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Décisions | Tribunal pénal

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P/7563/2020

JTDP/323/2024 du 12.03.2024 sur OPMP/12747/2022 ( OPOP ) , JUGE

Normes : LEI.115; LEI.115; CP.251; LEI.118
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 22


12 mars 2024

 

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

X______, né le ______ 1984, domicilié ______[GE], prévenu, assisté de Me Milena PEEVA et Me Olivier PETER


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut au maintien de son ordonnance pénale.

X______, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement et à ce qu'il soit fait bon accueil aux conclusions en indemnisation déposées.

*****

Vu l'opposition formée le 9 janvier 2023 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 22 décembre 2022;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 2 octobre 2023;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

EN FAIT

A. a. Par ordonnance pénale du 22 décembre 2022, valant acte d'accusation, il est reproché à X______ d'avoir, entre le 22 décembre 2015 et le 14 juillet 2020, date de son interpellation, séjourné et travaillé en Suisse, notamment à Genève, alors qu'il était dénué des autorisations requises, faits qualifiés d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (RS 142.20 ; LEI).

b. Par cette même ordonnance pénale, il lui est également reproché d'avoir, le 30 novembre 2018, à Genève, produit à l'appui d'une demande d'autorisation de séjour auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après "OCPM") dans le cadre de l'opération "Papyrus", différents documents falsifiés ou contrefaits et indiqué faussement, pièces à l'appui, qu'il avait séjourné et travaillé durant dix ans de manière ininterrompue à Genève, tentant de la sorte d'induire en erreur l'OCPM en lui donnant de fausses indications, dans le but d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour qui aurait amélioré son statut administratif au regard du droit des étrangers, étant précisé qu'une telle autorisation ne lui a finalement pas été délivrée. Il a notamment produit les faux documents suivants:

-     un certificat de salaire (du 1er mai au 31 décembre 2011) de l'entreprise B______, faisant état d'un salaire total brut de CHF 34'015.-;

-     un certificat de salaire (du 1er janvier au 31 juillet 2012) de l'entreprise B______ faisant état d'un salaire total brut de CHF 33'555.-;

-     une attestation de versement datée du 1er décembre 2008 au nom de l'entreprise P______ (ci-après "P______"), à teneur de laquelle X______ y a travaillé du 22 septembre au 28 novembre 2008;

-     une attestation datée du 20 (recte – 2) mars 2009 au nom de l'entreprise B______, à teneur de laquelle X______ y a travaillé du 2 au 20 mars 2009;

-     une attestation datée du 5 mars 2010 au nom de l'entreprise B______, à teneur de laquelle X______ y a travaillé du 1er février au 5 mars 2010;

faits qualifiés de faux dans les titres au sens de l'art. 251 ch. 1 CP et d'infraction à l'art. 118 al. 1 LEI cum 22 CP.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure:

a.a. Par courrier du 28 avril 2020, l'OCPM a transmis au Ministère public une dénonciation pénale visant X______, lequel avait déposé une demande d'autorisation de séjour "Papyrus" le 30 novembre 2018.

a.b. A l'appui de sa dénonciation, l'OCPM a notamment produit les documents suivants:

-     une demande de reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité déposée par X______ le 28 novembre 2018 (reçue par l'OCPM le 30 novembre 2018) par l'intermédiaire d'D______, dans le cadre de l'opération "Papyrus";

-     un formulaire M de demande d'autorisation de séjour et/ou de travail à Genève pour ressortissant étranger établi le 21 août 2018 par la société I______, mentionnant une arrivée de X______ à Genève en 2008;

-     un extrait de compte individuel, annexé à la demande "Papyrus" et établi au nom de X______ par la Caisse cantonale genevoise de compensation le 29 mai 2020, faisant état des employeurs suivants: E______ (de mars à octobre 2013), F______ (de janvier 2014 à novembre 2016), G______ (de janvier à décembre 2017), I______ (de juillet 2018 à octobre 2019), H______ (en novembre et décembre 2019) et I______ (de février à octobre 2019);

-     une attestation de versement datée du 1er décembre 2008 au nom de l'entreprise P______, à teneur de laquelle X______ y avait travaillé du 22 septembre au 28 novembre 2008 pour une rémunération forfaitaire de CHF 5'400.-, munie d'un tampon humide indiquant " JA______– ______ – 1208 Genève" (sic);

-     une attestation datée du 2 mars 2009 au nom de l'entreprise B______, à teneur de laquelle X______ y avait travaillé du 2 au 20 mars 2009, laquelle mentionne l'adresse de la société à 1______, 1219 Châtelaine;

-     une attestation datée du 5 mars 2010 au nom de l'entreprise B______, à teneur de laquelle X______ y avait travaillé du 1er février au 5 mars 2010, l'adresse indiquée de la société était 1______, 1219 Châtelaine;

-     un certificat de salaire (du 1er mai au 31 décembre 2011) de l'entreprise B______, faisant état d'un salaire total brut de CHF 34'015.-, dont avaient été déduites des cotisations sociales;

-     un certificat de salaire (du 1er janvier au 31 juillet 2012) de l'entreprise B______ faisant état d'un salaire total brut de CHF 33'555.-, dont avaient été déduites des cotisations sociales;

-     un procès-verbal d'audition de X______ par la police le 16 mai 2014, dont il ressort que ce dernier, alors employé de F______, avait d'abord déclaré être entré en Suisse en décembre 2013 avant de situer son arrivée en janvier 2013.

A l'appui de sa dénonciation, l'OCPM a précisé que des soupçons avaient surgi au sujet des certificats de salaire et de travail établis par les entreprises B______ et P______. La première de ces sociétés apparaissait dans plusieurs dossiers "Papyrus". De plus, les retenues des charges sociales n'apparaissaient pas sur l'extrait de compte individuel de l'Assurance-vieillesse et survivants (ci-après "AVS"). L'attestation émise par B______ était en outre antidatée, car la société n'utilisait l'adresse sise 1______ que depuis mars 2011. Enfin, le nom et l'en-tête de l'attestation émise par P______ et le tampon humide ne correspondaient pas.

b. Selon le rapport d'arrestation du 13 juillet 2020, les cotisations relatives aux emplois occupés par X______ auprès d'B______ et P______ ne figuraient effectivement pas sur son extrait individuel AVS pour les années 2008 à 2012. L'adresse mentionnée sur le tampon P______ sur l'attestation de versement pour les mois de septembre 2008 à novembre 2008 était mal orthographiée. Enfin, les attestations de travail au nom d'B______, établies en mars 2009 et mars 2010, avaient été tamponnées avec l'adresse 1______, 1219 Châtelaine, laquelle était valable uniquement depuis mars 2011.

c.a. Le 13 juillet 2020, X______ a été entendu par la police en qualité de prévenu. En substance, il a déclaré être arrivé illégalement à Genève en 2008. Il était retourné au Kosovo une année plus tard et y était resté trois ou six mois. Il était ensuite revenu à Genève et avait commencé à travailler en qualité de plâtrier. Confronté à ses déclarations faites à la police en mai 2014, il a expliqué ne pas avoir déclaré la période où il séjournait illégalement en Suisse, soit avant 2013.

Il a indiqué avoir alors fourni, à l'appui de sa demande "Papyrus", la facture d'un dentiste en France, un abonnement TPG ainsi que des contrats de différentes entreprises. Il ne se souvenait pas de tout mais se rappelait de la société F______, où il avait travaillé de 2013 à 2017. Il ne se souvenait pas de la période avant 2013 mais avait travaillé pour de courtes durées. En 2018, il avait travaillé pour la société K______ (phon.).

Sur question de la police relativement à la société P______, il a d'abord déclaré y avoir travaillé un peu en 2008, à raison d'un à trois jours par semaine, en fonction des besoins, avant de répondre qu'il y travaillait tout le temps, de deux à trois jours par semaine, parfois une semaine entière.

Il a poursuivi en indiquant avoir travaillé à temps plein en tant que plâtrier de 2009 à 2015 pour L______, patron de la société F______, qui avait eu d'autres sociétés auparavant. Ce dernier avait gardé les documents dans son bureau.

Son cousin, M______, l'avait accompagné pour rassembler les documents nécessaires à la demande "Papyrus". Ils s'étaient présentés chez "C______", patron d'P______, et avaient obtenu l'attestation un mois ou deux avant le dépôt de ladite demande. Son cousin l'avait également accompagné pour obtenir les fiches de salaire et contrats de travail de 2009 chez L______.

Enfin, il a reconnu avoir séjourné et travaillé en Suisse sans les autorisations nécessaires.

c.b. Le 24 juillet 2020, sous la plume de son conseil, X______ a formé opposition à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 14 juillet 2020.

c.c. Par courrier du 12 septembre 2020 de son conseil, X______ a réitéré être arrivé en Suisse en 2008. Dès cette date, il avait principalement été en contact avec son frère, Q______, et un cousin éloigné, L______, lequel collaborait alors avec C______. S'agissant de l'adresse mentionnée sur le tampon d'B______, il s'agissait du domicile de L______. Il était ainsi hautement vraisemblable que, vu l'implication de ce dernier dans la société, B______ utilisât déjà cette adresse avant l'inscription au Registre du commerce.

X______ a produit une attestation médicale établie par le Dr. N______, chirurgien-dentiste à Annemasse, datée 18 septembre 2018. Il en ressort que X______ s'est présenté à son cabinet les 17 et 24 octobre 2008 pour des soins.

En annexe dudit courrier, figurent les extraits du Registre du commerce des sociétés P______ et B______. Au sujet de cette dernière, il ressort de l'extrait que, du 2 février 2009 au 15 mars 2011, O______ était associé gérant avec signature individuelle.

c.d. Les 14 septembre 2020 et 8 juillet 2022, X______ a été entendu par le Ministère public. À ces occasions, il a confirmé ses précédentes déclarations. Il était arrivé en Suisse en 2008 et avait travaillé pour différentes sociétés de L______.

d.a. Le 13 avril 2022, M______, cousin de X______, a été entendu par la police en qualité de personne appelée à donner des renseignements. Il a alors déclaré que X______ était arrivé en Suisse pour la première fois en fin d'année 2008 et avait fait des aller-retours entre la Suisse et le Kosovo à une ou deux reprises. M______ avait aidé son cousin à établir le dossier de demande d'autorisation de séjour, avec l'assistance d'D______. X______ avait en sa possession tous les documents relatifs à ses récentes activités mais pour les activités antérieures, cela avait été plus difficile. Ils avaient donc demandé un extrait AVS et, pour les années manquantes sur ledit extrait, avaient dû trouver des preuves. Il s'agissait des abonnements TPG. Il était possible qu'ils aient également joint un document relatif au téléphone et des preuves de virements bancaires. S'agissant d'P______, ils avaient contacté C______, pour qui son cousin avait travaillé en 2008. Il ne s'agissait pas d'une activité régulière mais de "bricoles" et il n'y avait pas beaucoup de travail, raison pour laquelle X______ avait fait des aller-retours au Kosovo. Ils avaient également contacté L______, lequel avait travaillé avec X______ en qualité de responsable administratif. M______ a enfin déclaré ne pas connaître la société B______.

d.b. Par-devant le Ministère public, le 8 juillet 2022, M______ a confirmé que son cousin, X______, était arrivé en fin d'année 2008 en Suisse. Ce dernier ne lui avait pas parlé de ses différents employeurs.

e.a. Le 27 avril 2022, L______ a été entendu par la police en qualité de personne appelée à donner des renseignements. Il a, en substance, déclaré n'avoir eu qu'une seule entreprise individuelle en son nom, laquelle n'était plus en activité depuis 2007. Il a ajouté avoir travaillé pour la société B______ durant environ une année, voire une année et demi, ce en 2011 ou 2012. Il était homme à tout faire: il s'occupait notamment des rendez-vous de chantier, des employés et du secrétariat. Il lui arrivait d'établir des fiches de salaire et contrats pour le personnel. X______ était son cousin et était arrivé en Suisse pour la première fois en 2006 ou 2007. Il ne se rappelait pas si X______ avait travaillé pour l'entreprise B______ et ne pouvait donc le confirmer. Les attestations d'B______ n'avaient pas été remises par lui à X______. Il avait également travaillé pour la société P______ quelques mois en 2010 mais ne pouvait pas dire si X______ y avait également été employé. X______ avait travaillé avec lui pour la première fois chez E______ en 2013 ou 2014. Il n'avait en revanche pas travaillé personnellement avec X______ en 2010 et 2011 au sein d'B______, ni pour la société P______. Il ne reconnaissait par ailleurs pas la signature d'C______ sur l'attestation de versement au nom de X______. L'adresse d'B______, soit 1______, 1219 Châtelaine, était la sienne. La société n'y avait reçu du courrier qu'à compter de l'inscription de ladite adresse au Registre du commerce, soit en 2011.

e.b. Par-devant le Ministère public, le 8 juillet 2022, L______ a confirmé ses précédentes déclarations, répétant en particulier ne pas être en mesure de reconnaître la signature d'C______, car celle-ci, en 25 ans, avait changé. Il ne pouvait pas non plus confirmer que X______ avait travaillé pour les entreprises P______ et B______ car, pour la première, ils n'y avaient pas travaillé au même moment et, pour la seconde, il ne s'en souvenait pas. Lorsqu'il travaillait pour ces deux entreprises et pour E______, il lui semblait que ses cotisations sociales étaient payées.

f. En date du 8 juillet 2022, C______ a été entendu par-devant le Ministère public en qualité de personne appelée à donner des renseignements. Il a déclaré qu'il était le responsable de l'entreprise individuelle P______. X______ avait travaillé pour lui. À l'époque, C______ travaillait seul et lorsqu'il avait besoin de quelqu'un, il faisait appel à une personne extérieure. Les signatures apposées sur les documents d'B______ et d'P______ étaient bien les siennes. Sa signature avait varié avec le temps. Les cotisations n'apparaissaient pas sur l'extrait de compte individuel de X______ avant mars 2013 car ce dernier n'avait, avant cette date, pas beaucoup travaillé pour lui.

C. a. A l'audience de jugement, le Tribunal a communiqué aux parties l'ordonnance de classement partiel du 6 octobre 2023 ainsi que l'ordonnance de classement partiel et l'ordonnance pénale du 8 novembre 2022 rendues dans la procédure 2______ concernant Q______, lesquelles ont été versées à la procédure.

b. X______ a reconnu avoir séjourné et travaillé en Suisse sans les autorisations requises entre le 22 décembre 2015 et le 14 juillet 2020. Il a en revanche contesté avoir produit des documents falsifiés à l'appui de sa demande "Papyrus".

Avant 2013, C______ était son patron. Il n'en avait pas parlé lors de son audition à la police car il était resté en surface des choses, par peur. En 2008, il travaillait uniquement sur appel, en fonction du travail proposé, et non régulièrement. Confronté au contenu de l'attestation de la société P______ du 1er décembre 2008, il a d'abord indiqué qu'il ne savait pas comment cette attestation avait été faite, puis qu'il lui était arrivé de travailler au-delà de l'horaire, avant d'affirmer ne pas s'en souvenir. Il ne s'était rendu compte que les cotisations sociales n'avaient pas été payées qu'au moment de l'établissement de l'extrait de compte individuel. S'agissant de L______, il n'avait pas eu l'occasion de le rencontrer au sein d'B______. Ce dernier travaillait depuis chez lui et non sur les chantiers. Entre 2008 et 2009, il avait travaillé sur appel, puis c'était allé progressivement. En 2011 et 2012, il avait travaillé régulièrement. Il ne disposait pas de document TPG, pourtant mentionné dans son audition de police, prouvant son séjour, ni de numéro de téléphone, puisqu'il n'avait pas d'adresse.

c. Par le biais de son conseil, X______ a déposé une note d'honoraires valant demande d'indemnisation et produit une attestation d'B______ concernant Q______.

D. S'agissant de sa situation personnelle, X______, né le ______ 1984, est de nationalité kosovare. Il est célibataire et sans enfants. Il a une compagne, laquelle vit au Kosovo. Il travaille au sein de l'entreprise H______ depuis 2020. Son salaire mensuel net s'élève à CHF 4'400.-. Il s'acquitte de la somme de CHF 1'650.- par mois par un appartement. Sa demande "Papyrus" est toujours en cours.

A teneur de l'extrait de son casier judiciaire, X______ n'a pas d'antécédents.

 

EN DROIT

Culpabilité

1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (RS 0.101 ; CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 ; Cst.) et 10 al. 3 du code de procédure pénale du 5 octobre 2007 (RS 312.0 ; CPP), concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a ; 120 Ia 31 consid. 2c et 2d).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a ; 124 IV 86 consid. 2a ; 120 Ia 31 consid. 2c).

2. 2.1.1. Selon l'art. 118 al. 1 LEI (anciennement LEtr), quiconque induit en erreur les autorités chargées de l’application de la présente loi en leur donnant de fausses indications ou en dissimulant des faits essentiels et, de ce fait, obtient frauduleusement une autorisation pour lui ou pour un tiers ou évite le retrait d’une autorisation est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

L'auteur doit avoir un comportement frauduleux qui induit l'autorité en erreur, ce qui l'amène à accorder ou renouveler une autorisation. L'erreur doit avoir comme objet des faits. Il doit exister un lien de causalité adéquate entre la tromperie et l'octroi de l'autorisation de séjour. Si l'autorité avait eu connaissance de la vérité, elle n'aurait pas délivré cette autorisation (NGUYEN / AMARELLE (éds), Code annoté de droit des migrations, vol. II, Loi sur les étrangers, Berne 2017, N 7 et 9 ad art. 118 LEtr ; L. VETTERLI / G. D'ADDARIO DI PAOLO, in Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, Berne 2010, N 4ss ad art. 118).

Dans une récente affaire, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice a prononcé l'acquittement de l'appelant de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités, en application du principe in dubio pro reo (AARP/118/2023 du 27 mars 2023). En l'occurrence, une demande d'autorisation de séjour avait été déposée par l'appelant auprès de l'OCPM dans le cadre de l'opération "Papyrus". De faux documents, en particulier des certificats de salaire, avaient été produits. Or, l'appelant avait fait appel à un tiers qu'il croyait avocat pour préparer et déposer sa demande, ce qui avait été fait sans qu'elle ne lui soit soumise au préalable. Ledit tiers était d'ailleurs précisément connu des autorités pénales pour avoir falsifié des documents dans le cadre d'autres dossiers "Papyrus", sans qu'il soit possible d'affirmer que l'appelant le savait ou s'était adressé à lui pour ce motif. Par ailleurs, l'appelant avait, d'emblée et de manière constante, contesté avoir travaillé pour les sociétés dont les documents émanaient prétendument. Il avait dès lors contesté avoir remis un quelconque faux document au tiers susmentionné à l'appui de sa demande. Enfin, l'appelant paraissait avoir passé la majeure partie de son temps en Suisse depuis les années 90 et y avait travaillé pour différentes entreprises depuis lors, tel que cela ressortait de l'extrait de son compte individuel AVS. L'appelait avait dès lors légitimement pu croire que sa demande avait des chances d'aboutir, surtout si elle était motivée par un homme de loi, sans avoir nécessairement à produire de faux documents. Ainsi, selon la Cour de justice, il existait à tout le moins un doute sérieux quant au fait que l'appelant aurait participé à l'élaboration des faux documents incriminés ou acquiescé d'une quelconque façon à leur production, avec conscience et volonté. Son acquittement des faits de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités a ainsi été prononcé (art. 22 CP cum art. 118 al. 1 LEI ; consid. 2.2.1.).

2.1.2. Aux termes de l'art. 251 ch. 1 CP, celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d’autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d’un tel titre, sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Le titre est défini comme un écrit destiné et propre à prouver un fait ayant une portée juridique (art. 110 al. 4 CP). L'écrit doit être objectivement en mesure de prouver un fait dont dépend la naissance, l'existence, la modification, le transfert, l'extinction ou la constatation d'un droit. Autrement dit, sa lecture doit convaincre de l'existence d'un fait de nature à modifier la solution apportée à un problème juridique (Bernard CORBOZ, Les infractions en droit suisse, 3ème édition, N 17 à 27 ad art. 251 CP).

Le législateur réprime deux types de faux dans les titres : le faux matériel et le faux intellectuel. Leur utilisation est également considérée comme une infraction. On parle de faux matériel lorsque le véritable auteur du titre ne correspond pas à l'auteur apparent (ATF 129 IV 130 consid. 2.1, JdT 2005 IV 118). Autrement dit, le faussaire crée un titre qui trompe sur l'identité de celui dont il émane en réalité. Commet un faux intellectuel, celui qui aura constaté ou fait constater faussement un fait ayant une portée juridique. Le faux intellectuel se rapporte ainsi à l'établissement d'un titre authentique (réalisé par l'auteur apparent), mais mensonger du fait que le contenu réel et le contenu figurant dans le titre ne concordent pas. Comme le simple mensonge écrit n'est pas répréhensible, même en présence d'un titre, il faut que celui-ci ait une valeur probante plus grande qu'en matière de faux matériel, pour que le mensonge soit punissable comme faux intellectuel (Petit commentaire du CP, 2ème édition, N 34 ad art. 251).

Des fiches de salaire créées de toutes pièces par un tiers, à l'en-tête d'une société inexistante, ont été considérées par le Tribunal fédéral comme des titres, sous forme de faux matériels, dès lors que l'auteur apparent desdites fiches de salaire ne correspond pas à leur auteur réel et qu'elles établissent l'existence de rapports de travail ainsi que le montant d'un salaire y relatif, en vue d'obtenir des prestations indues (arrêt du Tribunal fédéral 6B_473/2016 du 22 juin 2017 consid. 4.2.1).

Lorsque l'auteur désigné par le titre est une personne morale, il y a lieu d'évaluer si le document est en soi apte à prouver que la personne morale a fait une déclaration, faute de quoi il ne s'agit pas d'un titre. Si c'est le cas, l'établissement de ce titre au nom de la personne morale par une personne qui ne peut pas (ou plus) valablement l'engager dans les rapports externes est un faux matériel (cf. ATF 123 IV 17 consid. 2b; Commentaire romand du Code pénal II, Bâle 2017, N 29 ad art. 251 CP).

Dans toutes les variantes envisagées, l'infraction est intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs objectifs, y compris sur le fait que le document ne correspond pas à la vérité et qu'il a une valeur probante. Le dol éventuel est suffisant. L'élément subjectif de l'infraction requiert, dans tous les cas, l'intention de tromper autrui pour se procurer ou procurer à un tiers un avantage illicite, ou causer un préjudice (Petit commentaire du CP, 2ème édition, N 46 et 48 ad art. 251).

Il y a concours réel entre l'art. 251 CP et l'art. 118 LEI si le comportement frauduleux à l'égard des autorités a été réalisé à l'aide de documents falsifiés (NGUYEN / AMARELLE, op. cit., N 3 ad art. 118 ; AARP/179/2022 du 15 juin 2022, consid. 2.1.3).

2.1.3. L'opération dite "Papyrus", qui a pris fin au 31 décembre 2018, a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes d'un pays de l'UE/AELE, bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir: avoir un emploi, être indépendant financièrement, ne pas avoir de dettes, avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum pour les familles avec enfants scolarisés ou sinon 10 ans minimum, faire preuve d'une intégration réussie, et ne pas avoir de condamnation pénale autre que celle pour séjour illégal (ATA/1255/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5 ; ATA/1153/2022 du 15 novembre 2022 consid. 7 ; ATA/878/2022 du 30 août 2022 consid. 7 ; ATA/679/2022 du 28 juin 2022 consid. 6).

2.2. En l'espèce, force est de constater que, si les activités du prévenu sont bien documentées dès 2013, tel n'est pas le cas pour la période antérieure.

Pour les années précédant 2013, le prévenu a produit, dans le cadre de sa demande d'autorisation de séjour "Papyrus", des certificats de salaire et attestations établis au nom des sociétés B______ et P______.

S'agissant en premier lieu de la société B______, l'activité du prévenu en son sein n'est pas confirmée par le relevé de compte individuel AVS, alors même que les fiches de salaire produites mentionnent des prélèvements sociaux. De surcroît, les cotisations versées, alors que le prévenu travaillait pour E______, soit pour le même patron, en 2013, figurent sur ledit relevé. S'il est certes malheureusement usuel qu'un employeur ne déclare pas forcément l'activité de ses employés, l'existence de prélèvement par le même employeur constitue néanmoins un indice de l'absence de rapport de travail antérieurement à 2013.

Il en va de même du fait que le prévenu ait déclaré à la police, en 2014, être arrivé en Suisse en janvier 2013, bien que cela puisse être compréhensible dans la mesure où le prévenu a, face à la police, pu vouloir minimiser la durée d'un séjour illégal, lequel constituait une infraction.

Une contradiction apparaît par ailleurs entre les salaires ressortant des certificats de salaires de 2011 et 2012, correspondant globalement à des salaires à plein temps, et les déclarations tant du prévenu que d'C______, selon lesquelles le premier ne travaillait que peu pour le second. Lesdits certificats font néanmoins état de travail durant plus de la moitié des années 2011 et 2012.

A cela s'ajoute que les attestations produites, prétendument datées de 2009, citent non l'adresse de la société à cette date, mais la future adresse, qui ne sera valide qu'à compter du 15 mars 2011. A cet égard, L______ a confirmé qu'il ne recevait pas de courrier de la société à cette adresse avant cette date. Il ne s'agissait donc pas d'une simple anticipation de changement d'adresse.

C'est d'autant moins le cas qu'il ne s'agit pas d'une inscription manuscrite, mais d'un tampon au nom de l'entreprise, qui suppose que celui-ci soit déjà établi au moment où il est utilisé sur cette attestation. L'on peine ainsi à comprendre comment, en 2009, une entreprise aurait déjà pu avoir confectionné puis utiliser un tampon humide mentionnant une adresse qu'elle n'aura que deux ans plus tard.

À cet égard, le fait que le Ministère public n'ait pas poursuivi l'instruction s'agissant d'une attestation similaire d'B______ pour Q______ lui appartient et ne lie en rien le Tribunal.

Dans le même sens, L______ a déclaré n'avoir travaillé qu'une année ou une année et demi pour la société B______, en 2011 ou 2012, et ne pas se souvenir d'avoir alors travaillé avec le prévenu. Il est certes possible que celui-ci ne soit peut-être pas beaucoup intervenu, à cette période, sur les chantiers. Cependant, au vu de sa fonction, on ne voit pas en quoi cela serait différent de la période 2013 chez E______, pour laquelle il se rappelle avoir alors travaillé avec le prévenu, emploi cette fois confirmé par le relevé de compte individuel AVS.

L'on relèvera également que le prévenu s'est montré incapable de se rappeler des noms des entreprises pour lesquelles il aurait travaillé avant 2013, tous les noms qu'il cite étant postérieurs à cette période.

L'on comprend également mal pourquoi le prévenu a déclaré avoir travaillé pour L______ pendant six ans, si ce dernier n'était homme à tout faire que durant une année ou une année et demi chez B______ ni pourquoi, dans ce cas, c'est C______, patron des sociétés, qui signe les documents incriminés.

Cela s'explique probablement plutôt par le fait que le prévenu a, non pas antérieurement, mais en 2013 et postérieurement, travaillé pour des sociétés dans lesquelles L______ était actif, soit F______ et E______, jusqu'en 2016, puis G______, lesquelles appartenaient au même propriétaire que F______.

Enfin, au vu des signatures des attestations au nom d'B______ et P______, il est patent qu'il ne s'agit manifestement pas de la même personne. Cela ne peut pas s'expliquer par l'évolution naturelle d'une signature en quelques mois d'intervalle. En effet, les déclarations d'C______ à cet égard sont très peu crédibles et contredites par les pièces figurant au dossier.

Ainsi, ce faisceau d'indices conduit à retenir que les certificats de salaire et les attestations d'B______ sont bien des faux, produits comme éléments de preuve dans le cadre de la procédure "Papyrus".

S'agissant ensuite de la société P______, le Tribunal relève qu'C______, entendu non pas comme témoin, mais en qualité de personne appelée à donner des renseignements, a manifestement un intérêt patent à maintenir sa version des faits, malgré l'emploi d'étrangers au noir, à défaut de quoi il pourrait être également prévenu d'infractions pénales plus graves, notamment de l'art. 251 CP et de complicité d'une infraction à l'art. 118 LEI.

Les seules déclarations d'M______ ne sont pas non plus suffisantes, au vu notamment de ses liens avec le prévenu mais aussi du fait qu'ayant organisé la demande "Papyrus" du prévenu, il serait impacté par une éventuelle infraction. Il a d'ailleurs également été entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements dans le cadre de la procédure et non comme témoin.

Quant à L______, celui-ci ignore les dates de séjour du prévenu, n'évoquant qu'une arrivée "pour la première fois" en 2006 et 2007, ce qui laisse la possibilité d'aller-retours. Il en va de même pour M______. L______ n'a en outre pas non plus souvenir d'un travail du prévenu au sein de l'entreprise individuelle P______.

A cela s'ajoute que l'attestation établie au nom d'P______ présente un problème de timbre humide avec une adresse erronée. Son contenu est également problématique, puisqu'il y est fait état d'un travail régulier pendant deux mois alors que tous les protagonistes s'accordent à dire que le prévenu n'y travaillait que ponctuellement, surtout au début.

Ainsi, s'il n'est pas exclu que le prévenu ait effectivement travaillé au sein d'P______, l'attestation fournie ne reflète toutefois manifestement pas la réalité. Le prévenu n'a d'ailleurs pas fourni de pièce justifiant d'un séjour à Genève à cette période, telle que des photos ou un abonnement TPG, alors qu'il prétendait disposer de telles pièces, étant précisé que l'attestation médicale produite en France voisine n'établit qu'au plus un séjour ponctuel et non un séjour durable.

L'ensemble des éléments précités permet de retenir à satisfaction de droit que ces justificatifs fournis à l'OCPM dans le cadre de la demande "Papyrus" ne sont pas authentiques.

Le dossier ne permet pas de savoir si le prévenu a lui-même confectionné ces faux ou s'il les a simplement utilisés comme moyen de preuve, ce qui est l'hypothèse retenue par le Ministère public. Conformément à la jurisprudence précitée, les documents établis sont toutefois des titres, dès lors qu'il s'agit de faux matériels dotés d'une valeur probante accrue, puisque produits comme moyen de preuve auprès de l'OCPM pour justifier du séjour du prévenu en Suisse.

Le prévenu ne pouvait qu'avoir conscience de la fausseté desdits documents. Il ne pouvait en effet ignorer n'avoir pas travaillé pendant les périodes concernées.

Il a agi ainsi afin d'induire en erreur l'OCPM et d'obtenir une régularisation de son statut administratif. Il n'est toutefois pas parvenu à tromper l'autorité précitée, puisqu'au jour du présent jugement aucune autorisation de séjour ne lui a été délivrée.

La présente affaire se distingue ainsi de celle à l'origine de l'AARP/118/2023 du 27 mars 2023, dans laquelle le concerné était en droit de penser que sa demande avait des chances d'aboutir, pour être arrivé en Suisse en 1990 et y avoir travaillé, malgré ses retours ponctuels dans son pays d'origine. Aucun élément ne permettait en outre de conclure qu'il avait connaissance des agissements de son mandataire. Au vu de ces éléments, la situation du prévenu n'est en aucun point comparable à celle dudit arrêt.

Le prévenu sera donc déclaré coupable de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 118 al. 1 LEI cum 22 CP).

3. 3.1.1. Aux termes de l'art. 115 al. 1 LEI, est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l'expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé (let. b), exerce une activité lucrative sans autorisation (let. c).

A teneur de l'art. 10 LEI, tout étranger peut séjourner en Suisse sans exercer d’activité lucrative pendant trois mois sans autorisation, sauf si la durée fixée dans le visa est plus courte (al. 1). L’étranger qui prévoit un séjour plus long sans activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation. Il doit la solliciter avant son entrée en Suisse auprès de l’autorité compétente du lieu de résidence envisagé (al. 2).

L'art. 11 LEI dispose quant à lui que tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour. Il doit la solliciter auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2). En cas d’activité salariée, la demande d’autorisation est déposée par l’employeur (al. 3).

3.1.2. Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst. ; ce principe est également rappelé à l'art. 3 al. 2 let. a CPP qui prévoit que les autorités pénales s'y conforment (arrêt du Tribunal fédéral 6B_472/2012 du 13 novembre 2012 consid. 2.1).

Le principe de la bonne foi protège ainsi le justiciable dans la confiance légitime qu'il place dans sa relation avec les autorités. Le Ministère public a changé de pratique quant à l'opportunité de poursuivre une infraction de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) dans l'hypothèse où un prévenu est acquitté de celle prévue par l'art. 118 LEI, dans le cadre d'une opération de régularisation comme "Papyrus", et ce pour la période pénale couverte par celle-ci. Ce raisonnement s'inscrit dans le contexte particulier où des étrangers sans autorisation sont invités par l'État à dévoiler leur situation irrégulière dans l'espoir de se voir octroyer un permis. Il paraît en effet conforme au principe de la bonne foi que les autorités pénales, qui n'auraient pas eu connaissance du séjour illégal sans la révélation volontaire de l'administré, ne le poursuivent pas si celui-ci n'adopte aucun comportement frauduleux à l'égard des autorités (AARP/70/2023 du 6 mars 2023 consid. 3.1 et 3.2 ; AARP/118/2023 du 27 mars 2023 consid. 2.1.5). Cela se justifie également au regard de la règle selon laquelle nul ne peut être contraint de s'auto-incriminer, qui constitue un principe général applicable à la procédure pénale, découlant de l'art. 32 Cst., de l'art. 14 al. 3 let. g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II ; RS 0.103.2) et du droit à un procès équitable au sens de l'art. 6 ch. 1 CEDH (ATF 142 IV 207 consid. 8.3).

Ce raisonnement ne s'applique toutefois qu'au plaideur qui était en droit de penser au moment où il avait déposé la requête, que celle-ci avait des chances d'aboutir, à l'exclusion de celui qui avait fait usage de faux pour tenter d'induire l'autorité en erreur (AARP/235/2023 du 6 juillet 2023 consid. 3.2.2). Autrement dit, seul l'étranger de bonne foi peut se prévaloir de la protection conférée par une opération tendant à permettre la régularisation d'étrangers séjournant et travaillant illégalement en Suisse mais pouvant être tenus pour étant désormais bien intégrés et répondant aux critères définis aux fins de ladite opération (AARP/458/2023 du 29 novembre 2023 consid. 3.5.2).

3.1.3. Selon l'art. 97 al. 1 let. d CP, l'action pénale se prescrit par sept ans si la peine maximale est une autre peine.

3.1.4. A teneur de l'art. 329 al. 5 CPP, si la procédure ne doit être classée que sur certains points de l'accusation, l'ordonnance de classement peut être rendue en même temps que le jugement.

3.2. En l'espèce, il est établi à teneur des éléments figurant au dossier que le prévenu a séjourné et exercé une activité lucrative en Suisse entre le 22 décembre 2015 et le 14 juillet 2020, alors qu'il était dépourvu des autorisations nécessaires. Le prévenu l'a, au demeurant, admis.

Les faits antérieurs au 12 mars 2017 sont toutefois prescrits et seront par conséquent classés.

Dès lors, seules subsistent les périodes de séjour et d'activité lucrative sans autorisation du 12 mars 2017 au 14 juillet 2020.

Ainsi, le prévenu sera reconnu coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI pour cette période.

Le prévenu s'étant également rendu coupable d'infraction à l'art. 118 LEI, il ne peut se prévaloir du principe de bonne foi s'appliquant, selon la jurisprudence précitée, au cas d'acquittement du prévenu d'infraction à l'art. 118 LEI.

Peine

4. 4.1. Les faits reprochés au prévenu se sont pour partie déroulés avant le 1er janvier 2018, date d'entrée en vigueur du nouveau droit des sanctions.

Selon l'art. 2 al. 1 CP, la loi pénale ne s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur (principe de la non-rétroactivité de la loi pénale). Cependant, en vertu de l'art. 2 al. 2 CP, une loi nouvelle s'applique aux faits qui lui sont antérieurs si, d'une part, l'auteur est mis en jugement après son entrée en vigueur et si, d'autre part, elle est plus favorable à l'auteur que l'ancienne (exception de la lex mitior). Il en découle que l'on applique en principe la loi en vigueur au moment où l'acte a été commis, à moins que la nouvelle loi ne soit plus favorable à l'auteur.

En matière de délit continu, la question du droit applicable se pose lorsque la loi change pendant l'exécution d'un tel délit. Si la nouvelle loi comporte uniquement une modification des sanctions, il n'est pas envisageable d'appliquer deux régimes de peine à un seul et même acte. Le délit continu constituant une unité, il n'est pas possible d'appliquer pour partie l'ancien et pour partie le nouveau droit. Le principe de la lex mitior ne permet en effet pas de combiner ancien et nouveau. Pour régler cette question, la doctrine largement majoritaire propose l'application du nouveau droit à l'ensemble du délit continu, soit également à la partie antérieure à l'entrée en vigueur de la nouvelle norme. Dès lors qu'une norme abrogée ne peut être appliquée à un comportement postérieur à son abrogation et qu'il n'est pas possible d'appliquer pour partie l'ancien et pour partie le nouveau droit, la solution doctrinale se justifie. En cas d'aggravation de la sanction prévue par la loi, il convient toutefois, lors de la fixation de la peine, de tenir compte, dans un sens atténuant, du fait qu'une partie de l'infraction s'est déroulée pendant une période où la sanction était moins grave (arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2012 du 24 janvier 2013 consid. 1.3 et les références citées).

4.2. En l'espèce, les faits reprochés au prévenu sont pour partie antérieurs à l'entrée en vigueur du nouveau droit des sanctions. Au vu de la jurisprudence précitée, le Tribunal fera application du nouveau droit des sanctions, dans sa teneur à partir du 1er janvier 2018.

5. 5.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 p. 147; ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 p. 66 s.; ATF 136 IV 55 consid. 5 p. 57 ss; ATF 134 IV 17 consid. 2.1 p. 19 ss; ATF 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20).

5.1.2. Selon l'art. 34 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). En règle générale, le jour-amende est de 30 francs au moins et de 3000 francs au plus (al. 2).

5.1.3. Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s.; 134 IV 1 consid. 4.2.2 p. 5).

5.1.4. Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).

5.1.5. Le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure. Un jour de détention correspond à un jour-amende (art. 51 CP).

5.2. En l'espèce, la faute du prévenu n'est pas anodine. Il a séjourné en Suisse et y a travaillé sans autorisation. Il a, de surcroît, produit de faux documents pour tenter d'obtenir un permis de séjour, trompant ainsi les autorités.

La période pénale est longue s'agissant du séjour illégal et de l'activité lucrative sans autorisation.

La motivation du prévenu est liée à sa situation personnelle de travailleur clandestin désirant se régulariser. Bien que compréhensible humainement, cela n'en est pas moins illégal juridiquement.

Le prévenu n'a pas d'antécédent, facteur neutre.

La collaboration du prévenu a été médiocre. Il a admis le séjour et le travail sans autorisation car il n'en avait guère le choix. Il a toutefois persisté à contester les autres infractions reprochées.

Il y a concours d'infraction, facteur aggravant de la peine.

À la lumière de ces éléments, la peine retenue par le Ministère public semble adéquate. Elle sera néanmoins légèrement diminuée au vu du classement d'une partie des faits pour prescription. L'amende immédiate ne s'avère par ailleurs pas nécessaire du point de vue de la prévention.

Compte tenu de ce qui précède, le prévenu sera condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à CHF 90.- le jour, sous déduction de deux jours-amende, correspondant à deux jours de détention avant jugement, peine assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de trois ans.

Frais et indemnisation

6. Les valeurs saisies sur le prévenu, soit CHF 209.-, figurant sous chiffre 1 de l'inventaire 27657620200713 seront séquestrées et allouées aux frais de la procédure (art. 263 CP).

7. Vu le verdict condamnatoire, les conclusions en indemnisation du prévenu seront rejetées (art. 429 CPP).

8. Le prévenu sera par ailleurs condamné aux frais de la procédure, lesquels s'élèvent à CHF 1'201.- (art. 426 al. 1 CPP). La créance de l'Etat sera compensée à due concurrence avec les valeurs patrimoniales séquestrées mentionnées sous chiffre 5 du présent jugement (art. 442 al. 4 CPP).

9. Au vu de l'annonce d'appel faite par le prévenu sous la plume de son conseil, en application de l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP ; E 4.10.03), un émolument complémentaire de CHF 600.- sera mis à la charge de X______.

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 22 décembre 2022 et l'opposition formée contre celle-ci par X______ le 9 janvier 2023.

et statuant à nouveau et contradictoirement :

Classe la procédure s'agissant des infractions à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI antérieures au 12 mars 2017 (art. 329 al. 5 CPP et 97 al. 1 let. d CP).

Déclare X______ coupable d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers (art. 115 al. 1 let. b et c LEI), de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 118 al. 1 LEI cum 22 CP).

Condamne X______ à une peine pécuniaire de 150 jours-amende, sous déduction de 2 jours-amende, correspondant à 2 jours de détention avant jugement (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 90.-.

Met X______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit X______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Ordonne le séquestre et l'allocation aux frais de la procédure des valeurs figurant sous chiffre 1 de l'inventaire 27657620200713 (art. 263 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de X______ (art. 429 CPP).

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'201.- (art. 426 al. 1 CPP).

Compense à due concurrence la créance de l'Etat portant sur les frais de la procédure avec les valeurs patrimoniales séquestrées figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 27657620200713 (art. 442 al. 4 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Secrétariat d'Etat aux migrations, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Stéphanie OÑA

Le Président

Yves MAURER-CECCHINI

 

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de X______.

 

 

 

La Greffière

Stéphanie OÑA

Le Président

Yves MAURER-CECCHINI

 

Voies de recours

Le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit peut également contester son indemnisation en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale (art. 135 al. 3 et 138 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais de l'ordonnance pénale

CHF

770.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

60.00

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

Emolument de jugement

CHF

300.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

Total

CHF

1201.00

==========

Emolument de jugement complémentaire

CHF

600.-

==========

Total des frais

CHF

1801.00

 

Restitution de valeurs patrimoniales et/ou d'objets

Lorsque le présent jugement sera devenu définitif et exécutoire, il appartiendra à l'ayant-droit de s'adresser aux Services financiers du pouvoir judiciaire (finances.palais@justice.ge.ch et +41 22 327 63 20) afin d'obtenir la restitution de valeurs patrimoniales ou le paiement de l'indemnité allouée, ainsi que, sur rendez-vous, au Greffe des pièces à conviction (gpc@justice.ge.ch et +41 22 327 60 75) pour la restitution d'objets.

Notification à X______, soit pour lui son conseil
par voie postale

Notification au Ministère public
par voie postale