Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/372/2022

ATA/437/2022 du 26.04.2022 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/372/2022-AIDSO ATA/437/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 avril 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Monsieur A______ est au bénéfice des prestations de l’Hospice général (ci-après : hospice) depuis septembre 2004.

À de nombreuses reprises, notamment les 11 septembre 2017, 15 août 2018, 11 juillet 2019 et 28 septembre 2020, il a signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » par lequel il s'est engagé, notamment, à donner immédiatement et spontanément à celui-ci toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, et de l’informer immédiatement et spontanément de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière et de rembourser toute aide indûment perçue.

2) M. A______ s’est, à plusieurs reprises, absenté de Suisse, sans prévenir son assistant social. Celui-ci lui a rappelé son obligation d’annoncer préalablement tout départ de Suisse afin que les prestations soient adaptées. M. A______ a cependant continué à ne pas se conformer à cette obligation, de sorte que son assistant social n’a, notamment, appris le 22 février 2018 qu’incidemment que le bénéficiaire ne s’était pas présenté à une séance d’information visant sa réinsertion professionnelle, car il s’était absenté à l’étranger pour une urgence familiale.

3) Selon le rapport d’enquête réalisée le 2 septembre 2019, l’intéressé s’est rendu au Nigéria du 29 septembre au 26 décembre 2017 ainsi qu’en mars 2018 et mars 2019 pour une durée indéterminée. Ce rapport a également fait état de comptes bancaires et salaires non déclarés à l’hospice.

M. A______ a ainsi fait l’objet d’une décision le 11 novembre 2019 de remboursement de prestations indûment perçues à hauteur de CHF 4'904.55.

4) M. A______ a annulé le rendez-vous avec son assistant social du 10 mars 2020 sans indication de motif.

5) À la suite de la pandémie, l’hospice a décidé de verser automatiquement ses prestations.

6) Par courriel du 29 avril 2020, M. A______ a informé son assistant social qu’il était « détenu par la pandémie ». Ce dernier a, en vain, cherché à le joindre par téléphone.

7) Le 11 juin 2020, M. A______ a transmis à l’hospice un certificat médical du Docteur B______, selon lequel le précité souffrait « d’importants problèmes de santé » dont il ne pouvait « plus parler en détail » et que l’état de santé de celui-ci ne lui permettait pas de se déplacer pour signer un avenant de bail.

8) Dans un courriel du 9 juillet 2020, M. A______ a indiqué à l’hospice qu’il était malade et lui demandait d’intervenir auprès de son bailleur pour signer un avenant, demande que l’assistant social a refusée, rappelant par ailleurs leur rendez-vous prévu le 23 juillet 2020.

Le 10 juillet 2020, l’intéressé a indiqué à l’hospice qu’il était hospitalisé. Son assistant social lui a alors demandé, par retour de courriel, de produire un certificat d’hospitalisation afin qu’il puisse faire le nécessaire auprès de la régie. À la réponse de M. A______ indiquant qu’il lui avait déjà transmis un certificat médical, l’assistant social a observé que le certificat au dossier n’attestait pas d’une hospitalisation et qu’il convenait de demander une telle attestation à un médecin ou au service social de l’hôpital.

M. A______ s’est insurgé contre ce dernier point, s’interrogeant si son assistant social sous-entendait que le médecin précité mentait ou le couvrait ou qu’il n’était pas malade. Celui-ci a répondu qu’il ne remettait pas en question le certificat médical déjà produit, mais avait besoin d’un certificat d’hospitalisation.

9) Le 12 juillet 2020, M. A______ a adressé à l’hospice un certificat médical du Dr B______ du 10 juillet 2020, selon lequel le patient était « dans l’impossibilité d’accomplir quelque tâche administrative que ce soit » et ne pouvait « se présenter physiquement à des rendez-vous pour l’instant, en raison d’une grave atteinte à son état de santé ».

10) Selon le « contrôle terrain » réalisé par le service des enquêtes de l’hospice au domicile de M. A______ les 20, 23, 28 et 30 juillet ainsi que les 5 et 21 août 2020, celui-ci n’a pas répondu à la porte. Il ne s’est pas non plus présenté aux rendez-vous fixés par le service précité les 27 août et 16 septembre 2020. Le 20 juillet 2020, sa boîte aux lettres débordait de courrier. L’avertissement de l’hospice, adressé par courrier recommandé du 27 août 2020, n’a pas été retiré.

11) M. A______ a repris contact avec l’hospice le 20 septembre 2020 en demandant la reprise de l’aide financière qui avait été suspendue dans l’attente qu’il se présente.

12) Selon le rapport du service des enquêtes du 29 septembre 2020, lors de la visite domiciliaire du 22 septembre 2020, M. A______ a déclaré qu’il avait été hospitalisé dans un « cabinet privé », restant évasif sur la durée de cette hospitalisation et refusant de communiquer le nom de l’hôpital. Des billets d’avion se trouvaient dans son appartement, notamment une réservation de vol au départ de Genève le 27 janvier 2020 à destination du Nigéria et un retour à Genève le 23 mars 2020. Un document indiquait un vol pour Genève le 10 septembre 2020 au départ de Lagos, et un visa de retour avait été établi le 20 juillet 2020 par le Consulat de suisse à Lagos.

Confronté à ces éléments, M. A______ avait concédé s’être rendu à Lagos en janvier 2020 pour rendre visite à sa famille et ses enfants et avoir séjourné sept à huit mois à l’étranger. Son état de santé s’était dégradé et il avait dû être hospitalisé, mais ne pouvait produire aucun justificatif de son hospitalisation. Après celle-ci, les aéroports avaient été fermés. Il n’avait pas voulu répondre à d’autres questions, faisant valoir le respect de sa vie privée.

Le rapport fait encore état de salaires de C______ SA perçus par l’intéressé pour les mois de juillet, août et septembre 2019, mais non déclarés à l’hospice.

13) Entendu le 28 septembre 2020, lors de son entretien périodique, au sujet du rapport précité, M. A______ a déclaré qu’il était parti en Afrique en janvier 2020 pour se marier, mais avait été bloqué sur place par la crise sanitaire. Il avait préféré ne rien dire à l’hospice en prétextant ne pas pouvoir quitter son domicile pour des raisons médicales. Son bail avait été résilié dès lors qu’il n’avait pas signé l’avenant ; il avait également caché son absence à la régie. Il présentait ses excuses à l’assistant social.

14) Par décision du 2 novembre 2020, l’hospice a réclamé à M. A______ la restitution de la somme de CHF 23'303.70 de prestations indûment perçues pendant son absence de Suisse et du fait qu’il n’avait pas déclaré les salaires versés par C______ SA de juillet à septembre 2019.

15) Par une autre décision, du 12 novembre 2020, devenue définitive, l’hospice a réclamé à M. A______ le remboursement de la somme de CHF 1'939.- représentant les prestations indûment perçues du fait qu’il n’avait pas annoncé les salaires perçus par un autre employeur de septembre à décembre 2019 sur un compte déclaré faussement comme clôturé.

16) Le 17 janvier 2022, l’hospice a rejeté l’opposition formée par M. A______ contre sa décision du 2 novembre 2021.

17) Par acte expédié le 1er février 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ a recouru contre cette décision. Il reconnaissait avoir omis de déclarer « certains petits montants » perçus lorsqu’il était en période d’essai. De mars à juin 2020, il était au Nigéria pour voir son « nouveau-né » et son épouse et n’avait, en raison de la pandémie, pas pu rentrer. Il n’avait pas inventé cette pandémie. Il était malade et était encore suivi médicalement. Il avait utilisé l’argent versé par l’hospice pour acheter des médicaments et le billet de retour. Il refusait de rembourser quoi que ce soit. Son absence avait été causée par la pandémie.

Il demandait de « reconsidérer » la décision de l’hospice, car son absence avait été « surnaturelle et inévitable ».

18) L’hospice a conclu au rejet du recours.

19) Le recourant ne s’est pas manifesté dans le délai imparti pour répliquer, de sorte que les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Bien que le recourant demande à la chambre de céans de « reconsidérer » la décision sur opposition, il ressort clairement de son acte qu’il demande l’annulation de ladite décision. Il convient donc d’examiner le bien-fondé de celle-ci.

2) a. Selon l’art. 1 al. 1, la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI – J 4 04) a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel.

b. Le demandeur doit fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). La LIASI impose ainsi un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 5a). Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a).

c. Selon l'art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2). Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l’enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d’une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l’obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/93/2020 précité consid. 3c et les références citées). Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c).

Le bénéficiaire de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LIASI). De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées).

d. En l’espèce, le recourant n’a pas signalé avant son départ le 27 janvier 2020 pour le Nigéria qu’il allait s’absenter de Genève. Par la suite, il a induit l’hospice en erreur en prétextant qu’il était malade à Genève et ne pouvait se déplacer. Il a également fait état d’une hospitalisation, laissant toujours entendre qu’elle aurait eu lieu à Genève. Or, ce n’est qu’après son retour du Nigéria et la visite effectuée par le service d’enquêtes de l’hospice à son domicile que, confronté par celui-ci aux documents trouvés dans son appartement faisant état de vols vers et depuis le Nigéria, le recourant a reconnu être parti pour Lagos en janvier 2020, puis avoir séjourné sept à huit mois au Nigéria.

Or, le recourant savait parfaitement qu’il avait l’obligation de signaler tout voyage à l’étranger parce que, d’une part, il avait pris l’engagement d’informer l’hospice de toute modification de sa situation personnelle. D’autre part, son assistant social lui avait expressément rappelé cette obligation en 2018. Il ne soutient d’ailleurs, à juste titre, pas qu’il ignorait qu’il aurait dû informer l’hospice de son voyage au Nigeria.

Par ailleurs, il a entretenu, pendant toute la durée de son absence, l’hospice dans l’idée qu’il était toujours à Genève.

Enfin, le recourant n’a pas non plus signalé les salaires réalisés en juillet, août et septembre 2019 auprès de C______ SA. Le fait que ceux-ci étaient modestes ne le dispensait pas, contrairement à ce qu’il soutient, de les porter à la connaissance de l’hospice. Derechef, il avait pris l’engagement de signaler immédiatement et spontanément toute modification relative à sa situation économique. Cette information était, à l’évidence, importante pour l’intimé dès lors qu’elle était susceptible d’influer sur le montant des prestations à verser.

En n’informant pas l’hospice, avant son départ pour le Nigéria, du voyage qu’il allait entreprendre ni du fait qu’il était demeuré dans ce pays près de sept à huit mois et en ne signalant pas non plus les revenus perçus entre juillet et septembre 2019 de C______ SA, le recourant a gravement violé son devoir de collaboration avec l’hospice. Ayant violé ce devoir, il ne peut se prévaloir de la condition de la bonne foi au sens de l’art. 42 LIASI.

Pour le surplus, la quotité du montant dont la restitution est demandée n’est pas contestée. Elle est, au demeurant, conforme aux pièces du dossier.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, le recourant succombant (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l’Hospice général du 17 janvier 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :