Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3685/2022

ATA/1198/2023 du 07.11.2023 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3685/2022-AIDSO ATA/1198/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 novembre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Igor ZACHARIA, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1981, est ressortissant du Kosovo.

b. Il a bénéficié à titre personnel de prestations d'aide financière de la part de l'Hospice général (ci‑après : l'hospice) du 1er octobre 2018 au 28 février 2021. Auparavant, il avait bénéficié de prestations de même type versées conjointement à son ex-épouse et aux enfants de cette dernière.

B. a. Le 5 octobre 2018, A______ a complété et signé une demande de prestations d'aide financière, indiquant ne pas avoir de revenus ni de fortune, être titulaire d'un permis de séjour valable jusqu'au 31 mai 2019 et être domicilié ______ à Genève.

Il a également signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » (ci-après : « Mon engagement »).

b. Le 20 novembre 2018, A______ a informé son assistante sociale qu'il sous-louait l'appartement de B______au ______ à C______ depuis le 14 novembre 2018. Il a produit le contrat de bail principal de l'appartement, le contrat de sous-location conclu avec B______, une attestation de sous-location signée par celle-ci ainsi qu'une copie de l'autorisation d'établissement de la précitée.

c. Le 7 octobre 2019, A______ a renouvelé sa demande d'aide financière, signé à nouveau le document « Mon engagement » et indiqué être toujours domicilié chez B______et ne pas exercer d'activité lucrative.

d. Le 21 août 2020, le Ministère public a informé l'hospice qu'il instruisait une procédure pénale à l'encontre de A______ des chefs d'escroquerie et de faux dans les titres. Cet ordre de dépôt contenait l'obligation, sous la menace des peines prévues à l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), à quiconque en avait connaissance et pour une durée de trois mois renouvelable, de garder le silence sur la procédure et les personnes impliquées.

e. Le 15 septembre 2020, le Ministère public a informé l'hospice qu'il étendait la procédure pénale susmentionnée aux infractions d'escroquerie et faux dans les titres au préjudice de l'hospice. Selon les vérifications effectuées par la police, il apparaissait que l'intéressé ne résidait pas au ______ et que sa logeuse avait quitté le logement le 15 février 2019. Le courrier reprenait l'interdiction faite sous la menace des peines de l'art. 292 CP.

f. Le 7 octobre 2020, l'hospice a indiqué au Ministère public vouloir se constituer partie plaignante au pénal comme au civil.

g. L'hospice a continué à verser à A______ une aide financière mensuelle. Celui-ci lui remettait chaque mois des attestations de paiement de loyer.

h. Le 15 février 2021, le service des enquêtes de l'hospice a établi un rapport d'enquête concernant A______.

Selon ce document, le précité avait été convoqué par le service des enquêtes à se présenter à trois reprises dans ses locaux, mais ne s'était rendu à aucun des trois rendez-vous, justifiant ses absences par des problèmes de santé en présentant des certificats médicaux. Un avertissement lui avait été adressé à l'adresse de la rue ______.

Le médecin traitant de l'intéressé avait été contacté. Elle avait établi un certificat médical lui permettant de ne pas se rendre à une audience dans le cadre d'une procédure pénale, mais précisait que A______ était capable de se déplacer et de signer d'éventuelles procurations. La régie chargée de la gestion de l'appartement de la rue ______ avait confirmé que A______ lui était inconnu comme locataire et que B______avait quitté le logement le 15 février 2019.

L'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) avait rejeté le 27 août 2020 la demande de renouvellement de l'autorisation de séjour de A______. Cette décision avait été confirmée par le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI). Selon un mandat d'enquête du 1er novembre 2020, le précité avait disparu et était sans adresse connue à Genève.

Le 11 février 2021 encore, A______ apparaissait au registre du commerce (ci-après : RC) comme titulaire d'une entreprise individuelle inscrite le 23 octobre 2018. Cette entreprise avait été détentrice de douze véhicules auprès de l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) entre juillet 2018 et janvier 2021, véhicules qui avaient été estimés par un garagiste entre CHF 0.- et CHF 92'500.-.

i. Le 2 mars 2021, l'assistante sociale responsable du dossier de A______ l'a contacté par téléphone en l'informant que l'hospice avait décidé de mettre un terme à l'aide financière en sa faveur, lui fixant un rendez-vous afin de lui en expliquer les raisons. Il ne s'y est pas présenté.

j. Par décision du 26 juillet 2021 envoyée à la rue ______, le centre d'action sociale (ci-après : CAS) de l'hospice a mis un terme aux prestations d'aide financière de A______ avec effet au 1er mars 2021, au motif qu'il avait caché des éléments de revenu, de fortune ainsi que des informations sur sa situation personnelle et refusé de signer les procurations demandées par le service des enquêtes. Il se réservait le droit de demander ultérieurement le remboursement de sommes déjà versées.

k. Cette décision a été retournée par la Poste à l'hospice avec la mention « non réclamé ».

l. Par décision du 24 février 2022 expédiée à l'adresse de la rue ______, le CAS de D______ a réclamé à A______ la restitution de la somme de CHF 73'413.05 correspondant aux prestations financières reçues du 1er octobre 2018 au 28 février 2021.

m. Cette décision a été retournée par la Poste à l'hospice avec la mention « destinataire introuvable à l'adresse indiquée ».

n. Le 28 avril 2022, l'avocat de A______ s'est adressé au CAS de D______ en se prévalant d'une notification irrégulière de la décision précitée. Celle-ci avait été envoyée à l'ancienne adresse de son client, alors même que l'hospice le savait détenu à la prison de Champ-Dollon et lui reprochait précisément de ne pas résider à la rue ______. Il avait pris connaissance fortuitement de la décision en consultant le dossier pénal. La décision devait lui être notifiée en son étude.

L'hospice a eu accès au dossier pénal le 5 mai 2022.

C. a. Le 9 mai 2022, A______ a formé opposition à la décision de restitution, demandant subsidiairement une remise de cette somme.

b. Par décision du 6 octobre 2022, l'hospice a rejeté l'opposition.

Déjà au moment de la demande d'aide financière, A______ ne pouvait y prétendre car il était titulaire d'une entreprise individuelle inscrite au RC, et visiblement active au vu du nombre de véhicules enregistrés à son nom.

L'enquête menée par le service des enquêtes avait révélé qu'à partir de mars 2019, le précité n'avait plus d'adresse ni de résidence effective à Genève, tout en fournissant à son assistante sociale de fausses attestations de paiement de son loyer jusqu'en février 2021. L'hospice, bien qu'informé de l'ouverture d'une information pénale, s'était vu interdire d'en faire état et avait donc dû mener une enquête pour parvenir à la conclusion susmentionnée. Il ne pouvait donc lui être reproché d'avoir versé des prestations jusqu'en février 2021, étant rappelé que A______ avait refusé de collaborer avec le service des enquêtes.

A______ avait également omis d'informer l'hospice du non‑renouvellement de son autorisation de séjour et de son obligation de quitter la Suisse au plus tard le 17 août 2020, l'entraide administrative ne se faisant pas d'office et n'empêchant pas les bénéficiaires de l'aide sociale de respecter leurs obligations en matière d'information.

D. a. Par acte posté le 7 novembre 2022, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition précitée, concluant à son annulation ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

L'hospice savait à tout le moins depuis le 21 août 2020 qu'il ne résidait plus à l'adresse de la rue ______, et avait aggravé son propre dommage en continuant à verser des prestations d'aide financière après le 7 octobre 2020. L'entreprise individuelle à son nom devait être considérée comme « dormante » puisqu'aucune activité indépendante n'avait été déployée pendant la période considérée ; il souffrait du reste d'une affection médicale aiguë et sollicitait donc à titre subsidiaire la remise totale des prestations réclamées car il était sans revenu et sans fortune, quinze actes de défaut de biens ayant été dressés à son encontre.

Il n'en contestait pas moins le fait d'avoir reçu des prestations de manière indue, dès lors qu'il était totalement démuni pendant la période en cause. Le Tribunal de police avait retenu que les prestations perçues indûment s'élevaient à CHF 62'357.80, si bien que le montant réclamé devait en toute hypothèse être réduit.

b. Par arrêt du 15 décembre 2022, la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : la CPAR) a rejeté l'appel formé par A______ contre le jugement du Tribunal de police.

La CPAR a notamment retenu ce qui suit : « l’appelant conteste tout d’abord le caractère pénal des faits reprochés en lien avec l'Hospice général. Il ne nie toutefois pas avoir fourni à cette institution des documents attestant faussement de ce qu’il résidait à Genève, était au bénéfice d’un contrat de sous-location et s’acquittait d’un loyer, alors qu’en réalité il ne vivait pas à Genève et n’était d’ailleurs plus autorisé à y résider, son autorisation de séjour ayant été révoquée, même s’il a tout entrepris pour prolonger son délai de départ. Il ressort de nombreux éléments de la procédure, à commencer d’ailleurs par le lieu de résidence de sa compagne et de ses enfants, que l’appelant vivait en réalité en France, vraisemblablement à leurs côtés, et avait quitté Genève. Dans ces circonstances, la production de documents que l’appelant savait être des faux – indépendamment de leur qualification juridique au sens de l’art. 251 CP – constitue bien une manœuvre astucieuse, qu’il a répétée à chaque remise d’une quittance attestant faussement du paiement du loyer. Ce mensonge n’était que très difficilement vérifiable par l’institution d’aide sociale qui a donc été trompée. À cela s’ajoutent ses nombreux autres mensonges, notamment sur la validité de son titre de séjour, sur sa situation familiale ou encore sur l’existence d’une entreprise inscrite au RC (étant relevé que l’appelant n’hésite pas à se contredire au sujet de l’activité de celle-ci, affirmant qu’elle était dormante pour justifier son droit à des prestations d’assistance, puis qu’elle avait une activité florissante pour expliquer la provenance des fonds prétendument utilisés pour acheter des véhicules). Les faits sont constitutifs d’escroquerie pour toute la durée de la période pénale d’octobre 2018 à septembre 2020. Le Ministère public ayant expressément arrêté celle-ci à septembre 2020, il n’y a pas lieu d’examiner si, comme le soutient l’appelant, l’Hospice général aurait dû procéder à des vérifications et cesser ses paiements dès cette date, puisqu’en tout état de cause, il est établi qu’il a été trompé astucieusement jusqu’alors et que les faits postérieurs échappent à la connaissance de la Cour de céans ».

Cet arrêt n'a pas été contesté.

c. Le 22 décembre 2022, l'hospice a conclu au rejet du recours.

La seule communication de l'ouverture d'une procédure pénale à l'encontre d'un bénéficiaire n'était pas un motif de fin de prestations, ce d'autant moins qu'en l'espèce il s'était vu enjoindre de garder le silence sur cette information. Il avait donc été contraint d'initier une procédure d'enquête, à laquelle le recourant avait du reste refusé de collaborer. Le rapport du service des enquêtes avait été rendu le 15 février 2021. Il fallait à cet égard tenir compte des restrictions dues à la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 ainsi que des absences répétées du recourant.

L'inscription au RC en tant que titulaire d'une entreprise individuelle suffisait à conférer au recourant le statut de personne exerçant une activité lucrative indépendante, et ses déclarations sur son absence de revenu étaient sujettes à caution.

S'agissant de l'absence de résidence effective dans le canton de Genève, le Tribunal de police avait retenu que le recourant lui-même avait concédé qu'il ne s'agissait que d'une simple adresse de notification, ce qui tendait à démontrer qu'il ne vivait pas en Suisse. De plus, à compter du jugement du TAPI du 20 février 2020, le recourant entrait dans la catégorie des personnes étrangères sans autorisation de séjour au sens de l'art. 11 al. 4 de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04). Il ne pouvait ignorer que cette information était déterminante pour l'évaluation de son droit aux prestations.

La restitution de CHF 73'413.05 devait dès lors être confirmée, ou subsidiairement ramenée au montant retenu par l'autorité pénale.

d. Le 23 décembre 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 27 janvier 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

e. Aucune des parties ne s'est manifestée dans ce délai.

f. Le 21 septembre 2023, sur demande de la chambre administrative, le recourant a transmis à celle-ci l'arrêt de la CPAR du 15 décembre 2022, caviardé, sans faire d'autres observations.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recours porte sur le bien-fondé de la décision sur opposition du 6 octobre 2022, par laquelle l’intimé a confirmé la demande faite au recourant de restituer la somme de 73'413.05, correspondant aux prestations versées du 1er octobre 2018 au 28 février 2021.

3.             Aux termes de l’art 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du
18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L’art. 39 de la Constitution de la République et canton de Genève du
14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

En droit genevois, la LIASI et son règlement d’exécution du 25 juillet 2007
(RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, des prestations financières et l’insertion professionnelle (art. 2 LIASI).

3.1 Selon l’art. 8 LIASI, la personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d'aide financière (al. 1). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 (al. 2).

À teneur de l'art. 11 al. 1 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière prévues par cette loi, les personnes qui : ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (let. a) ; ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) ; répondent aux autres conditions de la loi (let. c).

Conformément à l’art. 28 LIASI, le droit aux prestations d'aide financière naît dès que les conditions de la loi sont remplies, mais au plus tôt le premier jour du mois du dépôt de la demande (al. 1). Il s’éteint à la fin du mois où l’une des conditions dont il dépend n’est plus remplie (al. 2).

3.2 Les conditions du domicile et de la résidence effective sur le territoire du canton de Genève sont cumulatives, de sorte que des prestations d’aide financière complète ne sont accordées qu’aux personnes autorisées à séjourner dans le canton de Genève, soit aux personnes d’origine genevoise, aux confédérés et aux étrangers bénéficiant d’un titre de séjour (ATA/1093/2022 du 1er novembre 2022 consid 3b ; ATA/1001/2022 du 4 octobre 2022 /consid. 3d).

Selon l’art. 23 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir ; le séjour dans une institution de formation ou le placement dans un établissement d’éducation, un home, un hôpital ou une maison de détention ne constitue en soi pas le domicile (al. 1). Nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles
(al. 2).

L’art. 24 CC prévoit que toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu’elle ne s’en est pas créé un nouveau (al. 1). Le lieu où elle réside est considéré comme son domicile, lorsque l’existence d’un domicile antérieur ne peut être établie ou lorsqu’elle a quitté son domicile à l’étranger et n’en a pas acquis un nouveau en Suisse (al. 2).

La notion de domicile contient deux éléments : d'une part, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d'autre part, l'intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances. Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de la personne intéressée (ATF 141 V 530 consid. 5.2 ; 136 II 405 consid. 4.3). Ce n'est pas la durée du séjour à cet endroit qui est décisive, mais bien la perspective d'une telle durée (arrêts du Tribunal fédéral 5A.398/2007 du 28 avril 2008 consid. 3.2 et 5A.34/2004 du
22 avril 2005 consid. 3.2). Du point de vue subjectif, ce n'est pas la volonté interne de la personne concernée qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire qu'elle a cette volonté (ATF 137 II 122
consid. 3.6, in JdT 2011 IV 372 ; ATF 133 V 309 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A.398/2007 précité consid. 3.2).

Pour déterminer si une personne réside dans un lieu déterminé avec l'intention de s'y établir durablement (élément subjectif du domicile), la jurisprudence ne se fonde pas sur la volonté interne de l'intéressé ; seules sont décisives les circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, permettant de déduire une telle intention (ATF 127 V 237 consid. 1 ; 120 III 7 consid. 2b ; 119 II 64 consid. 2b/bb). Pour qu'une personne soit domiciliée à un endroit donné, il faut donc que des circonstances de fait objectives manifestent de manière reconnaissable pour les tiers que cette personne a fait de cet endroit, ou qu'elle a l'intention d'en faire, le centre de ses intérêts personnels, sociaux et professionnels (ATF 119 II 64 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 5C.163/2005 du 25 août 2005 consid. 4.1 et les références citées). Même un séjour d'emblée temporaire peut constituer un domicile, lorsqu'il est d'une certaine durée et que le centre des intérêts de la personne y est transféré (Daniel STÄHELIN, in Basler Kommentar zum ZGB, 6ème éd. 2018, n. 7 ad art. 23 CC et les références). L’intention de quitter un lieu plus tard n’empêche pas d’y constituer un domicile (ATF 127 V 237 consid. 2c).

En l'absence d'un domicile volontaire et légal, l'art. 24 CC établit des règles subsidiaires qui permettent de définir un domicile fictif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2008 du 23 septembre 2008 consid. 3.4).

3.3 Aux termes de l'art. 11 al. 4 let. d LIASI, les personnes exerçant une activité lucrative indépendante n'ont, en principe, pas droit à une aide financière ordinaire. Celle-ci ne peut être accordée que pour une période de trois mois et, en cas d'incapacité de travail, pendant une durée maximale de six mois (art. 16 du règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 - RIASI - J 4 04.01).

Le fait qu'une société soit inactive ou ne procure aucun bénéfice à son associé gérant président avec signature individuelle est sans incidence sur le statut d'indépendant dudit associé (ATA/739/2020 du 22 septembre 2020 consid. 4d).

3.4 Selon l’art. 32 al. 1 LIASI, le demandeur ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière.

L’art. 33 al. 1 LIASI prévoit en outre que le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression.

Le document intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu’il donne immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l’établissement de sa situation économique (ATA/195/2021 du 12 juillet 2022 consid. 4a ; ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a).

La chambre de céans a eu l’occasion de relever que l’engagement écrit du bénéficiaire de l’aide sociale comprenait l’obligation de signaler tout départ, absence de Genève ou voyage à l’étranger (ATA/1090/2022 du 1er novembre 2022 consid. 3 ; ATA/437/2022 du 26 avril 2022 consid. 2d).

3.5 L'art. 35 al. 1 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées. Tel est notamment le cas lorsque la personne bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la loi (let. a) ou lorsqu'elle ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 (let. c) ou qu'elle refuse de donner les informations requises au sens des art. 7 et 32, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles
(let. d). Conformément à l’art. 35 al. 2 LIASI, l’hospice rend alors une décision écrite et motivée, avec les voies de droit (al. 2).

La suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut alors prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes qui lui sont reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 consid. 3b, in JdT 1998 I 562 ; ATA/1662/2019 du
12 novembre 2019 consid. 7).

3.6 Sous le titre « Prestations perçues indûment », l'art. 36 LIASI dispose qu'est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l'ont acceptée, le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3). L’action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l’hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s’éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 5).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/15/2023 du
10 janvier 2023 consid. 2g ; ATA/850/2022 du 23 août 2022 consid. 5b ; ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2).

Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l’enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d’une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l’obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/93/2020 précité consid. 3c et les références citées).

Les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c). Il convient toutefois d’apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l’entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l’objet d’une demande de remboursement (ATA/947/2018 précité consid. 3d).

3.7 Conformément à l’art. 42 LIASI, le bénéficiaire de bonne foi n’est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation difficile (al. 1). Dans ce cas, il doit formuler par écrit une demande de remise dans un délai de 30 jours dès la notification de la demande de remboursement. Cette demande de remise est adressée à l'Hospice général (al. 2).

De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/1231/2022 du 6 décembre 2022
consid. 4g ; ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées).

La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4).

Selon la jurisprudence de la chambre administrative, un assuré qui viole ses obligations d’informer l’hospice de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2011 du 13 février 2012 consid. 3).

3.8 En procédure administrative genevoise, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

3.9 Lorsque le complexe de faits soumis au juge administratif a fait l’objet d’une procédure pénale, le juge administratif est en principe lié par le jugement pénal, notamment lorsque celui-ci a été rendu au terme d’une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés (arrêt du Tribunal fédéral 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/1083/2023 du 3 octobre 2023 consid. 2.6 ; ATA/783/2022 du 9 août 2022 consid. 3a). Il convient d’éviter autant que possible que la sécurité du droit soit mise en péril par des jugements opposés, fondés sur les mêmes faits (ATF 137 I 363 consid. 2.3.2). Le juge administratif peut toutefois s’en écarter lorsque les faits déterminants pour l'autorité administrative n'ont pas été pris en considération par le juge pénal, lorsque des faits nouveaux importants sont survenus entre-temps, lorsque l'appréciation à laquelle le juge pénal s'est livré se heurte clairement aux faits constatés, ou encore lorsque le juge pénal ne s'est pas prononcé sur toutes les questions de droit (ATF 139 II 95 consid. 3.2 ; 136 II 447 consid. 3.1 ; 129 II 312 consid. 2.4).

3.10 En procédure pénale, la direction de la procédure peut obliger la partie plaignante, d’autres participants à la procédure ainsi que leurs conseils juridiques, sous commination de la peine prévue à l’art. 292 CP, à garder le silence sur la procédure et sur les personnes impliquées, lorsque le but de la procédure ou un intérêt privé l’exige. Cette obligation doit être limitée dans le temps (art. 73 al. 2 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 - CPP - RS 312.0).

3.11 Découlant directement de l’art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 137 II 182 consid. 3.6.2). En outre, le principe de la bonne foi commande aux autorités comme aux particuliers de s’abstenir, dans les relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_934/2022 du 22 mars 2023 consid. 6.3.1).

L'adage nemo auditur suam (propriam) turpitudinem allegans (nul ne peut se prévaloir de sa propre faute) concrétise le principe constitutionnel de la bonne foi et vaut également en matière de droit public (arrêt du Tribunal fédéral 2C_17/2008 du 16 mai 2008 consid. 6.2 ; ATA/1385/2021 du 21 décembre 2021 consid. 14 ; ATA/169/2020 du 11 février 2020 consid. 7b).

3.12 En l'espèce, il n'y a pas lieu de s'écarter de l'arrêt de la CPAR s'agissant de l'établissement des faits, dès lors que l'instruction pénale a été menée de manière complète et dans le respect du contradictoire. On doit ainsi retenir que le recourant, pendant la période pénale concernée, soit d'octobre 2018 à septembre 2020, vivait en France, vraisemblablement avec sa compagne et ses enfants, et avait quitté Genève. Il remettait des quittances attestant faussement du paiement du loyer, ce à quoi s’ajoutaient de nombreux autres mensonges, notamment sur la validité de son titre de séjour, sur sa situation familiale ou encore sur l’existence d’une entreprise inscrite au RC.

Il s'ensuit que le recourant a violé de manière crasse son devoir d'information envers l'intimé pendant la période précitée.

Dans la mesure où le recourant précise lui-même dans son acte de recours que l'intimé savait, à tout le moins depuis le 21 août 2020, qu'il ne résidait plus au ______, mais qu'il a continué à fournir de fausses quittances de loyer et à percevoir l'aide financière de l'hospice jusqu'à fin février 2021 sans mentionner un quelconque changement d'adresse, on doit également retenir une violation du devoir d'information pendant cette période. En soutenant que l'intimé n'aurait pas dû continuer à lui verser d'aide financière entre les mois d'août ou septembre 2020 et celui de février 2021, le recourant se prévaut certes d'une éventuelle erreur de l'intimé, mais également de sa propre faute, puisque lesdites prestations auraient cessé sans délai – et même lui auraient dès le départ été refusées – s'il avait rempli correctement son devoir d'information.

S'agissant plus précisément de ce que l'intimé a continué à servir des prestations d'aide sociale après avoir été averti de l'ouverture d'une procédure pénale contre le recourant, force est de constater que les communications du Ministère public contenaient une interdiction de divulgation fondée sur l'art. 73 al. 2 CPP. Les arguments de l'intimé, selon lesquels il a dû ouvrir une enquête, laquelle a été freinée tant par les contingences liées à la crise sanitaire que par l'absence de collaboration du recourant, emportent conviction.

Il résulte de ce qui précède que la demande de restitution fondée sur l'art. 36 LIASI est fondée tant dans son principe que dans sa quotité. À cet égard, le fait que le Ministère public ait, pour des motifs qui lui sont propres, choisi d'arrêter la période pénale au mois de septembre 2020, n'empêche pas que les prestations versées entre octobre 2020 et février 2021 l'ont été en raison d'une violation du devoir d'information, et donc alors que le bénéficiaire n'était pas de bonne foi.

Pour la même raison, la demande subsidiaire du recourant tendant à bénéficier d'une remise devait également être rejetée, la première condition posée par l'art. 42 LIASI, à savoir la bonne foi du bénéficiaire, n'étant à l'évidence pas remplie dans son cas. Ses arguments portent exclusivement sur la deuxième condition, soit sa situation financière difficile, et ne lui sont donc d'aucun secours.

La décision sur opposition attaquée est ainsi conforme au droit, si bien que le recours sera rejeté.

4.             Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et vu son issue aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 novembre 2022 par A______ contre la décision sur opposition de l'Hospice général du 6 octobre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Igor ZACHARIA, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Sylvie DROIN, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :