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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3309/2020

ATA/195/2021 du 23.02.2021 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3309/2020-AIDSO ATA/195/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 février 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1967, a déposé une demande de prestations d'aide sociale financière auprès de l'Hospice général
(ci-après : l'hospice) le 18 décembre 2018.

Il a déclaré être domicilié au B______, chez sa mère.

Il a par ailleurs signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » (ci-après : « Mon engagement ») et s'est engagé notamment à :

- donner immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l'établissement, notamment, de sa situation économique, en particulier toute information sur toute forme de revenu ou de fortune ;

- informer immédiatement et spontanément l'hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière, notamment de toute modification de sa situation économique ;

- rembourser à l'hospice toute prestation exigible à teneur des dispositions légales en vigueur.

2) Il a perçu des prestations financières de l'hospice dès le 1er janvier 2019.

3) a. Il a été entendu à plusieurs reprises, soit le 23 janvier 2019, le 28 janvier 2019, le 9 mai 2019, le 23 mai 2019, puis le 27 septembre 2019. Ces auditions faisaient notamment suite à divers contrôles sur le terrain des 23 janvier 2019, 9 mai 2019, 13 mai 2019, 24 septembre 2019 devant permettre de déterminer la réalité du domicile annoncé par l'intéressé.

Celui-ci a expliqué, de façon récurrente, rencontrer des difficultés financières importantes. Il a par ailleurs déclaré, selon les auditions, être sans abri, loger parfois chez son ex-femme, en France, et parfois chez sa fille, en France, étant précisé que ses affaires étaient stockées dans le garage de celle-ci. Il a indiqué, le 23 janvier 2019, que l'adresse au B______ était une adresse postale, puis le 28 janvier 2019 loger plutôt chez sa mère que chez les deux précitées.

b. Le rapport établi par l'inspecteur de l'hospice, le 13 mai 2019, relevait que, lors de l'entretien du 9 mai 2019, M. A______ avait, dans un premier temps, déclaré ne pas avoir de lieu de vie fixe et dormir chez sa mère, chez sa fille, chez son ex-épouse et chez son amie. Il n'avait pas souhaité donner d'autres informations.

Il était ensuite revenu sur ses déclarations et avait dit passer la majorité du temps chez son amie, depuis le mois de janvier 2019. Il dormait parfois chez sa mère. À titre d'exemple, depuis le 1er mai 2019, il n'y avait dormi que deux fois. Il dormait occasionnellement chez sa fille et allait chez son ex-épouse notamment pour tondre le gazon. Le rapport relevait que « Finalement, le bénéficiaire concède vivre en concubinage avec Madame C______, domiciliée D______ ». M. A______ avait proposé de présenter à l'inspecteur ce logement où il avait ses effets personnels.

Le même jour, s'était déroulée une visite domiciliaire chez Mme C______. Le logement était composé d'un salon, une cuisine, une salle de bains, un WC et deux chambres. L'une des chambres était occupée par le fils de Mme C______ tandis que la deuxième était occupée par le bénéficiaire et Mme C______. L'inspecteur avait pu constater que les effets personnels des deux intéressés s'y trouvaient. M. A______ avait confirmé les déclarations faites le 23 janvier 2019, mais avait précisé que la situation avait évolué depuis et qu'il faisait ménage commun avec Mme C______.

4) Le 23 mai 2019, l'hospice a sollicité différents documents de M. A______.

5) Le 24 mai 2019, Mme C______ a confirmé entretenir une relation avec M. A______. Elle contestait faire ménage commun avec celui-ci. Il était son ami et son « amant actuel ». Il lui arrivait de dormir chez elle, raison pour laquelle s'y trouvaient quelques-unes de ses affaires. Il ne s'agissait pas de concubinage. Il était toutefois exact qu'elle avait proposé à M. A______ de le loger pendant son stage aux E______, notamment pour des questions pratiques. Elle refusait de transmettre des informations la concernant à l'hospice.

6) a. Par décision du 12 juin 2019, l'hospice a sollicité de M. A______ le remboursement des prestations versées entre le 1er février et le 31 mai 2019, soit la somme de CHF 5'803.45, compte tenu de la situation de concubinage.

b. M. A______ a fait opposition à cette décision le 9 juillet 2019.

c. Par décision du 21 août 2020, le directeur de l'hospice a rejeté l'opposition précitée.

Le présent litige est dirigé contre cette décision.

7) a. M. A______ ayant affirmé vivre dorénavant effectivement au domicile de sa mère et sur la foi d'un document signé par celle-ci à l'intention de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) attestant dudit domicile sans contrepartie de loyer, l'aide financière a été poursuivie.

b. Elle a été supprimée par décision du 28 octobre 2019 au motif que le domicile et la résidence effective à Genève de M. A______ n'étaient pas établis. La restitution de CHF 6'593.30, correspondant aux prestations allouées du 1er juin au 31 octobre 2019 était réclamée.

c. Cette décision a été confirmée par décision sur opposition rendue par le directeur général de l'hospice le 4 février 2020.

d. N'ayant pas été contestée, cette décision est devenue définitive et exécutoire.

8) Le 21 septembre 2020, M. A______ s'est adressé à la direction de l'hospice. Il faisait suite à sa lettre du 21 août 2020 et l'informait être toujours sans travail et sans revenu. Les problèmes sanitaires avaient encore compliqué sa situation. Il regrettait de n'avoir plus droit à l'épicerie sociale et n'en comprenait pas les raisons. Il était injuste de lui réclamer de l'argent en le privant de prestations. « J'espère avoir le droit à l'épicerie au moins. Cela serait super. Je confirme mon opposition ».

9) Le 28 septembre 2020, l'hospice a demandé à M. A______ de préciser si le courrier précité valait recours et, pour le surplus, répondait à la question relative à l'épicerie sociale.

10) Dans le délai imparti, M. A______ a confirmé son opposition. Il effectuait de nombreuses recherches d'emploi, en vain. Il revenait sur la problématique de l'épicerie sociale.

11) Le 20 octobre 2020, l'hospice a transmis à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le courrier de M. A______ pour raison de compétence. Il précisait que l'intéressé n'était plus au bénéfice de prestations financières depuis le 31 octobre 2019, mais qu'il pouvait en tout temps déposer une nouvelle demande de prestations, laquelle donnerait lieu à une réévaluation de sa situation.

Pour le surplus, l'hospice a conclu au rejet du recours.

12) Dans sa réplique, le recourant a indiqué réaliser que certains de ses propos étaient erronés. Mme C______ avait lancé la totalité de ses affaires par-dessus le portail de la villa de sa mère B______. Il vivait désormais dans la rue. Il décrivait ses difficultés. Il laissait le numéro de téléphone auquel il était joignable et restait dans l'attente d'un rendez-vous « au plus pressé ».

13) Le 10 décembre 2020, l'hospice a transmis à la chambre de céans copie de son courrier à M. A______. Il lui rappelait que, s'il n'était pas en mesure de faire face à ses besoins essentiels, il pouvait, pour autant que sa résidence effective soit à Genève, prendre contact avec le centre d'action sociale de son lieu de résidence en vue de la réévaluation de sa situation.

14) a. Lors de l'audience du 21 janvier 2020, M. A______ a indiqué être toujours sans emploi malgré ses nombreuses recherches. Il avait un logement depuis le 15 janvier 2021, de trois mois en trois mois, au F______.

Précédemment, jusqu'en 2016 environ, il avait vécu avec son amie de l'époque à Annemasse. Suite à leur séparation, il s'était débrouillé pour se loger, sans avoir de domicile fixe. Il allait parfois chez son ex-femme, chez sa mère ou chez des amis divorcés. Il lui était arrivé de dormir dans sa voiture. Il n'avait pas caché à l'hospice le fait que Mme C______ était son amante, qu'il dormait chez elle de temps en temps, mais pas tous les soirs. Il n'avait pas de toit et ignorait à l'époque l'existence du Point-Virgule, qui aurait pu le dépanner. Il avait longtemps été réticent à demander de l'aide à l'hospice. Il n'avait jamais voulu frauder. Sa façon de procéder avait aussi permis qu'il ne « pique » pas un appartement à l'hospice.

Il ne savait pas pourquoi il n'avait pas parlé de Mme C______ à l'hospice. Le fait d'avoir une copine relevait de sa vie privée. Il était probable que l'hospice ne lui ait d'ailleurs pas posé la question. Il avait aidé Mme C______ à déménager à la suite d'une séparation et « c'était parti comme ça ». Il n'avait pas eu la clé de son appartement tout de suite, mais l'avait conservée pendant environ deux ans. Il n'avait pris que des habits et le strict nécessaire de toilette dans le logement de celle-ci, mais aucun meuble. Il n'y avait rien amené, à part un classeur bleu qui comprenait ses documents (lettres pour l'hospice, relevés de la Poste, documents d'assurance, principalement). Deux inspecteurs étaient venus visiter l'appartement à D______. Il leur avait montré les quelques habits qui étaient là et ils étaient repartis. Il lui arrivait de passer à la Coop, de trouver une action et de cuisiner le soir. Mme C______ ne l'avait jamais aidé financièrement.

b. L'hospice a confirmé que le recourant percevrait à nouveau des prestations dès janvier 2021 et a produit le décompte.

c. Mme C______ a précisé connaître M. A______ depuis très longtemps. Ils étaient amis d'enfance et ne s'étaient pas vus pendant
vingt-cinq ans. Ils avaient renoué en 2017, année pendant laquelle il l'avait aidée à déménager. Elle avait alors appris qu'il était sans domicile fixe et avait proposé de l'héberger afin qu'il puisse « se retourner ». À l'époque, elle ne souhaitait pas que le recourant soit là tout le temps car son fils était présent une semaine sur deux. M. A______ s'était débrouillé. Il avait toujours été très discret sur sa propre situation. Elle ne savait pas précisément où il allait, mais sauf erreur, parfois chez sa mère. Elle ne posait pas trop de questions. Elle ne se rappelait plus si à l'époque, il avait encore sa voiture, mais elle savait qu'il lui était arrivé d'y dormir, sans qu'elle ne parvienne à le situer dans le temps.

Elle confirmait la teneur de sa lettre du 24 mai 2019 au service de réinsertion professionnelle qui expliquait la situation. Ils ne partageaient rien, sauf le toit. Ils ne s'étaient pas « mis en couple ». Elle avait vécu vingt-cinq ans en couple et cela n'y ressemblait pas. Elle n'avait jamais voulu que la situation s'éternise. Elle l'avait beaucoup aidé dans ses demandes administratives. Elle souhaitait qu'il puisse aller de l'avant et s'était souvent disputée avec lui parce qu'elle « ne le voulait plus ». Elle avait voulu le mettre dehors en été 2019, puis en été 2020, et avait finalement réussi à ce qu'il lui rende les clés dès l'automne 2020. Elle avait vraiment voulu faire au mieux pour l'aider à rebondir. Il avait amené chez elle quelques habits, sa brosse à dents, du dentifrice. Il n'avait jamais amené de meubles.

Elle l'avait hébergé les premières fois en automne 2017. Dès 2018, il avait commencé « petit à petit à être là, tout le temps ou presque ». Son fils l'avait bien accepté. Ils ne partageaient aucune charge. Elle payait tout, comme si elle vivait seule. Il faisait toutefois régulièrement des courses. Cela la dépannait et lui rendait service. C'était donnant-donnant. Le principe était qu'elle ne voulait « pas mettre un centime ». Ce n'était pas à elle de l'entretenir. Elle préparait à manger pour son fils et elle, et il pouvait se joindre à eux. Il lui arrivait de cuisiner. Il lui rendait énormément service et faisait beaucoup de choses en contrepartie, notamment dans la maison, surtout du jardinage et assez souvent le ménage. Il était très serviable. En automne 2019, lorsqu'il n'avait plus eu de prestations de l'hospice, elle ne l'avait pas aidé financièrement, contrairement à la mère et la fille du recourant. Ils n'avaient pas partagé le même lit dès le début, mais la situation avait petit à petit évolué. M. A______ avait travaillé toute sa vie. Il avait malheureusement fait faillite, mais n'avait jamais rien demandé à personne. Elle l'avait poussé à demander des prestations financières de l'hospice et trouverait regrettable « qu'on ne l'aide pas ».

15) Dans le délai sollicité par l'hospice, celui-ci a persisté dans ses conclusions. M. A______ et Mme C______ avaient formé un couple de concubins au sens de l'art. 13 al. 4 de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04). La définition du concubinage en matière de LIASI correspondait pour l'essentiel à celle donnée en matière de droit privé par le Tribunal fédéral, à savoir une communauté de toit, de table et de lit. En revanche, la durée - et donc la stabilité - du concubinage n'était pas nécessaire à teneur de la LIASI. L'intention de former durablement un couple n'était pas une condition, seul étant déterminant le fait de faire vie commune. Or, il ressortait de l'audition de Mme C______ que le couple avait vécu ensemble, sous le même toit, pendant environ trois ans, soit approximativement de l'été 2017 à l'été ou automne 2020, ce qui résultait aussi des déclarations du recourant. Le fait qu'il n'ait pas apporté de meubles ou qu'il n'ait pas beaucoup d'effets personnels était indifférent, ce d'autant plus qu'en raison des difficultés qu'il avait connues depuis la faillite de son entreprise, il n'avait vraisemblablement plus beaucoup d'affaires. De surcroît, en offrant le gîte et le couvert à M. A______, Mme C______ lui assurait une partie de ses besoins courants.

L'audience avait aussi mis en évidence que le recourant avait donné plusieurs fois à l'hospice des informations erronées sur son lieu de résidence, lequel était en réalité celui de Mme C______ :

- le 18 décembre 2018 en indiquant dans la demande de prestations d'aide sociale financière qu'il résidait chez sa mère ;

- lors de son audition par le service des enquêtes le 23 janvier 2019 en déclarant qu'il logeait tantôt chez son ex-femme, tantôt chez sa fille ;

- le 28 janvier 2019 en réitérant auprès de son assistante sociale les propos tenus le 23 janvier 2019 à l'inspecteur ;

- lors de son audition le 9 mai 2019 par le service des enquêtes, en déclarant dans un premier temps ne pas avoir de lieu de vie fixe et dormir soit chez sa mère, soit chez sa fille, soit chez son ex-femme, soit chez son amie à D_______ ;

- lors de la poursuite de l'aide après la fin mai 2019, puisqu'il avait déclaré résider de manière effective chez sa mère, ce qui s'était avéré faux, comme constaté par le service des enquêtes le 24 septembre 2019.

Le fait qu'il vivait en ménage commun avec Mme C______ expliquait probablement qu'il n'ait pas contesté la décision du directeur général de l'hospice du 4 février 2020, mettant un terme à son droit à des prestations d'aide financière et lui réclamant la restitution de celles perçues indûment. Ce n'était qu'après la fin de sa vie commune avec Mme C______, soit le 21 septembre 2020, qu'il avait écrit à l'hospice qu'il vivait « un peu partout, à gauche, à droite » et espérait « avoir le droit à l'épicerie au moins ».

16) Le recourant ne s'étant pas manifesté dans le même délai, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 3 février 2021.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile et dûment transmis à la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/1718/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2 ; ATA/1243/2017 du 29 août 2017 consid. 2a ; ATA/518/2017 du 9 mai 2017 consid. 2a). Ainsi, une requête en annulation d'une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu'elle ne déploie pas d'effets juridiques (ATA/1243/2017 précité consid. 2a).

c. En l'espèce, le recourant n'a pas pris de conclusions formelles en annulation de la décision dans son recours du 21 septembre 2020. Il mentionne faire opposition à la décision. Il ne conteste toutefois pas le remboursement, mais allègue une situation financière difficile et non compatible avec une restitution des prestations perçues. La question de la recevabilité du recours souffrira toutefois de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

2) Le litige a trait à la demande de restitution des prestations d'aide financière accordées par l'intimé au recourant entre le 1er février et le 31 mai 2019, d'un montant total de CHF 5'803.45, lequel n'est pas contesté en tant que tel.

3) a. Aux termes de l'art. 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L'art. 39 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

b. En droit genevois, la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l'aide sociale individuelle sont l'accompagnement social, des prestations financières et l'insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n'est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d'aide financière. Celles-ci ne sont pas remboursables sous réserve notamment de leur perception indue (art. 8 al. 1 et 2 LIASI). Elles sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).

4) a. Le demandeur doit fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). La LIASI impose ainsi un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 5a).

Le document intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l'hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a).

b. Selon l'art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3). L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l'hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 5).

c. Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l'enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d'une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l'obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/93/2020 précité consid. 3c et les références citées).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2). Les bénéficiaires des prestations d'assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l'administration, notamment en ce qui concerne l'obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d'abus de droit. Si le bénéficiaire n'agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu'il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c). Il convient toutefois d'apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l'entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l'objet d'une demande de remboursement (ATA/947/2018 du 18 septembre 2018 consid. 3d).

5) Sont des concubins au sens de la LIASI les personnes qui vivent en union libre, indépendamment de la durée de leur union et du fait qu'ils aient un enfant commun (art. 13 al. 4 LIASI).

a. Sous réserve du critère de la durée qui n'est pas pertinent dans le cadre de la LIASI, cette définition correspond pour l'essentiel à celle du concubinage stable que donne, en matière de droit privé, le Tribunal fédéral (ATA/1143/2017 du 2 août 2017 consid. 6c ; ATA/423/2015 du 5 mai 2015 consid. 4c). Selon cette jurisprudence, il faut entendre par concubinage qualifié (ou concubinage stable) une communauté de vie d'une certaine durée entre deux personnes, à caractère en principe exclusif, qui présente une composante tant spirituelle que corporelle et économique, et qui est parfois également désignée comme communauté de toit, de table et de lit ; le juge doit dans tous les cas procéder à une appréciation de tous les facteurs déterminants, étant précisé que la qualité d'une communauté de vie s'évalue au regard de l'ensemble des circonstances de la vie commune (ATF 138 III 157 consid. 2.3.3 ; 118 II 235 consid. 3b).

b. Dans un arrêt de 2017, la chambre de céans a retenu que l'instruction menée ne permettait pas de tenir un concubinage pour établi à satisfaction de droit. L'audition du recourant et celle de son ex-compagne, ainsi que les pièces produites, permettaient de mieux comprendre leur passé respectif empreint de problèmes d'addiction, les circonstances dans lesquelles ils s'étaient connus et fréquentés puis séparés dans les années qui avaient précédé le litige. Elle permettait également d'admettre qu'entre eux, des liens affectifs et de solidarité importants aient pu subsister nonobstant leur séparation, qui avaient pu faire que son ex-compagne ait pu naturellement accepter d'abriter le recourant dans son appartement exigu, sans que cela implique qu'ils aient repris une vie commune et qu'ils doivent ainsi être considérés comme des concubins au sens de l'art. 13
al. 1 LIASI. Le témoignage d'une voisine, affirmant l'existence d'un concubinage sur la base d'une appréciation extérieure et les éléments rapportés par l'enquêteur de l'hospice cédaient le pas devant les explications plausibles de l'ex-compagne du recourant, sur les circonstances dans lesquelles elle l'avait accueilli comme un ami ou un frère, tandis qu'elle-même entretenait une relation affective avec une tierce personne. À tout le moins au bénéfice du doute, la version du recourant était retenue.

6) Le bénéficiaire de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LIASI). De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l'assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4).

Selon la jurisprudence de la chambre administrative, un assuré qui viole ses obligations d'informer l'hospice de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La bonne foi doit être niée quand l'enrichi pouvait, au moment du versement, s'attendre à son obligation de restituer parce qu'il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l'attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210 ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2011 du 13 février 2012 consid. 3).

7) a. En l'espèce, est litigieux le remboursement par le recourant de l'aide financière perçue du 1er janvier 2019 au 31 mai 2019.

b. Il ressort de l'instruction devant la chambre de céans et des pièces versées au dossier que le recourant n'avait ni bail à loyer ni domicile fixe depuis approximativement 2016. Il trouvait, depuis cette époque, des solutions de logement au gré des possibilités, dormant alternativement chez son ex-femme, chez sa mère, chez sa fille, chez des amis pouvant l'héberger, voire parfois dans sa voiture. La témoin avait offert de l'héberger à compter de l'automne 2017. Si au début, il est établi que, notamment compte tenu du fils de la témoin, l'intéressé ne séjournait pas quotidiennement chez cette dernière, celle-ci a indiqué que dès 2018, il avait commencé « petit à petit à être là tout le temps ou presque », le recourant ayant les clés de l'appartement.

Si, certes, la témoin n'assumait aucune charge financière pour le recourant, force est de constater que, pour la période litigieuse, soit le printemps 2019, elle l'hébergeait « presque tout le temps », lui offrant ainsi un toit. Les intéressés partageaient leur table, le recourant participant à l'achat de la nourriture. La témoin a par ailleurs indiqué un système « donnant-donnant » par lequel le recourant lui rendait service, notamment en faisant les courses, le ménage ou en s'occupant du jardin. Par ailleurs outre fournir le toit, la témoin a soutenu moralement et administrativement le recourant. Il a été intégré à sa cellule familiale et a ainsi entretenu de bonnes relations avec le fils de la témoin.

La LIASI précise que la durée n'est pas pertinente. En l'espèce, la relation entre les intéressés a perduré pendant de nombreux mois et plaiderait en faveur du concubinage.

Autre est la question de l'intention des intéressés de « former un couple », tous deux se qualifiant d'«amants ». Certes, ils indiquent ne pas avoir eu l'intention de vivre en couple, la témoin rajoutant que sa relation ne ressemblant pas à celle vécue précédemment, pendant vingt-cinq ans, et n'avoir jamais voulu que la situation s'éternise. Cet élément concrétise toutefois la communauté de lit, contrairement notamment à la jurisprudence de la chambre de céans précitée.

Dans ces conditions, la réalité de la communauté de toit, de table et de lit vécue pendant la période litigieuse par les intéressés est établie au sens de l'art. 13 al. 4 LIASI, ceux-ci entretenant de vrais rapports humains allant au-delà d'une relation purement sexuelle (ATF 109 II 15 consid. 1c).

c. Cette conclusion confirme celle qui ressort des enquêtes effectuées par l'intimé, l'intéressé ayant reconnu, en mai 2019, lors de son audition par l'autorité, vivre, depuis janvier 2019, auprès de son amie à Troinex en ménage commun.

Or, de jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/1211/2017 du 22 août 2017 consid. 8).

d. Dans ces conditions, le recourant a violé son obligation de renseigner et de collaborer avec l'hospice, contrevenant ainsi aux devoirs que lui imposait la LIASI. En effet, le recourant a donné des informations erronées à l'intimé pendant la période litigieuse puisqu'il n'était pas domicilié chez sa mère comme il l'avait allégué au moment du dépôt de sa requête. Il a d'ailleurs confirmé le 23 janvier 2020, qu'il ne s'agissait que d'une adresse postale, sans toutefois mentionner l'hébergement qui lui était offert par son amie, et en renouvelant des informations fausses au début de l'entretien du 9 mai 2019. L'intimé était par conséquent fondé à lui demander la restitution des montants versés entre le 1er février et le 31 mai 2019.

e. La violation du devoir de renseigner et de collaborer du recourant implique par ailleurs, au vu de la jurisprudence susmentionnée, qu'il ne remplit pas la condition nécessaire et cumulative de la bonne foi pour se voir octroyer une remise sur le montant dû. Le montant à rembourser ne peut dès lors pas être limité et doit porter sur l'entier des prestations allouées, comme ci-dessus mentionné.

Les conditions de remboursement pourront être discutées directement avec l'hospice, conformément à ce qu'il a indiqué dans ses dernières écritures.

Mal fondé, le recours sera rejeté en tant qu'il est recevable.

8) Vu la nature et l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette en tant qu'il est recevable le recours interjeté le 21 septembre 2020 par Monsieur  A______ contre la décision de l'Hospice général du 21 août 2020  ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :