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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1627/2017

ATA/800/2018 du 07.08.2018 ( PRISON ) , REJETE

Descripteurs : RÉGIME DE LA DÉTENTION ; DÉTENTION PROVISOIRE ; ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE ; CELLULE
Normes : LPA.49.al1; LREC.7.al1; CEDH.3
Résumé : Recours d'un détenu contre une décision du DS constatant, au jour du prononcé de la décision, la licéité de ses conditions de détention lors de la détention provisoire, en relation avec la taille des cellules occupées. Lesdites conditions, pour difficiles qu'elles furent, n'étaient pas illicites. Le recours est rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1627/2017-PRISON ATA/800/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 août 2018

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Jean-René Oettli, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ

 



EN FAIT

1) Par jugement du 5 février 2016, le Tribunal correctionnel a reconnu M. A_____, né en 1983, alors détenu à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) depuis le 10 juin 2015, coupable d'infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), et l'a condamné à une peine privative de liberté de cinq ans et demi, sous déduction de deux cent quarante-trois jours de détention avant jugement.

2) Par ordonnance du 6 mai 2016, la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : CPAR) a autorisé M. A_____ à exécuter de manière anticipée la peine privative de liberté.

3) Par arrêt du 27 mai 2016, la CPAR a rejeté l'appel principal du Ministère public et l'appel joint de M. A_____.

Les juridictions pénales n'ont pas été requises de statuer sur les conditions de détention de M. A_____.

4) M. A_____ a été transféré le 2 juin 2016 au sein de l'établissement B_____ (ci-après : l'établissement).

5) Par requête du 29 août 2016, le précité, sous la plume de son conseil d'alors, a sollicité du département de la sécurité et de l'économie, devenu depuis le 1er juin 2018 le département de la sécurité (ci-après : DS ou le département), qu'une enquête soit ouverte afin d'examiner les conditions de sa détention au sein de la prison pour la période allant du 10 juin 2015 au 2 juin 2016, soit pendant sa détention provisoire, et qu'il constate l'illicéité de ces dernières.

M. A_____ considérait que la superficie de sa cellule était inadéquate au vu du nombre de détenus qui la partageaient et au regard du temps qu'il pouvait passer hors de sa cellule.

6) Par courrier du 16 septembre 2016, la direction générale de l'office cantonal de la détention (ci-après : OCD) a transmis à M. A_____ son parcours cellulaire.

Il ressortait du parcours cellulaire du précité que du 10 juin 2015 au 2 juin 2016, il avait bénéficié d'une surface individuelle inférieure à 4 m2 :

-          du 15 juin au 3 août 2015 (trente-six jours quasi consécutifs) ;

-          du 4 septembre au 17 novembre 2015 (septante et un jours quasi consécutifs) ;

-          du 22 décembre 2015 au 22 mars 2016 (soixante-cinq jours quasi consécutifs).

Les conditions de détention apparaissaient difficiles mais étaient a priori licites.

7) Le 19 octobre 2016, M. A_____ a déposé auprès du département une requête en constatation de l'illicéité de ses conditions de détention pour les périodes suivantes allant du 15 juin au 3 août 2015, du 4 septembre au 17 novembre 2015 et du 22 décembre 2015 au 22 mars 2016.

Le précité concluait préalablement à son audition, principalement à la constatation du caractère illicite de ses conditions de détention durant cent septante-cinq jours et à une réduction de peine, subsidiairement à l'octroi d'une indemnité minimum de CHF 8'750.-.

8) Par décision du 31 mars 2017, le conseiller d'État en charge du DS a rejeté la demande d'audition de l'intéressé puisqu'il avait exercé son droit d'être entendu par écrit sous la plume de son conseil et a déclaré irrecevables les requêtes en réduction de peine et en indemnisation au titre de réparation, au motif que le département n'était pas compétent pour se prononcer. En revanche, il a déclaré recevable la requête relative à l'examen des conditions de détention à la prison pour la période allant du 10 juin 2015 au 2 juin 2016.

Il ressortait du parcours cellulaire de M. A_____ qu'il avait occupé :

-          le 10 juin 2015 (un jour), une cellule C3 avec trois codétenus, surface individuelle de 7,39 m2 ;

-          du 11 juin au 23 juin 2015 (treize jours), une cellule C3 avec trois à six codétenus, surface individuelle de 3,70 m2 (six jours), 7,39 m2, 5,54 m2 et 4,44 m2 (sept jours) ;

-          du 24 juin au 29 juin 2015 (six jours), une cellule C3 avec six codétenus, surface individuelle de 3,91 m2 ;

-          du 30 juin au 7 juillet 2015 (huit jours), une cellule C3 avec quatre à cinq codétenus, surface individuelle de 5,54 m2 (un jour) et 4,44 m2 (sept jours) ;

-          du 8 juillet au 15 juillet 2015 (huit jours), une cellule C3 avec six codétenus, surface individuelle de 3,70 m2 ;

-          du 16 juillet au 3 août 2015 (dix-neuf jours), une cellule C3 avec six codétenus, surface individuelle de 3,70 m2 ;

-          du 4 août au 3 septembre 2015 (trente-et-un jours), une cellule C1 avec un à deux codétenus, surface individuelle de 10,18 m2 (un jour) et 5,09 m2 (trente jours) ;

-          du 4 septembre 2015 au 1er juin 2016 (deux cent septante-deux jours), une cellule C3 avec cinq à six codétenus, surface individuelle de 3,70 m2 (cent trente-sept jours) et 4,44 m2 (cent trente-cinq jours).

Tous les détenus bénéficiaient d'une heure de promenade quotidienne et d'une heure de sport hebdomadaire dans la grande salle de gymnastique. M. A_____ avait pu bénéficier de la possibilité d'accéder à la petite salle de sport, à raison d'une heure, deux ou trois jours par semaine, du 24 juin au 7 juillet 2015 et du 16 juillet 2015 jusqu'à son transfert au sein de l'établissement, le 2 juin 2016. Il avait exercé l'activité de nettoyeur de tables du 18 août 2015 au 2 juin 2016, à raison d'une heure par jour, tous les jours de la semaine.

La durée totale de la détention dans un espace individuel net inférieur à 4 m2 restait contenue dans la mesure où la durée était inférieure à six mois. L'espace à disposition lors de ces périodes était proche du minimum de 4 m2. La durée totale avait été interrompue à plusieurs reprises par des périodes durant lesquelles l'intéressé avait la plupart du temps disposé d'une surface allant de 4,44 m2 à 5,09 m2. Le détenu exerçait l'activité de nettoyeur de tables à raison d'une heure par jour tous les jours de la semaine à compter du 18 août 2015.

Les conditions dans lesquelles s'était déroulée la détention de M. A_____ du 10 juin 2015 au 2 juin 2016 étaient licites.

9) Par acte du 4 mai 2017, M. A_____ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation, à la constatation de l'illicéité de ses conditions de détention pour la période allant du 10 juin 2015 au 2 juin 2016 et à l'octroi d'une indemnité d'au moins CHF 8'750.-, le tout « sous suite de frais et dépens ».

Contrairement à ce qui avait été retenu par le département, il avait passé cent septante-cinq jours de détention dans des conditions illicites, bénéficiant d'un espace individuel net inférieur à 4 m2. Il détaillait précisément les périodes et le nombre de nuits pour arriver à ce total. De plus, l'accès à la promenade avait été limité à une heure par jour. Il avait certes travaillé comme nettoyeur de tables mais seulement une heure par jour durant tous les jours de la semaine. Le fait de travailler n'avait pas rendu les conditions de détention licite.

Dans la mesure où il avait effectué cent septante-cinq jours de détention dans des conditions illicites, il avait droit à une indemnité. Celle-ci s'élevait à CHF 8'750.- (CHF 50.- par jour de détention illicite).

10) Par décision du 17 mai 2017, l'intéressé a été mis au bénéfice de l’assistance juridique, avec effet au 2 mai 2017. Un avocat lui a été commis d’office.

11) Le 13 juin 2017, le conseiller d'État en charge du département a conclu au rejet du recours.

12) Le 12 juillet 2017, la chambre administrative a transmis l'écriture précitée à M. A_____ lui fixant un délai au 17 août 2017 pour formuler d'éventuelles observations. Le même courrier a été envoyé au département.

13) Par courrier du 17 août 2017, le recourant a indiqué persister dans ses conclusions.

14) Le 18 août 2017, la cause a été gardée à juger.

15) Les arguments des parties seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit ci-dessous.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recours est dirigé contre une décision du département qui s’est déclaré compétent pour examiner la requête du recourant couvrant la période de détention avant jugement allant du 10 juin 2015 au 6 mai 2016, date du début de l'exécution de la peine, puis jusqu'au 2 juin 2016 où l'intéressé a quitté la prison.

a. L'art. 49 al. 2 LPA prévoit la possibilité d'intenter une action en constatation si son auteur rend vraisemblable qu'il a un intérêt juridique personnel et concret, digne de protection à l'admission d'une telle demande. Les conclusions de nature constatatoire sont irrecevables lorsque la partie recourante agit en constatation de droit alors qu'elle pourrait le faire en condamnation de sa partie adverse. En vertu du principe de subsidiarité, une décision en constatation ne sera prise qu'en cas d'impossibilité pour la partie concernée d'obtenir une décision formatrice (ATF 130 V 388 ; ATA/776/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4 ; ATA/1258/2017 du 5 septembre 2017 consid. 4b ; ATA/646/2017 du 13 juin 2017 consid. 4b ; ATA/695/2016 du 23 août 2016 consid. 2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 822).

b. Dans un arrêt du 19 avril 2016, la chambre administrative, après avoir examiné la jurisprudence développée par les juridictions pénales cantonales, a dégagé les principes suivants en matière de contrôle de la licéité des conditions de détention : le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) ou le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) sont compétents pour se prononcer sur les allégations de conditions de détention illicite en phase préventive, soit avant jugement de condamnation exécutoire ou avant exécution anticipée de peine, la juridiction de recours étant la chambre pénale de recours de la Cour de justice ; le DS est compétent pour se prononcer sur de telles allégations lorsqu’elles portent sur la phase d’exécution de peine, la juridiction de recours étant la chambre de céans. Dans ce cas, il n’est pas exclu que le DS puisse prendre en considération une période de détention illicite en phase préventive (arrêt du Tribunal fédéral 6B_573/2015 du 17 juillet 2015 consid. 4.3), mais pour autant que le détenu n’ait pu s’adresser sans faute de sa part à l’autorité judiciaire pénale compétente, cela conformément au principe de la bonne foi. Cette solution permet aussi de tenir compte du fondement de la sanction du constat d’illicéité : en phase préventive, il appartient à la juridiction de jugement d’en tirer les conséquences, sous forme de réduction de peine ou d’indemnisation fondée sur le droit fédéral (art. 431 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 - CPP - RS 312.0) ; en phase d’exécution de peine, l’indemnisation relève du droit cantonal régissant la responsabilité de l’État (arrêt du Tribunal fédéral 6B_573/2015 précité consid. 4.3), soit la loi sur la responsabilité de l'État et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40 ; ATA/1258/2017 précité consid. 4d ; ATA/326/2016 du 19 avril 2016 consid. 7 ; ATA/584/2011 du 13 septembre 2011 ; ATA/908/2010 du 20 décembre 2010).

c. Dans plusieurs arrêts récents, le Tribunal fédéral a exclu la compétence du TAPEM pour connaître des contestations de conditions de détention pour la période de détention avant jugement, lorsque la requête est déposée après l'entrée en force du jugement pénal au fond, en considérant l'impossibilité pour cette juridiction d'accorder une remise de peine à ce moment-là (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1008/2015 du 18 juillet 2016 consid. 6.2 ; 6B_1071/2015 du 18 juillet 2016 consid. 6.2 ; 6B_1317/2015 du 18 juillet 2016 consid. 3 et 4).

d. La chambre administrative a admis l'intérêt d'un détenu concluant notamment au constat de l'illicéité de ses conditions de détention avant jugement au motif qu'il ne pouvait pas faire valoir ses arguments en lien avec ses conditions de détention devant l'autorité judiciaire pénale compétente, puisqu'il ressortait de son parcours cellulaire que ses conditions de détention n'avaient pas encore atteint le seuil problématique fixé par la jurisprudence pour que cette question soit examinée par le Tribunal criminel (ATA/776/2018 précité consid. 5b ; ATA/1258/2017 précité consid. 4f).

e. En l'occurrence, le recourant n'a pas pu faire valoir ses arguments en lien avec ses conditions de détention devant l'autorité judiciaire pénale compétente pour la période de détention dans une cellule de moins de 4 m2 commençant le 22 décembre 2015, puisqu'il ressort de son parcours cellulaire que ses conditions de détention n'avaient pas encore atteint le seuil problématique fixé par la jurisprudence pour que cette question soit examinée par le Tribunal correctionnel (dans ce sens ATA/1258/2017 précité consid. 4d).

Cela étant, la recevabilité du recours pourra rester indécise s'agissant de l'entier de la période en cause (dès le 10 juin 2015), pour les motifs qui suivent.

3) La chambre de céans n’est pas compétente pour connaître des prétentions en réparation de préjudice que le recourant fait valoir en lien avec la détention subie qu’il estime injustifiée. Ces prétentions relèvent de la compétence du Tribunal civil de première instance, conformément à l'art. 7 al. 1 LREC (ATA/1258/2017 précité consid. 10b ; ATA/1098/2015 du 13 octobre 2015 consid. 5 ; ATA/289/2015 du 24 mars 2015 et la jurisprudence citée).

4) Sous ces réserves, le recours est recevable.

5) Préalablement, le recourant sollicite la tenue d’une audience de comparution personnelle.

a. Le droit d’être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d’avoir accès au dossier, celui de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 et les références citées).

Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2) ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/356/2016 du 26 avril 2016).

Le droit de faire administrer des preuves découlant du droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 134 I 140 consid. 5.3).

b. En l’occurrence, le recourant a eu diverses occasions de s’exprimer par écrit au cours de la procédure dès sa requête en constatation de l'illicéité de ses conditions de détention auprès du département. Il a également pu produire toutes pièces utiles. Les allégués sur lesquels porte l'offre de comparution personnelle sont soit déjà pris en compte par la jurisprudence – l'état général des cellules – soit non contestés par l'intimé. En ces circonstances, il apparaît donc que la chambre administrative dispose d’un dossier complet lui permettant de se prononcer sur les griefs soulevés par le recourant en toute connaissance de cause.

Il ne sera dès lors pas donné suite à la requête d’instruction.

6) Le recourant considère que ses conditions de détention pour la période allant du 10 juin 2015 au 2 juin 2016 étaient illicites au vu de la taille de ses cellules et de son confinement dans celles-ci.

7) a. Au niveau conventionnel, l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui interdit, à l'instar d'autres dispositions constitutionnelles et conventionnelles, la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, impose notamment des standards minimaux en matière de détention (ATF 124 I 231 consid. 2). Par ailleurs, la Suisse a ratifié la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du 27 novembre 1987 (RS 0.106), instituant le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (ci-après : CPT), habilité à examiner le traitement des détenus dans les États contractants. Sur le plan constitutionnel, l'art. 7 Cst. prescrit le respect et la protection de la dignité humaine, tandis que l'art. 10 al. 3 Cst. interdit la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants. Au niveau cantonal, la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) prévoit que la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits (art. 18 al. 2) et que la dignité humaine est inviolable (art. 14 al. 1).

b. Les standards minimaux en matière de détention sont concrétisés par la recommandation Rec(2006)2 sur les règles pénitentiaires européennes adoptées le 11 janvier 2006 par le comité des ministres du Conseil de l’Europe (ci-après : RPE), destinée aux États, censés édicter des règles internes s'inspirant de la recommandation. Selon la règle 1 RPE, les personnes privées de liberté doivent être traitées dans le respect des droits de l'homme. Les règles 17 à 22 RPE traitent des locaux de détention, de l'hygiène, de la literie et du régime alimentaire. Les locaux de détention doivent satisfaire aux exigences de respect de la dignité humaine et, dans la mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d'hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne l'espace au sol, le volume d'air, l'éclairage et l'aération (règle 18.1). Les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que les détenus puissent lire et travailler à la lumière naturelle dans des conditions normales et pour permettre l'entrée d'air frais, sauf s'il existe un système de climatisation approprié (règle 18.2 let. a). La lumière artificielle doit être conforme aux normes techniques reconnues en la matière (règle 18.2. let. b). Les locaux d'une prison doivent être maintenus en état et propres à tout moment (règle 19.1). Les détenus doivent jouir d'un accès facile à des installations sanitaires hygiéniques et protégeant leur intimité (règle 19.3). Les installations de bain et de douche doivent être suffisantes pour que chaque détenu puisse les utiliser à une température adaptée au climat (règle 19.4). Chaque détenu doit disposer d'un lit séparé et d'une literie individuelle convenable, entretenue correctement et renouvelée à des intervalles suffisamment rapprochés pour en assurer la propreté (règle 21). La nourriture doit être préparée et servie dans des conditions hygiéniques (règle 22.3) et les détenus doivent avoir accès à tout moment à l'eau potable (règle 22.5). Tout détenu doit avoir l'opportunité, si le temps le permet, d'effectuer au moins une heure par jour d'exercice en plein air (règle 27.1).

c. Ces règles ont été encore précisées dans un Commentaire établi par le CPT. S'agissant des conditions de logement, le CPT a arrêté quelques standards minimaux : l'espace au sol disponible est estimé à 4 m2 par détenu dans un dortoir et à 6 m2 dans une cellule individuelle, sans qu’il soit précisé si ces standards doivent se comprendre comme une surface brute, comprenant les installations sanitaires et les meubles, ou nette, soit déduction faite de ces installations et meubles (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_404/2013 du 26 février 2014 consid. 2.6.3 ; 1B_369/2013 du 26 février 2014 consid. 3.6.3 ; 1B_336/2013 du 26 février 2014 consid. 4.6.3 ; 1B_335/2013 du 26 février 2014 consid. 3.6.3 ; ATA/1258/2017 précité consid. 8d). Ces standards doivent cependant être modulés en fonction des résultats d'analyses plus approfondies du système pénitentiaire. Le nombre d'heures passées en dehors de la cellule doit être pris en compte. En tout état, ces chiffres ne doivent pas être considérés comme la norme. À titre d'exemple, le CPT considère comme étant souhaitable pour une cellule individuelle une taille de 9 à 10 m2. La taille devrait être comprise entre 9 et 14,7 m2 pour deux personnes et mesurer environ 23 m2 pour trois personnes (Rod MORGAN/Malcolm EVANS, Prévention de la torture en Europe : Les normes du CPT en matière de détention par la police et de détention préventive, 2002, p. 34).

d. Au niveau législatif, en matière de procédure pénale, l'art. 3 al. 1 CPP rappelle le principe du respect de la dignité humaine. Selon l’art. 74 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), le détenu et la personne exécutant une mesure ont droit au respect de leur dignité. L'exercice de leurs droits ne peut être restreint que dans la mesure requise par la privation de liberté et par les exigences de la vie collective dans l'établissement. À teneur de l’art. 75 al. 1 CP, l'exécution de la peine privative de liberté doit améliorer le comportement social du détenu, en particulier son aptitude à vivre sans commettre d'infractions. Elle doit correspondre autant que possible à des conditions de vie ordinaires, assurer au détenu l'assistance nécessaire, combattre les effets nocifs de la privation de liberté et tenir compte de manière adéquate du besoin de protection de la collectivité, du personnel et des codétenus.

e. Dans le canton de Genève, les droits et les obligations des détenus au sein de la prison sont définis par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04). Chaque cellule est équipée de manière à permettre une vie décente et conforme aux exigences de la salubrité (art. 15 al. 1). Les détenus peuvent se doucher régulièrement (art. 16). En règle générale, ils bénéficient d'une heure de promenade par jour dans les cours réservées à cet usage et peuvent, dans les limites déterminées, se livrer à des exercices physiques (art. 18). Le service médical de la prison prodigue des soins en permanence (art. 29). Les détenus ont droit à un parloir par semaine, limité à deux visiteurs, en présence d'un fonctionnaire de la prison et pendant une heure au maximum (art. 37). Le RRIP ne contient en revanche aucune disposition plus précise concernant l'aménagement, l'équipement, la dimension des cellules ou la surface dont doit bénéficier chaque détenu à l'intérieur de celles-ci (ATA/695/2016 précité consid. 4d ; ATA/67/2016 du 26 janvier 2016 consid. 8e).

f. Le 26 février 2014, le Tribunal fédéral a rendu plusieurs arrêts en matière d’examen des conditions de détention, dans le cadre de la détention provisoire, confirmés ultérieurement.

Il a à cette occasion rappelé la jurisprudence fédérale existante (ATF 140 I 125 précité consid. 3.3).

Selon cette dernière, le but de la détention doit être pris en compte et il y a lieu de distinguer la détention en exécution de jugement de la détention provisoire, laquelle vise à garantir un déroulement correct de l'instruction pénale et est justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (ATF 97 I 839 consid. 5 ; 97 I 45 consid. 4b). Les conditions de détention provisoire peuvent être plus restrictives lorsque les risques de fuite, de collusion et de récidive sont plus élevés, ou lorsque l'ordre et la sécurité dans la prison sont particulièrement mis en danger (notamment la sécurité du personnel et des détenus ; ATF 123 I 221 consid. 4c et l'arrêt cité). Le Tribunal fédéral a toutefois précisé que cela ne valait que tant que la durée de la détention provisoire était courte. En cas de détention provisoire se prolongeant au-delà d'environ trois mois, les conditions de détention doivent satisfaire à des exigences plus élevées (ATF 140 I 125 précité consid. 3.3).

Il faut par ailleurs procéder à une appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention (ATF 123 I 221 précité consid. II/1c/cc). En ce qui concerne la violation de l'art. 3 CEDH, un traitement dénoncé doit atteindre un minimum de gravité, dont l'appréciation dépend de l'ensemble des données de la cause et notamment de la nature et du contexte du traitement ainsi que de sa durée (ATF 139 I 272 consid. 4), la durée étant susceptible de rendre incompatible avec la dignité humaine une situation ne l’étant pas nécessairement sur une courte période (ATF 140 I 125 précité consid. 3.3).

Le Tribunal fédéral a également examiné la jurisprudence rendue par la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH ; ATF 140 I 125 consid. 3.4 et 3.5), que la Suisse s'est engagée à respecter (art. 46 ch. 1 CEDH et 122 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

Selon la CourEDH, en cas de surpopulation carcérale, la restriction de l'espace de vie individuel réservé au détenu ne suffit pas pour conclure à une violation de l'art. 3 CEDH, une telle violation n'étant retenue que lorsque les personnes concernées disposent individuellement de moins de 3 m2 (ACEDH Torreggiani et autres c. Italie du 8 janvier 2013, req. nos 43517/09, 46882/09, 55400/09, 57875/09, 61535/09, 35315/10 et 37818/10, § 68 ; ACEDH Canali c. France du 25 avril 2013, req. n° 40119/09, § 49 ; ACEDH Sulejmanovic c. Italie du 16 juillet 2009, req. n° 22635/03, § 43 ; ACEDH Idalov c. Russie du 22 mai 2012, req. n° 5826/03, § § 101). Dans les cas où la surpopulation n'est pas importante au point de soulever à elle seule un problème de violation de la CEDH, les autres aspects des conditions de la détention doivent être pris en compte, comme l'aération disponible, la qualité du chauffage, le respect des règles d'hygiène de base et la possibilité d'utiliser les toilettes de manière privée (ACEDH Canali précité, § 52 et 53). Dans des affaires où chaque détenu disposait de 3 à 4 m2, une violation de l'art. 3 CEDH a été retenue parce que le manque d'espace s'accompagnait, par exemple, d'un manque de ventilation et de lumière (ACEDH Babouchkine c. Russie du 18 octobre 2007, req. n° 67253/01, § 44), d'un accès limité à la promenade en plein air et d'un confinement en cellule (ACEDH Istvan Gabor Kovacs c. Hongrie du 17 janvier 2012, req. n° 15707/10, § 26) ou d’une absence d'espace pour se mouvoir combinée à une promenade quotidienne d'une heure dans une cour de taille réduite pendant plus de deux ans, à une faible ventilation, à de la lumière réduite dans la cellule et à l’absence d’intimité offerte par les lavabos (ACEDH Makarov c. Russie du 12 mars 2009, req. n° 15217/07, § § 94 à 98).

