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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/20719/2021

AARP/171/2024 du 16.05.2024 sur JTCO/33/2023 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION DE RENVOI;FIXATION DE LA PEINE;CONCOURS D'INFRACTIONS
Normes : CP.47; CP.49.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20719/2021 AARP/171/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 16 mai 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la Prison B______, ______, comparant par Me C______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTCO/33/2023 rendu le 17 mars 2023 par le Tribunal correctionnel,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé,

 

statuant à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_1329/2023 du 19 février 2024 admettant partiellement le recours de A______ contre l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision AARP/370/2023 du 17 octobre 2023.


EN FAIT :

A. a. Par acte d'accusation du Ministère public (MP) du 21 décembre 2022, il était reproché à A______ ce qui suit :

Au domicile conjugal, à Genève, du 17 mars 2008 à avril 2021, il a régulièrement contraint D______, son épouse, à subir des actes sexuels vaginaux et anaux, en la saisissant par les poignets, les bras et les mains, et en la traînant à terre du canapé jusqu'au lit, l'empêchant de la sorte de s'échapper, alors qu'elle se débattait et le repoussait avec ses mains, était en pleurs et lui répétait ne pas vouloir, qu'il devait la laisser tranquille, arrêter et la lâcher. Après s'être débattue, elle se laissait parfois faire afin d'avoir la paix et permettre à ses enfants de dormir. Pour la contraindre, il l'a aussi placée dans un état d'impuissance en la menaçant régulièrement de la frapper si elle ne se laissait pas faire, ainsi qu'en la traitant de "salope", de "pute" et d'"ordure" durant les actes. Par ses coups, injures, menaces de mort et pressions psychiques durant toute la durée de leur mariage, il a plus généralement placé D______ dans un état de faiblesse psychologique et dans une situation sans espoir, de frayeur et de dépendance émotionnelle et sociale propre à la faire céder et la rendre incapable de s'opposer à tout acte sexuel contraint (ch. 1.2 et 1.3 de l'acte d'accusation).

Au domicile conjugal, du 1er janvier 2014 à avril 2021, il a régulièrement donné à D______ des gifles, des coups de poing et de pied sur l'ensemble de son corps. Il l'a rabaissée psychologiquement en la menaçant de mort, en l'injuriant quotidiennement dans les termes précédemment cités et en la dénigrant, soit en lui répétant qu'elle était folle, moche, grosse, qu'elle ne valait rien et ne savait rien faire. Il lui a, de la sorte, causé des hématomes, des lombalgies, de l'hypertension artérielle, des crises d'angoisse et des douleurs importantes tant physiques que psychiques (ch. 1.4).

Au domicile conjugal, du 1er janvier 2014 à avril 2021, il a régulièrement menacé D______ en lui disant que si elle parlait à quelqu'un de ce qu'il lui faisait subir ou si elle déposait plainte, il la tuerait, ce qui l'a effrayée (ch. 1.5).

Entre avril et octobre 2021, il a téléphoné à D______ cinq à six fois par jour. Il l'a parallèlement suivie, observée, surveillée et attendue à réitérées reprises devant son nouveau domicile et son lieu de travail sis à Genève. Le 11 octobre 2021, il s'est même caché dans une tente devant son adresse professionnelle, puis a saisi D______ par le bras à sa sortie. Il a en outre sonné à sa porte, à tout le moins, à trois reprises. Par ces agissements, il a voulu la forcer à lui parler et à réintégrer le domicile conjugal, ce qui l'a terrorisée, empêchée de sortir de chez elle par peur et forcée à modifier ses trajets afin de l'éviter, notamment en empruntant différentes sorties de son lieu de travail (ch. 1.6).

