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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2715/2022

ATA/15/2023 du 10.01.2023 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2715/2022-AIDSO ATA/15/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 janvier 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Jacques EMERY, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Mme A______, née le ______ 1976, est divorcée et mère de quatre enfants nés en 2002, 2007, 2010 et 2015, dont les trois derniers vivent aujourd’hui avec elle.

Ses trois derniers enfants et elle-même bénéficient de prestations financières d’aide sociale versées par l’Hospice général (ci-après : l’hospice).

Elle a signé à plusieurs reprises, en particulier les 12 juin 2019 et 14 septembre 2020, le document « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », et s’est engagée à cette occasion notamment à informer l’hospice de toute modification de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu’à l’étranger. Elle a également pris note que l’hospice se réservait de réduire ou de supprimer les prestations en cas de violation des engagements pris.

2) Le 23 octobre 2015, Mme A______ s’est rendue au centre d’action sociale (ci-après : CAS) B______ et a indiqué devoir se rendre quelques jours en C______ au chevet de sa mère mourante.

Mme A______ a finalement indiqué le 6 novembre 2015 être partie en C______ du 29 octobre au 5 novembre 2015, et que l’état de santé de sa mère s’était amélioré.

3) Le 14 mars 2017, Mme A______ a informé son assistante sociale qu’elle était partie en C______ au chevet de sa mère malade le 5 mars 2017. Elle avait prévu de rentrer le 10 ou le 11 mars 2017 mais les autorités C______ l’empêchaient de quitter le pays, pour une raison qu’elle ignorait. Ses deux aînés étaient à Genève, sous la garde d’un couple d’amis.

Mme A______ est finalement revenue à Genève le 12 mai 2017.

4) Le 19 novembre 2020, Mme A______ a informé son assistante sociale qu’elle souhaitait rendre visite à sa mère en C______ en décembre 2020 avec ses trois enfants.

Le 23 décembre 2020, elle a indiqué qu’elle attendait le versement de la rente d’impotent de son fils avant de partir et prévoyait de rentrer pour la reprise de l’école.

Le 20 janvier 2021, Mme A______ a appelé son assistante sociale pour l’informer de ses difficultés financières. Elle n’avait toujours pas reçu la rente d’impotent de son fils et demandait le versement anticipé des prestations financières pour février 2021.

5) Le 22 janvier 2021, l’hospice a arrêté les prestations de Mme A______ pour le mois de février 2021.

6) Le 25 février 2021, l’assistante sociale de Mme A______ a tenté en vain d’atteindre celle-ci par téléphone puis par courriel, et lui a adressé un courrier postal l’informant du changement d’assistante sociale.

7) Le 4 mars 2021, après avoir à nouveau tenté en vain d’atteindre Mme A______, l’assistante sociale a pris contact avec le service de protection des mineurs (ci-après : SPMi), lequel lui a appris qu’il n’avait plus de dossier ouvert au nom de la famille.

8) Le 15 avril 2021, l’assistante sociale a tenté en vain de joindre Mme A______ par téléphone et lui a laissé un message vocal indiquant que le CAS n’avait pas reçu les documents nécessaires au versement des prestations pour les mois de mars et avril 2021.

9) Le 4 mai 2021, le SPMi a informé l’assistante sociale que Mme A______ avait obtenu du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP), une autorisation de congé en dehors des vacances scolaires et était partie en C______ avec ses enfants après la rentrée scolaire de janvier 2021.

10) Le 25 mai 2021, Mme A______ s’est présentée au CAS. Elle était revenue en Suisse le 21 mai 2021. Elle avait été détenue en C______. Les enfants étaient restés avec son frère. Elle avait payé les loyers de mars et avril 2021 et voulait régler celui de mai 2021 avec les allocations pour enfant.

L’assistante sociale lui a confirmé qu’elle verserait les prestations pour le mois de juin 2021 dès réception des documents nécessaires.

11) Le 26 mai 2021, le CAS a versé à Mme A______ les prestations d’aide sociale pour le mois de juin 2021.

12) Le 15 juin 2021, le CAS a admis le paiement, en juin 2021, de la prime d’assurance RC/ménage de la famille.

En raison de son absence de Genève, Mme A______ n’avait pas droit aux prestations pour les mois de mars, avril et mai 2021. Pour éviter de péjorer sa situation, l’hospice lui verserait cependant, à titre dérogatoire, le solde des primes LAMal de la famille non couvert par ses ressources (allocations enfant et taxe environnementale) après paiement du loyer.

13) Le 16 juin 2021, le CAS a ordonné le paiement des primes LAMal pour Mme A______ et sa fille D______ pour les mois de mars, avril et mai 2021, les polices d’assurance-maladie d’E______ et F______ ne figurant pas au dossier, ainsi que le supplément d’intégration dû à Mme A______ pour le mois de mars 2021 et le remboursement de frais médicaux en mars 2021 pour CHF 89.60.

14) Le 29 juin 2021, Mme A______ a indiqué avoir été incarcérée à G______ du 25 janvier au 21 mars 2021. Son passeport ne lui avait été restitué par les autorités qu’à la fin du mois de mai 2021. Elle avait payé son loyer pour ne pas perdre son logement.

Malgré les difficultés, son assistante sociale avait refusé de lui rembourser le montant des loyers de février à mai 2021, soit CHF 3'456.- (4 x CHF 864.-), dont elle documentait le paiement.

Les prestations versées à fin mai 2021 pour le mois de juin 2021 étaient de CHF 1'900.- au lieu de CHF 2'500.-.

15) Le 30 juin 2021, le CAS a validé le versement du supplément d’intégration de CHF 225.- en faveur de Mme A______ pour le mois de juin 2021.

16) Le 2 juillet 2021, l’assistante sociale a invité Mme A______ à lui remettre les polices LAMal 2021 de la famille.

17) Le 15 juillet 2021, le CAS a rectifié ses calculs et versé à Mme A______, pour le moins de juin 2021, CHF 222.70 correspondant à l’allocation de régime et CHF 175.- au solde des primes LAMal d’E______ et F______, après déduction de la taxe environnementale et du dépassement de primes versé directement à l’assureur ; pour les mois de mars, avril et mai 2021, trois fois CHF 47.70 moins CHF 19.80, correspondant au solde des primes de LAMal d’E______ et F______ après déduction du dépassement de primes versé directement à l’assureur.

18) Le même jour, l’assistante sociale a informé Mme A______ du paiement de son allocation régime pour les mois de juin et juillet 2021, sous déduction des dépassements de primes LAMal des enfants.

19) Le 20 juillet 2021, l’hospice a indiqué à Mme A______ que son courrier du 20 juin 2021 était traité comme une opposition.

Il lui a remis : le décompte définitif de virement pour février 2021 du 22 janvier 2021, mentionnant un versement en sa faveur de CHF 2'505.95, dont CHF 864.- au titre du loyer du mois de février 2021 ; le décompte définitif de virement pour juin 2021 du 26 mai 2021, mentionnant un versement en sa faveur de CHF 1'937.90 ; le décompte définitif de virement pour juin 2021 du 30 juin 2021, mentionnant un versement complémentaire en sa faveur de CHF 225.- ; le décompte définitif pour juillet 2021 du 15 juillet 2021 et son annexe, dont il résulte pour le mois de juin 2021 une correction de CHF 242.50.

20) Le 30 août 2021, l’hospice a réclamé à Mme A______ la preuve de son incarcération en C______ et de la saisie de son passeport jusqu’au mois de mai 2021 et lui a demandé de préciser ses griefs et conclusions, attendu que durant son absence, elle ne pouvait prétendre à la prise en charge de son entretien et de celui de ses enfants, et que le montant de ses ressources était suffisant pour payer son loyer, les primes d’assurance-maladie de la famille étant prises en charge par le service de l’assurance-maladie et par l’aide sociale.

21) Le 30 septembre 2021, Mme A______ a transmis à l’hospice la copie d’un jugement rédigé en C______, décrit comme étant le « jugement attestant [son] incarcération [ ] en C______ et la saisie de son passeport par les autorités jusqu’à la fin du mois de mai 2021 ». Elle persistait dans ses conclusions s’agissant du « remboursement de la somme de CHF 3'456.- afférant aux loyers de février à mai 2021 » et « du paiement de la somme de CHF 600.- résultant de la différence entre les prestations qu’elle reçoit habituellement (CHF 2'500.-) et la somme effectivement reçue à la fin du mois de mai 2021 (CHF 1'900.-) ». Pendant toute la durée de sa détention, elle était restée officiellement domiciliée à Genève et avait dû continuer à payer son loyer et les frais d’entretien de la famille bien que dépourvue de toutes ressources.

22) Le 11 janvier 2022, à la demande de l’hospice, Mme A______ a produit une traduction française du jugement indiquant que le tribunal fédéral de première instance de la république démocratique d’C______ l’avait reconnue coupable de contrebande, avait tenu compte qu’elle n’avait pas tiré profit de l’infraction, qu’elle n’avait pas agi intentionnellement, qu’elle n’avait pas d’antécédents, qu’elle était seule responsable de ses enfants malades et souffrait elle-même de diabète et d’un cancer de la thyroïde, selon attestations de divorce, de son médecin genevois et du département de protection des jeunes et que ses enfants devaient reprendre l’école, et l’avait condamnée à une peine privative de liberté de deux ans et neuf mois assortie du sursis et à une amende de 5'000 H______.

23) Par décision du 11 juillet 2022, l’hospice a rejeté l’opposition formée par Mme A______.

Il avait versé les prestations d’aide pour février 2021, dont CHF 864.- au titre du loyer. Durant son séjour en C______, soit à tout le moins entre le 25 janvier et le 21 mai 2021, Mme A______ avait régulièrement reçu le montant des allocations pour ses trois enfants et le remboursement de la taxe environnementale, soit un montant mensuel de CHF 1'014.50. Elle avait payé ses loyers de février, mars, avril et mai 2021.

Le séjour à l’étranger durant plusieurs mois excluait tout droit aux prestations d’aide financière. L’absence excluait par ailleurs toute résidence effective à Genève durant la même période et contrevenait à l’engagement de Mme A______ de tout mettre en œuvre pour améliorer sa situation. Par son absence, elle avait rendu impossible un quelconque suivi et accompagnement social. Elle avait également enfreint son devoir d’information en quittant Genève avec toute sa famille sans prévenir son assistante sociale.

La prise en charge du solde des primes LAMal de la famille pour les mois de mars à mai 2021 était intervenue à titre dérogatoire et ne pouvait entraîner pour l’hospice d’obligation de rembourser les loyers effectivement payés.

Le loyer de février 2021 était compris dans les prestations versées et la conclusion tendant à son remboursement était totalement infondée.

Pour le mois de juin 2021, Mme A______ avait perçu CHF 1'937.90 auxquels s’était ajoutée la correction de CHF 467.50. Elle n’avait remis le certificat médical justifiant l’allocation régime pour son fils qu’en août 2021, de sorte que la prestation n’avait pu être versée en juin 2021. Elle n’avait enfin pas tenu compte dans ses calculs des autres prestations circonstancielles remboursées ou prises en charge par l’hospice.

24) Par acte remis à la poste le 26 août 2022, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce que l’hospice soit condamné à lui verser les sommes de CHF 3’456.- plus intérêts à 5 % l’an depuis le mois d’avril 2021 et CHF 600.- plus intérêts à 5 % l’an depuis le mois de juin 2021.

Le 22 janvier 2021, l’hospice avait procédé au versement anticipé des prestations du mois de février 2021 et le même jour elle était partie en C______ accompagnée de ses enfants pour passer quelques semaines de vacances. Pendant son séjour, elle avait été soupçonnée d’avoir commis des infractions pénales et placée en détention préventive du 25 janvier au 21 mars 2021. Son passeport était resté saisi jusqu’en mai 2021.

Elle avait produit un certificat médical attestant qu’elle était gravement malade et que ses enfants devaient retourner à Genève pour poursuivre leur scolarité. Le tribunal en avait tenu compte et l’avait « exemptée de peine de prison », et le 21 mai 2021, elle était finalement parvenue à rentrer à Genève.

Les faits avaient été établis de manière inexacte. Elle avait établi son incarcération en C______. Elle était titulaire d’une autorisation de séjour, ses enfants étaient scolarisés et son fils bénéficiait d’une rente d’impotent. Ces éléments démontraient sa volonté de conserver à Genève le centre de ses intérêts. Elle avait demandé le versement anticipé des prestations de février 2021 pour pouvoir partir en voyage. L’hospice était au courant de son voyage et ne pouvait lui reprocher de le lui avoir dissimulé. Il ne pouvait pas non plus lui reprocher un manque de collaboration puisqu’elle avait été détenue contre sa volonté. On ne pouvait considérer qu’elle avait volontairement changé de domicile ou de résidence. Elle ne s’était rendue en C______ que pour des vacances et non pour s’y installer.

La décision violait la loi. L’hospice devait assister les personnes domiciliées et résidant effectivement dans le canton qui n’étaient pas en mesure de subvenir à leur entretien. Le constat qu’elle s’était volontairement établie en C______ était arbitraire, car fondé sur une appréciation insoutenable et choquante des faits.

25) Le 27 septembre 2022, l’hospice a conclu au rejet du recours.

Durant son séjour en C______, Mme A______ ne remplissait plus les conditions de l’aide sociale, ce qui excluait tout droit aux prestations financières. Elle était partie sans en informer son assistante sociale. Contrairement à ce qu’elle soutenait, elle avait uniquement prévenu son assistante de son projet de vacances durant les vacances de fin d’année et de son retour à la rentrée scolaire de janvier 2021. Durant leur séjour à l’étranger, ses enfants et elle n’avaient plus eu de résidence effective dans le canton de Genève. Selon ses propres déclarations, elle avait été incarcérée entre le 25 janvier et le 21 mars 2021, mais n’était revenue à Genève que le 21 mai 2021 et n’avait repris contact avec l’hospice que le 25 mai 2021.

Durant les mois de mars à mai 2021, les ressources de la famille, soit les allocations enfants et le remboursement de la taxe environnementale, étaient suffisantes pour payer le loyer et une partie de primes LAMal, le solde manquant, de CHF 527.- au total, devant être versé directement à l’assureur maladie, ainsi qu’il ressortait du décompte du 16 juin 2022.

Mme A______ ne motivait pas sa conclusion en versement de CHF 600.-, alors qu’elle contestait ce faisant l’évaluation de son droit aux prestations pour le mois de juin 2021 telle qu’effectuée par l’hospice. Or, le montant versé pour le mois de juin 2021 s’élevait à CHF 2'844.35 (subside LAMal non compris), et non à CHF 1'900.- comme elle le soutenait.

26) Le 31 octobre 2022, Mme A______ a conclu à l’annulation de la décision du 11 juillet 2022 et à ce que l’hospice soit condamné à lui verser CHF 3'456.- plus intérêts à 5 % l’an depuis le mois d’avril 2021.

La conclusion tendant à ce que l’hospice soit condamné à lui verser CHF 600.- plus intérêts à 5 % l’an depuis le mois de juin 2021 n’était pas reprise.

27) Le 2 novembre 2022, les parties ont été informée que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l'autorité intimée du 11 juillet 2022, en ce qu’elle confirme le refus de verser à la recourante CHF 3'456.- plus intérêts à 5 % l’an depuis le mois d’avril 2021 au titre du remboursement des loyers des mois de février à mai 2021.

a. Aux termes de l’art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

b. En droit genevois, la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et le règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l'aide sociale individuelle sont l'accompagnement social, des prestations financières et l'insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n'est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d'aide financière. Celles-ci ne sont pas remboursables sous réserve notamment de leur perception indue (art. 8 al. 1 et 2 LIASI). Elles sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).

c. Ont droit à des prestations ordinaires d'aide financière instaurées par l'art. 2 let. b LIASI, les personnes majeures ayant leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (art. 11 al. 1 let. a LIASI).

La condition du domicile et de la résidence effective sur le territoire du canton de Genève est une condition cumulative qui a pour effet que des prestations d'aide financière complète ne sont accordées qu'aux personnes autorisées à séjourner dans le canton de Genève, soit aux personnes d'origine genevoise, aux confédérés et aux étrangers bénéficiant d'un titre de séjour (ATA/817/2019 du 25 avril 2019 ; ATA/1232/2017 du 29 août 2017).

d. Le demandeur doit fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). La LIASI impose ainsi un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 5a). Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a).

e. L’art. 35 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées.

Tel est notamment le cas lorsque le bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la LIASI (art. 35 al. 1 let. a LIASI), lorsqu'il ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 LIASI ou lorsqu’il refuse de donner les informations requises, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (art. 35 al. 1 let. c et d LIASI).

f. Selon la jurisprudence, la suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit au surplus être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut alors prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes qui lui sont reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 ; ATA/1271/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6c ; ATA/357/2017 du 23 mars 2017).

g. De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2). Les bénéficiaires des prestations d'assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l'administration, notamment en ce qui concerne l'obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d'abus de droit.

La chambre de céans a eu l’occasion de relever que l’engagement écrit du bénéficiaire de l’aide sociale comprenait l’obligation de signaler tout départ, absence de Genève ou voyage à l’étranger (ATA/1090/2022 du 1er novembre 2022 consid. 3 ; ATA/437/2022 du 26 avril 2022 consid. 2d).

Si le bénéficiaire n'agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu'il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c). Il convient toutefois d'apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l'entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l'objet d'une demande de remboursement (ATA/947/2018 du 18 septembre 2018 consid. 3d).

3) a. En l’espèce, il n’est pas contesté que la recourante et ses enfants ont été absents de Suisse du 22 janvier au 21 mai 2021.

b. La recourante reproche à l’intimé d’avoir considéré à tort qu’elle n’avait pas son domicile en Suisse. Son grief tombe à faux.

En effet, l’hospice a en réalité retenu qu’elle n’avait pas sa résidence effective en Suisse, et qu’elle ne remplissait partant pas l’une des conditions cumulatives à l’octroi de l’aide sociale prévues à l’art. 11 al. 1 let. a LIASI. La résidence effective est le fait de se trouver effectivement en Suisse, et la recourante ne conteste pas avoir avec ses enfants été en C______ quatre mois, et donc ne pas avoir résidé en Suisse entre le 22 janvier et le 21 mai 2021. Pour ce motif déjà, l’hospice était fondé à lui refuser l’aide sociale pour la durée de son absence de Suisse.

c. La recourante fait valoir qu’elle s’est trouvée contrainte de demeurer en C______ dès lors qu’elle y était détenue. Il y a lieu d’observer à ce propos qu’elle a selon ses dires été incarcérée entre le 25 janvier et le 21 mars 2021 et n’indique ni n’établit quand, en mai 2021, elle aurait repris possession de son passeport ni pourquoi il lui aurait fallu près de deux mois pour pouvoir rentrer à Genève. Cela étant, la circonstance de la contrainte ne change rien au fait que, comme il sera vu plus loin, les besoins de la recourante ont diminué lors de son absence de Suisse.

d. La recourante ne conteste pas qu’elle n’a pas informé l’hospice de son absence. Or, le défaut d’information au sujet des absences à l’étranger est considéré, de jurisprudence constante, comme une violation du devoir de renseigner pouvant entraîner la cessation du versement de l’aide sociale (ATA/1090/2022 et ATA/437/2022 précités).

La recourante soutient que l’hospice devait savoir qu’elle voyageait en C______ dès lors qu’elle avait plus d’une fois évoqué avec son assistante sociale la question du financement de son voyage, la dernière fois en demandant le versement anticipé des prestations pour février 2021. Elle ne saurait être suivie. Il ressort en effet de la chronologie des événements qu’elle avait annoncé vouloir se rendre en C______ durant les vacances de fin d’année 2020 et être de retour pour la rentrée scolaire de janvier 2021. La recourante ne soutient pas avoir par la suite fourni à l’hospice d’information précise, et l’on ne pouvait attendre dans ces circonstances de celui-ci qu’il infère du versement anticipé de l’aide que la recourante quitterait la Suisse le jour même. À cela s’ajoute que l’hospice pouvait encore moins deviner quand la recourante rentrerait, et que celle-ci ne soutient pas avoir informé l’hospice avant le 25 mai 2021, alors même qu’elle a pu faire établir et acheminer en C______ durant la même période en tout cas un certificat médical genevois et probablement donner les instructions pour payer ou faire payer son loyer.

L’hospice était ainsi fondé à considérer que la recourante avait failli à son obligation de l’informer de tout déplacement à l’étranger et à refuser les prestations d’aide sociale pour ce motif.

e. La recourante ne conteste enfin pas que les prestations effectivement perçues durant son absence de Suisse ont couvert le paiement de son loyer, et lui ont ainsi évité de perdre son appartement, et que les primes d’assurance-maladie ont également été financées. Elle ne soutient pas qu’elle-même ou ses enfants auraient subi d’autres charges durant leur absence de Genève.

Les prestations servies à titre dérogatoire par l’hospice, pour éviter d’aggraver la situation de la recourante, n’emportent aucun droit à l’aide sociale, comme l’a justement relevé ce dernier.

Il sera enfin observé que la recourante persiste à réclamer le remboursement du loyer de février 2021, lequel était pourtant compris dans les prestations servies par l’hospice pour ce mois-là.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, la recourante succombant (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 août 2022 par Mme A______ contre la décision de l’Hospice général du 11 juillet 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques Emery, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :