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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4066/2009

ATA/908/2010 du 21.12.2010 ( TC ) , REJETE

Descripteurs : ; EMPLOYÉ PUBLIC ; ACTION EN CONSTATATION ; HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE ; DROIT SUPPLÉTIF ; ATTRACTION DE COMPÉTENCE ; ACTE ILLICITE
Normes : LREC.1; LREC.2; LREC.7; LPAC.2B; CO.41; CO.61
Résumé : Dépôt d'une action en constatation de droit (refus de nomination) et d'une action pécuniaire (tort moral pour mobbing). Si le Tribunal administratif est l'autorité compétente pour connaître de l'action en constatation de droit - statut et rapports de service entre les fonctionnaires et autres membres du personnel de l'Etat - c'est le Tribunal de première instance qui est compétent pour juger d'une action pécuniaire, la loi applicable à cette dernière étant la LPEC et non pas les dispositions du CO à titre de droit public supplétif. Il n'y a pas d'attraction de compétence s'agissant de deux demandes distinctes et indépendantes l'une de l'autre.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4066/2009-TC ATA/908/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL DES CONFLITS

du 20 décembre 2010

 

dans la cause

 

Madame N______
représentée par Me Eric Maugué, avocat

contre

 

 

ARRÊT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU 6 OCTOBRE 2009

 

et

 

 

OFFICE CANTONAL DE L’EMPLOI

 



EN FAIT

Madame N______ a été engagée par l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE ou office) dès le 1er avril 2004 en qualité d’auxiliaire, avec la fonction de conseillère en placement. Son engagement était prévu pour une durée maximale de trente-six mois.

La lettre d’engagement du 9 février 2004, adressée à la recourante, stipulait notamment que cette dernière était soumise aux dispositions de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et à celles du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01). Suite à une modification de la LPAC, le contrat de la recourante a été renouvelé dès le 1er avril 2007 pour une durée maximale de quinze mois.

Début mai 2008, la recourante a été informée que son dernier jour d’activité était arrêté au 10 juin 2008 afin qu’elle puisse bénéficier de son solde de vacances.

Les 13 juin et 2 juillet 2008, elle a sollicité sa stabilisation en qualité de fonctionnaire, estimant qu’elle en remplissait les conditions. L’OCE a répondu à la recourante qu’il ne disposait pas d’autant de postes fixes que de collaborateurs auxiliaires à stabiliser et qu’elle faisait partie des conseillers auxiliaires qui n’avaient pas pu être retenus pour une stabilisation.

Par demande du 8 septembre 2008, la recourante a saisi le Tribunal administratif d’une action en constatation de droit et d’une action pécuniaire.

Elle a conclu à ce qu’il soit constaté que les rapports de service entre elle-même et l’OCE n’avaient pas pris fin au 30 juin 2008 et qu’elle bénéficiait du statut de fonctionnaire. Elle a également conclu à ce que l’Etat de Genève soit condamné à lui verser la somme de CHF 20'000.- à titre d’indemnité pour tort moral.

En substance, la recourante estimait qu’ensuite de la modification de la LPAC et des discussions, des informations et du comportement de sa hiérarchie qui avait entouré cette modification, elle pouvait de bonne foi se prévaloir d’un droit subjectif à être stabilisée en tant que fonctionnaire. Elle remplissait en effet tous les critères permettant une stabilisation.

Par ailleurs, la recourante soutenait avoir fait l’objet de graves atteintes à sa personnalité de la part de son supérieur hiérarchique, d’une part, et de collègues de travail, d’autre part, atteintes dont elle avait beaucoup souffert. Ces divers comportements, assimilables à du mobbing, constituaient une violation de l’art. 328 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations (CO - RS 220) applicable à titre de droit public supplétif et, partant, une atteinte illicite à la personnalité de la recourante. Aucune mesure sérieuse n’avait été prise par sa hiérarchie afin de la préserver de ces atteintes. Au contraire, l’attitude dénigrante de ses supérieurs avait même contribué à son mal-être. Ces faits justifiaient l’octroi d’une indemnité pour tort moral.

Par réponse du 15 octobre 2008, l’OCE a conclu, principalement, à ce que tant l’action en constatation de droit que l’action pécuniaire soient déclarées irrecevables ; subsidiairement, l’office a conclu au rejet des deux actions.

A l’appui de ses conclusions, l’intimé a fait valoir qu’il n’existait aucune voie juridictionnelle permettant de contester une absence de nomination en qualité de fonctionnaire, les candidats n’ayant aucun droit à un emploi public et l’autorité hiérarchique disposant d’un pouvoir d’appréciation entier en ce domaine.

S’agissant de l’action pécuniaire, elle était subsidiaire aux autres moyens de droit. L’OCE a ajouté que les rapports de service au sein de l’administration étaient régis par la LPAC et que les dispositions du CO ne pouvaient pas être invoquées en matière de droit public. Partant, il appartenait à la recourante d’utiliser la procédure en cas de harcèlement prévue par la LPAC, l’action pécuniaire étant irrecevable. Subsidiairement, la recourante n’avait pas démontré avoir subi des atteintes à sa personnalité, son employeur ayant en outre pris les mesures nécessaires suite à la plainte dirigée contre le supérieur hiérarchique de la recourante.

Une instruction approfondie de la cause a eu lieu, au terme de laquelle la recourante a persisté dans ses conclusions par mémoire après enquêtes du 30 août 2009. L’OCE en a fait de même dans le cadre de ses observations après enquêtes du 30 août 2009.

Par arrêt du 6 octobre 2009, le Tribunal administratif a déclaré recevable l’action en constatation de droit, qui a toutefois été rejetée au motif que la recourante n’avait pas reçu d’assurances concrètes de sa hiérarchie quant à son éventuelle stabilisation en qualité de fonctionnaire, stabilisation à laquelle elle n’avait aucun droit. Elle ne pouvait donc se prévaloir ni du principe de la bonne foi ni d’un abus de droit. Ainsi, il n’était pas possible de remettre en cause l’appréciation de sa hiérarchie par le biais d’une action constatatoire.

Quant à l’action pécuniaire, elle a été déclarée irrecevable. Le Tribunal administratif a considéré qu’il y avait lieu d’appliquer les dispositions de la loi d’organisation judiciaire dans leur teneur avant le 1er janvier 2009 (aLOJ), en particulier s’agissant de l’art. 56G al. 1 aLOJ concernant l’action pécuniaire. Le CO n’étant plus applicable à titre de droit public supplétif, la prétention de la recourante tendant à l’obtention d’une indemnité pour atteinte illicite à sa personnalité était régie en droit public par la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40). L’art. 7 LREC octroyait la compétence en cette matière au Tribunal de première instance, si bien que le Tribunal administratif n’était pas compétent pour statuer sur la demande en paiement de la recourante.

Par mémoire du 10 novembre 2009, Mme N______ a saisi le tribunal de céans d’un recours dirigé contre l’arrêt du Tribunal administratif du 6 octobre 2009 s’agissant de l’irrecevabilité de l’action pécuniaire. Elle a conclu, avec suite de dépens, à son annulation, au constat que le Tribunal administratif est compétent pour connaître de l’action pécuniaire et au renvoi de la cause.

C’était à tort que le Tribunal administratif avait décliné sa compétence. Il n’était pas possible de dégager des arrêts du Tribunal administratif une jurisprudence constante s’agissant de la question de l’application ou non des règles du CO à titre de droit public supplétif. En outre, la LREC genevoise, contrairement à la quasi-totalité des autres législations cantonales et fédérales en la matière, instituait un régime de responsabilité pour faute limitée à l’équité, régime très défavorable à l’agent public et qui n’était pas compatible avec la protection due par l’Etat vis-à-vis de son personnel. Ainsi, son application heurtait le sentiment de justice et d’équité, d’une part, et violait à plusieurs égards le principe de l’égalité de traitement, d’autre part. De même, il n’était pas admissible que l’agent public, en tant qu’employé, dût agir par-devant la juridiction civile ordinaire pour un litige relevant de ses rapports de service et s’acquitter ainsi de droits de greffes conséquents, contrairement à un salarié soumis au droit privé.

Il fallait donc considérer que la prétention d’un agent public à l’égard de la collectivité, fondée sur leurs rapports de service, devait être traitée dans le cadre de l’action pécuniaire et non sous l’angle de la responsabilité de l’Etat et de la LREC. En outre, la LPAC étant lacunaire en matière de responsabilité de l’Etat vis-à-vis de ses agents, il y avait lieu d’appliquer les normes du CO, soit les art. 328 et 49 CO, à titre supplétif.

Le 26 février 2010, l’OCE a fait part de ses observations au tribunal de céans, s’en rapportant à justice sur la question de la recevabilité du recours et concluant pour le surplus à son rejet. En substance, il a fait sien le raisonnement présenté dans l’arrêt déféré.

Les parties ont été informées, par courrier du 19 mars 2010, que la cause avait été gardée à juger.

 

EN DROIT

Selon l’art. 56J al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ – E 2 05), le Tribunal des conflits est chargé de trancher les questions de compétence entre une juridiction administrative d’une part et une juridiction civile ou pénale d’autre part.

Toute partie peut recourir auprès du Tribunal des conflits contre une décision rendue en dernière instance cantonale par l’une des juridictions mentionnées à l’art. 56H al. 1 LOJ, cela soit lorsque la juridiction a admis sa compétence et que le recourant allègue que le litige ressortit à l’autre ordre de juridiction, soit lorsque la juridiction a décliné sa compétence pour le motif que le litige ressortit à l’autre ordre de juridiction et que le recourant allègue qu’elle l’a fait à tort (art. 56L al. 1 let. a et b LOJ). Selon l’art. 63 al. 1 let. a et al. 3 de la loi genevoise sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10), applicable par renvoi de l’art. 56L al. 2 LOJ, le recours doit être introduit dans le délai de trente jours dès le lendemain de la notification de la décision.

Les dispositions relatives au Tribunal administratif et au Tribunal des conflits ont fait l’objet d’une renumérotation entrée en vigueur le 1er mars 2002. Le législateur genevois a toutefois omis d’adapter le renvoi contenu au nouvel art. 56L LOJ, laissant subsister une référence à l’art. 56H al. 1 LOJ, disposition qui concerne actuellement la conciliation devant le Tribunal administratif. Le renvoi à l’art. 56H al. 1 LOJ doit par conséquent être compris comme un renvoi à l’art. 56J al. 1 LOJ, lequel concerne le but et la composition du Tribunal des conflits (Arrêt du Tribunal fédéral 5P.382/2004 du 15 décembre 2004).

En l’espèce, le Tribunal administratif a décliné sa compétence au profit du Tribunal de première instance s’agissant de l’action pécuniaire introduite par la recourante, alors que cette dernière prétend que le Tribunal administratif est la juridiction compétente pour connaître de ses prétentions. Le tribunal de céans est ainsi saisi d’une question relative à un conflit de compétence entre une juridiction administrative et une juridiction civile, si bien qu’il est habilité à statuer en application de l’art. 56J LOJ.

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable.

Mme N______ réclame le versement d’une indemnité de CHF 20'000.- pour tort moral, invoquant avoir subi une atteinte à sa personnalité dans le cadre de ses rapports de travail. En premier lieu, il s’agit de déterminer sur quelle base légale l’action en paiement de la recourante est susceptible de se fonder.

Aux termes de l’art. 2B al. 1, 2 et 3 LPAC, il est veillé à la protection de la personnalité des membres du personnel, notamment en matière de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel, les mesures sont prises pour prévenir, constater et faire cesser toute atteinte à la personnalité et les modalités étant fixées par règlement.

Le règlement d’application de la LPAC dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2008 (aRPAC – B 5 05.01) contenait un art. 3, selon lequel les litiges concernant la protection de la personnalité, en particulier le harcèlement psychologique et le harcèlement sexuel, qui n’ont pas été réglés au sein d’un département peuvent faire l’objet d’une plainte auprès de la direction générale de l’office du personnel de l’Etat (art. 3 al. 1 in initie aRPAC). La possibilité d’ouvrir une enquête interne sanctionnée par une décision susceptible de recours auprès du Conseil d’Etat était prévue (art. 3 al. 2 à 6 aRPAC). Le contenu de l’art. 3 aRPAC s’était initialement trouvé dans un règlement d’application de la LPAC, avant d’être intégré à l’art. 2B LPAC en 2001 (voir MGC 2001 20/IV 3611 ss et 2001 46/X 8999 ss), puis d’être à nouveau relégué à l’art. 3 aRPAC (voir Mémorial des séances du Grand Conseil 2005-2006/XI A D/52, exposé des motifs ad 3.1 et MGC 2006-2007/VI D/29). Dans le cadre des débats entourant la question de la protection de la personnalité, il n’a jamais été fait référence aux éventuelles obligations financières de l’Etat de réparer le préjudice subi par son employé.

Ainsi, ni la LPAC, ni son règlement d’application ne contient de disposition topique prévoyant une obligation de réparer à charge de l’autorité qui n’aurait pas respecté les devoirs qui s’imposent à elle au regard de l’art. 2B LPAC (; ATA/222/2006 du 11 avril 2006 ; ATA/447/2007 du 4 septembre 2007).

De même, l’on peut encore relever que l’art. 3 aRPAC a été abrogé par l’adoption du règlement relatif à la protection de la personnalité à l’Etat de Genève du 18 juin 2008 (RPPers – B 5 05.10) entré en vigueur le 1er janvier 2009. Ledit règlement – qui n’est certes pas applicable au cas d’espèce – traite de manière détaillée de la procédure à suivre lors de la survenance potentielle d’un cas touchant à la protection de la personnalité d’un collaborateur de l’Etat. S’il permet d’aboutir à une décision constatant la violation ou la non-violation des devoirs de service, le règlement ne contient en revanche aucune disposition prévoyant une obligation à charge de l’autorité de réparer un éventuel dommage découlant de la violation des règles sur la protection de la personnalité.

Au vu de ce qui précède, et comme l’a d’ailleurs admis la recourante, les règles relatives au statut du personnel de l’administration, si elles établissent le principe de base obligeant l’Etat à protéger la personnalité de ses collaborateurs, ne contiennent en revanche aucune disposition susceptible d’être invoquée à l’appui d’une action tendant au versement d’une indemnité pour tort moral.

Les règles sur le statut du personnel ne permettant pas de fonder une telle action, il convient d’examiner si, comme l’a prétendu la recourante, l’action pécuniaire pouvait être fondée sur les règles du CO appliquées à titre de droit cantonal supplétif.

a. L’art. 342 al. 1 CO réserve les dispositions de la Confédération, des cantons et des communes concernant les rapports de travail de droit public, sauf en ce qui concerne les art.s 331 al. 5 et 331a à 331e (dispositions relatives à la prévoyance professionnelle).

Conformément à cette réserve, le législateur genevois a adopté la LPAC. Dans le cadre de l’exposé des motifs relatifs au projet de la LPAC, il a relevé ce qui suit : « selon le régime actuel [c’est-à-dire celui en vigueur avant la LPAC], le CO s’applique à titre de droit public supplétif à la fin des rapports de service. Ce renvoi crée une insécurité juridique qu’il y a lieu d’éliminer. Il est en conséquence proposé d’y renoncer, en réservant la compétence du Conseil d’Etat d’édicter des dispositions complémentaires. On notera en passant qu’il ne sera pas nécessaire de reprendre les dispositions du CO concernant les licenciements abusifs, puisque, par définition, un licenciement décidé pour un motif que le droit privé considère comme abusif ne saurait être objectivement fondé au sens du statut. De plus, la suspension du délai de congé en cas d’incapacité de travail fera l’objet d’une disposition réglementaire » (MGC 1996 43/VI p. 6360).

Très vite après l’entrée en vigueur de la LPAC, le Tribunal administratif a considéré, d’une manière générale, que les rapports de service étaient régis par des dispositions statutaires et que le CO ne s’appliquait plus à titre de droit cantonal supplétif. En effet, « la technique du renvoi au Code des obligations à titre de droit cantonal supplétif en matière de fonction publique est critiquée par la doctrine (…). Le Conseil d’Etat, auteur de la LPAC révisée, a d’ailleurs expressément rejeté le système d’une application généralisée des règles contenues notamment dans le Code des obligations. » (ATA 260/1999 du 4 mai 1999 et les références citées). D’autres arrêts parviennent à la conclusion que, faute de base légale – ce qui implique la renonciation à l’application du CO à titre de droit cantonal supplétif –, l’action pécuniaire de l’art. 56G aLOJ n’est pas ouverte s’agissant de la conclusion tendant au paiement d’une indemnité pour tort moral (voir notamment ATA/286/2009 du 16 juin 2009 ; ATA/447/2007 du 4 septembre 2007 ; ATA/222/2006 du 11 avril 2006 ; ATA/623/2004 du 5 août 2004 ; ATA/180/2003 du 1er avril 2003 et, cas dans lequel l’atteinte alléguée ne découlait pas des rapports de travail mais de la procédure ultérieure à ceux-ci).

Inversement, un cas peut être signalé dans lequel le Tribunal administratif est entré en matière sur une prétention pour tort moral introduite sur la base d’une action pécuniaire : (ATA/413/2003 du 27 mai 2003). Tout comme la recourante, une employée communale réclamait le versement d’une indemnité pour tort moral en raison d’une atteinte à sa santé résultant du comportement d’un employé imputable à l’employeur et indépendant du licenciement. Le Tribunal administratif a retenu que l’action pécuniaire était recevable au motif que, conformément au statut du personnel de la commune en question régissant la relation de travail, le CO était applicable à titre de droit public supplétif à tout ce qui n’était pas expressément réglé par ledit statut.

De ce qui précède, il ressort que la jurisprudence du Tribunal administratif est constante et univoque : le CO ne s’applique pas à titre de droit supplétif aux rapports de travail de droit public à moins que cette application ne soit expressément prévue par le statut du personnel applicable, ce qui n’est pas le cas de la LPAC. Cette jurisprudence est en outre conforme à la volonté du législateur et les divers arguments de la recourante avancés en faveur d’une application du CO à titre supplétif, lesquels seront examinés ci-après, ne permettent pas de renverser cette conclusion.

b. La recourante a en premier lieu mentionné l’arrêt du Tribunal fédéral du 28 novembre 2006 rendu en la cause 2P.181/2006 et dans lequel il a été retenu que l’ancien art. 31 LPAC était arbitraire dans la mesure où il n’accordait aucune indemnité aux employés licenciés abusivement alors qu’il prévoyait une telle indemnité pour les fonctionnaires. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que, bien que l’art. 336a CO ne soit pas directement applicable, « le Tribunal administratif pourrait s’inspirer de la réglementation qu’il contient ». Le cas ayant donné lieu à cet arrêt diffère du cas de la recourante, si bien que celui-ci n’est pas utile à la thèse de cette dernière. En effet, l’art. 31 al. 3 LPAC consacrait effectivement une inégalité de traitement entre fonctionnaires et employés dans la mesure où il prévoyait le versement en faveur des premiers et non des seconds d’une indemnité en cas de licenciement contraire au droit. Or, dans le cas faisant l’objet de la présente cause, comme relevé plus haut, la LPAC ne contient tout bonnement aucune disposition, pour quelque type d’employé public que ce soit, permettant de sanctionner une atteinte à la personnalité. Il n’y a donc aucune inégalité de traitement sur ce point qui nécessiterait de s’inspirer des règles du CO.

Par ailleurs, le législateur genevois, conscient de cette problématique, a modifié l’art. 31 al. 3 LPAC en date du 31 mai 2007 en y incluant un droit à une indemnité également en faveur des employés (cf. MGC 2006-2007/VI D/29 séance 29 du 23 mars 2007). Ainsi, plutôt que de s’en remettre à une application de l’art. 336a CO à titre de droit cantonal supplétif, le législateur a préféré procéder à une modification de la LPAC. Cela confirme une fois encore la volonté du législateur de ne pas appliquer les normes du CO à titre de droit cantonal supplétif aux rapports de travail de l’administration cantonale.

Vu ce qui précède, l’arrêt du Tribunal fédéral rendu dans la cause 2P.181/2006, de même que l’arrêt du Tribunal administratif qui en découle (ATA/306/2007 du 12 juin 2007), ne permettent pas de soutenir l’argumentation de la recourante.

c. En deuxième lieu, la recourante a mentionné l’arrêt du Tribunal administratif ATA/344/2008 du 24 juin 2008. Cet arrêt aborde exclusivement la question d’un licenciement qu’une employée en période probatoire considérait comme contraire au droit pour divers motifs. L’employée concluait ainsi à l’annulation de la décision de licenciement, subsidiairement au versement d’une indemnité correspondant à douze mois de salaire (cf. 28, p. 5). L’intégralité du raisonnement du Tribunal administratif a ainsi porté sur la validité du licenciement, et non sur une éventuelle indemnité pour tort moral, si bien que cette jurisprudence n’est pas pertinente au regard du cas de la recourante, dont la prétention est indépendante de tout licenciement.

d. En troisième lieu, la recourante a traité de l’arrêt du Tribunal administratif ATA/655/2007 du 18 décembre 2007. Le Tribunal administratif, devant examiner la question de la responsabilité contractuelle de l’employé vis-à-vis de l’Etat, a considéré que cette responsabilité devait être analysée sous l’angle du CO appliqué à titre de droit cantonal supplétif dans la mesure où la question n’était pas abordée dans le statut du personnel applicable (Fondation des parkings). Or, s’il est vrai qu’il n’existe aucune loi relative à la responsabilité de l’agent public vis-à-vis de l’Etat – ce qui peut conduire à une application des dispositions du CO à titre de droit cantonal supplétif –, il existe en revanche une loi traitant de la responsabilité de l’Etat. Dès lors, il n’y a pas lieu d’appliquer le CO à titre de droit supplétif. Ainsi, l’argument tiré de l’application à titre supplétif des dispositions du CO lorsqu’il s’agit d’examiner la responsabilité du travailleur public vis-à-vis de l’Etat n’est pas concluant.

e. Enfin, la recourante a allégué qu’il était contradictoire de ne pas appliquer les règles du CO à titre de droit supplétif à la fin des rapports de travail alors que la possibilité d’appliquer les règles générales du CO en tant que principes généraux était reconnue. A ce sujet, l’art. 342 CO, qui figure au Titre dixième du CO, réserve expressément les dispositions des cantons relatives aux rapports de travail de droit public ; ainsi, une fois que le législateur cantonal a adopté de telles règles, le Titre dixième du CO ne s’applique plus. L’art. 342 CO ne concerne toutefois que le Titre dixième, et non pas l’intégralité du CO, les dispositions générales demeurant le cas échéant applicables, même aux rapports de travail de droit public.

f. Vu les développements qui précèdent, il faut considérer que la jurisprudence du Tribunal administratif niant la possibilité d’appliquer les dispositions du CO à titre de droit public supplétif est bien établie et constante. De plus, cette jurisprudence est conforme à la volonté du législateur genevois. Si celui-ci avait voulu d’une application de certaines dispositions du Titre dixième du CO à titre supplétif, il l’aurait expressément prévu, comme cela est par exemple le cas s’agissant des dispositions sur la résiliation en temps inopportun (voir art. 44A RPAC).

a. En principe, les agents qui occupent une fonction publique répondent de leurs actes illicites selon les règles ordinaires des art.s 41 ss CO. Toutefois, à teneur de l’art. 61 CO, la législation fédérale ou cantonale peut déroger aux dispositions sur les obligations résultant d’actes illicites, en ce qui concerne la responsabilité encourue par des fonctionnaires et employés publics pour le dommage ou le tort moral qu’ils causent dans l’exercice de leur charge. « Lorsque de telles normes existent, la responsabilité des agents publics échappe au droit civil fédéral, ce qui découle aussi de l’art. 59 alinéa 1 CC » (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.230/2003 du 23 novembre 2004 consid. 1.1 et les références citées).

Le canton de Genève a fait usage de cette faculté en adoptant la loi du 24 février 1989 sur la responsabilité de l’Etat et des communes. Dès lors, les prétentions en responsabilité civile pour des actes commis par ses fonctionnaires sont réglées exclusivement par le droit cantonal, de sorte que la voie du recours en réforme était fermée et que seule était ouverte la voie du recours de droit public (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.230/2003 du 23 novembre 2004 consid. 1.1).

Aux termes de l’art. 2 al. 1 LREC, l’Etat de Genève et les communes du canton sont tenus de réparer le dommage résultant pour des tiers d’actes illicites commis soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence par leurs fonctionnaires ou agents dans l’accomplissement de leur travail. En outre, selon l’art. 4 LREC, l’Etat de Genève et les communes du canton ne sont tenus de réparer le dommage résultant pour des tiers d’actes licites commis par leurs magistrats, fonctionnaires ou agents dans l’exercice de leurs fonctions ou dans l’accomplissement de leur travail que si l’équité l’exige.

S’agissant de l’indemnité pour tort moral, il y a lieu d’admettre que le législateur n’a pas entendu l’exclure de la réparation. En effet, cet aspect était inclus dans la définition du dommage figurant dans l’exposé des motifs du Conseil d’Etat et n’a pas été remis en cause par les députés (cf. MGC 1987 p. 4064 et 1989 pp. 876 ss ; dans le même sens, T______, La responsabilité de l’Etat sous l’angle de la Loi genevoise sur la responsabilité de l’Etat et des Communes du 24 février 1989, SJ 1997 II 345, p. 365).

Ainsi, la responsabilité de l’Etat pour les actes illicites de ses agents est en principe réglée par la LREC. Il reste à déterminer si cette loi s’applique également aux actes commis à l’encontre d’un employé dans le cadre de sa relation de travail, autrement dit, si l’agent public doit être considéré comme « un tiers » au sens de la LREC.

b. Comme l’a relevé T______, « l’Etat reste l’Etat, même lorsqu’il est également employeur. (…). Même dans les cas où les rapports de travail du personnel étatique sont soumis au droit privé, l’Etat agit, comme employeur, en exécution d’une tâche publique. » (T______, L’évolution du statut de la fonction publique dans l’administration centrale, in Fonction publique : vers une privatisation ?, Journée de droit administratif 4 et 5 mars 1999, Zürich, 2000, p.10 et 11). Par ailleurs, à la conception selon laquelle la réserve en faveur du droit public de la responsabilité telle qu’elle est prévue par l’art. 61 CO serait inapplicable dans la relation entre l’Etat et le fonctionnaire parce qu’elle ne viserait que les rapports avec les tiers, Pierre MOOR répond que « le fonctionnaire est lésé en tant que sujet de droit et apparaît lui aussi comme un tiers ; il n’y a aucune raison en cette matière de le soumettre en tant que lésé à d’autres règles qu’un administré quelconque. (…). Par conséquent, ainsi que la doctrine le propose, les règles applicables sont celles, ordinaires, qui régissent le droit de la responsabilité de l’Etat et de ses agents » (P. MOOR, Droit administratif, Volume III, Berne, 1992, p. 221).

Ce raisonnement est corroboré par le fait que l’art. 13 aRPAC contenait une réserve générale en faveur de la LREC s’agissant de la responsabilité pour les actes illicites commis par un membre du personnel, ne faisant par ailleurs aucune distinction s’agissant de la personne victime d’un acte illicite. Il ne se justifiait pas d’inclure dans le règlement d’application de la loi sur le personnel un art. traitant de la responsabilité pour actes illicites des membres du personnel, si ce n’est pour indiquer que la LREC s’applique également dans le cadre de la relation entre l’Etat et ses employés. Si tel n’était pas le cas – c’est-à-dire si la LREC ne devait être applicable que vis-à-vis des administrés non agents publics –, un tel article n’aurait tout simplement pas sa place dans une règlementation traitant du personnel de l’administration, la LREC se suffisant à elle-même. Cet élément est encore renforcé par l’adoption du RPPers, lequel, alors qu’il traite spécifiquement de la question de la protection de la personnalité du personnel, réserve expressément la loi sur la responsabilité de l’Etat et des communes (art. 22 al. 5 RPPers).

Par ailleurs, la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui a eu à traiter de cette question s’agissant de la responsabilité d’autres cantons, va dans le même sens. Dans un arrêt concernant une action en responsabilité intentée par un enseignant universitaire à l’encontre de l’Etat de Vaud, notre Cour suprême a considéré qu’en matière de responsabilité patrimoniale de l’Etat, il n’y avait aucune raison de soumettre le fonctionnaire lésé en tant que sujet de droit à d’autres règles que l’administré ordinaire. En particulier, la réserve faite à l’art. 59 al. 1 du Code civil du 10 décembre l907 (CC - RS 210) avait trait également aux liens qui unissent les collectivités publiques à leur personnel, fussent-ils de nature délictuelle ou quasi contractuelle (Arrêt du Tribunal fédéral 2C/1999 du 12 septembre 2000 consid. 2c, et références citées).

Postérieurement, dans un arrêt concernant le canton du Jura, le Tribunal fédéral a confirmé sa jurisprudence et a répondu ce qui suit à l’argument de l’Etat selon lequel la législation sur la responsabilité ne concernait que les tiers et non ses propres employés : « Cette interprétation est erronée. On ne voit pas pourquoi le législateur cantonal aurait voulu soumettre sa responsabilité au droit public lorsque le lésé est extérieur à l’administration, tout en choisissant de la soumettre au droit privé lorsque le lésé est un de ses agents. Une telle distinction ne trouve aucun fondement objectif. Par tiers au sens du droit cantonal, il faut donc entendre tout lésé qui a subi un acte dommageable imputable à l’Etat et à ses agents. » (ATF 128 III 76, consid. 1a).

Un arrêt du Tribunal administratif peut également être mentionné, soit l’ATA/630/2001 du 9 octobre 2001, lequel traite d’un magistrat contre lequel un certain nombre de procédures pénales et disciplinaires ont été engagées et qui sollicitait par le biais d’une action pécuniaire la prise en charge par l’Etat de ses frais d’avocat. Après avoir retenu que les magistrats sont des agents de l’Etat et que leurs rapports relèvent du droit public, le Tribunal administratif a relevé que « pour faire respecter ses droits, le magistrat dispose encore, comme sujet de droit, de certaines actions. En particulier, le magistrat peut en tant que tiers lésé intenter une action en responsabilité contre l’Etat (…) » (consid. 5 et 6d). Dans le cas d’espèce, le Tribunal administratif a néanmoins relevé que le magistrat ne pouvait pas faire valoir ses prétentions par le biais d’une action en responsabilité contre l’Etat puisqu’il n’était pas un lésé au sens de la LREC. En effet, il paraissait douteux que le magistrat eût pu invoquer que l’ouverture de procédures à son encontre constituait un acte illicite. Ainsi, c’est seulement après avoir préalablement exclu la possibilité d’intenter une action en responsabilité contre l’Etat que le Tribunal administratif a déclaré l’action pécuniaire recevable.

Enfin, l’argument de la recourante selon lequel rien n’indiquerait dans les travaux préparatoires de la LREC que le législateur ait songé un seul instant à son application dans les rapports entre agents et collectivités publiques n’est pas pertinent. En effet, il ne ressort pas non plus des travaux préparatoires que le législateur ait voulu exclure du champ d’application de la LREC les rapports entre agents et Etat. Or, puisqu’une loi générale sur la responsabilité de l’Etat du fait des actes illicites de ses agents publics a été adoptée, le législateur, en l’absence d’une réglementation spéciale dérogeant à la LREC et s’il l’avait jugé nécessaire, aurait expressément indiqué les éventuels domaines à exclure du champ d’application de ladite loi. Aucun motif objectif ne permet donc de penser que le législateur genevois ait voulu soumettre la responsabilité de l’Etat pour les actes de ses agents à deux régimes distincts suivant la qualité du lésé – administré externe à l’administration ou administré employé de l’Etat.

Ainsi, les principes découlant de la jurisprudence du Tribunal fédéral s’agissant des cantons de Vaud et du Jura doivent être transposés s’agissant de la loi cantonale adoptée à Genève. Il faut donc conclure que par tiers au sens de la LREC, il y a lieu d’entendre tout lésé, y compris un agent public, qui a subi un acte dommageable imputable à un magistrat, un fonctionnaire ou un agent public.

La recourante tente encore de remettre en cause cette conclusion en mettant en avant plusieurs raisons devant, selon elle, conduire à ne pas appliquer la LREC à la responsabilité encourue par l’Etat dans le cadre de ses rapports de travail avec ses employés, arguments qui seront examinés ci-après.

a. En premier lieu, la recourante a prétendu qu’il existait dans la LPAC une lacune qu’il y aurait lieu de combler. Elle déduit l’existence de cette lacune du fait que l’application de la LREC à la relation Etat/employeur – employé serait inadéquate en raison de la particularité de cette loi qui instaure, aux dires de la recourante, une responsabilité limitée à l’équité.

Or, contrairement aux allégations de la recourante, la responsabilité prévue par cette loi n’est pas limitée à l’équité. En effet, seule la responsabilité instaurée à l’art. 4 LREC, soit la responsabilité pour actes licites des magistrats, fonctionnaires ou agent, est limitée à l’équité. La réparation découlant d’une responsabilité pour actes illicites (art. 1 et 2 LREC) n’est pas conditionnée ou limitée à l’exigence de l’équité. En particulier, la recourante a donné l’exemple du cas dans lequel l’Etat serait exempté de toute responsabilité dans l’hypothèse où son agent aurait agi alors qu’il était incapable de discernement. Or, c’est justement pour ce genre d’hypothèses que l’art. 4 LREC – responsabilité pour actes licites – a été adopté et trouve application, lorsque l’équité l’exige (voir MGC 1987 III p. 4067 et ss).

Vu ce qui précède, le raisonnement de la recourante, tiré de l’inadéquation d’un régime de responsabilité limité à l’équité appliqué aux rapports de travail entre l’Etat et ses collaborateurs, est dénué de fondement. Si la responsabilité pour faute instaurée par la LREC va certes moins loin que d’autres lois cantonales ou que la loi fédérale sur la responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires du 14 mars 1958 (Loi sur la responsabilité, LRCF – RS 170.32), la LREC offre néanmoins une protection adéquate aux administrés ou aux employés. Il peut encore être relevé que, s’agissant par exemple de LRCF, l’octroi d’une indemnité pour tort moral en cas d’atteinte illicite à la personnalité de la victime est également conditionné à une faute du fonctionnaire (cf. art. 6 al. 2 LRCF).

Par conséquent, il faut admettre que la LREC ne constitue pas une réglementation inadéquate justifiant d’écarter son application au profit du comblement d’une hypothétique lacune de la LPAC. Au contraire, il y lieu de considérer qu’en faisant usage de l’art. 61 CO et en adoptant la LREC, le législateur genevois entendait bien y soumettre d’une manière générale les cas de responsabilité que l’Etat pouvait être amené à supporter lorsqu’il agit dans le cadre de l’exercice de la puissance publique, y compris vis-à-vis de ses collaborateurs. Ce premier argument de la recourante doit dès lors être écarté.

b. La recourante a ensuite allégué qu’il existerait une inégalité de traitement entre l’Etat employeur, d’une part, et les employeurs privés, d’autre part. A ce sujet, il faut relever que, dans le cadre de l’exposé des motifs concernant l’adoption de la LPAC, le législateur genevois a relevé, s’agissant des tendances observées lors des révisions du statut de la fonction publique d’autres cantons et de la Confédération, que les agents de la fonction publique restaient régis par le droit public. La Confédération et les cantons avaient renoncé à les soumettre au droit privé, pour des raisons découlant du droit constitutionnel (cf. MGC 1996 43/VI, p. 6350). Du reste, il était acquis que l’Etat, dans le cadre de ses rapports de travail, devait respecter des droits et principes constitutionnels qui ne s’imposaient pas à un employeur privé, notamment le droit d’être entendu et le droit à l’égalité de traitement, l’interdiction de l’arbitraire, ainsi que le principe de la proportionnalité (cf. MGC 1996 43/VI, p. 6351, et références citées). Par conséquent, cette différentiation de traitement est justifiée par le fait que l’Etat n’est précisément pas un employeur comme les autres. Il doit en effet respecter des droits et principes constitutionnels qui ne s’imposent pas à un employeur privé.

c. Par ailleurs, la recourante a prétendu que l’application d’un régime de responsabilité identique à des justiciables externes à l’administration et à des agents publics serait également contraire au principe de l’égalité de traitement. Or, comme déjà mentionné, l’Etat reste l’Etat : même en tant qu’employeur, il agit en exécution d’une tâche publique. De même, il faut considérer qu’un administré reste un administré, même en sa qualité d’employé. Dès lors qu’il est soumis à un statut de droit public dans sa relation avec l’Etat, il se justifie de traiter l’agent comme tout autre administré en relation avec l’Etat. L’application d’un régime identique de responsabilité est justifiée par le fait qu’agent public et administré sont tous deux dans une relation avec l’Etat soumise à des règles de droit public.

d. Comme l’a relevé la recourante, le principal désavantage que l’agent public a de devoir agir par-devant la juridiction civile ordinaire par rapport à un employé soumis au droit privé consiste en l’obligation de devoir avancer des frais de greffe. Or, il faut relever que cette contrainte peut trouver une justification dans l’intérêt public de l’Etat à mettre en place un filtre permettant de limiter la possibilité pour ses administrés de l’attraire en justice aux cas qui ne sont pas dénués de toute chance de succès. En effet, si les actions intentées sur la base de la responsabilité de l’Etat étaient exemptées de droits de greffe, l’Etat serait contraint de faire face à d’innombrables procès, vu la multiplicité des situations dans lesquelles il est susceptible d’engager sa responsabilité et vu le nombre important de personnes qu’il emploie. Par ailleurs, si l’administré ou l’agent public est certes contraint d’avancer des droits de greffe, il a en contrepartie l’avantage d’avoir en face de lui, en cas de succès, un débiteur solvable.

e. Vu les considérations qui précèdent, l’application de la LREC aux rapports entre l’Etat et ses employés ne consacre aucune inégalité de traitement. En outre, dans la mesure où la responsabilité de l’Etat n’est pas limitée à l’équité, on ne voit pas en quoi l’application du régime public de responsabilité à la relation entre l’Etat employeur et ses collaborateurs heurterait le sentiment de justice et d’équité. Par conséquent, il n’existe aucune raison permettant de considérer que la LREC serait inapplicable à la relation existant entre l’Etat en tant qu’employeur, d’une part, et ses collaborateurs, d’autre part.

La base légale permettant de requérir le versement d’une indemnité pour tort moral ayant été identifiée – il s’agit de l’art. 2 LREC –, il convient désormais de résoudre la question de savoir quelle est l’autorité compétente pour juger d’une action fondée sur cette disposition.

Conformément à l’art. 7 al. 1 LREC, le Tribunal de première instance est compétent pour statuer sur les demandes fondées sur ladite loi.

Par ailleurs, la LREC étant une norme de droit public cantonal et la prétention de la recourante, dirigée contre l’Etat n’étant pas susceptible de faire l’objet d’une décision administrative, la question se pose de savoir si l’ancienne action pécuniaire de droit administratif est ouverte.

En effet, aux termes de l’art. 56G aLOJ, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2008, une action pécuniaire devant le Tribunal administratif était ouverte pour les actions relatives à des prétentions de nature pécuniaire fondées sur le droit public cantonal ou sur la loi fédérale sur l’égalité entre hommes et femmes du 24 mai 1995 (LEg – RS 151.1) qui ne peuvent pas faire l’objet d’une décision au sens de l’art. 56A al. 2 LOJ et qui découlent des rapports entre l’Etat, les communes, les autres corporations et établissements de droit public et leurs agents. Le 18 septembre 2008, le Grand Conseil de la République et canton de Genève a modifié la LOJ, modification entrée en vigueur le 1er janvier 2009. Celle-ci a notamment entraîné l’abrogation de l’art. 56B al. 4 LOJ et la modification de l’art. 56G LOJ. Le Tribunal administratif est désormais compétent pour connaître des recours contre les décisions concernant le statut et les rapports de service des fonctionnaires et autres membres du personnel de l’Etat, l’ancienne action pécuniaire étant devenue une action contractuelle réservée aux prétentions fondées sur le droit public qui ne peuvent pas faire l’objet d’une décision et qui découlent d’un contrat de droit public (ATA/178/2009 du 7 avril 2009).

Le Tribunal administratif s’est à juste titre demandé s’il y avait lieu d’appliquer à la cause dont il avait à connaître la LOJ dans sa nouvelle teneur ou dans sa teneur valable avant le 1er janvier 2009. Constatant que les dispositions transitoires ne permettaient pas de régler cette question, il a tranché ce point par application des principes généraux relatifs à l’application du droit dans le temps. Considérant que le nouveau droit avait restreint les possibilités pour intenter une action pécuniaire, le Tribunal administratif a retenu que la cause dont il avait à connaître, introduite avant la modification législative, devait être régie par application des règles de la LOJ dans leur ancienne teneur. Ce raisonnement n’a pas été contesté et est confirmé par le Tribunal de céans.

Il convient donc d’appliquer à la présente cause les règles de la LOJ dans leur teneur valable jusqu’au 31 décembre 2008 (ci-après aLOJ), en particulier s’agissant de l’action pécuniaire prévue par l’art. 56G aLOJ.

Vu ce qui précède, deux normes sont potentiellement susceptibles de fonder une compétence pour introduire contre l’Etat une action tendant au paiement d’une indemnité pour tort moral découlant des rapports de travail de droit public. Il existe donc un conflit de deux normes, l’une (l’art. 7 LREC) prévoyant une compétence en faveur du Tribunal de première instance, l’autre (l’art. 56G aLOJ) attribuant la compétence au Tribunal administratif.

Vu ledit conflit de normes, il y a lieu de déterminer quelle règle prévaut, ceci au moyen des diverses méthodes d’interprétation.

En premier lieu, il convient de rappeler la conclusion à laquelle le tribunal de céans est parvenu plus haut : en matière de responsabilité patrimoniale de l’Etat, il n’y a aucune raison de soumettre le fonctionnaire lésé à d’autres règles que l’administré ordinaire, si bien que par tiers au sens de la LREC, il y a lieu d’entendre tout lésé, y compris l’employé de l’Etat, qui a subi un acte dommageable imputable à un magistrat, un fonctionnaire ou un agent public. La LREC s’applique ainsi pleinement à la relation entre l’Etat employeur et ses administrés employés.

Une fois que l’on retient que les agents publics, à l’instar de tout administré, sont soumis à la LREC s’agissant de leurs prétentions en responsabilité contre l’Etat, il serait contraire à la systématique légale de fonder sur l’art. 56G aLOJ plutôt que sur l’art. 7 LREC la compétence pour connaître d’une action en responsabilité initiée par un agent public. Ainsi, de même qu’une action en responsabilité de l’employé public contre l’Etat employeur trouve son fondement dans la LREC, de même la compétence pour connaître d’une telle action doit être déterminée selon la LREC. Pour cette première raison déjà, il faut retenir que le Tribunal de première instance est compétent pour connaître de l’action en dommages-intérêts de la recourante.

En second lieu, l’art. 56G aLOJ constitue une norme générale de procédure, contenue dans une loi d’organisation judiciaire ayant elle aussi un caractère général. L’art. 7 LREC, quant à lui, figure dans une loi spéciale qui traite d’un domaine déterminé, soit la responsabilité de l’Etat. Par conséquent, en vertu du principe selon lequel une loi spéciale prime sur une loi générale, il convient également d’appliquer l’art. 7 LREC, en sa qualité de disposition spéciale par rapport à l’art. 56G aLOJ, pour déterminer la compétence matérielle en matière de responsabilité étatique.

Enfin, une interprétation historique permet de parvenir à la même conclusion. L’art. 7 LREC, qui octroie expressément la compétence en matière de responsabilité de l’Etat au Tribunal de première instance, a été adopté le 12 septembre 1996 dans le cadre du Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi d'application dans le canton de Genève de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (voir MGC 1996 32/V p. 4684). Ce projet de loi, de même que la modification de la LREC, sont entrés en vigueur le 1er janvier 1997. Déjà avant l’instauration de l’art. 7 LREC, la compétence appartenait au juge civil (voir MGC 1996 15/III p. 2103, d’où il ressort, s’agissant de la responsabilité de l’Etat pour les dommages causés par les organes de poursuites, que « les actions en dommages-intérêts continueront à être portées devant le juge civil, qui appliquera les dispositions topiques de la loi fédérale [sur la poursuite pour dettes et la faillite] (art. 5 et 6) en lieu et place de la loi genevoise sur la responsabilité de l’Etat et des communes »).

L’action pécuniaire, quant à elle, a fait son apparition dans la LOJ lors de l’adoption le 11 juin 1999 du projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (réforme de la juridiction administrative), modification entrée en vigueur le 1er janvier 2000. L’action pécuniaire a été reprise de l’ancien art. 11 de la loi sur le Tribunal administratif pour figurer à l’art. 56F LOJ (voir MGC 1997 54/IX p. 9376 et 9438). Il ressort des travaux préparatoires deux éléments qu’il convient de relever : premièrement, le législateur était pleinement conscient qu’avant cette profonde réforme du contentieux administratif, le Tribunal de première instance était compétent en matière de responsabilité de l’Etat ; il est en effet fait expressément référence à cette particularité dans le cadre de l’exposé des motifs relatifs à la réforme (voir MGC 1997 54/IX p. 9416). En second lieu, alors que cette refonte de la LOJ entraînait la modification de plus de 70 lois (voir MGC 1997 54/IX p. 9428 et 9440 et suivantes), la LREC n’a quant à elle pas été modifiée. A l’exception de la référence susmentionnée, le législateur n’a d’ailleurs pas du tout traité de la LREC dans le cadre des travaux préparatoires.

Il découle de ces deux éléments que le législateur n’a pas eu l’intention d’apporter de modification au régime applicable à la responsabilité de l’Etat. En particulier, il ne ressort pas de la volonté du législateur qu’il ait voulu restreindre en cette matière la compétence du Tribunal de première instance au profit du Tribunal administratif via l’action pécuniaire. Si tel avait été le cas, il aurait abordé cette question dans le cadre de la réforme du contentieux administratif.

Ainsi, lorsqu’il est question de responsabilité étatique pour un acte illicite commis par un agent public dans le cadre de son travail, c’est bien sur la base de l’art. 7 LREC qu’il y a lieu de déterminer la compétence matérielle, cela même lorsque l’action est initiée par un employé de l’Etat. Le Tribunal de première instance est donc compétent pour statuer sur la demande de la recourante tendant au versement d’une indemnité pour tort moral.

Nonobstant le fait que le Tribunal de première instance soit compétent pour connaître d’une action en responsabilité pour les actes illicites des agents publics, il convient encore d’examiner si le Tribunal administratif aurait dû se déclarer compétent par attraction de compétence.

Selon l’art. 11 al. 1 LPA, la compétence des autorités est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties. La caractéristique de la procédure administrative est le caractère impératif de la compétence des autorités. Alors que la procédure civile est plus souple, autorisant souvent la prorogation de for ou de juridiction, une telle souplesse est difficilement imaginable dans le domaine du droit public, notamment pour des raisons de sécurité du droit, d’égalité de traitement et d’organisation rationnelle et fonctionnelle de l’administration (voir B. BOVAY, Procédure administrative, Berne, 2000, p. 88 et 94 ; A. GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel, 1984, Volume II p. 830).

Les exceptions au caractère impératif des règles de compétence sont rares. La doctrine mentionne les cas suivants : l’attraction de compétence expressément prévue par l’ancien art. 73 al. 1er de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA – RS 172.021), disposition aujourd’hui abrogée ; le cas du recours sautant auprès de l’autorité hiérarchique supérieure et l’hypothèse selon laquelle l’autorité inférieure manifeste clairement son intention d’agir illégalement ; enfin, le cas peut-être le plus fréquent des questions préjudicielles (voir BOVAY, op. cit. p. 92-93 ; GRISEL, op. cit. p. 832-833). Cette dernière hypothèse se présente lorsque le sort d’une contestation pendante devant une autorité judiciaire ou administrative (question principale) dépend de la solution d’une question qui relève de la compétence d’une autre autorité (question préjudicielle). Il est ainsi admis que l’autorité saisie de la question principale peut trancher également la question préjudicielle lorsque trois conditions sont remplies : l’objet en cause est exorbitant au domaine des attributions que la loi a conférées à l’autorité, un étroit degré de connexité existe entre la question principale entrant dans la compétence de l’autorité saisie et la question dont la solution incombe normalement à un autre organe étatique et le problème juridique à trancher pour permettre la solution du litige principal est le même que celui dont une autre autorité a compétence exclusive pour connaître à titre principal (voir B. KNAPP, Exécutif et judiciaire à Genève, Genève, 1987, pp. 17 à 21).

Aucune des exceptions susmentionnées n’entre en ligne de compte s’agissant du cas d’espèce. En particulier, la question de l’atteinte à la personnalité invoquée par la recourante ne constitue pas une question préjudicielle pour la solution du litige relatif à la fin des rapports de service. Il s’agit de deux objets distincts, indépendants l’un de l’autre.

Par ailleurs, le Tribunal administratif a déjà eu à examiner la question d’une attraction de compétence pour connaître, dans le cadre de procédures impliquant administration et employées, d’une prétention en tort moral, cela dans le cadre de litiges relatifs à la LEg (ATA/321/2007 du 19 juin 2007 ; ATA/268/2006 du 16 mai 2006 ; ATA/790/2005 du 22 novembre 2005 ; ATA/904/2003 du 16 décembre 2003). Devant traiter de cas de harcèlement sexuel, le Tribunal administratif s’est déclaré compétent, sur la base de l’art. 56G aLOJ, pour connaître de la prétention à une indemnité pour harcèlement sexuel (art. 5 al. 3 LEg). Relevant que la LEg réservait les droits en dommages-intérêts et en réparation du tort moral (art. 5 al. 5 LEg) et que la LREC s’appliquait à la responsabilité pour actes illicites commis par des fonctionnaires et des agents publics, il a laissé ouverte, dans les quatre arrêts précités, la question de la nécessité d’une attraction de compétence pour trancher également de la prétention pour tort moral. Dans la mesure où le Tribunal administratif niait l’existence d’un harcèlement et rejetait la demande, il n’avait pas besoin de trancher cette question.

On peut aisément comprendre les raisons qui ont amené le Tribunal administratif à s’interroger sur la nécessité d’une attraction de compétence dans les arrêts susmentionnés. Les prétentions – indemnité pour harcèlement sexuel et indemnité pour tort moral – étaient strictement fondées sur les mêmes faits et étaient intrinsèquement liées l’une à l’autre. En outre, la seconde prétention était directement dépendante de la décision du Tribunal administratif quant à la première prétention. Il eut été délicat de se prononcer sur l’indemnité pour harcèlement sexuel et, si le harcèlement avait été reconnu, de renvoyer la demanderesse devant une autre autorité pour trancher la question du tort moral. Ce procédé aurait en outre créé un risque de contrariété entre les deux jugements.

Une situation similaire pourrait se présenter si le Tribunal administratif avait à trancher d’une demande pour licenciement contraire au droit sur la base de la LPAC, cumulée avec une prétention pour tort moral fondée directement sur le congé lui-même (par exemple en raison des circonstances dans lesquelles le congé a été donné).

Toutefois, tel n’est pas le cas en l’espèce. L’indemnité pour tort moral réclamée par la recourante découle, selon cette dernière, de mobbing et de pressions psychologiques dont elle aurait été victime au cours de ses rapports de travail. Les faits sur lesquels elle articule sa demande sont indépendants de la fin des rapports de service, autre question dont le Tribunal administratif a été saisi. L’action de la recourante contient donc deux aspects : constatation de sa nomination en tant que fonctionnaire, d’une part, et atteinte à sa personnalité durant les rapports de travail, d’autre part. Ces deux volets n’ont pas d’incidence l’un par rapport à l’autre. Pour cette même raison, il n’existe pas de risque que deux instances rendent des jugements contradictoires.

Vu ce qui précède, il ne se justifie pas de déroger, au profit d’une attraction de compétence en faveur du Tribunal administratif, au principe selon lequel les règles de compétence matérielle sont impératives. Le Tribunal administratif n’avait donc pas à entrer en matière par attraction de compétence sur la prétention de la recourante à une indemnité pour tort moral, laquelle peut être jugée indépendamment par l’autorité normalement compétente.

9. a. En conclusion, l’action en dommages-intérêt pour tort moral découlant d’un prétendu acte illicite introduite par Mme N______, en tant qu’employée publique, à l’encontre de l’OCE, est de la compétence du Tribunal de première instance, conformément à l’art. 7 de la loi du 24 février 1989 sur la responsabilité de l’Etat et des communes. Aucun motif ne permet de déroger à cette règle de compétence. C’est par conséquent à juste titre que le Tribunal administratif s’est déclaré incompétent pour connaître de l’action pécuniaire de la recourante, déclarant celle-ci irrecevable.

b. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe. Vu l’issue du litige, il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l’art. 56L al, 2 LOJ).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL DES CONFLITS

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 novembre 2009 par Madame N______ contre la décision du Tribunal administratif du 6 octobre 2009 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

communique le présent arrêt à Me Eric Maugué, avocat de la recourante ainsi qu'au Tribunal administratif.

Siégeants : Mme Troillet Maxwell, présidente, Mme Laemmel-Juillard, M. Hottelier, juges.

Au nom du Tribunal des conflits :

la greffière-juriste :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

A. Troillet Maxwell

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :