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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/22340/2021

AARP/80/2024 du 27.02.2024 sur JTCO/60/2023 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : VIOL;ACQUITTEMENT;IN DUBIO PRO REO
Normes : CP.190
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22340/2021 AARP/80/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 27 février 2024

 

Entre

A______, partie plaignante, comparant par Me B______, avocate,

appelante et intimée sur appel joint,

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant sur appel joint et intimé sur appel principal,

 

contre le jugement JTCO/60/2023 rendu le 24 mai 2023 par le Tribunal correctionnel,

 

et

C______, domicilié c/o D______, ______, comparant par Me E______, avocate,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 24 mai 2023 par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) a acquitté C______ de viol (art. 190 CP), l'a déboutée de ses conclusions civiles, a statué sur le sort des objets séquestrés et laissé à la charge de l'État les frais de la procédure.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant principalement à ce que C______ soit déclaré coupable de viol, condamné en tous les frais et dépens de la procédure ainsi qu'à lui verser CHF 15'000.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 15 novembre 2021, en réparation du tort moral subi, subsidiairement à ce que l'action civile soit admise dans son principe et à son renvoi à agir par la voie civile, puis, en tout état, à ce qu'elle soit exemptée de l'émolument de mise au rôle.

Le Ministère public (MP) forme appel joint et conclut à ce que C______ soit reconnu coupable de viol, condamné à une peine privative de liberté de trois ans, avec sursis partiel, la partie ferme devant être fixée à 12 mois et le solde assorti d'un délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à son expulsion du territoire suisse pour une durée de cinq ans, frais de la procédure à sa charge.

b. Selon l'acte d'accusation du 7 mars 2023, les faits suivants, commis à Genève, sont reprochés à C______ :

Le 15 novembre 2021, entre 17h00 et 21h30, dans la maison où il résidait, sise au chemin 1______ no. ______, [code postal] F______ [GE], avec d'autres colocataires, dont A______, il a intentionnellement contraint celle-ci à subir des actes sexuels ou d'ordre sexuel, soit des baisers, des caresses sur sa poitrine, respectivement une pénétration vaginale avec son sexe, sans préservatif, incluant une éjaculation, malgré les refus qu'elle a exprimés, en utilisant la force physique dans le but de la faire céder et de l'empêcher de fuir, en la plaçant également dans une situation de pression psychologique, alors qu'il s'était rendu compte qu'elle n'était pas consentante dès lors qu'elle pleurait, lui disait non et tentait de le repousser.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Colocation

a.a. La maison sise chemin 1______ no. ______, à F______, gérée par l'Hospice général, est répartie sur trois étages : un sous-sol comprenant une buanderie et deux chambres, un rez-de-chaussée qui se compose de deux chambres (n° 5 et 6), d'une salle de bain et des parties communes, soit la cuisine, la salle à manger et le salon, ainsi qu'un premier étage comprenant quatre chambres (n° 1 à 4) et deux salles de bain, une pour les femmes et une pour les hommes.

a.b. Au moment des faits, cette résidence était occupée par plusieurs colocataires, nés entre 1974 et 2000, répartis de la façon suivante :

- dans les deux chambres du sous-sol : G______ et ses deux filles mineures, H______ et I______, depuis septembre 2021 ;

- au rez-de-chaussée : J______ depuis le 1er octobre 2021 (chambre n° 5) et C______ ainsi que son épouse, K______, depuis mi ou fin septembre 2021 (chambre n° 6) ;

- au 1er étage : A______ depuis début octobre 2021 (chambre no 1, en face des chambres no 3 et 4), L______ depuis fin octobre 2021 (chambre no 3) et M______ dès septembre 2021 (chambre no 4, adjacente à celle du précité). La chambre no 2, voisine de celle de A______, était vacante.

La résidence était mal insonorisée et les habitants pouvaient s'entendre à travers les murs de leurs chambres respectives (procès-verbal de l'audition de police de L______, pp. 4 et 6 ; procès-verbal du TCO pp. 21 et 22 ; cf. extraction du téléphone portable de K______).

a.c. A______ a créé, le 5 octobre 2021, un groupe WhatsApp intitulé "______" regroupant tous les habitants de la colocation, à l'exception de K______, laquelle a été ajoutée au groupe par H______ une heure après la création de celui-ci, et de L______ que A______ a ajouté le 1er novembre 2021, après son arrivée au sein de la colocation (cf. extraction du téléphone portable de K______).

Ce groupe a été principalement utilisé pour gérer la colocation et les tâches communes. Organisant des rencontres, A______ rendait des services aux autres colocataires, lesquels mangeaient parfois ensemble et se retrouvaient le soir, lors d'apéritifs spontanés (procès-verbal du TCO pp. 15, 17, 19 et procès-verbal d'appel p. 14). Selon L______, A______ souhaitait développer des liens avec tous les colocataires pour qu'il y ait une bonne entente. Elle était gentille mais spéciale, cherchait à devenir son amie et lui parlait comme s'il était son fils. Alors qu'il venait de s'installer dans la maison, elle lui avait envoyé un message pour lui dire qu'elle lui avait préparé à manger, ce qu'il avait trouvé étrange (procès-verbal de l'audition de police de L______, pp. 3 et 6).

Le 12 octobre 2021, A______ s'est plainte d'un manque général de savoir-vivre, si bien qu'elle a organisé une séance le lendemain entre les colocataires. Le surlendemain, elle s'est excusée pour sa crise de nerf ; sa situation était difficile, elle était affaiblie et sur la défensive mais il ne fallait pas "prendre ses réactions pour de la folie" (cf. extraction du téléphone portable de K______).

Durant la colocation, J______ avait remarqué que c'était une période difficile pour A______, qui était triste de la séparation avec son mari et de ne pas vivre avec ses filles (procès-verbal d'appel, p. 15). Selon N______, leur séparation avait été compliquée et son épouse noyait "peut-être un peu son chagrin dans l'alcool" (pièces B-34 et B-37). Pour K______, A______ faisait régulièrement des crises de nervosité, dont notamment deux en sa présence en lien avec l'utilisation d'ustensiles de cuisine et de la buanderie, car elle avait sorti son linge de la machine à laver, sans l'en informer. Cette dernière n'allait psychologiquement pas bien car elle "explosait" dès que quelqu'un lui faisait une quelconque remarque. Elle lui avait également confié s'être disputée avec son époux et que ce dernier ne voulait pas qu'elle réintègre le logement familial en raison de son état (pièce B-44). M______ avait également remarqué que A______ était fragile, vivant une période difficile et ayant des réactions excessives, comme la fois où elle avait crié et pleuré car K______ avait sorti son linge (procès-verbal du TCO, p. 17).

Le matin du 17 octobre 2021, A______ a envoyé sur le groupe une photographie d'une araignée sur un mur, ce à quoi M______ a répondu "Women versus wild". A______ a rétorqué qu'elle était remontée dans sa chambre.

Le 23 octobre 2021, à 15h45, J______ a échangé sur le groupe avec H______ en lui demandant de baisser le son de sa musique ("La personne qui se croit dans the voice pourrait baisser le volume svp") car il avait l'impression qu'elle chantait juste derrière sa porte ("Ouii j’ai l’impression tu chantes derrière ma porte wesh"), ce à quoi la précitée a répondu que cela n'était pas le cas, qu'elle ignorait qu'il était à la maison et qu'elle allait arrêter.

Le 7 novembre 2021, A______ a indiqué à travers le groupe de discussion à ses voisins qu'elle était rentrée chez elle et qu'elle ne reviendrait que ponctuellement. Par-devant le TCO, elle a confirmé qu'elle avait dû passer à tout le moins une nuit au logement familial.

C______ a quitté le groupe le 5 novembre 2021 et K______ le 9 suivant.

b. Intervention de la police

b.a. Le lundi 15 novembre 2021, à 21h42, sur demande de N______, la mineure I______ a contacté la centrale d'urgence de la police et indiqué qu'une femme, se trouvant au premier étage de la maison qu'elle occupait, était hystérique en raison d'une consommation excessive d'alcool.

Une quinzaine de minutes plus tard, à 21h59, N______ a contacté à nouveau la centrale d'urgence. Il avait retrouvé son épouse, A______, dont il était séparé, à terre dans la colocation, baignant dans son urine. Elle lui avait indiqué avoir été violée par C______.

À 22h05, la police est intervenue au sein de la colocation et a interpellé le précité. A______, dénudée, se trouvait sur son lit dans sa chambre en compagnie des ambulanciers et hurlait des propos incohérents. Après avoir indiqué aux policiers qu'elle s'était faite violer par son colocataire prénommé C______, elle a été acheminée à la maternité pour effectuer un constat de lésions traumatiques.

Un string et un bas de training humides, retrouvés sur la penderie de la chambre de A______, ont été saisis. Le caleçon porté par C______ lors de son interpellation a également été séquestré.

A______ présentait un taux d'alcoolémie de 0.82 mg/l (1.64‰) à 22h15 et C______ de 0.36 mg/l (0.72‰) à 23h00.

b.b. Les deux mineures H______ et I______, J______ et K______ étaient présents dans la maison lors de l'intervention de la police.

Les deux premières étaient rentrées vers 16h00 sans avoir rien entendu, alors que J______ ainsi que K______ l'avaient fait vers 21h00. Selon cette dernière, son époux dormait dans leur chambre à son arrivée.

c. Rapports d'expertise

c.a. À teneur des rapports d'expertise établis par le Centre universitaire romand de médecine légale les 24 février et 9 décembre 2022, accompagnés de dossiers photographiques, un examen gynécologique a été effectué le 16 novembre 2021, à 05h30, sur A______ et un constat de lésions traumatiques le même jour, à 09h40, sur C______. A______ a été directement prise en charge par le médecin gynécologue, en particulier s'agissant de la prévention des maladies sexuellement transmissibles, d'une contraception d'urgence, ainsi que d'une prise en charge psychologique. Aucune lésion traumatique n'a été mise en évidence au niveau de la sphère génitale et anale de la patiente. La survenance d'un rapport sexuel ne pouvait pas être affirmée ni infirmée. Une ecchymose au niveau du dos de la patiente et une dermabrasion de son genou droit, ainsi que des dermabrasions en grande partie croûteuses au niveau de l'abdomen de C______ et de ses quatre membres, pouvant entrer chronologiquement en relation avec les faits, ont été mis en évidence mais étaient la conséquence de traumatismes contondants trop peu spécifiques pour déterminer leur origine précise.

c.b.a. C______ a relaté aux experts qu'il avait des rapports sexuels avec A______ depuis deux mois. Le soir en question, elle était venue le trouver dans sa chambre pour lui demander de la suivre en vue d'entretenir une relation sexuelle. Il avait refusé en lui rappelant qu'il était marié et elle lui avait alors proposé de boire un verre de vin, proposition qu'il avait aussi déclinée. Il était parti mais elle l'avait suivi en le menaçant de tout révéler à sa femme. Il l'avait alors accompagnée et ils avaient entretenu une relation sexuelle. Ils s'étaient embrassés, puis elle lui avait prodigué une fellation avant qu'il ne la pénètre vaginalement, sans préservatif, et, sûrement, éjacule en elle. Il s'était couché vers 20h30-21h00, puis sa femme lui avait demandé ce qu'il avait fait à A______ car celle-ci pleurait.

c.b.b. A______ a expliqué aux experts que C______ était entré dans sa chambre alors qu'elle dormait et lui avait caressé le visage, ce qui l'avait réveillée. Il lui avait ensuite enlevé son pantalon de training ainsi que sa culotte, malgré ses refus et pleurs, avant de la pénétrer vaginalement, tout en lui répétant "Calma te". Elle ne pouvait dire s'il y avait eu une pénétration digitale, s'il portait un préservatif ou s'il y avait eu éjaculation. Il l'avait également embrassée. Elle n'avait pas subi "d'autre violence" et il était ensuite reparti. Elle s'était douchée et était sortie de la maison à pied avant de consommer à nouveau du vin et de retourner à son domicile.

d. Données bancaires et téléphoniques pertinentes

d.a. Selon l'extrait de son compte bancaire à la O______, A______ a effectué le 12 novembre 2021, à 20h53, un achat de CHF 95.50 au tabac de P______, situé à l'avenue 2______ no. ______, dans le quartier de Q______ [GE].

d.b.a. Il ressort des échanges de messages écrits et vocaux entre L______ et A______, issus des données du téléphone portable du premier cité, ce qui suit :

- le 3 novembre 2021, entre 15h08 et 18h57, A______ écrit : "Nos chères voisins sont rentrés aujourd'hui", ce à quoi L______ répond : "Merde". A______ réplique : "je suis dans ma chambre depuis que j'ai vu qu'ils sont là", puis, à 17h34 : "Fais-moi signe si tu descends après". L______ rétorque : "C'est C______ en bas?", ce que A______ confirme : "Oui viens" ;

- le 14 novembre 2021, entre 19h59 et 20h06, A______ écrit : "L______ tu peux regarder dans le couloir", ce à quoi L______ répond : "Quoi". A______ réplique : "je crois qu'il est là" ;

- le 15 novembre 2021, à 17h59, A______ envoie un message vocal à L______, l'informant, d'une voix suave et chaleureuse avec un bruit de radio ou de télévision en arrière fond, qu'elle a déposé ses habits dans le couloir, puis à 20h07, elle lui écrit : "J'ai crié t'es pas venu", ce à quoi L______ répond à 20h23 : "Je suis pas là". À 20h58, elle réplique : "j'ai été abusé", puis lui envoie, à 21h01, un message vocal en pleurs, comme au ralenti, avec un bruit de radio ou de télévision en arrière fond : "L______ j'ai été violée, il est rentré L______, il est rentré, je suis partie dehors, j'en pouvais plus, j'étais toute seule L______, il est rentré L______, il est rentré". L______ lui répond à 21h57 : "Mais qu'est ce que tu racontes" ;

- le 18 novembre 2021, à 10h16 et 20h15, A______ écrit : "Salut L______, j'espère que tu vas bien et que je t'ai pas causé de problèmes. J'espère que toi tu me crois, là je dois me faire 3 doses de vaccins contre l'hépatite B et suis un traitement médicamenteux en prévention contre le vih", "Tu sais je ne vois pas pourquoi je mentirais sur une chose pareille et pour un mec ni beau ni riche je serai folle si non. Et surtout je ne m'infligerais pas tous ces traitements médicaux. Il est dehors jusqu'au jugement et on verra la suite. Personne ne sais ce que la police à trouver car ils ne l'on divulgués à personne et c'est sous seller" ;

- le 11 décembre 2021, à 21h15, L______ bloque sur la messagerie le numéro de A______.

d.b.b. Selon les données du téléphone portable de K______, celle-ci a adressé un message vocal en portugais à son époux, le 18 octobre 2021, dans lequel elle le mettait en garde vis-à-vis de A______, qui avait des problèmes psychiques, et lui conseillait de garder ses distances, tout en faisant profil bas. La précitée était capable d'inventer des choses pour se venger de sorte que s'il était seul avec elle, personne ne pourrait le protéger car elle pourrait aussi avoir des doutes quant à son comportement. Elle était pour sa part très observatrice et avait remarqué la manière dont A______ le regardait la veille.

e. Plainte et déclarations des parties

e.a. Déclarations de A______

e.a.a. Le 16 novembre 2021, A______ a porté plainte à la police pour viol contre C______.

e.a.b.a. Situation personnelle

En procédure préliminaire, elle a déclaré avoir loué une chambre dans la colocation juste après sa séparation avec son époux, N______. Leurs deux enfants, âgés de 15 et 17 ans, vivaient avec leur père. Elle avait travaillé durant 14 ans à R______ [employeur] mais avait été harcelée durant les dernières années de service. Depuis avril 2021, elle était à l'assurance invalidité en raison d'un état dépressif généré par le décès de son père et d'autres difficultés rencontrées dans sa vie en général. Elle avait aussi fait plusieurs tentatives de suicide. Elle bénéficiait d'un suivi hebdomadaire auprès d'un psychiatre ainsi que d'un psychothérapeute et prenait des traitements médicamenteux pour son état dépressif, des problèmes de thyroïde, ainsi que pour s'endormir. Elle buvait quotidiennement de l'alcool, soit une demi bouteille voire une bouteille entière de vin par soir. Elle consommait de la cocaïne, mais n'en avait pas pris depuis quelques semaines, et ponctuellement du haschich. Dans sa jeunesse, elle avait été abusée sexuellement par son premier petit ami, puis, vingt ans auparavant, par son patron qu'elle avait dénoncé au Tribunal des Prud'hommes.

e.a.b.b. Colocation

A______ a relaté à la police que, durant la colocation, elle croisait souvent à la cuisine C______, qui rentrait vers 18h00, car elle préparait le repas le soir pour H______, I______ et elle-même, alors que lui le faisait pour son épouse. Ils n'étaient jamais seuls car les précitées se trouvaient dans le salon. C______ les faisait rire car il ne parlait pas le français. Il la regardait parfois avec insistance et l'effleurait ; comme la cuisine était petite, elle ignorait toutefois s'il le faisait exprès. C______ buvait tous les soirs, était constamment ivre et se disputait avec sa femme. Elle n'avait eu aucun différend avec son agresseur mais plusieurs accrochages avec l'épouse de celui-ci qui, selon ce qui lui avait été rapporté par les mineures, était jalouse de toutes les femmes qui parlaient à son mari. Le lendemain de son emménagement, elle avait demandé à C______ de venir dans sa chambre pour enlever une araignée, ce qu'il avait fait, avant de repartir directement. Au MP, elle a précisé qu'elle était restée sur le pas de la porte car elle avait peur en général des araignées.

Par-devant le TCO, elle a expliqué que, comme tous les résidents, elle buvait un apéro le soir où tout le monde était convié. Elle n'avait pas passé plus de temps avec C______, hormis peut-être lorsqu'ils cuisinaient mais ils n'étaient jamais seuls. Elle n'avait eu aucun regard aguicheur ou geste à connotation sexuelle envers le précité. Elle avait traité K______ de "connasse mal baisée" et l'époux de celle-ci de "branleur" car tout le monde en avait marre d'eux et de leurs disputes pesantes. La première se comportait comme si elle était propriétaire de l'immeuble et le second ne rangeait rien après avoir cuisiné. Avec H______ et I______, elle avait créé le groupe WhatsApp de la maison. Elle ne détenait que les numéros des précitées et ignorait pourquoi K______ n'avait été rajoutée que plus tard. La crise de nerf citée dans la discussion (cf. infra let. B.a.c.) était due au fait qu'on avait sorti son linge de la machine à laver sans son consentement.

e.a.b.c. Le 15 novembre 2021

À la police, A______ a déclaré que, le soir des faits, vers 17h30, elle avait commencé à boire, durant une ou deux heures, une bouteille de vin seule dans sa chambre, qu'elle n'avait exceptionnellement pas fermée à clé car elle devait promener son chien. Elle a ajouté par la suite se souvenir avoir également préparé à manger avant de se doucher et d'enfiler son training. Elle s'était assoupie et avait senti C______, qu'elle n'avait pas entendu entrer dans sa chambre, couché sur elle, précisant par la suite au cours de son audition qu'il était en réalité assis sur le lit et penché sur elle. Elle lui avait dit "non" et avait pleuré car elle voulait que son voisin, L______, l'entende mais n'avait pas réussi à crier assez fort. Il l'avait embrassée en lui répétant "Calma te", avant de lui retirer le bas de son training ainsi que sa culotte. Il ne lui avait pas arraché les habits mais les avait descendus et enlevés complètement. En fait, elle se souvenait uniquement l'avoir vu sur elle et avoir été pénétrée vaginalement. Elle n'arrivait pas à bouger. Son chien était dans la chambre lors de l'agression mais n'avait pas réagi car il était très gentil. C______ avait soit maintenu le haut de son corps, soit placé ses mains à côté d'elle, au niveau de ses épaules, sans pour autant avoir été violent. Il avait dû éjaculer et s'était ensuite retiré avant de sortir de la chambre. Elle ignorait s'il portait un préservatif, s'il avait enlevé son caleçon (de type caleçon de bain long qu'il portait constamment), ou l'avait simplement abaissé, et s'il était à torse nu. Sous le choc et à moitié réveillée, elle avait retrouvé le bas de ses habits sur le lit et supposé qu'il les lui avait enlevés. Il ne lui avait pas retiré son haut mais l'avait peut-être soulevé car elle avait le souvenir qu'il lui avait touché la poitrine par-dessus ou dessous son training. Elle était ensuite directement allée se doucher en pleurs durant un long moment car elle ne supportait pas l'odeur de C______. Personne ne l'avait vue se rendre à la salle de bain, située à gauche du couloir en sortant de sa chambre. Elle ne se rappelait plus si elle s'était rhabillée avant de prendre sa douche mais avait remis le même training après et changé de culotte. Elle était ensuite sortie, en pleurs, de l'habitation à pied répétant doucement qu'elle s'était fait violer. Elle avait acheté une ou deux bouteilles de vin dans un kiosque du quartier Q______, qu'elle avait bue(s) sur le chemin du retour. Elle se souvenait ensuite avoir vu son mari à ses côtés avec les ambulanciers et entendu I______ pleurer.

En audience de confrontation, elle a expliqué qu'elle avait bu une bouteille de vin rouge toute seule dans sa chambre avant l'arrivée de C______. Sa porte n'était pas verrouillée car elle devait aller promener son chien. Assoupie et allongée sur le dos dans son lit, elle s'était fait réveiller par C______, qu'elle avait vu sur elle, ce qui l'avait surprise et choquée. Il l'avait déshabillée, malgré ses "non" en pleurs, en lui répétant "Calma te". Elle l'avait repoussé avec ses mains sur son visage, en vain, car il était lourd. Elle ne se souvenait plus de la position des mains de son agresseur et ne pouvait estimer la durée de l'agression. Elle était certaine que son pantalon et sa culotte avaient été retirés, sans savoir comment, mais ignorait de ce qu'il en était de son haut. C______, vêtu d'un short, l'avait peut-être descendu. Elle ne se souvenait pas s'il portait un haut ou des chaussures. Son chien n'avait pas aboyé, vu son jeune âge (neuf ou dix mois). Elle était ensuite allée prendre une douche en pleurs car elle se sentait sale, vu l'odeur de son agresseur sur elle. Elle était partie à pied, en pleurant, en répétant qu'elle s'était fait violer, jusqu'à une station-service où elle avait acheté une bouteille de vin. De retour à la maison, elle s'était enfermée dans sa chambre. Elle avait parlé sur place à son mari et à un voisin du viol subi, puis s'était par la suite confiée à son amie S______ et à la marraine de sa fille.

Au TCO, A______ a relevé que, du fait qu'elle croisait C______ tous les jours au moment de cuisiner entre 18h00 et 19h00, elle avait dû le voir le jour des faits. Elle ignorait à quelle heure elle était remontée dans sa chambre. Elle avait fermé sa porte à clé avant toutefois de la rouvrir pour sortir son chien. Elle s'était entre temps assoupie après avoir consommé un autre verre de vin. Peu après, C______, qui était vers elle et sur elle, assis à ses côtés sur le lit, avait commencé à la caresser et à la chevaucher, tout en répétant "Calma te", malgré ses "non", ses pleurs et le fait qu'elle lui repoussait le visage. Comme il était lourd, elle ne pouvait plus bouger le haut du corps. Elle ignorait s'il l'avait maintenue d'une quelconque manière. Paniquée, elle avait uniquement pleuré ou sangloté durant l'acte et non crié. Comme elle dormait à son arrivée, elle ignorait comment il l'avait déshabillée. Elle s'était ensuite lavée car l'odeur l'insupportait. Elle avait transmis le message "J'ai crié t'es pas venu" (cf. infra let. B.d.b.a.) à L______ après le viol. Elle ignorait pourquoi son agresseur avait agi en dépit de la présence de colocataires dans la maison. Elle n'avait pas appelé l'un d'eux à l'aide directement après son agression, de peur de croiser son violeur. Choquée, elle avait juste voulu quitter les lieux. Sur le chemin du kiosque, elle avait répété en pleurs et à haute voix qu'elle avait été violée. Ce trajet aller-retour avait pris entre
45 minutes et une heure. Elle ignorait pourquoi elle était dénudée au niveau du bas du corps lorsque son mari l'avait retrouvée. Elle vivait désormais au domicile familial avec ses filles car son époux avait déménagé.

e.a.b.d. Tentatives d'ouverture de la porte

A______ a déclaré à la police qu'un mois auparavant et la veille des faits, C______ avait tenté d'entrer dans sa chambre, en vain car elle était fermée à clé. La première fois, elle avait reçu un appel peu après, vers 06h00 du matin. Elle avait rappelé et reconnu la voix du précité dont le numéro, qu'elle n'avait pas encore enregistré, correspondait à celui figurant dans le groupe WhatsApp de la maison. Ce dernier partait au Portugal le lendemain matin pour se marier. La seconde fois, elle avait demandé par messages à L______ d'inspecter le couloir car elle avait eu peur. Celui-ci n'avait vu personne à l'exception de C______ qui se trouvait dans le salon ou la cuisine. Elle avait parlé du premier épisode à G______.

Au MP, elle a confirmé que C______ avait tenté d'ouvrir à plusieurs reprises sa porte qui était fermée à clé, soit la veille de son départ au Portugal, vers 06h00, et la veille des faits. La première fois, les mouvements de poignée de porte l'avaient réveillée en sursaut, tout comme son chien. Elle a pour le surplus répété les faits décrits à la police, en ajoutant avoir aussi mentionné le second épisode aux deux mineures et à J______.

Par-devant le TCO, elle a maintenu que quelqu'un avait essayé d'ouvrir la porte de sa chambre plusieurs fois avant le viol et que L______ lui avait relaté avoir vu C______ au salon. Elle pensait que cela s'était produit la veille des faits sans pouvoir être plus précise.

e.a.b.e. Vie sexuelle

La nuit du samedi au dimanche précédent les faits, elle avait eu une relation intime avec le père d'une amie de sa fille, dont elle souhaitait taire le nom. Ils s'étaient juste caressés. Elle n'avait eu aucune relation sexuelle consentie avec l'un de ses voisins.

e.a.b.f. Pièces produites

En rapport à ses prétentions civiles, A______ a produit plusieurs pièces en lien avec sa situation personnelle, dont une attestation relative à son séjour au Foyer T______ du 26 janvier au 14 août 2022, un courrier du Centre LAVI du 22 mai 2023 attestant d'une entrevue le 26 novembre 2021 suite au viol qu'elle a rapporté avoir subi, ainsi qu'une attestation de suivi psychologique établie le 4 avril 2022 par U______, psychologue et psychothérapeute FSP. Il en ressort qu'elle avait sollicité en urgence un suivi auprès de son psychiatre et de son psychologue suite à une agression sexuelle survenue le 15 novembre 2021, qui avait ravivé le souvenir d'une autre agression subie en 2020, ainsi qu'un contexte de maltraitance et de carences affectives durant l'enfance. Son état psychique s'était péjoré avec des symptômes dépressifs et anxieux. Elle présentait un tableau clinique de stress post traumatique. Son anxiété massive l'avait conduite à augmenter sa consommation d'alcool.

e.b. Déclarations de C______

e.b.a. Situation personnelle

Au TCO, C______ a mentionné être né le ______ 1974 au Portugal, de nationalité portugaise et au bénéfice d'un titre de séjour B. Il était marié et père de deux enfants majeurs issus d'une précédente union, lesquels vivaient au Portugal avec leur mère. Il était arrivé pour la première fois en Suisse en 2010, avant de repartir au Portugal en 2018. De retour en Suisse en 2020, il avait fréquenté K______ et épousée le ______ 2021 au Portugal. Il n'avait aucun antécédent judiciaire, ni en Suisse, ni à l'étranger.

e.b.b. Relations sexuelles avant les faits

À la police, C______ a contesté les faits reprochés et spontanément déclaré que, les deux derniers mois, il avait entretenu trois relations sexuelles consenties avec A______, qui le courtisait, comportement dont aucun colocataire n'avait toutefois été témoin, et ce principalement lorsqu'elle était ivre, ce qui était toujours le cas. Elle lui parlait en français, lui-même répondant en portugais, langue qu'elle comprenait un peu.

Une semaine après son arrivée à la colocation, A______ s'était assise sur ses genoux, alors qu'il mangeait seul dans la cuisine, l'avait embrassé et avait souhaité entretenir une relation sexuelle avec lui, ce qu'il avait refusé. Le lendemain, elle lui avait demandé d'enlever une araignée dans sa chambre, ce qu'il avait fait. Elle avait ensuite fermé la porte de sa chambre à clé et mis cette dernière dans sa culotte, en lui répétant "si tu veux partir, tu dois venir chercher la clé". Ils avaient alors eu une relation sexuelle consentie. Environ deux jours après, A______ lui avait caressé le sexe, alors qu'il était dans la cuisine avec son épouse, laquelle n'avait pas vu le geste mais s'était doutée de quelque chose car elle l'avait ensuite questionné. Il lui avait alors confié que A______ avait tenté de lui toucher le sexe. Depuis, son épouse et A______ se disputaient régulièrement. Quelques jours après cet épisode, cette dernière lui avait demandé de venir dans sa chambre en fin de journée, sachant que sa femme ne rentrait pas avant 21h00. En se dénudant, elle l'avait menacé de tout raconter à cette dernière s'il refusait d'avoir une relation sexuelle. Elle avait répété ce comportement quelques jours plus tard. Il avait cette fois-ci refusé ses avances, lui réaffirmant qu'il était marié. Elle lui avait rétorqué qu'elle allait lui pourrir la vie et révéler leur secret. Le dimanche 14 novembre 2021, alors qu'il venait de déposer sa femme à l'Église vers 18h00, A______ l'avait à nouveau embrassé dans le garage. De peur qu'elle lui crée des ennuis, il était reparti à l'Église.

En audience de confrontation, il a déclaré qu'au début A______ venait tous les jours le voir à son retour du travail avec une bouteille de vin et deux verres, afin de boire ensemble. Le jour où tout avait commencé, elle s'était assise sur ses genoux, alors qu'il était à table et l'avait embrassé. Plus tard, elle lui avait demandé de monter dans sa chambre et ils avaient "fait l'amour". Lors de l'épisode de l'araignée, qui était selon ses souvenirs leur premier rapport sexuel, ils avaient fait les choses très rapidement, par peur d'être surpris. Une semaine après, soit la dernière semaine d'octobre, cela s'était reproduit à nouveau. Lors de ce deuxième rapport, alors qu'elle portait un pantalon, elle était remontée dans sa chambre pour mettre une robe courte. Il lui avait expliqué qu'il souhaitait mettre un terme à cette relation car il allait se marier les jours suivants. À son retour du Portugal, elle avait toutefois persisté à venir à sa rencontre avec une bouteille de vin si bien qu'il l'avait priée d'arrêter, en lui répétant qu'il ne voulait plus avoir à faire à elle. Dès ce moment, ses menaces de révélation avaient débuté. Durant toute cette période, elle avait été insistante. Elle passait sa main sur lui et s'approchait de lui lorsqu'ils étaient à la cuisine, comme la fois en présence de son épouse, qui s'était doutée de quelque chose et lui avait demandé des explications.

Au TCO, C______ a expliqué avoir couché la première fois avec A______ deux ou trois jours après l'arrivée de celle-ci dans la colocation. Il avait ressenti une atmosphère chaleureuse, comme l'émergence d'un "petit lien amoureux". Il n'avait toutefois par la suite plus souhaité poursuivre leur aventure car il allait se marier et se rendait compte qu'il était en train de trahir sa future épouse, laquelle était déjà méfiante. Dès leur deuxième rapport sexuel, A______ l'avait toutefois menacé de tout révéler. Il se disait contraint mais a reconnu avoir eu envie de ces relations sexuelles. Il n'avait utilisé de préservatif dans le cadre d'aucun de leurs trois rapports sexuels. A______ et son épouse se disputaient beaucoup. Lors de la réunion du 13 octobre 2021 (cf. infra let. B.a.c.), il avait pris la défense de sa femme mais A______ lui avait rétorqué : "tais-toi sinon je raconte notre secret".

e.b.c. Le 15 novembre 2021

Le soir des faits, il était rentré du travail à 18h45 et avait pris une douche avant de manger dans la cuisine et se verser un ou deux verres de vin. Deux autres voisins étaient également présents à la maison. De retour dans sa chambre, A______ était venue toquer à sa porte pour lui demander de venir boire un verre dans sa propre chambre, ce qu'il avait accepté en l'avertissant que rien d'autre n'allait se passer. Il n'y était resté que 15 minutes car elle avait voulu entretenir une relation sexuelle. Il lui avait demandé de l'oublier en quittant les lieux. Elle était ensuite venue le trouver, alors qu'il se préparait un café dans la cuisine, et l'avait menacé de tout raconter à sa femme s'il ne remontait pas dans sa chambre, si bien qu'il s'était exécuté. Elle ne portait alors qu'un simple t-shirt sans soutien-gorge et était dévêtue en bas. Malgré ses refus et alors qu'il était à genoux, elle l'avait embrassé, prétextant vouloir des câlins, puis s'était levée de son lit pour le faire asseoir sur celui-ci et lui avait abaissé son short afin de lui prodiguer une fellation durant cinq minutes. Il l'avait finalement repoussée mais elle était revenue sur lui de sorte qu'il l'avait pénétrée vaginalement, sans préservatif, et avait probablement éjaculé en elle. Tout s'était passé très vite car il craignait que son épouse ne rentre du travail ou d'être surpris par d'autres colocataires. Il s'était ensuite endormi dans sa propre chambre et son épouse l'avait réveillé plus tard en lui demandant ce qu'il avait fait à A______, qui criait et pleurait aux côtés de son ex-mari, lequel avait frappé à sa porte en hurlant qu'il allait aller en prison. Il avait menti à son épouse car il ne voulait pas qu'elle ait des doutes et en avait fait de même devant la police sur place, vu qu'elle était à ses côtés.

En audience de confrontation, C______ a indiqué qu'ils étaient tous deux montés dans la chambre de A______ pour boire un verre de vin et qu'ils avaient alors eu un rapport sexuel. A______ était plus précisément venue à sa rencontre lorsqu'il était arrivé à la maison et ils avaient d'abord bu en bas, avant de monter dans sa chambre. Il avait refusé mais comme elle était revenue à la charge en le menaçant, il s'était exécuté en l'avertissant que c'était la dernière fois. Il lui avait effectivement retiré son pantalon ainsi que sa culotte, puis ils s'étaient embrassés avant d'entretenir une relation sexuelle normale. Après, A______ lui avait indiqué que s'il ne restait pas dormir avec elle, elle détruirait sa vie. Il avait néanmoins regagné sa propre chambre vers 19h30. À son retour vers les 21h30, son épouse l'avait réveillé, alors que A______ criait en prétendant qu'il l'avait violée. N______ s'était approché de lui et lui avait asséné deux claques en précisant qu'il allait être arrêté.

Au TCO, il a indiqué qu'outre les deux jeunes filles, tant J______ qu'un des deux voisins de chambre de A______ étaient à la maison à son arrivée. Il avait bu du vin avec cette dernière d'abord au salon puis dans la chambre de celle-ci, chaque fois durant une dizaine de minutes, avant de passer à l'acte. Il a confirmé ses déclarations à la police quant au déroulement des faits et maintenu que A______ n'avait ni pleuré ni dit "non". Il n'avait pour sa part jamais rétorqué "Calma te" ni ne l'avait maintenue de force. Ensuite, elle l'avait menacé pour qu'il reste dormir avec elle. Il s'était néanmoins empressé de rejoindre sa propre chambre, par crainte que quelqu'un ne le voie. La maison était très mal insonorisée et tous les bruits étaient perceptibles. Il n'avait toutefois croisé personne, ni avant lorsqu'ils buvaient un verre, ni après.

e.b.d. Appel téléphonique et communication

Par-devant le TCO, C______ a expliqué qu'il était possible qu'il ait appelé par mégarde A______, en se trompant de numéro, mais qu'il ne l'avait en tout cas pas contactée tôt le matin. Il communiquait avec elle par des gestes ou en espagnol. Il avait quitté le groupe WhatsApp de la maison, ne voyant pas l'intérêt d'y rester alors qu'il ne comprenait pas le français.

e.b.e. Fausses accusations et vie sexuelle de la plaignante

C______ a relaté à la police que A______ l'avait accusé à tort, probablement car elle buvait constamment, souffrait psychologiquement et avait essuyé ses refus. Il cherchait également une nouvelle résidence avec sa femme et pensait que la concernée ne voulait pas qu'il parte.

Il avait vu J______ aller à deux reprises dans la chambre de l'appelante durant près d'une heure et se demandait s'ils entretenaient aussi des rapports sexuels.

e.b.f. Pièces produites

C______ a produit des photographies de la colocation, notamment du 1er étage et de la distance séparant les chambres no 1 à 4.

f. Déclarations de témoins

f.a. N______ a expliqué que A______ souffrait de dépression et suivait un traitement médicamenteux. Elle buvait de l'alcool et avait repris depuis 2019 de la cocaïne, à raison d'un week-end par mois, substance qu'elle avait déjà consommée dans sa jeunesse. Au MP, il a ajouté qu'à tout le moins lorsqu'ils étaient en couple, elle consommait peu d'alcool, soit uniquement lors de sorties festives. Une bouteille de vin suffisait à la mettre "K.O".

Lors de son appel, le 15 novembre 2021, vers 21h30, il avait directement remarqué qu'elle n'allait pas bien. Sur son insistance, elle lui avait expliqué qu'elle avait été abusée. À son arrivée, A______ était inconsciente, à moitié nue, et allongée par terre dans son urine. N'arrivant pas à la réveiller, il avait demandé à l'une des jeunes filles d'appeler le 144 et avec l'aide de celle-ci, qui avait cajolé l'épaule de son épouse en s'excusant et en répétant qu'elle n'aurait pas dû la laisser seule avec C______, ils l'avaient installée sur le lit et il avait nettoyé l'urine. A______ était mal en point, même si elle ne sentait pas particulièrement l'alcool. Après avoir repris légèrement conscience, elle lui avait confié avoir été violée par le précité. Il était alors descendu voir si celui-ci était présent et l'avait trouvé couché dans son lit. Il avait bloqué la porte de sa chambre et demandé aux personnes présentes de veiller à ce qu'il y reste, concédant au MP lui avoir également hurlé dessus car il fulminait, mais pas giflé. Il avait ensuite appelé le 144 pour informer les secours de l'agression sexuelle commise. C______ n'avait à aucun moment tenté de fuir. Il était remonté auprès de son épouse qui était "un quart consciente".

Avant les faits, A______ ne lui avait pas particulièrement parlé de C______, ne mentionnant que des problèmes de cohabitation avec celui-ci et son épouse, ainsi qu'un épisode où une personne avait tenté d'ouvrir sa porte mais, comme elle vivait dans une maison avec plusieurs colocataires, il ne s'était pas posé plus de questions. À l'hôpital, suite aux faits, son épouse lui avait confié que C______ avait essayé à plusieurs reprises d'entrer dans sa chambre, raison pour laquelle elle fermait sa porte à clé, et qu'à l'une de ces occasions, il l'avait même ensuite appelée. Elle n'avait pas arrêté de s'excuser de ne pas avoir fermé la porte à clef ce soir-là et de s'être endormie. Elle lui avait raconté qu'elle avait dû prendre un traitement en prévention du SIDA et contre l'hépatite B. Sa femme avait déjà été victime d'une agression sexuelle plus de 20 ans auparavant. Elle était restée quelques semaines chez lui, le temps de trouver un autre logement.

f.b. K______ a expliqué à la police que, le matin des faits, elle avait vu A______ boire de la bière et remonter dans sa chambre. Elle s'était de son côté rendue à son travail. Étant employée en qualité de femme de ménage, elle partait vers 17h00 et rentrait entre 20h30 et 21h00. À son retour, elle avait toqué à la porte de sa chambre, fermée à clé comme d'habitude, et son mari s'était levé pour lui ouvrir avant de se rendormir. Elle avait ensuite vu le chien de la précitée à la cuisine et entendu quelqu'un pleurer. Les pleurs n'étaient pas forts et elle avait réalisé, dans un second temps, qu'il s'agissait de A______. Peu après, elle avait aperçu N______ se diriger à l'étage, puis redescendre pour lui demander qui était C______, avant de s'engouffrer dans leur chambre en accusant son époux d'avoir fait quelque chose à A______, en lui mettant le doigt dans le visage et en lui disant que si c'était vrai, il "verrait". Elle avait alors demandé à son mari s'il avait vu la concernée mais celui-ci lui avait répondu par la négative.

A______, qui n'acceptait pas d'être contrariée, la critiquait et se montrait nerveuse à son égard, bien qu'elle ignorât ce qu'elle avait contre elle. Dès qu'elles se disputaient, la précitée retournait tous les voisins contre elle. Elle avait remarqué que A______ s'entendait bien avec son époux, ce que celle-ci lui avait aussi confié. Elle "jouait" avec lui, notamment en lui racontant des blagues. Avant les faits, son mari lui avait relaté qu'elle lui avait touché le sexe lorsqu'ils étaient tous les trois à la cuisine et, à une autre occasion, qu'elle avait tenté de l'embrasser. Elle n'avait toutefois jamais vu ces gestes, mais avait remarqué que A______ draguait son époux, notamment par des regards. Une fois, cette dernière avait demandé à C______ de lui mettre de la crème solaire. Elles avaient alors échangé des regards intenses. Même si son époux était quelqu'un de fidèle et ne l'avait jamais trompée, il restait un homme. Ainsi lorsqu'une femme séduisait un homme, celui-ci succombait à la tentation et ne pouvait pas se retenir. Lorsqu'elle travaillait le soir, A______ organisait des soirées et des apéritifs auxquels elle conviait son époux, pour qui elle cuisinait, et lui proposait de l'alcool. Elle avait imaginé que ce dernier puisse avoir des sentiments pour A______ car elle avait ressenti qu'il y avait quelqu'un d'autre, même avant leur mariage.

Son mari était une personne travailleuse, sérieuse, qui aimait aider les autres et qui tissait facilement des liens d'amitié. Il était apprécié des gens et était très gentil avec elle. Elle ne le pensait pas capable de faire quelque chose de ce genre à une femme. Ils avaient déjà eu des disputes, comme tout couple, mais rien de sérieux.

f.c. La mineure I______ a déclaré téléphoniquement à la police avoir rejoint sa sœur dans leur chambre lorsque C______ était rentré vers 18h00-18h30. Un peu plus tard, après avoir entendu les cris de A______, elle était montée à l'étage et avait vu le mari de celle-ci. Sa voisine se trouvait en "PLS" dans sa chambre et pleurait. Le sol était mouillé ; elle ignorait s'il s'agissait d'urine. Avec N______, ils l'avaient alors déplacée sur son lit et ce dernier était resté avec sa femme, tandis qu'elle appelait une ambulance.

f.d. L______ a déclaré à la police avoir cohabité avec A______ durant 15 jours. Du peu qu'il voyait C______, celui-ci était calme et plutôt normal. Il avait été étonné de cette histoire car, pour lui, il n'était pas agressif. Il n'avait vu aucun des deux précités ivres. Ceux-ci buvaient ponctuellement pour décompresser.

Il avait remarqué que la relation entre A______, C______ et son épouse était tendue sans qu'il n'en connaisse les raisons. Au TCO, il a précisé avoir été surpris qu'ils aient eu un rapport sexuel car leurs relations étaient assez délicates. Le froid provenait plutôt du côté de A______, qui était plus tendue envers C______ que l'épouse de celle-ci, et les traitait de noms d'oiseaux. Quant à lui, il ne les connaissait pas. À son arrivée au sein de la colocation, A______ lui avait dit que C______ "ne branlait rien et que sa femme était une connasse mal-baisée". À une occasion dans la cuisine, il avait remarqué que A______ cherchait à provoquer le précité en lui parlant avec insistance, sans pour autant le séduire.

La maison était mal insonorisée et lorsqu'il parlait fort avec des amis dans sa chambre, les autres occupants pouvaient les entendre facilement. Il n'avait jamais entendu les bruits relatés par A______ et les aurait perçus si quelqu'un avait tenté d'entrer dans la chambre de celle-ci ; les mouvements de poignée qu'elle lui avait décrits étaient fort. La veille des faits, A______ lui avait demandé par message d'aller regarder dans le couloir, mais il n'avait vu personne au premier étage et n'était pas descendu. Il avait alors pensé qu'elle divaguait. Le soir des faits, vers 18h30, alors qu'il se rendait aux toilettes, A______ avait ouvert la porte de sa chambre et lui avait demandé s'il avait entendu C______ qui avait essayé de pénétrer dans sa chambre, mais il n'avait rien entendu.

Au TCO, il a indiqué que, le soir en question, il était très certainement rentré après avoir reçu les messages de A______ au sujet du pliage de ses habits (cf. infra let. B.d.b.a.). De retour à la maison, il s'était douché, avait cuisiné puis mangé dans sa chambre où il était resté de 19h00 à 20h00 ou 20h15, heure à laquelle il avait quitté la maison. S'agissant du fait que A______ l'avait interpellé en sortant des toilettes, il ne se souvenait plus si cela avait eu lieu ce soir-là ou s'il confondait avec la veille, car il se rappelait uniquement avoir communiqué par message, être descendu au rez-de-chaussée et avoir vu C______ assis dans le canapé qui n'avait pas l'air d'avoir bougé. Il n'avait rien entendu provenant de la chambre voisine occupée par A______. Il avait regardé la télévision mais cela ne l'aurait pas empêché d'entendre des pleurs car la maison était mal isolée. Les portes étant très légères, le bruit de leurs poignées était perceptible, en particulier si on essayait de les forcer. Il entendait également le son de la radio ou de la télévision provenant de la chambre de A______, selon le volume. Il était donc absent lors des faits. Quelques minutes après son départ, il avait reçu un message de A______, selon lequel elle avait crié mais il n'était pas venu, puis qu'elle avait été abusée, suivi d'un message vocal (cf. infra let. B.d.b.a.). Il était rentré à la maison vers 22h00.

Il avait entendu, lors d'un week-end précédent, A______ avoir des relations sexuelles avec une personne dans sa chambre. Le lendemain matin, il l'avait confrontée et elle s'était excusée du bruit. Par-devant le TCO, il a confirmé qu'il s'agissait d'un samedi durant la nuit et que, contrairement au 15 novembre 2021, c'était une ou deux heures du matin et que tout était alors très silencieux et facilement perceptible. M______ lui avait confié l'avoir également entendue à une autre occasion, forcément la semaine vu qu'il était absent les week-ends.

f.e. M______ a expliqué rentrer généralement du travail vers 18h30 et avoir été absent tous les week-ends, du vendredi soir au dimanche soir.

Selon lui, C______ était très sympathique. Il l'avait déjà vu en compagnie de A______ boire du vin ensemble à l'occasion d'apéritifs spontanés organisés le soir entre colocataires. Il avait perçu du désir de la part de A______ pour C______ et celle-ci faisait parfois des allusions ou des sous-entendus, mais il ignorait si elle faisait cela pour l'embêter ou si c'était fondé. Il se souvenait d'un repas lors duquel A______ avait dit à C______, alors que celui-ci était en train de rigoler avec son épouse, "arrête de rigoler avec elle, si je disais à ta femme que tu grattais à ma porte le soir". C______ n'avait pas réagi, ce qui l'avait conforté dans l'idée qu'il y avait quelque chose entre eux.

Avant les faits, il avait remarqué que C______ et son épouse avaient eu des accrochages. Il avait entendu des bruits sexuels venant de la chambre de A______ en semaine et plaisanté avec L______ à ce sujet.

f.f. G______ connaissait depuis une dizaine d'années K______, qui était une amie avec laquelle elle avait encore des contacts, tout comme le mari de celle-ci, qui avait toujours été respectueux envers elle-même et ses filles. Elle avait également été très proche de A______ durant leur cohabitation, s'étant même revues après son départ.

A______, de nature toujours joyeuse notamment en compagnie de C______, avec lequel elle entretenait une excellente relation, proposait toujours du vin à ce dernier lorsqu'il rentrait à la maison. Il était pour sa part disposé à faire tout ce qu'elle lui demandait, comme promener son chien. Mal à l'aise, car les précités étaient tous deux des amis, G______ n'a pas répondu à la question de savoir si elle avait vu des gestes ou regards à connotation sexuelle échangés entre eux, réitérant qu'ils avaient une bonne relation puis, par la suite, que ni elle, ni ses filles n'avaient entendu d'autres habitants se poser de questions sur la nature de leur relation. A______ lui avait relaté à une occasion avoir reçu un appel d'un numéro inconnu et s'être rendue compte en rappelant qu'il s'agissait de C______.

A______ se disputait avec K______ pour des bêtises et elle avait eu l'impression qu'elle voulait causer des jalousies.

f.g. S______ était une amie de A______ depuis dix ans. Elles habitaient dans le même quartier et se voyaient toutes les semaines. Celle-ci lui avait indiqué être contente de vivre dans la maison et être amie avec les filles et un jeune.

A______ l'avait appelée en pleurs le lendemain des faits et lui avait confié avoir été violée par un colocataire. Elle lui avait relaté qu'elle n'avait pas fermé sa porte à clef car elle devait sortir le chien, qu'elle s'était endormie après avoir bu et que quelqu'un s'était mis sur elle. Choquée, elle avait alors voulu crier et se débattre mais n'avait pas réussi. Elle avait attendu que "ça passe", ne comprenant rien, puis s'était douchée car elle se sentait sale et l'odeur la dérangeait.

Elle lui avait également auparavant déjà relaté qu'une personne avait essayé d'entrer dans sa chambre et l'avait ensuite appelée la nuit, ce qui l'avait effrayée.

Depuis, A______ avait connu une descente aux enfers. Ayant peur de sortir, elle avait augmenté sa consommation d'alcool, pris du poids et acquis un chien plus féroce. Fragile, elle pouvait entrer en conflit mais ne lui avait toutefois jamais menti. Depuis sa séparation d'avec son mari, dont elle était encore amoureuse, la précitée n'avait plus eu aucune relation, n'étant pas du genre à draguer les hommes.

C. a. En audience d'appel, A______ a déclaré n'avoir eu aucune attirance physique pour C______, ni des relations sexuelles consenties avec lui. Elle n'avait jamais été seule avec ce dernier et n'avait eu aucun geste ou regard particulier à son égard. Il était déjà arrivé qu'ils partagent un apéritif, ouvert à tous les colocataires, lors de la préparation des repas. Elle avait entretenu à deux reprises des relations sexuelles dans sa chambre avec des tiers, qui ne faisaient pas partie de la colocation, soit deux jeunes hommes dont le père d'une amie de sa fille, raison pour laquelle M______ et L______ l'avaient entendue. Personne ne les avait croisés car les escaliers étaient situés directement après l'entrée de la maison de sorte qu'ils n'avaient pas à la traverser. Elle n'avait jamais envisagé de partir au Portugal avec C______, vu que sa vie, ses filles ainsi que sa grand-mère résidaient en Suisse.

Elle a contesté les propos tenus par M______, qui était peu présent à la résidence et n'y mangeait pas, et par G______. Tous deux rentraient tard, pas avant 19h00, respectivement 21h30. Elle n'avait fait aucune remarque à C______ lors d'un repas et n'avait à aucun moment cherché à créer des jalousies. Elle entretenait de bonnes relations avec tous car elle souhaitait s'intégrer dans la colocation. K______ était toutefois toujours sur son dos et la critiquait constamment. La concernée enlevait son linge, le mettait en boule et lui disait tout ce qu'elle devait faire, ce qui l'énervait et l'irritait.

L'épisode de l'araignée était survenu le lendemain de son emménagement dans la colocation et non le 17 octobre 2021. Elle n'avait aucun souvenir de la photographie de l'araignée qu'elle avait envoyée sur le groupe WhatsApp de la maison ce jour-là. Comme elle venait de s'installer, elle ne connaissait personne. Par des gestes, car elle ne parlait aucunement espagnol, elle avait fait comprendre à C______ qu'elle souhaitait qu'il l'aide à la tuer, ce qu'il avait fait, tandis qu'elle était restée sur le pas de la porte de sa chambre, par crainte.

Le soir des faits, elle était dans sa chambre, qu'elle n'avait pas verrouillée puisqu'elle devait sortir son chien, et s'était endormie sur le dos dans son lit, en raison de son état d'ivresse après avoir bu une bouteille de vin rouge. À son réveil, C______ était sur elle. Paniquée, elle avait pleuré et lui avait dit "non". Il lui avait rétorqué "Calma te", avant de lui caresser la joue et de faire ce qu'il avait à faire. Elle n'avait pas pu bouger. Elle ne se souvenait pas s'il lui avait fait autre chose, s'il avait eu des gestes particuliers et s'il lui avait parlé avant de quitter les lieux. Elle ne portait plus son training, qu'elle avait pourtant sur elle à son réveil, et ignorait comment il lui avait été retiré.

Depuis le décès de son père en 2014 et en raison de difficultés liées à son travail ainsi qu'à sa séparation douloureuse, elle présentait un état psychologique fragile, ce qui ne l'avait toutefois pas empêché de vivre. Désormais, elle préférait rester seule, en sécurité dans son logement. Elle ne sortait plus de son quartier, hormis pour faire les courses et promener ses chiens, de peur de croiser son agresseur et l'épouse de celui-ci, qui vivaient proches de son domicile. Elle était toujours suivie par son psychiatre et pouvait compter sur le soutien de ses amis.

b. Selon C______, il n'avait jamais tenté de pénétrer, avant les faits, dans la chambre de A______. Les trois relations sexuelles qu'ils avaient entretenues étaient pleinement consenties. Il n'avait pas remarqué qu'elle présentait de signes d'ébriété avant qu'elle ne l'aborde. À chaque fois, ils avaient bu ensemble car elle venait quotidiennement à sa rencontre avec une bouteille de vin et deux verres vides à la main. Ils avaient communiqué un peu en espagnol et par des gestes car il ne parvenait pas à parler le français, même s'il le comprenait un peu.

Le premier rapport sexuel était arrivé, vers 19h00-19h15, lorsque son épouse était au travail, deux ou trois jours après l'emménagement de A______ dans la colocation. Il était monté dans la chambre de la concernée car elle lui avait demandé de tuer "une bête", ce qu'il avait fait. A______ avait ensuite verrouillé sa porte et placé la clé dans sa culotte, en lui répétant que s'il voulait sortir, il devait venir la chercher. Après avoir récupéré la clé, il était descendu directement au salon. Il a précisé ultérieurement avoir entretenu une relation sexuelle avec elle avant de quitter les lieux. Un ou deux jours après, vers 18h30-19h00, alors qu'il était en train de manger à la cuisine, elle était remontée dans sa chambre pour passer une robe courte et avait ensuite tiré sa chaise pour s'asseoir sur ses genoux et l'embrasser. Elle lui avait demandé de monter dans sa chambre, ce qu'il avait refusé en lui indiquant qu'il allait se marier la semaine d'après et qu'il ne voulait plus rien à voir avec elle. Elle l'avait alors menacé de tout raconter à son épouse et de rendre "sa vie noire" s'il ne s'exécutait pas, si bien qu'il l'avait suivie. Ils avaient alors rapidement entretenu une relation sexuelle car il craignait que sa femme ne rentre du travail ou qu'un voisin ne les aperçoive. Après son mariage, il était revenu à la résidence le 3 novembre 2021 et avait alors tenté de fuir au maximum A______. Un dimanche, il avait déposé son épouse à un arrêt de bus car elle devait se rendre à la messe. De retour à la maison, A______ l'avait directement embrassé lorsqu'il avait ouvert la porte de sa camionnette, si bien qu'il lui avait demandé d'arrêter et de le laisser tranquille car il était désormais marié. Il avait ensuite demandé au pasteur par message l'adresse de l'Église pour s'y rendre et rester auprès de sa femme afin d'éviter A______. Il craignait aussi que celles-ci ne se disputent car son épouse l'avait déjà mis en garde sur le fait que A______ allait lui faire du mal.

Le troisième épisode était le soir des faits reprochés. A______ était allée à sa rencontre pour lui proposer de boire un verre de vin dans sa chambre. Il avait accepté en lui précisant que rien d'autre n'allait se passer. Après, elle l'avait embrassé de sorte qu'il l'avait repoussée et était redescendu dans la cuisine pour se préparer un café. Après quelques minutes, elle avait frappé à la porte de sa chambre et l'avait menacé de tout révéler à sa femme et de rendre "sa vie noire". Apeuré, il l'avait alors suivie. La porte de la chambre de A______ était entrouverte et celle-ci, munie d'une chemise de nuit au niveau de la mi-cuisse, était couchée sur le lit. Ils s'étaient alors embrassés et il lui avait touché les seins. Elle l'avait ensuite assis sur le lit et s'était mise à genoux pour "commencer à faire des relations sexuelles sur [lui]". Ensuite, elle l'avait couché sur le lit, s'était assise au niveau de ses hanches et avait placé son pénis en elle de sorte qu'il l'avait pénétrée. Après leur rapport sexuel, elle lui avait demandé de rester dormir avec elle, ce qu'il avait refusé car son épouse allait rentrer. Il était sorti de la chambre et sa femme était arrivée entre 20h00 et 21h00, en lui demandant ce qu'il avait fait à A______, ce à quoi il avait répondu "rien".

A______ l'avait accusé à tort car elle voulait partir au Portugal avec lui. Une semaine avant qu'il ne se marie, elle souhaitait qu'il quitte sa future épouse et qu'ils débutent leur relation amoureuse.

c. Entendu en qualité de témoin, J______ a indiqué avoir vécu d'octobre à décembre 2021 au sein de la colocation. A______ était arrivée juste quelques jours après lui et C______ y habitait déjà avec son épouse. Leur relation était amicale et il n'avait rien constaté de particulier entre eux, ni entendu des bruits provenant de la chambre de A______. La majorité des colocataires mangeaient le soir à la maison et étaient donc souvent ensemble lorsque, de son côté, il rentrait. C______ et A______ aimaient bien boire de l'alcool le soir et prendre un verre de plus le week-end. Il n'avait toutefois jamais remarqué un état d'ivresse particulier. Comme C______ maîtrisait mal le français, il parlait à A______ en portugais et celle-ci lui répondait majoritairement en français, avec quelques mots en espagnol.

Il n'avait pas vu que C______ tentait de fuir A______ ni qu'il avait peur de celle-ci. Il n'avait pas non plus assisté à un repas lors duquel la précitée aurait fait une remarque à C______. Ce dernier et son épouse se permettaient de faire du bruit après 22h00 et râlaient si les autres colocataires en faisaient de même.

Le 15 novembre 2021, il était rentré à la maison quelques minutes après l'arrivée de N______. Plus tard, lorsqu'il avait recroisé A______, celle-ci avait évoqué le fait que C______ avait tenté d'entrer dans sa chambre, ce que les deux mineures lui avaient également rapporté. Pour sa part, il n'était au courant de rien et n'avait rien constaté. Il lui avait fait part de son étonnement sur l'existence d'une proximité suffisante entre eux pour qu'un viol se produise car il n'aurait jamais pensé que cela puisse arriver. Pour sa part, il s'était déjà rendu dans la chambre de A______ pour la soutenir, en raison de ses problèmes. Il n'avait eu aucune relation intime avec la concernée.

d. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions.

La lecture du jugement de première instance avait été particulièrement lourde et choquante pour elle. Le TCO n'avait pris en compte ni les éléments ressortant de l'attestation de son suivi psychiatrique, ni ceux figurant dans les rapports d'expertise, et avait omis ou rapporté de manière fausse plusieurs constatations de faits pourtant pertinentes. Elle n'avait aucun intérêt à inventer une telle histoire au vu des traitements subis et la péjoration de son état de santé en était la preuve. Même si elle était attristée par la séparation d'avec son époux, elle n'aurait aucunement agi de la sorte pour le reconquérir, vu l'état dans lequel il l'avait retrouvée.

Les déclarations de la victime étaient un élément de preuve qu'il convenait de prendre également en considération. Or, la pesée des intérêts penchait en sa faveur. C______ avait passablement varié dans son récit, notamment sur la durée de leur relation, leur prétendu premier rapport sexuel, le déroulement des faits, en particulier s'agissant de la fellation, de leur position et de son habillement, qu'il lui aurait retiré ou non. Il n'avait admis du désir qu'en audience de jugement, taisant ce fait durant toute l'instruction. Or, il avait envie d'elle et imaginait qu'elle entretenait des relations sexuelles avec d'autres colocataires, raison de ses agissements. Il avait de surcroît menti à son épouse, ce qui prouvait qu'il en était capable. Pour sa part, elle-même avait été constante sur l'absence de relations intimes avant les faits, la chronologie des événements, ainsi que sur ses refus et la manière dont elle les avait exprimés, étant relevé qu'elle n'avait rapporté que peu de détails car les faits étaient très brefs. Elle n'avait pas minimisé ses contacts avec le prévenu, ayant même reconnu l'avoir croisé lors d'apéritifs organisés et lors de la préparation des repas. Elle n'avait pas besoin de C______ puisqu'elle avait une vie sexuelle active. Si elle avait réellement eu une quelconque relation avec ce dernier, l'instruction aurait permis d'en retrouver la trace, comme des échanges de messages ou des attentions particulières entre eux. L'épouse de C______ était jalouse, non pas d'elle mais bien de son époux, lequel s'était alors senti obligé de prétendre d'avoir été contraint. K______ avait d'ailleurs relaté ce que son époux lui avait expliqué lors de la colocation si bien que ses déclarations n'étaient pas pertinentes.

Rien ne pouvait être tiré du fait que l'épouse de C______ n'avait été rajoutée qu'une heure après sur le groupe WhatsApp de la maison et des déclarations de M______ qui ne prouvaient pas encore qu'ils entretenaient des relations sexuelles, étant relevé que celui-ci était le colocataire qui avait vécu le plus longtemps avec C______ et son épouse, de sorte qu'il avait pu être influencé par ces derniers.

C______ n'avait pris aucun risque le soir des faits dès lors que, hormis les deux jeunes filles résidant au sous-sol, la maison était vide. Bien au contraire, il avait attendu que L______ quitte sa chambre pour agir, étant relevé que ce dernier passait automatiquement devant la chambre du prévenu pour sortir. Il s'était ensuite introduit dans la chambre de sa victime, alors qu'elle s'était endormie, et l'avait déshabillée. L'agression n'avait duré que quelques minutes, soit entre 20h00 et 20h07.

Son comportement après les faits, le dévoilement de ceux-ci ainsi que le sentiment de culpabilité dont elle avait fait part à son époux, tout comme la dégradation de son état psychologique, étaient des gages de sincérité. La thèse selon laquelle elle aurait tout inventé au motif que le prévenu aurait refusé de dormir avec elle était insensée. Ses déclarations étaient donc crédibles et devaient mener à la condamnation du prévenu.

e. Pour sa part, le MP conclut à l'admission de l'appel principal et de son appel joint.

A______ avait été constante et sincère sur la chronologie et le déroulement de l'agression dont elle avait été victime et en avait immédiatement parlé tant à L______ qu'à son mari. Elle n'avait ni exagéré ni tenté d'en rajouter. Il en allait de même des épisodes où C______ avait essayé de pénétrer dans sa chambre, qu'elle avait également relatés à son mari et à G______. Le fait que A______ ait indiqué lors d'un repas que le précité "grattait à sa porte" corroborait les propos de celle-ci. A______ n'avait aucun bénéfice à déposer plainte, vu les traitements qu'elle avait subis et son placement ensuite en foyer, ni aucune raison d'en vouloir à C______.

Son comportement après les faits, soit sa douche immédiate et le besoin de s'enivrer davantage, procédait d'un mécanisme de défense. Bien que L______ se trouvait dans la maison, il n'était pas étonnant qu'elle ait cherché du réconfort d'abord auprès de son époux, au vu de son état de détresse. Le précité n'avait du reste rien entendu car il regardait la télévision dans sa chambre, qui était la plus éloignée de celle de A______, et selon celle-ci, son agresseur avait insisté pour qu'elle ne fasse aucun bruit. K______ avait d'ailleurs confirmé que A______ n'avait pas pleuré fort. Selon S______, l'appelante n'avait pas de propension à mentir. Sur demande de A______, L______ était descendu et avait vu que C______ était dans le salon, soit proche de la chambre de la plaignante. M______ avait également remarqué plusieurs accrochages entre C______ et son épouse.

Même si A______ avait eu une relation intime par le passé avec le prévenu, cela n'avait pas été le cas le soir des faits dès lors qu'elle lui avait fait clairement part de son refus. Les messages que A______ avait transmis à L______, son état de détresse ainsi que le contexte du dévoilement étaient des éléments à charge qui devaient conduire à la condamnation du prévenu.

f. Par la voix de son conseil, C______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

Venant d'un milieu modeste, il était incapable d'inventer une telle histoire, qui plus est avec autant de détails périphériques, qu'il avait répétés dans le cadre de toutes ses auditions. Il avait admis son désir pour A______, raison notamment pour laquelle il avait accepté d'entretenir des relations sexuelles avec elle, qu'il avait spontanément décrites à la police. Il n'avait jamais varié quant à l'existence des relations intimes antérieures, qu'il avait détaillées à plusieurs reprises, tout comme les menaces proférées. Il ne s'était contredit sur aucun point essentiel, étant relevé qu'au vu des détails fournis, il n'était pas surprenant qu'il y ait pu avoir une certaine confusion sur la chronologie des événements au fur et à mesure de ses auditions.

Il était faux de prétendre que L______ était absent le soir des faits, au vu du déroulement des événements, et en particulier qu'il aurait attendu que ce dernier quitte la maison pour soi-disant agir, ce dont il était incapable. Tant les déclarations de son épouse que celles de M______ corroboraient son récit sur la relation qu'il entretenait avec A______, tout comme le vocal prémonitoire qu'il avait reçu de son épouse un mois avant les faits. L______ avait vu que A______ avait tenté de provoquer C______ et G______ avait également remarqué qu'elle lui proposait toujours du vin, ce qui appuyait davantage sa version des faits que celle de la plaignante, laquelle avait préféré cacher leur relation, car contradictoire avec le viol allégué. A______ avait fluctué dans ses déclarations notamment sur le verrouillage de la porte, son emploi du temps avant les faits, la maigre description de son agression et sur le fait qu'elle avait crié ou pleuré, étant relevé qu'au vu de la faible insonorisation de la maison, L______ aurait dû l'entendre, tout comme le bruit des poignées. Il était au demeurant invraisemblable qu'elle ne soit pas allée chercher protection auprès de ce dernier. Il était également surprenant qu'en revenant du kiosque, elle avait continué à boire dans sa chambre, sans verrouiller la porte de celle-ci, alors même qu'elle venait de subir un viol.

Compte tenu de toutes ses incohérences et fluctuations, A______ n'était pas crédible. Elle était en réalité à la recherche d'affection et souhaitait se prouver qu'elle était encore capable de séduire. Après avoir essuyé les refus de C______, elle s'était sentie délaissée et humiliée, si bien qu'elle avait décidé d'agir contre lui. Il était donc innocent et son acquittement devait être confirmé.

D. a. Me E______, défenseure d'office de C______, dont l'activité en première instance a été taxée pour plus de 30 heures, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, sept heures et 50 minutes d'activité de cheffe d'étude, dont trois heures et 30 minutes d'entretien avec le client et CHF 280.- de frais d'interprète y relatifs, documentés par factures, en sus de 25 heures d'activité de stagiaire, comprenant 22 heures de préparation de l'audience, hors débats d'appel, lesquels ont duré cinq heures et 25 minutes.

b. Me B______, conseil juridique gratuit de A______, dont l'activité en première instance a été taxée pour 26 heures et 35 minutes, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, deux heures et 30 minutes d'activité de collaborateur (rédaction de la déclaration d'appel), ainsi que 15 heures et 35 minutes d'activité de cheffe d'étude, dont 50 minutes d'étude du dossier et 13 heures de préparation d'audience.

EN DROIT :

1.             L'appel et l'appel joint sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398ss du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 et 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, cette présomption signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 145 IV 154 consid. 1).

Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble et il n'y a pas arbitraire si l'état de fait retenu peut être déduit de manière soutenable du rapprochement de divers éléments ou indices. De même, il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'un ou plusieurs arguments corroboratifs sont fragiles, si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8). En matière d'appréciation des preuves, il est admissible d'examiner le comportement des protagonistes avant et après l'acte sexuel, dès lors qu'il peut être révélateur de ce qu'ils ont effectivement vécu (arrêt du Tribunal fédéral 6B_735/2007 du 24 janvier 2008 consid. 2.2).

Les déclarations de la victime constituent un élément de preuve. Le juge doit, dans l'évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires rassemblés au dossier, les apprécier librement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_219/2020 du 4 août 2020 consid. 2.1 et 6B_332/2020 du 9 juin 2020 consid. 3.2). Les cas de "déclarations contre déclarations", dans lesquels les déclarations de la victime en tant que principal élément à charge et les déclarations contradictoires de la personne accusée s'opposent, ne doivent pas nécessairement, sur la base du principe in dubio pro reo, conduire à un acquittement (ATF 137 IV 122 consid. 3.3). L'appréciation définitive des déclarations des participants incombe au tribunal du fond (ATF 137 IV 122 consid. 3.3).

2.2.1. Selon l'art. 190 al. 1 CP, se rend coupable de viol celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel.

Pour qu'il y ait contrainte, il faut que la victime ne soit pas consentante, que l'auteur le sache ou accepte cette éventualité et qu'il passe outre en profitant de la situation ou en employant un moyen efficace à cette fin, en usant de violence ou en exerçant des pressions psychiques (ATF 131 IV 167 consid. 3 ; 122 IV 97 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_493/2016 du 27 avril 2017 consid. 2.2).

À défaut d'une telle contrainte, de l'intensité exigée par la loi et la jurisprudence, et même si la victime ne souhaitait pas entretenir une relation sexuelle, il n'y a pas viol (arrêts du Tribunal fédéral 6B_710/2012 du 3 avril 2013 consid. 3.1 ; 6B_311/2011 du 19 juillet 2011 consid. 5.2).

2.2.2. Le viol est une infraction intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant. L'auteur doit savoir que la victime n'est pas consentante ou, du moins, en accepter l'éventualité, et il doit vouloir ou, à tout le moins, accepter qu'elle soit contrainte par le moyen qu'il met en œuvre ou la situation qu'il exploite (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1306/2017 du 17 mai 2018 consid. 2.1.2 ; 6B_35/2017 du 26 février 2018 consid. 4.3).

2.3.1. En l'occurrence, il est établi que les parties résidaient dans la même colocation avec sept voisins depuis un mois et demi, qu'elles disposaient chacune d'une chambre séparée, l'une au rez-de-chaussée et l'autre au 1er étage, et qu'elles ont entretenu une relation sexuelle durant la soirée du 15 novembre 2021, dans la chambre de l'appelante. Il est également admis que celle-ci a demandé à l'intimé de venir dans sa chambre, quelques jours après son emménagement, pour enlever une araignée (épisode dit de l'araignée).

Le récit de l'appelante s'oppose à celui de l'intimé s'agissant de leurs agissements respectifs et du caractère consenti de l'acte reproché, ainsi que de l'existence de relations sexuelles antérieures aux faits. L'intimé date leur premier rapport sexuel au jour de l'épisode de l'araignée alors que l'appelante exclut toute relation antérieure. Ces faits se sont déroulés à huis-clos et sans témoin direct de sorte que l'on se trouve dans une situation de "déclarations contre déclarations".

Il sied dès lors d'apprécier et de confronter la crédibilité de chacun de leur récit.

2.3.2.1. Il peut être concédé aux deux parties que, sur l'essentiel, leur version respective n'a pas vraiment varié.

Bien que sa description des faits litigieux soit maigre, l'appelante a toujours expliqué qu'elle s'était assoupie sur son lit, après avoir bu de l'alcool en fin d'après-midi et sans verrouiller cette fois-ci sa porte car elle devait sortir son chien, avoir été réveillée par l'intimé qui lui avait répété "Calma te" et ce malgré ses refus ("non" et pleurs), puis l'avait pénétrée vaginalement, sans qu'elle ne puisse bouger mais sans néanmoins qu'il n'use de violence. Après qu'il était sorti de la chambre, elle s'était douchée en pleurs car elle ne supportait pas son odeur. Puis, tout en répétant qu'elle s'était fait violer, elle s'était rendue à pied jusqu'au quartier Q______ pour s'acheter de l'alcool, qu'elle avait bu sur le chemin du retour, avant de retourner dans sa chambre. L'appelante a également toujours réfuté avoir eu une quelconque attirance pour l'intimé, des regards aguicheurs ou des gestes à connotation sexuelle à son égard, et avoir entretenu des rapports sexuels consentis avec celui-ci avant les faits. Elle a été constante sur le fait qu'elle croisait uniquement l'intimé lors de la préparation des repas ainsi que sur le déroulement des tentatives d'ouverture de sa porte avant le 15 novembre 2021, et sur le fait qu'elle avait reçu vers 06h00, après la première tentative d'entrée dans sa chambre, un appel téléphonique de l'intimé.

Ce dernier a pour sa part toujours contesté les faits reprochés et indiqué que l'appelante l'avait courtisé dès son emménagement au sein de la colocation, puis avait par la suite menacé de révéler leur relation. Il a aussi été constant sur le fait qu'ils avaient entretenu trois relations sexuelles consenties, dont celle du 15 novembre 2021, événements qui s'étaient déroulés sur une période d'un mois et demi et qu'il a décrits de manière successive, avec des détails certes parfois confus mais néanmoins récurrents au fur à mesure de ses auditions ("elle s'était assise sur ses genoux alors qu'il mangeait et l'avait embrassé" [police et MP] / épisode de l'araignée et première relation sexuelle, relatée devant toutes les instances [police, MP, TCO et CPAR] / "elle lui avait caressé le sexe dans la cuisine alors que sa femme était présente" [police et MP] / deuxième relation sexuelle relatée devant toutes les instances [police, MP, TCO et CPAR] avec la précision qu'elle s'était "dénudée" [police], était remontée dans sa chambre mettre une "robe courte" [MP et CPAR] / "elle avait persisté à le courtiser après son mariage et il avait refusé/fui" [police, MP et CPAR] / épisode de l'Église lors duquel il était retourné auprès de sa femme, après réception du message du pasteur, car l'appelante l'avait embrassé à la sortie de son véhicule [police et CPAR]).

S'agissant des faits reprochés, l'intimé est resté constant sur le fait que l'appelante était allée à sa rencontre pour lui proposer du vin, puis d'entretenir un rapport sexuel, qu'il avait refusé avant de l'accepter car elle l'avait menacé de tout révéler à sa femme, et que lors de ce rapport, elle avait été entreprenante ("elle l'avait embrassé" [police, MP, TCO et CPAR] / "elle l'avait fait asseoir sur le lit" [police, TCO, CPAR] / "elle lui avait fait une fellation/commencé à faire des relations sexuelles sur lui" [police, TCO et CPAR] / "elle était venue sur lui/s'était assise au niveau de ses hanches" si bien qu"il l'avait pénétrée vaginalement" [police, TCO et CPAR]), étant relevé qu'au MP, il n'a pas décrit l'acte, mentionnant uniquement qu'ils avaient eu une relation sexuelle normale, et qu'il a simplement confirmé au TCO ses déclarations faites à la police, lesquelles lui ont été lues au préalable. Il a ensuite expliqué qu'il avait eu peur que d'autres résidants les surprennent [police et TCO], que l'appelante lui avait demandé de rester dormir avec elle [MP, TCO et CPAR] et l'avait menacé de tout révéler [MP et TCO].

2.3.2.2. Les déclarations des deux parties ont toutefois également évolué sur certains détails et passages, en particulier s'agissants des faits litigieux.

L'appelante a ainsi varié quant au verrouillage de la porte de sa chambre ("elle n'avait pas fermé sa porte à clé" [police, MP et CPAR] ; "elle l'avait en fait fermée à clé mais l'avait déverrouillée par la suite" [TCO]), sur son emploi du temps avant l'agression ("elle était restée dans sa chambre à boire" [début de son audition à la police, MP et CPAR] ; "elle s'était préparée à manger avant de se doucher et d'enfiler son training" [fin de son audition à la police] ; "elle avait dû croiser l'intimé à la cuisine entre 18h00 et 19h00" [TCO]), sur la position de l'intimé à son réveil ("sur elle" [début de son audition à la police, MP et CPAR] ; "assis sur le lit et penché sur elle" [suite de son audition à la police]) ; "vers elle et sur elle, assis à ses côtés sur le lit" [TCO]), sur le fait qu'elle s'était défendue ("elle l'avait repoussé avec ses mains" [uniquement au MP et au TCO]), sur les agissements de l'intimé ("il l'avait embrassée", puis "en fait, elle se souvenait uniquement l'avoir vu sur elle et avoir été pénétrée vaginalement" [police] ; "il l'avait caressée" [TCO et CPAR]), ainsi que sur sa vie sexuelle ("seule une relation intime le week-end précédent les faits, sans pénétration" [police] ; "deux relations sexuelles distinctes dans sa chambre avec deux hommes différents" [CPAR]). Elle a de surcroît été passablement floue quant à la manière dont il l'avait déshabillée puis contrainte, ainsi que quant à ses propres réactions.

De son côté, l'intimé a varié quant aux habits portés par l'appelante et s'il les lui avait retirés ou non ("elle ne portait qu'un simple t-shirt" [police et TCO] ; "il lui avait effectivement retiré son pantalon ainsi que sa culotte" [MP] ; "elle était munie d'une chemise de nuit au niveau de la mi-cuisse" [CPAR], quant à leurs agissements respectifs durant l'acte sexuel ("il était à genoux, elle l'avait embrassé, s'était levée de son lit, l'avait fait asseoir, lui avait abaissé son short afin de lui prodiguer une fellation, il l'avait finalement repoussée mais elle était revenue sur lui" [police et TCO] ; "ils s'étaient embrassés avant d'entretenir une relation sexuelle normale" [MP] ; "elle était déjà couchée sur le lit, ils s'étaient embrassés, il lui avait touché les seins, elle l'avait assis sur le lit, s'était mise à genoux pour commencer à faire des relations sexuelles sur lui, l'avait couché sur le lit, s'était assise au niveau de ses hanches et avait placé son pénis" [CPAR], ainsi que sur les raisons des fausses accusations proférées à son encontre ("elle buvait constamment, souffrait psychologiquement, avait essuyé ses refus et ne voulait pas qu'il quitte la colocation" [police] ; "elle voulait partir au Portugal avec lui et qu'il quitte sa femme" [CPAR]. Il a aussi été imprécis quant au moment du premier rapport sexuel, taisant notamment en appel cet épisode avant de l'admettre, à la chronologie des faits avant l'acte sexuel, ainsi quant à la pièce dans laquelle ils avaient bu du vin.

2.3.2.3. Au vu de ces constatations, la CPAR considère que les deux versions, diamétralement opposées, comportent toutes deux des composantes vraisemblables, mais également contradictoires ou évolutives, si bien qu'il convient de s'appuyer sur les autres éléments au dossier.

2.3.3. Les déclarations de l'appelante, selon lesquelles elle n'aurait eu aucune relation de proximité avec l'intimé, sont contredites par divers témoignages. K______ a constaté qu'elle "jouait" avec son époux, le draguait et lui proposait de l'alcool, et confirmé les propos de l'intimé sur le fait que l'appelante lui avait touché le sexe et l'avait embrassé. M______, dont aucun élément au dossier ne permet de considérer qu'il a été influencé, comme le prétend pourtant l'appelante, a, pour sa part, perçu du désir de la part de cette dernière pour l'intimé, en raison notamment de ses allusions et sous-entendus, comme à une occasion où elle avait ressenti le besoin de l'interrompre à table – vraisemblablement par jalousie –, ce qui est aussi étayé par le témoignage de G______, qui avait eu, de son côté, le sentiment qu'elle souhaitait créer des jalousies et avait constaté que l'intimé faisait tout ce que l'appelante lui demandait. La précitée a également remarqué que les parties entretenaient une excellente relation, que l'appelante était particulièrement joyeuse en compagnie de l'intimé et lui proposait constamment du vin lorsqu'il rentrait, fait qui corrobore à nouveau davantage la version de l'intimé que celle de l'appelante. Le fait que L______ ait de son côté constaté que leur relation était plutôt tendue, que le froid provenait plutôt de l'appelante, laquelle provoquait l'intimé, n'enlève en aucun cas le caractère crédible du récit de ce dernier avant les faits dès lors que l'emménagement de L______ au sein de la colocation date de fin octobre, soit lorsque l'intimé, qui était sur le point de se marier, avait informé l'appelante qu'il souhaitait mettre un terme à leur relation. Dans ce contexte, il n'est pas non plus surprenant que l'appelante ait directement insulté le couple dès son arrivée dans la maison ("il ne branlait rien ; sa femme était une connasse mal-baisée"). J______ a certes indiqué qu'il n'avait rien vu de particulier, mais a également confirmé qu'il n'était pas souvent là le soir lorsque les colocataires mangeaient ensemble, de sorte que ses déclarations ne contredisent pas les autres témoignages. Il a également déclaré que l'appelante communiquait en français et en espagnol avec l'intimé, confirmant ainsi les dires de ce dernier, alors que l'appelante avait préalablement réfuté de manière catégorique s'être adressée à l'intimé en lui parlant espagnol.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, il n'est pas surprenant qu'aucune trace matérielle de cette relation n'ait été retrouvée dès lors qu'elle était vouée à être secrète et qu'on imagine mal l'intimé laisser des attentions particulières à l'appelante dans la colocation, voire des messages écrits, vu sa capacité déjà limitée à communiquer de vive-voix.

À cela s'ajoute le message vocal de K______ envoyé à son époux un mois avant les faits et moins de deux semaines avant leur mariage, dans lequel elle fait état de ses constatations et de ses craintes vis-à-vis du comportement de l'appelante, ce qui appuie à nouveau le récit de l'intimé.

Enfin, le fait que l'intimé ait spontanément relaté à la police les événements précédents le soir en question, avec des détails périphériques, ainsi que la relation qu'il entretenait avec l'appelante, tout en admettant par-devant le TCO son désir pour celle-ci et son envie d'entretenir des rapports sexuels avec elle, malgré les menaces proférées, est un gage de sincérité et ce, en dépit des dénégations de l'appelante, étant relevé qu'il n'est pas inconcevable qu'elle ait tenté de le séduire, seulement quelques jours après son emménagement.

Au vu de ces éléments, la CPAR retient que l'appelante a minimisé la fréquence de ses rencontres avec l'intimé ainsi que la nature de leur relation, et tient par conséquent pour crédible la version relatée par le prévenu, avant les faits.

2.3.4. S'agissant des tentatives d'ouverture de la porte de la chambre de l'appelante, bien que celle-ci a été constante à ce sujet et s'est confiée, avant les faits reprochés, tant à son amie S______ qu'à son mari, aucun élément ne permet d'établir qu'il s'agissait de l'intimé, étant rappelé que ce dernier a contesté les faits, que l'époux de l'appelante a indiqué ne pas s'être posé de plus amples questions vu qu'elle habitait avec plusieurs personnes et que sa porte était verrouillée de sorte que l'appelante n'a pu que supposer qu'il s'agissait du prévenu.

Le message transmis à L______ la veille des faits, ainsi que ses explications quant à la raison de cet envoi (peur de l'intimé) sont en contradiction avec la relation de proximité qu'entretenaient les parties, que la CPAR tient pour établie au vu des considérants précédents (cf. supra consid 2.3.3), ce qui décrédibilise à nouveau davantage l'appelante. Par ailleurs, L______ a expliqué n'avoir jamais entendu les bruits de poignée décrits par l'appelante, alors qu'il aurait dû les percevoir au vu de la faible insonorisation de la maison. Il avait dès lors pensé qu'elle divaguait car il n'avait vu personne, avant de préciser devant le TCO avoir vu l'intimé installé au salon, d'où il n'avait toutefois pas eu l'air d'avoir bougé.

Enfin, aucune conclusion ne peut être tirée de l'appel téléphonique de l'intimé dès lors que celui-ci a reconnu avoir pu appeler l'appelante par mégarde et que G______, seule témoin à qui celle-ci en avait parlé avant les faits, n'a établi aucun lien entre cet appel et les tentatives d'ouverture de la porte, ce que seule l'appelante fait.

Partant, au vu de ces constats, les déclarations de l'appelante concernant ces événements ne peuvent être retenues à charge de l'intimé.

2.3.5. Comme relevé à juste titre par le TCO, il est vrai que l'existence de relations sexuelles préalables aux faits entre les parties ainsi que l'attitude séductrice et entreprenante de l'appelante n'exclut pas qu'un viol ait été commis le soir en question.

Le dossier comporte toutefois plusieurs zones d'ombre en rapport avec des éléments clés, ce qui laisse planer un doute sur la culpabilité de l'intimé.

Tout d'abord, compte tenu de l'insonorisation médiocre de la maison, constatée par tous les habitants, en particulier par L______, et qui ressort également des échanges du groupe WhatsApp de la maison (cf. supra let. B.a.c.), il est surprenant que le précité, situé dans la chambre en face de celle de l'intimée, n'ait strictement rien entendu. S'il est concevable de ne pas entendre à cette heure-là, compte tenu des activités diverses de chaque habitant de la maison, l'acte sexuel litigieux, les deux parties s'accordant sur sa courte durée, il paraît peu probable que L______ n'ait pas entendu les refus, pleurs, sanglots, voire même les faibles cris décrits par l'appelante. À cet égard, il sied de relever que ce témoin était bien dans sa chambre au moment des faits dès lors qu'il a quitté la résidence entre 20h00 et 20h15, que l'appelante a expliqué s'être douchée en pleurs durant un long moment directement après l'agression – ce que L______ aurait d'ailleurs dû à nouveau entendre – et qu'il ressort du dossier qu'elle a envoyé le message "J'ai crié t'es pas venu" à ce dernier à 20h07, soit après le viol et sa douche. Il apparait d'ailleurs surprenant qu'elle indique avoir crié à cette occasion, alors qu'elle l'a réfuté durant la procédure.

Ensuite, on peine à comprendre pourquoi l'appelante n'a pas cherché réconfort ou protection auprès de L______, alors même qu'il a été la première personne qu'elle a contactée, étant rappelé que l'appel passé à son mari est intervenu plus d'une heure après, soit à son retour et alors qu'elle était passablement ivre. Par ailleurs, la manière dont elle a communiqué après les faits avec son voisin de chambre apparaît particulière, surtout s'agissant de son premier contact ("J'ai crié t'es pas venu") et du dernier message transmis trois jours après, comme si elle cherchait à donner du crédit à sa version ("j'espère que toi tu me crois", "Je ne vois pas pourquoi je mentirais sur une chose pareille et pour un mec ni beau ni riche je serai folle si non. Et surtout je ne m'infligerais pas tous ces traitements médicaux. Il est dehors jusqu'au jugement et on verra la suite").

Rien ne peut être tiré des rapports d'expertise s'agissant d'éventuelle trace matérielle des faits dénoncés. Comme cela a été justement relevé par le TCO, il n'est pas surprenant que l'appelante se soit soumise à des traitements médicaux contraignants vu le viol allégué et le fait qu'elle a entretenu des relations sexuelles non protégées – consenties ou non –, étant relevé que les hôpitaux proposent systématiquement une telle prise en charge, en sus d'un suivi psychologique dans de tels cas.

En outre, l'appelante a été particulièrement floue et avare de détails s'agissant de la manière dont elle avait été contrainte durant l'acte sexuel par l'intimé, même si cela peut s'expliquer par l'éventuel traumatisme vécu. Il est également surprenant que la porte de sa chambre n'ait pas été fermée à clé a seconde fois, vu que son époux a pu y entrer, alors qu'elle a expliqué au MP qu'elle s'était enfermée dans sa chambre en revenant à pied, comme elle le faisait systématiquement. Il en va de même du fait que son chien n'a aucunement réagi, étant relevé que l'argument de l'appelante à ce sujet n'est que peu convaincant, un jeune chien étant de nature plus réactif qu'un animal âgé.

Ajouté aux éléments négatifs qui précèdent, il convient de rappeler également que l'appelante a évolué dans son discours concernant ses relations sexuelles antérieures aux faits, au fur et à mesure des témoignages, contredisant aussi celui de son amie S______, laquelle a pourtant affirmé qu'elle n'était pas du genre à mentir.

Enfin, bien que le bénéfice d'une telle dénonciation semble peu discernable, l'appelante a pu avoir agi par jalousie dans la mesure où elle avait essuyé plusieurs refus de l'intimé au préalable, voire même afin d'attirer l'attention et l'affection d'autrui, de son mari d'alors en particulier.

2.3.6. Il est vrai qu'en parallèle, l'appelante a été mesurée dans ses propos et n'a pas chargé davantage l'intimé, reconnaissant qu'il ne l'avait ni menacée ni violentée. Le fait qu'elle se soit douchée directement après les faits peut effectivement être un mécanisme de défense mais n'est pas non plus en soi surprenant après un acte sexuel. Ses déclarations selon lesquelles elle était ensuite sortie s'acheter du vin pour s'enivrer sont corroborées par son taux d'alcoolémie à 22h15 ainsi que par le temps écoulé entre le premier message transmis à L______ à 20h07 et son message vocal envoyé en pleurs à 21h01, alors qu'elle était de retour dans sa chambre, vu le bruit de fond de radio ou de télévision perceptible. Ces messages tendent à accréditer le récit de l'appelante. Toutefois, son état d'hystérie à l'arrivée des ambulanciers, ainsi que la manière dont elle a contacté son voisin de chambre peuvent aussi bien s'expliquer par son état d'enivrement, combiné à son mal-être d'alors.

Les déclarations des témoins N______ et S______, seules personnes n'ayant pas vécu au sein de la colocation, sont des éléments à charge (intonation de la voix de l'appelante lors de l'appel à son mari, culpabilité manifestée à l'hôpital, détérioration de son état de santé). L'attestation établie le 4 avril 2022 par sa psychologue fait également état d'une détérioration de la santé psychique de sa patiente mais ne fournit aucun élément sur son état préexistant, pour lequel elle bénéficiait déjà d'un suivi régulier depuis plusieurs années.

Ces constatations, bien qu'également pertinentes dans l'appréciation des faits, restent insuffisantes pour faire pencher la balance en faveur d'une condamnation au vu des nombreux éléments à décharge figurant aussi au dossier.

2.3.7. Au demeurant, la CPAR constate que les profils des parties sont diamétralement opposés.

Agé de près de 50 ans, le prévenu, père de deux enfants majeurs issus d'une précédente union, s'était marié deux semaines avant les faits. Son épouse semblait envisager qu'il ait pu développer des sentiments pour l'appelante et ce, même avant leur mariage. Elle est toutefois catégorique sur le fait qu'il était incapable de faire de mal à une femme. Elle le décrit comme étant une personne travailleuse, sérieuse, gentille, qui aime aider les autres et qui tisse facilement des liens d'amitié, tout en étant particulièrement apprécié. Cette description est également corroborée par les déclarations des autres témoins : M______ le trouvait particulièrement sympathique, L______ plutôt calme et non agressif et G______ très respectueux envers elle-même et ses propres filles, caractéristiques que la CPAR a également pu constater elle-même en audience, l'intimé ayant été particulièrement calme et serein, tout en étant gêné de devoir décrire des scènes intimes. Le prévenu n'a de surcroît aucun antécédent judiciaire et semble vivre une vie relativement simple.

À l'inverse, l'appelante était en pleine séparation avec son époux et venait de quitter le domicile familial dans lequel elle vivait avec ses filles, qui lui manquaient. Elle souffrait depuis plusieurs années d'une dépression qui l'avait conduite à prendre un traitement médicamenteux et consommait quotidiennement de l'alcool ainsi que, ponctuellement, de la cocaïne et du haschich. Elle avait déjà été abusée sexuellement par le passé et avait subi un harcèlement dans le cadre de son dernier travail. Elle avait également tenté de mettre fin à ses jours à plusieurs reprises. Elle était à l'assurance invalidité et suivie par des professionnels. À la colocation, elle était très serviable et souhaitait développer des liens avec tous les colocataires, notamment avec L______ qui la trouvait gentille mais spéciale. Tous avaient constaté qu'elle était fragile psychologiquement et faisait régulièrement des crises de nerf, comme lors de la réunion du 13 octobre 2021, suite à laquelle elle avait ressenti le besoin de s'excuser et d'expliquer son comportement par sa situation personnelle compliquée, par crainte que les colocataires la considèrent comme déséquilibrée ("il ne fallait pas prendre ses réactions pour de la folie").

Dans un tel contexte, l'hypothèse selon laquelle l'intimé se serait introduit par surprise dans la chambre de l'appelante, un lundi en tout début de soirée, alors qu'elle dormait et que d'autres colocataires étaient présents dans la résidence, puis aurait délibérément abusé d'elle, en prenant le risque qu'elle crie et fuie, apparaît difficilement concevable. Les profils psychologiques et les parcours respectifs des parties permettent en effet de faire ressortir des traits de personnalité diamétralement opposés, qui tendent à décrédibiliser davantage l'appelante que l'intimé et sont ainsi par la force des choses constitutifs d'un élément à décharge qui s'ajoute à un faisceau d'indices déjà prépondérant.

2.3.8. Au vu des considérations qui précèdent, il subsiste un doute sérieux et insurmontable qui, en application du principe "in dubio pro reo", doit profiter à l'intimé, qui sera acquitté de l'infraction de viol.

3. Les mesures de restitution, qui n'ont pas été remises en cause en appel, seront confirmées.

4. L'acquittement étant confirmé, les conclusions de l'appelante en réparation du tort moral sont rejetées (art. 47 et art. 49 de la loi fédérale complétant le code civil suisse [CO]).

5. L'appelante, partie plaignante, étant au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite et vu la qualité de l'appelant joint, l'entier des frais de la procédure d'appel seront laissés à la charge de l'État (art. 136 al. 2 let. b et 428 al. 1 CPP).

Vu l'issue de la procédure, la répartition des frais de la procédure préliminaire et de première instance ne sera pas revue.

6. 6.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit (cf. art. 138 al. 1 CPP) est indemnisé selon le tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. Devant les juridictions genevoises, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire, débours de l'étude inclus, de CHF 110.- pour l'avocat stagiaire (let. a) et de CHF 200.- pour le chef d'étude (let. c). En cas d'assujettissement, l'équivalent de la TVA est versé en sus.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. REISER / B. CHAPPUIS [éds], Commentaire romand, Loi fédérale sur la libre circulation des avocats, Bâle 2010, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3). Par voie de conséquence, le temps consacré à la rédaction d'écritures inutiles ou reprenant une argumentation déjà développée, fût-ce devant une autorité précédente, ne saurait donner lieu à indemnisation ou à indemnisation supplémentaire (AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.2.2.3, 8.2.2.6, 8.3.1.1 et 8.3.2.1).

6.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 10 % lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2). Ainsi, les communications et courriers divers, y compris l'annonce et la déclaration d'appel, sont en principe inclus, de même que d'autres documents ne nécessitant pas ou peu de motivation ou autre investissement particulier en termes de travail juridique, tels de brèves observations ou déterminations.

6.3. Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense d'office au sens de l'art. 135 CPP (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.33 du 28 juillet 2015 consid. 4.3). La rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour au et du Palais de justice est arrêtée à CHF 55.- pour les stagiaires et à CHF 100.- pour les chefs d'étude, dite rémunération étant allouée d'office par la juridiction d'appel pour les débats devant elle.

6.4.1. À l'aune de ces principes, il convient de retrancher de l'état de frais de Me E______ une heure et demi d'entretien avec le client, deux heures étant suffisantes pour recueillir d'éventuelles informations pertinentes complémentaires et préparer son audition, ainsi que 17 heures de préparation d'audience par sa stagiaire, l'assistance judiciaire n'ayant pas pour vocation la formation des stagiaires, étant relevé que l'intégralité du temps consacré à la lecture du dossier (trois heures) a été comptabilisée. Une seule vacation pour l'audience sera également prise en compte, au tarif de chef d'étude, en sus de celle pour la consultation du dossier.

L'indemnisation sera ainsi arrêtée à CHF 4'337.-, correspondant à 11 heures et 45 minutes d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 2'350.-) et à huit heures d'activité au tarif de CHF 110.-/heure (CHF 880.-), plus la majoration forfaitaire de 10 % (CHF 323.-), les vacations (2x CHF 100.-), la TVA à 8.10 % (CHF 304.-) et les dépens (CHF 280.-).

6.4.2. Il en va de même de l'état de frais de Me B______, duquel il convient de retrancher la facturation relative à la rédaction de la déclaration d'appel, activité couverte par le forfait correspondance/téléphone, de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'indemniser en sus. Le temps nécessaire pour la préparation de l'audience sera ramené à huit heures, activité devant suffire à une cheffe d'étude, supposée rapide et expéditive, qui connaît bien le dossier pour l'avoir plaidé en première instance.

L'indemnisation sera ainsi arrêtée à CHF 3'912.55, correspondant à 16 heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 3'200.-), plus la majoration forfaitaire de 10 % (CHF 320.-), la vacation (CHF 100.-) et la TVA variant entre 7.7 % et 8.10 % (CHF 292.55).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ et l'appel joint formé par le Ministère public contre le jugement JTCO/60/2023 rendu le 24 mai 2023 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/22340/2021.

Les rejette.

Laisse les frais à la charge de l'État.

Arrête à CHF 3'912.55, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, conseil juridique gratuit de A______, pour la procédure d'appel.

Arrête à CHF 4'337.-, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me E______, défenseure d'office de C______, pour la procédure d'appel.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Acquitte C______ de viol (art. 190 CP).

Déboute A______ de ses conclusions civiles.

Ordonne la restitution à A______ des objets figurant sous chiffres 1 à 5 de l'inventaire n° 3______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Ordonne la restitution à C______ du caleçon figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 4______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 8'773.95 l'indemnité de procédure due à Me E______, défenseur d'office de C______ (art. 135 CPP).

Fixe à CHF 7'086.65 l'indemnité de procédure due à Me B______, conseil juridique gratuit de A______ (art. 138 CPP)."


 

Notifie le présent arrêt aux au parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Anne-Sophie RICCI

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.