Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/222/2005

ATA/793/2005 du 22.11.2005 ( GC ) , REJETE

Recours TF déposé le 20.01.2006, rendu le 09.01.2007, IRRECEVABLE, 1A.11/2006, 1P.41/2006
Recours TF déposé le 20.01.2006, rendu le 09.01.2007, REJETE, 1A.11/2006, 1P.41/2006
Parties : SASMA SA, RAMPINI & CIE SA / IKEA IMMOBILIERE S.A., GRAND CONSEIL
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/222/2005-GC ATA/793/2005

 

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 22 novembre 2005

dans la cause

 

SASMA S.A.
représentée par Me Jacques Berta, avocat

et

RAMPINI & CIE S.A.
représentée par Me François Bellanger, avocat

contre

GRAND CONSEIL

et

IKEA IMMOBILIèRE S.A.
appelée en cause, représentée par Me Nicolas Peyrot et Me Laurent Strawson, avocats


1. Intéressée depuis 1998 à s’implanter dans le canton de Genève, la société Ikea Immobilière S.A. (ci-après : Ikea) a sollicité de la part du Conseil d’Etat, en 2001, l’autorisation d’étudier son implantation sur le site de « La Renfile » (ci-après : La Renfile).

2. a. La zone dite de « La Renfile » se situe sur la commune de Vernier, entre la route de Pré-Bois à l’est, la route de Vernier au sud, le chemin de la Croisette à l’ouest et la voie de chemin de fer au nord.

D’une superficie totale de 21'422 m2, le périmètre est constitué :

- des parcelles 1036 et 3630, propriétés de la commune de Vernier (3'189 m2) ;

- des parcelles 1040, 3510, 3538, 3565, 3670 et 3380, propriétés de l’Etat de Genève (12'367 m2) ;

- de la parcelle 3448, appartenant à un privé (3'317 m2) ;

- et de la parcelle 1039, propriété de la société Ikea (1'894 m2).

b. Depuis 1986, il est situé en zone de développement industriel destinée principalement aux activités industrielles non polluantes et accessoirement aux activités commerciales et de service.

c. Un plan localisé de quartier n° 28452-540 a été adopté le 29 juillet 1992 par le Conseil d'Etat pour ce périmètre. Prévoyant un groupe de six bâtiments destinés à l'industrie et l'artisanat ainsi que 275 places de parking, il est aujourd'hui encore en vigueur.

3. Le 6 juin 2003, le département de l’aménagement, de l’équipement et du logement (ci-après : le département) a dressé un plan n°29098-540 portant sur la modification des limites de zones sur le territoire de la commune de Vernier, au lieu dit La Renfile.

Celui-ci prévoit la création d’une zone de développement industriel et artisanal également destinée à des activités administratives et commerciales, et de classer cette zone au degré de sensibilité (ci-après : DS) III, selon les normes de l’ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB – RS 814.41).

4. L’étude d’impact sur l’environnement préliminaire (1ère étape) portant sur la construction d’un magasin Ikea à La Renfile a été rendue le 12 juin 2003.

A teneur des conclusions de cette étude préliminaire :

a. Du point de vue de la circulation, la situation de ce projet bénéficiait d’éléments favorables : une très bonne desserte en transports publics, la livraison du magasin par des voies de chemin de fer existantes (à concurrence d’environ 50%), et la proximité des deux jonctions autoroutières de Vernier et de Meyrin récemment complétées.

b. S’agissant des points d’accrochage sur le réseau routier, le projet prévoyait une entrée-sortie du parking souterrain grâce à deux trémises sur le chemin de la Croisette, lequel était raccordé à la route de Vernier par un carrefour réaménagé et simplifié. Une autre entrée se trouvait sur la route de Pré-Bois, avec une présélection en tourner-à-droite et un carrefour régulé légèrement modifié, permettant ainsi également l’accès via la boucle Sasma. Enfin, une sortie secondaire en tourner-à-gauche sur la route de Pré-Bois, laquelle ne serait libérée qu’en cas de conditions extraordinaires, était également prévue.

c. La génération du trafic par le projet Ikea était estimée à 5'200 mouvements de véhicules par jour. Celle-ci allait être principalement élevée le samedi, alors même que les charges sur le réseau environnant y sont nettement inférieures à celles de la semaine. Ce n’était donc pas l’heure de pointe du samedi qui était déterminante pour l’exploitation du réseau routier, mais bien celle d’un jour ouvrable moyen (17h.-18h.), quand bien même le trafic généré par le projet Ikea un tel jour correspondrait à 600 mouvements de véhicules (15h.-16h.), contre 1'000 le samedi après-midi (15h.-16h.).

d. La capacité du parking projeté (environ 934 places, dont 844 réservées aux clients) était adaptée aux besoins et à la situation du projet. Elle se situait dans la fourchette prévue par la norme « Circulation 2000 ». En outre, le réseau routier supporterait le trafic généré par le projet, malgré le fait que les réserves de capacité du réseau à terme étaient très restreintes. Ce trafic n’impliquait pas une modification importance des principes actuels de régulation des carrefours de la route de Vernier.

e. Le projet n’aurait pas d’incidence sensible sur la qualité de l’air de la commune de Vernier.

f. Les nuisances sonores générées par l’implantation d’Ikea à Vernier seraient peu perceptibles le long des axes sur lesquels le trafic supplémentaire généré allait être répercuté.

g. Le situation du projet à proximité immédiate d’un site de stockage pétrolier induisait certaines contraintes inhérentes aux risques en cas d’accidents majeurs pour assurer la sécurité des personnes se trouvant dans le bâtiment projeté. L’analyse des risques montrait que des mesures constructives et d’organisation permettaient d’assurer la sécurité des usagers.

5. Courant septembre 2003, le département a recueilli les préavis des différents services concernés par le projet.

a. Le secrétariat général du département était favorable sous réserve que le DS IV soit attribué à la zone en cause. Le service des plans d’affectation (SEPA) partageait cette remarque. La direction du patrimoine et des sites était favorable, à condition que la végétation existante soit relevée et maintenue le long des voies de circulation. Le service de l’espace public et des infrastructures (SEPI) était favorable au projet, sous réserve que la demande d’autorisation de construire comprenne l’étude des adaptations des voiries cantonales et communales, lesquelles devraient être prises en charge par la requérante. Le service cantonal de l’énergie était favorable, étant entendu qu’un concept énergétique tenant compte d’un périmètre large devait être produit. La fondation pour les terrains industriels de Genève (ci-après : la FTI) était en faveur de ce projet, à condition qu’une compensation de terrains soit envisagée afin de répondre aux demandes des industriels et artisans.

b. La présidence du département, la direction du génie-civil, les opérations foncières, et les service de l’information du territoire (SIT), des préavis, du plan directeur cantonal (SPDC), des plans directeurs localisés (SPDL) étaient favorables et n’émettaient aucune remarque.

c. La commission d’urbanisme était, quant à elle, défavorable. Elle estimait que le site de La Renfile pourrait accueillir d’autres projets de développement, pour autant que les problèmes de sécurité liés aux réservoirs d’hydrocarbures et de gestion du trafic soient résolus. Pour le reste, la zone mixte actuelle permettait un tel développement, de sorte qu’un changement n’apparaissait pas nécessaire.

d. Le 8 septembre 2003, le service cantonal de sécurité pour l'OPAM "routes" a préavisé favorablement le projet. La construction projetée n'était pas soumise à l'OPAM, mais son implantation était envisagée dans une zone qui faisait l'objet d'une réglementation spéciale du Conseil d'Etat.

La teneur de cette réglementation, arrêtée par le Conseil d'Etat lors de sa séance du 5 mars 2003, dont le service avait joint une copie du procès-verbal en annexe, est la suivante :

- dans un rayon de 40 mètres autour des bassins de Sasma S.A. (ci-après : les bassins), les places de travail permanentes étaient interdites ;

- dans un rayon de 100 mètres autour des bassins, toute nouvelle construction destinée à des habitations, des emplois en grande quantité, des activités attirant une importante population étaient proscrits. Des protections constructives, techniques et organisationnelles des constructions existantes étaient exigées.

- dans un rayon de 200 mètres autour des bassins, l'obligation d'établir un plan d'évacuation et d'intervention était arrêtée, et les mesures organisationnelles et constructives particulières (par exemple choix des matériaux, conception des voies d'accès, etc.) devaient être évaluées.

e. L’office des transports et de la circulation (ci-après : OTC) a fait part de ses observations le 15 septembre 2003 et sollicité un complément à l’étude préliminaire d’impact à propos, principalement, des conséquences du projet sur le trafic routier.

f. Le 19 septembre 2003, le service cantonal de protection de l’air a également préavisé favorablement le projet de modification de zones, sous réserve que les projets liés à celui-ci n’engendrent pas d’immissions particulières.

g. Le service cantonal de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants s’est prononcé le 22 septembre 2003. L’exposition au bruit du trafic routier sur la route du Nant-d’Avril dépassait les valeurs d’alarme. Les valeurs limite d’immission de l’OPB pour la première heure nocturne (22h.-23h.) correspondant au DS III était dépassée. Toutefois, eu égard au genre d’activités commerciales qui ne se dérouleraient que de jour, les exigences de l’OPB seraient respectées (art. 31). Ainsi, si sa position sur l’impact environnemental du projet particulier restait réservée aux conclusions de l’étude d’impact, le service préavisait favorablement le projet de loi de modification des limites de zones.

h. Le service cantonal d’étude de l’impact sur l’environnement (ci-après : le SEIE) a rendu ses conclusions le 24 octobre 2003. Le développement actuel du périmètre considéré allait se traduire par une augmentation du trafic et des nuisances y relatives. Son préavis était donc réservé au respect de deux conditions. Premièrement, les installations qui allaient être réalisées dans cette zone ne devaient pas engendrer d’immissions atmosphériques et sonores excessives au sens de l’OPB et de l’ordonnance sur la protection de l’air du 16 décembre 1985 (OPair – RS 814.318.142.1), ni constituer un frein à l’assainissement dans ces domaines. Deuxièmement, le débit de restitution des eaux non polluées devait être limité et maintenu à celui du périmètre dans son état préexistant (soit en zone 5).

i. Le 13 octobre 2003, le service cantonal de planification de l'eau a également préavisé favorablement le projet.

6. Publié dans la Feuille d’avis officielle (ci-après : la FAO) le 31 mars 2004, l’avant-projet de loi de modification des limites de zones a été mis à l’enquête publique du 31 mars au 14 mai 2004.

Plusieurs sociétés, groupements et habitants voisins de la zone concernée ont déposé en temps utile des observations. Principalement, ils alléguaient que l’augmentation du trafic automobile serait catastrophique.

7. Saisi de l’avant-projet de loi, le Conseil municipal de la commune de Vernier, dans sa séance du 18 mai 2004, a approuvé à une large majorité la délibération préavisant favorablement la modification des limites de zones.

8. Parallèlement, le projet de plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) n°29231-540 a également été mis à l’enquête publique.

9. Le 7 juin 2004, le Conseil d’Etat a transmis au Grand Conseil un PL 9318 n° 9318 (ci-après : PL 9318) modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Vernier, au lieu dit La Renfile.

10. Publié le 11 juin 2004 dans la FAO, le PL 9318 a fait l’objet d’une phase d’opposition de 30 jours, à compter de cette date.

a. Par pli du 28 juin 2004, le Centre social protestant (ci-après: le CSP) s’est opposé à ce projet. Installé sur la zone concernée, il n’avait pas obtenu de garanties de la part de l’Etat ou d’Ikea quant à son relogement sur une surface correspondant à ses besoins.

b. La société anonyme de stockage et de manutention de produits pétroliers (ci-après: Sasma S.A.) en a fait de même le 12 juillet 2004. Elle était au bénéfice d’un droit de superficie distinct et permanent sur la parcelle 3568, feuille 37 de la commune de Vernier, cette dernière étant très proche de la construction projetée. Le plan de zones querellé était en contradiction directe avec les recommandations du rapport Urbaplan ; il était incompatible avec les prescriptions en matière de protection contre les accidents majeurs, il ne respectait pas les prescriptions en matière d’accès au sens de l’article 19 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT – RS 700), et enfin il ne respectait pas les règles en matière de protection contre le bruit et de lutte contre la pollution de l’air. Elle concluait à l’annulation du PL 9318.

c. Le même jour, la société Rampini & Cie S.A. (ci-après : Rampini), ayant son siège au 59, route du Nant-d'Avril, a également invité le Conseil d’Etat à écarter le PL 9318. Elle avait mandaté la communauté d’études Aragao & Borgstedt (ci-après : le bureau Aragao) pour réaliser une étude de trafic dans le secteur des routes du Nant-d’Avril, de Vernier et de Pré-Bois. Comme le démontrait cette étude, datée du 12 mai 2004, le projet d’implantation d’Ikea à La Renfile serait de nature à créer un blocage du trafic, empêchant une utilisation normale et efficace de la route de Vernier, puis de la route du Nant-d’Avril, notamment aux divers véhicules de l’entreprise Rampini. La Renfile n’était donc pas un lieu adéquat pour accueillir le projet querellé.

11. a. Les 25 août et 1er septembre 2004, la commission de l’aménagement du Grand Conseil a étudié le projet de loi. Elle a procédé à l’audition du Conseil administratif de la commune de Vernier, ainsi que des représentants du CSP.

b. Elle a également traité les oppositions déposées. Au bénéfice d’un intérêt digne de protection à l’annulation du PL 9318, les oppositions de Sasma S.A. et du CSP étaient recevables. Tel n’était pas le cas de celle déposée par Rampini, qui, se trouvant à plus d’un kilomètre du périmètre du plan de zone visé à l’article premier du projet de loi, n’était pas titulaire d’un intérêt personnel au sens de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral.

Sur le fond, les opposantes perdaient de vue le fait que le plan de zones querellé était très clairement un plan d’affectation général au sens de l’article 12 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT – L 1 30). Ainsi, les griefs soulevés par les opposantes, en tant qu’ils concernaient le PLQ n° 29231-540 et l’EIE étaient pour l’essentiel irrelevants. L’ordonnance sur la protection contre les accidents majeurs du 2 février 1991 (OPAM – RS 814.012) n’était pas violée par le projet en cause, le périmètre du plan de zone visé à l’article premier du PL 9318 étant précisément situé à plus de 100 mètres des bassins de Sasma S.A. S’agissant du grief de violation de l’OPair, celui-ci était également prématuré au stade du projet de la modification de zones litigieux, dans la mesure où les prescriptions de l’OPair ne s’appliquaient pas à un plan d’affectation de caractère général ne prévoyant pas d’installation particulière. Enfin, le DS III devait s’appliquer à cette zone.

La commission de l’aménagement a donc rejeté l’intégralité des oppositions.

c. Au terme de ses travaux, la commission a voté, par 12 oui et 2 abstentions, le PL 9318.

12. Suite à la requête de la commune de Vernier de prévoir une sortie supplémentaire sur la route de Pré-Bois, l'étude d'impact sur l'environnement (1ère étape) a été complétée le 25 octobre 2004.

a. La sortie supplémentaire du parking sur la route de Pré-Bois confirmait non seulement la faisabilité du projet, mais représentait également une amélioration sensible du projet Ikea dans son ensemble.

b. L'augmentation des charges de trafic journalières serait de 6 % sur la route de Pré-Bois, de 6 à 13 % entre le chemin de la Croisette et la jonction de Vernier et inférieure à 3% au-delà.

c. A propos de la capacité future des carrefours (avec le projet Ikea), l'étude concluait que le réseau futur s'avèrerait apte à accueillir le projet Ikea, avec des réserves de capacité faibles, voire inexistantes dans le cas du carrefour entre les routes de Vernier et de Pré-Bois. En outre, des réaménagements, optimisés notamment en fonction de la régulation, devaient permettre d'intégrer favorablement le projet.

d. S'agissant de la pollution de l'air, le projet n'aurait pas d'incidence sensible sur la qualité de l'air de la commune de Vernier.

e. Enfin, les nuisances sonores générées par l'implantation d'Ikea à Vernier seraient peu perceptibles le long des axes sur lesquels le trafic supplémentaire serait répercuté.

13. Dans sa séance du 28 octobre 2004, le Grand Conseil a adopté la loi modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Vernier (création d’une zone de développement industriel et artisanal, également destinée à des activités administratives et commerciales, route de Vernier au lieu dit La Renfile) (ci-après : la loi 9318).

14. Cette loi a été publiée une première fois dans la FAO le 8 novembre 2004, laquelle publication précisait que le délai référendaire expirerait le 20 décembre 2004.

15. Aucun référendum n’ayant été déposé contre la loi dans ce délai, celle-ci est entrée en vigueur. Elle a donc été publiée dans la FAO du 24 décembre 2004.

16. Par arrêté du 22 décembre 2004, publié dans la FAO du 24 décembre 2004, le Conseil d’Etat a déclaré ladite loi exécutoire dans tout le canton dès le lendemain de l’arrêté de promulgation.

Cet arrêté comportait les voie et délai de recours au Tribunal administratif.

17. Par actes séparés du 24 janvier 2005, Sasma S.A. (A/222/2005) et Rampini (A/224/2005) ont saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la loi 9318.

a. Sasma S.A. conclut, sous suite de frais et dépens à l'annulation de ladite loi dans son intégralité ainsi que de l'arrêté du Conseil d'Etat du 22 décembre 2004. Elle sollicitait en outre la restitution de l'effet suspensif à son recours.

La loi 9318 prévoyant la modification des limites de zones sur la commune de Vernier était un plan d'affectation spécial, car elle visait spécifiquement la venue de la société Ikea à cet endroit. Le plan querellé violait les directives du 5 mars 2003 du Conseil d'Etat quant aux différents rayons de sécurité à respecter, et n'était pas compatible, à plusieurs titres, avec les dispositions de l'OPAM. En outre, il violait les exigences de l'OPair et de l'OPB, ainsi que les articles 19 et 21 alinéa 2 LAT.

b. Pour sa part, Rampini demande au Tribunal de céans d'annuler la loi 9318, et de condamner l'Etat de Genève à lui verser une équitable indemnité pour ses frais de procédure.

A l'appui de ses conclusions, elle expose que le Grand Conseil n'a pas tenu compte objectivement de l'impact sur la charge de trafic que devront assumer les axes routiers desservant la zone en question, violant l'article 3 LAT. En outre, les données de l'étude d'impact préliminaire retenues n'avaient pas été actualisées et étaient trop optimistes, aucune marge d'erreur n'ayant été prise en compte. Rampini y voyait une violation du principe de prévention découlant de l’article 9 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01). L'adoption du plan querellé constituait en outre une violation des principes de proportionnalité et de pesée équilibrée des intérêts tels qu'ils sont consacrés aux articles 2 et 3 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1).

18. Le 8 février 2005, le Grand Conseil s'en est remis à l'appréciation du Tribunal administratif s'agissant de la requête en restitution de l'effet suspensif au recours interjeté par Sasma S.A.

19. Le Président du Tribunal administratif a refusé à Sasma S.A. la restitution de l'effet suspensif à son recours par décision du 16 février 2005 (ATA/81/2005).

20. Ikea a sollicité son appel en cause le 16 mars 2005.

21. Le Grand Conseil s'est déterminé quant aux deux recours dans ses écritures du 12 avril 2005.

a. Il s'est opposé au recours de Sasma S.A.

S'agissant de l'opportunité du plan querellé, les griefs étaient irrecevables par application de l'article 61 de la loi sur la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Le Grand Conseil était au bénéfice d'un large pouvoir d'appréciation s'agissant de la modification des limites de zone. En outre, la loi litigieuse était conforme aux objectifs visés par le plan directeur cantonal (ci-après: PDC). Cette loi constituait un plan d'affectation général. Les griefs de SASMA S.A. ayant trait au projet de PLQ n° 29231-540 - relatifs, entre autres, à l'OPB et l'OPair - étaient irrecevables, car la question de l'équipement, à l’instar de celle de l'étude d'impact sur l'environnement, n'était pas déterminante au stade de la planification générale. Pour le surplus, l'OPAM n'était pas applicable au projet en cause,et les directives du Conseil d'Etat du 5 mars 2003 étaient parfaitement respectées par la loi querellée. Enfin, l'article 21 alinéa 2 LAT n'était nullement violé par la loi litigieuse.

b. S'agissant du recours interjeté par Rampini, il a conclu à son irrecevabilité, faute pour cette dernière d'être titulaire d'un intérêt digne de protection au sens de l'article 60 lettre b LPA et de la jurisprudence pertinente.

c. Il sollicitait, enfin, l'appel en cause de Ikea dans les deux procédures en cours.

22. Sasma S.A. s'en est rapportée à la justice s'agissant de la demande d'appel en cause d'Ikea dans sa détermination du 14 avril 2005.

23. Par décisions du 28 avril 2005, le Tribunal administratif a ordonné l'appel en cause de Ikea dans les deux procédures, en application de l'article 71 LPA.

24. Ikea a déposé ses observations le 15 juin 2005, concluant à l'irrecevabilité du recours de Rampini et au rejet de celui de Sasma S.A. En effet, la loi querellée constituait un plan d'affectation général, et non spécial, de sorte que la plupart des griefs des recourantes relatifs à la violation de l'OPair et de l'OPB étaient irrecevables. En outre, l'OPAM n'était pas applicable au cas d'espèce. Enfin, l'article 21 alinéa 2 LAT avait été parfaitement respecté.

25. A sa demande, Rampini a été autorisée à répliquer le 30 août 2005.

A propos de sa qualité pour recourir, si elle était effectivement éloignée de plus d'un kilomètre du site visé par le projet de loi, elle n’en serait pas moins fortement exposée aux nuisances provoquées par l'exploitation du magasin Ikea. L'étude effectuée par le bureau Aragao démontrait l'impact direct des flux de circulation générés par l'exploitation de ce magasin. Cet engorgement, qui amènerait ses camions à parcourir 25'000 kilomètres supplémentaires par année, la pénaliserait plus que n'importe quel autre citoyen genevois, de même que le bruit et la pollution de l'air qu'il allait provoquer. Partant, son recours était recevable.

Sur le fond, elle contestait l'argumentation du Grand Conseil et d’Ikea à propos de l'irrecevabilité de ses griefs, au motif qu'ils ne concerneraient que la planification de détail et non le changement de zone.

Pour le surplus, elle persistait dans ses conclusions initiales.

26. Le Conseil d'Etat ayant adopté le 31 août 2005 un nouveau PLQ contenant de nouvelles mesures environnementales et d'accessibilité, la juge déléguée a requis les parties par courrier du 1er septembre 2005 d'informer le Tribunal administratif de la suite de la procédure initiée par Sasma S.A. d'une part, et Rampini, d'autre part.

27. Toutes les parties à la procédure se sont alors prononcées mi-septembre en faveur de la poursuite de l'instruction des deux causes.

28. Dans sa duplique du 14 octobre 2005, le Grand Conseil a campé sur ses positions.

29. Ikea a également dupliqué le 15 novembre 2005, sans apporter d’éléments nouveaux à la procédure. Elle conclut principalement à l’irrecevabilité du recours déposé par Rampini.

30. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

1. Lorsque différentes affaires se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune, l'autorité peut d'office les joindre en une même procédure (art. 70 al. 1 LPA).

Les deux recours contre la loi litigieuse (A/222/2005 et A/224/2005), se rapportant à une cause juridique commune, seront joints en une même procédure sous le numéro de cause A/222/2005.

2. L'autorité intimée et l'appelée en cause mettant en doute la qualité pour recourir de Rampini, il convient de trancher préalablement cette question.

Selon cette dernière, sa qualité pour recourir doit lui être reconnue, dans la mesure où, même située à un kilomètre du site, elle subira des nuisances très importantes en tant que riveraine et utilisatrice de l'une des routes d'accès au magasin. De plus, son activité serait perturbée de manière importante par la saturation des voies de circulation, notamment la route de Nant-d'Avril, la route de Vernier et l'autoroute de contournement.

a. A teneur de l'article 60 lettre b LPA (applicable par renvoi de l'art. 35 al. 5 LaLAT), toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée est titulaire de la qualité pour recourir. Bien que la rédaction de l'article 60 lettre b LPA diffère légèrement de l'article 103 lettre a de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJF - RS 173.110), il est admis qu'il confère la qualité pour recourir aux mêmes conditions (ATA/434/2005 du 21 juin 2005 ; ATA/89/2001 du 6 février 2001).

b. En ce qui concerne les voisins, il résulte de la jurisprudence que seuls ceux dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l’intérêt particulier requis. Cette lésion directe et spéciale suppose qu’il y a une communauté de faits entre les intérêts du destinataire de la décision et ceux des tiers. Les voisins peuvent ainsi recourir en invoquant des règles qui ne leur donnent aucun droit et qui ne sont pas directement destinées à protéger leurs intérêts (ATF 110 Ib 398 consid. 1b p. 400 ; ATA/653/2002 du 5 novembre 2002 ; ATA/35/2002 du 15 janvier 2002 et les références citées).

c. Ces conditions sont en principe considérées comme remplies lorsque le recours émane du propriétaire d'un terrain directement voisin de la construction ou de l'installation litigieuse (ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174). Elles peuvent aussi être réalisées même en l'absence de voisinage direct, quand une distance relativement faible sépare l'immeuble du ou des recourants de l'installation litigieuse (cf. ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174 et la jurisprudence citée). La jurisprudence traite notamment de cas où cette distance est de 25 m (ATF 123 II 74 consid. 1b non publié), de 45 m (arrêt du Tribunal fédéral non publié M. du 4 octobre 1990, consid. 3b), de 70 m (arrêt du Tribunal fédéral non publié C. du 12 juillet 1989 consid. 2), de 120 m (ATF 116 Ib 323consid. 2) ou de 150 m (ATF 121 II 171 consid. 2c/bb p. 175). Elle a en revanche été déniée dans des cas où cette distance était de 800 m (ATF 111 Ib 159 consid. 1b), respectivement de 600 m (arrêt B. du 8 avril 1997 publié in PRA 1998 5, p. 27), de 220 m (arrêt non publié B. du 9 novembre 1998, consid. 3c), de 200 m (arrêt du Tribunal fédéral du 2 novembre 1983 publié in ZBl 85/1984, p. 378) voire de 150 m (ATF 112 Ia 119 consid. 4b).

d. Le critère de la distance n'est pas le seul déterminant car l'application de l'article 103 lettre a OJ nécessite une appréciation de l'ensemble des circonstances pertinentes (cf. arrêt du Tribunal fédéral du 8 avril 1997 reproduit in RDAF 1997 I p. 242 consid. 3a). S'il est certain ou très vraisemblable que l'installation litigieuse serait à l'origine d'immissions - bruit, poussières, vibrations, lumières ou autres - touchant spécialement les voisins, même situés à quelque distance, ces derniers peuvent avoir qualité pour recourir. Il importe peu, alors, que le nombre de personnes touchées soit considérable - dans le cas d'un aéroport ou d'un stand de tir, par exemple (cf. ATF 124 II 293 consid. 3a p. 303, 120 Ib 379 consid. 4c et les arrêts cités). Il en va de même quand l'exploitation de l'installation comporte un certain risque qui, s'il se réalisait, provoquerait des atteintes dans un large rayon géographique, dans le cas d'une centrale nucléaire ou d'une usine chimique, par exemple (cf. ATF 120 Ib 379 consid. 4d/e p. 388, 431 consid. 1 p. 434).

Les immissions ou les risques justifiant l'intervention d'un cercle élargi de personnes doivent présenter un certain degré d'évidence, sous peine d'admettre l'action populaire que la loi a précisément voulu exclure. Il en va ainsi des riverains d'un aéroport, situés dans le prolongement de la piste de décollage, des voisins d'un stand de tir (cf. arrêts précités) ou des personnes exposées aux émissions d'une installation de téléphonie mobile (arrêt du Tribunal fédéral M. du 24 octobre 2001: qualité pour agir reconnue à une personne habitant à 280 m de l'installation, mais pas à 800 m). Lorsque la charge est déjà importante, la construction projetée doit impliquer une augmentation sensible des nuisances. Ainsi en va-t-il particulièrement en milieu urbain où la définition du cercle des personnes touchées plus que n'importe quel habitant d'une agglomération n'est pas une chose aisée (Arrêt du Tribunal fédéral C. du 16 avril 2002).

En l'espèce, il est établi que l'entreprise Rampini se situe à plus d'un kilomètre de la zone concernée par la loi attaquée, ainsi qu’en atteste le guichet cartographique de l’Etat de Genève (http://etat.geneve.ch/topoweb4/), dans son état au 1er novembre 2005. In concreto, l'on peine à voir en quoi elle serait touchée plus que quiconque, à cette distance, par la modification des limites de zone à La Renfile.

Faute de qualité pour recourir, le recours de Rampini est par conséquent irrecevable.

3. Le Grand Conseil ne conteste pas, à juste titre, la qualité pour recourir de Sasma S.A. qui, au bénéfice d'un droit de superficie sur les parcelles directement voisines de la zone visée par la loi litigieuse, remplit à l'évidence les conditions légales et jurisprudentielles énumérées ci-dessus.

Sasma S.A. ayant épuisé la voie préalable de l'opposition (art. 35 al. 4 LaLAT) et agi dans le délai légal de trente jours (art. 35 al. 2 LaLAT) devant l'autorité compétente (art. 35 al. 1 LaLAT), son recours est recevable.

4. Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA et 35 al. 5 LaLAT). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

La délimitation des zones est une question qui relève surtout de la politique générale de l'aménagement du territoire (ATF 127 II 238 consid. 3b bb ; 108 Ib 479, consid. 3c), et le contrôle par le juge des choix opérés par le législateur dans ce domaine ne saurait par conséquent toucher aux pures questions d'opportunité (ATA/621/2004 du 5 août 2004 ; ATA/286/2004 du 6 avril 2004 et les références citées). A cet égard, le Tribunal fédéral a rappelé à plusieurs occasions que le Grand Conseil, en tant qu'autorité cantonale supérieure de planification, possède un large pouvoir d'appréciation (Arrêts du Tribunal fédéral 1P.444/2001 du 29 novembre 2001 consid. 3b bb ; 1A.140/1998 - 1P.350/1998 du 27 septembre 2000 consid. 3). Le tribunal de céans ne peut donc revoir un plan d’affectation que sous l’angle de la légalité, son opportunité étant examinée au stade de l’opposition, le Grand Conseil ayant un plein pouvoir d’examen (J.-C. PAULI, L'élargissement des compétences du Tribunal administratif en matière d'aménagement du territoire et ses premières conséquences sur la conduite des procédures à Genève, RDAF 2000, vol. I, p. 526; T. TANQUEREL, Le contentieux de l'aménagement du territoire, in 3ème journée du droit de la propriété, 2000, p. 10 ; ATA/50/2005 du 1er février 2005).

Telles doivent être les considérations réglant, en matière de recours contre les plans d'affectation, le pouvoir d'examen du tribunal de céans, qui, outre le droit fédéral, contrôle aussi l'application du droit cantonal (art. 69 al. 1 LPA).

5. Les parties divergent quant à la qualification donnée à la loi querellée.

Pour Sasma S.A., la loi en cause constituerait un plan d'affectation spécial au sens de l'article 13 LaLAT, alors que le Grand Conseil soutient qu'il s'agirait d'un plan d'affection général selon l'article 12 LaLAT.

6. Selon l'article 14 LAT, les plans d'utilisation du sol établis par les cantons délimitent les zones à bâtir, les zones agricoles et les zones à protéger. En dehors ou à l'intérieur de ces zones-cadre, les cantons peuvent prévoir d'autres plans d'affectation (art. 18 LAT). Ces plans peuvent être généraux ou spéciaux.

En droit cantonal genevois, le concept de plan d'affectation spécial se trouve développé à l'article 13 LaLAT, qui fournit une liste des plans considérés comme tels. Cette qualification se rapporte aux plans qui traitent d'un seul aspect de la planification (attribution de DS à la zone générale, sites à protéger, etc.) ou qui fixent dans le détail la manière dont une zone ou une portion de zone peut être aménagée (art. 13 al. 1 ab initio LaLAT).

  En l'espèce, le plan querellé est très clairement un plan d'affectation général au sens de l'article 12 LaLAT. Il ne peut être qualifié de PLQ au sens de l'article 13 alinéa 1 lettre a LaLAT, dès lors qu'il ne contient aucune planification de détail (implantation des bâtiments, volume et destination des constructions, accès, équipements, etc.). L'attribution d'un DS à la zone ne fait pas non plus de ce plan un plan spécial au sens de l'article 13 al. 1 lettre f LaLAT, car cette disposition ne vise que les plans traitant uniquement de cette attribution (art. 15 al. 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement - LALPE - K 1 70).

Certes, il est évident que la loi querellée a été adoptée en vue de l'installation d'un magasin Ikea sur la zone concernée. Toutefois, le plan en cause ne vise que la modification des limites de zones au lieu-dit La Renfile, et non les détails de l’installation dudit magasin. En outre, Sasma S.A. n’est pas sans ignorer – vu qu’elle l’a précisément contesté auprès du Tribunal de céans – qu’un PLQ qui, lui, planifie en détail ladite zone dans l’optique de la venue d’Ikea à La Renfile, a été adopté par le Conseil d’Etat le 31 août 2005.

  Il s’ensuit que le plan querellé est bien un plan d'affectation général au sens de l'article 12 LaLAT.

7. Dans un premier moyen, Sasma S.A. soutient que la loi attaquée violerait les dispositions de l'OPair et de l'OPB.

S'agissant des problèmes liés au trafic induits par les futures constructions, ils entrent dans le champ d'application de l'étude d'impact sur l'environnement prévue par l'article 9 de la loi sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01). Cette disposition ne s'applique cependant pas aux procédures d'adoption ou d'adaptation des plans généraux d'affectation, le droit fédéral n'ayant pas prévu d'étude d'impact à ce stade (ATF 120 Ib 70, consid. 2). En particulier, la planification générale n'est pas une procédure décisive au sens de l'article 5 alinéa 3 de l'ordonnance relative à l'étude d'impact sur l'environnement du 19 octobre 1988 (OEIE - RS 814.011), dans la mesure où elle ne permet en effet pas de connaître de façon suffisamment précise les caractéristiques des constructions et des installations à réaliser pour permettre l'évaluation des immissions de bruit ou d'autres nuisances éventuelles (ATF 1P.81/2001 du 19 avril 2001, consid. 2; Y. NICOLE, L'étude d'impact dans le système fédéraliste suisse, Lausanne 1992, pp. 168-169 et pp. 188 et ss.; P. MOOR, Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, Zurich 1999, ad. art. 14, § 27, p. 13). Ces questions seront abordées lors de l'adoption du plan localisé de quartier (plan d'affectation spécial) requis, en matière de zones de développement, par l'article 2 alinéa 1 lettre a de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35).

Dans cette mesure, ces griefs sont donc irrecevables.

8. a. Sasma S.A. reproche ensuite à la loi attaquée de ne pas respecter les directives arrêtées par le Conseil d'Etat le 5 mars 2003, et de violer, ce faisant, les dispositions de l'OPAM.

Le Grand Conseil objecte à ce propos que l'OPAM n'est pas applicable, s'agissant de l'édification d'un centre commercial. En outre, la loi en cause respecte les directives du Conseil d'Etat, le périmètre du plan de zone visé à l'article premier de la loi litigieuse étant précisément à plus de 100 mètres desdits bassins.

b. A nouveau, le Tribunal de céans relève qu'il s'agit d'une critique qui relève de la planification de détail, et non de la modification de zones en soit, de sorte qu’elle s'avère irrecevable à ce stade de la procédure.

Cela étant, dût-on retenir que ce grief était recevable, il devrait être rejeté. Sasma S.A. prétend à tort que le rayon de sécurité de 100 mètres serait violé par le périmètre du plan de zone querellé. En effet, il ressort du plan établi par la direction de l'aménagement du canton de Genève, intitulé « Prévention des accidents majeurs dans le secteur des dépôts d’hydrocarbures à Vernier » daté de mars 2003, que la zone litigieuse n’est pas touchée par ce rayon. Ainsi, la limite de zone se situant à l’est du périmètre concerné par la loi attaquée (côté route de Pré-Bois) se confond-t-elle précisément avec le rayon de sécurité de 100 mètres. L’interdiction de toute implantation nouvelle n’est donc pas applicable au projet en cause. Cela étant, il se situe effectivement dans le rayon d’évacuation de 200 mètres, qui impose que des mesures constructives et organisationnelles soient prises. L’assurance que ces mesures auront été effectivement prises ne s’inscrira toutefois que dans le contrôle de la planification de détail. Enfin, le Tribunal administratif relève que le service cantonal de sécurité pour l’OPAM "Routes" a préavisé favorablement la modification des limites de zones attaquée.

9. Sasma S.A. invoque également une violation de l'article 21 alinéa 2 LAT. Elle ne conteste pas, à raison, que les circonstances se sont effectivement sensiblement modifiées, mais avance que la loi querellée serait en totale contradiction avec la décision du Conseil d’Etat du 5 mars 2003.

A teneur de cet article, les plans d’affectation ont force obligatoire pour chacun (al. 1). Lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans d’affectation font l’objet des adaptations nécessaires (al. 2).

Cette disposition tend à assurer à la planification une certaine stabilité, sans laquelle les plans d'aménagement ne peuvent remplir leurs fonctions (ATF 127 I 103 consid. 6b p. 105 ; 124 II 391 consid. 4b p. 396 ; 123 I 75 consid. 3a p. 182 et les arrêts cités). La stabilité des plans est un aspect du principe, plus général, de la sécurité du droit, qui doit permettre aux propriétaires fonciers, comme aux autorités chargées de mettre en oeuvre la planification, de compter sur la pérennité des plans d'affectation (ATF 120 Ia 227 consid. 2b p. 232). Ceux-ci doivent être révisés lorsque les circonstances déterminantes se sont modifiées depuis leur adoption. Les circonstances à prendre en considération peuvent être de fait ou de droit (ATF 127 I 103 consid. 6b p. 105).

In casu, depuis 1986, la zone litigieuse est située en zone de développement industriel destinée principalement aux activités industrielles non polluantes et accessoirement aux activités commerciales et de service. Il est au demeurant établi que la raison qui motive le changement des limites de zones en cause est la venue du magasin Ikea à La Renfile. Cette société a entrepris, depuis 1998, des démarches en vue de s’installer à Genève. Le PDC, en vigueur depuis 2001, a d’ailleurs explicitement intégré cette éventualité dans la politique d’aménagement du territoire du canton de Genève dans sa fiche 2.10 intitulée « centres commerciaux à vocation régionale ». Or, de telles considérations constituent, au sens de l’article 21 LAT, une modification sensible des circonstances (cf. T. TANQUEREL, Commentaire de la LAT, no. 37 ad art. 21). Par ailleurs, il convient de garder à l’esprit le fait que la loi attaquée n'apporte pas une modification fondamentale au régime de la zone actuellement en vigueur, dans la mesure où d’une zone de développement industriel destinée principalement aux activités industrielles non polluantes et accessoirement aux activités commerciales et de service, l’on passe à une zone de développement industriel et artisanal également destinée à des activités administratives et commerciales. Ainsi, la modification du plan en cause est parfaitement admissible au regard de l’article 21 LAT.

L’argumentation de Sasma S.A. à ce propos se confond avec son précédent grief relatif à la violation des directives arrêtées par le Conseil d’Etat le 5 mars 2003 et de l’OPAM, et n’a pas de portée propre. Ce grief s’avère ainsi manifestement mal fondé.

10. Enfin, Sasma S.A. avance que le plan litigieux violerait le PDC.

a. A teneur de l’article 9 alinéa 1 LAT, repris en cela par l’article 8 alinéa 4 LaLAT, le plan directeur a force obligatoire pour les autorités.

b. La fiche 2.09, intitulée « zones industrielles et artisanales », dispose qu’il ne faut autoriser l'implantation de centres administratifs ou commerciaux que dans les zones industrielles destinées également à des activités administratives ou commerciales (Susette, Riantbosson dans leur ensemble, ZODIM, la Pallanterie, chemin de l'Etang, Bois-des-Frères et Acacias partiellement). La FTI, les communes et les propriétaires privés doivent répondre à la demande des entreprises en mettant à disposition suffisamment de terrains et de locaux équipés, à des prix abordables et stables, dans un environnement attractif. Les « friches industrielles » du centre de l'agglomération doivent être réaménagées, en exploitant au mieux ces précieuses opportunités avantageusement localisées.

c. Ainsi que le Tribunal administratif l’a déjà relevé supra, le PDC prévoit explicitement la problématique des centres commerciaux à vocation régionale (cf. fiche 2.10). A teneur du concept de l’aménagement cantonal, il s’agit de prendre en compte les besoins particuliers, tels les équipements commerciaux à vocation régionale. Le PDC prévoit également, au rang des procédures à mettre en œuvre, la possibilité d’engager des modifications des limites de zones en cas de non-conformité.

d. La présentation détaillée de la fiche 2.10 précise les critères de l’aménagement du territoire à respecter en pareil cas : l’accès aisé par les transports collectifs ; une desserte ferroviaire pour certaines livraisons ; une synergie avec d'autres activités (notamment complémentarité des parkings) ; la limitation de la concurrence avec les commerces du centre-ville ou, au niveau local, avec les commerces de quartier, dont il faut favoriser le maintien ; la minimisation des impacts sur la circulation automobile d'accès ; et, enfin, pas d’empiétement sur la zone industrielle (sauf dans certains secteurs spécifiques), ni sur la zone agricole, ni sur des sites destinés à des activités haut de gamme.

En l’espèce, la FTI a préavisé favorablement la loi attaquée dans son courrier du 12 septembre 2003. En vertu du large pouvoir d’appréciation du Grand Conseil lorsqu’il agit en sa qualité d’autorité cantonale supérieure de planification (cf. consid. 7 supra), il n’appartient pas au Tribunal de céans de remettre en cause le préavis favorable de la FTI, d’une part, ni l’opportunité du choix effectué par le Grand Conseil, d’autre part. Les fiches 2.09 et 2.10 du PDC prévoient en outre effectivement la possibilité de modifier les limites de zones afin de favoriser la venue de centres commerciaux à vocation régionale.

Dans ces circonstances, le PDC n’est pas violé par la loi attaquée. Ce grief s’avère ainsi également infondé.

11. Ainsi, entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 3'000.- sera mis à la charge de Sasma S.A., qui succombe, et de CHF 2'000.- à Rampini, dont le recours est irrecevable (art. 87 LPA).

Ikea obtenant gain de cause, une indemnité de procédure de CHF 5'000.- lui sera allouée, à charge de Sasma S.A. et Rampini prises conjointement et solidairement.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

préalablement :

prononce la jonction des causes A/222/2005 et A/224/2005 sous le no A/222/2005 ;

à la forme :

déclare irrecevable le recours interjeté le 24 janvier 2005 par Rampini & Cie S.A. contre la loi 9318 du 22 décembre 2004 ;

déclare recevable le recours interjeté le 24 janvier 2005 par Sasma S.A. contre la loi 9318 du 22 décembre 2004 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Rampini & Cie S.A. un émolument de CHF 2'000.- et, à la charge de Sasma S.A., un émolument de CHF 3'000.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 5'000.- à Ikea Immobilière S.A, à charge de Rampini & Cie S.A. et de Sasma S.A. prises conjointement et solidairement;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14 ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat de Rampini & Cie S.A., Me Jacques Berta, avocat de Sasma S.A., ainsi qu'à Me Nicolas Peyrot et Me Laurent Srawson, avocats de Ikea Immobilière S.A. et au Grand Conseil.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :