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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/10222/2022

AARP/382/2024 du 23.10.2024 sur JTDP/654/2024 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : VIOLATION DE DOMICILE;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);ERREUR SUR LES FAITS(DROIT PÉNAL);ERREUR DE DROIT(DROIT PÉNAL)
Normes : CP.181; CP.186; CP.13; CP.21
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10222/2022 AARP/382/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 23 octobre 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/654/2024 rendu le 27 mai 2024 par le Tribunal de police,

et

C______, c/o Madame D______, ______, comparant en personne,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 27 mai 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de contrainte (art. 181 du code pénal [CP]) et de violation de domicile (art. 186 CP), l'a condamné à une peine pécuniaire de 50 jours-amende à CHF 50.-, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans) et à une amende immédiate de CHF 600.-, assortie d'une peine privative de liberté de substitution de 10 jours en cas de non-paiement, a rejeté ses conclusions en indemnisation et a mis à sa charge les frais de la procédure, arrêtés à CHF 1'570.-, y compris un émolument de jugement de CHF 600.-.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement, frais de la procédure à la charge de l'État.

b. Selon l'ordonnance pénale du 15 juin 2023, il est reproché à A______ d'avoir :

- le 27 mars 2022, changé les serrures de l'appartement qu'il sous-louait à C______, au 2ème étage de l'immeuble sis avenue 1______ no. ______, à E______, afin de l'empêcher d'y accéder et,

- du 27 mars au 5 avril 2022, pénétré dans et occupé sans droit ledit appartement, contre la volonté de C______.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 28 mars 2022, C______ s'est présenté à la police pour y déposer plainte. La veille, vers 17h00, il était arrivé au studio sis à l'avenue 1______ qu'il sous-louait depuis juillet 2021 à A______. Il y avait trouvé ce dernier qui lui avait demandé de payer un nouveau lit. Face à son refus, le ton était monté ; A______ lui avait asséné un coup de poing ainsi qu'un coup de tête au niveau de la bouche et lui avait planté un tournevis à l'arrière du genou gauche et sur les deux poignets. Un ami à lui (dont il a fourni les coordonnées téléphoniques), ainsi qu'un collègue de son agresseur, avaient été témoins de la scène. Depuis la veille, A______ avait changé le cylindre de l'appartement, le laissant à la rue, privé de ses affaires.

b. Le 21 avril 2022, C______ a derechef déposé plainte contre A______ pour violation de domicile, contrainte, soustraction d'objets et non-respect de l'ordonnance du Tribunal des baux et loyers (TBL) du 1er avril 2022.

Après avoir été expulsé par la force du studio, le 27 mars précédent, il avait obtenu une ordonnance du TBL et pu réintégrer les lieux le 4 avril suivant. Toutefois, le lendemain, vers 21h30, A______ était revenu, avait cassé la porte du logement et l'avait contraint à partir et à contacter la police, qui avait dû intervenir à deux reprises dans la soirée. Par ailleurs, en réintégrant son logement, il avait constaté que divers biens lui appartenant avaient disparu. Il a précisé à la police que tout courrier pouvait lui être adressé chez sa mère, de manière à ce que "les correspondances ne soient pas subtilisées par des tiers".

c. Le 5 mai 2022, A______ a, à son tour, déposé plainte pénale contre C______ pour faux dans les titres.

Il avait effectivement, en juillet 2021, sur une base orale, sous-loué un studio à C______, pour retourner temporairement vivre auprès de son ex-épouse, leur fils étant malade. Rapidement, son locataire avait cessé de payer avec régularité le loyer convenu de CHF 1'300.- et lui-même avait découvert fortuitement qu'il sous-louait l'appartement à des tiers. Il avait donc décidé de mettre un terme à la sous-location et avait fait appel à la police pour déloger l'indésirable. Ce dernier avait toutefois obtenu du TBL de pouvoir réintégrer le logement, en produisant un faux contrat de bail et de fausses quittances de loyer en falsifiant sa signature.

A______ a produit à l'appui de ses allégués les documents produits devant le TBL, soit un contrat de bail, conclu pour une durée échéant le 5 juillet 2022, ainsi que des quittances pour les loyers d'août à décembre 2021, mars et avril 2022.

d. Entendu par la police, puis par le Ministère public (MP), A______ a expliqué que C______ ne s'acquittait plus du loyer depuis janvier 2022, ce qui le mettait lui-même dans une situation précaire, vu son faible revenu. En février 2022, il s'était rendu au studio et avait donné à son locataire un délai d'un mois pour quitter les lieux. Le 27 mars 2022, il était revenu pour l'expulser, ce dont il pensait avoir le droit, mais C______ était absent et un inconnu lui avait ouvert. Sur appel de cet ami, C______ était arrivé après une vingtaine de minutes. Comme il ne voulait ni payer les arriérés de loyer, ni partir – vraisemblablement car il logeait chez son amie et sous-louait l'appartement à un ami –, le ton était monté et ils avaient tous deux appelé la police, que lui-même était allé attendre au bas de l'immeuble. Un ami du quartier l'y avait vu et était venu discuter avec lui, mais n'était toutefois pas monté, ni n'avait assisté au conflit, contrairement à ce que prétendait C______. À l'arrivée des agents, il leur avait montré son contrat de bail, et la police avait, non sans mal, fait sortir C______ du logement, en lui disant qu'il avait une semaine pour récupérer ses affaires. Lui-même avait réintégré celui-ci, changé les serrures et effectué des travaux de peinture. Il n'avait jamais frappé son locataire, ni ne lui avait dérobé quoi que ce soit. Cinq jours plus tard, C______ était revenu avec une ordonnance du TBL lui faisant interdiction d'occuper le studio. Il était désormais à la rue, mais s'acquittait toujours du loyer du logement auprès de la régie, étant précisé que celle-ci avait résilié le bail pour le 31 juillet 2023 et que lui-même ignorait si C______ y résidait toujours.

Devant le TP, il a contesté l'infraction de contrainte, affirmant que C______ n'était pas revenu au studio après le changement de serrures.

e. C______ a, devant la police, soutenu qu'il s'acquittait régulièrement du loyer, ainsi qu'en témoignait l'ordre de paiement du 27 mai 2022 afférant au loyer du mois en cours. Après avoir dû quitter l'appartement, il avait été logé par l'Hospice général à l'hôtel, jusqu'à ce qu'il puisse réintégrer les lieux, en présentant l'ordonnance rendue le 1er avril 2022 sur mesures superprovisionnelles par le TBL. Toutefois, le 5 avril 2022, A______ était revenu en cassant la porte et il avait fallu deux interventions de la police pour le déloger.

Bien que dûment convoqué à l'adresse qu'il avait donnée chez sa mère – qui figure aussi, au titre de son adresse principale, sur le procès-verbal d'audition de la police –, il ne s'est pas présenté aux audiences de confrontation et sur opposition devant le MP, ni à celle de jugement devant le TP.

f. Dans son rapport du 2 juin 2022, la police a confirmé avoir été appelée, le 27 mars 2022 en fin d'après-midi, afin de régler un conflit entre A______, locataire du logement, et C______, sous-locataire non-officiel de celui-ci. Sur place, le premier nommé leur avait expliqué être venu réclamer les loyers impayés et demander à son locataire de partir ; après une discussion animée, ce dernier était "venu contre lui" et il l'avait repoussé en défense. De son côté, C______ avait accusé son bailleur de lui avoir asséné un coup de tête, mais aucune trace de blessure n'était constatable de part et d'autre. Le numéro de téléphone de l'ami de C______ fourni par ce dernier n'était pas valable et il n'avait donc pas été possible de joindre ce témoin. Aucune précision ne figure dans ce rapport concernant la manière dont C______ aurait été contraint de quitter l'appartement.

g. Devant le TP, un ami de A______, F______, a témoigné du fait qu'il avait, un jour, accompagné ce dernier, à sa demande, pour aller récupérer l'argent du loyer du studio. C______ était absent et un tiers leur avait ouvert. Appelé, le locataire leur avait dit qu'il ne paierait pas le loyer. Par la suite, deux policiers étaient arrivés et, sur présentation du contrat de bail, avaient assuré à A______ qu'il pouvait rentrer chez lui et récupérer son appartement. Dans les jours qui avaient suivi, il avait aidé son ami à s'y réinstaller. À son souvenir, A______ y était resté une dizaine de jours, avant qu'il doive à nouveau le quitter. Depuis lors, il n'avait plus le moral, devant loger çà et là et ayant, en outre, des problèmes avec la régie.

h. Par ordonnance du 15 juin 2023, le MP a classé les infractions de lésions corporelles simples et de vol, ainsi que de dommages à la propriété, violation de domicile et contrainte survenus le 5 avril 2022 dont A______ était accusé et a donné acte à ce dernier de sa renonciation à toute indemnité fondée sur l'art. 429 CPP.

Il a par ailleurs condamné C______ du chef de faux dans les titres, la signature de A______ figurant sur le contrat de bail et les quittances produits devant le TBL étant manifestement falsifiée.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Dans son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions, réclamant pour le surplus à l'État le versement d'une indemnité pour tort moral de CHF 2'000.-.

C______ avait été contraint de quitter le logement par la police et l'avait réintégré en présentant de faux documents au TBL. Son locataire ayant conservé les clés de la boîte aux lettres, lui-même n'avait en effet eu connaissance de l'ordonnance du TBL que lorsque l'intéressé s'était présenté à sa porte pour la lui présenter. À cette suite, lui-même avait immédiatement quitté les lieux, ce qui démontrait qu'il était une personne respectant la loi. C______ avait continué d'occuper le studio (en le mettant à disposition de ses connaissances) les arriérés de loyer s'élevant à CHF 24'700.-.

Sa condamnation ne reposait ainsi que sur les déclarations de C______. Or, lui-même avait fourni au MP et au TP des éléments suffisants pour prouver ses allégués, étant rappelé qu'il avait sollicité, le 13 juillet 2022, l'audition des policiers. Sa bonne foi était indiscutable, puisqu'il s'était fié à la décision de la police pour réintégrer le studio et se trouvait dans un état de confusion (factuel et juridique) sur son droit de reprendre l'appartement.

En tout état, ni les éléments constitutifs de la contrainte, ni ceux de la violation de domicile, n'étaient réalisés, puisqu'il n'avait pas usé de violence envers C______ et que ce dernier n'était qu'un pur usurpateur sans droit, preuve en état sa condamnation pour avoir produit un faux contrat de bail, alors que le contrat oral qu'ils avaient passé était limité dans le temps et conditionné au paiement du loyer.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel. Selon la jurisprudence, le comportement de A______ réalisait les infractions de violation de domicile et de contrainte. Le fait que le contrat de sous-location était de durée déterminée et que C______ ne s'acquittait pas du loyer n'était pas de nature à modifier ce constat. L'appelant ne pouvait par ailleurs prétendre avoir réintégré l'appartement de bonne foi, du simple fait que la police l'y avait autorisé.

d. Le TP se réfère à son jugement.

e. Les courriers recommandés adressés à C______, que ce soit au domicile de sa mère ou à l'adresse du no. ______, rue 1______, n'ont pas été retirés et il ne s'est pas manifesté dans le cadre de la procédure d'appel.

D. A______ est né le ______ 1976 en Tunisie, pays dont il est ressortissant. Il est divorcé et père d'un enfant de 14 ans. Il réalise, en qualité de ______ auprès de la mission permanente de G______ à Genève, un revenu mensuel de CHF 3'255.65, prime de fin d'année et cotisation trimestrielle pour l'assurance maladie en sus. Il verse une pension mensuelle de CHF 300.- pour l'entretien de son fils, complétée par un montant compris entre CHF 150.- et CHF 200.- pour l'entretien de son ex-épouse. Il vit chez un ami auquel il paie CHF 650.- par mois de loyer, le bail du studio litigieux ayant été résilié pour fin avril 2024, pour défaut de paiement du loyer. Il a expliqué qu'il devait fournir à son employeur, chaque année, un extrait de son casier judiciaire et qu'une condamnation l'exposait au risque de perdre son travail et, conséquemment, son permis de séjour.

E. Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant 2h30 d'entretien avec le client, 2h40 pour la relecture du dossier et la rédaction de la déclaration d'appel, et 8h00 pour celle du mémoire d'appel.

En première instance, il a été indemnisé à hauteur de CHF 4'797.55 pour une vingtaine d'heures d'activité.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse [Cst.] et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_519/2018 du 29 août 2018 consid. 3.1 et 6B_377/2018 du 22 août 2018 consid. 1.1).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 138 V 74 consid. 7 ; 127 I 38 consid. 2a ; 124 IV 86 consid. 2a).

2.2.1. L'art. 186 CP, punit, sur plainte, quiconque, d’une manière illicite et contre la volonté de l’ayant droit, aura pénétré dans une maison, dans une habitation, dans un local fermé faisant partie d’une maison, dans un espace, cour ou jardin clos et attenant à une maison, ou dans un chantier, ou y sera demeuré au mépris de l’injonction de sortir à lui adressée par un ayant droit.

Cette infraction est incorporée dans le Titre quatrième, réprimant les crimes et délits contre la liberté. Plus particulièrement, le bien protégé est la liberté du domicile qui comprend la faculté de régner sur des lieux déterminés sans être troublé et d'y manifester librement sa propre volonté. La liberté du domicile appartient donc à celui qui a le pouvoir de disposer des lieux que ce soit en vertu d'un droit réel ou personnel ou encore d'un rapport de droit public (ATF 118 IV 167 consid. 1c ; 112 IV 31 consid. 3).

En concluant un contrat de bail, le bailleur renonce à son droit au domicile, de sorte que, pendant la durée du contrat, seul le locataire, respectivement le sous-locataire, dispose de la qualité d'ayant droit au sens de l'art. 186 CP, qualité qu'il conserve aussi longtemps qu'il n'a pas quitté les lieux, quand bien même il y demeure sans droit. La violation du contrat de bail à loyer par le locataire touche en effet aux prétentions de droit civil du bailleur et du propriétaire, mais n'empiète pas sur la sphère privée qui est l'objet de la liberté de domicile protégée par le droit pénal. Dans de tels cas, le bailleur ne pourra donc avoir recours qu'aux moyens offerts par la procédure civile et le droit de la poursuite pour dettes et faillite (ATF 118 IV 167 consid. 1c ; 112 IV 31 consid. 3 ; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 21 ad art. 186; F.-R. STRASSER, Squatters et violation de domicile : réponses données à quelques idées reçues, in AJP/PJA 8/93 pp 929-940, p. 935).

2.2.2. La violation de domicile n'est punissable que si elle est commise intentionnellement. L'intention comprend la conscience du fait que l'on pénètre ou que l'on demeure contre la volonté de l'ayant droit ; les mobiles de l'auteur importent peu (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n° 45 ad art. 186). Le dol éventuel suffit (art. 12 al. 2 CP ; ATF 108 IV 33 consid. 5c).

Il y a dol éventuel lorsque l'auteur, qui ne veut pas le résultat dommageable pour lui-même, envisage le résultat de son acte comme possible et l'accepte au cas où il se produirait, mais également lorsque le résultat dommageable s'impose à l'auteur de manière si vraisemblable que son comportement ne peut raisonnablement être interprété que comme l'acceptation de ce résultat (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3 ; 133 IV 9 consid. 4.1 ; 131 IV 1 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_718/2017 du 17 janvier 2018 consid. 2.1).

2.3.1. L'art. 181 CP vise, du chef de contrainte, quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

Le fait, pour un bailleur, de changer les serrures d'un appartement pour empêcher le locataire d'y pénétrer, mettant de la sorte, de facto, une fin prématurée au contrat de bail, est constitutif de contrainte au sens de cette disposition (arrêt du Tribunal fédéral 6B_334/2023 du 16 août 2023 consid. 3.3). Cela vaut y compris lorsque le bail a été résilié, mais qu'une procédure en contestation du congé est pendante (arrêts du Tribunal fédéral 4A_499/2013 du 4 février 2014 consid. 3.3.3 et 6B_8/2010 du 29 mars 2010 consid. 2.2.2).

2.3.2. Sur le plan subjectif, il faut que l'auteur ait agi avec conscience et volonté, soit au moins qu'il ait accepté l'éventualité que le procédé soit illicite et entrave le destinataire dans sa liberté de décision (ATF 120 IV 17 consid. 2c). Le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_406/2020 du 20 août 2020 consid. 2.1).

2.4. L'appelant invoque l'erreur sur les faits et sur l'illicéité.

2.4.1. Selon l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était évitable.

L'erreur sur l'illicéité vise le cas où l'auteur agit en ayant connaissance de tous les éléments constitutifs de l'infraction, et donc avec intention, mais en croyant par erreur agir de façon licite. La réglementation relative à l'erreur sur l'illicéité repose sur l'idée que le justiciable doit faire tout son possible pour connaître la loi et que son ignorance ne le protège que dans des cas exceptionnels. Pour exclure l'erreur de droit, il suffit que l'auteur ait eu le sentiment de faire quelque chose de contraire à ce qui se doit ou qu'il eût dû avoir ce sentiment. La possibilité théorique d'apprécier correctement la situation ne suffit pas à exclure l'application de l'art. 21 1ère phrase CP. Ce qui est déterminant c'est de savoir si l'erreur de l'auteur peut lui être reprochée. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que seul celui qui avait des "raisons suffisantes de se croire en droit d'agir" pouvait être mis au bénéfice de l'erreur sur l'illicéité. Une raison de se croire en droit d'agir est "suffisante" lorsqu'aucun reproche ne peut être adressé à l'auteur du fait de son erreur, parce qu'elle provient de circonstances qui auraient pu induire en erreur toute personne consciencieuse (arrêt du Tribunal fédéral 6B_716/2018 du 23 octobre 2018 consid. 1.1). Le caractère évitable de l'erreur doit être examiné en tenant compte des circonstances personnelles de l'auteur, telles que son degré de socialisation ou d'intégration (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1102/2015 du 20 juillet 2016 consid. 4.1).

Le renseignement ou l'instruction par une autorité compétente peut suffire pour admettre l'erreur sur l'illicéité (ATF 116 IV 56 consid. 3a ; 98 IV 279 consid. 2a).

2.4.2. Agit sous l'emprise d'une erreur sur les faits, celui qui n'a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d'un élément constitutif d'une infraction pénale. L'intention de réaliser la disposition pénale en question fait alors défaut. Dans une telle configuration, l'auteur doit être jugé selon son appréciation erronée, si celle-ci lui est favorable (13 al. 1 CP). La délimitation entre erreur sur les faits et erreur de droit ne dépend pas du fait que l'appréciation erronée porte sur une question de droit ou des faits. Est une erreur sur les faits, et non une erreur de droit, non seulement celle portant sur les éléments descriptifs, mais également l'appréciation erronée des éléments de nature juridique constitutifs de l'infraction (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 et 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_943/2019 du 7 février 2020 consid. 4.1).

2.5. En l'espèce, l'appelant admet qu'il a sous-loué son studio à l'intimé. Le fait qu'il s'y soit rendu à plusieurs reprises pour discuter avec ce dernier atteste du fait que celui-ci y résidait. Que l'intimé ait pu loger occasionnellement chez son amie et/ou, à son tour, sous-louer de temps à autres le logement à des tiers, ne permet dès lors pas de lui dénier la qualité d'ayant droit des lieux.

Du propre aveu de l'appelant, l'intimé lui a par ailleurs clairement fait comprendre qu'il n'avait pas l'intention de quitter les lieux.

En réintégrant ce logement après en avoir fait expulser l'intéressé par la police, l'appelant a donc réalisé les éléments constitutifs tant objectifs que subjectif de l'infraction de violation de domicile. La présentation, par l'intimé, de documents falsifiés au TBL pour obtenir une ordonnance qui lui soit favorable, n'y change rien, le fait que le contrat de bail liant les parties n'ait été conclu qu'oralement n'affectant pas sa validité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_415/2017 du 31 octobre 2017 consid. 3.3).

En changeant les serrures de l'appartement, empêchant de facto l'intimé d'y revenir, l'appelant a par ailleurs réalisé les éléments constitutifs de l'infraction de contrainte, celle-ci ne nécessitant pas, contrairement à ce qu'il semble soutenir, d'usage de violence et l'intimé ayant manifestement été entravé dans sa liberté d'action, puisqu'il a été contraint d'agir en justice pour recouvrer la possession de son domicile.

Au vu de ces éléments, l'existence d'une erreur sur les faits au sens de l'art. 13 CP doit être niée.

L'appelant prétend avoir été autorisé à reprendre possession des lieux par la police et n'avoir donc eu ni conscience, ni volonté de commettre un acte illicite, moyen qui relève de l'art. 21 CP.

Le rapport de police du 2 juin 2022, s'il confirme le conflit entre les parties, la qualité de locataire de l'appelant et celle de "sous-locataire non-officiel" de l'intimé, ne précise toutefois pas l'issue de celui-ci. Il ne mentionne en particulier pas que les agents auraient assuré au premier nommé qu'il pouvait reprendre possession de l'appartement et au second qu'il devait libérer les lieux.

Le rapport ne mentionne par ailleurs pas l'existence de témoins et, entendu par la police, l'appelant a reconnu que l'ami croisé en bas de l'immeuble n'était pas monté et n'avait pas assisté à l'altercation. Compte tenu de cet élément et de la proximité entre l'appelant et ce dernier, les déclarations de F______ devant le premier juge doivent être examinées avec circonspection et ne sauraient, à elles seules, suffire à attester de la véracité de la version de l'appelant.

À cela s'ajoute que l'appelant, qui vit depuis plus de dix ans en Suisse, ne saurait soutenir s'être cru de bonne foi en droit d'agir comme il l'a fait. Il eût à tout le moins dû avoir un doute quant à la licéité de son comportement et s'en assurer au préalable, par exemple auprès de l'association suisse des locataires (ASLOCA), dont la compétence est de notoriété publique.

L'erreur de droit doit dès lors également être niée.

La culpabilité de l'appelant des chefs de violation de domicile et de contrainte doit dès lors être confirmée.

3. 3.1. Les infractions de contrainte et de violation de domicile sont toutes deux punies d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

3.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.3. Si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion (art. 49 al. 1 CP).

3.4. Aux termes de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

Pour l'octroi du sursis, le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 ; ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2).

3.5. Selon l'art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus d'une peine avec sursis, une amende selon l'art. 106 CP.

L'amende immédiate se justifie lorsque le sursis peut être octroyé, mais que, pour des motifs de prévention spéciale, une sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis paraît mieux à même d'amener l'auteur à s'amender (ATF 134 IV 60 consid. 7.3). Pour tenir compte du caractère accessoire des peines cumulées, il se justifie en principe d'en fixer la limite supérieure à un cinquième, respectivement à 20%, de la peine principale (ATF 135 IV 188 consid. 3.3 et 3.4.4).

3.5. En l'espèce, la faute de l'appelant est de gravité moyenne. Plutôt que de suivre les procédures mises en place pour obtenir le paiement du loyer et/ou le départ de son locataire, il a préféré se faire justice lui-même.

Il y a par ailleurs concours d'infractions.

À sa décharge, l'on tiendra compte du fait que les arriérés de loyer accumulés par l'intimé le plaçaient dans une situation financière difficile et que lui-même, à la suite des faits, s'est retrouvé sans logement.

L'absence d'antécédent a quant à elle un effet neutre sur la peine.

Au vu de ce qui précède, le choix d'une peine pécuniaire apparaît adéquat. Celle-ci sera ainsi fixée à 30 jours-amende pour la violation de domicile et à 20 jours-amende pour l'infraction de contrainte (peine théorique : 30 jours-amendes).

Le montant du jour-amende n'est pas remis en cause par l'appelant.

Le sursis, dont les conditions sont au demeurant réalisées, lui est acquis.

Ni le principe, ni le montant de l'amende immédiate ne sont discutés, de sorte qu'elle sera confirmée.

L'appel sera ainsi entièrement rejeté.

4. 4.1. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure d'appel envers l'État, lesquels comprennent un émolument de CHF 1'000.- (art. 428 CPP).

4.2. Vu l'issue de l'appel, ses prétentions en indemnisation fondées sur l'art. 429 CPP seront rejetées.

5. 5.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire de CHF 200.- pour un chef d'étude (let. c.), débours de l'étude inclus. En cas d'assujettissement, l'équivalent de la TVA est versé en sus.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS / F. BOHNET (éds), Commentaire romand, Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA), 2ème éd. Bâle 2022, n. 257 ad art. 12).

5.2. En l'occurrence, une seule conférence avec le client, d'une durée de 60 minutes, apparaît justifiée, s'agissant d'une procédure écrite ne présentant aucun élément nouveau par rapport à la procédure de première instance. Pour les mêmes motifs, il ne sera pas tenu compte de la relecture intégrale du dossier, l'affaire ne présentant pas de complexité particulière et étant supposée connue de l'avocat, pour avoir été plaidée en première instance. La rédaction de la déclaration d'appel est quant à elle comprise dans le forfait (ordonnance de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2014.51 du 21 novembre 2014 consid. 2.1 ; décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.165 du 24 janvier 2014 consid. 4.1.3 et BB.2013.127 du 4 décembre 2013 consid. 4.2).

En conclusion, la rémunération sera arrêtée à CHF 2'334.95 TTC, correspondant à neuf heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (1h00 d'entretien et 8h00 pour la rédaction du mémoire d'appel, soit CHF 1'800.-), plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 360.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 8.1% (CHF 174.95).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/654/2024 rendu le 27 mai 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/10222/2022.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'195.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.

Arrête à CHF 2'334.95 TTC le montant des honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel (art. 135 CPP).

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de contrainte (art. 181 CP) et de violation de domicile (art. 186 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 50 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 50.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 600.- (art. 42 al. 4 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 10 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Prend acte de ce que l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______ a été fixée à CHF 4'797.55 pour la première instance (art. 135 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 970.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

(…)

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de A______".

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Sara GARBARSKI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'570.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

120.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'195.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'765.00