Lors de l'audience du 10 août 2022 au MP, à Genève, il a traité E______, son fils, de "mongol", de "pervers" et de "porc" (ch. 1.7).

b. Par jugement du 17 mars 2023, le Tribunal correctionnel (TCO) a condamné A______ à une peine privative de liberté de huit ans, sous déduction de la détention avant jugement subie, pour viol (art. 190 al. 1 du code pénal [CP]), contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP), lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 CP), menaces (art. 180 al. 1 et 2 CP), ainsi que contrainte (art. 181 CP), et à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 30.- l'unité, pour injure (art. 177 al. 1 CP). Le TCO a ordonné l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de dix ans. Il l'a condamné à verser à D______ CHF 77.76, CHF 25'000.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 17 mars 2015, et CHF 13'126.25 au titre d'indemnités pour la réparation du dommage matériel, la réparation du tort moral et ses frais de défense. Les premiers juges ont aussi condamné A______ aux frais de la procédure en CHF 12'898.70 et rejeté ses conclusions en indemnisation.

c. Aux termes de sa déclaration d'appel, A______ a conclu, frais à la charge de l'État, à son acquittement des chefs de viol et de contrainte sexuelle, à ce que la peine privative de liberté soit arrêtée à deux ans et a également contesté sa condamnation à réparer le tort moral de D______.

d. La Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), dans son arrêt AARP/370/2023 du 17 octobre 2023, a rejeté l'appel formé par A______ contre le jugement du 17 mars 2023.

e. Par arrêt 6B_1329/2023 du 19 février 2024, le Tribunal fédéral (TF) a partiellement admis le recours de A______, lequel concluait, avec suite de frais et dépens, au bénéfice d'une responsabilité restreinte et à sa condamnation à une peine privative de liberté à dire de justice, mais d'une quotité maximale de deux ans, sous déduction de sa détention avant jugement, assortie du sursis total, ou du moins, du sursis partiel.

e.a. Le TF a annulé l'arrêt de la CPAR du 17 octobre 2023 et lui a renvoyé la cause pour nouvelle décision dans le sens de son considérant 1.6, à savoir :

"1.6. En l'occurrence, force est de constater que la cour cantonale aurait dû, conformément à la jurisprudence, dans un premier temps, fixer une peine de base pour l'infraction abstraitement - d'après le cadre légal - la plus grave, soit en l'occurrence le viol et, dans un second temps, augmenter cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions pour laquelle une peine privative de liberté était envisagée - soit la contrainte sexuelle, les lésions corporelles simples, les menaces et la contrainte -, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives. C'est ainsi à tort qu'elle s'est contentée de relever la peine "à huit ans pour tenir compte du concours d'infractions", sans mentionner de combien la peine était augmentée pour chacune des infractions.

Le recours doit dès lors être admis sur ce point et la cause renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle fixe la peine à nouveau conformément à l'art. 49 al. 1 CP et à la jurisprudence y relative."

e.b. Pour le surplus, le TF a rejeté le recours, confirmant dans ses considérants 2.2 et 2.3 que "la cour cantonale pouvait sans arbitraire se rallier au résultat de l'expertise, étant pour le surplus rappelé qu'une consommation excessive d'alcool ne restreint pas nécessairement la responsabilité" et que "[l'appelant] s'en prenait à son épouse indépendamment de son état d'ivresse, de sorte que l'on ne voit pas pourquoi le fait qu'il ait été souvent alcoolisé lors des faits reprochés justifierait une diminution de sa peine."

B. Les faits encore pertinents au stade du renvoi par le TF sont ceux retenus par le Tribunal de première instance, auxquels il est renvoyé (art. 82 al. 2 du code de procédure pénale [CPP]), puis dans l'arrêt du 17 octobre 2023 et résumés en ces termes par le TF :

"B.f. A______ et D______ se sont mariés en 1983 en Espagne et ont eu deux enfants, E______, né en 1983, et F______, née en 1991. La famille s'est installée à Genève en 1983.

En avril 2021, D______ a fui le domicile conjugal et s'est installée chez sa fille.

Le 13 octobre 2021, D______ a porté plainte à la police pour dénoncer ce harcèlement ainsi que la violence subie de son époux durant la vie commune, ce qu'elle n'avait pas osé faire plus tôt. Le 25 octobre 2021, A______ a été placé en détention provisoire.

B.g. Par jugement du 14 décembre suivant, le tribunal de première instance a autorisé les époux à vivre séparés, attribué à D______ la jouissance exclusive du domicile conjugal, que cette dernière a réintégré plus tard, et fait interdiction à A______ de la contacter et de s'approcher d'elle à moins de 100 mètres.

B.h. Le 20 juin 2022, un rapport d'expertise psychiatrique de A______ a été rendu par deux experts, dont les conclusions sont les suivantes.

A______ avait souffert d'un trouble anxieux phobique de fin 2018 à octobre 2021, d'un syndrome de dépendance à l'alcool de fin 2018 à octobre 2021 et d'un épisode dépressif d'intensité variable entre fin 2018 et mars 2021. Le trouble anxieux et l'épisode dépressif, de sévérité moyenne, constituaient un grave trouble mental. Le syndrome de dépendance à l'alcool était de sévérité modérée.

Les actes reprochés n'étaient pas en relation directe avec l'état mental et l'addiction de A______. Sa responsabilité était pleine et entière.

Il présentait un risque de récidive élevé d'infraction contre la vie et l'intégrité corporelle, au vu de sa dépendance à l'alcool, bien que sa consommation n'influençât pas directement le passage à l'acte, de l'ancienneté et de la répétitivité des délits de nature à la fois physique, psychique et sexuelle, de la négation de son comportement et de sa récente attitude de harcèlement.

Les faits reprochés n'étant pas en rapport direct avec un état mental pathologique, il n'y avait pas lieu de se prononcer sur une mesure thérapeutique susceptible de diminuer le risque de récidive.

B.i. Titulaire d'un permis C, A______ est né en 1961 en Espagne, pays dont il est originaire et où vivent son père et ses sœurs. Il est sans formation et ne possède pas de diplôme. Il a exercé divers emplois dans la restauration, la conciergerie et une station-service jusqu'en 2007. Il a ensuite travaillé comme indépendant dans le domaine du nettoyage des voitures jusqu'en janvier 2019. Il est depuis lors en arrêt maladie. Il perçoit une rente de l'assurance-invalidité de 1'825 fr. par mois et il bénéficiait avant son incarcération d'une prise en charge médicale et psychiatrique. Il fait l'objet de poursuites pour des frais de fourrière et des primes d'assurance impayées.

Il est suivi médicalement pour le traitement d'un diabète et voit un psychologue chaque semaine. Il n'est pas en mesure de dire si cela l'aide. Il ne travaille pas et n'a plus de contacts avec le monde extérieur, de sorte qu'il est sans nouvelles de sa famille en Espagne et de ses enfants. Il n'a pas de projets d'avenir et y réfléchira à sa sortie de prison.

L'extrait de son casier judiciaire suisse est vierge."

C. a. Invité à se déterminer après le prononcé de l'arrêt du TF, A______ conclut, au terme de son mémoire d’appel, au prononcé d'une peine privative de liberté à dire de justice, mais d'une quotité maximale de deux ans et 11 mois [recte : neuf mois], sous déduction de sa détention avant jugement, assortie du sursis partiel, la peine ferme devant être équivalente à la durée de la détention provisoire, frais de la procédure à la charge de l'État.

Pour l'infraction de viol, il y avait lieu de retenir une peine privative de 30 mois, à laquelle devaient s'ajouter deux mois pour les lésions corporelles simples et un mois pour les menaces et la contrainte, ces deux infractions pouvant être analysées ensemble dès lors que sa faute au regard de la contrainte était moindre.

b. Le MP conclut à ce que A______ soit condamné à une peine privative de liberté de huit ans, ainsi qu'aux frais de la procédure.

La faute du prévenu pour l'ensemble des infractions reprochées était très importante. Il avait agi, dans le but égoïste d'assouvir ses pulsions sexuelles, à de nombreuses reprises sur une période très longue de plus de 12 ans, ceci en usant envers son épouse, qui se trouvait dans un état de dépendance émotionnelle et sociale, de la force, de la violence, de la menace et de pressions psychique pour briser sa résistance. Les lésions corporelles simples et les menaces avaient été perpétrées par le prévenu durant sept ans afin de soulager des colères non maîtrisées et de faire valoir son autorité par la violence physique et psychique. Ces actes avaient eu une influence particulièrement néfaste sur l'intégrité psychique et le quotidien de la victime, laquelle se sentait en sécurité uniquement sur son lieu de travail. Il avait démontré une absence totale de compassion, étant rappelé que le syndrome de dépendance à l'alcool dont il souffrait n'influençait en rien sa responsabilité pleine et entière. Durant la procédure, il s'était enfermé dans le déni, en accablant sa famille et ne reconnaissant aucun aspect de sa faute. Les experts avaient ainsi retenu un risque élevé de récidive d'infractions contre la vie et l'intégrité corporelle pouvant être réduit par la sanction et les mesures d'éloignement. Sa situation personnelle n'expliquait en rien ses agissements. Enfin, les infractions de contrainte, témoignaient de l'importante et persistante volonté criminelle de l'appelant puisqu'il avait continué, durant six mois, à harceler téléphoniquement et physiquement son épouse à proximité de son nouveau domicile et de son lieu de travail, dans le but égoïste de la forcer à lui parler et à réintégrer le domicile conjugal.

Enfin, les arrêts fédéraux invoqués par l'appelant à titre de comparaison ne concernaient pas des faits identiques et n'étaient pas pertinents, car rendus sur le seul recours des prévenus.

Seules des peines privatives de liberté fermes entraient en considération pour punir l'intégralité des infractions précitées. Une peine de quatre ans et demi apparaissait ainsi appropriée pour l'infraction de viol, abstraitement la plus grave, laquelle devait être augmentée de deux ans et demi (peine hypothétique de trois ans et demi) pour celle de contrainte sexuelle, de six mois (peine hypothétique de huit mois) pour les lésions corporelles simples, de trois mois (peine hypothétique de quatre mois) pour la contrainte et de trois mois (peine hypothétique de quatre mois) pour les menaces.

D. Me C______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel postérieure à l'arrêt du Tribunal fédéral, facturant, sous des libellés divers, 5h30 d'activité de cheffe d'étude.

EN DROIT :

1. 1.1. Un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral lie l'autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée, laquelle voit sa cognition limitée par les motifs dudit arrêt, en ce sens qu'elle est liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral (ATF 104 IV 276 consid. 3b ; 103 IV 73 consid. 1) et par les constatations de fait qui n'ont pas été attaquées devant lui ou l'ont été sans succès (ATF 131 III 91 consid. 5.2). Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis, même implicitement, par ce dernier. L'examen juridique se limite donc aux questions laissées ouvertes par l'arrêt de renvoi, ainsi qu'aux conséquences qui en découlent ou aux problèmes qui leur sont liés (ATF 135 III 334 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_588/2012 du 11 février 2013 consid. 3.1 ; 6B_534/2011 du 5 janvier 2012 consid. 1.2).

La motivation de l'arrêt de renvoi détermine dans quelle mesure la cour cantonale est liée à la première décision, décision de renvoi qui fixe aussi bien le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique (ATF 135 III 334 consid. 2).

1.2. En l’espèce, le recours au TF n'a porté que sur la fixation de la peine. Le verdict de culpabilité tout comme les conclusions civiles sont ainsi acquis et n’ont pas à être réexaminés à ce stade de la procédure.

2. 2.1. L'infraction de viol (art. 190 al. 1 CP) est réprimée par une peine privative de liberté d'une durée d'un à dix ans et celle de contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP) d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire. La peine menace prévue par les infractions de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 CP), de menaces (art. 180 al. 1 et 2 CP) et de contrainte (art. 181 CP) est une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire.

2.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

La décision doit exprimer les éléments essentiels relatifs à l'acte ou à l'auteur pris en compte, de manière à ce que l'on puisse constater que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens aggravant ou atténuant (art. 50 CP). Elle peut passer sous silence les éléments qui, sans abus du pouvoir d'appréciation, apparaissent non pertinents ou d'une importance mineure. La motivation doit cependant justifier la peine prononcée, en permettant de suivre le raisonnement adopté. Le juge n'est toutefois pas tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentages l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite (ATF 144 IV 313 consid. 1.2 ; 136 IV 55 consid. 5.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_553/2014 du 24 avril 2015 consid. 3.5.3).

2.2.2. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

L'exigence, pour appliquer l'art. 49 al. 1 CP, que les peines soient de même genre, implique que le juge examine, pour chaque infraction commise, la nature de la peine à prononcer pour chacune d'elles (ATF 147 IV 241 consid. 3.2). Le prononcé d'une peine d'ensemble en application du principe de l'aggravation contenu à l'art. 49 CP n'est ensuite possible que si le juge choisit, dans le cas concret, le même genre de peine pour sanctionner chaque infraction commise. Que les dispositions pénales applicables prévoient abstraitement des peines du même genre ne suffit pas. Si les sanctions envisagées concrètement ne sont pas du même genre, elles doivent être prononcées cumulativement. La peine privative de liberté et la peine pécuniaire ne sont pas des sanctions du même genre. Lorsqu'il s'avère que les peines envisagées concrètement sont de même genre, l'art. 49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement - d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner - la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1 et 1.1.2 ; 127 IV 101 consid. 2b).

Un concours réel, permettant l'application de l'art. 49 al. 1 CP, doit être admis lorsque l'auteur réalise les éléments constitutifs de la même infraction à plusieurs reprises ou lorsqu'il commet plusieurs infractions différentes (ATF 144 IV 217 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1175/2017 du 11 avril 2018 consid. 2.4).

2.2.3. Compte tenu des nombreux paramètres qui interviennent dans la fixation de la peine, une comparaison avec des affaires concernant d'autres accusés et des faits différents est d'emblée délicate. Il ne suffit pas que le recourant puisse citer un ou deux cas où une peine particulièrement clémente a été fixée pour prétendre à un droit à l'égalité de traitement (ATF 123 IV 49 consid. 2e ; 120 IV 136 consid. 3a). Les disparités en cette matière s'expliquent normalement par le principe de l'individualisation des peines, voulu par le législateur ; elles ne suffisent pas en elles-mêmes pour conclure à un abus du pouvoir d'appréciation. Ce n'est que si le résultat auquel le juge de répression est parvenu apparaît vraiment choquant, compte tenu notamment des arguments invoqués et des cas déjà examinés par la jurisprudence, que l'on peut parler d'un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2 ; 135 IV 191 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_353/2016 du 30 mars 2017 consid. 3.2).

2.3.1. En l'espèce, la faute du prévenu est très lourde. Avec lâcheté, il s'en est pris à de très nombreuses reprises à la libre détermination en matière sexuelle de son épouse, à son intégrité physique et à sa liberté. Il a sans vergogne tiré profit de sa supériorité physique, entretenant un climat de violence et de terreur au sein de leur couple. À cela s'ajoutent encore les infractions de contrainte, qui reflètent elles aussi le mépris total de l'appelant à l'égard de sa conjointe. Les problèmes de santé attestent des conséquences sérieuses sur la victime.

La période pénale de 13 ans, mais avec une parenthèse d'un peu plus d'une année, pour les viols et les contraintes sexuelles et de sept ans, interrompue de manière identique, pour les lésions corporelles simples et les menaces est particulièrement longue et certaines occurrences sont parfois intervenues à un rythme soutenu, le prévenu agissant tant en l'absence qu'en présence de leurs enfants. La fréquence des lésions corporelles s'est même intensifiée durant les deux dernières années de vie commune. Sa détermination a donc été extrêmement forte, ce d'autant plus qu'il a fait fi de la résistance tentée par son épouse. Il n'a interrompu ses agissements que durant le lourd traitement de la maladie de sa victime et ne les a cessés que lorsqu'elle a finalement fui le domicile en avril 2021, entreprenant dès cet instant plusieurs actes de contrainte jusqu'à son arrestation au mois d'octobre suivant.

Ses mobiles, soit la satisfaction de ses pulsions sexuelles, une colère mal maîtrisée et un excès d'autorité, sont purement égoïstes. Sa situation personnelle favorable n'explique pas ses agissements.

Il n'y a pas lieu de tenir compte d'une quelconque réduction de la responsabilité de l'appelant (voir supra let. A.e.b in fine), le TF (consid. 2.2 et 2.3) ayant retenu que "la cour cantonale pouvait sans arbitraire se rallier au résultat de l'expertise, étant pour le surplus rappelé qu'une consommation excessive d'alcool ne restreint pas nécessairement la responsabilité" et qu'il "s'en prenait à son épouse indépendamment de son état d'ivresse, de sorte que l'on ne voit pas pourquoi le fait qu'il ait été souvent alcoolisé lors des faits reprochés justifierait une diminution de sa peine".

La collaboration du prévenu s'est révélée particulièrement mauvaise, celui-ci ayant persisté à contester les faits reprochés encore en appel. Il n'a fait montre d'aucune prise de conscience et n'a manifesté aucune forme d'empathie à l'égard de son épouse.

L'appelant n'a pas d'antécédent judiciaire, ce qui constitue toutefois un facteur neutre sur la fixation de sa peine.

C'est ainsi à raison que les premiers juges ont prononcé une peine privative de liberté, seule envisageable, pour l'ensemble des actes, vu leur gravité et le risque de récidive élevé relevé par les experts, conclusion qu'il n'y pas lieu de remettre en cause (voir supra).

L'appelant ne saurait s'appuyer sur les jurisprudences fédérales et cantonales citées en comparaison pour se prévaloir d'une peine réduite. En effet, les actes dont il a été reconnu coupable traduisent, sur une période bien plus longue que celles retenues dans la grande majorité de ces arrêts, une intensité criminelle particulièrement forte au vu de la gravité des infractions commises à de multiples reprises, également largement supérieures en nombre.

Il y a concours réel parfait entre les infractions de viols, de contraintes sexuelles, de lésions corporelles simples, de menaces et de contraintes, mais aussi entre chaque occurrence, de sorte qu'il convient de fixer une peine d'ensemble en application du principe de l'aggravation contenu à l'art. 49 al. 1 CP. Les viols et/ou les contraintes sexuelles, les lésions corporelles simples et les menaces ont été perpétrés à raison de deux à trois fois par semaine, voire quasi quotidiennement pour les lésions corporelles entre avril 2019 et avril 2021, ainsi qu'à réitérées reprises s'agissant des infractions de contraintes. Les différent actes séparés et ponctuels commis, qui se sont déroulés à des moments différents durant plusieurs années, ne forment aucune unité d'action (ATF 132 IV 49 consid. 3.1.1.3 ; 131 IV 83 consid. 2.4.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_664/2015 du 18 septembre 2015 consid. 1.3). Ces occurrences feront néanmoins l'objet d'une seule sous-peine d'ensemble pour chacune des infractions précédemment citées, dans la mesure où il est impossible, ni même souhaitable, de les recenser avec plus de précision.

2.3.2. Ayant à l'esprit les différents éléments de la faute susmentionnés, mais aussi le considérant 1.6 de l'arrêt de renvoi du TF, la CPAR juge que les infractions de viols, abstraitement les plus graves, doivent être sanctionnées d'une peine privative de liberté de 48 mois. Cette peine doit être aggravée de 30 mois (peine hypothétique de 36 mois) pour les contraintes sexuelles, de neuf mois (peine hypothétique de 12 mois) pour les lésions corporelles simples, de six mois (peine hypothétique de huit mois) pour les menaces et de trois mois (peine hypothétique de quatre mois) pour les contraintes.

Partant, la peine privative de liberté de huit ans, soit 96 mois, telle qu'arrêtée par les premiers juges, sera confirmée.

La détention subie avant jugement sera déduite de la peine (art. 51 CP).

2.3.3. Par conséquent, l'appel sera rejeté et le jugement entrepris confirmé.

Vu le quantum de la peine, il n'y a pas lieu de revenir sur le refus de sursis, même partiel.

3. 3.1.1. Selon l'art. 428 al. 1 première phrase CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. Pour déterminer si une partie succombe ou obtient gain de cause, il faut examiner dans quelle mesure ses conclusions sont admises en deuxième instance (arrêts du Tribunal fédéral 6B_136/2016 du 23 janvier 2017 consid. 4.1.2 ; 6B_1025/2014 du 9 février 2015 consid. 2.4.1).

3.1.2. Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours et renvoie la cause à la juridiction d'appel cantonale pour nouvelle décision, il appartient à cette dernière de statuer sur les frais sur la base de l'art. 428 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1367/2017 du 13 avril 2018 consid. 2.1).

Les frais de la procédure d'appel postérieure à un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral doivent être laissés à la charge de l'État si l'autorité d'appel doit revoir favorablement sa décision à la suite de l'arrêt de renvoi (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1367/2017 du 13 avril 2018 consid. 2.1).

3.2.1. En l'espèce, le verdict de culpabilité étant confirmé, il ne se justifie pas de revoir les frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui resteront à la charge de l'appelant.

3.2.2. Le verdict de culpabilité demeurant également inchangé suite au renvoi, par le TF, de la cause à la CPAR, l'appelant sera condamné aux frais de la procédure d'appel postérieure à l'arrêt du TF, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.- (art. 428 CPP et art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

3.2.3. La répartition des frais de la procédure d'appel antérieure à l'arrêt du TF ne nécessite pas non plus d'être revue au vu du présent arrêt, étant précisé qu'aucun desdits frais n'a été engagé inutilement ou de manière erronée.

4. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me C______, défenseure d'office de A______, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

Sa rémunération sera partant arrêtée à CHF 1'308.-, correspondant à 5h50 d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 1'100.-) plus la majoration forfaitaire de 10% (CHF 110.-), au vu de l'activité déjà indemnisée, et l'équivalent de la TVA au taux de 8.1% en CHF 98.-.

5. Le TF ayant annulé l'arrêt du 17 octobre 2023, le dispositif de cette décision sera repris dans son intégralité.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Prend acte de l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_1329/2023 du 19 février 2024 annulant l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision AARP/370/2023 du 17 octobre 2023.

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTCO/33/2023 rendu le 17 mars 2023 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/20719/2021.

Le rejette.

Ordonne le maintien de A______ en détention pour des motifs de sûreté.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel antérieure à l'arrêt du Tribunal fédéral, en CHF 2'695.-, qui comprennent un émolument de CHF 2'500.-.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel postérieure à l'arrêt du Tribunal fédéral, en CHF 1'155.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______.

Condamne A______ à verser à D______ une indemnité de CHF 1'585.- pour ses frais de défense en appel.

Arrête à CHF 2'062.50, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me C______, défenseure d'office de A______, pour la procédure d'appel antérieure à l'arrêt du Tribunal fédéral.

Arrête à CHF 1'308.-, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me C______ pour la procédure d'appel postérieure à l'arrêt du Tribunal fédéral.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de viol (art. 190 al. 1 CP), de contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP), de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 CP), de menaces (art. 180 al. 1 et 2 CP), de contrainte (art. 181 CP) et d'injure (art. 177 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 8 ans, sous déduction de 509 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de 10 ans (art. 66a al. 1 let. h CP).

Dit que l'exécution de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Ordonne, par prononcé séparé, le maintien en détention pour des motifs de sûreté de A______ (art. 231 al. 1 CPP).

Condamne A______ à payer à D______ un montant de CHF 77.76, à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO).

Condamne A______ à payer à D______ un montant de CHF 25'000.- avec intérêts à 5% dès le 17 mars 2015, à titre de réparation du tort moral (art. 47/49 CO).

Ordonne le versement à la procédure des documents médicaux et notes figurant sous chiffres 1 à 3 de l'inventaire n° 2______ du 30 mars 2022.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Condamne A______ à verser à D______ un montant de CHF 13'126.25, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Déclare caduque la demande d'assistance judiciaire déposée le 16 mars 2023 par D______.

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 12'898.70, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 8'599.40 l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP)."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Service de l'application des peines et mesures.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

12'898.70

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision avant TF

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

60.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

2'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'695.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision après TF

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'000.000

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'155.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

16'748.00