais judiciaires de première instance à 53'000 fr. et les a mis à la charge de l'intimée à hauteur de 43'000 fr. et à celle de l'appelant à hauteur de 10'000 fr., au vu de l'issue du litige. Des dépens réduits à 40'000 fr. ont été alloués à l'appelant.

L'intimée fait valoir que cette répartition des frais et dépens est erronée puisque sa partie adverse a eu gain de cause à hauteur d'environ 40'% de sa demande, mais qu'elle n'a eu que 19% des frais et dépens à supporter. Un montant maximum de 21'200 fr. de frais et de 19'414 fr. 20 de dépens devait être mis à charge de l'intimée.

10.1 Aux termes de l'art. 106 CPC, les frais - qui comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC) - sont mis à la charge de la partie succombante (al. 1) ou sont répartis selon le sort de la cause, lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause (al. 2).

Selon l'art. 107 al. let. a CPC, le tribunal peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation lorsque le demandeur obtient gain de cause sur le principe de ses conclusions mais non sur leur montant, celui-ci étant tributaire de l'appréciation du tribunal ou difficile à chiffrer.

Le principe selon lequel les frais doivent être répartis selon l'issue du procès repose sur l'idée qu'ils doivent être supportés par celui qui les a occasionnés, étant présumé qu'il s'agit de la partie qui succombe (ATF 145 III 153 consid. 3.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_246/2019 du 9 juin 2020 consid. 7.1).

L'art. 106 al. 2 CPC suppose une répartition des frais judiciaires et des dépens en fonction de l'issue du litige comparée avec les conclusions prises par chacune des parties (arrêt du Tribunal fédéral 5A_140/2019 du 5 juillet 2019 consid. 5.1.1). S'agissant de prétentions en en argent, un calcul mathématique est concevable (Tappy, Commentaire romand, n. 34 ad art. 106 CPC), mais l'art. 106 al. 2 CPC accorde au tribunal un large pouvoir d'appréciation en matière de répartition des frais (arrêts du Tribunal fédéral 5D_108/2020 du 28 janvier 2021 consid. 3.1; 5A_190/2019 du 4 février 2020 consid. 4.1.2; 4A_207/2015 du 2 septembre 2015 consid. 3.1). Il résulte des termes "sort de la cause" utilisés à l'art. 106 al. 2 CPC que, dans la répartition des frais, le tribunal peut notamment prendre en considération l'importance de chaque conclusion dans le litige, de même que le fait qu'une partie a obtenu gain de cause sur une question de principe. De surcroît, cette circonstance est expressément prévue par l'art. 107 al. 1 let a CPC dans le cas analogue où la demande est certes admise sur le principe, mais pas pour le montant réclamé (arrêts du Tribunal fédéral 5A_140/2019 du 5 juillet 2019 consid. 5.1.1; 4A_207/2015 du 2 septembre 2015 consid. 3.1).

Le tribunal n'abuse pas de son pouvoir d'appréciation lorsqu'il se base sur la valeur litigieuse, qui n'inclut pas les intérêts (art. 91 al. 1 CPC), pour estimer la mesure dans laquelle une partie a gain de cause (arrêt du Tribunal fédéral 4A_61/2017 du 31 août 2017 consid. 7.2).

Une répartition des frais à hauteur d'un quart à charge du recourant et de trois quarts à celle de l'intimé alors que le premier a obtenu gain de cause à concurrence de 80% de ses prétentions se situe ainsi dans une marge d'approximation qui est compatible avec le principe de la répartition des frais selon l'issue de la procédure au vu de la valeur litigieuse (arrêt du Tribunal fédéral 4A_511/2015 du 9 décembre 2015 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral a en revanche considéré qu'il n'était pas soutenable de s'écarter de plus de trois fois de la répartition des frais selon le sort du procès (12% - 88%) et de retenir une répartition dans un rapport de 40% - 60%, du seul fait que des entrepreneurs se trouvaient opposés, en tant que défendeurs, à des non-professionnels (arrêt du Tribunal fédéral 4A_692/2015 du 1er mars 2017 consid. 8.4.3 non publié in ATF 143 III 206).

10.2 En l'espèce, l'appelant a conclu, dans sa demande, au paiement de 2'868'905 USD et a obtenu gain de cause à hauteur de 1'160'858.28 USD, soit environ 40% de la somme réclamée. Contrairement à ce que soutient l'intimée, il n'y a pas lieu de tenir compte des intérêts dans ce calcul. D'une part, les intérêts, qui ne sont pas inclus dans le calcul de la valeur litigieuse, constituent un point accessoire de la prétention invoquée par l'appelant. D'autre part, leur prise en compte aurait pour conséquence que le simple écoulement du temps influencerait la mesure dans laquelle les parties ont gain de cause ou succombent.

Les frais judiciaires ont été répartis à raison d'environ quatre cinquièmes à charge de l'intimée et un cinquième à charge de l'appelant.

Au regard des principes susmentionnés, la répartition des frais et dépens opérée par le Tribunal, tient compte de manière adéquate du fait que l'appelant a eu gain de cause sur le principe de l'action, à savoir l'obligation de la banque de lui rembourser les montants prélevés et investis sans ordres de sa part. Il n'a pas obtenu le plein de ses conclusions, mais le montant de celles-ci était, au regard des éléments de faits dont disposait l'appelant au moment de l'introduction de l'action, difficiles à chiffrer.

Le grief de l'appelant sur ce point doit par conséquent être rejeté.

Le jugement attaqué sera dès lors intégralement confirmé.

11. Les frais judiciaires relatifs aux appels déposés par chacune des parties seront arrêtés à 40'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et compensés avec les avances fournies par les parties à hauteur de 20'000 fr. chacune, lesquelles demeurent acquises à l'État de Genève.

Chacune des parties ayant succombé dans son propre appel, lesdits frais seront répartis par moitié.

Pour le même motif, il ne sera pas alloué de dépens d'appel.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevables les appels interjetés le 25 août 2020 par A______ d'une part, et par B______ SA d'autre part, contre le jugement JTPI/5625/2020 rendu le 18 mai 2020 par le Tribunal de première instance dans la cause C/19971/2012.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 40'000 fr., les met à la charge des parties à raison de la moitié chacune et les compense avec les avances de frais payées par les parties, qui restent acquises à l'État de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.