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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/258/2023

JTAPI/711/2023 du 26.06.2023 ( OCPM ) , REJETE

REJETE par ATA/49/2024

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/258/2023

JTAPI/711/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 juin 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Jacques EMERY, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1977, est ressortissant du Kosovo.

2.             Par ordonnance pénale du Ministère public du 22 février 2012, il a été condamné pour séjour et travail illégal (art. 115 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), anciennement la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 - LEtr) à une peine pécuniaire de cent-cinquante jours-amendes.

3.             Le 25 février 2012, il a été renvoyé au Kosovo après avoir été placé en détention administrative.

4.             Le 20 novembre 2012, l’office fédéral des migrations (aujourd’hui secrétariat d'État aux migrations - ci-après : SEM) a prononcé une interdiction d’entrée en Suisse à l’encontre de M. A______ pour une durée de trois ans, soit jusqu’au 19 novembre 2015.

N’ayant pas pu être notifiée à M. A______, elle l’a été auprès de son conseil le 30 avril 2015.

5.             Le 17 mai 2017, M. A______ a déposé une demande de permis de séjour et de travail auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM). Il a joint un certain nombre de pièces, notamment un badge d’indentification professionnelle portant l’indication « 03.2012 » de la société B______ Sàrl, un formulaire de demande de reconnaissance d’un cas individuel d’extrême gravité dans le cadre de l’opération « Papyrus », une attestation de C______ SA du 25 juillet 2014 indiquant qu’il avait travaillé pour cette société en 2010 et 2013 comme ouvrier et une confirmation écrite de l’entreprise D______ indiquant le souhait de l’engager à plein temps pour une durée indéterminée.

Il a notamment indiqué être arrivé en Suisse à l’âge de 25 ans et y exercer une activité lucrative depuis quinze ans sans interruption.

6.             Entre juillet 2017 et mai 2018, M. A______ a transmis, à la demande de l’OCPM, divers documents complémentaires, notamment un formulaire M rempli par E______ Sàrl basée à Payerne du 19 septembre 2019 accompagné d’un contrat de travail du 18 décembre 2015, et un formulaire M complété par l’entreprise F______ Sàrl du 24 janvier 2018 accompagné des fiches de salaire pour les mois de janvier à avril 2018.

7.             Suite à différents échanges avec l’OCPM, M A______ a notamment transmis, le 3 décembre 2018, un extrait de compte individuel AVS faisant état de versements de cotisations pour mai et juin et octobre à décembre 2011, septembre à décembre 2014, mai, novembre et décembre 2015 et novembre et décembre 2016.

8.             Par courrier du 1er février 2019, l’OCPM a informé M. A______ qu’il était disposé à faire droit à sa requête et qu’il allait transmettre son dossier au SEM.

9.             Par courrier du 31 mai 2019, le SEM a informé M. A______ qu’il envisageait de refuser de donner une suite favorable à l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur car il n’avait pas été en mesure de prouver un séjour ininterrompu de dix ans à Genève ; les preuves fournies pour l’année 2010 et les années 2012-2014 n’étaient pas probantes. Il avait produit un certificat de travail établi par son employeur, Monsieur G______, attestant qu’il avait travaillé pour son entreprise C______ SA en 2010 et en 2013. Or, il ressortait d'un extrait du registre du commerce que la société précitée avait été dissoute le 12 novembre 2012. Partant, le séjour pour 2010 était également mis en doute. Pour l'année 2012, il avait fourni une copie de son badge d'identification de « second œuvre ». Cependant, il ressortait de son dossier qu’il avait été renvoyé dans son pays d'origine le 25 février 2012. Par ailleurs, le badge susmentionné était daté de mars 2012, sans toutefois préciser s’il s'agissait d’une date d'émission ou d'échéance. Quant à l'année 2014, le SEM constatait qu’il avait cotisé à l'AVS seulement à partir du mois de septembre. Eu égard à ce qui venait d'être relevé, le SEM ne saurait se satisfaire de ces preuves dérisoires pour les années concernées. Partant, il avait vraisemblablement été absent de la Suisse depuis son renvoi en février 2012 et ce jusqu'à l'automne 2014.

10.         Le 11 juillet 2019, M. A______ a transmis des pièces complémentaires à l’OCPM, notamment une attestation de H______ Sàrl indiquant qu’il avait travaillé au sein de l’entreprise du 15 avril au 18 mai 2012.

11.         Le 11 mars 2020, le SEM a informé M. A______ avoir retourné son dossier à l’OCPM.

Sous « Remarque » à l’attention de l’OCPM, il était notamment indiqué que le dossier contenait des attestations de travail douteuses émanant des entreprises C______ SA pour 2010 et 2013 et H______ Sàrl pour la période du 15 avril au 18 mai 2012. Selon les informations obtenues de l’office des faillites du canton de Genève, l’entreprise C______ SA avait cessé son activité le 20 avril 2021 et les employés étaient déjà licenciés à cette date-là même si la faillite avait été prononcée plus tard, à savoir le 12 novembre 2012. Concernant la société H______ Sàrl, cette dernière avait été dissoute par suite de faillite le 15 septembre 2011 avec effet immédiat. Ainsi, l’intéressé n’avait pas pu travailler au sein de ces entreprises déclarées en faillite pendant les périodes susmentionnées.

12.         Par courrier du 2 septembre 2020, M. A______ a demandé à l’OCPM la raison pour laquelle le SEM n’avait rendu aucune décision, ce quoi l’OCPM a répondu, le 9 septembre suivant, que le SEM avait constaté que le dossier transmis était incomplet et que certains aspects n’avaient pas été suffisamment examinés par les autorités cantonales ; le SEM n’avait donc pas été en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause.

13.         Le 17 novembre 2020, M. A______ a été interpellé par la police et prévenu pour avoir séjourné et travaillé illégalement en Suisse depuis des années, avoir favorisé le séjour d’étrangers en situation irrégulière en Suisse, en hébergeant des personnes démunies de titre de séjour dans son appartement, et voir fourni de faux documents à l’OCPM dans le cadre de sa demande de régularisation « Papyrus ».

14.         Le 21 juin 2021, M. A______ a sollicité auprès de l’OCPM le regroupement familial en faveur de son épouse et de ses deux enfants vivant au Kosovo.

15.         Par courriel du 29 juin 2021, l’OCPM a répondu à M. A______ qu’à ce jour il n’était pas au bénéfice d’une autorisation de séjour en Suisse et que son dossier faisait l’objet d’une instruction approfondie. Dès lors, sa demande de regroupement familial était suspendue.

16.         Par jugement du 12 mai 2022, le Tribunal de police a acquitté M. A______ de faux dans les titres pour les attestations de H______ Sàrl et C______ SA. Il l’a par contre déclaré coupable de pornographie, d’entrée et séjour illégal, d’activité lucrative sans autorisation, de facilitation de séjour illégal d’un étranger, de tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 LEI et d’infraction à l’art. 92 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), et condamné à une peine pécuniaire de cent-quatre-vingt jours amende. Il a renoncé à ordonner son expulsion facultative au sens de l’art. 66bis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

Il ressortait notamment de ce jugement que M. A______ n’avait jamais travaillé pour H______ Sàrl – l’attestation produite était donc erronée mais il ignorait qu’il s’agissait d’un faux – mais, en 2012 il avait travaillé pour Monsieur I______ au noir ; comme il lui manquait des preuves pour les années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014, il avait contacté ce dernier pour des attestations.

M. A______ n’avait jamais entendu parler de C______ SA et de J______ ni vu des attestations établies au nom de ces derniers.

17.         Par courrier du 3 octobre 2022, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser d’accéder à sa requête du 17 mai 2017, et par conséquent, de refuser de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM. Il lui a également transmis son intention de prononcer son renvoi de Suisse et de transmettre ses actes ultérieurement au SEM afin que cette autorité juge de l’opportunité de prononcer une interdiction d’entrée en Suisse à son encontre.

Un délai trente jours lui était accordé pour lui faire part de ses observations et objections éventuelles.

18.         M. A______, sous la plume de son conseil, a présenté ses observations le 2 novembre 2022.

Il n’avait été absent de Suisse que quelques semaines et c’était le cas de rigueur qui l’avait poussé à revenir en Suisse. Son intégration professionnelle en Suisse était particulièrement élevée dès lors qu’il avait créé sa propre entreprise et l’avait développée. Il avait fait le sacrifice d’être privé de sa femme et de ses enfants de manière consciente en quittant le Kosovo, sachant que s’il y restait il n’aurait pas les moyens de subvenir à leurs besoins élémentaires.

Il avait fourni dans le cadre de la procédure une ancienne adresse par simple négligence et non pas pour tromper les autorités, et l’ensemble des documents produits fournissaient la preuve qu’il remplissait les conditions pour obtenir la régularisation « Papyrus ».

Par ailleurs, l’OCPM avait déjà préavisé favorablement son dossier le 1er février 2019 et aucun élément nouveau n’avait d’incidence sur la procédure.

19.         Par décision du 5 décembre 2022, l’OCPM a refusé de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM et prononcé son renvoi de Suisse. Un délai au 5 février 2023 lui était imparti pour quitter la Suisse.

M. A______ avait été renvoyé au Kosovo le 25 févier 2012 et son séjour avait dès lors pris fin. Même si, selon ses déclarations, il était revenu sur le territoire Suisse quelques mois après, son retour au Kosovo avait engendré une rupture définitive de son séjour en Suisse, même s’il était de courte durée.

Sa présence en Suisse d’une durée ininterrompue de dix ans n’avait pas été démontrée à satisfaction. Il avait été reconnu coupable d’infraction relative à un comportement frauduleux à l’égard des autorités par le Tribunal de police pour avoir produit un certificat erroné de H______ Sàrl en toute connaissance de cause afin qu’il soit transmis à l’OCPM dans le but de valider sa présence en Suisse.

Sa situation ne répondait dès lors pas aux critères de l’opération « Papyrus » notamment une durée ininterrompue de séjour de dix ans pour une personne célibataire et sans enfant, ainsi qu’au vu de son comportement.

Il ne remplissait par ailleurs pas non plus les conditions d’un cas d’extrême gravité. Quand bien même ses conditions de vie au Kosovo étaient précaires, il n’en demeurait pas moins qu’il n’avait pas été autorisé à revenir en Suisse. Lors de son audition, il avait reconnu savoir faire l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse et il s’était cependant rendu au Kosovo à plusieurs reprises durant la période pénale visée puis était revenu en Suisse en y pénétrant de manière illégale. Il avait donc spontanément violé une interdiction d’entrée, élément qui, à son sens, était un non-respect de l’ordre juridique suisse. Il n’avait ainsi pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable.

Les qualifications acquises en Suisse lui avaient permis de créer sa propre entreprise et ces dernières pouvaient largement être déployées au Kosovo ; son retour dans son pays d’origine était tout à fait raisonnable et pourrait se dérouler sans être confronté à des obstacles insurmontables, ce d’autant plus que son épouse et ses enfants demeuraient sur place.

Enfin, il n’avait pas démontré qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place.

20.         Par arrêt du 5 janvier 2023, la Chambre d’appel et de recours (ci-après : CPAR) a reconnu M . A______ coupable de faux dans les titres en lien avec l’attestation H______ Sàrl - produite dans la procédure devant l’OCPM par le conseil de M. A______ - mais pas pour les attestations de K______ SA et J______ - car été produites à son insu -, de pornographie, d’entrée et de séjour illégal, d’activité lucrative sans autorisation, de facilitation de séjour illégal d’un étranger et de tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 LEI, et l’a condamné à une peine privative de liberté de dix mois. Il a également été reconnu coupable d’infraction à l’art. 92 al. 1 let. a LAMAL et condamné à une peine pécuniaire de vingt jours-amende.

Son expulsion facultative au sens de l’art. 66bis du CP était ordonnée.

Il ressortait notamment de cet arrêt que M. A______ n’avait jamais travaillé pour C______ SA et J______, ni pour H______ Sàrl, ce qu’il reconnaissait.

21.         Par acte du 23 janvier 2023, M. A______ (ci-après : le recourant), sous la plume de son conseil, a recouru contre la décision de l’OCPM du 5 décembre 2022 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et à ce que son dossier soit soumis au SEM, subsidiairement au renvoi du dossier à l’OCPM pour qu’il statue dans le sens des considérants, sous suite de frais et dépens.

Il sollicitait la prolongation du délai pour apporter la justification complète de son recours dans la mesure où son conseil n’avait pas été en mesure de se procurer l’ensemble des pièces justificatives, et motiver le recours.

22.         Dans le délai imparti, le recourant a produit un recours motivé.

Il avait été acquitté par le Tribunal de police pour les faits de faux dans les titres et avait indiqué avoir travaillé pour M. I______, qui s’était présenté comme administrateur de la société.

Il était par ailleurs totalement abusif de soutenir que la condition de la durée du séjour de dix ans ne serait pas remplie en raison de l’interruption de ce séjour pour une courte durée de seulement quelques semaines afin de rendre visite à sa famille ; il avait obtenu plusieurs visas de retour pour se rendre au Kosovo dont il avait toujours respecté les conditions.

Son intégration était réussie, ayant développé son entreprise lui permettant de subvenir de manière autonome à ses propres besoins et à ceux de sa famille.

Sa condamnation par le Tribunal de police en raison du fait qu’il avait accueilli des personnes en séjour illégal concernait manifestement une infraction liée au séjour illégal visé par la directive « Papyrus » comme permettant la régularisation. Concernant les informations erronées données à l’OCPM sur son adresse, on ne saurait les qualifier de fraude dans la mesure où il avait été établi que, peu de temps après avoir donné ces informations erronées, il avait trouvé un logement et communiqué sa nouvelle adresse à l’OCPM. S’agissant enfin de son obligation de s’affilier à une assurance-maladie, l’infraction était liée au séjour illégal, étant souligné qu’il était maintenant en règle. Le Tribunal de police avait par ailleurs renoncé à prononcer son expulsion facultative. Une fois sa situation régularisée, il n’existait aucun risque qu’il commette à nouveau des actes similaires.

Enfin, en sanctionnant le séjour et le travail illégaux tout en délivrant des attestations de séjour, l’autorité cantonale avait violé le principe de la bonne foi. Cette dernière était de mauvaise fois lorsqu’elle renonçait à proposer le dossier au SEM pour des motifs qu’elle connaissait déjà en 2019 et alors même que les infractions de faux dans les titres avaient été écartées par l’autorité pénale.

23.         L’OCPM a répondu au recours le 23 mars 2023, concluant à son rejet. Il a produit son dossier.

Le recourant n’avait pas été en mesure d’apporter la preuve d’un séjour continu de dix ans minimum sans interruption avant le dépôt de sa requête, son renvoi forcé ayant mis fin à son séjour passé en Suisse jusqu’alors : la continuité de son séjour devait donc être déniée. Pour ce seul motif, il n’était pas éligible à l’opération « Papyrus ».

Il ne pouvait pas se prévaloir d’un comportement irréprochable vu sa condamnation pour tentative de comportement frauduleux à l’égard des autorités et sa persistance à pénétrer dans le territoire suisse, à y demeurer et à y travailler, faisant fi des décisions administratives et pénales prises à son encontre.

Pour l’analyse de la situation sous l’angle du cas de rigueur, la durée de son séjour, même si elle devait être qualifiée de longue, devait être fortement relativisée puisqu’elle était en majeure partie illégale, qui plus est alors que le recourant était sous le coup d’une interdiction d’entrée en Suisse.

Le recourant était par ailleurs marié et père de deux enfants, et était retourné à plusieurs reprises au Kosovo auprès de sa famille.

Enfin, en l’absence d’une intégration professionnelle exceptionnelle et en présence de possibilités de réintégration dans son pays d’origine, l’OCPM confirmait sa décision.

24.         Le recourant a répliqué le 17 avril 2023, persistant dans ses conclusions.

25.         L’OCPM a indiqué, le 10 mai 2023, ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler.

26.         Il ressort notamment du dossier que M. A______ a bénéficié de plusieurs visas de retour entre 2018 et 2019 pour des séjours de un à deux mois au Kosovo, pour raisons familiales.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Le 1er janvier 2019, une révision de la LEtr, intitulée depuis lors LEI, est entrée en vigueur. Selon l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l'ancien droit (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_94/2020 du 4 juin 2020 consid. 3.1 ; 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1 ; ATA/1331/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3a).

En l'occurrence, le recourant a déposé sa requête le 23 mai 2017. La loi dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2019 reste donc applicable au présent litige.

6.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

7.             Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, dont la teneur n'a pas changé le 1er janvier 2019, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

8.             L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019 - étant précisé que le nouveau droit n’est pas plus favorable et que la jurisprudence développée sous l’ancien droit reste applicable (ATA/344/2021 du 23 mars 2021 consid. 7a) -, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (cf. ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

9.             Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1020/2017 du 27 juin 2017 consid. 5b ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3 ; 2C_222/2017 du 29 novembre 2017 consid. 1.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (cf. ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

10.         La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATAF F-6322/2016 du 1er mai 2018 consid. 4.6 et les références citées ; ATA/353/2019 précité consid. 5d ; ATA/38/2019 précité consid. 4d).). Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017 ; ATA/287/2016 du 5 avril 2016).

11.         La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’intéressé, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; ATA/577/2021 du 1er juin 2021 consid. 2c).

12.         L'opération « Papyrus » est un processus de régularisation des personnes séjournant à Genève sans titre de séjour, lancé publiquement en février 2017, pour une période de deux ans, par les autorités exécutives cantonales genevoises « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al.1 let. b LEI et 31 OASA) » (cf. communiqué de presse du 21 février 2017 accessible sur Internet à l'adresse suivante : https://www.ge.ch/actualite/operation-papyrus-presentee-aux-medias-21-02-2017).

Elle a pris fin le 31 décembre 2018 (« Point de situation intermédiaire relatif à la clôture du projet Papyrus » publié par le Conseil d'État en date du 4 mars 2019, cf. https://www.ge.ch/dossier/operation-papyrus).

13.         Les critères objectifs et cumulatifs permettant aux personnes concernées de demander la légalisation de leur séjour selon ce programme étaient les suivants : une intégration réussie (niveau A2 de français du cadre européen commun de référence pour les langues et scolarisation des enfants notamment) ; une absence de condamnation pénale ; une indépendance financière complète ; un séjour continu de cinq ans (pour les familles avec enfants scolarisés) ou de dix ans pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires.

14.         S'agissant des justificatifs de séjour à Genève, un document par année de séjour était exigé pour les preuves de catégories A (à savoir, extraits AVS, attestations de l'administration fiscale, de scolarité ou de suivi d'un cours de langue à Genève, fiches de salaire, contrats de travail ou de bail, polices d'assurance, abonnements TPG nominatifs, extraits de compte bancaires ou postaux, factures nominatives de médecin, de téléphone ou des SIG). Pour les preuves de catégories B (à savoir, abonnements de fitness, témoignages « engageants » notamment d'enseignants, d'anciens employeurs ou de médecins ou des documents attestant de différentes démarches) trois à cinq documents par année de séjour étaient exigés.

15.         La durée prise en considération doit correspondre à un séjour continu. Si une ou deux courtes interruptions annuelles, correspondant par exemple à la durée usuelle de quatre semaines de vacances, sont admissibles, la continuité du séjour en Suisse n'est par contre pas compatible avec des absences répétées ou des allers-retours avec le pays d'origine, notamment lorsqu'aucun emploi ne peut être trouvé en Suisse, ou encore avec des séjours répétés dans d'autres pays pour des motifs familiaux ou professionnels. Dans ces cas, en effet, même lorsque la personne vit la majeure partie du temps en Suisse, cela dénote un mode de vie fondé sur des déplacements selon les opportunités et, quand bien même elle parvient à établir un réseau social en Suisse, on ne peut considérer qu'elle y a vraiment installé son centre de vie et que son départ au bout de plusieurs années constituerait pour elle un véritable déracinement (JTAPI/984/2021 du 27 septembre 2021 consid. 18, confirmé par ATA/191/2022 du 22 février 2022).

16.         Le Tribunal administratif fédéral (TAF) a eu à se pencher récemment sur la problématique de la durée de séjour continu, telle qu’exigée par l’opération « Papyrus », plus précisément sur la prise en compte ou non d’une interruption du séjour. Il s’agissait en l’occurrence d’un séjour de la recourante aux Philippines entre 2015 et 2016, sans toutefois donner davantage de précisions, ni quant à la date à laquelle elle était partie dans ce pays, ni quant à celle de son retour en Suisse. Selon elle, son départ de Suisse était justifié par un typhon qui avait ravagé les Philippines, soit un départ qui ne relevait pas de la simple commodité, « mais était motivé par un cas de force majeure et notoire ». Ses déclarations n’étaient toutefois étayées par aucune pièce au dossier qui permettrait de vérifier leur véracité. La recourante avait ainsi admis avoir effectivement interrompu son séjour de Genève, pour plus d’une année, entre 2015 et 2016. À cela s’ajoutait encore qu’elle avait été mise au bénéfice d’un visa Schengen touristique maltais, octroyé le 26 août 2016 – alors qu’elle se trouvait vraisemblablement à Pékin (« Beijing ») –, valable entre le 15 octobre et le 15 novembre 2016. À supposer que la jurisprudence genevoise au sujet de motifs excusables pour une interruption du séjour puisse être appliquée, ce qui était douteux en l’occurrence, l’intéressée n’avait pas étayé à satisfaction de droit l’assistance fournie à sa famille en rapport avec un typhon. De plus, le TAF considérait qu’une interruption de plus d’une année serait bien trop étendue pour satisfaire à la nature tout à fait exceptionnelle de la dérogation envisagée. Ainsi, la recourante ne remplissait pas la condition du séjour ininterrompu de 10 ans dans le canton de Genève (arrêt du TAF F_4717/2020 du 23 mai 2022 consid. 6.2.2).

S’agissant de la jurisprudence genevoise à laquelle le TAF fait référence, ce dernier a relevé que la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) retenait, à tout le moins de façon implicite, que la durée du séjour ininterrompu devait s’examiner concernant les 5 ou 10 ans qui précédaient le dépôt de la demande d’autorisation de séjour. La jurisprudence semblait toutefois relativiser le critère de la durée de séjour continu en cas de motifs impérieux liés à des situations particulières. Il en était ainsi dans un arrêt ATA/1000/2019 du 11 juin 2019, dans lequel une interruption du séjour en Suisse de 9 mois avait été relativisée, dès lors que le séjour d’une famille avait été prolongé au vu de la « gravité de la maladie » du père du recourant. Il y était aussi relevé que « le retour des recourants au Brésil pos[ait] la question de savoir si ce séjour dans leur pays d’origine [pouvait] être considéré comme une véritable interruption de leur séjour en Suisse dans la mesure où il était imposé par des circonstances particulières de la maladie du père du recourant » (arrêt du TAF 4717/2020 précité, consid. 5.3.2 et références citées).

Dans un arrêt du 27 septembre 2022 (ATA/970/2022) la chambre administrative a retenu, en lien avec la jurisprudence susmentionnée, que le recourant ne saurait se prévaloir d’un cas de force majeure en lien avec son retour au Kosovo, puisqu’il y a été renvoyé, en avion, après avoir été interpellé et condamné, pour la seconde fois, pour séjour illégal en Suisse. Il y a de plus lieu de rappeler que sa seconde condamnation, du 16 avril 2012, a été prononcée à son encontre alors qu’il faisait l’objet d’une IES notifiée le 28 avril 2011 et valable jusqu’au 17 mai 2013. Ainsi, lorsqu’un étranger est renvoyé dans ces circonstances dans son pays d’origine et que ce nonobstant il y revient, comme en l’espèce, environ une année et demie plus tard, il ne saurait être mis au bénéfice du cas de force majeure, contrairement à la situation précitée de la personne qui avait dû rentrer quelques mois au Brésil pour s’occuper d’un membre de sa famille gravement malade. Le recourant est en effet responsable de la situation qu’il a lui-même créé et il ne saurait en retirer un bénéfice.

17.         Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (cf. ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).

18.         Le Conseil fédéral a précisé que, dans le cadre de ce projet pilote, le SEM avait procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s'agissait donc pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse, ni d'une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voyait pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur simplement parce qu'elle séjournait et travaillait illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation était constitutive d'un cas de rigueur, en raison notamment de la durée importante de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l'âge de scolarisation de ses enfants (ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 7a ; ATA/1234/2019 du 13 août 2019 consid. 6 ; ATA/1000/2019 du 11 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

19.         S'agissant de l'intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l'octroi d'un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A_543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées).

Le fait de travailler pour ne pas dépendre de l'aide sociale, d'éviter de commettre des actes répréhensibles et de s'efforcer d'apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu de domicile constitue un comportement ordinaire qui peut être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il ne s'agit pas là de circonstances exceptionnelles permettant, à elles seules, de retenir l'existence d'une intégration particulièrement marquée, susceptible de justifier la reconnaissance d'un cas de rigueur. L'intégration socio-culturelle n'est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/ 2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l'engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d'une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2).

Il ne faut pas non plus perdre de vue qu’il est parfaitement normal qu'une personne ayant effectué un séjour prolongé en Suisse s'y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Aussi, les relations d'amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l'étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3 ; F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3).

Lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, elle y reste encore attachée dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

20.         Dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (ancien art. 96 al. 1 LEtr). L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA, dont elle est tenue de faire le meilleur exercice en respectant les droits procéduraux des parties.

21.         En l'espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal parvient à la conclusion que l'OCPM n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA pour la reconnaissance d'un cas de rigueur, y compris sous l'angle particulier de l'opération « Papyrus », étant avant tout rappelé que le seul fait de séjourner en Suisse pendant plusieurs années n'est à cet égard pas suffisant, sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles, lesquelles font ici défaut.

Ayant déposé sa demande de régularisation et d'autorisation de séjour pour cas de rigueur le 23 mai 2017, c'est à juste titre que l'autorité intimée l’a examinée sous l'angle des critères de l'opération « Papyrus ». Toutefois, pour bénéficier de ce programme, l’intéressé devait notamment pouvoir démontrer, au jour du dépôt de sa requête, un séjour continu d’une durée de dix ans ainsi que l’absence de condamnation pénale, pour des faits autres que le séjour illégal et le travail sans autorisation.

Concernant cette dernière condition, le recourant a été condamné par jugement du Tribunal de police du 12 mai 2022 ; outre des infractions liées à son séjour illégal, pour pornographie, facilitation de séjour illégal d’un étranger, tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 LEI et infraction à l’art. 92 al. 1 let. a LAMAL. Il a été acquitté pour l’infraction de faux dans les titres. Cependant, dans son arrêt du 5 janvier 2023, la CPAR a confirmé la culpabilité du recourant pour les diverses infractions retenues par le Tribunal de police mais a, de plus, reconnu le recourant coupable de faux dans les titres en lien avec l’attestation de H______ Sàrl; il ressort de cet arrêt que les attestations de C______ SA et J______ avaient été produites par M. L______ à l’appui de la demande de régularisation des conditions de séjour du recourant sans que celui-ci ne le sache : aucune infraction ne pouvait lui être reprochée. Par contre, le recourant devait savoir que l’attestation de H______S Sàrl était en faux, ayant admis devant la police ne pas avoir travaillé pour cette entreprise mais pour M. I______, et ayant lui-même produit l’attestation dans le cadre de sa demande à l’OCPM, ce qui conduit à sa condamnation pour faux dans les titres.

Le recourant indique dans sa demande d’autorisation de séjour être en Suisse depuis quinze ans et y avoir toujours exercé une activité lucrative. Il n’a cependant pas été en mesure de prouver la continuité de son séjour à Genève depuis son arrivée, en particulier avant 2015. En effet, à la lecture de l’extrait AVS, il n’a cotisé que quatre mois en 2011, rien en 2012 et 2013, quatre mois en 2014 et trois mois en 2015, ce qui en saurait suffire à prouver sa présence interrompue en Suisse entre 2011 et 2015. Aucune pièce n’a pas ailleurs été produite en lien avec une activité auprès de M. I______ et, au vu de ce qui précède, en 2010 et 2013 il n’a pas travaillé pour C______ SA, ni pour H______S Sàrl du 15 avril 2012 au 18 mai 2012. Quant au badge d’identification professionnel portant la date de « 03.2012 », il ne prouve aucunement la présence du recourant en Suisse en mars 2012, étant précisé que ce dernier a été renvoyé au Kosovo le 25 février 2012. Il s’ensuit que sur la base des propres déclarations du recourant et des pièces qu’il a lui-même versées au dossier, il peut au mieux être retenu qu’il a travaillé quelques mois en Suisse en 2011, 2014 et 2015. Il a enfin été renvoyé de Suisse au Kosovo le 25 février 2012, ce qui a mis fin à son séjour en Suisse et entrainé une rupture définitive de son séjour en Suisse, indépendamment de la durée de l’absence, que le recourant n’indique pas, conformément à la jurisprudence mentionnée plus haut.

Partant, faute d’avoir, pour le surplus, démontré qu’il y séjournait également lorsqu’il n’y travaillait pas, le tribunal retiendra que la condition de dix ans de séjour continu en Suisse n’était pas remplie au jour du dépôt de sa demande de régularisation. Pour ce motif, il ne peut donc pas obtenir une autorisation de séjour sur la base des critères cumulatifs - stricts et sans dérogation possible - retenus dans le cadre de l’opération « Papyrus ».

22.         Sous l’angle du cas de rigueur, si l’on retient que le recourant est arrivé en Suisse en 2010 environ, son séjour en Suisse n’a pas été continu. Or, conformément à la jurisprudence rappelée plus haut, la notion d'intégration rattachée à la durée du séjour implique que la personne concernée implante véritablement son centre de vie en Suisse et qu'elle ne quitte plus ce pays, hormis pour de courts voyages à l'extérieur. Il doit également être relevé que le recourant n'a jamais bénéficié d'un quelconque titre de séjour et que depuis le dépôt de sa demande de régularisation, le 17 mai 2017, son séjour se poursuit au bénéfice d'une simple tolérance. De plus, il a fait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse d’une durée de trois ans dont il a totalement fait fi. Il ne peut dès lors tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse, qui doit en l'occurrence être fortement relativisée, pour bénéficier d'une dérogation aux conditions d’admission. Il doit en outre être relevé qu’arrivé en Suisse à l’âge de 40 ans, le recourant a vécu la majeure partie de son existence dans son pays d'origine, notamment son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte. Il y a d’ailleurs fondé sa famille qui y vit toujours.

Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'évoquer en détail la question de l'intégration socio-professionnelle du recourant. Le tribunal se contentera d'insister sur le fait qu'au sens de la jurisprudence rappelée plus haut, seule une intégration exceptionnelle, et non pas le simple fait d'avoir déployé une activité lucrative sans dépendre de l'aide sociale ni accumuler de dettes, peut permettre dans certains cas d'admettre un cas individuel d'extrême gravité malgré que la personne concernée ne séjourne pas en Suisse de manière continue depuis une longue durée. Dans le cas du recourant, quand bien même son intégration serait qualifiée de bonne sous l'angle socio-professionnel, elle demeure néanmoins ordinaire et ne correspond pas au caractère exceptionnel rappelé plus haut.

Bien que l'on puisse imaginer que la réintégration du recourant dans son pays d'origine ne sera pas simple, cette circonstance n'apparaît pas, à teneur du recours, liée à des circonstances personnelles, mais bien davantage aux conditions socio-économiques prévalant au Kosovo. Or, selon la jurisprudence mentionnée plus haut, l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité n'a précisément pas pour but de soustraire une personne aux conditions générales affectant l'ensemble de ses compatriotes dans leur pays. Le recourant a de plus de fortes attaches au Kosovo, où il est régulièrement retourné, puisqu’y vivent notamment sa femme et ses trois enfants. Il pourra ainsi compter sur leur soutien, à tout le moins logistique. Partant, il n'apparaît pas que la réintégration du recourant dans son pays d'origine soit fortement compromise ni qu’un départ de Suisse constituerait un déracinement. S’il se heurtera sans doute à quelques difficultés de réadaptation, il ne démontre pas que celles-ci seraient plus graves pour lui que pour n’importe lequel de ses concitoyens qui se trouverait dans une situation similaire, étant rappelé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce que le recourant n’a pas établi. Enfin, il faut rappeler que celui qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 et les références citées). Ainsi, au vu de son statut précaire en Suisse, le recourant ne pouvait à aucun moment ignorer qu'il risquait d'être renvoyé dans son pays d'origine.

23.         Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a pas violé la loi ni excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en rejetant la demande de régularisation des conditions de séjour du recourant. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l'OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

24.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

25.         En l’espèce, dès lors qu'il a refusé de délivrer une autorisation de séjour au recourant, l'OCPM devait ordonner son renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI. Aucun élément ne laisse pour le surplus supposer que l'exécution de cette mesure se révélerait impossible, illicite ou inexigible.

26.         Compte tenu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté.

27.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

28.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 23 janvier 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 5 décembre 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière