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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/812/2013

AARP/341/2022 du 14.09.2022 sur JTCO/8/2022 ( PENAL ) , ADMIS

Descripteurs : BRIGANDAGE;PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
Normes : CP.140.ch4; CPP.10.al3
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/812/2013 AARP/341/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 14 septembre 2022

 

Entre

A______, comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTCO/8/2022 rendu le 18 janvier 2022 par le Tribunal correctionnel,

 

et

C______, domiciliée ______ [GE],

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 18 janvier 2022, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) a classé la procédure s'agissant de la violation de domicile (art. 186 du Code pénal [CP]) et de l'omission de prêter secours (art. 128 CP) et l'a reconnu coupable de brigandage aggravé (art. 140 ch. 1 et 4 CP). Il l'a condamné à une peine privative de liberté de six ans et six mois, sous déduction de 466 jours de détention avant jugement, dont 187 jours de détention extraditionnelle, et rejeté ses conclusions en indemnisation, mettant les frais de la procédure à sa charge, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.-.

A______ entreprend ce jugement, concluant à son acquittement et à ce qu'il lui soit alloué une indemnité pour les jours de détention injustifiée, frais à la charge de l'État.

b. Selon l'acte d'accusation du 4 octobre 2021, il est reproché ce qui suit à A______ :

Il a, début octobre 2011, vers 21h30, de concert avec D______, E______, F______, G______ et H______, effectué des repérages avant de pénétrer sans droit, le 7 octobre 2011, dans l’appartement de C______, situé au rez-de-chaussée de l’immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève, par la porte-fenêtre laissée ouverte après avoir enjambé la barrière du balcon. Il s'est ensuite rué sur C______ en la faisant tomber au sol avec sa chaise, se plaçant ensuite sur elle alors qu’elle se trouvait à terre et la rouant de coups de poing et de pied au niveau du visage et du corps avec une violence inouïe. Il s'est également joint à ses comparses qui fouillaient l’appartement et a dérobé de l’argent liquide, un porte-bougie en cuivre, une grosse gourmette en argent et un bracelet en or. Il a finalement traîné C______ au sol par les chevilles pour l’éloigner de la porte-fenêtre afin que ses râlements ne soient pas entendus du voisinage avant de l’abandonner.

A______ a agi avec la circonstance aggravante de la cruauté au vu de la manière dont il a traité la victime, soit en lui faisant subir des lésions corporelles graves, entraînant une incapacité de travail de plusieurs mois, ainsi que des problèmes psychiques et physiques qui perdurent.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

i) De l'agression de C______

a. C______ a déposé plainte pénale le 9 octobre 2011, puis l'a complétée le 18 octobre 2011.

Le 7 octobre 2011, vers 20h45, elle se trouvait à son domicile, sis rue 1______ no. ______ à Genève, assise dans son salon en train de discuter avec une collègue par téléphone, lorsqu'elle avait vu surgir un homme ganté par la porte-fenêtre du salon. Celui-ci avait immédiatement donné un coup de pied, soit dans la chaise sur laquelle elle était assise, soit sur sa poitrine. Elle était tombée en arrière et, une fois au sol, s'était débattue, alors que l'homme avait placé une main sur sa bouche et l'avait maintenue au sol.

Elle avait aperçu un deuxième homme dans le salon, qui lui avait saisi les jambes, l'avait retournée sur le ventre et lui avait donné des coups dans le dos. Elle avait également été frappée sur les flancs et au visage. Elle pensait avoir perdu connaissance après avoir reçu un coup au visage et n'avait plus de souvenir de son agression jusqu'à l'arrivée de la police. Un porte-monnaie et des bijoux lui avaient été volés pour une valeur totale de CHF 1'060.-.

C______ n'a pas été capable de reconnaître ses agresseurs au moyen des planches photographiques qui lui avaient été présentées.

b. Entendue par le Ministère public (MP) le 9 février 2012, elle a déclaré avoir reçu un premier coup de pied au niveau de la poitrine. Elle se rappelait d'une main gantée et des coups reçus dans le dos, tandis que le reste était flou. Elle était incapable de reconnaître ses agresseurs. Elle avait le souvenir d'avoir vu la fenêtre du salon s'ouvrir, ce qui lui faisait penser qu'une deuxième personne aurait pénétré dans son logement mais elle ne l'avait pas vue.

Devant le Tribunal criminel (TCR), le 6 mai 2013, C______ a expliqué que, suite à ces événements, elle avait vécu un véritable calvaire et souffrait encore, tant sur le plan physique que psychologique.

c. En 2021, confrontée à A______ devant le MP, elle a ajouté ne plus se souvenir de la physionomie ou du visage de son agresseur. Elle se rappelait avoir vu un homme vêtu de noir pénétrer dans son appartement et lui porter un coup de pied en plein dans le plexus, la faisant tomber de sa chaise. Son agresseur l’avait ensuite prise par les bras alors qu’elle essayait en vain de se défendre avec ses jambes. Elle ne se rappelait pas avoir reçu des coups, mais elle avait ressenti des douleurs une fois à l’hôpital. Sa collègue avait contacté la police, s’étonnant que la ligne ait été coupée et qu’elle ne puisse plus la joindre.

Devant le TCO en 2022, elle a confirmé sa plainte et ses précédentes déclarations.

d. Les blessures et souffrances de C______ à la suite de l'agression subie étaient attestées par une lettre de sortie des HUG du 18 octobre 2011 et un rapport d'expertise du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) du 4 novembre 2011.

ii) De l'enquête et de la procédure P/2______/2011

e.a. L’enquête a permis d'établir que G______, D______, H______, E______ et F______ étaient les auteurs du cambriolage au domicile de C______.

Ces derniers, qui ont tous été interpellés, ont admis leur implication et mis en cause une sixième personne, A______, prénommé "A______", comme l'auteur des coups portés à C______.

Sur la base de ces accusations, A______ a été entendu par la police genevoise le 5 septembre 2012, alors qu'il se trouvait en détention à la prison de I______ en Roumanie, et a affirmé ne jamais être venu en Suisse.

e.b. G______, E______, F______, D______ et H______ ont été jugés pour les faits commis à l’encontre de C______. Ils ont été condamnés par le TCR, par jugement du 10 mai 2013, pour brigandage aggravé (art. 140 ch. 1 et 3 CP) et violation de domicile (art. 186 CP), condamnations entrées en force.

Le TCR a retenu la circonstance aggravante de la bande en raison de la participation de plusieurs auteurs à l’agression.

Dans la même procédure, les cinq individus précités ont également été condamnés pour leur implication dans divers brigandages avec violence, notamment G______ pour des faits en lien avec une personne née en 1925, D______ envers un couple de personnes nées en 1921 et 1927, ou encore E______ et D______ à l'encontre des occupants d'une maison.

iii) De la mise en cause de A______

f. Les cinq précités, entendus dans la procédure les concernant (P/2______/2011), puis une nouvelle fois – à l'exception de E______ – dans la présente procédure, en 2021, en confrontation et par vidéo-conférence avec A______, ont déclaré ce qui suit :

f.a. G______

f.a.a. Dans le cadre de la procédure P/2______/2011, G______ a immédiatement admis avoir commis un cambriolage avec violence à proximité d'une maison squattée située à la rue 1______ no. ______ avec cinq compatriotes qui venaient du même village que lui, soit H______, E______, F______, D______ et A______, dénommé "A______".

Ils avaient effectué des repérages au pied de l'immeuble et décidé de s'introduire dans l'appartement au rez-de-chaussée d'une femme qui se trouvait seule. Ils s'étaient disputés car certains ne voulaient pas entrer. "A______" avait réussi à les convaincre et ils s'étaient mis d'accord sur le fait que ce dernier, qui était le plus costaud d'entre les six, immobiliserait cette dame. Il n'était pas convenu qu'il la frapperait.

Le premier à entrer dans l’appartement avait été "A______". Une fois à l’intérieur, celui-ci avait plaqué C______, assise sur une chaise, l'avait jetée au sol, s'était mis sur elle et avait commencé à la frapper au visage, à coups de poing et de pied. Ils étaient ensuite tous entrés dans l'appartement. Ses comparses avaient fouillé les lieux, avant d’indiquer, lors d’une audience ultérieure devant le MP, que E______ n’était pas entré mais avait attendu sur le balcon.

Entendant C______ râler, G______ avait saisi la jambe de "A______" et l'avait supplié d'arrêter en criant "très fort", tout comme l'avaient fait ses autres complices. Ce dernier s'était arrêté et avait traîné la dame par les pieds vers la porte d'entrée afin que le voisinage ne puisse pas l'entendre appeler au secours. Il a précisé ensuite qu’il avait vu "A______" et F______ mettre C______ sur le dos et la traîner vers la "porte".

Il n'avait rien fait car il avait été choqué par le comportement très violent de "A______". Devant le MP, il a précisé qu'il avait fouillé l'appartement, mais sans rien voler. Face à la violence de l'agression, il avait pris la fuite avec D______, E______ et H______ en direction de la maison qu'ils squattaient. "A______" et F______ les avaient rejoint un quart d'heure plus tard. Ce dernier avait été le seul à avoir emporté des objets et les avait conservés, car les autres n'en voulaient pas.

La situation avait dégénéré et dévié du plan initial, à teneur duquel ils ne devaient pas agresser cette femme, car "A______" était devenu fou. Il contestait les déclarations de F______ selon lesquelles il avait organisé le brigandage et était entré en premier dans l’appartement.

Face à C______, G______ a demandé "au nom de tout le groupe" de leur pardonner pour ce qu’ils lui avaient fait, expliquant qu’ils étaient pauvres et avaient été poussés à faire cela.

f.a.b. Confronté à A______ en 2021 dans la présente cause, G______ l'a reconnu comme étant le dénommé "A______" et précisé qu’il était son cousin. Il maintenait ses précédentes déclarations faites dans la P/2______/2011 afin d'éviter de tenir des propos qui n'étaient pas conformes à celles-ci, préférant refuser de témoigner car il s'était déjà exprimé par le passé.

Ils étaient venus ensemble à Genève depuis J______ [Roumanie], dix ans auparavant, dans le but de chercher un travail. Ils avaient participé ensemble à un cambriolage, mais il ne se souvenait pas avec exactitude du déroulement de celui-ci, au vu des années écoulées depuis les faits.

À la question de savoir si quelqu'un avait frappé C______, il a d'abord répondu qu'il n'y avait pas eu de lumière et qu'il ne savait pas, précisant que la victime avait été sous l'influence de drogue. Il a ensuite indiqué avoir le souvenir que "A______" avait frappé la femme, à l’exception de toute autre personne, et que la victime avait tenté de se débattre et de se défendre. Il avait quitté Genève en voiture immédiatement après le cambriolage accompagné de D______, F______, E______ et A______. Il ne se souvenait plus si H______ était également dans le véhicule.

Il ignorait l’existence de problèmes entre A______ et les autres personnes ayant pris part à ce cambriolage et réfutait que D______ lui aurait demandé d’impliquer A______ dans ce cambriolage.

f.b. D______

f.b.a. Entendu dans la procédure P/2______/2011, D______ a tout d'abord contesté être entré dans l'appartement de C______, avant de l'admettre après que la procureure ne l'ait informé que G______ avait déclaré qu'il y était rentré et que A______ avait frappé la dame.

À la question d'expliquer ce qu'il s'était passé, il a répondu que G______, A______, H______ et lui-même étaient présents. Interpellé à nouveau, il a ensuite confirmé, sur les dires de la procureure, avoir regardé A______ maîtriser et frapper C______, vu cette dernière à terre lorsqu'il était entré dans l'appartement, et enfin avoir planifié de se répartir les rôles, "A______" devant maîtriser la femme.

Les comparses n'avaient pas pensé que "A______" frapperait la femme car cela n'était pas prévu. Ce dernier avait dit "on rentre, il n'y a personne" et était entré le premier dans l’appartement. Il a ajouté ultérieurement que A______ les avait obligés à pénétrer dans l’appartement, leur disant que s’ils ne l’accompagnaient pas, il ne les ramènerait pas "à la maison" et qu’ils ne recevraient pas d’argent. Quant à lui, il s'était contenté de fouiller la bibliothèque.

f.b.b. Confronté à A______ dans la présente cause, D______ a déclaré se souvenir "très bien" du cambriolage du 7 octobre 2011 auquel A______, E______, G______, F______ et H______ avaient participé. A______ n’avait pas frappé la victime, mais l’avait seulement tenue, ce qui l’avait fait chuter au sol.

Confronté à ses déclarations de l’époque, il a maintenu que A______ n’avait pas frappé la victime. Les autres protagonistes et lui-même l'avaient accusé à tort car ils étaient emprisonnés en Suisse, alors que A______ se trouvait en Roumanie.

Le plan était que A______ maîtrise la victime pendant que les autres fouillent la maison. La victime avait été effrayée et criait, ce qui avait fait prendre peur à A______. Ils s’étaient alors tous enfuis.

Après que la procureure lui a rappelé son obligation de dire la vérité et les conséquences d’un faux témoignage, D______ a déclaré que deux personnes étaient tombées sur la victime, soit A______ et E______. En tombant, ils lui avaient fracturé la mâchoire, les côtes ainsi que d’autres parties du corps. Ils n’avaient pas fouillé l’appartement car ils avaient été effrayés et pris la fuite en raison du téléphone qui sonnait et des sirènes de la police. La lumière était éteinte et C______ avait été vite effrayée, vraisemblablement en raison de la drogue qu’elle avait consommée et qui se trouvait sur la table, ce qui expliquait sa chute de la chaise. Après ce cambriolage, il avait quitté la Suisse dans un véhicule de type break, en compagnie des cinq protagonistes, F______ s'étant installé dans le coffre.

Il n'avait aucun problème avec A______ et ne s'était pas concerté avec les autres personnes impliquées dans le cambriolage. Sa femme avait été en couple, par le passé, avec le frère de A______, mais celle-ci ne s'était pas adonnée à la prostitution.

Il conseillait à A______ de reconnaître son implication, soit qu'il l'avait "juste" tenue et qu'elle était tombée.

f.c. H______

f.c.a. Dans le cadre de la procédure P/2______/2011, H______ a persisté à contester son implication dans le brigandage de C______, jusqu'à ce qu'il soit confronté à D______ et qu'il entende celui-ci admettre les faits que lui reprochait la procureure.

Il a ensuite acquiescé aux propos de D______ selon lesquels (i) ils s'étaient mis d'accord pour maîtriser C______, et non pour la frapper, (ii) elle se trouvait au sol, immobilisée par "A______", lorsqu'il était entré dans l'appartement, et (iii) A______ avait dit "On rentre, il n'y a personne."

f.c.b. Dans la présente cause, confronté à A______, H______ a déclaré avoir commis le cambriolage du 7 octobre 2011 avec D______, G______, F______, E______ et A______.

Il a indiqué qu’onze ans s’étaient écoulés depuis les faits si bien qu’il ne se rappelait pas du déroulement des évènements. Il avait toutefois le souvenir d’avoir vu la victime tomber lorsqu’il avait ouvert la fenêtre. Il pensait que A______ avait frappé la victime car l’un d’entre eux avait dit l’avoir vu faire cela, ce qui n'était pas son cas. Il confirmait en revanche la participation de A______ à ce cambriolage.

Il a déclaré ne pas avoir peur et contesté une quelconque concertation ou influence de D______. À l’issue de son audition, il a conseillé à A______ d’assumer sa responsabilité afin que les choses se passent au mieux pour lui.

f.d. E______

f.d.a. Dans le cadre de la procédure P/2______/2011, E______ a déclaré que G______, K______, D______, F______, H______ et L______ formaient un groupe dont le noyau dur était G______ et K______ lesquels s'associaient également avec d'autres personnes pour commettre des vols.

Il a persisté à contester avoir participé aux faits, avant d'expliquer qu'il avait eu vent de ce qui s'était passé car il avait fait le chauffeur après les faits dénoncés – au moyen d’une [voiture] M______/3______ [marque, modèle] appartenant à G______ – pour reconduire en Roumanie G______, D______, F______, H______ et "A______". Ces derniers parlaient de "A______" qui avait frappé avec ses pieds une dame au visage. E______ a finalement admis son implication après qu’il lui a été fait lecture des déclarations de G______ le mettant en cause.

G______ et F______ avaient expliqué au groupe avoir repéré une maison proche de l'immeuble où logeait C______, avant de se mettre d'accord pour y pénétrer après avoir vu qu'elle se trouvait seule dans son appartement et que la porte-fenêtre du balcon situé au rez-de-chaussée était ouverte. Ils avaient convenu que l'un d'entre eux ceinture C______ avec ses bras, ce que "A______", le plus gros et le plus fort d'entre eux, avait proposé de faire.

G______ avait été le premier à entrer dans l'appartement, suivi de "A______". Ce dernier s'était rué sur la femme, laquelle était tombée au sol, et lui avait asséné des coups de pied au visage. Tous les autres complices étaient ensuite entrés dans le logement, G______ et F______ fouillant les lieux. E______ avait vu "A______" s'acharner sur la femme alors qu'elle continuait à hurler, ce qui avait duré deux minutes environ avant qu'il ne la traîne par les chevilles dans la salle de bain pour éviter que les voisins ne l'entendent. Il avait demandé à "A______" d'arrêter, mais ne s’était pas interposé. Il s'était "promené" dans l'appartement sans but précis, "abasourdi" par ce qu'il se passait, comprenant que ce cambriolage était "allé trop loin et qu'il risquait de faire de la prison". G______ et F______ avaient trouvé des porte-monnaie et D______ un bracelet.

En audience de confrontation avec C______, il s’est excusé auprès d’elle, avant d’admettre n’avoir "jamais fait de choses pareilles" par le passé. Il n’était pas capable de dire si "A______" s’était proposé pour immobiliser C______, dans la mesure où il était en retrait et n’avait pas entendu ce que ses complices s’étaient dits.

f.d.b. E______, bien que convoqué dans la présente cause, ne s'est pas présenté et n’a pu être entendu.

f.e. F______

f.e.a. F______ a été interpellé en Autriche en 2012 sur la base d’un mandat d’arrêt international émis par les autorités judiciaires genevoises dans le cadre de la procédure P/2______/2011.

Selon l’intéressé, différents documents lui ont été remis en Autriche, tandis qu’il ressort du rapport d’arrestation du 20 juin 2012 qu’il a pris connaissance, à son arrivée à Genève et avant d’être entendu, des deux avis de recherche et d’arrestation genevois délivrés à son encontre les 4 novembre et 30 novembre 2011, lesquels concernaient notamment le cas de C______.

f.e.b. Au cours de la procédure P/2______/2011, il a d'emblée déclaré avoir pris part au brigandage survenu le 7 octobre 2011, indiquant se souvenir de cette date car elle avait été mentionnée dans les documents remis lors de son arrestation en Autriche.

G______, E______, D______, H______ et A______, dit "A______", constituaient une bande sans chef venue en Suisse pour commettre des vols.

La veille des faits, F______ avait entendu ses complices discuter du projet de cambriolage chez C______ et avait eu envie d'y participer pour se moquer de "A______". Ils avaient convenu d’entrer dans l’appartement, de ligoter la femme, de la transporter dans la salle de bain et de fouiller l’appartement. C______ avait fini par baisser ses stores, si bien qu'ils y étaient retournés le lendemain.

Il contestait la version de G______. Le jour des faits, ce dernier avait insisté pour que F______ les accompagne au domicile de C______, ce qu’il avait finalement accepté. Ils s’étaient tous protégés les mains. Une discussion avait eu lieu entre eux pour déterminer qui allait entrer en premier dans l’appartement, ce que G______ avait accepté de faire. Il s’était avancé jusqu’à la balustrade, suivi par la bande un à un. G______ et "A______" s’étaient mis de chaque côté de la porte-fenêtre.

A______ s’était introduit en premier dans l'appartement, suivi de G______ et des autres complices. Il s'était ensuite rué sur la femme, la faisant tomber de la chaise sur laquelle elle se trouvait. Il la ceinturait pour l'empêcher de bouger, alors que E______ lui saisissait les jambes et lui mettait la main sur la bouche pour éviter qu’elle ne crie. C______ avait reçu un coup au visage de "A______", puis plusieurs de G______, voire des autres protagonistes qui s'étaient retrouvés autour d’elle. H______, qui fouillait un tiroir, s'était retourné et avait donné un coup de pied sur le corps de celle-ci. G______ et un autre l'avaient ensuite tirée sur le sol pour la mettre ailleurs. G______, D______ et E______ fouillaient l’intérieur de l’appartement. Pour sa part, il était resté sur le balcon, d'où il avait suivi toute la scène. Plus tard, dans la voiture, E______ avait cherché quelque chose pour se faire un pansement à la main, indiquant avoir été mordu par C______.

En première instance, F______ a changé de version et indiqué qu'il fouillait l’appartement lorsque les autres s’en étaient pris physiquement à C______. Il avait peut-être commis une erreur en disant que H______ l'avait également frappée. Il avait pris un petit porte-monnaie et des pièces de collection. G______, qui était resté plus longtemps dans l'appartement avec "A______", avait conservé le reste du butin.

f.e.b. Confronté à A______ dans la présente cause, F______ a confirmé que celui-ci était bien présent lors des faits, mais n’était pas en mesure de dire s'il avait frappé C______. Lui-même était resté à l’extérieur de l’appartement et personne ne l’avait incité à impliquer A______. Il ignorait l’existence d’un conflit entre ce dernier et D______.

iv) De la position de A______

g. Interpellé en Hongrie le 10 octobre 2020 sur la base d'un mandat d’arrêt international émis par les autorités genevoises, A______ a été acheminé à Genève, le 15 avril 2021, pour être entendu dans la présente cause.

g.a. Devant la police, il a contesté toute implication dans le cambriolage commis au préjudice de C______. Il n'était jamais venu en Suisse et se trouvait en Roumanie au moment des faits. Peu après, il avait été incarcéré durant de nombreuses années pour différents vols, au travers desquels il n’avait cependant jamais fait usage de violence.

Il a reconnu les cinq auteurs du cambriolage, lesquels vivaient tous dans la même rue que la sienne en Roumanie. E______ vivait avec sa cousine, le père de G______ vivait avec sa tante, D______ était son cousin, H______ vivait avec sa cousine et la mère de F______ était sa cousine.

Il avait été informé une première fois de leur arrestation en Suisse par l’intermédiaire de la mère de D______ qui l'avait dit à sa propre mère. Il avait ensuite revu tous les protagonistes, lesquels vivaient dans le même village que lui. Il avait discuté des événements avec D______, E______ et K______, allant jusqu'à se battre avec eux car ils l'avaient mis en cause injustement.

Interpellé sur les raisons de cette mise en cause, il pensait que D______ voulait se venger de lui car il avait "volé l'épouse" de ce dernier. Il ne comprenait pas pourquoi les autres protagonistes l'avaient désigné, dans la mesure où il n'avait pas de problèmes avec eux, sinon à penser que D______ les aurait influencé à agir de la sorte, ce que G______ lui avait expliqué.

À plusieurs reprises, il a sollicité une confrontation avec C______, arguant accepter une condamnation si elle le reconnaissait, et évoqué qu’il devait y avoir des caméras. Étant donné qu’il était innocent, il ne se savait pas être recherché et n’avait donc eu aucune crainte à quitter la Roumanie pour chercher du travail en Belgique (ndr : A______ a été interpellé en Hongrie lors du franchissement de sa frontière avec la Roumanie). S’il l’avait su, il serait resté en Roumanie.

g.b. Auditionné par le MP, A______ a maintenu qu'il était innocent et souhaitait être confronté à C______, acceptant toute condamnation s'il pouvait être prouvé qu'il était venu en Suisse avant son extradition en 2021.

D______ s’était mis en couple avec l'ex-femme de son frère, un mois après leur séparation. Quelques années plus tard, son frère et lui-même avaient dit à D______ que ce genre de choses ne se faisait pas entre cousins et l’avaient mis en garde contre une vengeance. Il avait ensuite encouragé avec succès la femme de D______ à se prostituer, ce qui avait conduit D______ à lui dire à son tour qu’il allait se venger. Il était évident, même s'il ne pouvait en être certain, que ce dernier lui voulait du mal et qu'il avait influencé les autres protagonistes afin qu’ils le mettent en cause dans le brigandage. Il avait revu régulièrement D______ après sa sortie de prison, confirmant qu'ils s’étaient battus à plusieurs reprises parce qu’il l’avait impliqué injustement.

Il a maintenu ne jamais être venu en Suisse par le passé et indiqué qu’il se trouvait en détention à la prison de N______ [Roumanie] au moment des faits. Il a ensuite expliqué qu'il avait été arrêté en Roumanie quelques jours après l'arrestation de D______. Confronté à ses contradictions, il a déclaré qu'il ne savait plus exactement, mais se souvenait avoir été arrêté après les faits du cas d'espèce.

Il a indiqué n’avoir jamais quitté la Roumanie avant d’avoir voulu se rendre en Belgique en octobre 2020, trajet au cours duquel il avait été appréhendé en Hongrie. Confronté à la condamnation française figurant à son casier judiciaire, il a confirmé s’être rendu en France en 2010, tout en expliquant ne pas avoir compris la question lorsqu’il lui avait été demandé s’il s’était déjà rendu à l’étranger avant 2019.

g.c. Face à C______, A______, qui se faisait prénommer "A______", a maintenu ne jamais être venu en Suisse, mais admis ne pas avoir de "bons" souvenirs de l'endroit où il se trouvait en Roumanie au moment des faits.

Les accusations étaient aberrantes et il ne comprenait pas pour quelle raison il était donné autant d'importance aux déclarations de cinq délinquants, et non à celle de la victime qui ne le reconnaissait pas. Selon lui, il n’y avait qu’à vérifier les passages à la frontière suisse pour constater qu’il n'était jamais venu sur le territoire.

Les protagonistes qui le mettaient en cause avaient eu le temps d'échanger avec D______, lequel était à la base des accusations portées à son encontre, bien qu’aux dires de la procureure le premier à avoir donné une version l’incriminant était G______. Il contestait les déclarations de F______, dans la mesure où il ne pouvait être entré dans l’appartement de C______ dès lors qu’il n’était pas en Suisse.

g.d. Lors de l’audience de confrontation avec G______, D______, H______ et F______, tenue par vidéoconférence, A______ s'est montré très quérulent, traitant les témoins de menteurs en s'adressant directement à eux et en les enjoignant d'arrêter leurs fausses déclarations, comportement qui lui a valu des avertissements de la procureure et une mise en cellule durant dix minutes.

Il a maintenu qu’il n’était jamais venu en Suisse et n’avait pas vu C______ auparavant, dénonçant des mensonges et déclarant ne pas pouvoir assumer des actes qu'il n'avait pas commis. Face à G______, il a questionné les allégations de celui-ci, soit le fait que six protagonistes aient pu regagner la Roumanie dans une même voiture. Confronté à F______, il l'a notamment pris à partie en lui demandant pour quelle raison il l’incriminait alors qu’il était innocent.

g.e. En première instance, A______ a persisté à clamer son innocence en soutenant être incapable de commettre les faits qui lui étaient reprochés et avoir été terrifié en voyant les photographies des blessures de C______.

D______, E______, F______, G______ et H______ étaient des brigands qui se vantaient de leurs méfaits commis en Suisse, soit des vols commis au préjudice de "vieilles dames", et se faisaient appeler "Les Suisses" en Roumanie.

D______ avait eu des enfants avec l’ex-femme de son frère, raison pour laquelle A______ l’avait passé à tabac, indiquant ensuite qu’il avait voulu se venger, et avait encouragé un tiers, cinq ou six ans en arrière, à pousser celle-ci à la prostitution. Elle était désormais en couple avec cette personne et s’adonnait à la prostitution.

Les autres protagonistes étaient les camarades de vols et de brigandages de D______ et faisaient tout ensemble, ce qui permettait de croire qu’il les avait incité à l’incriminer en leur disant ce qu’il fallait déclarer, quelques instants après le brigandage.

Selon lui, il n’y avait qu’à vérifier les caméras de vidéosurveillance, ainsi que les empreintes et l’ADN pour constater son innocence.

v) Des autres éléments à la procédure et du jugement du TCR dans la P/2______/2011

h.a. En vue d'une audience de confrontation au MP le 30 novembre 2011, G______, D______ et H______ ont été amenés au MP pour être entendus simultanément.

Au moment de faire venir D______ dans la salle d’audition où se trouvait déjà G______, il ressort du procès-verbal que la procureure a protocolé : "En attendant l’arrivée de M. D______, vous me demandez si j’ai parlé avec lui de la dame [ndr : C______], tout à l’heure dans l’ascenseur", ce à quoi G______ a répondu : "Lui et moi, on veut dire exactement ce qui s’est passé." (cf. pièce C-1145).

h.b. Il ressort de l'audience de confrontation du 8 juin 2012 entre F______, K______, G______, E______, D______ et H______ que :

-          D______ a vu F______ à [la prison] O______ depuis une fenêtre de l’établissement ;

-          F______ et K______ (ndr : non impliqué dans le brigandage au préjudice de C______, mais dans d’autres brigandages aux côtés des autres protagonistes dans la P/2______/2011 ; cf. infra point B.i.a.) ont confirmé s’être vu et avoir parlé ensemble à l’église de O______.

i.a. Dans son jugement du 10 mai 2013 en lien avec la P/2______/2011, le TCR a notamment retenu que :

-          G______ "n'a pas hésité à mettre F______ en cause pour le cas P______ voire pour le cas Q______ (20/21 septembre 2011) tout en le sachant innocent, ce qui apparaît vil. D'autre part, il est revenu, lors des débats, sur nombre de ses déclarations, ce revirement étant incompatible avec la qualité de repenti qu'il met en avant." (cf. JTCR, p. 34) ;

-          E______ "s'est borné à contester les faits, même confronté aux traces ADN le mettant en cause." (cf. JTCR, p. 34) ;

-          F______ "ne peut être mis au bénéfice de la circonstance atténuante du repentir sincère, comme il le plaide. Le fait qu'il a dénoncé de façon calomnieuse D______ comme coauteur du cambriolage R______ l'exclut." (cf. JTCR, p. 35) ;

-          D______ "n'a pas hésité à revenir, lors des débats, sur les aveux concédés en cours de procédure, ce qui montre qu'il n'a pas pris conscience de la gravité de ses actes." (cf. JTCR, p. 36).

i.b. Il découle également du jugement du TCR que G______, E______, D______ avaient notamment agi avec un dénommé K______ comme affiliés à une bande formée pour se livrer à des vols et des brigandages, se répartissant les rôles et se partageant le butin (cf. JTCR, p. 7).

C. a.a. Devant la juridiction d’appel, A______ a confirmé ses précédentes déclarations.

Son surnom "A______" lui avait été donné par son grand-père et n’avait pas de signification propre. Ses antécédents attestaient qu’il n’avait jamais commis de vol avec violence.

Il souhaitait que justice lui soit rendue et qu'il puisse retrouver sa famille le plus rapidement possible, estimant avoir passé beaucoup trop de temps en détention alors qu'il était innocent. Le fait d'être détenu à tort aggravait son état de santé.

a.b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions. Il n’y avait aucune preuve matérielle pour affirmer qu’il était en Suisse au moment des faits, ni qu’il avait participé au brigandage ou avait frappé C______. Il n’y avait pas non plus de prélèvements ADN qui le confondait et la perquisition à son domicile en Roumanie n’avait rien donné. Dans ces circonstances, le doute devait lui profiter, étant rappelé que l’enquête avait permis de tenir pour responsables d’autres personnes au moyen de traces ADN, des empreintes de chaussures et des témoignages à la procédure.

Les déclarations des coauteurs n’étaient pas constantes et cohérentes, alors que le TCR avait retenu dans la P/2______/2011 que la collaboration de E______ avait été médiocre, que G______ avait mis en cause ses coauteurs alors qu’il les savait innocents, que F______ avait dénoncé de manière calomnieuse D______ et que celui-ci était revenu sur ses aveux. Les coauteurs condamnés étaient des délinquants entraînés, rompus au système procédural et prêts à dénoncer quiconque de manière calomnieuse, étant relevé que les protagonistes avaient un intérêt manifeste à accuser A______ pour éviter d’être associés à la violence commise contre C______. Il convenait également de retenir que D______ avait admis, devant le MP en 2021, avoir accusé A______ d'être l’auteur des coups car ce dernier se trouvait en Roumanie. De même, les différents protagonistes avaient usé de comportements violents dans d’autres brigandages, allant jusqu’à user de violences contre des personnes âgées. Ce stratagème leur avait manifestement permis d’écoper de peines privatives de liberté inférieures à celle retenue contre A______ en première instance.

Les premiers juges n’avaient pas non plus relevé que les protagonistes avaient eu l’occasion de se concerter entre eux, notamment au moment de regagner la Roumanie après les faits, faisant fi également des moments de collusion avérés, à l’instar des échanges entre G______ et D______ dans les locaux du MP. Les déclarations de D______ et G______ en audience de confrontation en 2021 invoquant la présence de drogue dans l’appartement de C______, ce qu’aucun élément au dossier n’atteste, tout comme la manière dont ils ont déclaré vouloir mettre fin aux auditions pour ne pas improviser, étaient troublants et laissaient supposer qu’ils s’étaient accordés.

La version des faits souffrait également de certaines incohérences, tel que le fait que F______ avait été mordu et que C______ avait reconnu E______. Sur la base de ces éléments, on pouvait établir l'hypothèse selon laquelle E______, en tant que chef de la bande, eut été celui qui aurait fait taire C______ durant le brigandage, avant que les protagonistes ne conviennent, sur le trajet de retour en Roumanie après les faits, d’imputer cela à A______.

Compte tenu de ces éléments, et alors que A______ avait toujours clamé son innocence, il revenait d’accorder davantage de crédit aux déclarations de celui-ci, plutôt qu’aux dénonciations calomnieuses des autres coauteurs condamnés, qui dans tous les cas n’étaient pas suffisantes pour lever tout doute sur son implication dans le brigandage.

a.c. A______ conclut, dans la mesure de son acquittement, au versement d'une indemnité au titre de la détention injustifiée, à hauteur de CHF 200.- le jour, subsidiairement d'un montant laissé à la libre appréciation de la Cour, à compter de son arrestation en Hongrie le 10 octobre 2020 et jusqu'à sa libération.

b. Le MP conclut au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement entrepris.

A______ avait agi avec une violence inouïe pour permettre à ses coauteurs de fouiller l’appartement de C______, alors qu’il aurait pu la maîtriser sans agir de la sorte. Au vu de l’ampleur des souffrances physiques et psychiques subies, l’aggravante de la cruauté devait être retenue à son encontre.

L’implication de A______ était suffisamment établie par les éléments au dossier pour retenir qu’il avait activement participé au cambriolage. Les coauteurs, interrogés à des moments différents dans la procédure, avaient donné des explications concordantes, constantes et crédibles, en particulier sur la phase d’approche précédant le brigandage, la manière dont ils avaient fait les repérages et étaient montés par le balcon de l’appartement, et enfin le plan selon lequel A______ devait immobiliser leur victime, et non la frapper.

Alors que les autres prévenus avaient précédemment nié leur implication dans le brigandage, les déclarations de G______, premier à évoquer l’implication des protagonistes et celle de A______, avaient été spontanées, celui-ci étant ensuite incarcéré dans un établissement pénitentiaire à S______ [Suisse] pour éviter toute collusion. En dépit de cela, D______ et H______ avaient consécutivement admis leur participation, tout comme celle de A______ concernant les coups portés à C______, de même que E______ qui avait fini par admettre son implication et les faits de violence perpétrés par A______. Il ne paraissait pas plausible que tous les coauteurs l’aient impliqué dans le brigandage s’il n’avait pas été présent. Quant à F______, il avait certes été arrêté plusieurs mois après les autres coauteurs, mais aucune collusion ne pouvait être retenue pour expliquer que ce dernier avait fait des déclarations concordantes.

La théorie d’un complot initié par D______, tel que le soutenait A______, inventée par ce dernier pour les besoins de la cause, les motifs liés à des prétendues rivalités et vengeance n’étant pas clairs, devait être écartée. En relatant ce qui s’était passé, les coauteurs n’avaient fait qu’assumer leur responsabilité.

La peine retenue par le TCO devait être confirmée au vu de la gravité des faits. Le mobile était odieux et relevait de la haute barbarie, tandis que sa collaboration était extrêmement mauvaise, tout comme sa prise de conscience inexistante.

D. a. A______, originaire de Roumanie, est né le ______ 1976. Il vit en couple et a une fille âgée de 25 ans, tandis que ses parents sont décédés et ses frères et sœurs vivent au domicile familial en Roumanie. Sans formation, il a travaillé en qualité d’ouvrier non qualifié sans revenus réguliers, ainsi que sur un marché de J______ [Roumanie] pour un salaire hebdomadaire approximatif de EUR 40.-. Avant son arrestation dans la présente procédure, il avait eu le projet de se rendre en Belgique pour travailler dans la construction pour un salaire mensuel de EUR 2'000.-. Il souffre de problèmes de vue, d’ulcère et de diabète, lequel avait empiré en raison du stress et de la colère d’être incarcéré injustement. Depuis quelques semaines, il souffre également de problèmes d’ouïe, n’entendant presque rien, ce qu’il a tenté en vain de montrer à un médecin de la prison, inaction pour laquelle il envisage de porter plainte.

Il a pour projet de se rendre en Belgique pour travailler à sa sortie de prison en qualité d’ouvrier non qualifié.

b. A______ n'a aucun antécédent à son casier judiciaire suisse.

À teneur de l’extrait de son casier judiciaire roumain, A______ a été condamné à six reprises en Roumanie, ainsi qu’à une reprise en France entre 1998 et 2015, à des peines privatives de liberté de quatre mois à quatre ans – pour un total de quatorze ans – en lien avec des infractions de vols avec violation de domicile. Selon ses dires, les condamnations roumaines concernaient des vols de cuivre et de chevaux, tout comme sa condamnation française qui renvoyait à un voyage en 2010 avec sa famille, dans le but de mendier et au cours duquel il avait commis un vol de cuivre et d’aluminium.

E. Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 14h24 d'activité d'avocat-stagiaire hors débats d'appel, lesquels ont duré 2h05, dont 1h00 pour le poste "Conférences" en vue des explications futures à donner au client suite à l'arrêt de la CPAR, une indemnisation forfaitaire arrêtée à un taux de 20% ainsi que quatre factures de traduction pour un montant total de CHF 320.-.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence ; lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40 et les arrêts cités) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1145/2014 du 26 novembre 2015 consid. 1.2 et 6B_748/2009 du 2 novembre 2009 consid. 2.1).

Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).

2.2. L'art. 140 ch. 1 al. 1 CP punit celui qui aura commis un vol en usant de violence à l'égard d'une personne, en la menaçant d'un danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle ou en la mettant hors d'état de résister.

2.3. L’appelant remet en cause son implication dans le brigandage subi par la plaignante le 7 octobre 2011 au motif qu’il était absent à ce moment-là.

La CPAR tient pour établi que plusieurs individus sont entrés dans l’appartement de la plaignante. Celle-ci a été mise à terre, puis rouée de coups de poing et de pied au niveau du visage et du corps dans un déferlement de violence, et enfin traînée par les chevilles dans la salle de bain, pendant que certains des individus fouillaient le logement et dérobaient des valeurs d’un montant total de CHF 1'060.-. Ils ont agi en qualité de co-auteurs avec l’aggravante de la bande, ces derniers faisant partie d’une bande formée pour commettre des vols ou des brigandages.

2.4. Reste à déterminer si l’appelant a participé aux faits tels que retenus ci-dessus, en examinant la crédibilité des accusations dont il fait l’objet ainsi que les explications données par celui-ci, qui conteste son implication, à l'aune des éléments versés au dossier.

2.4.1. La CPAR relève qu’un examen attentif des explications fournies par D______, E______, F______, G______ et H______, seuls éléments à charge contre l’appelant, ne permet pas de retenir qu’elles ont été spontanées et constantes, ce qui nécessite de les retenir avec circonspection.

En premier lieu, si G______ a certes bien été le premier à livrer spontanément une version des faits impliquant le prévenu, cela n’a manifestement pas été le cas des autres protagonistes. D______ et H______ ont tous deux contesté initialement leur participation au brigandage, avant de l’admettre et de confirmer la présence de l’appelant une fois seulement que le MP leur avait livré la version des faits de G______. De façon similaire, E______ a admis son implication et mis en cause l’appelant après qu’il lui a été fait lecture des déclarations de G______. Quant à F______, interpellé en Autriche plusieurs mois après les faits, il a été auditionné par les autorités de poursuites pénales suisses alors qu’il avait préalablement eu connaissance du mandat d'arrêt international du 4 novembre 2011 le concernant en lien avec le cas C______ et, partant, de ce qui lui était reproché d'avoir commis avec des comparses, à l'instar de ce qui était indiqué dans le mandat d'arrêt international du 25 novembre 2011 concernant A______ (cf. pièce Y-21-22).

Dans ces circonstances et contrairement au TCO et à la position du MP en appel, la Cour retient que les déclarations des protagonistes ne peuvent nullement être considérées comme spontanées. Il ne peut dès lors être exclu que les comparses aient convenu d’une version impliquant à tort l’appelant selon les informations tirées du scénario de G______, à teneur duquel seul l'appelant avait frappé la victime, afin de se disculper des faits les plus graves.

En second lieu, les déclarations tenues par les protagonistes dans la présente cause ont sensiblement varié par rapport à celles faites dans le cadre de la procédure P/2______/2011, au cours de laquelle ils avaient tous confirmé que l’appelant avait frappé la victime. Plus encore, certains sont allés jusqu’à admettre avoir, à l’époque, accusé faussement le prévenu. Ainsi, en audience de confrontation en 2021, H______ a reconnu ne pas être en mesure d'accuser A______ car il n'avait pas vu qui avait frappé la dame, précisant qu’il l’avait précédemment mis en cause car l’un de ses co-prévenus avait indiqué l’avoir vu. De même, F______ ne pouvait pas dire si l’appelant avait frappé la plaignante car il n'était pas entré dans l'appartement, explications qu’il a maintenues bien que la procureure lui ait rappelé la teneur différente de ses déclarations dans la P/2______/2011. Quant à D______, il a d'emblée précisé que l'appelant n’avait pas frappé la victime. Il a ensuite expliqué qu’ils l’avaient tous volontairement accusé à tort parce que l’appelant se trouvait en Roumanie, alors qu’ils étaient incarcérés en Suisse. Enfin, G______, qui était pourtant le coauteur ayant accusé spontanément et en premier le prévenu dans la P/2______/2011, a déclaré dans la présente procédure qu'il ne pouvait plus dire si quelqu'un avait frappé C______, avant de finir, sous l’insistance de la procureure, par se rétracter et confirmer ses précédentes déclarations. G______ n’a pas hésité non plus à livrer une nouvelle version, contredite par les éléments au dossier, en expliquant que la victime était sous l’influence de drogue et qu’ils en avaient trouvé sur "sa table". Celui-ci a également déclaré que les protagonistes étaient repartis en voiture pour la Roumanie sans A______, avant de se reprendre, interpellé par la procureure, en indiquant que ce dernier avait fait le trajet avec eux.

Aussi, au vu de ce qui précède, la Cour relève que les co-prévenus sont, d'une manière générale, revenus sur leurs précédentes explications, tout en atténuant sensiblement leurs déclarations contre l'appelant et en affichant un certain embarras à l’accuser des faits pourtant précédemment reprochés, ce qui trahit, en dépit du temps écoulé, un manque de constance et entame fortement la crédibilité de leur mise en cause.

En troisième lieu, si les co-prévenus s'accordent sur une version similaire dans les grandes lignes à celle de G______, les explications de certains d'entre eux dans le cadre de la P/2______/2011 laissent apparaître des divergences manifestes qui, si elles ne remettent pas en cause directement la version selon laquelle l'appelant était présent, ne peuvent néanmoins être qualifiées de simples imprécisions et renforcent l'idée que les protagonistes manipulent la vérité. Ainsi, F______ a relaté une version attribuant les violences faites à la plaignante, non seulement à l'appelant, mais également à E______ (qui lui aurait saisi les jambes et mis la main sur la bouche pour la faire taire), à G______ (qui l'aurait frappée au visage) et à H______ (qui lui aurait donné un coup de pied sur le corps). Il a donné en outre une version différente du déroulement des faits précédant l'entrée dans l'appartement, imputant à G______ l'initiative du cambriolage. D______ a également mentionné qu'il avait vu deux personnes tomber sur la victime, soit l'appelant ainsi que E______, auxquels il fallait attribuer les blessures commises à la plaignante. Quant à E______, il a déclaré que G______ était entré en premier dans l’appartement, contrairement à ce que ce dernier a déclaré.

En conclusion, à ce stade, ces différents éléments démontrent déjà une absence de crédibilité permettant de déduire que les co-auteurs ont modifié ou occulté un nombre considérable de faits qui pourraient leur être défavorables, tout en les attribuant à l’appelant, soit, en d'autres termes, qu'ils n’ont pas dit la vérité.

2.4.2. À ces constatations viennent s’ajouter des critères d’appréciation extrinsèques mettant en lumière l’absence de preuves matérielles ainsi que certains éléments troublants s’agissant du contexte dans lequel les co-auteurs accusent l'appelant.

La présence de ce dernier sur les lieux des faits, tout comme son implication dans le brigandage, ne sont tout d'abord attestées par aucune image de vidéo-surveillance, ni traces ADN ou témoins directs des faits, hormis les co-auteurs l’incriminant. La plaignante n'a par ailleurs jamais été en mesure de reconnaître l’appelant, ni sur la base d'une planche photographique soumise lors de l'instruction de la cause dans la P/2______/2011, ni en audience de confrontation en 2021. La perquisition au domicile de l'appelant en Roumanie n'a pas non plus apporté de preuves à charge contre lui. Plus généralement, rien n'indique qu'il se trouvait sur le territoire suisse à cette période-là, ce qui ne ressort pas des éléments à la procédure et ce qu'il a toujours contesté.

Le contexte entourant l’agression s’inscrit ensuite dans le cadre d’une série de brigandages avec violence commis par les co-prévenus condamnés dans le cas C______. Ceux-ci formaient une bande qui se livrait à des vols et des brigandages en Suisse et agissaient avec une violence particulièrement intense, certaines victimes ayant été rouées de coups ou d'autres encore, un couple très âgé, spécialement violenté, ce qui permet d'écarter l'argument soulevé par le MP qui invoque une violence dans le cas C______ sans commune mesure avec les autres situations de brigandage dans lesquelles les co-prévenus ont été impliquées. Rompus aux instructions judiciaires, ils avaient ainsi tout intérêt à s'entendre sur une version qui les disculperait pour les faits de très grande violence commis au préjudice de la plaignante.

À cet égard, il sied de rappeler que le TCR a relevé, dans son jugement de 2013, le manque de fiabilité des co-prévenus. G______ n'avait pas hésité à mettre en cause F______ pour deux cambriolages tout en le sachant innocent. Ce dernier avait dénoncé de manière calomnieuse D______, lequel était revenu sur ses aveux en cours de procédure. Enfin, E______ s'était borné, même confronté aux traces ADN le mettant en cause, à contester les faits. Partant, face à de tels profils, et compte tenu des enjeux, la Cour retient qu'il est d'autant plus plausible que les protagonistes aient accusé à tort l’appelant, en répétant une version convenue entre eux, afin d’échapper à une plus lourde condamnation.

Il ne peut par ailleurs être exclu, à teneur des éléments au dossier, que des collusions aient eu lieu entre les co-auteurs. Entendus par le MP, la procureure a ainsi cherché à savoir si G______ et D______ ne s’étaient pas parlés dans l’ascenseur les conduisant à la salle d’audience, à l'occasion de leur première audience de confrontation en 2011, le premier répondant alors de manière univoque "Lui et moi, on veut dire exactement ce qui s’est passé.", laissant planer le doute sur une potentielle collusion. L’on comprend ensuite de leurs auditions que certains prévenus se sont parlés durant leur détention, à l’instar de F______ et K______, comparse ayant été condamné pour d’autres cambriolages aux côtés des protagonistes du cas d’espèce (cf. supra point B.i.b.). D______ a, quant à lui, admis avoir vu par la fenêtre de la prison F______, ce qui laisse entrevoir une certaine "proximité", toute proportion gardée compte tenu du milieu carcéral, qui ne garantit pas qu’ils ne se soient pas également parlés à un certain moment. Surtout, dans la foulée du brigandage C______, il est établi que les co-auteurs ont quitté ensemble la Suisse pour la Roumanie, dans la même voiture, les laissant libres de convenir d’une version à donner, alors qu'ils ne pouvaient ignorer le risque d’interpellation existant au passage des frontières, certains allant jusqu'à préméditer que la violence du brigandage C______ leur faisait craindre des peines de prison. Il convient finalement de rappeler que F______ avait été arrêté plusieurs mois après les faits, ce qui lui aurait potentiellement permis, dans cet intervalle, d’être en contact avec l’entourage de ses comparses.

Partant, l'ensemble des éléments précités laisse subsister un doute sérieux non seulement sur l’implication de l’appelant dans le brigandage, mais également sur sa présence à Genève au moment des faits.

2.4.3. L'appelant est resté constant dans ses dénégations, tout au long de la procédure et en dépit des accusations portées contre lui, ce qui ne manque pas de contraster avec les autres prévenus qui ont tous fini par admettre leur implication.

La Cour relève en outre qu'il ne peut lui être reproché d'avoir indiqué penser faire l'objet d'une vengeance de la part de D______, dans la mesure où il apparaît parfaitement compréhensible qu'il ait cherché à expliquer la raison pour laquelle il faisait l'objet d'accusations. S'il est vrai que ses déclarations ont été confuses, voire évolutives, celui-ci évoquant une histoire de vengeance familiale car il avait "volé l'épouse" de D______, avant d'expliquer s'être vengé de ce dernier qui s'était mis en couple avec l'ex-femme de son frère, il n'est cependant pas contesté, par D______ lui-même, que sa femme avait un lien avec le frère de l'appelant. Il convient également de relever que l'appelant a tenu d'autres explications confuses, notamment sur son emploi du temps au moment des faits et sur ses déplacements en dehors de la Roumanie. Cela étant, même si les éléments précités interrogent, ils n’apportent pas pour autant la preuve que l’appelant est l'un des auteurs du brigandage, hypothèse qui repose sur les seules déclarations de co-auteurs dont la crédibilité est nulle.

Quant à ses réactions aussi vives que violentes en cours de procédure, notamment en audience de confrontation, elles ne sont pas déterminantes, si ce n’est qu’elles pourraient s'expliquer par un sentiment d'indignation et d'injustice face à de fausses accusations. Enfin, même si l'appelant a été condamné à de nombreuses peines de prison en Roumanie, notamment pour vol, il sied de rappeler qu’il n'a aucun antécédent judiciaire en Suisse et n'est pas mis en cause dans le reste des brigandages avec violence commis par les co-prévenus dans la P/2______/2011 et dont il est établi qu'ils agissaient en bande.

2.4.4. En conclusion, la procédure a permis de mettre en lumière le manque de crédibilité des prévenus ainsi que de nombreux éléments hautement douteux s'agissant du contexte des accusations portées contre l'appelant. Ainsi, bien que ces accusations proviennent des cinq co-prévenus et que certaines déclarations de l’appelant sont discordantes, cela ne suffit cependant pas, au vu du contexte, à convaincre la CPAR que celui-ci est l’un des auteurs du brigandage, ni même qu’il était à Genève au moment des faits, un doute sérieux et irréductible subsistant.

La présence du prévenu au lieu du brigandage n'étant pas établie au-delà de tout doute raisonnable, sa culpabilité du chef d’infraction à l'art. 140 CP ne peut dès lors être retenue.

3. Vu l'acquittement prononcé, l'appelant peut prétendre à être indemnisé du tort moral causé par la détention subie, conformément à l'art. 336 al. 1 CPP cum 429 al. 1 let. c CPP, celui-ci ayant effectué 705 jours de détention (ndr : soit un an, onze mois et cinq jours) de son interpellation le 10 octobre 2020 jusqu'à sa remise en liberté le 14 septembre 2022.

3.1. L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l'atteinte subie par l'intéressé et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte (ATF 146 IV 231 consid. 2.3.1 ; 143 IV 339 consid. 3.1). Lorsque la victime a subi des atteintes pendant une période prolongée, les intérêts sur l'indemnité courent, en général, à partir d'une date moyenne (ATF 129 IV 149 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_123/2020 du 26 novembre 2020 consid. 10.6). Le Tribunal fédéral considère, en principe, qu'un montant de CHF 200.- par jour en cas de détention injustifiée de courte durée constitue une indemnité appropriée, dans la mesure où il n'existe pas de circonstances particulières qui pourraient fonder le versement d'un montant inférieur ou supérieur. Lorsque la détention injustifiée s'étend sur une longue période, une augmentation linéaire du montant accordé n'est pas adaptée, car le fait de l'arrestation et de la détention pèse d'un poids en tout cas aussi important que l'élément de durée pour apprécier l'atteinte que subit la personne incarcérée (ATF 143 IV 339 consid. 3.1 ; 113 Ib 155 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_984/2018 du 4 avril 2019 consid. 5.1). Le taux journalier n'est qu'un critère qui permet de déterminer un ordre de grandeur pour le tort moral. Il convient ensuite de corriger ce montant compte tenu des particularités du cas. Lorsque la durée de détention est de plusieurs mois, il convient en règle générale de réduire le montant journalier de l'indemnité (ATF 143 IV 339 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_744/2020 du 26 octobre 2020 consid. 5 ; 6B_242/2019 du 18 mars 2019 consid. 2 ; 6B_909/2015 du 22 juin 2016 consid. 2.2.1 ; 6B_111/2012 du 15 mai 2012 consid. 4.2 : précisant que plusieurs mois équivalent à une longue période de détention).

Dans l'hypothèse où le bénéficiaire, domicilié à l'étranger, serait exagérément avantagé en raison des conditions économiques et sociales existantes à son lieu de domicile, il convient d'adapter l'indemnité vers le bas. L'ampleur de l'indemnité pour tort moral doit être justifiée compte tenu des circonstances particulières, après pondération de tous les intérêts, et ne doit donc pas paraître inéquitable. Cela signifie que, lorsqu'il faut prendre exceptionnellement en considération un coût de la vie plus faible pour calculer une indemnité pour tort moral, on ne peut pas procéder schématiquement selon le rapport du coût de la vie au domicile du demandeur avec celui de la Suisse ou à peu près selon ce rapport. Sinon, l'exception deviendrait la règle (ATF 125 II 554 consid. 4a ; 123 III 10 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_58/2016 du 18 août 2016 consid. 4.2 ; 6B_909/2015 précité consid. 2.3.1).

3.2. En l'espèce, il sied de tenir compte de la longue durée de détention de l'appelant, soit plus de 705 jours, pour s'écarter du montant de référence de CHF 200.- par jour, applicable aux courtes durées de détention. La Cour relève également qu'au vu du fait que l'appelant a été détenu à de nombreuses reprises, son casier judiciaire roumain faisant état de condamnations pour une durée totale de quatorze années, l'impact de la détention sur l'appelant est nécessairement moindre que sur une personne qui n'a jamais été arrêtée. Dès lors, compte tenu de ces éléments, notamment l'absence de facteurs d'aggravation du tort moral, le montant de référence sera arrêté à CHF 70.- par jour. À cela s'ajoute que l'appelant n'a aucune charge et est censé retourner vivre en Roumanie, où réside sa famille et faute de faire valoir des liens dans d'autres pays de l'Union européenne. Le PIB par habitant dans ce pays étant environ six fois moins élevé qu'en Suisse (source : Données sur les comptes nationaux de la Banque mondiale et fichiers de données sur les comptes nationaux de l'OCDE – comparaison entre le PIB par habitant entre la Suisse et la Roumanie; cf. https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.PCAP.CD?locations=RO-CH), il se justifie d'adapter le montant de référence de l'indemnité journalière au niveau de vie dans le pays d'origine de l'intéressé et de le réduire en conséquence de CHF 30.- par jour.

Partant, une indemnisation en CHF 40.- (70 - 30) par jour pour les 705 jours de détention subis à tort lui sera-t-elle allouée, soit CHF 28'200.-. Ce montant portera intérêt au taux de 5% dès le 27 septembre 2021 (date moyenne).

4. 4.1. Compte tenu de l'acquittement dont l'appelant bénéficie en appel, les frais de première instance seront mis à la charge de l'État dans leur totalité (art. 426 al. 1 et 428 al. 3 CPP), point sur lequel le jugement querellé sera dès lors réformé.

4.2. Par identité de motifs, il se justifie de laisser les frais de la procédure d'appel à la charge de l'État.

5. 5.1.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office (cf. art. 138 al. 1 CPP) est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire, débours de l'étude inclus, de CHF 110.- pour un avocat stagiaire CHF 110.- (let. a). En cas d'assujettissement – l'assujettissement du patron de l'avocat au statut de collaborateur n'entrant pas en considération (arrêts du Tribunal fédéral 6B_486/2013 du 16 juillet 2013 consid. 4 et 6B_638/2012 du 10 décembre 2012 consid. 3.7) – l'équivalent de la TVA est versé en sus.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. reiser / B. CHAPPUIS (éds), Commentaire romand, Loi fédérale sur la libre circulation des avocats, Bâle 2010, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3). Par voie de conséquence, le temps consacré à la rédaction d'écritures inutiles ou reprenant une argumentation déjà développée, fût-ce devant une autorité précédente, ne saurait donner lieu à indemnisation ou à indemnisation supplémentaire (AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.2.2.3, 8.2.2.6, 8.3.1.1 et 8.3.2.1).

5.1.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3). Des exceptions demeurent possibles, charge à l'avocat de justifier l'ampleur d'opérations dont la couverture ne serait pas assurée par le forfait.

5.1.3. Dans le cas des prévenus en détention provisoire, une visite par mois jusqu'au prononcé du jugement ou de l'arrêt cantonal est admise, indépendamment des besoins de la procédure, pour tenir compte de la situation particulière de la personne détenue (AARP/235/2015 du 18 mai 2015 ; AARP/480/2014 du 29 octobre 2014). Le temps considéré admissible pour les visites dans les établissements du canton est d'une heure et 30 minutes quel que soit le statut de l'avocat concerné, ce qui comprend le temps de déplacement (AARP/181/2017 du 30 mai 2017 consid. 8.2.2.2 et 8.3.5 ; cf. également Ordonnance de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.369 du 12 juillet 2017 consid. 4.2.4).

5.1.4. Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense d'office au sens de l'art. 135 CPP (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.33 du 28 juillet 2015 consid. 4.3 et les références). La rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour au et du Palais de justice ou au et du bâtiment du Ministère public est arrêtée à CHF 55.- pour les avocats-stagiaires, dite rémunération étant allouée d'office par la juridiction d'appel pour les débats devant elle.

5.2. En l'occurrence, et compte tenu de sa libération immédiate, il sera écarté de l'état de frais produit par MB______ l'heure dédiée à la conférence avec le client prévue pour lui expliquer l'arrêt de la CPAR. Il en sera fait de même pour le temps consacré à l'analyse du jugement du TCO, activité couverte par le forfait, celui-ci devant du reste être réduit à 10% au regard des 47h55 déployée lors de la procédure de première instance. Le temps estimé pour les visites de A______ à la prison (1h00) sera adapté au tarif réglementaire. Pour le surplus, considéré globalement, l'état de frais satisfait les exigences légales et jurisprudentielles, dont il convient d'ajouter la durée de l'audience et celle de la vacation y relative.

La rémunération sera ainsi arrêtée à CHF 2'338.50, correspondant à 14h35 d'activité au tarif de CHF 110.-/heure (CHF 1'603.80), plus la majoration forfaitaire de 10% (CHF 160.40), la vacation aux deux audiences d'appel (CHF 110.-), la TVA (CHF 144.30) et les frais d'interprète à hauteur de CHF 320.-.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Statuant sur le siège :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTCO/8/2022 rendu le 18 janvier 2022 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/812/2013.

L'admet.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Classe la procédure s'agissant de la violation de domicile (art. 186 CP) et de l'omission de prêter secours (art. 128 CP) (art. 329 al. 5 CPP).

Acquitte A______ de brigandage aggravé (art. 140 ch. 1 et 4 CP).

Laisse les frais de procédure à la charge de l'État.

Ordonne la mise en liberté immédiate de A______, s'il ne doit être détenu pour un autre motif.

Statuant le 4 novembre 2022 :

Alloue à A______ une indemnité de CHF 28'200.- avec intérêts à 5% dès le 27 septembre 2021, à titre de réparation du tort moral subi en raison de 705 jours de détention excessive (art. 429 al. 1 let. c CPP).

Prend acte que l'indemnité de procédure de première instance due à Me B______, défenseur d'office de A______, a été fixée à CHF 6'802.85, TVA comprise.

Fixe à CHF 2'338.50, TVA comprise, l'indemnité due à Me B______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

La greffière :

Dagmara MORARJEE

 

Le président :

Gregory ORCI


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).