Ainsi, parmi les facteurs supplémentaires pris en compte par la CourEDH, par rapport à l'exiguïté des cellules, figurent notamment l'accès insuffisant à la lumière et à l'air naturels, la chaleur excessive associée à un manque de ventilation, le partage des lits entre prisonniers, les installations sanitaires dans la cellule et visibles de tous et l'absence de traitement adéquat pour les pathologies du détenu ainsi que la durée de la détention (ATF 140 I 125 consid. 3.5).

Après examen des jurisprudences fédérales et de la CourEDH, le Tribunal fédéral a retenu, en matière de détention provisoire, qu’en cas de surpopulation carcérale telle que la connaît la prison de Champ-Dollon, l'occupation d'une cellule dite individuelle par trois détenus, chacun disposant d'un espace individuel de 4 m2, restreint du mobilier, était une condition de détention difficile, laquelle n’était cependant pas constitutive d'une violation de l'art. 3 CEDH et ne représentait pas un traitement dégradant portant atteinte à la dignité humaine des prévenus. En revanche, l'occupation d'une cellule dite triple par six détenus avec une surface individuelle de 3,83 m2 ou 3,84 m2, restreinte encore par le mobilier, pouvait constituer une violation de l'art. 3 CEDH si elle s'étendait sur une longue période et s'accompagnait d'autres mauvaises conditions de détention. Il fallait alors considérer la période pendant laquelle le recourant avait été détenu dans les conditions incriminées. Une durée qui s'approchait de trois mois consécutifs apparaissait comme la limite au-delà de laquelle ces conditions de détention ne pouvaient plus être tolérées. En effet, si les conditions de détention provisoire pouvaient être plus restrictives lorsque les risques de fuite, de collusion et de récidive étaient plus élevés, ou lorsque l'ordre et la sécurité dans la prison étaient particulièrement mis en danger, cela ne valait pas lorsque la durée de la détention provisoire était de l'ordre de trois mois. Ce délai ne pouvait cependant pas être compris comme un délai au sens strict du terme mais comme une durée indicative à prendre en compte dans le cadre de l'appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention (ATF 140 I 125 précité consid. 3.6.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_456/2015 du 21 mars 2016 consid. 2.4.2 ; 1B_239/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.4 ; 1B_152/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.4 ; 6B_14/2014 du 7 avril 2015 consid. 5.4.2.1 ; 1B_387/2014 du 22 décembre 2014 consid. 2.1).

g. Dans une jurisprudence récente, la chambre de céans a repris ces éléments pour examiner si les conditions de la détention d'un détenu sous le régime de l'exécution de peine étaient licites (ATA/1258/2017 précité consid. 8).

h. Le Tribunal fédéral a également précisé que si de brèves interruptions d'un à deux jours n'étaient pas de nature à interrompre une période de détention dans des conditions illicites, il y avait en revanche lieu d'évaluer des interruptions plus longues dans le cadre d'une appréciation globale, qui tienne compte de toute la durée de la détention, de la durée précédant la période d'interruption et des autres conditions concrètes de détention (nombre journalier d'heures passées hors de la cellule ; possibilité de travailler ; visites ; hygiène ; installations sanitaires ; régime alimentaire ; éclairage ; aération ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_152/2015 précité consid. 2.7.2 et 1B_239/2015 précité consid. 2.5.2).

Le Tribunal fédéral a à cet égard jugé que des périodes de quatorze jours passés dans une cellule de plus de 4 m2 succédant à une période de neuf jours dans une cellule avec 3,83 m2, de onze jours dans une cellule de plus de 4 m2 faisant suite à soixante jours passés avec un espace individuel inférieur à 3,83 m2 pouvaient être considérés comme une période interrompant le départ du délai indicatif de trois mois. Il a toutefois retenu qu'une période de sept jours interrompant cent trente-cinq jours et quarante-huit jours en cellule non conforme à l'art. 3 CEDH, n'était pas suffisamment longue pour interrompre le délai indicatif de trois mois au-delà duquel les conditions de détention ne sont plus tolérables et sont contraires à la dignité humaine. Il en était de même d'un laps de temps de douze jours précédés de quarante-huit jours et suivi de trois cent vingt-neuf jours ne satisfaisant pas aux exigences de respect de la dignité humaine. Ces laps de temps de sept et douze jours n'étaient pas suffisamment longs pour interrompre le délai indicatif de trois mois au-delà duquel les conditions de détention n'étaient plus tolérables et étaient contraires à la dignité humaine. Ils n'étaient pas susceptibles de justifier l'ouverture d'une nouvelle période de trois mois, durant laquelle le détenu pouvait tolérer une surface individuelle nette inférieure à 4 m2 (arrêts du Tribunal fédéral 1B_152/2015 précité consid. 2.7.2 et 1B_239/2015 précité consid. 2.5.2 ; ATA/67/2016 précité consid. 8h).

Le Tribunal fédéral a en outre considéré la possibilité de sortir de la cellule, entre une heure par jour et cinq heures quarante-cinq par jour une semaine sur deux pour travailler, était certes susceptible d'alléger les conditions de détention, mais que cette seule circonstance ne suffisait pas, en soi, dans la situation telle que décrite à la prison de Champ-Dollon, à rendre les conditions de détention conformes à l'art. 3 CEDH. Dès lors, l'hypothèse d'une prise de travail par le détenu ne permettait pas de considérer comme conformes à la dignité humaine les périodes de détention subies dans un espace confiné de moins de 4 m2 par détenu (in casu cent quatre-vingt-quatre jours et cent quarante-neuf nuits ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_239/2015 précité consid. 2.5.3 ; ACPR/650/2015 du 1er décembre 2015 consid. 3.1 ; ATA/695/2016 précité consid. 4i ; ATA/67/2016 précité consid. 8h).

Toutefois, dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a examiné la question de savoir si la possibilité de sortir de la cellule pendant trois heures ou cinq heures quarante-cinq par jour, cumulée au fait que les codétenus étaient aussi absents pendant plusieurs heures de la cellule à des moments différents, était un facteur qui permettait d'améliorer suffisamment les conditions de détention au point de les rendre conformes à la dignité humaine (cent quatorze jours consécutifs dans une cellule de moins de 4 m2 de surface individuelle nette avec cinq codétenus). Il est arrivé à la conclusion que le fait de passer, durant cent quatorze jours, sept heures et quart en moyenne (cinq heures quarante-cinq de travail en cuisine, une heure de promenade et trente minutes en moyenne de sport par jour), puis en alternance la semaine suivante quatre heures et demie en moyenne hors de la cellule (trois heures de travail en cuisine, une heure et demie de promenade et trente minutes en moyenne de sport par jour) réduisait de manière significative le confinement en cellule et permettait de considérer que la détention dans de telles conditions ne constituait pas un traitement dégradant portant atteinte à la dignité humaine. S'ajoutait à cela que les détenus partageant la cellule étaient absents quotidiennement pendant plusieurs heures de la cellule, à des moments différents, ce qui allégeait encore quelque peu les conditions de détention (arrêt du Tribunal fédéral 1B_394/2016 du 25 avril 2017).

i. Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le fait que le recourant ait pu faire du sport une heure par semaine dans la grande salle ainsi que deux ou trois fois par semaine, « de manière cyclique » n’était pas de nature à modifier la conclusion selon laquelle le détenu était confiné vingt-trois heures sur vingt-quatre, vu le temps très limité hors de la cellule que cela représenterait (ATA/695/2016 précité consid. 4j ; ATA/259/2016 du 22 mars 2016 consid. 6c).

De même, les visites de la famille, la promenade, et toutes les autres circonstances permettant au détenu de sortir par moments de sa cellule, telles que les visites de l’avocat, les appels téléphoniques, les consultations au service médical ou auprès des assistants sociaux, les offices religieux ou encore les audiences auprès des autorités judiciaires ne sauraient être comptabilisées comme des heures passées en dehors de la cellule (ATA/695/2016 précité consid. 4j ; ATA/259/2016 précité consid. 6c).

Cela dit, dans l’ATA/681/2016 du 16 août 2016 et concernant un détenu qui avait séjourné deux cent un jours dans un espace cellulaire inférieur à 4 m2 de surface individuelle, la chambre de céans a retenu que pouvoir travailler dans un atelier cinq heures par jour, cinq jours par semaine pendant les deux cent un jours de détention litigieux, avec une heure de promenade par jour à laquelle s’ajoutaient, sur l’ensemble de la semaine, les heures de sport, était un cas limite. L’ensemble de ces éléments contribuait à une amélioration des conditions de détention suffisante pour admettre que lesdites conditions, dans les circonstances décrites, pour difficiles qu’elles fussent, n’étaient pas illicites.

8) En l'espèce, le recourant se plaint de sa situation du 10 juin 2015 au 2 juin 2016.

Il a passé la majorité de la période concernée dans une cellule de type C3, sauf durant la période allant du 4 août au 3 septembre 2015, où il se trouvait dans une cellule de type C1. Les parties s'accordent sur le parcours cellulaire du recourant. L'intéressé a, dans son acte de recours, visé en particulier trois périodes en partie litigieuses, incluant des jours avec un espace individuel de moins de 4 m: du 15 juin au 3 août 2015, du 4 septembre au 17 novembre 2015, du 22 décembre 2015 au 22 mars 2016.

9) Pour la période allant du 15 juin au 3 août 2015, il résulte du parcours cellulaire du recourant qu'il a séjourné trente-trois jours dans une cellule où il a bénéficié d'un espace individuel de 3,70 m2 et six jours dans une cellule où il a bénéficié d'un espace individuel de 3,91 m2, soit dans l'ordre chronologique deux jours avec un espace de 3,70 m2, trois jours d'interruption avec plus de 4 m2, quatre jours avec un espace de 3,70 m2, six jours avec un espace de 3,91 m2, huit jours d'interruption et vingt-sept jours avec un espace de 3,70 m2.

Cette période laisse apparaître trente-neuf jours quasi consécutifs durant lesquels l'espace individuel du détenu était inférieur à 4 m2. Cependant, elle a été suivie d'une période de trente-et-un jours, allant du 4 août au 3 septembre 2015, où l'espace individuel de la cellule était de 5,09 m2 et de 10,18 m2 le 16 août.

Force est de constater que cette période est inférieure à la durée indicative de trois mois fixée par la jurisprudence fédérale, étant précisé que tant antérieurement (du 10 au 15 juin) que postérieurement à cette période, il disposait d'une surface individuelle supérieure à 4 m2 (durant cinq jours avant et trente et un jours après).

10) Pour la période allant du 4 septembre au 17 novembre 2015, il résulte du parcours cellulaire du recourant qu'il a séjourné septante et un jours dans une cellule où il a bénéficié d'un espace individuel de 3,70 m2, soit dans l'ordre chronologique cinq jours avec un espace de 3,70 m2, un jour d'interruption avec plus de 4 m2, quatre jours avec un espace de 3,70 m2, trois jours d'interruption et soixante-deux jours avec un espace de 3,70 m2.

Cette période laisse apparaître septante et un jours quasi consécutifs durant lesquels l'espace individuel du détenu était inférieur à 4 m2. Cependant, elle a été inférieure à trois mois et suivie d'une période de trente-quatre jours, allant du 18 novembre au 21 décembre 2015, où l'espace individuel de la cellule était de 4,44 m2.

Le Tribunal fédéral a jugé qu'une période de onze jours dans une cellule de plus de 4 m2 faisant suite à soixante jours passés avec un espace individuel inférieur à 3,83 m2 pouvait être considérée comme une période interrompant le départ du délai indicatif de trois mois.

Force est de constater que la période du 4 septembre au 17 novembre 2015 est inférieure à la durée indicative de trois mois fixée par la jurisprudence fédérale, étant précisé que tant antérieurement que postérieurement à cette période, il disposait d'une surface individuelle supérieure à 4 m2 (durant trente et un jours avant et trente-quatre jours après).

11) Pour la période allant du 22 décembre 2015 au 22 mars 2016, il résulte du parcours cellulaire du recourant qu'il a séjourné soixante-cinq jours au total dans une cellule où il a bénéficié d'un espace individuel de 3,70 m2, soit dans l'ordre chronologique deux jours avec un espace de 3,70 m2, un jour d'interruption avec plus de 4 m2, dix-huit jours avec un espace de 3,70 m2, quatorze jours d'interruption, quatre jours avec un espace de 3,70 m2, six jours d'interruption, dix-sept jours avec un espace de 3,70 m2, un jour d'interruption, un jour avec un espace de 3,70 m2, cinq jours d'interruption et vingt-trois jours avec un espace de 3,70 m2.

Cette période laisse apparaître soixante-cinq jours durant lesquels l'espace individuel du détenu était inférieur à 4 m2, mais avec d'importantes interruptions. Cependant, elle a été suivie d'une période de quasiment septante jours consécutifs, allant du 23 mars au 2 juin 2016, où l'espace individuel de la cellule était de 4,44 m2.

Force est de constater que cette période avec une surface individuelle de moins de 4 m2 est inférieure à la durée indicative de trois mois fixée par la jurisprudence fédérale et qu'elle a été entrecoupée de périodes d'interruption. Étant précisé que tant antérieurement que postérieurement à cette période, l'intéressé disposait d'une surface individuelle supérieure à 4 m2 (durant trente-quatre jours avant et soixante-neuf jours après).

12) Il ressort du dossier que le recourant a pu travailler une heure par jour durant tous les jours de la semaine à compter du 18 août 2015. Il a bénéficié d'une heure de promenade par jour et a pu bénéficier de la possibilité d'accéder à la petite salle de sport, à raison d'une heure, deux ou trois jours par semaine, du 24 juin au 7 juillet 2015 et du 16 juillet 2015 jusqu'à son transfert au sein de l'établissement, le 2 juin 2016. Ces éléments réduisent le temps de confinement en cellule et allègent les conditions de détention dans les circonstances concrètes du cas d'espèce.

13) Ainsi, durant les périodes du 15 juin au 3 août 2015, du 4 septembre au 17 novembre 2015 et du 22 décembre 2015 au 22 mars 2016, dites conditions, pour difficiles qu'elles furent, n'étaient pas illicites.

A fortiori, on ne saurait considérer l'ensemble de la période de détention en cause, du 10 juin 2015 au 2 juin 2016, comme étant illicite.

14) Vu ce qui précède, la décision attaquée est conforme au droit, et le recours sera rejeté.

15) Vu la nature du litige et malgré son issue, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu'il est recevable, le recours interjeté le 4 mai 2017 par M. A_____ contre la décision du département de la sécurité et de l’économie du 31 mars 2017 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-René Oettli, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité.

Siégeant : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :