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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1565/2020

ATA/198/2022 du 22.02.2022 sur JTAPI/699/2021 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;PERMIS DE CONSTRUIRE;ALIGNEMENT;PLAN D'ALIGNEMENT
Normes : Cst.29.al2; LPA.61; LCI.22; LCI.23; LRoutes.11.al1
Résumé : Projet de surélévation d'un immeuble non conforme aux prescriptions applicables à la zone, à défaut notamment d'alignement de fait. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1565/2020-LCI ATA/198/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 février 2022

3ème section

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Yves Jeanrenaud, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

et

B______
représentée par Me Christian Luscher, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er juillet 2021 (JTAPI/699/2021)


EN FAIT

1) A______, domiciliée à Genève, est propriétaire des parcelles nos 22 et 3'769 de la commune de Genève-Plainpalais sises rue des Rois 11, square du Stand 6 et rue de la Synagogue 31, en 2ème zone.

Sur ces parcelles, est érigé un bâtiment A767 à destination d’ateliers, composé d’un rez-de-chaussée, de quatre étages et de combles. Celui-ci figure sur la carte indicative « Jonction-Plainpalais – secteur 12 » du 18 février 2010, adoptée par le Conseil d’État le 16 mars 2010, en tant qu’immeuble susceptible d’être surélevé (loi 10'088 – surélévations).

Ledit bâtiment, en forme de « L », fait partie d’un îlot d’immeubles délimité par les rues des Rois, de la Synagogue, de l’Arquebuse et du Stand et est mitoyen d’un ensemble d’immeubles protégés (MS-e 147) sis rue des Rois 5, 7 et 9 et rue du Stand 38. Le centre de cet îlot est occupé par le square du Stand et abrite un parking. Un projet de construction d’un bâtiment de logements avec rez-de-chaussée commercial à l’intérieur du square du Stand a été déposé le 16 avril 2019 par A______ ; cette demande est actuellement en cours d’instruction
(DD 2______).

2) Face à la parcelle n° 22, de l'autre côté de la route, se trouve la parcelle n° 78, propriété de la Ville de Genève (ci-après : la ville), sise en zone de verdure, à l'adresse rue des Rois 10 et boulevard de Saint-Georges 59. Le cimetière des Rois s'étend sur celle-ci et comprend les bâtiments nos A797 et A796.

3) Située légèrement en diagonale des parcelles nos 22 et 3'769, de l’autre côté du square du Stand, se trouve la parcelle n° 18, propriété de B______, sise rue du Stand 40, sur laquelle est érigé un bâtiment n° A802 à destination de bureaux.

4) Par requête enregistrée le 13 novembre 2019 sous DP 1______, A______ a sollicité auprès du département du territoire (ci-après : le département) une autorisation préalable de construire portant sur la surélévation du bâtiment existant sur les parcelles nos 22 et 3'769 de deux étages et d’un attique de logements en lieu et place de la toiture.

Selon la lettre d'accompagnement datée du 5 novembre 2019, le projet, qui prévoyait la réalisation de dix-neuf logements, avait été travaillé avec la volumétrie des bâtiments environnants, l’expression architecturale de la façade existante ainsi que les gabarits légaux. Le gabarit sur la rue des Rois avait été calculé sur la largeur de la rue au niveau du bâtiment à l’angle de la rue des Rois et de la rue du Stand, le front du cimetière n’étant pas bâti de manière pérenne. La situation d’angle du bâtiment permettait de « retourner le gabarit » sur 20 m dans la rue de la Synagogue. Le dernier étage de la surélévation se retournait sur 20,49 m car le rythme de la façade suivait celui de la façade existante. « Passé les 20 m », la surélévation débordait du gabarit sur la rue de la Synagogue, mais créait ainsi un volume dégressif jusqu’au bâtiment voisin. Une servitude de distances et vues droites serait constituée dans la cour pour assurer la faisabilité du projet. Selon la commission d’architecture (ci-après : CA), à laquelle le projet avait été présenté, les dérogations ne péjoraient pas l’homogénéité de l’architecture et de l’urbanisme du quartier. Enfin, les places de parking habitants prendraient place dans le parking existant de la Tribune de Genève sis sur la parcelle n° 3'772.

Étaient notamment joints un document intitulé « descriptif du projet » du 15 juillet 2019, comprenant une analyse selon le guide et directives pour la surélévation d’immeubles de logements et des photographies de maquettes, ainsi qu’un avis de consultation émis par la CA le 8 janvier 2019 sur la base du projet du 3 janvier 2019.

5) Dans le cadre de l’instruction de cette requête, les préavis suivants ont notamment été émis :

               le 20 novembre 2019, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a émis un préavis favorable avec dérogations selon les art. 11 al. 4 (gabarit), 49 (vide d’étage en attique) et 37 (retour d’angle supérieur à 20 m) de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et sous condition que tous les logements soient accessibles et adaptables aux personnes à mobilité réduite ;

               le 12 décembre 2019, l’office de l’urbanisme (ci-après : SPI) a émis un préavis favorable, relevant notamment sous remarque que l’immeuble était susceptible d’être surélevé selon la carte indicative en la matière ;

               le 17 décembre 2019, la CA a émis un préavis favorable avec dérogations selon les art. 11 al. 4 et 49 LCI. « L’immeuble fais[ait] partie d’un îlot constitué de bâtiments d’époques diverses, de gabarits plutôt homogènes et mitoyen à un ensemble d’immeubles protégés sur l’un des côtés. Sur la base des plans et de deux maquettes, le principe de surélévation de deux étages et attique sur cet immeuble d’angle, qui marqu[ait] une saillie à l’angle situé entre les rues des Rois et celle de la Synagogue, [avait] été admis (préavis de consultation datés des 18.09.2018 et 08.01.2019). En effet, le projet s’insér[ait] de manière harmonieuse, tant sur le volume existant, que dans le prolongement de l’îlot, ceci par l’articulation d’un jeu subtil de retraits volumétriques en façades et à l’angle intérieur du côté de la cour. Dès lors, [elle validait] l’application de la dérogation selon l’art. 11 al. 4 LCI (appliquée partiellement sur la rue de la Synagogue), ceci pour garantir une articulation volumétrique harmonieuse entre le bâtiment d’angle et les immeubles situés du côté de la rue de la Synagogue. Par ailleurs, [elle réitérait] également son appréciation favorable quant au choix architectural de la façade qui s’inscrivait dans le rythme de la modénature de l’existant, tout en intégrant des éléments opaques, ceci pour garantir la bonne cohésion de l’ensemble. [Elle était] également favorable à l’application de la dérogation selon l’art. 49 LCI qui ne concern[ait] que les vides d’étage de l’attique » ;

               le 29 janvier 2020, l’office cantonal des transports (ci-après : OCT) a émis un préavis favorable, sous condition de la mise à disposition des futurs habitants de huit places voitures et deux places motos dans le parking de la Tribune de Genève ;

               le 24 février 2020, la ville a émis un préavis défavorable. Le projet, qui demandait plusieurs dérogations aux gabarits légaux et au vide d’étage, compromettait l’harmonie urbanistique de la rue des Rois et de la rue de la Synagogue. L’alignement déterminé pour le calcul du gabarit sur la rue des Rois était contesté. Le projet nécessitait la constitution d’une servitude de distance et vue droite à la charge de la ville sur la parcelle n° 78. Un projet déposé en 2019 prévoyait la construction de logements dans la cour de l’îlot, lesquels se trouveraient dans une situation urbaine particulière, offrant peu de dégagement, de sorte qu’il était dommage d’en prétériter encore l’ensoleillement.

6) Par décision du 8 mai 2020, publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le jour même, le département a délivré l’autorisation préalable DP 1______ portant sur l’implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet (ci-après : DP 1______). Elle disposait, au point 5, que le plan et l’acte de constitution de servitude de distance et vue droite devraient parvenir au département avec la requête en autorisation définitive de construire.

7) Le même jour, le département a informé le Conseil administratif de la ville de la délivrance de l’autorisation.

Les deux parcelles concernées par le projet avaient été identifiées, à teneur de la carte indicative des surélévations Jonction-Plainpalais, comme comportant des immeubles susceptibles d’être surélevés, ce qui attestait d’un potentiel en la matière. S’agissant de la manière de calculer le gabarit le long de la rue des Rois, si l’alignement du géomètre s’avérait trop généreux, le gabarit projeté nécessitait une distance d’environ 20,60 m, ce qui était légèrement inférieur à l’espace entre les alignements bordant la rue des Rois. Ainsi, le projet s’inscrivait en dessous du gabarit légal maximal applicable, raison pour laquelle sa réalisation ne nécessitait aucune servitude de distance et vue droite sur la parcelle n° 78. Concernant l’art. 11 al. 4 LCI, les dérogations accordées portaient exclusivement sur une partie de la surélévation côté rue de la Synagogue, soit la parcelle n° 3'769 (le retour d’angle légèrement supérieur à 20 m bénéficiant de l’art. 37 LCI, ainsi que la partie moins élevée de la surélévation s’ensuivant sur cette parcelle). La dérogation en matière de vide d’étage concernait l’attique et était de 2,50 m. Au vu du préavis favorable du CA, à qui le projet avait été soumis à deux reprises en préconsultation, l’harmonie urbanistique du quartier n’apparaissait aucunement compromise tandis que les dérogations accordées s’avéraient minimes et précisément justifiées par des questions d’articulation et d’harmonie avec l’existant. Aucun préaviseur n’avait relevé une quelconque problématique d’habitabilité ou de perte d’ensoleillement excessive. Au contraire, l’ensemble des autres instances de préavis consultées s’était déclaré favorable à ce projet, avec ou sans réserve.

a) Procédure A/1565/2020 :

8) Par acte du 29 mai 2020, enregistré sous le numéro de cause A/1565/2020, la ville a interjeté recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), en concluant à son annulation.

Le projet violait les art. 22, 23 et 36 LCI. Pour le calcul du gabarit, le département semblait considérer qu’un alignement de fait existait à la rue des Rois qui justifiait de s’écarter de la distance entre les limites de propriété. Or, si les bâtiments érigés côté impair, entre la rue du Stand et celle de la Synagogue, étaient alignés, en revanche, tel n'était pas le cas pour les bâtiments côté pair, éloignés les uns des autres et non pas alignés sur une même ligne droite. Seuls deux bâtiments étaient érigés sur cette portion de rue et ils n’étaient pas alignés avec les bâtiments sis 2-4 rue des Rois. S’agissant du bâtiment sis à l’angle de la rue du Stand et de la rue des Rois, la façade donnant sur cette dernière n’était pas la façade principale du bâtiment. Ces différents éléments ne suggéraient pas une ligne structurante forte susceptible de donner lieu à un alignement de fait. Dans cette mesure et à défaut de servitude de distance et vue droite, il fallait retenir que la distance entre alignements était de 15 m, de sorte que le gabarit maximal autorisable était de 21 m (art. 23
al. 5 LCI) et pour autant que l’harmonie urbanistique soit respectée. En ajoutant le gabarit de toiture, la ligne horizontale de faîtage devait se situer au maximum à 25,80 m (art. 36 LCI). Or, le projet autorisé dépassait largement le gabarit théorique maximal, y compris le gabarit de toiture.

L’alignement de fait empiétait sur la parcelle n° 78, impliquant une diminution des droits de la ville sur celle-ci. Si elle se situait en zone de verdure et les conditions pour bâtir y étaient plus strictes, le cas de figure restait envisageable, conformément à l’ATA/821/2013 du 17 décembre 2013, de sorte qu’une servitude de distance et vue droite aurait dû être négociée entre A______ et elle. En l’absence d’une telle servitude, l’autorisation consacrait une violation de la garantie de la propriété et de l’art. 46 LCI. La compétence de constituer une servitude de distance étant du ressort du Conseil municipal, une violation de la répartition des compétences entre l’exécutif et le législatif communal avait également été commise par le département.

Le projet autorisé compromettait également l’harmonie urbanistique. Dans son préavis du 17 décembre 2019, la CA avait examiné le point A de la méthode « ABCD » (le quartier). S’agissant du point B (les groupes d’îlots), elle n’avait pas relevé qu’environ la moitié des immeubles de l’îlot était protégée par la « loi Blondel ». Les formes des toitures des quatre bâtiments de cet ensemble, qui n’étaient pas surélevables, étaient actuellement identiques. Les multiples retraits des façades ou « complications volumétriques » amélioraient probablement l’intégration du projet dans son contexte, mais démontraient indubitablement que l’intégration d’une surélévation de trois étages n’était pas facile ni naturelle. Quant au point C (l’espace public/privé), la CA n’avait pas pris en compte qu’un immeuble était projeté au centre de la cour de l’îlot (DD 2______). La surélévation de l’immeuble d’angle entraînerait une rupture et une autonomisation de l’objet qui ne se justifiaient pas par son affection administrative et résidentielle. S’agissant du point D (l’immeuble), peu d’appartements étaient traversants.

L’art. 49 LCI avait été violé, dès lors que tous les vides d’étages auraient pu être fixés à 2,60 m.

9) Sur demande des parties du 28 août 2020, le TAPI a prononcé la suspension de la procédure.

10) Par courrier du 15 décembre 2020, A______ en a requis la reprise, les pourparlers entre les parties ne leur ayant pas permis de parvenir à un accord.

11) Dans ses observations du même jour, elle a conclu au rejet du recours.

Vu le rapport du 6 juillet 2020 de Monsieur C______, ingénieur-géomètre breveté, un alignement de fait pouvait être retenu avec la façade du bâtiment sis 8, rue des Rois du fait du caractère imposant et historique pour la rue du bâtiment de l’Hôtel de l’Arquebuse. Cet alignement de fait permettait aussi de tenir compte de l’arbre centenaire remarquable présent sur la parcelle n° 78, dont la préservation nécessaire empêchait toute construction en limite de propriété. Cet alignement permettait de retenir une distance sur rue entre alignements de 25,91 m. Cela étant, le département avait retenu que le seul alignement existant était celui visible à hauteur des bâtiments sis 2-4, rue des Rois, les autres bâtiments longeant cette rue ayant été érigés en retrait selon un alignement à chaque fois différent. Cet alignement, qui permettait de retenir une distance sur rue entre alignements de 20,85 m, était le plus restrictif en regard de l’implantation des immeubles existants et se fondait sur le seul groupe d’immeubles disposant d’un alignement commun. Dans tous les cas, la distance de 15 m retenue par la ville n’était pas justifiée, dès lors que la parcelle n° 78 comportait un défaut d’alignement en raison de la présence de l’arbre à la hauteur du n° 10, rue des Rois, la logique voulant, s’il devait être abattu dans le cadre d’un projet de construction, que la limite de la parcelle soit rectifiée par cession au domaine public pour rétablir à cet endroit un trottoir de largeur uniforme.

L’alignement de fait retenu n’avait pas pour conséquence inévitable d’empêcher toute construction sur la parcelle n° 78, étant rappelé que cette parcelle abritait le cimetière des Rois, plus ancien cimetière de Genève. Même si une modification de la parcelle n° 78 n’était, par principe, pas impossible, rien ne laissait penser qu’une telle modification interviendrait prochainement, aucune demande d’autorisation n’ayant été déposée par la ville à ce jour. Rien n’indiquait non plus que celle-ci ne puisse, le moment venu, bénéficier elle-même d’une dérogation lui permettant de mener à bien un projet de construction potentiel, malgré la prise en compte de l’alignement de fait le long de la rue des Rois. La ville se prévalait prématurément d’une hypothétique violation de son droit de propriété. Les servitudes de distance et vues droites ne pouvaient être créées qu’entre propriétés contigües et non pas entre deux parcelles sises de part et d’autre d’une voie publique ou privée.

Les griefs formulés par la ville à l’encontre du préavis de la CA s’agissant de l’analyse du projet selon la méthode « ABCD » étaient infondés et elle ne pouvait substituer sa propre appréciation. L’immeuble abritant le projet était surélevable et la situation d’ensemble avait été appréciée et prévue par la carte indicative, de sorte qu’il n’appartenait pas à la ville de revenir sur ce choix. La CA avait confirmé que le projet litigieux s’insérait de manière harmonieuse, tant sur le volume existant que dans le prolongement de l’îlot (point B). Le projet de construction au centre de l’îlot avait fait l’objet d’une demande d’autorisation le 25 juin 2018 et d’un préavis de la CA le 12 septembre 2019. Cette dernière était informée de l’existence de ce projet au moment de rendre son préavis positif concernant celui litigieux (point C). Le fait que peu d’appartements soient traversants ne pouvait enlever une quelconque valeur au préavis de la CA. Dans la cadre de la demande préalable, la typologie n’était pas encore fixée si bien que toute critique en la matière s’avérait prématurée. Les différents retraits en façade du projet permettraient d’offrir un espace extérieur à la majorité des appartements et les appartements en attique bénéficieraient de terrasses généreuses (point D).

La dérogation quant au vide d’étage était conforme à la loi et le grief prématuré. Le choix de la hauteur de 2,50 m relevait de considérations architecturales, puisque cette hauteur avait pour conséquence d’abaisser le gabarit général du projet, permettant de conserver au maximum la cohérence des volumes du quartier. Elle permettait un allègement de la structure, au bénéfice de la durabilité et de l’économie des coûts. Les logements concernés étant situés en attique et de faible profondeur, aucun inconvénient relatif à la luminosité ne pouvait découler de cette hauteur réduite.

Était joint le rapport de M. C______, lequel indiquait en particulier que « dans le cadre du recours, [ils avaient] cherché à trouver un autre alignement qui pourrait le cas échéant être reconnu comme pertinent. [Ils proposaient] dans ce cas la continuité de l'alignement actuel des n° 2-4 rue des Rois. Cet alignement figuré en bleu sur le plan cadastral, permet[tait] une distance sur rue entre alignements de 20,85 m. Cette distance reportée sur le plan cadastral pour autorisation modifié, également joint à la présente, démontr[ait], en particulier sur les coupes, que le projet de surélévation [était] conforme au gabarit légal pour cet éventuel alignement. Il conven[ait] ici de rendre attentif que la limite de parcelle actuelle en face du n° 11, rue des Rois comport[ait] un défaut d'alignement en raison justement de la présence de l'arbre remarquable afin de le préserver. Si l'arbre devait être abattu dans le cadre d'un projet de construction sur la parcelle n° 78, la logique voudrait que la limite de parcelle soit rectifiée par cession au domaine public pour rétablir à cet endroit un trottoir de largeur uniforme selon plan de situation joint. Dès lors, il [leur] sembl[ait] inopportun de considérer la limite actuelle comme élément d'alignement ».

12) Le département a également conclu au rejet du recours.

L’alignement proposé par M. C______ fondé sur celui existant au n° 8, rue des Rois, avait pour logique de prendre en considération la végétation existante à la hauteur du projet au bord de la parcelle n° 78. L'arbre en question étant à préserver, il convenait de fixer un alignement à une distance suffisante de celui-ci. Comme les seules constructions alignées du côté pair de la rue des Rois se trouvaient aux
nos 2-4, rue de Rois et qu’il s’agissait également de l’alignement le plus étroit, il fallait retenir cet alignement de 20,80 m, lequel permettait au projet de respecter les gabarits légaux. Tout autre alignement fondé sur des constructions existantes serait immanquablement plus en retrait sur la parcelle n° 78 que celui retenu, raison pour laquelle il y avait lieu de considérer que les distances sur rue s’avéraient suffisantes in casu. Le trottoir le long de la rue des Rois se resserrait au niveau de l'arbre, ce qui laissait présupposer qu’un hypothétique abattage de celui-ci impliquerait certainement un élargissement du domaine public à cet endroit, en cohérence avec le reste de la rue, donnant ainsi une distance de 17,85 m. La volonté de la ville à ce que la distance sur rue ne puisse dépasser 15 m s’avérait ainsi illogique, puisqu’elle ne prenait en considération ni l’alignement des constructions existantes, ni la présence d’un arbre remarquable, ni l’opportunité d’élargissement de la voie publique en cas de disparition de ce dernier. Il y avait donc lieu de considérer que les art. 22, 23 et 36 LCI étaient respectés, subsidiairement qu’une dérogation selon l’art. 11 LCI avait été octroyée.

Le droit de propriété de la ville n’était pas violé, puisqu’elle ne pouvait pas ériger de construction en bordure de la parcelle n° 78 pour les motifs susmentionnés. L’ATA/821/2013 n’était pas applicable, car il s’agissait de trancher entre deux alignements de fait existants, alors que dans le cas d’espèce, analogue à celui du JTAPI/637/2020 du 23 juin 2020, il n’y en avait qu’un seul, soit l’alignement le plus proche de la construction litigieuse préservant ainsi les potentiels droits les plus étendus de la ville. Ce n’était pas le projet, mais l’alignement de fait existant qui pouvait éventuellement restreindre les possibilités constructives projetées par la ville. Si la ville souhaitait prévoir un autre alignement, elle pouvait entamer une procédure de planification visant à le fixer par un plan d’affectation. La constitution d’une servitude était impossible entre des propriétés en vis-à-vis par-dessus une voie publique.

Concernant les griefs relatifs à l’harmonie urbanistique, le point B avait déjà été traité dans le cadre de l’élaboration de la carte des immeubles susceptibles d’être surélevés. Après consultation de la commune et de la commission des monuments de la nature et des sites (ci-après : CMNS), la divergence des toitures qu’impliquait la surélévation du bâtiment par rapport aux autres bâtiments dont les gabarits étaient maintenus avait déjà été validée. À la suite d’une étude détaillée du contexte bâti et du projet, la CA avait retenu que le projet s’intégrait harmonieusement. Pour le point C, elle avait relevé le retrait du projet côté cour, de sorte qu'elle avait étudié l’impact du projet sur la cour. Quant au point D, la typologie des logements ne serait instruite qu’au stade de la demande définitive.

Le choix des vides d’étage découlait d’une volonté de parfaire l’intégration du projet dans son milieu et subsidiairement de réflexions technico-financières. Le vide d’étage légèrement réduit dans l’attique ne portait à aucune conséquence négative puisque la faible profondeur des logements et leur grande luminosité permettaient d’en garantir une bonne habitabilité.

13) La ville a répliqué en maintenant sa position.

En particulier, le département ne pouvait se fonder subsidiairement sur une dérogation non accordée (art. 11 LCI) pour justifier, à défaut d’alignement de fait, le non-respect de la distance entre alignement. Si une telle dérogation avait bien été accordée pour la façade donnant sur la rue de la Synagogue, aucune ne l’avait été s’agissant du gabarit côté rue des Rois.

14) Le département et A______ ont dupliqué en persistant dans leurs observations et conclusions.

b) Procédure A/1640/2020 :

15) Par acte du 8 juin 2020, enregistré sous le numéro de cause A/1640/2020, B______ a également recouru auprès du TAPI contre la décision du 8 mai 2020, en concluant à son annulation. Préalablement, elle sollicitait l’audition d’un représentant de la commune et de la CA, ainsi que l’organisation d’un transport sur place.

Propriétaire de la parcelle située en diagonale du projet litigieux, elle disposait, en tant que voisine directe, de la qualité pour recourir.

Le département avait constaté les faits de manière incomplète en ne procédant ni à l'analyse des conséquences de la surélévation sur l'ensoleillement pour les bâtiments voisins et l'environnement proche ni à celle de l'habitabilité concrète des logements proposés qui seraient tous très petits même si leur surface dépassait légèrement celle prévue par l'art. 1 al. 5 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01).

Le projet portait atteinte à l'harmonie du quartier en provoquant des inconvénients graves pour les habitants des bâtiments voisins, dont ses locataires. Elle devrait donc consentir des baisses de loyer ou des indemnités pour des travaux dont elle n'était pas responsable.

La surélévation ne respectait pas l'exigence d'esthétique. L'ajout de deux étages et d'un attique en plein centre-ville modifierait durablement et définitivement l'aspect du quartier des Rois et provoquerait une surdensification. Le projet nécessitait par ailleurs de nombreuses dérogations.

La taille des logements projetés était minuscule et le département avait commis un excès de son pouvoir d’appréciation en accordant la dérogation quant aux vides d’étages.

Il avait également admis les dérogations aux art. 11 al. 4 et 37 LCI sans aucune motivation.

Le projet portait aussi atteinte à la mobilité dans le secteur déjà difficile actuellement. La mise à disposition de huit places de voitures et de deux places motos paraissait insuffisante pour éviter un blocage encore plus important de la mobilité de l'axe Stand-Coulouvrenière.

16) Le département a conclu au rejet du recours et des mesures d’instruction sollicitées.

Ces dernières étaient superflues.

Il appartenait à B______ de démontrer que la perte d’ensoleillement s'avérait suffisamment importante pour lui permettre de se prévaloir de l'art. 14 LCI. S'agissant de l'habitabilité des appartements projetés, une demande préalable ne portait pas sur leur typologie. Les logements ne pouvaient être qualifiés de très petits alors qu'ils respectaient les dimensions minimales définies à l'art. 1 al. 5 RGL dans sa teneur du 28 février 2018.

Concernant l'harmonie et l'esthétique du projet, la CA avait étayé son préavis favorable.

Le risque de surdensification était contredit par la carte des immeubles susceptibles d'être surélevés et par le fait qu'il n'existait aucun indice d'utilisation du sol (ci-après : IUS) maximal pour ces parcelles.

Les dérogations accordées étaient minimes puisqu'elles portaient sur une diminution du vide d'étage de l'attique de 10 cm, ce qui réduisait l'impact pour le voisinage et sur un léger dépassement des 20 m maximaux du report du gabarit de la rue la plus large selon l'art. 37 LCI. Or, celui-ci visait à permettre une articulation harmonieuse du projet avec les immeubles existants. Ce projet respectait donc dans une très grande mesure les gabarits légaux de la zone et la légère dérogation ne pouvait être source d'inconvénients graves au sens de l'art. 14 LCI. B______ se limitait à substituer son appréciation à celle de la CA et contrairement à ce qu’elle faisait valoir, le département avait motivé l'octroi de cette dérogation dans son courrier du 8 mai 2020.

Le projet n'aurait aucun impact sur la mobilité, puisque des places existantes à proximité devraient lui être attribuées. Se situant dans un secteur II au sens du règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés du 16 décembre 2015 (RPSFP - L 5 05.10), le département aurait pu renoncer à faire prévoir une quelconque place de stationnement.

17) A______ a conclu à l’irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours.

B______ ne démontrait pas l'avantage pratique qu'elle retirerait de l'annulation de la DP 1______.

L’instruction du dossier avait été suffisante, B______ n’établissant pas en quoi les questions d’ensoleillement et d’habitabilité auraient dû faire l’objet d’une analyse détaillée préalable à l’octroi de l’autorisation litigieuse.

L’harmonie du quartier avait été analysée et validée par la CA. Il n’était pas précisé en quoi consistaient les inconvénients graves, étant relevé que les nuisances provoquées par les travaux étaient inhérentes à tous chantiers. Concernant la problématique de surdensification, le projet se situait dans une zone où la surélévation avait expressément été autorisée et le bâtiment concerné était un immeuble susceptible d’être surélevé. Les dérogations accordées se rapportaient uniquement aux questions de gabarit et de vide d’étage.

Le prétendu problème d’habitabilité des logements n’en était pas un, puisque B______ admettait elle-même que ceux-ci respectaient l’art. 1 al. 5 RGL. Vu la pénurie notoire de logements, cet argument ne pouvait être pris en compte. La dérogation sur le vide d’étage avait été accordée conformément à l’art. 49 al. 5 LCI.

Le département, qui avait basé sa décision sur de nombreux préavis favorables émis par des commissions composées de spécialistes, n’avait pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en accordant les dérogations litigieuses.

Aucune preuve tangible n’était apportée concernant le problème de mobilité dans le secteur. En remplaçant un étage commercial par trois étages d’habitation, le projet était bénéfique pour la mobilité et l’OCT s’était prononcé favorablement.

Étaient notamment joints des photographies ainsi qu’un graphique relatif à l’ensoleillement de l’immeuble de B______.

18) Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué en persistant dans leurs conclusions et développements.

19) Par jugement du 1er juillet 2021, le TAPI a admis les recours précités, après les avoir joints, et annulé la DP 1______.

La qualité pour recourir était reconnue à B______ vu la situation de son immeuble par rapport au projet litigieux.

En revanche, les actes d’instruction sollicités par celle-ci n’apparaissaient pas nécessaires vu les éléments figurant au dossier.

Contrairement au côté Coulouvrenière de la rue des Rois, où l’on pouvait clairement admettre l’existence d’un alignement de fait, sur la portion de rue située de l’autre côté de la rue du Stand, côté cimetière, aucun élément ne suggérait une ligne structurante forte susceptible de donner lieu à un alignement de fait. De la même manière que dans l’ATA/821/2013, seul un petit nombre de constructions était érigé sur cette distance, somme toute relativement importante, les constructions étaient éloignées les unes des autres et aucune n’était alignée sur une même ligne droite en retrait des limites de propriété. Le département avait donc commis un abus de son pouvoir d’appréciation en retenant un alignement de fait le long de la rue des Rois, fondé sur les immeubles sis 2-4, rue des Rois. La proposition d’alignement fondée sur le bâtiment sis 8, rue des Rois, ne pouvait non plus être retenue dans la mesure où elle se fondait sur une seule façade, qui n’était alignée à aucune autre construction existante. En l’absence d’un alignement de fait, les limites de propriété devaient être prises en considération, soit 15 m. Dès lors qu’il n’était pas contesté que le projet litigieux nécessitait une distance entre alignement de 20,60 m, cette distance était clairement insuffisante pour autoriser le gabarit projeté. Même si la présence de l’arbre remarquable en bordure de la parcelle n° 78 empêchait en l’état toute construction en limite de propriété à cet endroit, en l’absence d’un alignement de fait la contraignant d’aligner une future construction en retrait de sa parcelle, on ne voyait pas ce qui empêchait la ville de construire en limite de sa propriété, hors du périmètre de protection dudit arbre. Même si la limite du domaine public devait être modifiée en cas de disparition de l’arbre en question, la distance entre alignements serait insuffisante pour autoriser le projet litigieux. Le fait que la parcelle n° 78 soit située en zone de verdure, qu’elle abritait le cimetière des Rois ou que la ville n’ait pas de projet de construction en l’état n’était pas pertinent.

Aucune dérogation au sens de l’art. 11 al. 4 LCI n’ayant été octroyée s’agissant du côté rue des Rois, le département ne pouvait se fonder sur cette disposition pour justifier le dépassement du gabarit légal maximal applicable à cet endroit. Il avait donc abusé de son pouvoir d’appréciation en délivrant l’autorisation querellée qui avait validé l’existence d’un alignement de fait à 20,85 m.

En ces circonstances, il n’était pas nécessaire d’examiner les autres griefs invoqués par les parties, en particulier s’agissant de la violation de la garantie de la propriété de la ville et de l’harmonie et de l’esthétique du projet, dans la mesure où ils étaient liés à la question de l’alignement et du gabarit de la surélévation susceptible d’être autorisée. Les griefs relatifs à la typologie des logements étaient prématurés, s’agissant d’une autorisation préalable. Les griefs relatifs aux nuisances que les habitants des bâtiments voisins subiraient en raison des travaux de surélévation ne pouvaient fonder l’existence d’inconvénients graves au sens de l’art. 14 LCI. Quant au problème de surdensification, il n’existait pas d’IUS maximal pour les parcelles en cause, sises en 2ème zone, et le projet se situait dans un quartier où la surélévation avait été admise. Le fardeau de la preuve appartenait à la partie qui se plaignait de la perte d’ensoleillement. Les arguments développés par B______ quant à la mobilité n’étaient pas pertinents dès lors qu’ils sortaient du cadre du litige.

20) Par acte du 8 septembre 2021, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant, principalement, à son annulation, à la confirmation de la validité de la DP 1______, et subsidiairement, au renvoi du dossier au département pour complément d’instruction et fixation de l’alignement valable côté pair de la rue des Rois par l’autorité compétente. Préalablement, elle sollicitait l’audition en qualité de témoin d’un membre de la CA.

Le TAPI avait excédé son pouvoir d’appréciation en procédant à une appréciation erronée de la notion d’alignement de fait et en choisissant de substituer son propre pouvoir d’appréciation à celui du département, en violation de
l’art. 23 LCI et de la jurisprudence constante en la matière. Tandis qu’il avait retenu que les deux immeubles sis 2-4, rue des Rois étaient bien alignés, il avait considéré à tort qu'aucun élément ne pouvait justifier un alignement de fait côté pair de la rue des Rois. Le TAPI n’aurait pas dû scinder la rue des Rois en deux portions pour analyser la question d’un alignement de fait. Son analyse se révélait erronée et ne répondait à aucune logique urbanistique, comme l’avait relevé la CA dans son préavis du 4 août 2021. Le cas d’espèce justifiait que l’alignement de fait s’étudie en prenant en compte l’ensemble des bâtiments érigés côté pair de la rue des Rois, et non pas deux catégories de bâtiments de part et d’autre de la rue du Stand. C’était en prenant en compte les immeubles sis 2-4, rue des Rois que M. C______ était parvenu à justifier un alignement à 20,85 m. En aucun cas, un alignement à 15 m était concevable le long de la rue des Rois. Le cas d’espèce différait sensiblement de celui de l’ATA/821/2013 en ce sens que la parcelle n° 78 abritait le cimetière des Rois et non pas un simple parc. Il était dès lors permis de douter du caractère constructible de cette parcelle.

En fixant la distance à prendre en compte à 15 m, le TAPI avait statué au-delà de ses compétences, l’adoption d’un plan d’alignement étant nécessaire. Ainsi que cela ressortait des plans versés à la procédure et du système d'information du territoire à Genève (ci-après : SITG), côté rue des Rois, la limite de la parcelle n° 78 n’était pas rectiligne. En bordure de cette parcelle était implanté un arbre remarquable qui rendait fictif un alignement à la limite de propriété. La CA avait ajouté dans son préavis du 4 août 2021 qu’il convenait d’attendre la définition formelle de l’alignement déterminant par l’autorité compétente. Dès lors que l’alignement à 15 m retenu par le TAPI ne correspondait à aucune logique urbanistique, le dossier devait, à titre subsidiaire, être renvoyé au département pour complément d’instruction et adoption d’un plan d’alignement. En sa qualité de propriétaire de la parcelle n° 22, elle était fondée à solliciter une telle planification et à connaître la distance sur rue concernant son bâtiment, vu l’impact que celle-ci pouvait avoir sur le potentiel constructif et la valorisation de son bâtiment.

Si un plan d’affectation devait être établi, le département aurait dû faire usage de l’art. 5 al. 4 LCI et requalifier sa demande préalable en demande de renseignements à publier dans la FAO, puisque visant l’élaboration d’un plan d’affectation du sol. En l’absence de plan d’alignement et en application de l’art. 11 al. 2 de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10 ), la distance devait se calculer à 15 m de l’axe de la route, ce qui correspondait in casu à une distance bien plus importante que celle qui était nécessaire pour que le projet litigieux de surélévation respecte les gabarits légaux. Le TAPI avait donc fixé la distance applicable à 15 m entre les deux limites de propriété en violation de
l’art. 11 LRoutes.

À l'appui de ses écritures, elle a notamment produit un préavis de la CA du 4 août 2021, selon lequel « au vu du jugement du TAPI, il est demandé à la commission de ré-analyser le dossier sur la base d'un nouvel alignement. La commission peine à comprendre, voire à admettre, en terme d'urbanisme, un alignement en limite de propriété qui ne correspond à aucune logique urbaine le long de cette rue (ce d'autant plus que les limites de propriétés ne sont pas alignées). Cela étant, la commission fait part que son préavis a été établi sur l'analyse et la recherche de l'harmonie urbanistique et architecturale de la rue, tenant compte que le projet de surélévation s'inscrit dans un cadre particulier, dans un angle qui, à ce jour, bénéficie de suffisamment de dégagement, grâce à la présence du cimetière des Rois avec des alentours libres de tout développement constructif excessif. Ainsi, en attendant la définition formelle par l'autorité compétente de l'alignement déterminant, et au vu de la situation bâtie, elle estime que le projet est tout à fait acceptable, et qu'en l'état, elle pourrait renouveler son préavis favorable. Ainsi, elle statuera à nouveau si cela devait s'avérer nécessaire, dès que l'alignement aura été validé formellement ».

21) Dans ses écritures responsives, B______ a conclu au rejet du recours.

Compte tenu du fait que l'axe structurant du quartier était la rue du Stand, la scission de la rue des Rois n'était pas critiquable. La position de la recourante visant à critiquer l'alignement de la rue des Rois côté pair se heurtait à la géographie des lieux. Les trois bâtiments au sud de la rue du Stand n'étaient pas alignés, de sorte que le TAPI avait conclu à juste titre à un alignement de fait. Dans la mesure où la requête initiale proposait un alignement de 25,90/25,91 m, la recourante ne pouvait ensuite faire varier ses points de référence pour les faire concorder avec son projet en invoquant la conclusion de M. C______ parvenant à justifier un alignement à 20,85 m. Elle n'expliquait pas comment ses nouveaux calculs rendraient autorisables sa surélévation et critiquait l'alignement à 15 m sans l’expliquer. Il pouvait être déduit des plans produits par la recourante que la distance entre les parcelles nos 78 et 22 était inférieure à 17,85 m calculée entre le bâtiment existant et un point imaginaire dans la parcelle n° 78. La distance de 15 m ne permettait pas de construire une surélévation qui aboutirait à une hauteur de 28,80/28,92 m. La critique de la recourante sur l'absence de « logique urbaine » se fondait sur le préavis de la CA du 4 août 2021, postérieur au jugement querellé. Or, il s'agissait de déterminer si elle pouvait choisir librement le point de départ d'une distance d'alignement pour calculer un gabarit et non de fixer la logique urbaine du quartier de Plainpalais. Elle considérait que le TAPI avait fait fi des considérations historiques et urbanistiques sans expliquer pourquoi. Le fait que des personnalités renommées fussent enterrées au cimetière des Rois ne permettait pas de déroger aux règles en matière de gabarit et d'alignement. Au contraire, cela constituait un motif de ne pas construire trop haut à proximité du cimetière.

Subsidiairement, la recourante n'expliquait pas en quoi, in casu, la LRoutes s'appliquerait. Le TAPI avait uniquement constaté que le gabarit était trop élevé par rapport à la distance aux limites de propriétés de 15 m, résultant du plan et des calculs de la ville. Compte tenu du fait que les parcelles nos 34 [recte : 3'414] et 3'423 faisaient partie du domaine public communal, il n'était pas déterminant de fixer une ligne droite du nord au sud de la rue des Rois pour qu'elle soit aussi rectiligne que la recourante l'aurait souhaité. À défaut de plan d'alignement, l'art. 11 al. 2 LRoutes fixait une interdiction sur une profondeur, mesurée de l'axe de la route, de 15 m pour les routes communales. La recourante était libre de déposer une nouvelle requête correspondant aux exigences légales. Elle n'était pas autorisée à formuler des conclusions constatatoires à ce stade de la procédure.

22) La ville a également conclu au rejet du recours.

Elle contestait qu'il y eût un alignement de fait et n'entendait pas autoriser A______ à empiéter sur ses droits à bâtir de la parcelle n° 78.

La CA n'était nullement compétente pour définir la notion d'alignement de fait. Elle était toutefois censée la faire respecter dans le cadre de ses préavis. Elle faisait un usage excessif de son pouvoir d'appréciation. Le rapport de M. C______ devait être relativisé. Rémunéré par la recourante, son avis était très orienté et ne tenait pas compte de la jurisprudence rendue par la chambre administrative en matière d'alignement de fait.

La recourante ne contestait pas les constatations de fait effectuées par le TAPI, à savoir que sur les cinq bâtiments sis côté pair de la rue des Rois, seuls les bâtiments sis 2-4, rue des Rois étaient véritablement alignés, situés dans la section de la rue des Rois entre la rue du Stand et la rue de la Coulouvrenière. Selon la jurisprudence de la chambre administrative, deux bâtiments alignés ne permettaient pas à eux seuls de former sur toute la rue une véritable ligne structurante forte susceptible de donner lieu à un alignement. Les avis de la recourante, de la CA et de M. C______ ne pouvaient s'y substituer. La divergence entre les avis de l'OAC et celui de M. C______ quant à l'alignement démontrait qu'aucune ligne structurante ne se dessinait entre les différents bâtiments réalisés sur le côté pair de la rue des Rois. Contrairement à ce que soutenait la recourante, la situation du cas d'espèce ne divergeait pas de l'ATA/821/2013. Un réaménagement de l'espace dévolu au cimetière n'était pas inenvisageable. Dans ce cas et si sa volonté était de préserver l'espace dévolu aux sépultures, elle ne pouvait que concentrer les constructions sur la limite parcellaire côté rue des Rois, à proximité des bâtiments nos A231 (Hôtel de l'Arquebuse) ou A796. Un alignement tel que défini par le département dans la DP 1______ mettrait en péril cette possibilité, ce qui constituait une violation de la garantie de la propriété. Quels que fussent ses projets, faute d'alignement de fait, ses droits ne pouvaient être restreints au détriment d'un privé, même s'il réalisât des logements en période de pénurie.

Le TAPI n'avait pas fixé d'alignement, mais rappelé que la distance entre les limites de parcelles était bien de 15 m et que cette distance était insuffisante pour permettre la réalisation de la DP 1______. Si la parcelle n° 78 avait été rectiligne, la distance entre les limites parcellaires serait passée à 17,75 m, soit toujours insuffisante pour réaliser la surélévation prévue par la DP 1______. Dans la mesure où la recourante ne contestait pas la distance de 15 m entre les limites parcellaires, le TAPI était fondé à annuler la DP 1______ qui n'était pas conforme. Il ne pouvait en sus imposer au département d'adopter un plan d'alignement qui permettrait à la recourante de rendre conforme son projet de surélévation. En sa qualité de propriétaire, la recourante pouvait solliciter du département qu'il adoptât un plan d'alignement selon la procédure prévue par la loi sur l’extension des voies de communication et l’aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929
(LExt - L 1 40), à savoir un plan d'affectation. Il n'appartenait cependant pas au TAPI d'imposer l'adoption d'un tel plan. À défaut de plan d'affectation, l'interdiction de construire entre les voies publiques et les alignements de construction était de 15 m pour les routes communales, conformément à l'art. 11 LRoutes.

23) Le département a conclu, principalement, à l'admission du recours et au rétablissement de la DP 1______. Subsidiairement, il a sollicité la suspension de la procédure jusqu'à l'établissement d'un alignement et à la fixation d'un délai de quelques mois à la ville pour élaborer un plan d'alignement ; en cas de non-respect de celui-ci, qu'il lui soit donné acte qu'il pouvait fonder sa décision concernant la DP 1______ sur la base d'un alignement de fait côté pair de la rue des Rois basé sur les immeubles sis 2-4, rue des Rois ; dans la mesure où un alignement se trouvait à une distance minimum de 20,60 m de l'immeuble de A______, admettre le recours. Plus subsidiairement, il demandait que le dossier lui soit renvoyé pour instruction.

Il partageait l'appréciation de la recourante, reprochant au TAPI de n'avoir pas retenu un alignement de fait fondé sur les immeubles sis 2-4, rue des Rois et d'avoir ainsi à tort retenu une distance de limites de propriété de 15 m. Il renvoyait à ses précédentes écritures, estimant qu'une prise en considération d'un alignement ayant pour base les immeubles sis 2-4, rue des Rois était fondée et justifiée in casu. Le TAPI ne pouvait pas substituer sa propre appréciation à la sienne, mais devait au contraire se limiter à sanctionner un éventuel excès ou abus de sa part dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation. Le TAPI n'évoquait toutefois aucunement les raisons pour lesquelles l'alignement qu'il avait lui-même retenu était arbitraire ou abusif, ou relèverait d'une constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents. L'alignement qu'il avait retenu était plus restrictif, les immeubles sis
2-4, rue des Rois étant les plus proches de la route le long du côté pair de cette rue. Comme le relevait la CA dans son préavis du 4 août 2021, le raisonnement du TAPI aboutissait à une prise en compte du parcellaire comme alignement, ce qui ne découlait d'aucune logique urbanistique. Elle rappelait avoir été favorable au projet à la suite d'une analyse de l'harmonie urbanistique et architecturale ayant démontré l'existence de dégagements suffisants, sous réserve d'un hypothétique développement de la parcelle n° 78, abritant le cimetière des Rois.

Le TAPI aurait dû lui renvoyer le dossier pour fixation d'un alignement par l'autorité compétente, en lieu et place de se limiter à considérer que les distances au niveau du parcellaire devaient être prises en considération. Comme l'avait relevé la CA, suivre aveuglément la situation parcellaire n'avait, en l'espèce, aucune logique urbanistique. Cela dit, un tel alignement avait déjà été fixé durant cette procédure, en application de l'art. 40 al. 1 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01). Une procédure spécifique ne s'avérait dès lors pas nécessaire. Si la chambre administrative devait ne pas être de cet avis, tout en considérant qu'il n'y avait pas d'alignement de fait, la cause devait être suspendue jusqu'à fixation d'un alignement. S'agissant d'une route communale hiérarchisée dans le réseau de quartier structurant et classifiée dans le réseau communal secondaire, l'alignement devrait être en principe établi à l'initiative de la ville, en application de l'art. 11 al. 1 LRoutes. Comme la ville s'avérait opposée au projet, il était à craindre que le plan d'affectation ne soit pas adopté avant de nombreuses années, en l'absence de décision judiciaire lui intimant d'élaborer un plan d'alignement. Le recourante serait ainsi privée de la possibilité de développer un projet de surélévation répondant à la logique urbanistique de la rue des Rois, sachant que lors de son élaboration, la commune et la CMNS avaient été consultées. En cas de suspension de la procédure jusqu'à l'établissement d'un alignement ou de renvoi du dossier à l'instruction, il convenait de fixer à la ville un délai raisonnable de quelques mois pour élaborer le plan d'alignement. Comme la recourante était légitimée à pouvoir connaître l'étendue de ses droits et au vu de l'intérêt public à la réalisation de logements supplémentaires par densification du milieu bâti, la chambre administrative était invitée à dire qu'en l'absence d'élaboration du plan d'alignement par la ville dans le délai imparti, il serait légitimé à prendre en considération un alignement fondé sur les immeubles 2-4, rue des Rois.

24) Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) À titre préalable, la recourante sollicite l'audition d'un membre de la CA en qualité de témoin.

a. Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

b. En l'espèce, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu'ils possédaient tous les éléments nécessaires pour statuer en connaissance de cause. En effet, le SITG et les plans figurant au dossier permettaient de se rendre compte de la situation de fait. À cela s'ajoute qu'outre l'avis de la CA du 4 août 2021, soit postérieur au jugement attaqué, le dossier comportait déjà le préavis de cette même instance du 17 décembre 2019, donné dans le cadre de l'instruction de la DP 1______.

Partant, pour les mêmes motifs, la chambre de céans estime qu'il n'est pas utile de procéder à l'audition d'un membre de la CA en tant que témoin.

Ce grief sera rejeté.

3) En vertu de l'art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b al. 1) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (let. b al. 2).

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3). Il y a excès du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité dépasse le cadre de ses pouvoirs. En outre, celle-ci doit exercer son libre pouvoir d’appréciation conformément au droit, ce qui signifie qu’elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité. Si elle ne respecte pas ces principes, elle abuse de son pouvoir (ATA/827/2018 précité consid. 2b ; ATA/845/2015 précité consid. 2b ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 743 ss et les références citées).

Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. À cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 177consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4P.149/2000 du 2 avril 2001 consid. 2 et les arrêts cités).

4) Dans un premier grief, la recourante invoque une violation de l'art. 23 LCI et de la jurisprudence constante de la chambre de céans en la matière, le TAPI ayant excédé son pouvoir d'appréciation en procédant à une appréciation erronée de la notion d'alignement de fait et en choisissant de substituer son propre pouvoir d'appréciation à celui du département. En fixant la distance à prendre en compte à 15 m, le TAPI aurait statué au-delà de ses compétences, l'adoption d'un plan d'alignement étant nécessaire.

a. Le gabarit de hauteur des constructions sises en 2ème zone est réglé aux art. 22 et ss LCI.

Les constructions ne doivent en aucun cas dépasser un gabarit limité par un alignement et une ligne verticale de façade dont la hauteur est définie à
l’art. 23 LCI (art. 22 al. 1 LCI).

L'art. 23 LCI a été modifié avec l'entrée en vigueur de la loi sur les surélévations, soit la loi 10'088, adoptée le 22 février 2008 par le Grand Conseil. Depuis lors, afin de permettre la construction de logements supplémentaires, le département peut autoriser une augmentation de la hauteur du gabarit, à condition que celle-ci ne compromette pas l'harmonie urbanistique de la rue. Il est notamment tenu compte du gabarit des immeubles voisins (art. 23 al. 3  LCI).

Après consultation de la commune et de la commission des monuments, de la nature et des sites, le département établit des cartes indicatives, par quartier, des immeubles susceptibles d'être surélevés. La délivrance d'une autorisation en application de l'al. 3 est subordonnée à l'adoption par le Conseil d'État de la carte applicable à l'immeuble concerné (art. 23 al. 4 LCI).

À front ou en retrait des voies publiques ou privées, la hauteur du gabarit ne peut toutefois pas dépasser de plus de 6 m la distance fixée entre alignements (H  D + 6). La hauteur du gabarit est calculée, par rapport aux limites de propriétés privées, conformément aux dispositions de l'art. 25 al. 2 (H  2D + 6) (art. 23 al. 5 LCI).

Afin de permettre la construction de logements supplémentaires, le département peut autoriser une augmentation de la hauteur du gabarit, à condition que celle-ci ne compromette pas l'harmonie urbanistique de la rue ; il est notamment tenu compte du gabarit des immeubles voisins (art. 23 al. 3 LCI). La hauteur de la ligne verticale du gabarit ne peut dépasser nulle part 24 m (H  24). Afin de permettre la construction de logements supplémentaires au sens des al. 3 à 5, la hauteur de la ligne verticale du gabarit ne peut dépasser nulle part 30 m (H  30) (art. 23 al. 6 LCI).

b. Dans son arrêt ATA/448/2021 du 27 avril 2021, statuant sur recours à l'encontre du jugement JTAPI/637/2020, la chambre de céans a rappelé sa jurisprudence en matière d'alignement de fait. Ainsi, la notion d'alignement de fait – pertinent pour le calcul du gabarit – n'est pas étrangère au droit de la construction. La chambre de céans a déjà eu l'occasion de préciser que tous les bâtiments du même côté d'une rue érigés en retrait de la limite de propriété sur une même ligne constituaient un alignement de fait. Dès lors que les bâtiments sont alignés des deux côtés d'une rue, il se justifie de tenir compte de la distance entre alignements pour calculer la hauteur de gabarit.

Un alignement de fait a ainsi été admis pour les bâtiments bordant le côté pair de la rue Sillem jusqu'à la rue du Clos (ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 consid. 9b), et pour ceux du côté pair de la rue des Maraîchers voisine de la rue de l'École-de-Médecine (ATA/821/2013 du 17 décembre 2013 consid. 3). La chambre de céans a de même admis un alignement de fait pour des immeubles bordant la route de Meyrin aux nos 17 à 29 sur la parcelle n° 5'531, construits comme un ensemble, formant un alignement constant en hauteur et sur une même ligne, et présentant les mêmes motifs et une continuité en façade. Ils étaient bordés à l'est par l'immeuble du n° 78 rue Liotard, construit sur la parcelle n° 5'378 et formant un angle droit avec l'alignement, raccordé à celui-ci par un rez-de-chaussée également aligné. Faute d'immeubles alignés en bordure de la rue Liotard, le département était fondé à prendre en compte cet alignement de fait, soit en l'espèce une distance moyenne, l'alignement étant de biais, pour le calcul du gabarit (ATA/448/2021 précité consid. 4b).

Un alignement de fait a été nié pour un ensemble de bâtiments jouxtant un peu plus loin, sur le côté impair de la même rue des Maraîchers, le parc Gourgas, lesquels ne suggéraient pas une « ligne structurante forte susceptible de donner lieu à un alignement de fait », car seul un petit nombre de constructions était érigé sur cette distance, somme toute importante, celles-ci étaient éloignées les unes des autres et n'étaient pas toutes alignées sur une même ligne droite (ATA/821/2013 précité ibid.).

c. Selon l'art. 36 LCI, les constructions peuvent être couvertes par une toiture comprenant un niveau habitable avec d’éventuels prolongements en galerie, qui doivent s’inscrire dans un gabarit limité par : une ligne horizontale de base partant du sommet du gabarit défini aux art. 19, 23, 27 et 32 LCI et son prolongement en saillie de 1,50 m au maximum (let. a) ; une ligne oblique nette formant un angle de 35° avec la ligne de base (let. b) ; une ligne horizontale de faîtage (brute) située à 4,80 m au maximum de la ligne de base (let. c).

d. La CA est consultative. Sous réserve des projets d’importance mineure et de ceux qui font l’objet d’un préavis de la CMNS, elle donne son avis en matière architecturale au département, lorsqu’elle en est requise par ce dernier, sur les projets faisant l’objet d’une requête en autorisation de construire. En matière d'autorisations de construire instruites selon la procédure accélérée, sauf exception, le préavis de la CA est exprimé, sur délégation, par le service spécialisé concerné. Si nécessaire, les exceptions sont définies par ladite commission (art. 4 al. 1 de la loi sur la commission d’urbanisme et de l’architecture du 24 février 1961 - LCUA - L 1 55).

Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l'autorité reste libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/462/2020 du 7 mai 2020 consid.18 et les références citées).

Les préavis recueillis au cours de la procédure d'autorisation ne lient ni l'autorité exécutive cantonale, ni les autorités judiciaires. Ils sont en principe sans caractère contraignant pour l'autorité administrative, étant précisé que cette dernière ne saurait faire abstraction des préavis exprimés dans des conditions prévues par la loi (Stéphane GRODECKI, La jurisprudence en matière d'aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue par le Tribunal administratif genevois en 2008, in RDAF 2009, n° 2, p. 130).

e. Selon une jurisprudence bien établie, les juridictions administratives observent une certaine retenue pour éviter de substituer leur propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1125/2020 du 10 novembre 2020 ; ATA/1279/2018 du 27 novembre 2018).

f. Lorsque l'autorité s'écarte des préavis, le tribunal peut revoir librement l'interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle de l'excès et de l'abus de pouvoir l'exercice de la liberté d'appréciation de l'administration, en mettant l'accent sur le principe de la proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable, et sur le respect de l'intérêt public en cas d'octroi de l'autorisation malgré un préavis défavorable (ATA/1357/2017 du 3 octobre 2017 consid. 5b ; ATA/534/2016 du 21 juin 2016 et les références citées).

g. Selon la recourante, l'ensemble des bâtiments sis côté pair de la rue des Rois devait être pris en considération pour déterminer l'alignement de fait. Ils ne devaient pas être scindés en deux catégories de bâtiments de part et d'autre de la rue du Stand. La prise en considération des immeubles sis 2-4 rue des Rois permettait de justifier un alignement de fait à 20,85 m. Le cas d'espèce différerait de celui de l'ATA/821/2013 dans la mesure où le caractère constructible de la parcelle n° 78 était douteux compte tenu de la présence du cimetière des Rois sur celle-ci. L'implantation d'un arbre remarquable en bordure de la parcelle n° 78 rendrait fictif un alignement à la limite de propriété. L'alignement à 15 m ne correspondant à aucune logique urbanistique, le dossier devrait être renvoyé au département pour complément d'instruction et adoption d'un plan d'alignement, planification qu'elle était fondée à demander en qualité de propriétaire de la parcelle n° 22.

Tandis que le département partage cette approche, les intimées considèrent au contraire que le TAPI a conclu à juste titre à un alignement de fait, vu la géographie de la rue des Rois.

Pour B______, la requête initiale de la recourante prévoyant un alignement de 25,90/25,91 m, elle ne pouvait désormais faire varier ses points de référence pour les faire concorder avec son projet en invoquant la conclusion de M. C______ parvenant à justifier un alignement à 20,85 m. La distance de 15 m ne permettait pas de construire une surélévation qui aboutirait à une hauteur de 28,80/28,92 m. L'existence du cimetière des Rois sur la parcelle n° 78 ne permettait pas de déroger aux règles applicables en matière de gabarit et de construction. D'après la ville, le préavis de la CA du 4 août 2021 était postérieur au jugement querellé et celle-ci n'était pas compétente pour définir la notion d'alignement de fait. Les avis de la recourante, de la CA et de M. C______ ne pouvaient se substituer à la jurisprudence de la chambre de céans, selon laquelle deux bâtiments alignés ne permettaient pas à eux seuls de former sur toute la rue une véritable ligne structurante forte susceptible de donner lieu à un alignement. La divergence entre les avis du département et de M. C______ quant à l'alignement démontrait qu'aucune ligne structurante ne se dessinait entre les différents bâtiments réalisés sur le côté pair de la rue des Rois. Un alignement tel que défini par le département dans la DP 1______ affecterait les droits à bâtir de la ville sur la limite de la parcelle n° 78 côté rue des Rois, ce qui violerait la garantie de la propriété. Quels que fussent les projets de la ville, faute d'alignement de fait, les droits de celle-ci ne pouvaient être restreints au détriment d'un particulier.

h. En l'occurrence, après avoir examiné, de manière détaillé, l'alignement des bâtiments situés de chaque côté de la rue des Rois, le TAPI a observé que, s'agissant du côté pair de celle-ci, seuls les bâtiments sis 2-4, rue des Rois étaient alignés sur une même ligne droite. Contrairement aux allégations de la recourante, le TAPI n'a « scindé » ladite rue que pour constater que sur l'autre portion de cette voie, située entre le boulevard de Saint-Georges et la rue du Stand, aucun bâtiment n'était aligné, précisant que la façade latérale de l'Hôtel de l'Arquebuse sis 6-8, rue des Rois, se trouvait plus en retrait par rapport aux bâtiments sis 2-4, rue des Rois. En outre, la façade du bâtiment n° A796 sis 10, rue des Rois, à l'intérieur du cimetière des Rois, était davantage encore en retrait que les précédents. Ces éléments ressortent tant de la lecture des plans produits dans le cadre de l'instruction de la DP 1______, que de la consultation du SITG.

À tort, le mandataire de la recourante considère, dans son descriptif du projet du 15 juillet 2019 joint à la lettre d'accompagnement du 5 novembre 2019, que l'immeuble de la recourante se situe dans deux rues caractérisées par des « alignements continus et réguliers », marqués par une corniche filante. Contrairement aux cas de figure prévalant dans les arrêts susmentionnés, les façades des immeubles bâtis sur les parcelle nos 2'855, 88 et 78 ne suggèrent pas une ligne structurante forte susceptible de donner lieu à un alignement de fait, puisqu'elles présentent trois, voire quatre, si l’on tient compte de la façade légèrement en retrait, du n° 6, rue des Rois, fronts différents. Par ailleurs, il n'existe pas non plus d’alignement avec le bâtiment n° A168 situé sur la parcelle n° 74, sise à l'adresse 65 boulevard de Saint-Georges, à l’ouest du cimetière des Rois, étant précisé que la parcelle voisine, soit la parcelle n° 73, sise à l'angle de la rue des Rois et du boulevard de Saint-Georges, ne comporte aucun bâtiment. Il convient ainsi de relever que seul un petit nombre de constructions est érigé sur cette distance, somme toute importante, que lesdites constructions sont éloignées les unes des autres, voire séparées par la rue du Stand. Même les limites des parcelles susmentionnées ne sont pas en ligne droite. Enfin, toujours du côté pair de la rue des Rois, certains bâtiments sont érigés en limite de propriété, tandis que d'autres pas.

Les parties s'accordent sur le fait qu'il n'existe pas de plan d'alignement concernant la rue des Rois. La procédure d'adoption de celui-ci relève de la compétence du département, que la recourante pouvait solliciter à cette fin en sa qualité de propriétaire.

Au vu de ce qui précède, le TAPI a retenu à bon droit et conformément à la jurisprudence susrappelée que les seuls deux bâtiments alignés au début de la rue des Rois ne sauraient être suffisants pour admettre un alignement de fait sur une longueur d'environ 270 m. De même, il était ainsi fondé à retenir qu'en l'absence d'alignement de fait, c'était la distance entre l'immeuble de la recourante et la limite de la propriété de la ville qui devait être prise en considération, laquelle, d'après les plans remis, est de 15 m.

Si la recourante et le département remettent en question cette approche, force est de constater que leurs avis divergent néanmoins quant à l'alignement à prendre en considération. Quant à la CA, il convient de rappeler que son préavis a un caractère consultatif, et que ses compétences ont trait aux questions architecturales, et non pas à la détermination de l'alignement.

Dans ce contexte, il apparaît qu'une distance entre les limites de propriété de 15 m est effectivement insuffisante pour autoriser le gabarit projeté, nécessitant une distance entre alignements de 20,60 m, ce que la recourante ne conteste pas.

Par ailleurs, ainsi que la chambre de céans l'a souligné dans son ATA/821/2013, c'est bien le projet de construction de la recourante qui fait l'objet du présent litige. Dès lors, le fait que la parcelle n° 78, à savoir le cimetière des Rois, soit constructible ou non, que la ville ait des projets de construction ou non pour cet espace, n'a pas d'incidence sur l'alignement à retenir dans la perspective d'une surélévation de l'immeuble de la recourante. Qu'à l'instar du parc Gourgas, le cimetière des Rois soit situé en zone de verdure et que la ville n'y ait pas de projet de construction, ne le rend pas inconstructible, étant précisé que la parcelle n° 78 comprend d'ores et déjà les bâtiments nos A796 et A797.

En conséquence, ce grief sera écarté

5) Dans un second grief, la recourante fait valoir, pour la première fois devant la chambre de céans, une violation de l'art. 11 al. 1 LRoutes.

a. Aucune nouvelle construction ou installation, tant en sous-sol qu’en élévation, ne peut être édifiée entre les voies publiques et les alignements de construction fixés par les plans d’alignement, adoptés conformément aux art. 5 et
6 LExt, ou par tous autres plans d’affectation du sol au sens des art. 12 ou 13 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30 ; art. 11 al. 1 LRoutes). À défaut de plan d’alignement, cette interdiction s’étend sur une profondeur, mesurée de l’axe de la route, de 25 m pour les routes cantonales et de 15 m pour les routes communales. S’il existe un plan de correction, cette distance se mesure de l’axe rectifié de la voie (art. 11 al. 2 LRoutes). Le département, après consultation de la commune, peut déroger aux distances prescrites à l’al. 2 si les conditions locales font apparaître que l’interdiction de construire qui en découle ne repose sur aucun motif pertinent d’aménagement du territoire ou d’environnement (art. 11 al. 3 LRoutes).

b. En l'espèce, la distance de 15 m entre les limites des parcelles nos 78 et 22 n'est pas contredite par les parties. À cet égard, la ville relève à juste titre que le TAPI n'a pas défini d'alignement, mais a uniquement constaté l'insuffisance de ladite distance pour autoriser le gabarit du projet litigieux.

En toutes hypothèses, la recourante ne saurait invoquer l'art. 11 al. 2 LRoutes pour déroger aux bases légales applicables en matière de gabarit de hauteur des constructions en 2ème zone, lequel est calculé par rapport aux limites de propriétés privées.

Contrairement à la demande de la recourante et du département, il n'y a pas lieu de renvoyer le dossier à ce dernier pour l'établissement d'un plan d'alignement, lequel relève d'une procédure spécifique, exorbitante au présent litige.

Ce grief sera également écarté.

6) En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à B______, qui y a conclu et a recouru aux services d'un avocat, à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA).

Aucune indemnité de procédure ne sera octroyée à la Ville de Genève, qui procède par son service juridique.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 septembre 2021 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er juillet 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à B______, à la charge de A______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves Jeanrenaud, avocat de la recourante, à la Ville de Genève, à Me Christian Luscher, avocat de B______, au département du territoire-OAC, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :