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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1858/2022

ATA/1001/2022 du 04.10.2022 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1858/2022-AIDSO ATA/1001/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 octobre 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Mme A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Mme A______, née le ______ 1986, et sa fille B______, née le ______ 2013, toutes deux de nationalité C______ et dépourvues d’autorisation de séjour, ont bénéficié de prestations d’aide financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) du 1er mai au 30 septembre 2017 sous forme d’aide financière exceptionnelle pour personnes étrangères.

Depuis le 1er octobre 2017, elles perçoivent l’aide d’urgence.

Le 1er octobre 2019, M. A______, époux de Mme A______ et père de B______, a été intégré au dossier de Mme A______ et mis au bénéfice d’une aide exceptionnelle.

Depuis novembre 2019, la famille perçoit une aide financière mixte pour personnes exerçant une activité indépendante.

2) Mme A______ a complété et signé à plusieurs reprises, notamment les 10 février 2016, 20 avril 2017, 25 avril 2018 et 1er novembre 2019, le formulaire de demande de prestations d’aide sociale financière, dans lequel elle a déclaré disposer d’une capacité de travail complète. Elle a également signé le document intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général ».

3) Dans les demandes de prestations qu’elle a complétées et signées les 10 février 2016 et 20 avril 2017, Mme A______ a indiqué détenir un seul compte bancaire auprès de D______ et n’avoir aucune fortune.

4) Un rapport d’enquête de l’hospice du 19 décembre 2017 a révélé que : (a) Mme A______ était titulaire d’un compte privé auprès de la E______ (ci-après : E______) qu’elle n’avait pas déclaré, qui présentait un solde de CHF 14'853.05 au 15 mai 2017 et avait fait l’objet de retraits de CHF 7'000.- le 23 juin 2017, CHF 1'500.- le 19 juin 2017 et CHF 6'200.- le 3 juillet 2017 ; (b) qu’elle suivait une formation auprès de l’association F______ depuis septembre 2017 et (c) que son compte D______ présentait notamment des crédits de CHF 450.- le 26 octobre 2017 et CHF 450.- le 28 novembre 2017, versés par F______.

5) Le 20 décembre 2017, Mme A______ avait expliqué à l’assistante sociale de l’hospice qu’elle suivait une formation auprès de F______, dans le cadre d’une mesure proposée par G______ et avait perçu à ce titre des indemnités pour octobre et novembre 2017. Son compte E______ avait été bloqué dans le cadre de poursuites pénales dont elle avait fait l’objet et lorsqu’elle avait pu y avoir accès, elle avait reversé l’argent aux personnes auxquelles il appartenait.

6) Le 9 février 2018, l’assistante sociale a demandé à Mme A______ de produire des preuves au sujet de l’usage de la somme déposée sur le compte E______, le contrat avec G______ et F______ ainsi que les fiches de salaire.

7) Le 13 février 2018, cette demande a été formulée par écrit et assortie d’un avertissement.

8) À deux reprises, les 15 mars et 26 avril 2018, l’hospice a réitéré sa demande de documentation.

À réception de ceux-ci, une demande de restitution des prestations pourrait être adressée à Mme A______.

9) Le 19 avril 2018, l’hospice a interpellé l’antenne emploi de la commune de H______, qui lui a expliqué que le stage F______ s’était déroulé du 25 septembre 2017 au 28 février 2018 et avait donné lieu au versement d’indemnités mensuelles de CHF 450.-.

10) Le 13 juin 2018, l’assistante sociale a noté au dossier de Mme A______ qu’en raison de la fortune dont elle disposait entre mai et juillet 2017, une demande de remboursement de l’aide perçue durant cette période lui serait adressée.

11) Le 28 août 2018, l’assistante sociale a reçu copie du courrier du service social et emploi de la commune de H______ à Mme A______ confirmant à cette dernière lui avoir versé entre septembre 2015 et avril 2017 CHF 40'568.90 à titre de don et CHF 3'895.- à titre de prêt.

12) Le 29 août 2019, l’assistante sociale a interrogé Mme A______ au sujet d’un crédit de CHF 125.- de I______ SA sur son compte D______ le 30 juillet 2019.

Mme A______ a expliqué qu’elle avait vendu des cartes téléphoniques pendant un jour, sans contrat ni fiche de salaire.

13) Le 2 octobre 2019, Mme A______ a remis à l’assistante sociale l’extrait de son compte D______ pour le mois d’août 2019, lequel présentait un crédit de CHF 1'162.30 provenant de I______ SA le 13 août 2019.

14) Le 24 octobre 2019, Mme A______ a remis le relevé de son compte D______ de septembre 2019, présentant un crédit de CHF 130.- de I______ SA le 30 septembre 2019 et comportant la mention manuscrite « ce qui manque de mon salaire du mois passé ».

15) Le 19 novembre 2021, l’hospice a réclamé à Mme A______ et M. A______, pris conjointement, la restitution de la somme de CHF 9'311.55 au titre des prestations perçues indûment.

16) Le 27 décembre 2021, Mme A______ a formé opposition contre cette décision.

Le cas de son compte auprès de la E______ avait été réglé avec son assistante sociale de l’époque. Les indemnités versées par F______ étaient destinées à acquérir du matériel et à se nourrir durant le stage. Elle avait apporté tous les documents à son assistance sociale et n’avait pas caché ces revenus, figurant sur les relevés D______ qu’elle avait remis chaque mois. Elle avait spontanément informé son assistante sociale qu’elle avait trouvé un travail auprès de I______ SA et celle-ci lui avait affirmé que son salaire ne serait pas déduit de ses prestations car elle était « à l’aide minimale non saisissable », de sorte qu’une déduction ne lui permettrait pas de payer son loyer, la nourriture et les vêtements, en particulier pour sa fille.

17) Par décision du 5 mai 2022, le directeur de l’hospice a rejeté l’opposition.

La décision était annulée en tant qu’elle était dirigée contre M. A______, qui n’était pas en Suisse à l’époque et n’avait pas bénéficié des prestations dont le remboursement était exigé.

Pour la période du 1er mai au 31 juillet 2018, la fortune maximale à laquelle Mme A______ avait droit sans perdre son droit à l’aide financière était de CHF 6'000.-. Or, elle possédait alors CHF 14'853.05 et aurait dû utiliser le solde de CHF 8'853.05 (soit 14'853.05 – 6'000.-) pour subvenir à ses besoins et ceux de sa fille pendant au moins trois mois, à raison de CHF 3'000.- par mois. Il ressortait du dossier que l’affaire n’avait pas été réglée avec l’assistance sociale de l’époque.

Pour la période du 1er novembre 2017 au 30 avril 2018, Mme A______ n’avait pas informé son assistante sociale qu’elle avait commencé un stage auprès de F______ qui lui procurait un revenu mensuel de CHF 450.-. Cette information avait été révélée par l’enquête diligentée par l’hospice. Mme A______ avait violé son obligation d’informer et le remboursement de l’aide sociale perçu durant cette période lui était réclamé à hauteur du salaire perçu, soit six mois x CHF 450.-, soit encore un total de CHF 2'700.-.

Pour le mois de septembre 2019, Mme A______ n’avait pas informé l’assistante sociale qu’elle avait travaillé pour I______ SA pendant un mois. C’était l’assistante sociale qui avait découvert le crédit de CHF 125.- sur le relevé D______. Mme A______ lui avait alors expliqué n’avoir travaillé qu’un jour. Ce n’était ensuite que le 2 octobre 2019 que l’assistante sociale avait découvert le salaire de CHF 1'162.30 sur le relevé D______ et ainsi l’ampleur de l’activité non déclarée. Le remboursement de la somme de CHF 930.15 (soit CHF 682.- + CHF 248.15), selon les relevés correctifs, lui avait été réclamé à bon droit.

La demande de restitution de la somme totale de CHF 9'311.55 était fondée.

Les conditions de la remise n’étaient pas remplies, Mme A______ n’étant pas de bonne foi.

18) Par acte remis à la poste le 7 juin 2022, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation.

Elle n’avait pas fait mention du compte E______ du fait que celui-ci avait été bloqué le 18 juin 2009 par décision du juge d’instruction du 12 juin 2009 puis débloqué le 3 juillet 2017. Un compte bloqué depuis huit ans était inexistant pour elle. L’hospice ne pouvait prétendre qu’elle aurait dû utiliser ces fonds pour elle ou sa fille puisqu’elle n’y avait pas accès. Les trois retraits avaient servi à payer ses dettes cumulées bien avant de demander l’aide de l’hospice.

Elle avait parlé de son stage en novembre 2017 lors de l’entretien consécutif au passage à son domicile de l’enquêteur. Elle avait commencé le stage le 25 septembre 2017 et l’avait fini le 28 février 2018. Elle avait remis le certificat des indemnités reçues, établi le 5 janvier 2018, lors de l’entretien du 9 février 2018. Elle avait envoyé le 12 avril 2018 les documents supplémentaires réclamés par l’hospice. Elle n’avait pas gardé les tickets de restaurant pour prouver qu’elle dépensait en moyenne CHF 22.- à midi pour manger, soit CHF 440.- en un mois, et la différence de CHF 10.- pour payer le matériel.

Elle avait parlé à son assistante sociale de son travail pour I______ SA et avait compris que son salaire ne serait pas pris en compte. Elle était choquée que l’assistante sociale affirme avoir découvert son activité en octobre 2017. Elle ne pouvait démontrer la mauvaise foi de celle-ci mais avait demandé de changer d’assistante sociale.

Les lois étaient appliquées de manière irrationnelle. Elle faisait tout son possible pour sortir de la précarité. L’hospice ne motivait pas les bénéficiaires à trouver un meilleur avenir. Elle avait certes perçu un revenu au sens de la loi, mais se demandait si l’hospice lui aurait versé une indemnité pour suivre le stage. Elle avait exercé une activité lucrative très modeste avec l’idée d’acquérir de l’expérience et de reprendre le rythme du travail. Elle était punie par l’hospice qui lui réclamait un remboursement injustifié.

19) Le 8 juillet 2022, l’hospice a conclu au rejet du recours, reprenant le raisonnement de sa décision sur opposition. Les revenus du travail devaient être pris en compte pour la fixation du droit. Une personne objet d’une décision de refus d’autorisation de séjour définitive et exécutoire n’avait droit qu’à l’aide d’urgence. Les autres arguments soulevés par la recourante étaient sans pertinence. Aucune remise ne pouvait être octroyée, la recourante n’étant pas de bonne foi.

20) Le 24 août 2022, Mme A______ a répliqué et persisté dans ses conclusions.

Elle ignorait qu’elle devait informer l’hospice sur l’existence d’un compte qui n’était pas en sa possession. Elle traversait en outre un moment difficile, car sa fille venait d’être séparée de son père qui avait été expulsé de Suisse, elle avait perdu son emploi et s’était retrouvée à la rue avec un enfant de deux ans.

Elle avait apporté des documents à la réception de l’hospice et les assistants sociaux admettaient que la réception perdait beaucoup de documents.

Elle ne se souvenait pas avoir reçu les rappels de l’hospice.

L’hospice affirmait qu’elle n’avait reçu que deux fois CHF 450.- et lui réclamait six fois cette somme.

L’hospice l’avait laissée sans assistance en 2015 et elle avait dû demander l’aide de la mairie de H______. La chambre administrative lui avait ensuite donné raison au sujet de la valeur de sa voiture, surévaluée par l’hospice. L’hospice s’en était ensuite pris à elle au sujet des montants reçus de la mairie de H______, à tort s’agissant non d’une aide mais de dons privés.

Elle avait interrogé son assistance sociale avant d’accepter son emploi, et celle-ci avait été très fière de son premier salaire.

Elle n’avait jamais eu l’intention de cacher quoi que ce soit. Elle n’y avait aucun intérêt. Elle aurait sinon demandé à être payée en espèces.

Son mari était revenu en Suisse en 2019 et avait demandé une autorisation de séjour. Sur conseil d’un avocat, ils avaient créé la société WenaSwiss Sàrl depuis septembre 2019 avec un petit budget mais beaucoup de volonté, et grâce à un prêt de son beau-père, afin de pouvoir travailler et « sortir la tête de l’eau ». L’OCPM avait finalement donné un préavis favorable et leur demande d’autorisation de séjour était à l’examen au secrétariat d’État aux migrations depuis 2019.

Ils vivaient « comme des Genevois », payaient leurs impôts à temps et avaient toutes les assurances obligatoires. Avec un enfant de bientôt 9 ans, une dette de près de CHF 10'000.- serait « la goutte de trop ».

21) Le 26 août 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision ordonnant à la recourante de rembourser CHF 9'311.55, correspondant au montant des prestations financières d’aide sociale perçues sans droit.

Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exceptions prévues par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisées dans le cas d’espèce.

3) La recourante se plaint que la décision attaquée serait contraire au droit et reposerait sur une établissement erroné ou incomplet des faits.

a. Aux termes de l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté, et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

Le droit constitutionnel fédéral ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d'existence ; il appartient ainsi au législateur fédéral, cantonal et communal d'adopter des règles en matière de sécurité sociale qui ne descendent pas en dessous du seuil minimum découlant de l'art. 12 Cst. mais qui peuvent aller au-delà (arrêts du Tribunal fédéral 2P.318/2004 du 18 mars 2005 consid. 3 ; 2P.115/2001 du 11 septembre 2001 consid. 2a ; ATA/790/2019 du 16 avril 2019 et les références citées). L'art. 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst- GE - A 2 00) reprend ce principe : « toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux afin de favoriser son intégration sociale et professionnelle ».

b. En droit genevois, la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et le règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) mettent en œuvre ce principe constitutionnel.

La LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1). Ses prestations sont fournies sous forme d'accompagnement social et de prestations financières (art. 2 LIASI). Ces dernières sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI) et leurs bénéficiaires doivent faire valoir sans délai leurs droits auxquels l'aide financière est subsidiaire (art. 9 al. 2 LIASI ; ATA/790/2019 précité et les références citées).

c. La LIASI prévoit trois barèmes d’aide financière différents, soit l’aide financière ordinaire (art. 11 al. 1 et 21 ss LIASI ; chapitre I RIASI), l’aide financière exceptionnelle (art. 11 al. 4 LIASI ; chapitre II RIASI) et l’aide d’urgence (art. 45 LIASI ; chapitre VI RIASI).

d. Ont droit à des prestations ordinaires d’aide financière instaurées par l’art. 2 let. b LIASI, les personnes majeures (art. 8 al. 1 LIASI), ayant leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (art. 11 al. 1
let. a LIASI), qui ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de leur famille dont elles ont la charge (art. 11 al. 1 let. b LIASI) et répondent aux autres conditions de la loi (art. 11 al. 1 let. c LIASI), soit aux art. 21 à 28 LIASI. Les conditions du domicile et de la résidence effective sur le territoire du canton de Genève sont cumulatives, de sorte que des prestations d’aide financière complète ne sont accordées qu’aux personnes autorisées à séjourner dans le canton de Genève, soit aux personnes d’origine genevoise, aux confédérés et aux étrangers bénéficiant d’un titre de séjour (ATA/456/2020 du 7 mai 2020 consid. 5 et les références citées).

e. L’aide financière exceptionnelle, qui peut être inférieure à l’aide financière ordinaire et/ou limitée dans le temps, peut être allouée lorsque sont réalisées les conditions fixées par le Conseil d’État (art. 11 al. 4 LIASI) aux personnes suivantes qui n’ont pas droit aux prestations ordinaires prévues par l’art. 2
let. b LIASI : les étudiants et les personnes en formation (let. a) ; les jeunes adultes sans formation, âgés entre 18 et 25 ans révolus, lorsqu’ils ne suivent aucune formation (let. b) ; les personnes qui ont le droit de se rendre à Genève pour y chercher un emploi et celles qui ont le droit d’y rester après la fin d’un emploi d’une durée inférieure à une année, en vertu de l’ALCP (let. c) ; les personnes exerçant une activité lucrative indépendante (let. d) ; les personnes étrangères sans autorisation de séjour (let. e) ; les personnes de passage (let. f) ; les personnes au bénéfice d’une allocation destinée à la création d’une activité indépendante au sens de l’art. 42C al. 8 LIASI (let. g).

Le cercle des personnes étrangères sans autorisation de séjour visé à l’art. 11 al. 4 let. e LIASI pouvant bénéficier de l’aide financière exceptionnelle est précisé à l’art. 17 RIASI. Il s’agit de toute personne non titulaire d’une autorisation de séjour, qui s’est annoncée à l’OCPM en vue d’en obtenir une et qui a obtenu de cet office une attestation l’autorisant à séjourner pendant le temps nécessaire à l’examen de sa demande, inclus le temps allant jusqu’à ce qu’il soit statué sur un éventuel recours de celle-ci. En pratique, à teneur de la disposition réglementaire précitée, l’attestation délivrée par l’OCPM sert à établir l’existence d’une procédure en cours visant à la régularisation des conditions de séjour.

L’étendue de l’aide exceptionnelle accordée en vertu de l’art. 17 al. 1 RIASI est définie à l’art. 19 RIASI. Elle est accordée au requérant et aux membres de sa famille (art. 19 al. 1 RIASI), et son contenu est précisé à l’art. 19 al. 2 let. a à h, 3 et 4 RIASI. Elle inclut un forfait d’entretien, de l’argent de poche, des frais de vêtements, de transport, de logement, d’assurance-maladie et d’autres prestations spécifiques précisées.

f. Pour les personnes qui ne peuvent bénéficier ni des prestations ordinaires ni des prestations exceptionnelles, le RIASI prévoit encore des prestations d’aide d’urgence, fournies en principe en nature, qui sont accordées aux personnes dont la demande d’asile a fait l’objet d’une décision de non-entrée en matière passée en force, aux requérants d’asile déboutés faisant l’objet d’une décision de renvoi exécutoire avec délai de départ (art. 43 LIASI ; art. 24 RIASI) ainsi qu’aux personnes objet d’une décision définitive et exécutoire de refus d’octroi d’un titre de séjour et de renvoi de Suisse avec délai de départ (étrangers en situation de renvoi ; ATA/248/2020 du 3 mars 2020 consid. 3f).

g. Les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, des prestations financières et l’insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d’aide financière. Celles-ci ne sont pas remboursables sous réserve notamment de leur perception indue (art. 8 al. 1 et 2 LIASI).

h. L’aide sociale est subsidiaire à toute autre source de revenu, aux prestations découlant du droit de la famille ou de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe du 18 juin 2004 (LPart - RS 211.231), ainsi qu’à toute autre prestation à laquelle le bénéficiaire et les membres du groupe familial ont droit, en particulier aux prestations d’assurances sociales fédérales et cantonales, et aux prestations communales, à l’exception des prestations occasionnelles (art. 9 al. 1 LIASI). Le bénéficiaire doit faire valoir sans délai ses droits auxquels l’aide financière est subsidiaire et doit mettre tout en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière (art. 9 al. 2 LIASI).

La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités d’auto-prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers (ATA/878/2016 précité). L’aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource, mais elle est aussi subsidiaire à tout revenu que le bénéficiaire pourrait acquérir par son insertion sociale ou professionnelle (MGC 2005-2006/I A p. 259 ; ATA/4/2015 du 6 janvier 2015).

i. L’art. 1 al. 1 RIASI prévoit que les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d’aide financière sont de CHF 4'000.- pour une personne seule majeure (let. a), de CHF 8'000.- pour un couple (let. b) et de CHF 2'000.- pour chaque enfant à charge (let. c).

j. Le demandeur doit fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). La LIASI impose ainsi un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 5a).

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu’il donne immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l’établissement de sa situation économique (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a). Il doit informer l’hospice immédiatement et spontanément de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière et de se soumettre en tout temps à une enquête de l’hospice sur sa situation personnelle et économique et en autorisant en tout temps un contrôle à domicile.

4) a. Selon l'art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3).

Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l'enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d'une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l'obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3c et les références citées).

b. De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2). Les bénéficiaires des prestations d'assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l'administration, notamment en ce qui concerne l'obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d'abus de droit. Si le bénéficiaire n'agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu'il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c). Il convient toutefois d'apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l'entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l'objet d'une demande de remboursement (ATA/947/2018 du 18 septembre 2018 consid. 3d).

Le bénéficiaire de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LIASI). Les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l'assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4).

Selon la jurisprudence de la chambre administrative, un assuré qui viole ses obligations d'informer l'hospice de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La bonne foi doit être niée quand l'enrichi pouvait, au moment du versement, s'attendre à son obligation de restituer parce qu'il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l'attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 du CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2011 du 13 février 2012 consid. 3).

5) En l’espèce, les montants en cause et les calculs opérés par l’hospice en vue de la demande de remboursement ne sont pas contestés, pas plus que le fondement des prestations allouées.

La recourante fait valoir qu’elle ne pouvait être tenue de déclarer son compte bancaire auprès de la E______ car il était séquestré par le juge pénal.

La chambre de céans observe que le courrier de la E______ du 3 juillet 2017 produit par la recourante évoque en réalité une levée de la saisie par l’office des poursuites. Quoi qu’il en soit de la nature et de l’ampleur du blocage, il appartenait à la recourante d’informer l’hospice de l’existence de tous ses avoirs, même saisis. Elle s’y était engagée formellement par écrit, à plusieurs reprises et ne peut soutenir de bonne foi avoir ignoré son obligation de collaborer.

La recourante ne peut par ailleurs tirer argument de la date de la levée de la saisie, étant observé qu’elle a retiré du compte CHF 7'000.- le 23 juin 2017, CHF 1'500.- le 19 juin 2017 et CHF 6'200.- le 3 juillet 2017, soit durant la période prise en compte par l’hospice pour le calcul des prestations à rembourser.

Enfin, l’allégation, non documentée, de la recourante selon laquelle elle aurait remboursé des dettes anciennes ne lui est d’aucun secours. La chambre de céans a déjà considéré à plusieurs reprises qu'il n'appartenait pas à l'État et indirectement à la collectivité, de désintéresser d'éventuels créanciers. Tel n'est en effet pas le but de la loi, qui vise à soutenir les personnes rencontrant des difficultés financières, en les aidant à se réinsérer socialement et professionnellement, étant rappelé que l'aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource. Il n'est ainsi pas acceptable d'être au bénéfice d'une aide sociale ordinaire et d'utiliser sa fortune personnelle pour désintéresser ses créanciers (ATA/815/2021 du 10 août 2021 consid. 5e ; ATA/26/2021 du 12 janvier 2021 consid. 4f ; ATA/479/2018 du 15 mai 2018 consid. 6 et les références citées).

c. La recourante admet que les montants reçus de F______ et de I______ SA devaient être déclarés.

Elle prétend l’avoir fait en temps utile. Elle ne peut être suivie. Elle ne rend pas vraisemblable qu’elle aurait annoncé immédiatement à son assistante sociale ses engagements, étant rappelé que le fait de produire sur demande un certificat à la fin de la période de travail ne suffit pas à remplir l’engagement de collaboration. Elle ne rend par ailleurs pas vraisemblable que son emploi au service de I______ SA aurait été annoncé à temps et non pas découvert par l’assistance sociale à la lecture des relevés bancaires.

La recourante, qui avait signé l’engagement de déclarer tout revenu, ne peut de bonne foi soutenir qu’un revenu supplémentaire aurait été sans incidence puisque son minimum vital ne pouvait être entamé, dès lors que ce revenu aurait précisément complété la couverture de ses besoins élémentaires.

La recourante fait valoir que les montants reçus de F______ lui auraient servi à se nourrir. Elle perd de vue que les prestations d’aide financière servies par l’hospice avaient également ce but et que l’emploi de ses revenus ne pouvait l’exonérer de l’obligation de les déclarer.

e. Bien que la recourante n’y conclue pas, il sera observé qu’elle ne satisfait pas aux conditions d’une remise, faute pour elle d’avoir été de bonne foi.

f. Enfin, les arguments développés par la recourante en relation avec sa situation actuelle et notamment sa situation familiale, la création de son entreprise et sa demande d’autorisation de séjour sont sans incidence sur la présente cause.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

6) Vu la nature et l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA)

 

* * * * *

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 juin 2022 par Mme A______ contre la décision sur opposition de l’Hospice général du 5 mai 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mme A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :