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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2122/2020

JTAPI/713/2021 du 13.07.2021 ( OCPM ) , ADMIS

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR;AUTORISATION DE SÉJOUR;DURÉE MINIMALE DE SÉJOUR;FARDEAU DE LA PREUVE;PREUVE;TÉMOIN;ADMISSION DE LA DEMANDE
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2122/2020

JTAPI/713/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 13 juillet 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Gazmend ELMAZI, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1982, est ressortissant du Kosovo.

2.             Selon ses déclarations, il est arrivé en Suisse en 2007.

3.             Le 24 novembre 2014, M. A______ a été condamné par le Ministère public de Bâle-Campagne à une ordonnance pénale pour violation légère des règles de la circulation routière. Entendu à cette occasion, il a indiqué résider en France, à Annecy. Il a été condamné à une amende de CHF 60.-.

4.             Entendu par le police le 25 novembre 2014 à Versoix, M. A______ a indiqué travailler comme cuisinier et serveur depuis cinq ans, pour le même employeur, et habiter parfois en Suisse chez des amis et avoir en sous-location un appartement à Genève, dont il ne pouvait donner l’adresse exacte pour ne pas créer de problèmes au locataire. Il avait une adresse postale chez son frère en France, à Annemasse. Il travaillait pour subvenir à ses besoins, et les charges sociales étaient retenues sur son salaire. Des démarches étaient en cours pour déposer une demande d’autorisation.

5.             Le 26 janvier 2015, M. A______ a été condamné par le Ministère public du canton de Genève à une peine pécuniaire de quarante jours-amende à CHF 30.- le jour, avec sursis, pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation. L’ordonnance pénale précisait que M. A______ avait indiqué que « son adresse en France était une adresse postale » mais qu’il logeait à Genève depuis quatre mois.

6.             Le 30 mars 2015, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé une interdiction d’entrée à l’encontre de M. A______, valable jusqu’au 29 mars 2018, en raison de son entrée, séjour et travail illégal depuis plusieurs années en Suisse.

7.             Le 17 juillet 2017, M. A______ a déposé, par l’intermédiaire du Syndicat B______, une demande d’autorisation de séjour dans le cadre de l’opération « Papyrus » auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

8.             Dans le cadre de cette demande, le requérant a indiqué être arrivé en Suisse en 2007 et a produit les documents suivants, afin de le démontrer :

-          Feuille de salaire 2007 ;

-          Feuille de salaire 2008 ;

-          Feuille de salaire 2009 ;

-          Feuille de salaire 2010 I, II et extrait du compte individuel AVS ;

-          Feuille de salaire 2011 et certificat d’assuré 2011 ;

-          Feuille de salaire 2012 et certificat d’assuré 2012, attestation du Docteur C______ ;

-          Feuille de salaire 2013, certificat d’assuré 2013, document médical de 2013, cotisations B______, courrier de l’administration fiscale cantonale ;

-          Feuille de salaire 2014, attestation d’assurance, prime d’assurance-maladie 2014 et attestation du Dr C______ ;

-          Feuille de salaire 2015, cotisations B______, prime d’assurance-maladie 2016, attestation du Dr C______.

Il a également joint un extrait de son casier judiciaire suisse du 2 juin 2017 et une attestation de connaissance de la langue française de niveau A2.

9.             Le 8 septembre 2017, l’OCPM a demandé que les éventuelles interruptions de séjour lui soient communiquées. Il souhaitait en outre savoir si M. A______ avait déjà résidé en France.

10.         Le 3 octobre 2017, le requérant, par le biais de son mandataire, a indiqué avoir quitté la Suisse entre le 25 décembre 2009 et le 2 janvier 2010, du 7 juillet 2012 au 29 août 2012, ainsi que du 27 mai 2015 au 15 septembre 2015 pour rendre visite à sa famille. Il n’avait jamais résidé en France mais utilisé l’adresse de son frère pour des raisons administratives, notamment pour ses fiches de salaire.

Il a joint une attestation sur l’honneur contenant la liste de ses adresses à Genève. Il avait pris connaissance de l’ordonnance pénale de Bâle, dont il ignorait l’existence, et réglé l’amende.

11.         Le 27 novembre 2017, l’OCPM a préavisé favorablement son dossier et transmis celui-ci au SEM en vue de la délivrance de l’autorisation sollicitée.

12.         Le 9 juillet 2018, le SEM a retourné le dossier à l’OCPM pour nouvel examen.

Il estimait que l’une des conditions requises pour l’opération « Papyrus » n’était pas remplie, à savoir la durée de séjour de dix ans à Genève, au regard de certaines contradictions apparaissant au dossier, notamment les déclarations à la police.

13.         Le 10 août 2018, l’OCPM a informé M. A______ de la reprise de la procédure de régularisation au regard du courrier du SEM du 9 juillet 2018. Il sollicitait des éclaircissements quant à sa « résidence en France de 2007 à 2014 », ainsi que des justificatifs de résidence complémentaires à Genève pour ces années. En outre, il était invité à lui faire parvenir, dans les trente jours, un formulaire M récent rempli et signé pour chaque employeur, une attestation de non-poursuite récente, une attestation récente de l’Hospice général (ci-après : HG) de non-assistance et une déclaration selon laquelle il attestait ne pas avoir déposé de demande d’autorisation de séjour dans un pays de l’UE/AELE.

Il ressort du dossier de l’OCPM que ces documents ont été transmis. L’extrait du registre des poursuites ne fait état d’aucune poursuite ni acte de défaut de bien et l’HG a indiqué le 16 août 2018 que le requérant n’était pas aidé financièrement par ses soins.

14.         Le 17 décembre 2019, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser de lui octroyer l’autorisation sollicitée et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai de trente jours lui était imparti pour faire valoir son droit d’être entendu.

15.         Par courrier du 30 janvier 2020, représenté par le B______, M. A______ a indiqué n’avoir jamais habité en France mais utilisé l’adresse de son frère à des fins administratives, à la demande de son employeur. Il était arrivé en Suisse en 2007 et avait toujours travaillé pour le même employeur, dans des restaurants différents.

Il travaillait ainsi depuis 2010 à la D______, route E______ 1______ à Versoix, et avait des horaires coupés, comme souvent dans la restauration. Il travaillait le matin de 9h30 à 14h30 et le soir de 18h00 à 22h30. En transport en commun, il fallait entre une et deux heures pour se rendre de Versoix à Annemasse, rendant impossible de résider en France et de travailler à Versoix. Au contraire, il habitait à Versoix afin d’y passer ses 3h30 de pause chaque jour.

En situation irrégulière, il était logique que l’adresse de son frère apparaissent sur ses documents, dès lors que celle-ci avait été transmise en premier lieu.

Il a joint divers documents à l’appui de son courrier, soit une attestation de son employeur, faisant état de son engagement à la D______ depuis le 2 juillet 2010, date de déclaration aux assurances sociales, une attestation de son médecin, indiquant qu’il fréquentait son cabinet depuis 2012, une attestation de son frère selon laquelle il n’avait jamais vécu chez lui en France, diverses attestations de connaissances, avec leurs pièces d’identités, précisant les adresses de M. A______ en Suisse et des feuilles de salaire de 2008 à 2019, déjà transmises dans le cadre de sa demande d’autorisation.

Si l’autorité persistait dans son intention de refus, il demandait à être entendu afin de pouvoir s’exprimer de vive voix, les documents délivrés par le Ministère public étant de toute évidence insuffisants pour rendre une décision négative.

16.         Par décision du 9 juin 2020 l’OCPM a refusé d’accorder l’autorisation sollicitée et prononcé le renvoi de M. A______ de Suisse.

À teneur des pièces produites, il existait une contradiction entre les preuves de séjour en Suisse et en France pour les années 2014 et 2015, le séjour de dix ans en Suisse n’étant pas justifié à satisfaction de droit.

En outre, les pièces produites ne prouvaient pas non plus la résidence en Suisse entre 2010 et 2014, les documents de l’administration fiscale cantonale et les certificats d’assuré de prévoyance sociale W______ étant libellés à l’adresse professionnelle de l’employeur P______ Sàrl, route E______ 2______, à Versoix.

17.         Par acte du 10 juillet 2020, M. A______, sous la plume de son conseil, a interjeté recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et à ce que son dossier soit préavisé favorablement et transmis au SEM, ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité équitable.

Préalablement, il a conclu à son audition et à celle de vingt-neuf témoins, lesquels pouvaient attester qu’il n’avait jamais résidé en France.

Il avait produit des preuves de catégorie A pour ses dix années de séjour en Suisse. Il parlait français, était indépendant financièrement et remplissait donc toutes les conditions de l’opération « Papyrus » pour un célibataire sans enfants. Il n’avait jamais vécu en France. Il avait utilisé l’adresse de son frère comme boîte postale à des fins administratives. Il avait indiqué vivre en France lors de son interpellation par la police afin d’éviter des ennuis judiciaires à ses logeurs. Il lui aurait été impossible de vivre en France pour plusieurs raisons. Dépourvu de titre de séjour, il était invraisemblable qu’il ait traversé la frontière plusieurs fois par jours sans contrôles. En outre, son frère attestait ne pas avoir habité avec lui à Annemasse, rue de la Résistance, son logement de 50 m2, ne disposant que d’une seule chambre et lui-même y vivant avec sa femme et leurs trois enfants.

Il avait logé entre 2007 et 2009 rue du F______, aux G______, entre 2009 et 2011, à H______, au M______, entre 2011 et 2014, chemin I______, à Versoix, entre 2014 et 2015, rue J______, à Versoix, entre 2015 et 2016 chemin K______, à Versoix et enfin depuis 2017 route E______ 3______, à Versoix toujours. Des témoins pouvaient attester de sa résidence continue en Suisse depuis 2007.

Il avait toujours été soigné à Genève, où se trouvait le centre de ses intérêts vitaux.

Il a joint à son recours de nombreuses pièces, soit notamment des attestations de trente personnes, connaissances, amis et employeurs, qui certifiaient toutes de ses différents logements à Genève et du fait qu’il y avait toujours résidé et non en France.

18.         Dans ses observations du 15 septembre 2020, l’OCPM a conclu à l’audition de certains témoins afin de clarifier le nombre d’années passées en Suisse par le recourant, ainsi que l’apport du dossier fiscal du recourant, afin de savoir s’il a été taxé à la source en tant que frontalier ou personne étrangère résidant en Suisse. Il a produit son dossier.

Contrairement à ce qu’il avait déclaré dans le passé, le recourant indiquait désormais qu’il n’avait jamais vécu en France.

19.         Dans sa réplique du 9 octobre 2020, le recourant a persisté dans ses conclusions et explications précédentes et souligné qu’il avait produit de nombreuses déclarations écrites et que l’audition des témoins permettrait définitivement de démontrer son séjour en Suisse durant la période concernée.

S’agissant de son dossier fiscal, il rappelait avoir utilisé une adresse française comme boîte postale à des fins administratives, et il était possible que son employeur l’ait annoncé comme frontalier. Cet élément ne permettait donc pas de savoir s’il avait vécu en Suisse ou en France.

20.         Le 29 octobre 2020, l’OCPM a indiqué ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler.

21.         Le 23 février 2021, le tribunal a tenu une audience de comparution personnelle et d’audition de témoins, en présence de la représentante de l’OCPM, du recourant et de son conseil. Le recourant et quatre témoins ont été entendus à cette occasion.

a. Le recourant a indiqué maintenir son recours. Il était arrivé en Suisse en 2007 et avait travaillé tout d’abord au Café N______ au M______, sans autorisation. Il habitait à ce moment-là à la rue du F______, aux G______. Il logeait chez son oncle. Il n’avait pas de contrat de bail à produire pour cette période.

En 2008, il avait quitté ce logement pour habiter dans l’immeuble du Café N______. Il payait CHF 600.- pour une chambre et recevait environ CHF 3'000.- de salaire, le loyer étant retenu sur celui-ci. Le propriétaire de cette chambre était feu Monsieur O______, aujourd’hui décédé. Son fils, entendu comme témoin, pouvait attester de sa présence entre 2008 et 2010.

En 2011, il était allé habiter avec son oncle M. T______, également entendu comme témoin, au chemin I______, à Versoix. Il y était resté jusqu’en 2014. Il y habitait seul avec son oncle.

Entre 2014 et 2015, il avait résidé rue J______, à Versoix, dans un appartement partagé avec un certain X______, dont il ignorait le nom de famille.

En 2015, son employeur, M. O______, lui avait trouvé un appartement au chemin K______ à Versoix. Il payait CHF 1'400.- pour cet appartement, où il habitat seul. Il y avait un contrat de bail avec la société P______ Sàrl.

Enfin, depuis 2017 il habitait à la route E______, dans un logement dont le contrat de bail était au nom de son employeur, P______ Sàrl.

Il avait toujours été imposé à la source et n’avait aucun document attestant d’un paiement de loyer de 2007 à ce jour. La comptable notait toutefois quelque part qu’il versait un loyer. Il recevait une fiche de salaire chaque mois mais n’en avait pas à produire à l’audience.

Les pièces 5 à 9 de son chargé étaient ainsi relatives à du travail au noir.

Il avait indiqué être domicilié au France, car au moment où il avait pu avoir un travail déclaré, son employeur, feu M. O______ lui avait dit qu’il fallait une adresse afin qu’il puisse conclure son contrat de travail. Il avait donc demandé à son frère son adresse mais n’avait jamais rien reçu là-bas, tous les documents lui étant adressés au nom de la société employeuse. Il avait discuté avec le comptable de la société, qui avait dit que cette domiciliation « faisait l’affaire ». Il confirmait n’avoir jamais résidé en France.

Il n’avait pas non plus déposé de demande d’asile en France ou ailleurs et soulignait que son frère vivait avec sa femme et ses trois enfants en France, dans un logement de trois pièces.

b. La représentante de l’OCPM a indiqué que le dossier avait été soumis par l’autorité intimée au SEM avec un préavis favorable, mais que ce dernier avait estimé que la présence entre 2008 et 2014 n’était pas prouvée. Il était donc important à cet égard de disposer de toutes les pièces permettant d’attester de sa présence à Genève pour ces périodes.

c. Monsieur Q______ a été entendu en qualité de témoin, assermenté.

Il a déclaré que M. A______ travaillait pour P______ Sàrl, dont il était membre gérant, et exploitait la D______ à Versoix, depuis 2010.

Entre 2007 et 2011, il était administrateur de la société R______ Sàrl, qui exploitait le Café N______ au M______, pour lequel M. A______ avait travaillé de 2007 à 2010 comme extra et aide de cuisine.

Entre 2007 et 2011, le recourant logeait parfois dans le studio de fonction mis à disposition à H______ au M______. Quand il n’y logeait pas, il habitait aux G______, selon son souvenir.

Entre 2013 et 2015, M. A______ avait logé dans un appartement de fonction loué par la société P______ Sàrl au chemin K______, à Versoix.

Il existait une retenue sur salaire de CHF 1'400.- pour payer le loyer de ce dernier logement. Il ignorait pourquoi cette retenue n’apparaissait pas sur les fiches de salaire.

Actuellement, le recourant était logé à route E______, dans un appartement également loué par P______ Sàrl et payait à la société CHF 1'250.- de loyer. Il savait que les fiches de salaire actuelles mentionnaient la retenue sur salaire. Le recourant y habitait depuis 2017.

Sur question du conseil du recourant, le témoin a indiqué que pour lui, M. A______ n’avait jamais habité en France.

Il a précisé que de 2010 à 2014, ils avaient indiqué sur les fiches de salaire qu’il résidait en France pour des questions administratives. À sa connaissance, un membre de sa famille habitait à cette adresse. Entre 2007 et 2009, il était plausible que M. A______ ait habité aux G______ rue du F______ quand il ne logeait pas dans le logement mis à sa disposition.

L’oncle de M. A______ résidait à Versoix. Pour sa part, il expliquait avoir été invité dans tous les logements habités par M. A______. Il lui était arrivé de le ramener chez lui après le service et de boire un verre à cette occasion. Il était exact de dire qu’il avait habité à la rue J______. Il s’agissait d’un deux pièces.

Sur question, M. Q______ a indiqué que M. A______ avait été engagé comme pizzaïolo par son père en 2010 et qu’il ne savait pas pourquoi une adresse en France avait été indiquée. Enfin, il lui apparaissait impossible que M. A______ ait pu résider en France, étant donné ses horaires de travail.

d. Monsieur S______, facteur à Versoix a été entendu lors de cette audience et, assermenté, a déclaré qu’il était facteur sur la commune précitée depuis 2010.

Il connaissait M. A______ car il fréquentait, avec son épouse, la D______. Il confirmait avoir délivré du courrier à M. A______ aux adresses de la rue J______ et du chemin K______. Son nom figurait d’ailleurs sur les boites aux lettres. Il délivrait actuellement du courrier route E______, soit l’adresse actuelle de M. A______. Occasionnellement, à partir de 2011/2012, il s’était rendu dans les différents logements pour prendre un verre, toujours à Versoix.

Avant d’habiter Versoix, M. A______ lui avait dit avoir habité au M______. Il ignorait s’il avait vécu auparavant en France.

e. Monsieur T______ a été entendu lors de cette audience.

Il a précisé d’emblée ne pas être de la même famille que M. A______ mais que ce dernier l’appelait « oncle » car sa mère était originaire du même village que lui-même. M. A______ et lui s’étaient connus en Suisse en 2007 environ.

Il avait autorisé M. A______ a utilisé son adresse au chemin du F______ pour sa correspondance mais ils n’avaient jamais habité ensemble à cette adresse, M. A______ résidant au M______. Ils se voyaient toutefois régulièrement.

Ensuite, il avait déménagé à Versoix en 2011 au chemin I______ et M. A______ était venu habiter avec lui. Il était resté environ un an, mais avait gardé son adresse plus longtemps. Il ne se souvenait pas des dates exactes de changement d’adresse. Enfin, il savait que M. A______ avait ensuite habité un logement à Versoix, situé vers l’UBS, la Coop et l’ancienne poste de Versoix, dont il ignorait toutefois l’adresse.

f. Monsieur U______, entendu comme témoin, a déclaré avoir travaillé au Café N______ de fin 2007-début 2008 jusqu’à fin 2009. Il avait fait la connaissance de M. A______ par le biais du restaurant car ils avaient le même employeur mais sans travailler ensemble. En 2010, il était parti travailler dans un autre restaurant à V______.

Il savait que M. Q______ avait un studio au H______ au M______, au-dessus du restaurant.

Au début de son activité, il avait rencontré le recourant, qui habitait alors un studio aux G______. Il avait ensuite habité le studio au-dessus du restaurant entre 2009 et 2011. Il savait qu’il avait ensuite habité chez son oncle à Versoix, au chemin I______, mais il n’y était jamais allé. Ensuite, entre 2014 et 2015, il avait déménagé à la rue J______ à Versoix et habitait toujours la commune depuis cette date.

Il n’était toutefois jamais allé dans les logements de M. A______. Il n’avait jamais entendu parlé d’un logement en France.

22.         Dans ses observations du 26 février 2021, l’OCPM s’est rapporté à justice quant à la suite à donner à la procédure, étant donné les divers témoignages recueillis lors de l’audience et les explications fournies par le recourant.

Pour le surplus, il soulignait que le recourant n’avait pas pu apporter de pièces probantes, comme un contrat de bail concernant son domicile dans le canton de Genève avant 2014.

23.         Dans ses observations du 16 mars 2021, le recourant a transmis des pièces complémentaires.

Son opérateur téléphonique indiquait que son numéro de téléphone suisse était actif depuis le 23 septembre 2008. Sa fiche de salaire 2014 indiquait une retenue pour le loyer, comme indiqué lors de son audition. À partir du mois de janvier 2020, la retenue « loyer » apparaissait directement sur la fiche de salaire.

Il a également transmis le contrat de bail pour l’appartement situé au 3______, route E______, loué par P______ Sàrl, son employeur et le contrat de bail pour l’appartement situé rue K______ à Versoix, également loué par son employeur.

S’agissant de l’appartement au M______, il n’avait pas de contrat de bail, son employeur, feu M. O______ en étant à l’époque propriétaire.

Pour le surplus, il ne s’opposait pas à l’audition de plusieurs témoins pour s’assurer de ce qui précédait et persistait dans les conclusions de son recours.

24.         Figurent au dossier produit par l’OCPM plusieurs visas de retour, accordés au recourant les :

-          3 avril 2018, pour un séjour au Kosovo pour visite familiale du 7 avril au 21 avril 2018 ;

-          12 juin 2018, pour un séjour d’un mois au Kosovo ;

-          11 décembre 2018, pour un séjour d’un mois entre le 24 décembre 2018 et le 24 janvier 2019 ;

-          31 avril 2019, pour un séjour de trente jours entre le 1er mai et le 1er juin 2019, pour l’accouchement de sa femme ;

-          16 juillet 2019, pour un séjour du 22 juillet au 22 août 2019, pour raisons familiales ;

-          3 décembre 2019, pour un séjour de trente jours entre le 23 décembre 2019 et le 23 janvier 2020 pour visite familiale.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Le recourant conclut principalement à l'annulation de la décision querellée et à ce que la cause soit renvoyée à l’OCPM pour nouvelle décision avec préavis favorable de sa demande auprès du SEM sous l’angle de l’opération « Papyrus ».

6.             Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), qui a alors été renommée loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1), étant précisé que la plupart des dispositions sont demeurées identiques.

7.             En l'espèce, la demande d'autorisation de séjour a été formée le 17 juillet 2017, de sorte que c'est l'ancien droit qui s'applique.

8.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des personnes étrangères dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissantes et ressortissants du Kosovo.

9.             L'opération « Papyrus » a consisté en un processus de régularisation des personnes séjournant à Genève sans titre de séjour par les autorités cantonales « dans le strict respect du cadre légal en vigueur » (art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA; communiqué de presse du 21 février 2017 : https://demain.ge.ch/actualite/operation-papyrus-presentee-aux-medias-21-02-2017, consulté le 5 juillet 2021). Les critères pour pouvoir bénéficier de cette opération étaient les suivants selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter, (ci-après : le livret) : séjour continu de cinq ans pour les familles avec enfants scolarisés ou de dix ans pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires, le séjour devant être documenté ; une intégration réussie (niveau A2 de français du cadre européen commun de référence pour les langues et scolarisation des enfants notamment) ; une absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal) ; une indépendance financière complète (ATA/1415/2019 consid. 9).

Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).

L'opération « Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018, « date limite pour le dépôt des dossiers de régularisation dans le cadre du projet » (communiqué de presse du 4 mars 2019, https://www.ge.ch/document/point-situation-intermediaire-relatif-cloture-du-projet-papyrus.

10.         Dans la mise en œuvre de ce projet pilote, dont le cadre légal s’apparente à celui de l’art. 30 LEI (arrêt du Tribunal fédéral 2C_174/2021 du 19 février 2021 consid. 3), le SEM a procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s'agissait ainsi pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse, ni d'une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voyait pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur, parce qu'elle séjournait et travaillait illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation était constitutive d'un cas de rigueur en raison notamment de la durée importante de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l'âge de scolarisation des enfants (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8a ; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 7a ; ATA/1694/2019 du 19 novembre 2019 consid. 4d ; ATA/1234/2019 du 13 août 2019 consid. 6b ; ATA/1000/2019 du 11 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités). L'opération « Papyrus » étant un processus administratif simplifié de normalisation des étrangers en situation irrégulière à Genève, il n'emporte en particulier aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8a ; ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

S'agissant des justificatifs de séjour à Genève, un document par année de séjour est exigé pour les preuves de catégories A (à savoir, extraits AVS, attestations de l'administration fiscale, de scolarité ou de suivi d'un cours de langue à Genève, fiches de salaire, contrats de travail ou de bail, polices d'assurance, abonnements TPG nominatifs, extraits de compte bancaires ou postaux, factures nominatives de médecin, de téléphone ou des SIG). Pour les preuves de catégories B (à savoir, abonnements de fitness, témoignages « engageants » notamment d'enseignants, d'anciens employeurs ou de médecins ou des documents attestant de différentes démarches) trois à cinq documents par année de séjour sont exigés.

Le Conseil fédéral a précisé que, dans le cadre de ce projet pilote, le SEM avait procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s'agissait donc pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse, ni d'une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voyait pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur simplement parce qu'elle séjournait et travaillait illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation était constitutive d'un cas de rigueur, en raison notamment de la durée importante de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l'âge de scolarisation de ses enfants (ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 7a; ATA/1234/2019 du 13 août 2019 consid. 6 ; ATA/1000/2019 du 11 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

11.         Dans l'hypothèse où les conditions de l'opération « Papyrus » susmentionnées ne seraient pas remplies, le dossier devrait encore être examiné sous l'angle du cas de rigueur.

12.         Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, dont la teneur n'a pas changé le 1er janvier 2019, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

13.         L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

14.         Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. .1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3986 2015 ; F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017 consid. 5 ; ATA/425/2017 du 11 avril 2017).

La jurisprudence développée au sujet des cas de rigueur selon le droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007 (art. 13f de l'ancienne ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 - aOLE - RS 142.20) est toujours d'actualité pour les cas d'extrême gravité qui leur ont succédé (ATF 136 I 254 consid. 5.3.1 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 137 II 345 consid. 3.2.1 ; 128 II 200 consid. 4 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017).

15.         L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1131/2017 du 2 août 2017 consid. 5e).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; ATA/92/ 2020 du 28 janvier 2020 consid.4f).

16.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse et la situation de ses enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3 ; F-6510/2017 du 6 juin 2019 consid. 5.6 ; F-736/2017 du 18 février 2019 consid. 5.6 et les références citées ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017 consid. 5b).

17.         Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017 ; ATA/287/2016 du 5 avril 2016). La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d'un cas de rigueur. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées).

Le simple fait, pour un étranger, de séjourner en Suisse pendant de longues années, y compris à titre légal, ne permet pas d'admettre un cas personnel d'extrême gravité sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles (cf. ATAF 2007/16 consid. 7 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.1 et les références citées ; cf. ég., sous l'ancien droit, ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.540/2005 du 11 novembre 2005 consid. 3.2.1).

Il ne faut pas non plus perdre de vue qu'il est parfaitement normal qu'une personne ayant effectué un séjour prolongé en Suisse s'y soit créée des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Aussi, les relations d'amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l'étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3 ; F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3).

18.         S'agissant de l'intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l'octroi d'un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées ; ATA/775/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4d ; ATA/882/2014 du 11 novembre 2014 consid. 6d et les arrêts cités). À titre d'exemple, le Tribunal fédéral a notamment retenu en faveur d'un étranger installé depuis plus de onze ans en Suisse qu'il y avait développé des liens particulièrement intenses dans les domaines professionnel (création d'une société à responsabilité limitée, emploi à la délégation permanente de l'Union africaine auprès de l'ONU) et social (cumul de diverses charges auprès de l'Eglise catholique) (arrêt 2C_457/2014 du 3 juin 2014 consid. 4 et les références citées).

19.         L'intégration socio-culturelle n'est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l'engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d'une intégration réussie, voire remarquable (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

20.         Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).

21.         En l’espèce, l’OCPM considère que la durée de séjour de dix ans n’était pas prouvée à satisfaction de droit en raison de l’adresse en France indiquée par le recourant dans le cadre des auditions des autorités pénales et de l’adresse des documents fiscaux et de prévoyance sociale. Selon l’autorité intimée, la présence en Suisse ne serait en particulier pas démontrée entre 2010 et 2014.

Il est exact que les pièces produites par le recourant indiquent, pour les périodes entre 2010 et 2014, une adresse à Annemasse. Cependant, celui-ci a indiqué à plusieurs reprises, de manière convaincante, qu’il avait donné cette adresse à des fins administratives uniquement, ce que la police a d’ailleurs relevé dans son audition du 25 novembre 2014, lui faisant remarqué qu’il n’avait ni Euros, ni téléphone français, ni aucun autre élément permettant de croire qu’il logeait réellement en France.

À cet égard, les auditions de témoins auxquelles le tribunal a procédé démontrent, d'une part, que, de 2007 jusqu'à la date du dépôt de sa demande de régularisation, le recourant a travaillé auprès du même employeur à Genève, et d’autre part que son séjour en Suisse s’est déroulé de manière ininterrompue, vraisemblablement sans qu’il habite ailleurs qu’à Genève, à différentes adresses.

Il convient de préciser que l'ensemble des témoignages devant le tribunal ont paru absolument authentiques, les témoins montrant notamment qu'ils étaient à l'aise avec des éléments remontant à de nombreuses années en arrière, qu'ils étaient en mesure de situer par rapport à des périodes de leur propre histoire. L'authenticité des témoignages a également été vérifiée par croisement de certaines déclarations et précisions apportées par le recourant avec des explications données par les témoins.

Ainsi, le recourant a commencé à travailler pour le père de M. Q______, qui l’a engagé tout d’abord au Café N______ puis à la D______, pour le compte de la société R______ Sàrl, puis P______ Sàrl, depuis 2007 à teneur des pièces produites. Comme il l’a indiqué, il a tout d’abord vécu, entre 2007 et 2010, au M______, au-dessus du restaurant. Cet élément a été confirmé par les témoins Q______ et U______. Ceux-ci ont indiqué qu’il avait une autre adresse, aux G______, mais logeait dans le studio au-dessus du Café N______ au M______. Ces déclarations sont corroborées par celles de M. T______, qui a indiqué qu’il avait autorisé le recourant à utiliser son adresse aux G______.

Ensuite, les témoins ont confirmé les explications du recourant, qui a indiqué loger à Versoix depuis 2011, tout d’abord chez M. T______, chemin I______ à partir de 2011, ce que ce dernier a confirmé, puis rue J______, et depuis 2014/2015 chemin K______, dans un logement loué par son employeur. Le facteur, M. S______ a indiqué, à l’instar de M. Q______, qu’il s’était rendu dans les différents logements à Versoix et qu’il avait livré du courrier à ces deux adresses à Versoix, et que le nom du recourant figurait d’ailleurs sur les boites aux lettres. Les pièces figurant au dossier font d’ailleurs état de retenues sur salaire pour un loyer de CHF 1'400.- dès 2014 notamment, ce qui correspond à la période à partir de laquelle le recourant a logé dans le logement loué par la société P______ Sàrl. Le contrat de bail transmis par le recourant atteste d’ailleurs de la location par P______ Sàrl du logement sis au chemin K______.

Il ressort en outre de l’analyse des plans figurant sur internet (Google Maps par exemple) que l’adresse rue J______, correspond aux explications données lors de l’audience par M. T______, qui a indiqué que le recourant, après avoir habité avec lui au chemin I______, avait déménagé dans un appartement dont il ne connaissait pas l’adresse mais qu’il a pu situer comme étant à côté de la banque UBS, de la Coop et de l’ancienne poste de Versoix.

Enfin, les témoins ont tous attesté ne pas avoir connaissance d’une adresse en France. M. Q______ a d’ailleurs précisé qu’au regard des horaires de travail coupés du recourant, il n’était pas possible de résider en France.

Au vu de ce qui précède, le tribunal retient comme établi, avec un degré de vraisemblance confinant à la certitude, que le recourant, arrivé en Suisse en 2007, n’a pas vécu en France mais en Suisse depuis cette date jusqu’à ce jour, à l’exception des brefs séjours qu’il a pu effectuer au Kosovo, selon les visas de retour figurant au dossier.

Enfin, il n’est pas contesté par les parties que les autres conditions de l’opération « Papyrus » étaient remplies, soit l’intégration, qui est de qualité, le recourant étant titulaire d’une attestation de langue française de niveau A2 et a des connaissances professionnelles lui permettant de donner entière satisfaction à son employeur depuis 2007 et n’a pas de dettes.

S'agissant de sa condamnation pénale du 26 janvier 2015 pour séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation, ainsi que celle pour violation légère des règles de la circulation routière du 24 novembre 2014, le livret d’accompagnement de l’opération « Papyrus » précisait qu'il faut entendre par « absence de condamnation pénale », une condamnation pénale « autre que celle pour séjour illégal ». Dans cette mesure, seule peut être retenue à l'encontre du recourant sa condamnation pour violation simple des règles de la circulation routière pour avoir dépassé en 2014 de 10 km/h la vitesse maximale signalée de 100 km/h. Or, selon l'art. 90 al. 1 LCR, une telle infraction constitue une simple contravention passible d'une amende laquelle a été fixée à CHF 60.-. Celle-ci n'a pas été portée à son casier judiciaire puisque notablement inférieure à CHF 5'000.- (art. 366 al. 2 let. b du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0 - cum art. 3 al. 1 let. c ch. 1 de l'ordonnance sur le casier judiciaire du 29 septembre 2006 - RS 331), comme l'atteste son casier judiciaire figurant au dossier (ATA/1415/2019 consid. 9a). Compte tenu de la nature de cette infraction dont il est ici question et du très faible montant de l'amende, il serait arbitraire de retenir cette contravention à l'encontre du recourant et de la considérer comme valant « condamnation pénale » au sens où l'entendait le livret précité. Dans ces circonstances, le recourant remplit également le critère relatif à une absence de condamnation pénale autre que pour séjour illégal.

22.         Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, le refus de préaviser favorablement sa demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité dans le cadre de l’opération « Papyrus » apparaît comme contraire au droit et ne peut être confirmé, dès lors que le recourant a démontré avoir vécu en Suisse et non en France entre 2007 et ce jour, remplissant dès lors l’ensemble des critères, dont celui du séjour continu de dix ans.

Ainsi, au vu de ce qui précède, l'OCPM devra transmettre le dossier du recourant au SEM en vue d'une régularisation de sa situation, les critères exigés dans le cadre de l'opération « Papyrus », lesquels constituent une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité, étant remplis.

23.         Le recours sera par conséquent admis et la décision litigieuse annulée, le dossier étant renvoyé à l'autorité intimée afin qu'elle le préavise favorablement à l'attention du SEM.

24.         Compte tenu de l'issue de la procédure, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

L'avance de frais de CHF 500.- sera restituée au recourant.

25.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1’500.-, qui tient compte notamment des actes d'instruction auxquels a participé le mandataire du recourant, sera mis à la charge de l’État de Genève, soit pour lui l'autorité intimée, en faveur du recourant (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

26.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.

 


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 10 juillet 2020 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 9 juin 2020 ;

2.             l'admet ;

3.             annule la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 9 juin 2020 ;

4.             renvoie le dossier à l'office cantonal de la population et des migrations afin qu'il le préavise favorablement au sens des considérants ;

5.             renonce à percevoir un émolument et ordonne la restitution au recourant de l’avance de frais de CHF 500.- ;

6.             condamne l’État de Genève, soit pour lui l’office cantonal de la population et des migrations, à verser au recourant une indemnité de procédure de CHF 1’500.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière