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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3797/2010

ATA/713/2011 du 22.11.2011 ( AMENAG ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE; ZONE AGRICOLE; PLAN D'AFFECTATION; QUALITÉ POUR RECOURIR; ASSOCIATION
Normes : LaLAT.20.al5 ; LaLAT.20.al6 ; LaLAT.20.al7 ; LaLAT.20.al8 ; LaLAT.35 ; LPA.60.letb
Parties : ASSOCIATION VIVRE A LULLY / CONSEIL D'ETAT, JAQUENOUD Edouard
Résumé : Irrecevabilité du recours corporatif formé par une association contre un plan localisé agricole. L'association en question ne dispose pas de la qualité pour recourir, dans la mesure où ses membres résident ou sont propriétaires de terrains tous situés à plus de 300 mètres du périmètre délimité par le plan d'affectation litigieux. Les nuisances alléguées par la recourante n'atteignent en outre pas le degré d'évidence et d'intensité exigé par la jurisprudence pour justifier l'intervention d'un cercle élargi de personnes.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3797/2010-AMENAG ATA/713/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 novembre 2011

 

dans la cause

 

ASSOCIATION VIVRE À LULLY

contre

CONSEIL D’éTAT

et

Monsieur Edouard JAQUENOUD, appelé en cause

représenté par Me Bruno Mégevand,



EN FAIT

1) Les parcelles nos 8030, 1721, 1910, 1911, 1651, 1652 et celles affectées au domaine public communal nos 7610, 7672, 7673, 7674, 7675, feuilles 24 et 31, de la commune de Bernex sont sises en zone agricole au lieu-dit « Le Pré de Genève ».

D’une superficie de 45'750 m2, ces bien-fonds sont cultivés. Des serres-tunnels avec bâches en plastique sont notamment implantées sur plus de la moitié d’entre eux, dans le prolongement de serres situées plus au nord du périmètre, en direction du village de Lully.

2) L’ensemble des serres du secteur dispose d’un centre d’exploitation situé à l’angle des chemins de la Léchaire et de la Pesse sur la parcelle n° 1628, feuille 24, de la commune de Bernex.

Pour accéder à ce centre, les poids lourds empruntent actuellement le rond-point sis au carrefour des routes de Soral et de Lully, puis le chemin de la Pesse situé en zone 4B protégée. Sur le tronçon en question, ledit chemin est bordé, à l’est, par des places de stationnement latérales qui, lorsqu’elles sont occupées, empêchent le croisement de deux véhicules.

3) Selon la carte du schéma directeur cantonal du plan directeur cantonal (ci-après : PDC), le secteur « Le Pré de Genève » est voué à l’agriculture spéciale au sens de la fiche n° 3.01 dudit schéma.

Cette fiche définit les critères servant à la délimitation des « zones agricoles spéciales » (ci-après : ZAS) que le canton de Genève a planifiées suite à la révision partielle de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT - RS 700) du 20 mars 1998. Entrée en vigueur le 1er septembre 2000, ladite révision a ouvert la zone agricole à des constructions servant à une production agricole non tributaire du sol et dépassant le cadre du développement interne, tout en déléguant aux cantons la tâche de désigner, au moyen d’une procédure de planification, les périmètres susceptibles d’accueillir de telles constructions.

S’agissant de l’implantation de nouvelles constructions au sein des ZAS, la fiche n° 3.01, dans sa version adoptée par le Conseil d’Etat le 28 mars 2007 et approuvée par le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (ci-après : DETEC) le 28 juin 2007, précise que : « à l’intérieur des principaux périmètres, soit ceux de la plaine de l’Aire et de la plaine de Veyrier-Troinex, l’implantation des nouvelles constructions devra tenir compte des deux schémas directeurs agréés par le DT ainsi que de la notice explicative sur la mise en œuvre rédigée par la direction de l’aménagement du territoire ».

4) En 2004, le département en charge de l’aménagement du territoire (ci-après : le département) a mandaté un groupement de bureaux d’architectes, d’ingénieurs et de spécialistes en environnement afin de réaliser une « étude d’aménagement des secteurs maraîchers de la plaine de l’Aire et de la plaine de Veyrier-Troinex », identifiés comme ZAS par le PDC.

Cette étude, dont les résultats ont été publiés dans un rapport datant d’avril 2006, visait à élaborer des schémas directeurs pour les deux périmètres précités, à titre de références pour les futurs plans localisés agricoles relatifs à des projets de développement concrets des ZAS concernées (rapport d’étude GMA p. 3-4).

5) Selon cette même étude, une exploitation rationnelle des unités de culture sous serres implique que le centre d’exploitation, soit l’emplacement où sont localisés les hangars de stockage, soit accessible aux poids lourds (40 tonnes). Le trafic induit par les exploitations de cultures sous abris serait cependant relativement limité. Sur la base d’une production de légumes de 400 tonnes par an, répartie sur 8 à 10 mois, le trafic lié à l’acheminement des récoltes d’unité d’exploitation de 10 hectares de serres correspondrait au maximum à 4 rotations de camions par jour ouvrable.

Le trafic futur total lié à un sous-périmètre comprenant plusieurs exploitations importantes telles que « Le Pré de Genève », dont la surface totale de serres pourrait atteindre environ 40 ha, s’établirait à une valeur de l’ordre de 15 rotations au maximum, soit 30 mouvements de camions par jour ouvrable.

La mise en œuvre systématique d’axes de desserte à deux voies, présentant une largeur de 7 m, ne serait ainsi pas indispensable compte tenu du faible trafic induit, la mise en œuvre de tronçons à voie unique d’une largeur de 3,75 m avec mise en œuvre de places d’évitement pouvant être une option à recommander dans certains cas (rapport d’étude GMA, p. 46).

6) Le schéma directeur de la plaine de l’Aire reproduit dans le rapport d’avril 2006 mentionne les axes principaux de dessertes des exploitations. S’agissant du secteur « Le Pré de Genève », ceux-ci consistent dans le chemin du Loup (depuis la route de Soral jusqu’à l’intersection avec le chemin des Polières), celui des Cornaches et celui de la Léchaire (jusqu’au carrefour avec le chemin de la Pesse) (rapport d’étude GMA, p. 57).

L’aménagement de cette ZAS ne nécessiterait aucun changement du réseau routier, seuls les débouchés des dessertes principales devant être gérés par les règles de circulation en vigueur (rapport d’étude GMA, p. 57). Les distributions dans le secteur « Le Pré de Genève » auraient été prévues en fonction des centres d’exploitation existants. S’agissant de l’extension prévue au-delà du canal de protection contre les crues, un raccordement direct à la route de Soral (via le chemin du Loup) était préconisé pour ne pas surcharger la zone habitée de Lully (rapport d’étude GMA, p. 58).

7) Le 26 janvier 2007, Messieurs Edouard Jaquenoud et Philippe Magnin, maraîchers, ont déposé une demande de renseignements enregistrée sous numéro DR 17'995 et portant sur la construction d’une serre sur les parcelles nos 1642, 1651, 1652, 1721, 1910 et 1911, feuilles 24 et 31, de la commune de Bernex. Le 12 octobre 2007, le département a donné une réponse favorable à cette demande, tout en réservant l’élaboration d’un plan localisé agricole (ci-après : PLA).

8) Le 23 novembre 2007, le département a élaboré un projet de PLA n° 29’676-507, situé au-lieu dit « Les Ruttets », entre le chemin des Cornaches et le chemin du Pont, sur les parcelles nos 8030 pour partie, 1721, 1910, 1911, 1651, 1652 et dp nos 7610, 7672, 7673, 7674, 7675, feuilles 24 et 31, de la commune de Bernex.

Ce projet prévoyait la construction d’une vaste serre en verre (de 42'237 m2 et de 6 m de hauteur maximale à la sablière), ainsi que d’un bassin de rétention des eaux pluviales, en remplacement des serres-tunnels avec bâches en plastique existant sur plus de la moitié du périmètre. Le tronçon du chemin des Cornaches compris entre le chemin des Ruttets et celui des Piolières y figurait comme axe principal de desserte de l’exploitation, tandis que les chemins des Ruttets, du Pont et des Piolières constituaient des axes secondaires.

Un schéma indicatif du développement des secteurs compris entre les chemins de la Pesse, de la Léchaire, du Loup et des Piolières était en outre présenté. Quatre zones de serres, dont celle faisant l’objet du projet de PLA n° 29’676-507, et une zone dévolue aux locaux d’exploitation (sise dans le prolongement de ceux existant déjà) y étaient délimitées. Le tronçon du chemin des Cornaches, compris entre le chemin de la Léchaire et celui des Piolières, y figurait en tant qu’axe principal de desserte des exploitations, la question de l’accès à celles-ci depuis les routes cantonales de Soral ou Lully n’étant pour le surplus pas traitée.

9) D’octobre à décembre 2008, le projet de PLA n° 29’676-507 a été soumis à enquête technique auprès de différents services ou commissions concernés.

Dix-sept préavis favorables ont été rendus, dont quatre avec réserves, émises par la direction générale de l’eau (ci-après : DGEau), la direction de l’aménagement du territoire (ci-après : DAT), le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) et la direction de la nature et du paysage (ci-après : DGNP). Le préavis favorable de la direction générale de la mobilité ne contenait aucune observation particulière.

10) Du 21 août au 21 septembre 2009, le projet de PLA n° 29’676-507 a été mis à l’enquête publique.

11) Par courrier du 20 septembre 2009, l’Association Vivre à Lully (ci-après : AVAL) a transmis ses observations au département.

Les entreprises maraîchères actives dans la zone agricole du Bas-Lully induisaient d’ores et déjà un important trafic de camions. Faute de réseau routier adapté, ceux-ci empruntaient actuellement le tronçon du chemin de la Pesse compris entre la route de Soral et le chemin de la Léchaire, voire celui-ci. Ils étaient source de nuisances sonores importantes et de danger pour la sécurité des habitants du village. Les deux chemins précités devaient être réservés à la desserte des quartiers d’habitation du Bas-Lully, ce d’autant qu’ils constituaient l’un des accès les plus naturels à l’école enfantine et primaire du village. Or, le schéma indicatif du développement du secteur, comme le projet de PLA, ne planifiaient pas d’accès spécifique et adapté au trafic de camions, reliant la ZAS aux routes cantonales de Soral et de Lully. Une telle voie d’accès pouvait être aménagée à l’emplacement du chemin des Cornaches à condition de recalibrer celui-ci et d’adapter son débouché sur la route de Soral. Encore fallait-il pour ce faire que ledit chemin soit incorporé dans le périmètre du PLA.

12) Par courrier du 8 octobre 2009, le département a répondu aux observations de l’AVAL. Tant le projet de PLA que le schéma indicatif du développement des secteurs étaient conformes aux conclusions du rapport d’étude d’avril 2006 en matière d’axes de desserte des exploitations.

13) Le 2 décembre 2009, le conseil administratif de la commune de Bernex a rendu un préavis favorable sous huit conditions à l’égard du projet de PLA n° 29’676-507.

La commune exigeait notamment que des mesures d’accompagnement pour la circulation engendrée par la ZAS au travers du village de Lully soient définies, qu’une étude de la faisabilité d’un giratoire au croisement de la route de Soral et de la route Alphonse-Ferrand soit entreprise, que les adaptations des chemins du domaine public communal, qui n’étaient pas dimensionnés pour recevoir un trafic lié à l’exploitation de la ZAS, ne soient pas à sa charge et que les liens entre la ZAS et la zone constructible du village de Lully soient définis.

14) Par courrier du 14 avril 2010, le président du département a accusé réception de ce préavis.

Le projet de PLA n° 29’676-507 était conforme à l’étude d’aménagement des ZAS menée en 2006 pour les secteurs maraîchers de la plaine de l’Aire, au sujet de laquelle les autorités communales n’avaient formulé aucune remarque. Il portait sur un secteur d’ores et déjà en exploitation et ne représentait qu’un quart du développement de la ZAS. Il avait en outre reçu un préavis favorable de la direction générale de la mobilité pour les questions de circulation et d’accessibilité au périmètre, de sorte qu’il n’apparaissait pas opportun de lui apporter des modifications.

15) Du 28 avril au 29 mai 2010, le projet de PLA n° 29’676-507 a été soumis à la procédure d’opposition.

16) Dans le courant du même mois de mai 2010, le département a élaboré un guide de mise en œuvre des ZAS.

Cinq ans après la délimitation dans le PDC de secteurs voués à l’agriculture spéciale, il était souhaitable de préciser la portée des différents plans établis (PDC, études directrices, etc.) (p. 3 du guide).

Des schémas directeurs concernant les secteurs maraîchers de la plaine de l’Aire et des communes de Veyrier/Troinex avaient été élaborés à l’attention des services cantonaux compétents, afin de faciliter l’établissement des PLA liés à des projets de serres. Ces schémas, à ranger dans la catégorie des instruments de planification directrice, ne devaient toutefois pas être considérés comme intangibles, toutes les données y figurant ne disposant pas de la même valeur. Les périmètres des ZAS, les axes principaux de desserte des exploitations, les césures vertes et les fossés collecteurs à ciel ouvert comptaient parmi les éléments contraignants des schémas directeurs, tandis que les zones tampons, les surfaces de rétention liées aux fossés collecteurs, la surface d’implantation des serres, les alignements et fronts, les locaux d’exploitation et les stockage d’eau de pluie étaient des éléments indicatifs des schémas directeurs susceptibles d’être légèrement modifiés à l’occasion d’un projet concret (pp. 4 et 5 du guide).

17) Par courrier du 28 mai 2010 adressé au Conseil d’Etat, l’AVAL a formé opposition au projet de PLA n° 29’676-507.

Le projet de PLA litigieux ne comportait aucune disposition, réserve ou condition garantissant que la desserte de la ZAS s’effectuerait par le chemin des Cornaches ou le chemin du Loup, tel que prévu par l’étude générale d’aménagement des ZAS de la plaine de l’Aire de 2006. En ne déterminant pas les voies d’accès, ainsi que l’organisation des circulations induites par les constructions à édifier à l’intérieur de son périmètre, ainsi que leur raccordement au réseau routier cantonal, ce projet contrevenait à la fiche n° 3.01 du PDC. La situation déjà problématique du fait de la circulation de poids lourds sur le chemin de la Pesse ne ferait qu’empirer au cas où aucune disposition sérieuse et contraignante n’était prise dans le cadre des PLA à venir pour organiser un accès réservé à la ZAS.

18) Le 27 juillet 2010, le département a modifié la légende du projet de PLA n° 29’676-507, en y précisant que les axes principaux et secondaires de desserte des exploitations mentionnés dans le plan l’étaient « à titre indicatif ».

19) Par arrêté du 6 octobre 2010 publié ans la Feuille d’Avis Officielle (ci-après : FAO) du 8 octobre 2010, le Conseil d’Etat a approuvé le PLA n° 29’676-507. Par arrêté séparé du même jour, il a rejeté l’opposition formée par l’AVAL, après avoir laissé ouverte la question de sa qualité pour agir.

La mise en œuvre des ZAS était réglée à l’art. 20 al. 5 à 9 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), lequel subordonnait la délivrance d’autorisations de construire des constructions et installations au sens de l’art. 16a al. 3 LAT à l’adoption préalable d’un PLA. Le contenu de ce dernier variait en fonction de la surface des constructions et installations projetées. Lorsque celle-ci était égale ou supérieure à 5'000 m2, le PLA devait régler le gabarit, la destination et l’implantation des constructions et installations, en dérogeant au besoin aux normes de la 5ème zone. Lorsque la surface des constructions et installations était inférieure à 5'000 m2, le PLA devait se borner à délimiter un périmètre sans fixer aucune prescription spéciale, à l’instar des plans d’affectation du sol généraux. Les éléments devant figurer dans un PLA étaient exhaustivement énumérés par l’art. 20 al. 7 LaLAT, contrairement à ceux susceptibles d’être réglés par un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ). Ils reflétaient la volonté du législateur, clairement exprimée lors des travaux préparatoires, d’éviter les procédures longues et complexes et d’alléger la réglementation relative aux ZAS.

Un PLA ne se devait ainsi pas de régler l’organisation des circulations induites par les constructions à édifier dans son périmètre, ni de fixer l’itinéraire à suivre par les poids lourds afin de rallier le réseau cantonal. Dans sa version soumise à la procédure d’opposition, le projet de PLA contenait à cet égard une ambiguïté en tant qu’il paraissait distinguer, au titre des mesures de mise en œuvre des éléments de base du programme d’équipement, les axes principaux et secondaires de desserte des exploitations, lesquels se prolongeaient largement en dehors de son périmètre. Or, de tels actes consistaient dans des mesures de circulation relevant exclusivement de la réglementation de droit public applicable en la matière et ne pouvaient être ordonnés par le biais d’un PLA. C’est la raison pour laquelle la légende du projet de PLA litigieux avait été modifiée. Au stade du PLA, il suffisait uniquement de s’assurer que les constructions soient desservies par des voies de communication suffisantes, de telle sorte que la délivrance des autorisations de construire nécessaires puisse avoir lieu conformément à l’art. 22 al. 2 let. b LAT. Tel était le cas en l’espèce, raison pour laquelle la direction générale de la mobilité avait délivré un préavis favorable sans réserve au projet de plan querellé.

L’implantation des serres prévues par celui-ci tenait compte des observations relatives à l’accès et à la desserte du secteur formulées dans l’étude d’aménagement des secteurs maraîchers de la plaine de l’Aire et de la plaine de Veyrier-Troinex d’avril 2006 et respectait ainsi la fiche n° 3.01 du PDC. Le schéma directeur des Prés de Genève faisant partie de cette étude ne contenait aucune indication laissant entendre que la desserte de cette partie de la ZAS devrait se faire à l’avenir, soit par le chemin des Cornaches, soit par le chemin du Loup, à l’exclusion du chemin de la Pesse. Le projet querellé respectait également le guide de mise en œuvre des ZAS adopté par le département en mai 2010.

L’étude d’aménagement d’avril 2006 n’avait relevé aucune difficulté majeure due à l’accroissement du trafic. Le PLA incriminé envisageait de créer environ 4,5 ha de serres, ce qui n’impliquerait au maximum que 2 rotations, soit 4 mouvements de camions journaliers. Les axes existants (chemin du Loup, chemin des Cornaches et chemin des Ruttets) étaient donc suffisants. Les 4,5 ha de serres prévus par le PLA allaient en outre partiellement remplacer des tunnels plastiques, lesquels donnaient actuellement lieu à une production de légumes d’ores et déjà acheminés par camions vers des centres commerciaux. L’argument tenant à la dangerosité du trafic pour les enfants se rendant à l’école via le chemin de Pesse était en outre irrecevable puisqu’il concernait un secteur situé en dehors du périmètre du projet de PLA contesté.

20) Par acte du 8 novembre 2010, l’AVAL a recouru contre l’arrêté du Conseil d’Etat du 6 octobre 2010 approuvant le PLA n° 29’676-507 auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant à son annulation sous suite de frais.

Régulièrement constituée en association, elle avait en particulier pour but de « défendre les intérêts et la sécurité de ses membres et de leurs habitations, notamment en effectuant toutes démarches, demandes ou actions auprès de tiers ou de toutes autorités communales, cantonales ou fédérales », selon l’art. 3 de ses statuts adoptés le 5 décembre 2002. Elle comptait 166 membres cotisants, dont 90 % environ étaient domiciliés et/ou propriétaires à Lully, dans le périmètre délimité par le cours de l’Aire, les routes cantonales de Lully et de Soral et le chemin de la Pesse. Le tronçon du chemin de la Léchaire compris entre le chemin de la Pesse et le pont de Lully (aménagé en zone 30 km/h), et le chemin de la Pesse débouchant sur le giratoire situé dans l’axe des routes cantonales de Soral et de Lully, constituaient les principaux accès à ce quartier résidentiel. Par le trafic de poids lourds très important qu’il allait induire, le PLA querellé était indéniablement de nature à porter une atteinte grave, tant du point de vue de la sécurité et de la fluidité de la circulation que de l’accroissement des nuisances phoniques, à la qualité de vie des habitants du quartier.

Le PLA querellé, qui constituait la première étape du processus de développement d’un vaste secteur affecté en ZAS, méconnaissait une donnée essentielle en matière d’aménagement du territoire, à savoir la nécessité de séparer les courants de trafic de deux zones aux affectations diamétralement opposées (la production industrielle de fruits et légumes et l’habitation). Il aurait dû prévoir de quelle manière il allait s’articuler avec les PLA suivants et, partant, définir et réserver les axes, existants ou à créer, reliant les divers sous-périmètres au réseau des routes cantonales.

Le schéma directeur de la plaine de l’Aire contenu dans le rapport d’étude d’avril 2006 fixait très clairement les axes principaux de desserte du secteur « Le Pré de Genève », sis aux chemins des Cornaches et du Loup, à l’exclusion du chemin de la Pesse. Les dénégations du Conseil d’Etat en la matière constituaient un cas de constatation inexacte des faits pertinents au sens de l’art. 61 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Parce qu’il ignorait une donnée essentielle de l’étude d’aménagement à laquelle renvoyait la fiche n° 3.01 du PDC, le PLA querellé consacrait en outre une violation de l’art. 26 al. 2 LAT. Il contrevenait enfin au guide de mise en œuvre des ZAS de mai 2010, auquel la fiche n° 3.01 renvoyait également.

La législation régissant le contenu des PLA était lacunaire concernant la mise en place des équipements des ZAS en voies d’accès et de circulation. Ces lacunes étaient telles qu’elles faisaient douter de la conformité de l’art. 20 al. 5 à 8 LaLAT au droit fédéral, plus particulièrement à l’art. 16a al. 3 LAT. La procédure ayant conduit à l’adoption du PLA litigieux devait être qualifiée de nulle pour cause de violation des art. 16a al. 3 et 19 al. 1 LAT. Le Conseil d’Etat n’avait fourni aucun élément de réponse quant aux possibilités effectives d’aménagement du chemin des Cornaches (chemin agricole revêtu de matière du Salève) et de son débouché sur la route de Soral, à proximité d’une jardinerie et du carrefour avec la route Alphonse-Ferrand ou quant aux possibilités de franchissement de la digue de protection du village par des poids lourds voulant se diriger vers le chemin du Loup, allant même jusqu’à confondre ce modeste ouvrage avec le pont de Lully. Cet examen pour le moins superficiel de questions pertinentes constituait un déni de justice proscrit par les art. 9 et 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et une constatation inexacte des faits pertinents au sens de l’art. 61 al. 1 let. b LPA.

21) Le 21 décembre 2010, le Tribunal administratif a appelé en cause, à sa requête, M. Jaquenoud, propriétaire des parcelles nos 1721 et 8030, feuilles 24 et 31, de la commune de Bernex, toutes deux comprises dans le périmètre du PLA querellé.

22) Le 13 janvier 2011, le département, agissant comme département rapporteur pour le Conseil d’Etat, s’est déterminé sur le recours de l’AVAL. S’en rapportant à justice s’agissant de la qualité pour recourir de l’association, il conclut à son rejet sous suite de frais.

Le PLA querellé était conforme à l’étude d’aménagement des secteurs maraîchers de la plaine de l’Aire et de la plaine de Veyrier-Troinex d’avril 2006, ainsi qu’au guide de mise en œuvre des ZAS établi par la DAT en mai 2010. Il distinguait les axes principaux de desserte des exploitations, à savoir en l’espèce le chemin des Cornaches, par rapport aux axes secondaires de desserte. Si le schéma directeur de la plaine de l’Aire s’était abstenu de désigner le chemin de la Pesse, sis en zone 4B protégée, parmi les axes principaux de desserte des exploitations, cela tenait au fait qu’il ne portait que sur des terrains sis en zone agricole. Ledit chemin offrait toutefois l’accès le plus direct à la route de Soral depuis le centre d’exploitation desservant les serres actuelles et celles prévues par le PLA querellé et paraissait tout désigné pour servir à cet effet, raison pour laquelle il était déjà utilisé par les poids lourds, ce que le schéma directeur ne remettait nullement en cause

La prétendue force obligatoire de la fiche n° 3.01 du schéma directeur cantonal du PDC se limitait à « l’implantation des nouvelles constructions ». Elle ne portait pas sur d’autres éléments, en particulier pas sur les axes de desserte préconisés par les schémas directeurs. Il était au surplus douteux qu’une simple fiche du schéma directeur cantonal puisse avoir pour effet d’ériger des schémas directeurs en planification directrice dérivant du PDC. Ceci, de surcroît, en déléguant à un département le soin de distinguer, par le biais d’une directive, les éléments de ces schémas relevant d’un acte de planification et revêtant à ce titre force contraignante pour les autorités.

Le législateur cantonal avait délibérément allégé tant le contenu que la procédure d’adoption des PLA. L’art. 20 al. 5 à 8 LaLAT n’en demeurait pas moins conforme au droit fédéral. Si les art. 16a al. 3 LAT et 38 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) prescrivaient l’adoption d’un plan d’affectation du sol pour délimiter les zones agricoles destinées à la production non tributaire du sol, ils n’imposaient nullement que ces plans d’affectation du sol revêtent la forme de plans d’affectation spéciaux, traitant de façon détaillée de l’équipement en voies d’accès et de circulation. De tels plans pouvaient parfaitement prendre la forme de plans d’affectation généraux réglant la destination générale des terrains à la manière des plans de zones adoptés par le Grand Conseil. Au-delà de 5'000 m2, l’art. 20 al. 7 LaLAT prescrivait aux PLA de régler le gabarit, la destination et l’implantation des constructions et installations projetées, lesdits plans pouvant être qualifiés de plans d’affectation spéciaux au contenu exhaustif et minimal par rapport à des instruments tels un PLQ ou un plan directeur de zone de développement industriel. Cette solution se conformait à l’art. 19 al. 1 LAT qui impliquait tout au plus de s’assurer que les futures constructions soient desservies par des voies de communication suffisantes, afin que des autorisations de construire puissent être délivrées dans le respect de l’art. 22 al. 2 let. b LAT. Tel était bien le cas en l’espèce, puisque les serres prévues par le PLA querellé seraient rattachées à un centre d’exploitation correctement desservi, de surcroît par un chemin sis en zone à bâtir plutôt qu’en zone agricole, raison pour laquelle la direction générale de la mobilité avait délivré un préavis favorable sans réserve.

A considérer que la force obligatoire du PDC porterait sur les voies de communication, ce qui était contesté, il ne serait pas possible de fixer dans le PLA litigieux l’organisation des circulations induites par les constructions à édifier à l’intérieur de son périmètre, ainsi que l’itinéraire à suivre par les poids lourds pour rallier le réseau cantonal. De même qu’un plan de zone général ne pouvait rendre contraignante l’implantation d’un bâtiment, un PLA ne pouvait en effet rendre obligatoire pour les tiers des éléments n’entrant pas dans son contenu défini par la loi. La détermination des axes principaux et secondaires de desserte des exploitations correspondait en outre à des mesures de circulation ressortant exclusivement à la réglementation de droit public topique en la matière et ne pouvant pas être ordonnées par le biais d’un PLA.

Le grief de violation de l’art. 61 al. 1 let. b LPA était infondé, dans la mesure où les faits constatés de manière inexacte lors du traitement de l’opposition de la recourante n’étaient pas pertinents. Le Conseil d’Etat avait certes affirmé par erreur que le schéma directeur du secteur « Le Pré de Genève » ne contenait pas d’indication sur les axes principaux de desserte des exploitations, mais avait par ailleurs clairement exposé les raisons à l’origine de la modification de la légende du PLA litigieux sur ce point. S’agissant des propositions de circulation des poids lourds formulées à titre alternatif par la recourante, comme de ses interrogations quant aux possibilités d’aménagement du chemin des Cornaches, elles étaient irrelevantes, dès lors qu’elles portaient sur des voies de communication situées en dehors du périmètre du PLA litigieux. Les éventuelles erreurs d’interprétation commises par le Conseil d’Etat à cet égard n’étaient donc elles aussi pas pertinentes au sens de l’art. 61 al. 1 let. b LPA et ne pouvaient être assimilées à un déni de justice prohibé par les art. 9 et 29 Cst.

23) Le 14 janvier 2011, M. Jaquenoud s’est déterminé sur le recours de l’AVAL. Il conclut à l’irrecevabilité de celui-ci, subsidiairement à son rejet sous suite de frais et dépens.

La recourante faisait à tort du chemin de la Pesse la desserte principale du quartier dit du Bas-Lully, alors que ses habitants utilisaient principalement le chemin de la Léchaire en direction du pont de Lully pour leurs déplacements en véhicule. S’agissant des piétons et des enfants se rendant à l’école de Lully, ils empruntaient principalement le chemin des Colverts sis en zone 30 km/h ou celui, non immatriculé, parallèle à ce dernier. Le chemin de la Pesse, muni d’un trottoir, était quant à lui surtout emprunté par les habitants du chemin des Longs Prés. Les mouvements de camions engendrés par les activités maraîchères étaient extrêmement réduits et avaient été correctement évalués par l’étude d’aménagement d’avril 2006. Le caractère saisonnier de la production faisait qu’il n’y avait quasiment pas de mouvements de camions de décembre à février, peu de trafic en mars/avril et en septembre/octobre, si bien que c’était au cours des mois de mai à août, soit pour moitié durant les vacances scolaires d’été, qu’avait lieu la majorité des mouvements de camions. Les nouvelles serres prévues par le PLA litigieux n’engendreraient pas un accroissement de trafic proportionnel à leur surface, puisque l’augmentation de la production maraîchère en résultant allait, en premier lieu, être absorbée par un meilleur remplissage des camions desservant les serres actuelles.

L’AVAL alléguait compter 166 membres, dont 90 % domiciliés dans le quartier du Bas-Lully, sans toutefois en produire la liste. Celle-ci devait être versée à la procédure afin que la qualité pour recourir de l’association puisse être vérifiée.

Sur le fond, les déterminations de l’appelé en cause rejoignaient celles de l’autorité intimée.

24) Le 30 mai 2011, l’AVAL a persisté dans les motifs et conclusions de son recours, sous suite de frais et dépens à mettre à la charge du Conseil d’Etat et de M. Jaquenoud.

Lors de son assemblée générale du 19 mai 2011, elle avait reformulé l’art. 3 de ses statuts, en y précisant son but de promotion et de défense des intérêts de ses membres dans les causes relevant de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire, de l’environnement, des constructions, de la circulation, des transports publics et de la sécurité en général. La réponse au recours de l’autorité intimée démontrait que l’exploitation des serres prévues par le PLA litigieux allait se répercuter directement sur l’activité du centre d’exploitation situé à l’angle des chemins de la Pesse et de la Léchaire, dans le voisinage direct (20 à 30 m) des premières habitations du quartier. Cela ne ferait qu’accroître l’intensité du trafic de poids lourds empruntant le chemin de la Pesse, de même que les nuisances phoniques liées à la manutention, au chargement et au déchargement des véhicules. Pour apprécier la qualité pour recourir de l’AVAL, il convenait dès lors de prendre en compte la proximité immédiate des habitations de ses membres par rapport au centre d’exploitation, sur l’activité duquel les futures serres exerceraient des effets immédiats, plutôt que de mesurer la distance séparant ces habitations des serres elles-mêmes. Sous cet angle, la qualité pour recourir de l’AVAL était incontestable.

Le Conseil d’Etat s’était abstenu d’indiquer si, sous quelle forme et à quelle date les deux schémas directeurs auxquels se référaient la fiche n° 3.01 du PDC avaient été agréés par le département, se livrant à des considérations tortueuses sur la force contraignante qu’auraient ou non ces instruments. Le Conseil d’Etat était tout aussi évasif s’agissant de la portée exacte de la notice explicative publiée en mai 2010 et relative à la mise en œuvre des ZAS. Au titre du droit à un traitement équitable et de la protection de la confiance placée dans les promesses des autorités, la chambre administrative devait tirer les conséquences des errements procéduraux et des graves incohérences qui entachaient le PLA litigieux et qui consistaient dans l’absence d’élaboration et d’adoption des schémas directeurs exigés par la fiche n° 3.01 du PDC, comme dans le non-respect des directives figurant dans la notice explicative sur la mise en œuvre des ZAS de 2010.

En outre, le Conseil d’Etat s’était abstenu de mentionner que le préavis communal du 3 décembre 2009 était assorti de huit conditions, dont quatre se recoupaient parfaitement avec ses propres griefs. L’audition préalable d’un représentant du conseil administratif de la commune de Bernex était donc requise, afin de savoir quelles avaient été les démarches entreprises par l’autorité intimée pour répondre aux préoccupations légitimes de la commune.

25) Le Conseil d’Etat et M. Jaquenoud ont renoncé à dupliquer dans le délai imparti pour ce faire par la chambre administrative.

26) En octobre 2011, la presse s’est fait l’écho d’un préavis positif rendu par la commune de Bernex à l’égard d’une demande préalable en autorisation de construire n° DP 18'374 portant sur la construction de 180 logements dans le secteur compris entre les chemins de la Pesse, des Ruttets, de Chambert et de la Léchaire.

27) Sur demande de la chambre administrative, l’AVAL a produit le 26 octobre 2011 la liste de ses 188 membres. Cette pièce a été transmise aux autres parties le 28 octobre 2011.

Ses 188 membres résident ou sont propriétaires de terrains situés à plus de 300 m du périmètre visé par le PLA litigieux. 45 d’entre eux sont localisés de l’autre côté des routes de Soral et Lully, tandis que les 143 membres restant résident ou sont propriétaires de terrains situés dans le quartier dit du « Bas-Lully », soit dans le périmètre délimité par le chemin de la Pesse au sud, la route de Lully à l’ouest, le chemin des Bullets au nord et le chemin des Ruttets à l’est.

28) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Depuis le 1er janvier 2011, suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l'ensemble des compétences jusqu'alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2) Le recours est dirigé contre le PLA n° 29’676-507, adopté par arrêté du Conseil d’Etat du 6 octobre 2010. Ce plan localisé agricole représente une mesure d’aménagement du territoire au sens de l’art. 13 al. 1 let. l LaLAT.

3) Selon l’art. 35 LaLAT, applicable sur renvois successifs des art. 20 al. 8 LaLAT et 5 al. 11 de la loi sur l’extension des voies de communication et l’aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 (LExt - L 1 40), la décision par laquelle le Conseil d’Etat adopte ce type de plans d’affectation peut faire l’objet d’un recours à la chambre administrative (al. 1). Le délai pour recourir est de trente jours dès la publication de la décision dans la FAO (al. 2). Le recours n’est par ailleurs recevable que si la voie de l’opposition a été préalablement épuisée (al. 4), la LPA étant applicable pour le surplus (al. 5).

En l’espèce, le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010 - aLOJ ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 - dans sa teneur au 31 décembre 2010). Il est donc recevable de ce point de vue. L’AVAL a en outre utilisé préalablement la voie de l’opposition, tel qu’exigé par l’art. 35 al. 4 LaLAT.

4) Il convient préalablement d’examiner si l’AVAL dispose de la qualité pour recourir contre le PLA litigieux.

a. Selon l’art. 35 al. 3 LaLAT, les associations actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites ont qualité pour recourir. L'analyse de la qualité pour recourir au sens de la disposition précitée s'examine de cas en cas, au regard des statuts de l'association concernée (ATA/742/2010 du 2 novembre 2010, consid. 3a ; ATA/190/2007 du 24 avril 2007, consid. 3b).

b. L'art. 35 al. 3 LaLAT possède un contenu identique à l'art. 145 al. 3 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Le Tribunal fédéral a précisé qu'une association dont les statuts poursuivent la défense des intérêts de ses membres sans se vouer exclusivement à l'étude, par pur idéal, de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments et des sites ne pouvait revendiquer le bénéfice de la qualité pour recourir prévue à l'art. 145 al. 3 LCI (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.595/2003 du 11 février 2004, consid. 2.2 et 2.3).

5) En l'espèce, l'association a pour principal but de défendre les intérêts de ses membres qui sont propriétaires ou habitants du village de Lully (art. 3 et 4 des statuts de l’AVAL en vigueur au moment du dépôt du recours).

Dans la mesure où elle ne se voue pas exclusivement à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments et des sites du village en question, l'AVAL ne peut donc pas fonder sa qualité pour recourir sur l'art. 35 al. 3 LaLAT.

6) Une association peut également recourir pour la défense des intérêts de ses membres si elle remplit les conditions du recours corporatif.

a. Conformément à la doctrine et à la jurisprudence, ces conditions sont au nombre de quatre : il faut d’abord que l’association fournisse la preuve de sa personnalité juridique ; il faut ensuite que ses statuts la chargent de défendre les intérêts de ses membres ; il faut encore que ses intérêts soient touchés, du moins pour la majorité ou pour un grand nombre d’entre eux ; et enfin que chacun de ses membres ait, à titre individuel, qualité pour recourir (ATF 133 V 239 consid. 6 p. 244 ; 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252 ; 133 II 409 consid. 1.3 p. 413 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.248/2008 du 25 septembre 2008, consid. 1 ; ATA/191/2009 du 21 avril 2009 ; ATA/191/2009 du 13 janvier 2009 ; U.HÄFELIN/G. MÜLLER/ F. UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 5ème éd., Zürich-Bâle-Genève 2006, p. 382 n. 1786ss ; A. AUER/G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, Berne 2006, p. 727 n. 2051ss ; F. BELLANGER, La qualité de partie à la procédure administrative in : Les tiers dans la procédure administrative, Genève-Zürich-Bâle 2004, pp. 33-55, p. 45 ; P. MOOR, Droit administratif, vol. 2, 2ème éd., Berne 2002, p. 643 ss, n. 5.6.2.4 ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 492 ; A. KÖLZ/ I. HÄNER, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème éd., Zurich 1998, p. 202 s.).

b. La qualité pour agir d’une association ne saurait être appréciée une fois pour toutes. Il convient de vérifier, périodiquement au moins, si les conditions d’existence des associations, par rapport à ses membres et à ses buts statutaires, sont réalisées, notamment si la décision d’ester en justice a bien été prise par l’organe statutaire compétent (ATA/614/2006 du 21 novembre 2006 consid. 4 ; ATA/251/2004 du 23 mars 2004 consid. 3c). Ces considérations présupposent cependant que l’association en cause possède la personnalité juridique (P. MOOR, op. cit., p. 643 ss, n. 5.6.2.4).

c. La qualité pour recourir des membres de l'association s'apprécie selon l'art. 60 let. b LPA qui vise toute personne touchée directement par une décision et disposant d’un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (ATA/77/2009 du 17 février 2009 et les références citées). La notion de l’intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l’art. 103 let. a de la loi fédérale d’organisation judiciaire du 16 décembre 1943 et qui était, jusqu’à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l’art. 98a de la même loi (ATA/772/2010 du 9 novembre 2010 consid. 3 ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 consid. 3a et les arrêts cités). Elle correspond aux critères exposés à l’art. 89 al. 1 let. c de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle de l’unité de la procédure figurant à l’art. 111 al. 1 LTF (Arrêts du Tribunal fédéral 1C.76/2007 du 20 juin 2007 consid. 3 et 1C.69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.2 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).

d. Au sujet des voisins, la jurisprudence a indiqué que seuls ceux dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l’intérêt particulier requis (ATF 133 II 249 consid. 1.2.1 p. 252 ; 133 II 409 consid. 1 p. 411 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.158/2008 du 30 juin 2008 consid. 2). Cette lésion directe et spéciale suppose qu’il y ait une communauté de faits entre les intérêts du destinataire de la décision et ceux des tiers. Les voisins peuvent ainsi recourir en invoquant des règles qui ne leur donnent aucun droit et qui ne sont pas directement destinées à protéger leurs intérêts (ATF 110 Ib 398 consid. 1b p. 400 ; ATA/214/2007 du 8 mai 2007 ; ATA/101/2006 du 7 mars 2006 ; ATA/653/2002 du 5 novembre 2002 ; ATA/35/2002 du 15 janvier 2002 et les références citées). Le recours peut être formé par le propriétaire ou le locataire d’un immeuble directement voisin, ou relativement proche de la construction, du plan ou de l’installation litigieuse (ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C.7/2009 du 20 août 2009, consid. 1 ; 1C.125/2009 du 24 juillet 2009, consid. 1 ; 1A.222/2006 et 1P.774/2006 du 8 mai 2007, consid. 5 ; ATA/321/2009 du 30 juin 2009 consid. 2 ; ATA/331/2007 du 26 juin 2007 consid. 3d ; sur le cas d’une personne qui va devenir voisine de la construction litigieuse, ATA/450/2008 du 2 septembre 2008 consid. 3). Les conditions pour recourir peuvent aussi être réalisées même en l’absence de voisinage direct, quand une distance relativement faible sépare l’immeuble des recourants de l’installation litigieuse (ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174 et la jurisprudence citée ; ATA/331/2007 précité).

La jurisprudence traite notamment de cas où cette distance est de 25 m (ATF 123 II 74 consid. 1b non publié), de 45 m (arrêt du Tribunal fédéral non publié M. du 4 octobre 1990, consid. 3b), de 70 m (arrêt du Tribunal fédéral non publié C. du 12 juillet 1989, consid. 2), de 120 m (ATF 116 Ib 323 consid. 2) ou de 150 m. (ATF 121 II 171 consid. 2c/bb p. 175). La qualité pour agir a en revanche été déniée dans des cas où cette distance était de 800 m (ATF 111 Ib 159 consid. 1b), respectivement de 600 m (arrêt B. du 8 avril 1997 publié in PRA 1998 5, p. 27), de 220 m (arrêt non publié B. du 9 novembre 1998, consid. 3c), de 200 m (arrêt du Tribunal fédéral du 2 novembre 1983 publié in ZBl. 85/1984, p. 378), voire de 150 m (ATF 112 Ia 119 consid. 4b). S’agissant de la qualité pour recourir contre un PLQ, le Tribunal administratif a jugé qu’une distance de l’ordre de 80 à 225 m par rapport au projet litigieux permettait encore de confirmer la présence d’un intérêt digne de protection au regard de la loi et de la jurisprudence (ATA/438/2006 du 31 août 2006, consid. 3c). Il a en revanche dénié cette qualité à des personnes domiciliées à une distance de plus de 450 m d’un projet de stade de football (ATA/492/2000 du 14 août 2000, consid. 3 et les autres références citées).

e. Le critère de la distance n’est pas le seul déterminant car la question de savoir si le voisin est directement atteint nécessite une appréciation de l’ensemble des circonstances pertinentes (cf. arrêt du Tribunal fédéral du 8 avril 1997 reproduit in RDAF 1997 I p. 242 consid. 3a). S’il est certain ou très vraisemblable que l’installation litigieuse serait à l’origine d’immissions - bruit, poussières, vibrations, lumières ou autres - touchant spécialement les voisins, même situés à quelque distance, ces derniers peuvent avoir qualité pour recourir (ATA/772/2010 du 9 novembre 2010 consid. 4 ; ATA/101/2006 du 7 mars 2006 consid. 4d et 5). Il importe peu, alors, que le nombre de personnes touchées soit considérable - dans le cas d’un aéroport ou d’un stand de tir, par exemple (cf. ATF 124 II 293 consid. 3a p. 303, 120 Ib 379 consid. 4c et les arrêts cités). Il en va de même quand l’exploitation de l’installation comporte un certain risque qui, s’il se réalisait, provoquerait des atteintes dans un large rayon géographique, dans le cas d’une centrale nucléaire ou d’une usine chimique, par exemple (cf. ATF 120 Ib 379 consid. 4d/e p. 388, 431 consid. 1 p. 434).

Les immissions ou les risques justifiant l’intervention d’un cercle élargi de personnes doivent présenter un certain degré d’évidence, sous peine d’admettre l’action populaire que la loi a précisément voulu exclure. Il en va ainsi des riverains d’un aéroport, situés dans le prolongement de la piste de décollage, des voisins d’un stand de tir (cf. arrêts précités) ou des personnes exposées aux émissions d’une installation de téléphonie mobile (Arrêt du Tribunal fédéral non publié M. du 4 octobre 1990, consid. 3b : qualité pour agir reconnue à une personne habitant à 280 m de l’installation, mais pas admise à 800 m). Lorsque la charge est déjà importante, la construction projetée doit impliquer une augmentation sensible des nuisances. Ainsi en va-t-il particulièrement en milieu urbain où la définition du cercle des personnes touchées plus que n’importe quel habitant d’une agglomération n’est pas une chose aisée (Arrêt du Tribunal fédéral non publié C. du 16 avril 2002).

7) Constituée le 5 décembre 2002, l’association recourante dispose en l’espèce de la personnalité juridique. Aux termes de ses statuts, elle a pour but de défendre les intérêts et la sécurité de ses membres qui sont en principe habitants ou propriétaires non-résidents du village de Lully (art. 3 et 4 dans leur teneur en vigueur au jour du dépôt du recours). Reste à savoir si une majorité des membres de l’AVAL est spécialement touchée par le PLA querellé et dispose de la qualité pour recourir à titre individuel au sens de la jurisprudence précitée. Tel n’apparaît pas être le cas en l’espèce.

Les 188 membres de l’association recourante résident ou sont propriétaires de terrains qui se situent tous à plus de 300 m du périmètre visé par le PLA litigieux. 45 d’entre eux sont particulièrement éloignés de ce périmètre, dans la mesure où ils résident ou sont propriétaires de terrains situés de l’autre côté des routes de Soral et de Lully. Même en donnant aux notions de « voisin direct » et de « faible distance » une acception large, aucun membre de l’association ne disposerait ainsi de la qualité pour recourir à titre individuel contre l’objet du litige.

Appréciée sous l’angle des immissions induites par le PLA, la qualité pour recourir d’une majorité des membres de l’association n’apparaît pas non plus donnée. La recourante allègue que la mise en œuvre du plan litigieux aura des répercussions sur l’activité du centre d’exploitation situé à l’angle des chemins de la Pesse et de la Léchaire, soit dans le voisinage direct des premières habitations du quartier du Bas-Lully. Il en résulterait un accroissement de l’intensité du trafic de poids lourds empruntant le chemin de la Pesse jusqu’au centre d’exploitation, ainsi qu’une augmentation des nuisances sonores résultant de la manutention et du chargement/déchargement des camions, au détriment de la qualité de vie des habitants du quartier.

Sur la base du dossier, il n’apparaît pas que les nuisances invoquées par la recourante atteignent le degré d’évidence et d’intensité exigé par la jurisprudence pour justifier l’intervention d’un cercle élargi de personnes. Selon « l’étude d’aménagement des secteurs maraîchers de la plaine de l’Aire et de la plaine de Veyrier-Troinex » d’avril 2006, le trafic induit par des exploitations de cultures sous abris d’une surface de 10 ha est estimé à 4 rotations de camions, soit à 8 mouvements de camions par jour ouvrable. Sachant que le PLA litigieux prévoit la construction d’environ 4,5 ha de serres, l’accroissement du trafic de poids lourds en résultant correspondra en l’espèce à 2 rotations de camions, soit à 4 mouvements de camions par jour ouvrable au maximum, c’est-à-dire sans tenir compte du fait que les parcelles concernées sont d’ores et déjà cultivées. Exception faite des parcelles jouxtant le chemin de la Pesse, une telle augmentation ne sera, selon toute vraisemblance, pas perceptible pour le reste du quartier du Bas-Lully. Il en va de même s’agissant des nuisances sonores alléguées par la recourante. Les services spécialisés, qui se sont penchés sur ces deux questions lors de l’enquête technique, ont d’ailleurs rendu des préavis favorables sans réserve à l’égard du PLA.

En supposant même que le PLA querellé occasionnerait des immissions suffisamment évidentes et intenses pour justifier l’intervention d’un cercle élargi de personnes, ce sont tous au plus les 86 membres de l’AVAL, propriétaires de terrains ou résidant dans le quadrilatère délimité par le chemin de la Pesse au sud, la route de Lully à l’ouest, les chemins des Colverts et de Chambert au nord et le chemin des Ruttets à l’ouest, qui pourraient s’avérer directement et spécialement concernés par de telles immissions. Une augmentation du trafic de camions sur le chemin de la Pesse, respectivement des nuisances sonores induites par l’exploitation du centre de chargement/déchargement n’auraient en effet pas d’incidence sur les parcelles situées au-delà, compte tenu de leur éloignement par rapport aux immissions alléguées et aux voies d’accès alternatives dont elles disposent. Or, ces 86 membres de l’AVAL ne représentent pas une majorité.

Les conditions du recours corporatif ne sont ainsi pas réunies.

8) Le recours sera déclaré irrecevable pour ce motif.

9) Un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge de la recourante. Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à l’appelé en cause, à la charge de la recourante également (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 8 novembre 2010 par l’Association Vivre à Lully contre l’arrêté du Conseil d’Etat du 6 octobre 2010 approuvant le plan localisé agricole n° 29’676-507 situé entre le chemin des Cornaches et le chemin du Pont au lieu-dit « Les Ruttets », sur le territoire de la Commune de Bernex ;

met à la charge de l’Association Vivre à Lully un émolument de CHF 2'000.- ;

alloue à Monsieur Edouard Jaquenoud une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à la charge de la recourante ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’Association Vivre à Lully, au Conseil d’Etat, à Me Bruno Mégevand, avocat de Monsieur Edouard Jaquenoud, appelé en cause, ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :