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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1565/2020

JTAPI/699/2021 du 01.07.2021 ( LCI ) , ADMIS

REJETE par ATA/198/2022

Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION;VOISIN;ALIGNEMENT;HAUTEUR DE LA CONSTRUCTION
Normes : LPA.60.al1.letb; LCI.22; LCI.23; LCI.11.al4
Parties : VILLE DE GENÈVE, LA FONCIERE GE SA / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, L PROPERTIES SA
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

A/1565/2020 LCI

JTAPI/699/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 1er juillet 2021

 

dans la cause

 

VILLE DE GENÈVE

LA FONCIÈRE GE SA, représentée par Me Christian LUSCHER, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

L PROPERTIES SA, représentée par Me Yves JEANRENAUD, avocat, avec élection de domicile

 


EN FAIT

1.             L PROPERTIES SA, qui a son siège à Genève, est propriétaire des parcelles nos 22 et 3'769 de la commune de Genève-Plainpalais sises rue des Rois 11, square du Stand 6 et rue de la Synagogue 31, en zone 2.

Sur cette parcelle est érigé un immeuble à destination d’ateliers, cadastré sous n° A767, composé d’un rez-de-chaussée, de quatre étages et de combles, lequel figure sur la carte indicative « Jonction-Plainpalais – secteur 12 » du 18 février 2010, adoptée par le Conseil d’État le 16 mars 2010, en tant qu’immeuble susceptible d’être surélevé (loi 10'088 – surélévations).

Cet immeuble, en forme de « L », fait partie d’un îlot d’immeubles délimité par les rues des Rois, de la Synagogue, de l’Arquebuse et du Stand et est mitoyen d’un ensemble d’immeubles protégés (MS-e 147) sis rue des Rois 5, 7 et 9 et rue du Stand 38. Le centre de cet îlot est occupé par le square du Stand et abrite un parking. Un projet de construction d’un bâtiment de logements avec rez-de-chaussée commercial à l’intérieur du square du Stand a été déposé le 16 avril 2019 par L PROPERTIES SA ; cette demande est actuellement en cours d’instruction (DD 112'551).



2.             La Ville de Genève (ci-après : la ville) est propriétaire de la parcelle n° 78 sise rue des Rois 10 et boulevard de Saint-Georges 59. Cette parcelle se situe en face de la parcelle n° 22, de l’autre côté de la voie publique, en zone de verdure.

Sur cette parcelle se trouve le cimetière de Plainpalais.

3.             LA FONCIÈRE GE SA, qui a son siège à Lausanne, est propriétaire de la parcelle n° 18, sise rue du Stand 40, sur laquelle est érigé un immeuble à destination de bureaux. Cette parcelle se situe légèrement en diagonale des parcelles nos 22 et 3'769, de l’autre côté du square du Stand.

4.             Par requête enregistrée le 13 novembre 2019 sous DP 18’862, L PROPERTIES SA a sollicité auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département), par le biais de son architecte, une autorisation préalable de construire portant sur la surélévation de l’immeuble existant sur les parcelles nos 22 et 3'769 de deux étages et d’un attique de logement en lieu et place de la toiture.

La lettre datée du 5 novembre 2019 accompagnant cette requête précisait que le projet, qui prévoyait la réalisation de dix-neuf logements, avait été travaillé avec la volumétrie des bâtiments environnants, l’expression architecturale de la façade existante ainsi que les gabarits légaux. Le gabarit sur la rue des Rois avait été calculé sur la largeur de la rue au niveau du bâtiment à l’angle de la rue des Rois et de la rue du Stand, le front du cimetière n’étant pas bâti et ce de manière pérenne. La situation d’angle du bâtiment permettait de « retourner le gabarit » sur 20 m dans la rue de la Synagogue. Le dernier étage de la surélévation se retournait sur 20,49 m car le rythme de la façade suivait celui de la façade existante. Passé les 20 m, la surélévation débordait du gabarit sur la rue de la Synagogue, mais créait ainsi un volume dégressif jusqu’au bâtiment voisin. Une servitude de distances et vues droites serait constituée dans la cour pour assurer la faisabilité du projet. Selon la commission d’architecture (ci-après : CA), à laquelle le projet avait été présenté, les dérogations ne péjoraient pas l’homogénéité de l’architecture et de l’urbanisme du quartier. Enfin, les places de parking habitants prendraient place dans le parking existant de la Tribune de Genève sis sur la parcelle n° 3'772.

Étaient notamment joints un document daté du 15 juillet 2019 intitulé « descriptif du projet », comprenant une analyse selon le guide et directives pour la surélévation d’immeubles de logements et des photographies de maquettes, ainsi qu’un avis de consultation émis par la CA le 8 janvier 2019 sur la base du projet du 3 janvier 2019.

5.             Dans le cadre de l’instruction de cette requête, les préavis suivants ont notamment été émis :

-          le 20 novembre 2019, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a émis un préavis favorable avec dérogations selon les art. 11 al. 4, 49 et 37 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et sous condition que tous les logements soient accessibles et adaptables aux personnes à mobilité réduite ;

-          le 12 décembre 2019, l’office de l’urbanisme (ci-après : SPI) a émis un préavis favorable, relevant notamment sous remarque que l’immeuble était susceptible d’être surélevé selon la carte indicative en la matière ;

-          le 17 décembre 2019, la CA a émis un préavis favorable avec dérogations selon les art. 11 al. 4 et 49 LCI. L’immeuble faisait partie d’un îlot constitué de bâtiments d’époques diverses, de gabarits plutôt homogènes et mitoyen à un ensemble d’immeubles protégés sur l’un des côtés. Le principe de surélévation de deux étages et attique sur cet immeuble d’angle, qui marquait une saillie à l’angle situé entre les rues de Rois et celle de la Synagogue, avait été admis (préavis de consultation datés des 18.09.2018 et 08.01.2019). En effet, le projet s’insérait de manière harmonieuse, tant sur le volume existant, que dans le prolongement de l’îlot, ceci par l’articulation d’un jeu subtil de retraits volumétriques en façades et à l’angle intérieur du côté de la cour. Dès lors, elle validait l’application de la dérogation selon l’art. 11 al. 4 LCI (appliquée partiellement sur la rue de la Synagogue), ceci pour garantir une articulation volumétrique harmonieuse entre le bâtiment d’angle et les immeubles situés du côté de la rue de la Synagogue. Par ailleurs, elle réitérait également son appréciation favorable quant au choix architectural de la façade qui s’inscrivait dans le rythme de la modénature de l’existant, tout en intégrant des éléments opaques, ceci pour garantir la bonne cohésion de l’ensemble. Elle était également favorable à l’application de la dérogation selon l’art. 49 LCI qui ne concernait que les vides d’étage de l’attique ;

-          le 29 janvier 2020, l’office cantonal des transports (ci-après : OCT) a émis un préavis favorable, sous condition de la mise à disposition des futurs habitants de huit places voitures et deux places motos dans le parking de la Tribune de Genève ;

-          le 24 février 2020, la ville a émis un préavis défavorable. Le projet, qui demandait plusieurs dérogations aux gabarits légaux et au vide d’étage, compromettait l’harmonie urbanistique de la rue des Rois et de la rue de la Synagogue. L’alignement déterminé pour le calcul du gabarit sur la rue des Rois était contesté. Le projet nécessitait la constitution d’une servitude de distance et vue droite à la charge de la ville sur la parcelle n° 78. Enfin, un projet déposé en 2019 prévoyait la construction de logements dans la cour de l’îlot et ces logements se trouveraient dans une situation urbaine particulière, offrant peu de dégagement, de sorte qu’il était dommage d’en prétériter encore l’ensoleillement.

6.             Par décision du 8 mai 2020, publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du jour même, le département a délivré l’autorisation préalable DP 18'862 portant sur l’implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet. Elle stipulait, au point 5, que le plan et l’acte de constitution de servitude de distance et vue droite devraient parvenir au département avec la requête en autorisation définitive de construire.

7.             Le même jour, le département a informé le Conseil administratif la ville de la délivrance de l’autorisation. Les deux parcelles concernées par le projet avaient été identifiées, à teneur de la carte indicative des surélévations Jonction-Plainpalais, comme comportant des immeubles susceptibles d’être surélevés, ce qui attestait d’un potentiel en la matière. S’agissant de la manière de calculer le gabarit le long de la rue des Rois, si l’alignement du géomètre s’avérait trop généreux, le gabarit projeté nécessitait une distance d’environ 20,6 m, ce qui s’avérait légèrement inférieur à l’espacement entre les alignements bordant la rue des Rois. Ainsi, le projet s’inscrivait en dessous du gabarit légal maximal applicable, raison pour laquelle sa réalisation ne nécessitait aucune servitude de distance et vue droite sur la parcelle n° 78. En outre, les dérogations accordées portaient, en ce qui concernait l’art. 11 al. 4 LCI, exclusivement sur une partie de la surélévation côté rue de la Synagogue, soit la parcelle n° 3'769 (le retour d’angle légèrement supérieur à 20 m bénéficiant de l’art. 37 LCI, ainsi que la partie moins élevée de la surélévation s’ensuivant sur cette parcelle). Quant à la dérogation en matière de vide d’étage, elle concernait l’attique et était de 2,5 m. Au vu du préavis favorable de la CA, à qui le projet avait été soumis à deux reprises en préconsultation, l’harmonie urbanistique du quartier n’apparaissait aucunement compromise tandis que les dérogations accordées s’avéraient minimes et précisément justifiées par des questions d’articulation et d’harmonie avec l’existant. En outre, aucun préaviseur n’avait relevé une quelconque problématique d’habitabilité ou de perte d’ensoleillement excessive. Au contraire, l’ensemble des autres instances de préavis consultées s’était déclaré favorable à ce projet, avec ou sans réserves.

8.             Par acte du 29 mai 2020, la ville a interjeté recours contre la décision du 8 mai 2020 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens. Cette procédure a été enregistrée sous le n° de cause A/1565/2020.

Le projet violait les art. 22, 23 et 36 LCI. Pour le calcul du gabarit, le département avait en effet retenu un espacement entre les alignements bordant la rue des Rois légèrement supérieur à 20,6 m. Or, la distance entre les limites de propriété, de part et d’autre de la rue des Rois, mesurait à cet endroit seulement 15 m. Le département semblait donc considérer qu’un alignement de fait existait à la rue des Rois qui justifiait de s’écarter de la distance entre les limites de propriété. Or, si les bâtiments érigés côté impair, entre la rue du Stand et celle de la Synagogue, étaient alignés, en revanche, côté pair, les bâtiments étaient éloignés les uns des autres et n’étaient pas alignés sur une même ligne droite. Seuls deux bâtiments étaient érigés sur cette portion de rue et ils n’étaient pas alignés avec les bâtiments du début de la rue des Rois (n° 2 et 4). En outre, s’agissant du bâtiment sis à l’angle de la rue du Stand et de la rue des Rois, la façade donnant sur cette dernière n’était pas la façade principale du bâtiment. Ces différents éléments ne suggéraient pas une ligne structurante forte susceptible de donner lieu à un alignement de fait. Dans cette mesure et à défaut de servitude de distance et vue droite, il y avait lieu de retenir que la distance entre alignements était de 15 m, de sorte que le gabarit maximal autorisable était de 21 m (art. 23 al. 5 LCI) et pour autant que l’harmonie urbanistique soit respectée. En ajoutant le gabarit de toiture, la ligne horizontale de faîtage devait se situer au maximum à 25,8 m (art. 36 LCI). Or, le projet autorisé dépassait largement le gabarit théorique maximal, y compris le gabarit de toiture.

L’alignement de fait empiétait sur la parcelle n° 78, impliquant une diminution des droits de la ville sur dite parcelle. Celle-ci se situait certes en zone de verdure et les conditions pour bâtir y étaient plus strictes, mais le cas de figure était envisageable, comme le démontrait l’affaire ATA/821/2013 jugée par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), de sorte qu’une servitude de distance et vue droite aurait dû être négociée entre la requérante et la ville. En l’absence d’une telle servitude, l’autorisation consacrait une violation de la garantie de la propriété (art. 26 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) et de l’art. 46 LCI. La compétence de constituer une servitude de distance étant du ressort du Conseil municipal, une violation de la répartition des compétences entre l’exécutif et le législatif communal avait également été commise par le département.

Le projet autorisé compromettait également l’harmonie urbanistique selon les art. 11 al. 4 et 23 al. 3 LCI. Dans son préavis du 17 décembre 2019, la CA avait examiné le point A de la méthode « ABCD » (le quartier). S’agissant du point B (les groupes d’îlots), elle n’avait pas relevé qu’environ la moitié des immeubles de l’îlot était protégée par la loi Blondel. Les formes des toitures des quatre bâtiments de cet ensemble, qui n’étaient pas surélevables, étaient actuellement identiques. Les multiples retraits des façades ou « complications volumétriques » amélioraient probablement l’intégration du projet dans son contexte, mais démontraient indubitablement que l’intégration d’une surélévation de trois étages n’était pas facile ni naturelle. Quant au point C (l’espace public/privé), la CA n’avait pas pris en compte qu’un immeuble était projeté au centre de la cour de l’îlot (DD 112'551). Ainsi, la surélévation de l’immeuble d’angle entraînerait une rupture et une autonomisation de l’objet qui ne se justifiaient pas par son affection administrative et résidentielle. S’agissant du point D (l’immeuble), il était relevé que peu d’appartements étaient traversants.

Enfin, l’art. 49 LCI avait été violé, dès lors que tous les vides d’étages auraient pu être fixés à 2,60 m et ainsi respecter la loi.

9.             Par acte du 8 juin 2020, LA FONCIÈRE GE SA, sous la plume de son conseil, a également recouru auprès du tribunal contre la décision du 8 mai 2020, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation. À titre préalable, elle sollicitait l’audition d’un représentant de la commune et de la CA, ainsi que l’organisation d’un transport sur place. Cette procédure a été enregistrée sous le n° de cause A/1640/2020.

Propriétaire de la parcelle située en diagonale du projet litigieux, elle disposait, en tant que voisine directe, de la qualité pour recourir.

Le département avait constaté les faits de manière incomplète en ne procédant ni à l'analyse des conséquences de la surélévation sur l'ensoleillement pour les bâtiments voisins et l'environnement proche ni à celle de l'habitabilité concrète des logements proposés qui seraient tous très petits même si leur surface dépassait légèrement celle prévue par l'art. 1 al. 5 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01).

Le projet portait atteinte à l'harmonie du quartier en provoquant des inconvénients graves pour les habitants des bâtiments voisins, dont ses locataires. Elle devrait donc consentir des baisses de loyer ou des indemnités pour des travaux dont elle n'était pas responsable.

La surélévation ne respectait pas l'exigence d'esthétique. L'ajout de deux étages et d'un attique en plein centre-ville modifierait durablement et définitivement l'aspect du quartier des Rois et provoquerait une surdensification. Le projet nécessitait par ailleurs de nombreuses dérogations.

La taille des logements projetés était minuscule et le département avait commis un excès de son pouvoir d’appréciation en accordant la dérogation quant aux vides d’étages.

Le département avait également admis les dérogations aux art. 11 al. 4 et 37 LCI sans aucune motivation, excédant ainsi son pouvoir d'appréciation en la matière.

Aucune autorité n'avait analysé l'impact de la surélévation sur l'ensoleillement et la luminosité pour les bâtiments, les rues et l'environnement. Ce projet conduirait à réduire davantage la qualité de vie au centre-ville.

Enfin le projet portait atteinte à la mobilité dans le secteur déjà difficile actuellement. La mise à disposition de huit places de voitures et de deux places motos paraissait insuffisante pour éviter un blocage encore plus important de la mobilité de l'axe Stand-Coulouvrenière.

10.         Par courrier du 28 août 2020 adressé au tribunal, les parties à la procédure A/1565/2020 ont requis la suspension de la procédure.

11.         Par décision DITAI/339/2020 du 2 septembre 2020 rendue dans la cause A/1565/2020, le tribunal a prononcé la suspension de l’instruction du recours.

12.         Dans ses observations du 3 septembre 2020 dans la cause A/1640/2020, le département, s’en rapportant à justice quant à la recevabilité du recours, a conclu à son rejet ainsi qu’au rejet des mesures d’instruction sollicitées et à la condamnation de la recourante aux dépens de l’instance. Il a produit son dossier.

Les mesures d’instruction requises étaient superflues.

S’agissant de la perte d’ensoleillement, il appartenait à la recourante de démontrer que celle-ci s'avérait suffisamment importante pour lui permettre de se prévaloir de l'art. 14 LCI. S'agissant de l'habitabilité des appartements projetés, une demande préalable ne portait pas sur leur typologie. De plus, les logements ne pouvaient être qualifiés de très petits alors qu'ils respectaient les dimensions minimales définies à l'art. 1 al. 5 RGL dans sa teneur du 28 février 2018.

S'agissant de l'harmonie et de l'esthétique du projet, la CA, instance spécialisée en la matière, avait étayé son préavis favorable.

Concernant le risque de surdensification, il était contredit par la carte des immeubles susceptibles d'être surélevés et par le fait qu'il n'existait aucun indice d'utilisation du sol maximal pour ces parcelles.

En outre, les dérogations accordées étaient minimes puisqu'elles portaient sur une diminution du vide d'étage de l'attique de 10 cm, ce qui réduisait l'impact pour le voisinage et sur un léger dépassement des 20 m maximaux du report du gabarit de la rue la plus large selon l'art. 37 LCI. Or, ce léger dépassement visait à permettre une articulation harmonieuse du projet avec les immeubles existants. Ce projet respectait donc dans une très grande mesure les gabarits légaux de la zone et la légère dérogation ne pouvait être source d'inconvénients graves au sens de l'art. 14 LCI.

Le grief relatif à la taille des logements s'avérait prématuré dès lors qu'une demande préalable ne portait pas sur la typologie des logements. En outre, il devait être écarté puisque l'art. 1 al. 5 RGL était respecté.

Concernant la dérogation relative aux vides d'étages, la recourante se limitait à substituer son appréciation à celle de la CA et contrairement à ce qu’elle faisait valoir, le département avait motivé l'octroi de la dérogation au sens de l'art. 11 al. 4 LCI dans son courrier du 8 mai 2020.

La recourante n'avait pas démontré que la perte d'ensoleillement et de luminosité était trop importante.

Dans son grief relatif à la mobilité, elle se contentait de substituer son appréciation à celle de l'OCT. Pour le surplus, le projet n'aurait aucun impact sur la mobilité, puisque des places existantes à proximité devraient lui être attribuées. Enfin, se situant dans un secteur II au sens du règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés du 16 décembre 2015 (RPSFP - L 5 05.10), le département aurait pu renoncer à faire prévoir une quelconque place de stationnement.

13.         Dans ses observations du 4 septembre 2020 dans la cause A/1640/2020, L PROPERTIES SA, s’en rapportant à justice s’agissant des mesures d’instruction sollicitées, a conclu, sous suite de frais et dépens, principalement, à l’irrecevabilité du recours et à la confirmation de la décision querellée, subsidiairement à son rejet et à la confirmation de la décision querellée.

La recourante ne démontrait pas l'avantage pratique qu'elle retirerait de l'annulation de l'autorisation de construire. Sa parcelle, située à une distance de 48 m de celle litigieuse, n'était nullement la voisine directe de celle du projet litigieux puisqu'elle était séparée de cette dernière par plusieurs autres parcelles. Elle n'était pas non plus directement en face de ladite parcelle, étant séparée par le square du Stand. En outre elle ne démontrait pas en quoi elle serait lésée de façon directe et spéciale par la surélévation autorisée.

L’instruction du dossier avait été suffisante, la recourante n’établissant pas en quoi les questions d’ensoleillement et d’habitabilité auraient dû faire l’objet d’une analyse détaillée préalable à l’octroi de l’autorisation litigieuse.

S’agissant de l’harmonie du quartier, ce point avait été analysé et validé par la CA. Le caractère harmonieux et esthétique du projet ressortait par ailleurs parfaitement de l’analyse des maquettes. Concernant les inconvénients graves, la recourante ne précisait pas en quoi ces derniers consistaient, étant relevé que les nuisances provoquées par les travaux étaient inhérentes à tous chantiers. Quant à la problématique de surdensification, le projet se situait dans une zone où la surélévation avait expressément été autorisée et le bâtiment en question était un immeuble susceptible d’être surélevé. Au surplus, les dérogations accordées se rapportaient uniquement aux questions de gabarit et de vide d’étage.

Le prétendu problème d’habitabilité des logements n’en était pas un, puisque la recourante admettait elle-même que ceux-ci respectaient l’art. 1 al. 5 RGL. L’on peinait d’ailleurs à comprendre son intérêt à se plaindre de la taille desdits logements, laquelle n’apparaissait pas particulièrement plus réduite que celle des logements disponibles actuellement sur le marché genevois. En outre, vu la pénurie de logement notoire, cet argument ne saurait être pris en compte. Quant à la dérogation sur le vide d’étage, elle avait été accordée conformément à l’art. 49 al. 5 LCI, de sorte qu’il était là encore difficile de discerner quel était l’intérêt de la recourante à ce propos.

Les art. 11 al. 4 et 37 al. 2 LCI accordaient expressément à l’autorité la possibilité d’accorder des dérogations, aussi, on ne voyait pas en quoi le département, qui avait basé sa décision sur de nombreux préavis favorables émis par des commissions composées de spécialistes, aurait mésusé de son pouvoir d’appréciation en accordant les dérogations litigieuses.

La recourante ne démontrait nullement qu’elle subirait une perte d’ensoleillement, a fortiori une perte qui dépasserait celle admissible en vertu de la jurisprudence. En réalité, son immeuble subissait déjà une perte d’ensoleillement du fait des autres immeubles existants et la surélévation n’aurait aucun impact sur son immeuble sur ce point.

Concernant le problème de mobilité dans le secteur, la recourante n’apportait aucune preuve tangible et se contentait d’énoncer des affirmations sans fondement. De plus, il était notoire que le trafic provenait des pendulaires et non pas des personnes habitant au centre-ville. En remplaçant un étage commercial par trois étages d’habitation, le projet serait ainsi bénéfique pour la mobilité, étant au surplus relevé que l’OCT s’était prononcé favorablement.

Étaient notamment joints des photographies ainsi qu’un graphique relatif à l’ensoleillement de l’immeuble de la recourante.

14.         Par réplique du 30 septembre 2020 dans la cause A/1640/2020, LA FONCIÈRE GE SA a persisté dans ses griefs et conclusions.

Sa parcelle se trouvait à proximité de celle sur laquelle la construction était prévue. Elle disposait en outre d'un intérêt digne de protection pour les raisons suivantes : l'atteinte à l'harmonie du quartier aurait un impact patrimonial sur la valeur de son immeuble et les nuisances de chantier porteraient atteinte à ses locataires. Le trafic serait perturbé et une éventuelle future surélévation de la recourante pourrait être menacée par une construction de petits logements dans un immeuble voisin mal intégré dans l'environnement.

S’agissant des mesures d’instruction requises, rien ne remplaçait un déplacement sur site et l’audition d’un représentant de la CA, dont le préavis était très concis, permettrait d’avoir des éclaircissements sur son analyse de la situation et de combler la lacune de l’instruction insuffisante du dossier.

Comme la DP se prononçait sur la typologie des appartements, il était conforme au principe de la bonne foi et au sens de la systématique de la LCI de contrôler ce point immédiatement. En l’occurrence, la taille des futurs logements était incompatible avec la volonté politique du département visant à favoriser l’habitat de qualité. Les logements ne seraient pas agréables à vivre et il existait un risque élevé que les différents travaux réduisent encore la surface habitable.

Le préavis de la CA, auquel le département accordait une trop grande importance, n’était pas suffisamment compréhensible et était contredit par celui de la ville. En outre, le projet, qui aurait pour effet de surdensifier le quartier, conduirait à limiter ultérieurement d’autres éventuels - meilleurs - projets de construction.

Une comparaison entre les différentes photographies produites par l’intimée s’agissant de l’ensoleillement n’était pas possible, car elles n’avaient pas été prises sous le même angle. De plus, elles avaient été prises le 11 août, soit proche du solstice d’été.

Concernant la mobilité, l’intimée feignait d’ignorer que les nouvelles mesures de circulation et le développement des pistes cyclables mises en place ensuite de la pandémie avaient davantage bloqué la circulation sur l’axe Stand-Coulouvrenière. De plus, le projet de construction à l’intérieur du square du Stand conduirait aussi à la suppression de places de parking dans le secteur.

15.         Dans sa duplique du 29 octobre 2020 dans la cause A/1640/2020, L PROPERTIES SA a persisté dans les termes et conclusions de sa réponse du 4 septembre 2020, contestant les arguments de la recourante.

En particulier, les mesures de circulation adoptées au vu de la pandémie n’avaient aucune incidence sur le caractère conforme au droit du projet de surélévation. Quant au projet de construction à l’intérieur du square du Stand, il s’agissait d’un projet parfaitement distinct n’ayant aucun lien avec le projet querellé, étant précisé que l’OCT avait d’ores et déjà soumis ledit projet à une obligation de réserver des places de parc.

16.         Dans sa duplique du même jour dans la cause A/1640/2020, le département a également persisté dans ses observations et conclusions du 3 septembre 2020.

En particulier, la carte des immeubles susceptibles d’être surélevés illustrait les immeubles susceptibles d’être surélevés sous l’angle exclusif de l’harmonie urbanistique de la rue, de sorte que cette question n’avait plus à être instruite dans le cas d’espèce et le préavis de la CA n’avait pas à être étayé en la matière. En outre, dans le cadre de l’élaboration de ces cartes, la commune avait déjà été consultée, tout comme la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS). Il y avait ainsi lieu de considérer que la position de la CA était corroborée par celle de la CMNS puisque ladite carte était favorable à une surélévation à cet endroit. Partant, l’avis de la CA n’en était que plus fondé et solide, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner plus en détail les raisons de sa motivation. Pour le surplus, la recourante faisait un amalgame entre concision du préavis et instruction lacunaire de la requête. En l’occurrence, le préavis de la CA s’avérait motivé, mais en outre, cette motivation démontrait que l’instruction du projet avait été complète, vu les références à l’îlot, au plan de base, aux maquettes et aux deux rues concernées, soit à l’ensemble des éléments utiles pour apprécier l’intégration du projet dans son environnement.

Concernant l’habitabilité des logements, seule la question de la destination des locaux était tranchée au stade de la DP, de sorte que la bonne foi du département n’était aucunement engagée, l’autorisation querellée rappelant par ailleurs clairement les limites de la portée d’une DP, avec la référence à l’art. 5 al. 1 LCI.

La recourante craignait une surdensification du quartier, alors que ledit quartier n’était soumis à aucun indice maximal de densité. Son appréciation s’avérait dès lors totalement subjective et en contradiction avec les objectifs d’aménagement. Par ailleurs, dès lors que le projet respectait les distances et vues droites légales, à l’exception d’une dérogation selon l’art. 11 LCI pour un léger dépassement de la limite de 20 m quant au report de gabarit de la rue la plus large, il n’était aucunement susceptible d’empêcher un quelconque bâtiment voisin de faire usage de ses propres distances et vues droites légales.

S’agissant du grief relatif à la perte d’ensoleillement, s’il était vrai que les photographies produites ne s’avéraient pas forcément pertinentes, elles pouvaient déjà être indicatives et utiles à infirmer les allégations - non prouvées - de la recourante.

Enfin, les développements et griefs de la recourante en lien avec la mobilité dépassaient de l’objet du litige.

17.         Par courrier du 15 décembre 2020, L PROPERTIES SA a requis la reprise de la procédure A/1565/2020, les pourparlers intervenus entre les parties n’ayant pas permis à ces dernières de parvenir à un accord.

18.         Dans ses observations du même jour dans la cause A/1565/2020, elle a conclu au rejet du recours de la ville et à la confirmation de la décision entreprise, sous suite de frais et dépens.

En juin 2020, elle avait mandaté Monsieur Philippe CALAME, ingénieur-géomètre breveté, afin de vérifier l’alignement de fait litigieux. Dans le cadre de son rapport du 6 juillet 2020, celui-ci avait confirmé qu’un alignement de fait pouvait être retenu avec la façade du n° 8 rue des Rois du fait du caractère imposant et historique pour la rue du bâtiment emblématique de Genève qu’était l’Hôtel de l’Arquebuse. Cet alignement de fait permettait aussi de tenir compte de l’arbre centenaire remarquable présent sur la parcelle n° 78, dont la préservation nécessaire empêchait toute construction en limite de propriété. Cet alignement permettait de retenir une distance sur rue entre alignements de 25,91 m. Cela étant, le département avait retenu que le seul alignement existant était celui visible à hauteur des bâtiments des nos 2 et 4 rue des Rois, les autres bâtiments longeant cette rue ayant été érigés en retrait selon un alignement à chaque fois différent. Cet alignement, qui permettait de retenir une distance sur rue entre alignements de 20,85 m, était le plus restrictif en regard de l’implantation des immeubles existants et se fondait sur le seul groupe d’immeubles disposant d’un alignement commun. Dans tous les cas, la distance de 15 m retenue par la ville n’était pas justifiée, dès lors que la parcelle n° 78 comportait un défaut d’alignement en raison de la présence de l’arbre à la hauteur du n° 10 rue des Rois, la logique voulant, s’il devait être abattu dans le cadre d’un projet de construction, que la limite de la parcelle soit rectifiée par cession au domaine public pour rétablir à cet endroit un trottoir de largeur uniforme. La distance retenue par la ville n’avait donc aucun sens et c’était ainsi à bon droit que le département avait retenu que le projet était conforme au gabarit maximal autorisé. Au vu de l’alignement de fait existant, le gabarit de toiture du projet s’inscrivait également parfaitement dans le cadre légal.

L’alignement de fait retenu n’avait pas pour conséquence inévitable d’empêcher toute construction sur la parcelle n° 78, étant rappelé que cette parcelle abritait le « cimetière des Rois », plus ancien cimetière de Genève. Aussi, même si une modification de la parcelle n’était, par principe, pas impossible, rien ne laissait penser qu’une telle modification interviendrait prochainement, aucune demande d’autorisation n’ayant été déposée par la ville à ce jour. Rien n’indiquait non plus que celle-ci ne puisse, le moment venu, bénéficier elle-même d’une dérogation lui permettant de mener à bien un projet de construction potentiel, malgré la prise en compte de l’alignement de fait le long de la rue des Rois. C’était ainsi de façon prématurée que la ville se prévalait d’une hypothétique violation de son droit de propriété. De surcroît, les servitudes de distance et vues droites ne pouvaient être créées qu’entre propriétés contigües et non pas entre deux parcelles sises de part et d’autre d’une voie publique ou privée.

Les griefs formulés par la ville à l’encontre du préavis de la CA s’agissant de l’analyse du projet selon la méthode « ABCD » étaient infondés et, dans tous les cas, elle ne saurait substituer sa propre appréciation. S’agissant du point B, l’immeuble abritant le projet était surélevable et la situation d’ensemble avait parfaitement été appréciée et prévue par la carte indicative, de sorte qu’il n’appartenait pas à la ville de revenir sur ce choix. De la même manière, la CA avait confirmé que le projet litigieux s’insérait de manière harmonieuse, tant sur le volume existant que dans le prolongement de l’îlot. Quant au point C, il s’agissait d’examiner si l’immeuble surélevé s’intégrait dans la physionomie de la rue, en particulier eu égard à la cohérence de l’environnement bâti et des constructions contigües. Partant, il ne saurait être question d’analyser les futurs projets de construction. Pour le surplus, le projet de construction au centre de l’îlot avait fait l’objet d’une demande d’autorisation le 25 juin 2018 et d’un préavis de la CA le 12 septembre 2019 déjà. Aussi, la CA était parfaitement au courant de l’existence de ce projet au moment de rendre son préavis positif relatif au projet litigieux. Enfin, s’agissant du point D, le fait que peu d’appartements soient traversants ne saurait enlever une quelconque valeur au préavis de la CA, étant relevé que dans la cadre de la demande préalable, la typologie n’était pas encore fixée si bien que toute critique en la matière s’avérait prématurée. De plus, les différents retraits en façade du projet permettraient d’offrir un espace extérieur à la majorité des appartements et les appartements en attique bénéficieraient de terrasses généreuses. La CA avait parfaitement analysé ce point et apprécié la création d’un ensemble harmonieux et cohérent, le caractère harmonieux et cohérent ressortant également des maquettes du projet. Pour toutes ces raisons, le département n’avait aucune raison de s’écarter du préavis positif de la CA et c’était à raison qu’il avait considéré que l’harmonie était respectée.

Enfin, la dérogation quant au vide d’étage était parfaitement conforme à la loi et le grief en tout état prématuré s’agissant d’une DP. De plus, le choix de la hauteur de 2,50 m tenait à des considérations architecturales qui méritaient d’être saluées et justifiaient ainsi une dérogation, puisque cette hauteur avait pour conséquence d’abaisser le gabarit général du projet, permettant de conserver au maximum la cohérence des volumes du quartier. Elle permettait en outre un allègement de la structure, ce au bénéfice tant de la durabilité que de l’économie des coûts. Finalement, au vu du fait que les logements concernés étaient situés en attique et de la faible profondeur de ceux-ci, aucun inconvénient relatif à la luminosité ne saurait découler de cette hauteur réduite.

À l’appui de son écriture, L PROPERTIES a notamment produit un courrier de M. CALAME de HCC INGÉNIEURS GÉOMÈTRES SA du 6 juillet 2020.

19.         Dans ses observations du 28 janvier 2021 dans la cause A/1565/2020, le département a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision entreprise, ainsi qu’à la condamnation de la ville aux dépens de l’instance.

L’alignement proposé par l’ingénieur-géomètre fondé sur celui existant au 8, rue des Rois, avait pour logique de prendre en considération la végétation existante à hauteur du projet au bord de la parcelle n° 78. Il s’agissait tout particulièrement d’un chêne vert, identifié comme arbre remarquable ayant un diamètre de 84 cm, un diamètre de couronne de 20 m et une hauteur de 12 m. Un tel arbre étant à préserver, il apparaissait opportun de fixer un alignement à une distance suffisante de ce dernier. Comme les seules constructions alignées du côté pair de la rue des Rois se trouvaient aux nos 2 et 4, rue de Rois et qu’il s’agissait également de l’alignement le plus étroit, les autres constructions existantes ayant été réalisées plus en retrait, c’était cet alignement, de 20,8 m, qu’il fallait retenir, lequel permettait bien au projet de respecter les gabarits légaux. Tout autre potentiel alignement fondé sur des constructions existantes serait immanquablement plus en retrait sur la parcelle de la ville que celui retenu, raison pour laquelle il y avait lieu de considérer que les distances sur rue s’avéraient suffisantes en l’espèce. Pour le surplus, il convenait de relever que le trottoir le long de la rue des Rois se resserrait au niveau dudit arbre, ce qui laissait présupposer qu’un hypothétique abattage de celui-ci impliquerait certainement un élargissement du domaine public à cet endroit, en cohérence avec le reste de la rue, donnant ainsi une distance de 17,85 m. La volonté de la ville à ce que la distance sur rue ne puisse dépasser 15 m s’avérait ainsi illogique, puisqu’elle ne prenait en considération ni l’alignement des constructions existantes, ni la présence d’un arbre remarquable, ni l’opportunité d’élargissement de la voie publique en cas de disparition de ce dernier. Il y avait donc lieu de considérer que les art. 22, 23 et 36 LCI étaient respectés, subsidiairement qu’une dérogation selon l’art. 11 LCI avait été octroyée.

Le droit de propriété de la ville n’était pas violé, puisque non seulement elle ne pouvait pas ériger de construction en bordure de sa parcelle en raison de la présence d’un arbre remarquable, mais également en raison de l’alignement de fait constaté qu’elle se devrait de respecter et des potentiels besoins d’élargissement de la voie publique. En outre, l’ATA/832/2013 (recte : ATA/821/2013) n’était pas applicable, car dans cette affaire, il s’agissant de trancher entre deux alignements de fait existants, alors que dans le cas d’espèce, qui s’avérait plus analogue au JTAPI/637/2020, il n’y en avait clairement qu’un seul, respectivement il s’agissait de l’alignement le plus proche de la construction litigieuse préservant de la sorte les potentiels droits les plus étendus de la ville. Pour le surplus, ce n’était pas le projet, mais l’alignement de fait existant qui pouvait éventuellement restreindre les possibilités constructives projetées par la ville. Or, la non-réalisation du présent projet n’y changerait rien, ce dernier étant la conséquence et non la cause de cet alignement de fait et si cette dernière souhaitait prévoir un autre alignement, libre à elle d’entamer une procédure de planification visant à fixer ce dernier par un plan d’affectation. Enfin, la constitution d’une servitude était impossible entre des propriétés en vis-à-vis par-dessus une voie publique.

S’agissant des griefs relatifs à l’harmonie urbanistique, le point B avait déjà été traité dans le cadre de l’élaboration de la carte des immeubles susceptibles d’être surélevés. En identifiant, après consultation de la commune et de la CMNS, le bâtiment comme étant susceptible d’être surélevé, la divergence des toitures qu’impliquait sa surélévation par rapport aux autres bâtiments dont les gabarits étaient maintenus avait déjà été validée, considérant qu’elle ne prétéritait pas l’harmonie urbanistique de la rue. La CA, qui avait étudié deux maquettes lors de préconsultations, relevait de plus expressément dans son préavis que le projet était « mitoyen à un ensemble d’immeubles protégés ». C’était ainsi suite à une étude détaillée du contexte bâti et du projet que la CA avait retenu que le projet s’intégrait harmonieusement. Concernant le point C, la CA avait relevé le retrait du projet côté cour. Ainsi d’une manière générale, l’impact du projet sur la cour avait également été étudié par cette instance, laquelle était parfaitement au courant du projet dans l’îlot, puisqu’à tout le moins à deux reprise avant son préavis du 17 décembre 2018, elle avait émis un préavis dans le cadre de ce projet voisin. Ces derniers s’avéraient d’ailleurs favorables aux mêmes dérogations que dans le cas d’espèce, confirmant que le secteur se prêtait bien à de telles dérogations et que les deux projets ne s’excluaient aucunement. Quant au point D, la typologie des logements ne serait instruite qu’au stade de la demande définitive, quand bien même elle aurait déjà été évoquée au stade de l’autorisation préalable. La critique de la ville s’avérait dès lors prématurée.

Enfin, le choix des vides d’étage découlait d’une volonté de parfaire l’intégration du projet dans son milieu et subsidiairement de réflexions technico-financières (réduction du poids sur la structure et des coûts de construction). Le vide d’étage légèrement réduit dans l’attique ne portait en outre aucune conséquence négative puisque la faible profondeur des logements et leur grande luminosité permettaient d’en garantir une bonne habitabilité. La dérogation accordée, après consultation de la CA, était dès lors tout à fait justifiée, la ville ne démontrant d’aucune manière son inopportunité.

20.         Par réplique du 18 mars 2021 dans la cause A/1565/2020, la ville a persisté dans les griefs et conclusions de son recours.

Se référant à l’ATA/821/2013, elle relevait que, côté pair de la rue des Rois, les constructions qui y étaient érigées, au nombre de cinq seulement sur une distance de près de 270 m, ne l’étaient pas sur une même ligne en retrait de la limite de propriété et étaient éloignées les unes des autres. Le fait que l’ingénieur-géomètre mandaté par la requérante proposait plusieurs choix d’alignements possibles démontrait qu’il n’existait pas d’alignement de fait. Or, en l’absence d’un tel alignement, la question n’était pas de savoir quel serait l’alignement opportun à retenir, ni si la présence d’un arbre remarquable devrait être prise en compte pour définir un nouvel alignement. À moins d’adopter un plan formel d’alignement, c’était donc la distance entre limites de propriété qui devait être retenue. Le département avait donc commis un abus de son pouvoir d’appréciation et une violation de l’art. 23 LCI en retenant un alignement théorique non fondé sur la configuration des lieux et ne répondant pas aux critères fixés par la jurisprudence pour retenir un alignement de fait. La référence au JTAPI/637/2020 était au surplus contestée, ce jugement n’étant pas encore définitif. S’agissant de la configuration des lieux, il était faux de soutenir qu’il s’agissait dans l’ATA/821/2013 de trancher entre deux alignements de fait existant, tout comme il était faux de soutenir qu’il n’y avait qu’un alignement dans la présente cause, le département discutant lui-même de différents alignements qui pourraient être retenus.

Par ailleurs, le fait que la parcelle n° 78 soit située en zone de verdure et qu’il n’y ait pas de projet de construction en l’état n’avait pas d’incidence sur l’alignement à retenir dans l’optique d’une surélévation située en face.

Enfin, le département ne pouvait soutenir, qu’à défaut d’alignement de fait, il y avait lieu de considérer qu’une dérogation selon l’art. 11 LCI aurait été octroyée. En effet, si une telle dérogation avait bien été accordée pour la façade donnant sur la rue de la Synagogue, aucune ne l’avait été s’agissant du gabarit côté rue des Rois. Le département ne pouvait donc se fonder subsidiairement sur une dérogation non accordée pour justifier le non-respect de la distance entre alignement.

21.         Par duplique du 13 avril 2021 dans la cause A/1565/2020, le département a persisté dans ses observations et conclusions.

Pour qu’un alignement de fait puisse être constaté, il n’était pas nécessaire que l’ensemble des bâtiments le long d’une rue s’inscrivent dans le même alignement (cf. ATA/720/2020). Respectivement, un alignement pouvait être reconnu sur la base de trois immeubles, mais niée quant au reste de la rue, alors que sur huit immeubles, seul l’un s’avérait légèrement en retrait (cf. ATA/821/2013). En l’occurrence, l’alignement retenu s’avérait être le plus strict au regard des autres constructions existantes. En outre, comme cela ressortait du préavis de la direction de l’aménagement du 1er septembre 1971 émis dans le cadre de la DD 61'028 et du préavis de la ville du 20 novembre 1970 émis dans le cadre de la DP 11'824 (précédent la DD 61'028) ayant pour objet la réalisation des immeubles sis aux nos 2 et 4, rue des Rois, cet alignement s’avérait avoir été celui imposé par le département en charge de l’aménagement, raison pour laquelle cet immeuble n’avait pas été réalisé en limite de parcelle (n° 2'855), mais à près de 6 m en retrait de celle-ci. Ce retrait avait du reste été prévu dans le plan d’aménagement n° 24'733, qui n’avait finalement pas abouti et concernait des immeubles sis entre la rue du Stand et la rue de la Coulouvrenière. Il apparaissait ainsi parfaitement admissible de retenir un alignement de fait existant le long de la rue des Rois, fondé sur les immeubles sis aux nos 2 et 4, rue des Rois, dont l’alignement avait été défini en son temps par un projet de planification.

22.         Par duplique du 14 avril 2021 dans la cause A/1565/2020, L PROPERTIES SA a persisté dans ses conclusions.

Contrairement à ce que soutenait la ville, la situation du cas d’espèce n’était pas comparable à l’ATA/821/2013. En effet, en raison de la présence d’un arbre remarquable en bordure de la parcelle n° 78 et du défaut d’alignement ou « décrochement » qui en résultait, un alignement de fait ou fictif devait être pris en compte. Par ailleurs, le cas d’espèce se singularisait aussi en raison de l’absence d’immeubles construits sur un long tronçon de la route côté pair de la rue des Rois, à l’inverse du côté impair largement construit. C’était ainsi à bon droit que le département avait cherché l’existence d’un alignement de fait.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             En vertu de l'art. 70 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

3.             En l'occurrence, les deux recours se rapportent à un complexe de faits connexes, ayant pour objet la même autorisation de construire, de sorte que leur jonction sous le n° de cause A/1565/2020 sera ordonnée.

4.             Interjetés en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, les recours sont recevables au sens des art 62 à 65 LPA.

5.             La recevabilité du recours suppose encore que son auteur dispose de la qualité pour recourir. En l’occurrence, la qualité pour recourir de LA FONCIÈRE GE SA est contestée.

6.             À teneur de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, toute personne qui est touchée directement par une décision, et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, est titulaire de la qualité pour recourir.

Cette notion de l’intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l’art. 103 let. a de l'ancienne loi fédérale d’organisation judiciaire du 16 décembre 1943 et correspond aux critères exposés à l’art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), en vigueur depuis le 1er janvier 2007.

L'intérêt digne de protection implique que le recourant soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, répondant ainsi à l'exigence d'être particulièrement atteint par la décision. L'intérêt invoqué, qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation Ces exigences ont été posées de manière à empêcher l’action populaire (ATF 137 II 40 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_56/2015 consid. 3.1 ; 1C_152/2012 consid. 2.1 ; ATA/902/2015 du 1er septembre 2015 ; François BELLANGER/ Thierry TANQUEREL, Le contentieux administratif, 2013, pp. 115-116).

En ce qui concerne les voisins, la jurisprudence a indiqué que seuls ceux dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l'intérêt particulier requis par la loi (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1; 133 II 409 consid. 1).

La qualité pour recourir est en principe données lorsque le recours émane du propriétaire d'un terrain directement voisin de la construction ou de l'installation litigieuse. Elles peuvent aussi être réalisées en l'absence de voisinage direct, quand une distance relativement faible sépare l'immeuble des recourants de l'installation litigieuse (ATF 121 II 171 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; 1C_125/2009 du 24 juillet 2009 consid. 1).

Est considéré comme voisin immédiat celui dont le terrain jouxte celui du constructeur, se situe en face de lui, séparé par exemple par une route ou un chemin, ou quand une distance relativement faible sépare l’immeuble des recourants de l’installation litigieuse (Piermarco ZEN-RUFFINEN, La qualité pour recourir des tiers dans la gestion de l’espace in Les tiers dans la procédure administrative, Genève, 2004, p. 176 et les références citées ; ATF 121 II 171 174; ATA/713/2011 du 22 novembre 2011). La qualité pour recourir a ainsi été admise pour des distances variant entre 25 et 150 m (ATA/793/2005 du 22 novembre 2005, consid. 2c et la jurisprudence citée). Elle a en revanche été déniée dans des cas où cette distance était de 800, respectivement 600, 220, 200, voire 150 m selon le cas (arrêt du Tribunal Fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002, consid. 3.1 ; ATA/25/2007 du 23 janvier 2007 et les références citées).

Le critère de la distance n'est cependant pas pertinent à lui seul, car la détermination de la qualité pour recourir nécessite une appréciation de l'ensemble des circonstances (cf. arrêt du Tribunal fédéral du 8 avril 1997, RDAF 1997 I, p. 242, consid. 3a). La proximité avec l'objet du litige ne suffit ainsi pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir contre l'octroi d'une autorisation de construire. Celui-ci doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée de manière à exclure l'action populaire ; il doit ainsi invoquer des dispositions du droit public des constructions susceptibles d'avoir une incidence sur sa situation de fait ou de droit (ATF 141 II 50 consid. 2.1; ATF 137 II 30 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 1C 243/2015 consid. 5.1.1 et 5.2.2). Le Tribunal fédéral considère en effet que le recourant n'est pas libre d'invoquer n'importe quel grief et il ne peut se prévaloir d'un intérêt digne de protection à invoquer des dispositions édictées dans l'intérêt général ou dans l'intérêt de tiers que si elles peuvent avoir une influence sur sa situation de fait ou de droit (ATF 133 II 249 consid. 1.3.2 ; arrêts arrêts du Tribunal fédéral 1C_242/2014 du 1er juillet 2014 consid. 1.1 ; 1C_141/2009 du 24 juin 2009 consid. 4.4 ; 1C_64/2007 du 2 juillet 2007 consid. 2). La jurisprudence a ainsi souligné que l'intérêt pratique est un élément central pour apprécier la recevabilité des griefs du recourant : le voisin peut être habilité à se prévaloir de normes qui ne sont pas destinées à le protéger si l'admission de son grief est susceptible de lui procurer un avantage pratique. Un recours dont le seul but est de garantir l'application correcte du droit demeure en revanche irrecevable, parce qu'assimilable à une action populaire (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 ; arrêt 1C_320/2010 du 9 février 2011 consid. 2.3 et les références citées).

7.             En l'occurrence, il ressort de la consultation du système d’information du territoire à Genève (SITG) que LA FONCIÈRE GE SA est propriétaire d’un bien-fonds situé à une cinquantaine de mètres de la parcelle concernée par le projet litigieux et qui n’est séparé de celui-ci que par le square du Stand, actuellement libre de construction. Par conséquent, il y a lieu de retenir que le bâtiment de LA FONCIÈRE GE SA se trouve à faible distance de l’immeuble litigieux. Celle-ci se prévaut par ailleurs de dispositions de droit public des constructions susceptibles d’avoir une incidence concrète sur sa situation de fait, dans la mesure où elle se plaint notamment des nuisances que le projet pourrait engendrer sur son immeuble et dans le quartier en terme de perte d’ensoleillement et d’augmentation du trafic.

Il convient par conséquent de lui reconnaître la qualité pour agir, l’admission de tels griefs étant susceptible de lui procurer un avantage pratique.

8.             S’agissant de la qualité pour recourir de la ville, commune du lieu de situation (art. 145 al. 2 LCI) et propriétaire de la parcelle située en face du projet litigieux (art. 60 al. 1 let. b LPA), elle n’est à juste titre pas contestée.

9.             LA FONCIÈRE GE SA sollicite la tenue d’un transport sur place ainsi que l’audition de la ville et d’un représentant de la CA. Or, il n’existe pas de droit à l’accomplissement de tels actes d’instruction (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 5D_204/2016 du 15 mars 2017 consid. 4.4 ; 5A_792/2016 du 23 janvier 2017 consid. 3.4 ; 6B_594/2015 du 29 février 2016 consid. 2.1 et ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d, s'agissant de l'audition orale des parties ; ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; 112 Ia 198 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; 1C 61/2011 du 4 mai 2011 consid. 3.1 ; 1C_327/2009 du 5 novembre 2009 consid. 3.1 ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 ; ATA/463/2011 du 26 juillet 2011 consid. 3, s'agissant de l'inspection locale) et ceux-ci n'apparaissent en aucune mesure nécessaires, le dossier contenant déjà tous les éléments utiles, tels qu’ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l’autorité intimée, conjugués aux outils disponibles sur Internet, permettant au tribunal de statuer en connaissance de cause sur le litige (cf. à cet égard not. ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1 ; 1C_212/2018 du 24 avril 2019 consid. 4.1).

Partant, il ne sera pas donné suite aux mesures d'instruction sollicitées.

10.         Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

11.         Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_831/2019 du 8 juin 2020 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 ; ATA/322/2019 du 26 mars 2019 consid. 3).

12.         La ville se plaint d’un abus de pouvoir d’appréciation et d’une violation des art. 22, 23 et 36 LCI quant à l’existence et la prise en compte d’un « alignement de fait » du côté pair de la rue des Rois pour le calcul du gabarit autorisable.

Le département considère pour sa part qu’un tel alignement peut être retenu dans la continuité de l’alignement des immeubles sis 2-4 rue des Rois, donnant lieu à une distance sur rue entre alignement de 20,85 m, permettant au projet querellé de respecter les gabarits légaux.

13.         Le gabarit de hauteur de l’immeuble projeté, situé en 2ème zone, est réglé par les art. 22 ss LCI.

14.         L’art. 22 LCI prévoit que les constructions ne doivent en aucun cas dépasser un gabarit limité par un alignement et une ligne verticale de façade dont la hauteur est définie à l’art. 23 LCI (al. 1). Le même gabarit doit être appliqué à toutes les faces d’une construction, à l’exception des murs en attente (al. 2).

Selon l’art. 23 LCI, à front ou en retrait des voies publiques ou privées, la hauteur du gabarit ne peut dépasser de plus de 3 m la distance fixée entre alignements (H D + 3) (al. 1). La hauteur du gabarit est calculée, par rapport aux limites de propriétés privées, conformément aux dispositions de l'art. 25 al. 1 LCI (H 2D + 3) (al. 2).

Le 22 février 2008, le Grand Conseil a adopté une modification de l'art. 23 LCI (loi 10’088) selon laquelle le département peut autoriser le dépassement du gabarit d'un immeuble afin de permettre la création de logements supplémentaires, à condition que cela ne compromette pas l'harmonie urbanistique de la rue en tenant notamment compte du gabarit des immeubles voisins (al. 3). Après consultation de la commune et de la CMNS, le département établit des cartes indicatives, par quartier, des immeubles susceptibles d’être surélevés. La délivrance d’une autorisation en application de l’al. 3 est subordonnée à l’adoption par le Conseil d’État de la carte applicable à l’immeuble concerné (al. 4). À front ou en retrait des voies publiques ou privées, la hauteur du gabarit ne peut toutefois pas dépasser de plus de 6 m la distance fixée entre alignements (H D + 6). La hauteur du gabarit est calculée, par rapport aux limites de propriétés privées, conformément aux dispositions de l'art. 25 al. 2 (H 2D + 6) (al. 5). La hauteur de la ligne verticale du gabarit ne peut dépasser nulle part 24 m (H 24). Afin de permettre la construction de logements supplémentaires au sens des al. 3 à 5, la hauteur de la ligne verticale du gabarit ne peut dépasser nulle part 30 m (H 30) (al. 6). L’al. 7 réserve un certain nombre de dispositions qui restent applicables, dont l’art. 11 LCI.

15.         Conformément à la jurisprudence de la chambre administrative, tous les bâtiments du même côté d'une rue érigés en retrait de la limite de propriété sur une même ligne constituent un alignement de fait. Dès lors que les bâtiments sont alignés des deux côtés d'une rue, il se justifie de tenir compte de la distance entre alignements pour calculer la hauteur de gabarit (ATA/448/2021 du 27 avril 2021 ; ATA/821/2013 du 17 décembre 2013 ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012). Un alignement de fait a ainsi été admis pour les bâtiments bordant le côté pair de la rue Sillem jusqu'à la rue du Clos (ATA/720/2012 précité consid. 9b) et pour ceux du côté pair de la rue des Maraîchers voisine de la rue de l'École-de-Médecine (ATA/821/2013 précité consid. 3), mais nié pour un ensemble de bâtiments jouxtant un peu plus loin, sur le côté impair de la même rue des Maraîchers, le parc Gourgas, lesquels ne suggéraient pas une « ligne structurante forte susceptible de donner lieu à un alignement de fait », car seul un petit nombre de constructions était érigé sur cette distance, somme toute importante, celles-ci étaient éloignées les unes des autres et n'étaient pas toutes alignées sur une même ligne droite (ATA/821/2013 précité ibid.). Plus récemment, la chambre administrative a admis un alignement de fait pour les immeubles bordant la route de Meyrin aux nos 17 à 29, construits comme un ensemble, formant un alignement constant en hauteur et sur une même ligne et présentant les mêmes motifs et une continuité en façade (ATA/448/2021 précité consid. 4b).

16.         Selon l'art. 36 LCI, les constructions peuvent être couvertes par une toiture comprenant un niveau habitable avec d'éventuels prolongements en galeries, qui doivent s'inscrire dans un gabarit limité par une ligne horizontale de base partant du sommet du gabarit défini à l'art. 23 LCI, et son prolongement en saillie de 1.50 m au maximum (let. a), une ligne oblique nette formant un angle de 35° avec la ligne de base (let. b) et une ligne de faîtage brute située à 4,80 m au maximum de la ligne de base.

17.         En l’espèce, il ressort de l’extrait du plan du registre foncier produit par l’autorité intimée ainsi que des données du SITG et de Google Map que, côté pair, cinq bâtiments bordent la rue des Rois, longue d’environ 270 m. Tous sont implantés en retrait des limites de propriété. Sur ces cinq bâtiments, seuls deux sont alignés sur une même ligne droite, soit les immeubles sis 2-4, rue des Rois, construits comme un ensemble et situés au début de la rue des Rois, entre la rue de la Coulouvrenière et la rue du Stand (ci-après : le « côté Coulouvrenière »). Sur la portion de rue s’étendant de la rue du Stand au Boulevard de Saint-Georges (ci-après : le « côté cimetière »), d’une longueur d’environ 200 m, les trois bâtiments existants sont érigés plus en retrait et selon un alignement à chaque fois différent. Par ailleurs, comme le relève la ville, l’immeuble sis 6-8, rue des Rois et faisant l’angle avec la rue du Stand est en forme de « T », de sorte qu’une partie du bâtiment est située encore plus en retrait. De plus, sa façade principale ne donne pas sur la rue des Rois, mais sur la rue du Stand. Le bâtiment sis 10, rue des Rois est quant à lui situé à l’intérieur du cimetière des Rois, encore plus en retrait. Enfin, le dernier bâtiment, sis 65, boulevard de Saint-Georges et situé environ 100 m plus loin, est aligné avec d’autres bâtiments le long dudit boulevard sur lequel donne sa façade principale, la façade donnant sur la rue des Rois étant un mur en attente.

Contrairement au côté Coulouvrenière de la rue des Rois, où l’on peut clairement admettre l’existence d’un alignement de fait, sur la portion de rue située de l’autre côté de la rue du Stand, côté cimetière, aucun élément ne suggère une ligne structurante forte susceptible de donner lieu à un alignement de fait. Il convient en effet de relever, de la même manière que dans l’affaire ayant donné lieu à l’ATA/821/2013 susmentionné, que seul un petit nombre de constructions est érigé sur cette distance, somme toute relativement importante, que les constructions sont éloignées les unes des autres et qu’aucune n’est alignée sur une même ligne droite en retrait des limites de propriété.

Au vu de ce qui précède, le tribunal ne peut que suivre la recourante lorsqu’elle considère que le département a commis un abus de son pouvoir d’appréciation en retenant un alignement de fait le long de la rue des Rois, fondé sur les immeubles sis 2-4, rue des Rois (en bleu sur le plan).

Concernant la proposition d’alignement fondé sur le bâtiment sis 8, rue des Rois (en rouge sur le plan), elle ne saurait non plus être retenue dans la mesure où elle se fonde sur une seule façade - qui plus est latérale – et qui n’est alignée à aucune autre construction existante.

Ainsi, en l’absence d’un alignement de fait, c’est la distance entre les limites de propriété qui doit être prise en compte (cf. ATA/821/2013 consid. 7), soit en l’occurrence 15 m. Dès lors qu’il n’est pas contesté que le projet litigieux nécessite une distance entre alignement de 20,6 m, cette distance est clairement insuffisante pour autoriser le gabarit projeté, comme le démontre au besoin le croquis produit en pièce 15 par la ville.

C’est donc en violation des art. 22, 23 et 36 LCI que l’autorisation querellée a été délivrée.

S’agissant de la question de l’arbre remarquable, il sera relevé que même si sa présence en bordure de la parcelle n° 78 empêche en l’état toute construction en limite de propriété à cet endroit, en l’absence d’un alignement de fait la contraignant d’aligner une future construction en retrait de sa parcelle, on ne voit pas ce qui empêcherait la ville de construire en limite de sa propriété, hors du périmètre de protection de cet arbre.

En outre, même si la limite du domaine public devait être modifiée en cas de disparition de l'arbre en question, la distance entre alignements, de 17.85 m selon l’annexe 5 déposée par l’autorité intimée, serait quoi qu’il en soit insuffisante pour autoriser le projet querellé.

Au surplus, le fait que la parcelle n° 78 soit située en zone de verdure, qu’elle abrite le cimetière historique des Rois ou que la ville n’ait pas de projet de construction en l’état, n’est pas pertinent. Comme l’a retenu la chambre administrative dans l’ATA/821/2013 cité par les parties, dont le cas d’espèce est similaire à la situation jugée dans cette affaire, le fait que la parcelle concernée (soit en l’occurrence le parc Gourgas) soit constructible ou non, que la ville ait des projets de construction dans le parc ou non, n’avait pas d’incidence sur l’alignement à retenir dans l’optique d’une surélévation d’un immeuble situé en face du parc (consid. 4). De même, le fait que cette parcelle soit située en zone de verdure et que la ville n’ait pas de projet de construction sur le parc ne le rendait pas inconstructible (consid. 5).

18.         En conclusion, c’est bien la distance entre l’immeuble de l’intimée et la limite de propriété de la ville qui doit être prise en compte dans le cas d’espèce, soit 15 m.

L’autorité intimée estime que dans ce cas, il y a lieu de considérer qu’une dérogation selon l’art. 11 LCI aurait été octroyée.

19.         L'art. 11 al. 4 LCI prévoit qu'un dépassement du gabarit peut être autorisé par le département après consultation de la CA, pour autant que la construction projetée soit édifiée sur des terrains dont la surface libre est suffisante pour préserver les voisins des inconvénients que pourrait impliquer le supplément de hauteur (a), qu'elle n'excède pas l'indice d'utilisation du sol qui résulterait de la stricte application de la loi (b), qu'elle ne nuise pas à l'harmonie de la silhouette de l'agglomération ni à la perception de sa topographie (c), qu'elle se justifie par ses aspects esthétiques et sa destination et qu'elle soit compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier (d).

20.         En l’occurrence, si une dérogation basée sur l’art. 11 al. 4 LCI a été bien été accordée, tant la CA, dans son préavis du 17 décembre 2019, que l’autorité intimée, dans son courrier à la ville du 8 mai 2020, ont expressément précisé que cette dérogation portait exclusivement sur une partie de la surélévation côté rue de la Synagogue, soit la parcelle n° 3'769.

A contrario, aucune dérogation selon cette disposition n’a été octroyée s’agissant du gabarit côté rue des Rois.

L’autorité intimée ne saurait par conséquent se fonder sur cette disposition pour justifier le dépassement du gabarit légal maximal applicable le long de la rue des Rois.

21.         Au vu de ce qui précède, force est de constater que l’autorité intimée a abusé de son pouvoir d’appréciation en délivrant l’autorisation querellée qui a validé l’existence d’un prétendu alignement de fait à 20,85 m.

Le recours sera donc admis sur cette question.

22.         Dans ces conditions, point n’est besoin d’examiner les autres griefs invoqués par les parties, en particulier s’agissant de la violation de la garantie de la propriété de la ville et de l’harmonie et de l’esthétique du projet, dans la mesure où ils sont liés – directement ou indirectement – à la question de l’alignement et donc du gabarit de la surélévation susceptible d’être autorisée.

À toutes fins utiles, le tribunal relèvera toutefois que les griefs relatifs à la typologie des logements (vide d’étage, habitabilité) sont prématurés, dès lors que l’autorisation querellée est une autorisation préalable, qui porte sur l’implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet (cf. art. 5 al. 1 LCI). La typologie des logements n’a pas à être examinée à ce stade, mais au stade de la demande définitive.

S’agissant des inconvénients graves, il sera rappelé que, conformément au texte de l'art. 14 LCI, c'est la construction ou l'installation querellée qui doit être la cause des inconvénients graves et non les travaux relatifs à cette construction. Par conséquent, les griefs relatifs aux nuisances que les habitants des bâtiments voisins subiraient en raison des travaux de surélévation ne sauraient fonder l'existence d'inconvénients graves au sens de l'art. 14 LCI.

Quant au problème de « surdensification », il convient de souligner que non seulement il n’existe pas d’indice d’utilisation du sol maximal pour les parcelles en cause, sises en 2ème zone, mais le projet se situe dans un quartier où la surélévation a été admise, l’immeuble lui-même ayant été identifié comme étant susceptible d’être surélevé : le principe de sa surélévation a donc déjà été retenu.

Concernant la question de la perte d’ensoleillement, c’est à la partie qui s’en plaint à qui incombe le fardeau de la preuve de la perte invoquée (cf. ATA/372/2020 du 16 avril 2020 consid. 4c).

Enfin, s’agissant du problème de mobilité, il sied de relever que les arguments développés - très sommairement - par LA FONCIÈRE GE SA (à savoir que les « nouvelles mesures de circulation et le développement des pistes cyclables » mises en place à l’été 2020 aurait davantage bloqué la circulation sur l’axe Stand-Coulouvrenière et que projet de construction au centre du Square du Stand conduirait encore à la suppression de places de parking dans le secteur) ne sont pas pertinents dès lors qu’ils sortent du cadre du litige.

23.         Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision querellée annulée.

24.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), l'intimée, qui succombe, est condamnée au paiement d'un émolument s'élevant à CHF 2’500.-.

25.         Vu l'issue du litige, les avances de frais versées par les recourantes leur seront restituées et une indemnité de procédure de CHF 3'600.-, répartie à raison de CHF 2’600.- en faveur de la ville et CHF 1’000.- en faveur de LA FONCIÈRE GE SA, leur sera allouée. Cette indemnité sera mise pour moitié à la charge de L PROPERTIES SA et pour moitié à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             prononce la jonction des causes A/1565/2020 et A/1640/2020 sous le n° de cause A/1565/2020 ;

2.             déclare recevables les recours interjetés le 29 mai 2020 par la Ville de Genève et le 8 juin 2020 par LA FONCIÈRE GE SA contre la décision du département du territoire du 8 mai 2020 ;

3.             les admet ;

4.             annule l’autorisation de construire préalable DP 18'862 ;

5.             met à la charge de L PROPERTIES SA un émolument de CHF 2'500.- ;

6.             ordonne la restitution aux recourantes de leurs avances de frais ;

7.             alloue aux recourantes, à la charge conjointe et solidaire de L PROPERTIES SA et de l’État de Genève, soit pour lui le département du territoire, une indemnité de procédure de CHF 3’600.- à titre de dépens, selon la clé de répartition précisée aux considérants du jugement ;

8.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, François DULON et Julien PACOT, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière