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Décisions | Tribunal pénal

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P/13416/2018

JTDP/21/2024 du 11.01.2024 sur OPMP/4296/2023,OPMP/4297/2023 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.312
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 22


11 janvier 2024

 

 

MINISTÈRE PUBLIC

A______, domicilié ______[GE], partie plaignante, assisté de Me Alexandre BÖHLER

 

contre

 

X______, née le ______ 1988, domiciliée ______[GE], prévenue, assistée de Me Yaël HAYAT

Y______, né le ______ 1969, domicilié ______[GE], prévenu, assisté de Me Damien TOURNAIRE


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à ce que X______ soit reconnue coupable d'abus d'autorité (art. 312 CP) et à ce qu'elle soit condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 120.-, avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans et à une amende de CHF 720.-. Il conclut à ce que Y______ soit reconnu coupable d'abus d'autorité (art. 312 CP) et à ce qu'il soit condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 220.- avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans et à une amende de CHF 1'320.-. Il conclut à ce que les deux prévenus soient condamnés aux frais de la procédure pour moitié chacun.

A______, par la voix de son Conseil, conclut à un verdict de culpabilité pour les deux prévenus et à ce que ceux-ci soient condamnés à payer une indemnité de CHF 6'291.- selon l'art. 433 CPP.

X______, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement et à ce qu'il soit fait droit aux conclusions en indemnisation déposées.

Y______, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement et à ce qu'il soit fait droit aux conclusions en indemnisation déposées, représentant une somme de CHF 13'655.63. Il s'en rapporte à justice sur la demande d'indemnité de A______ selon 433 CPP.

*****

Vu l'opposition formée le 30 mai 2023 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 16 mai 2023;

Vu l'opposition formée le 1er juin 2023 par Y______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 16 mai 2023;

Vu les décisions de maintien des ordonnances pénales du Ministère public du 10 août 2023;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

EN FAIT

A.            a. Par ordonnance pénale du 16 mai 2023, valant acte d'accusation, il est reproché à X______ une infraction d'abus d'autorité (art. 312 CP) pour avoir, à Genève, le 15 juin 2018, en sa qualité de policière, à la demande de sa mère B______, organisé l'enlèvement d'un véhicule automobile appartenant à son beau-père A______ sur le terrain privé de sa mère, dans le but de rendre service à celle-ci et de lui procurer ainsi un avantage illicite, alors que les conditions d'un tel enlèvement n'étaient pas remplies, faute de plainte.

b. Par ordonnance pénale du 16 mai 2023, valant acte d'accusation, il est reproché à Y______ une infraction d'abus d'autorité (art. 312 CP) pour avoir, à Genève, le 15 juin 2018, en sa qualité de commissaire de Police, autorisé X______, policière, à faire enlever sur terrain privé un véhicule automobile appartenant à A______, alors qu'il savait que l'ayant-droit du terrain était la mère de X______ et que les conditions d'un tel enlèvement n'étaient pas réalisées, faute de plainte, dans le but de rendre service à X______ et sa mère et de procurer à cette dernière un avantage illicite.

B.             Les éléments suivants ressortent de la procédure.

a.       A______ a déposé plainte en raison de ces faits le 16 juillet 2018. Il a produit une copie de la fiche d'enlèvement du véhicule immatriculé GE 5______ établie par l'entreprise de dépannage, sur laquelle était mentionné le matricule 1______ correspondant au policier ayant requis cet enlèvement. A______ faisait également valoir CHF 25'000.- de dommages-intérêts et CHF 5'000.- de tort moral.

b.      Différents litiges ont opposé A______ à son épouse B______, dans le cadre de leur séparation, et également à X______, fille de la précitée.

Le 28 mai 2018, A______ avait notamment déposé plainte contre B______, son nouveau compagnon C______ et X______ pour vol de courrier, accusation ayant ensuite fait l'objet d'une ordonnance de non entrée en matière du Ministère public. Les 1er et 5 juin 2018, B______ et C______ avaient pour leur part déposé plainte pour le vol des roues du véhicule de ce dernier, stationné sur le terrain privé de la première, et dommages à la propriété. A cette occasion, un gant portant l'ADN de A______ avait été retrouvé sur place. Postérieurement aux faits objets de la présente procédure, le 23 septembre 2018, A______ avait également accusé X______ d'avoir confectionné une fausse pièce à conviction, accusation ayant aussi fait l’objet d’une ordonnance de non entrée en matière.

c.       Il ressort du rapport de l'IGS du 8 avril 2020 que B______ et A______ étaient en couple depuis 1991. B______ avait une fille, X______, née en 1988 d'une précédente union. Depuis 1991, A______ s'était occupé de X______ et avait tenu le rôle de beau-père. Le couple A______-B______ avait eu un fils en 1999, G______. Depuis le printemps 2017, A______ et B______ étaient en instance de séparation. A cette même période, B______ avait obtenu une mesure d'éloignement contre A______ suite à une plainte qu'elle avait déposée pour lésions corporelles et dommages à la propriété dans le cadre de violences conjugales.

Le 15 juin 2018, le véhicule immatriculé GE 5______ au nom de l'entreprise de A______ avait été pris en charge par l'entreprise de dépannage H______ à la demande du matricule 1______ correspondant au policier D______ qui était en patrouille ce jour-là avec sa collègue de la brigade des mineurs X______.

d.      Selon un formulaire intitulé "plainte à madame la commandante de la police" du 17 juin 2018, rempli et signé au nom de B______, celle-ci indique déposer plainte contre le conducteur d'un véhicule de livraison Mercedes-Benz ______, GE 5______ pour violation d'une interdiction dûment signalée au sens de l'art. 10 du règlement concernant la circulation et le stationnement des véhicules sur terrain privé et charger la Police de procéder à l'enlèvement de ce véhicule. Ce formulaire est signé par le matricule 1______ de la BMIN. La partie relative à la désignation du véhicule stationné illicitement, aux chiffres du matricule et à la signature du policier semble écrite avec un autre stylo que le reste du formulaire. Au verso de ce document figure le timbre "POLICE JUDICIAIRE MINEUR, 20 JUIN 2018" et un timbre rond mentionnant le matricule 2______.

Figure à la page suivante la première page de l'ordre de service sur la circulation et stationnement des véhicules sur terrains privés (OS), sur lequel est apposé un post-it émanant de E______, Police routière Genève indiquant "il manque le numéro d'arrêté… indispensable pour donner suite… Je constate également qu'il n'y a pas d'immatriculation, marque, catégorie… etc…!"

e.       Le 18 juin 2018, B______ a déposé plainte au poste de Lancy-Onex pour violation de domicile et vol contre A______ pour des événements s'étant produits le 15 juin 2018. Séparée de A______, elle était seule propriétaire de sa maison. Ce jour-là en fin de soirée, elle avait été avisée par son fils que ce qui se trouvait sur la terrasse avait disparu. En visionnant les images de vidéosurveillance, elle avait constaté que le 15 juin au matin, A______ et son employé étaient venus avec une fourgonnette et avaient chargé le mobilier de la terrasse et d'une pièce annexe dans ce véhicule. B______ n'a pas mentionné l'enlèvement du véhicule de A______ par la police le jour des faits.

f.        Lors de son audition par la police en tant que prévenu, A______ a déclaré que tous les objets emportés appartenaient à sa société. Il ne les avait pas volés mais mis en sécurité, car le nouveau compagnon de B______ les avait mis en vente sur internet via des annonces. Il a contesté avoir commis une violation de domicile, car il disposait de la télécommande du portail et s'était rendu uniquement à l'adresse de son entreprise. Cette dernière était située au 28 I______, tandis que sa femme était domiciliée au n° 30. De plus, il avait seulement pris le mobilier qui se trouvait à l'extérieur. Lors de cette audition, A______ n'a pas signalé que son véhicule avait été enlevé le 15 juin 2018. Le policier en charge de cette enquête n'a pas pu déterminer à qui appartenait le mobilier de jardin, ni si une violation de domicile avait été commise.

g.      L'extrait du journal des évènements de la police mentionne une affaire de circulation qui s'est déroulée le 15 juin 2018 à 20h43, à I______ à Bernex, l'appelante étant X______. A 20:45:01 et 20:45:38, des observations sont saisies par P05022, lequel écrit que la BO demande une patrouille pour procéder à l'enlèvement d'un camion dans une propriété privée. A 21:25:55, le matricule 3______ indique que l'entreprise est injoignable. Le 16 juin 2018 à 00:51:31, X______, 4______, indique sous la rubrique "affaire de circulation - véhicule gênant sur terrain privé" que le véhicule est mis à disposition au garage H______ et que "Le détenteur du véhicule est A______. Il était domicilié à cette adresse, mais suite à un divorce, il ne vit plus là et n'a plus le droit de s'y parquer. La propriétaire des lieux déposera plainte à son retour de l'étranger. X______ - D______".

h.      Il ressort de l'extrait du journal des évènements de la police créé le 16 juin 2018 à 00h31 par la gendarme F______ du poste des Pâquis, en lien avec un vol de véhicule qui avait eu lieu le 15 juin 2018 entre 19h30 et 22h10, à I______ à Bernex, que A______ s'était présenté pour signaler le vol de son véhicule immatriculé GE 5______ qu'il avait stationné dans sa parcelle privée. L'accès à cette parcelle était restreint par un portail électrique. A cette adresse était domiciliée sa femme avec laquelle il était en procédure de séparation. Il avait expliqué avoir des soupçons sur sa belle-fille. Lors de ses recherches, F______ avait constaté que le véhicule avait été enlevé suite à une plainte et pris en charge par l'entreprise H______. A______ avait été informé du lieu où se trouvait son véhicule. Il avait quitté le poste de police en mentionnant que l'intervention de la police était injustifiée et qu'il allait contacter son avocat.

i.        Il ressort des communications entre l'opérateur de la CECAL et X______, lors de l'enlèvement du véhicule stationné sur un terrain privé, en date du 15 juin 2018 les éléments suivants :

                                     i.      A 20h42, X______ appelle la CECAL (117) et demande l'intervention d'une patrouille de police à I______, afin qu'elle contacte une dépanneuse pour enlever un camion se trouvant dans une propriété. X______ explique qu'elle a déjà fait appel au commissaire qui lui a demandé de faire intervenir les agents de la police municipale, mais que ces derniers lui ont expliqué ne pas être compétents dès lors qu'il s'agit d'un terrain fermé et que c'est uniquement une patrouille de la police cantonale qui peut faire intervenir une dépanneuse. Elle précise que le propriétaire du camion a déjà volé des objets à plusieurs reprises dans la propriété et qu'il n'a rien à faire dans ce terrain. L'opérateur n'arrive pas à localiser l'adresse donnée sur le système informatique.

                                   ii.      A 20h44, l'opérateur entre l'adresse I______ 30 pour la réquisition, car le système ne trouve pas le numéro 28. Une fois la réquisition créée, l'opérateur dit qu'il va regarder pour faire venir une patrouille de Lancy-Onex sur place.

                                 iii.      A 21h20, l'opérateur de la CECAL contacte l'entreprise de dépannage H______ et demande l'intervention de la dépanneuse pour une camionnette. Il lui transmet les informations spécifiques au véhicule ainsi que l'adresse de l'intervention. Le dépanneur demande si les clés du véhicule sont disponibles et l'opérateur lui répond par la négative.

j.        Entendu par l’IGS le 29 mai 2018 en qualité de PADR, A______ a expliqué qu’il connaissait X______ depuis 1991, soit depuis qu'il fréquentait sa mère B______. Ils avaient vécu ensemble jusqu'au printemps 2017. Il en voulait à X______ car elle était au courant de la liaison qu'entretenait sa mère, mais n'avait rien dit. Il reprochait à X______ d'avoir pris fait et cause pour sa mère et de l'avoir totalement rejeté.

k.      Entendue par l’IGS le 17 février 2000 en qualité de prévenue, X______ a expliqué avoir eu A______ comme beau-père depuis l'âge de cinq ans, mais que leur relation s’était dégradée dès la séparation de celui-ci de sa mère B______. Son matricule était 4______ et celui de son collègue, D______, était 1______. Le jour des faits, elle avait reçu un téléphone de sa mère, paniquée, qui lui avait signalé que A______ se trouvait dans sa propriété en train de voler du mobilier de jardin, le voyant sur son système de vidéosurveillance. Se trouvant toutefois à l’étranger, celle-ci n'arrivait pas à joindre les services d'urgence à Genève. X______ avait demandé à son frère G______ de faire appel à la police, lequel n'avait pas réussi à obtenir l'intervention d'une patrouille, l’opérateur de la Police l’ayant refusé en lui demandant, dès lors qu’il s’agissait de son père, de trouver un terrain d’entente avec lui.

X______ avait alors expliqué la situation à son collègue de patrouille, D______, et tous deux s’étaient rendus sur place pour évaluer la situation et discuter avec A______. Sur place, ils n'avaient pas trouvé A______, mais uniquement son camion de livraison stationné dans la propriété. Pour y entrer, il fallait ouvrir un portail auquel A______ n'avait plus accès. X______ avait alors recontacté sa mère, qui se trouvait déjà sur le chemin du retour, lui recommandant d'aller rapidement déposer plainte pour violation de domicile ou vol si elle le constatait. B______ lui avait demandé de faire enlever le véhicule, car il se trouvait sur son terrain privé et elle craignait que A______ ne revienne le récupérer.

X______ avait pris contact avec le commissaire et lui avait expliqué la situation. Elle avait été orientée vers les agents de la police municipale pour l'enlèvement du véhicule, lesquels lui avaient ensuite expliqué que cela n'était pas dans leurs prérogatives, dès lors qu'il s'agissait d'un terrain privé fermé. Elle avait repris contact avec le commissaire qui lui avait demandé de faire appel à une patrouille de Police-Secours. X______ avait contacté un opérateur de la CECAL qui lui avait confirmé la venue d'une patrouille. Elle ne se souvenait plus pour quelle raison cette patrouille n'était finalement pas venue, de sorte qu'à la prise en charge du véhicule par la dépanneuse, elle était seule sur place avec son collègue. C'est ce dernier qui avait transmis son matricule au dépanneur.

Elle a conclu son audition en affirmant qu'elle était impliquée dans cette affaire parce qu'il s'agissait de sa mère, mais qu'elle ne pourrait pas se détourner de ses obligations ou commettre un acte contraire à la loi.

l.        Entendu par l’IGS le 28 février 2020 en qualité de PADR, D______, ______ à la Brigade des mineurs, était en patrouille mineur avec X______ le soir des faits. Suite à un téléphone d'un membre de sa famille, celle-ci avait semblé inquiète et lui avait expliqué la situation. D______ se souvenait vaguement qu'il s'agissait d'un vol en cours ou en passe d'être commis. Leur idée première était de se rendre sur place pour évaluer la situation. A leur arrivée, ils n'avaient vu personne mais X______ avait reconnu le camion de son beau-père qui n’avait rien à faire là. De nombreux échanges téléphoniques avaient eu lieu afin de déterminer la procédure exacte à suivre. Ils avaient avisé le commissaire de terrain de la situation et celui-ci avait donné son accord pour la suite de la procédure, soit l’enlèvement du véhicule de la propriété. Pour ce faire, ils avaient fait appel à une dépanneuse via la CECAL. La patrouille de police-secours n’avait pas pu venir sur place vu des réquisitions urgentes. Une fois le véhicule pris en charge, ils avaient quitté les lieux. Il avait donné son matricule au dépanneur à sa demande.

m.    Entendu par l’IGS le 31 mars 2020, Y______, commissaire, occupait le rôle de commissaire de terrain dans la nuit du 15 au 16 juin 2018. Il s'était rendu sur les lieux d'un incendie de grande ampleur qui avait mobilisé de nombreuses patrouilles. Il avait gardé le souvenir d’une demande d’enlèvement de véhicule par une patrouille de la Police judiciaire, ce qui était rare, ces demandes provenant généralement de policiers en uniforme. De manière générale, tous les enlèvements de véhicule devaient passer par le commissaire. Pour un enlèvement de véhicule sur terrain privé, il fallait que le propriétaire dépose une plainte. Une fois que c’était fait, ils donnaient leur accord à l’enlèvement. Concernant l'enlèvement du 15 juin 2018, la personne qui lui avait soumis le cas lui avait certifié qu'une plainte serait établie par la suite. Toutes les consignes pour l'enlèvement d'un véhicule étaient données oralement aux agents et Y______ n'avait gardé aucune trace écrite de cette intervention.

n.      L'ordre de service OS – PS II 4.12 "circulation et stationnement des véhicules sur terrains privés", versé à la procédure, dans sa version en vigueur au moment des faits, distingue les cas de stationnement sur un fond privé soumis à la LCR, soumis au Règlement concernant la circulation et le stationnement de véhicule sur les terrains privés et le cas d'un stationnement sur terrain clos pour lequel l’art. 186 CP est applicable. Pour ces cas, « l'enlèvement d'un véhicule stationné sur un terrain privé […] est soumis au dépôt d'une plainte pour violation de l'interdiction de circuler et/ou de stationner sur terrain privé ainsi que pour violation de domicile. Dans ce cadre, le propriétaire ou son mandataire peut demander à la police d'enlever le véhicule stationné sur le terrain privé. La plainte doit être déposée immédiatement et elle ne pourra être retirée. Elle doit expressément mentionner que le propriétaire ou son mandataire charge la police de l'enlèvement du véhicule (ch.4, p.4). L’autorité de décision pour les cas particuliers, notamment pour les plaintes pour 186 CP était l’officier de police de service (ch.4.4, p.5).

o.      Entendu une seconde fois en tant que PADR par l'IGS le 31 mars 2020, Y______ a indiqué que pour l'enlèvement d'un véhicule sur terrain privé, il se basait sur cet ordre de service OS PS II 4.12. Il demandait si une plainte avait été déposée ou s'il y avait une volonté de déposer une plainte, car il pouvait arriver que la personne ne puisse pas déposer plainte dans l'immédiat. Dans tous les cas, il avertissait le requérant qu'il y aurait des frais d'enlèvement. Le 15 juin 2018, X______ lui avait fait part au téléphone des problèmes que rencontrait sa mère avec son ex-beau-père en précisant que sa mère se trouvait à l'étranger. Y______ avait ordonné l'enlèvement du véhicule suite à la demande de X______ qui lui avait confirmé qu'une plainte allait être déposée par la suite. Il arrivait que des régies ou des concierges fassent des demandes analogues, et les policiers se basaient alors sur le principe de la bonne foi, qu’il avait appliqué dans le présent cas, en partant du principe que la plainte serait établie le plus rapidement possible. Cela permettait d’être efficient et de traiter le cas en 30 minutes en évitant que les patrouilles de police doivent rester sur place pendant 2 à 3 heures. Le citoyen lambda ne pouvait pas appeler directement le commissaire de terrain mais devait passer par la CECAL. Au moment de l’enlèvement d’un véhicule, une patrouille de police devait nécessairement être présente.

p.      Lors de l’audience du 28 septembre 2021 par-devant le Ministère public, X______ a confirmé ses précédentes déclarations. Elle était affectée à la brigade des mineurs depuis le début de l'année 2018.

Elle avait appelé Y______ comme supérieur hiérarchique amené à gérer les problèmes sur le terrain. Elle lui avait exposé qu'elle se trouvait dans une situation délicate et qu'elle avait à la fois une casquette privée et une casquette de policière, dès lors qu'elle était en service. Elle lui avait expliqué ce qu'il se passait et qu'il s'agissait de sa mère et son ex-beau-père. Elle n'avait toutefois peut-être pas clairement dit que le véhicule se trouvait sur un terrain privé clos, raison pour laquelle Y______ l'avait d'abord orientée vers la police municipale. X______ ne savait pas pourquoi elle n'avait pas appelé le 117 en se présentant comme la fille d'une personne qui avait été cambriolée et qui avait un véhicule sur son terrain privé. Elle avait appelé les agents de la police municipale de Bernex qui ne pouvaient pas intervenir. Elle avait ensuite rappelé Y______ pour le lui indiquer. Elle lui avait expliqué plus clairement qu'il s'agissait d'un véhicule sur un terrain privé. Y______ lui avait répondu qu'elle devait appeler la centrale et demander l'intervention d'une patrouille.

X______ était consciente qu'elle ne pouvait pas intervenir comme policière, dès lors que sa mère était concernée, et avait essayé de ne pas se servir de cette casquette, demandant à sa mère et à son frère de faire les démarches. Elle avait finalement agi, car une violation de domicile et un vol avaient été commis.

Lors du premier ou du second téléphone avec Y______, ce dernier lui avait dit que sa mère devait déposer plainte. Elle ne se souvenait toutefois pas s'il lui avait dit que le dépôt de la plainte devait précéder l'intervention de la dépanneuse. X______ avait, dans tous les cas, indiqué à sa mère qu'elle devait déposer plainte dès son retour de l'étranger, sans savoir si elle lui a précisé qu'elle devait déposer plainte pour violation de domicile.

Le formulaire de plainte du 17 juin 2018, avait a été rempli par elle-même concernant les rubriques "solution" et "policier", par D______ concernant son matricule et sa signature et par sa mère concernant les rubriques "infraction" et "identité du propriétaire ou du mandataire". Elle ne savait pas où sa mère avait rempli ce document, qu'elle avait ensuite reçu et complété avec D______. C'était ce dernier qui avait signé le formulaire pour qu'apparaisse le même numéro de matricule que sur le formulaire du dépanneur, assurant qu'elle n'avait jamais cherché à dissimuler sa présence sur les lieux. Ce document était revenu en retour et il avait été indiqué à X______ que vu qu'il ne s'agissait pas du bon formulaire, sa mère devait aller au poste de police déposer plainte pour violation de domicile. B______ s'était donc exécutée.

q.      Lors de la même audience, Y______, entendu en qualité de prévenu, a confirmé ses déclarations à l'IGS. Il se souvenait de l'évènement du 15 juin 2018 car c'était la seule fois de sa carrière que la police judiciaire le sollicitait pour un enlèvement de véhicule. Lorsqu'elle l'avait appelé, X______ lui avait parlé du véhicule de son beau-père stationné sur une place de sa mère. En revanche, elle ne lui avait pas parlé d'un vol de mobilier au moyen de ce véhicule. Y______ avait rapidement compris que ce n'était pas la patrouille de la brigade des mineurs qui lui demandait d'intervenir, puisque X______ lui avait exposé le contexte familial tendu entre sa mère et son beau-père. La décision qui lui était demandée concernait l'enlèvement d'un véhicule sur terrain privé.

Dans ce cas, conformément à l'ordre de service, il était nécessaire de disposer tout de suite d'une plainte, cette dernière étant indispensable pour que la police intervienne en cas de violation de domicile. Il pouvait arriver que la plainte ne soit pas immédiatement disponible mais qu’elle soit déposée dans les heures qui suivent. Dans ce cas, il arrivait que la police donne l'ordre de l'enlèvement par gain de temps, lorsqu’il était prévisible que la plainte interviendrait dans les heures qui suivent, dès lors que cela évitait de remobiliser une patrouille par la suite. Ce n'était pas la règle, mais Y______ avait déjà procédé de la sorte lorsqu'une régie devait déposer une plainte et connaissait quelques cas de collègues ayant agi de même.

Le 15 juin 2018, X______ a dit à Y______ que sa mère avait l'intention de déposer plainte mais qu'elle ne pouvait pas le faire immédiatement, étant en vacances. Y______ avait décidé de faire enlever le véhicule immédiatement, même s'il n'y avait pas d'urgence. Il admettait avoir ainsi commis un impair et omis de respecter un ordre de service, sans penser qu’il s’agissait d’une transgression grave.

Sur le moment, il n'avait pas relevé de problème lié au fait qu'un inspecteur intervienne dans son propre contexte familial, dès lors que X______ était très transparente sur sa situation. Il ne connaissait ni B______ ni A______ et n'avait pas de raison de vouloir nuire à celui-ci ou favoriser celle-là. Il connaissait uniquement X______ comme collègue, pour l'avoir eue au téléphone et croisée dans les couloirs et n'avait aucune raison de vouloir la favoriser. Il avait agi de bonne foi sans intention de nuire ou de favoriser qui que ce soit. Depuis cette affaire, sa façon de procéder en matière d'enlèvement de véhicule avait changé et il n'ordonnait plus d'enlèvement sans qu'une plainte soit déposée au préalable.

r.        Entendue en qualité de témoin le 25 avril 2022 par le Ministère public, B______ a expliqué être partie quelques jours en vacances en France le 15 juin 2018, à huit heures de route de Genève. Elle avait été avertie par son fils G______ que des affaires avaient disparu de la terrasse de son domicile sis I______ 28 et que la camionnette de A______ était stationnée sur le parking situé à côté de la terrasse. Selon elle, A______ avait sûrement utilisé une télécommande pour franchir le portail, ce qu'il avait déjà fait par le passé. Elle avait consulté les images de la caméra filmant la terrasse et constaté l'enlèvement des affaires ainsi que la présence de son mari et d'une autre personne. G______ avait essayé de discuter avec A______, en vain. Etant à l'étranger, B______ ne pouvait pas appeler le 117. C'était donc G______ qui avait téléphoné, mais l'opératrice lui avait dit qu'il devait s'arranger avec son père car ce n'était pas assez important pour faire intervenir quelqu'un. G______ avait rappelé B______ pour lui expliquer cela et elle lui avait demandé d'appeler sa sœur, habitant à dix mètres de là.

B______ avait ensuite appelé sa fille X______ pour lui raconter ce qui s’était passé. Celle-ci lui avait dit d'appeler la police. B______ lui avait répondu que cela avait déjà été fait, sans succès. Elle ne se souvenait plus comment cela avait été dit et si elle l'avait expressément demandé à sa fille, mais il était clair pour elle qu'il fallait faire enlever la fourgonnette, car si son mari avait laissé son véhicule sur place, c'est qu'il allait revenir commettre des vols. X______ ne lui avait pas dit ce qu'elle allait faire. Elle ne lui avait pas non plus dit à ce moment qu'elle devrait déposer plainte en relation avec la camionnette. B______ savait toutefois devoir déposer plainte pour vol et violation de domicile, précisant que ce n’était pas la première fois qu’elle avait à le faire. En rentrant chez elle dans la matinée du 16 juin 2018, elle avait constaté qu'il n'y avait plus rien sur la terrasse, précisant que ce n'était pas la première fois que A______ agissait de la sorte. Elle avait ensuite parlé à son fils et sa fille. C'était à ce moment-là que X______ avait dû lui dire qu'elle avait fait enlever la camionnette.

B______ était ensuite allée au poste de police le 17 juin 2018 afin de déposer plainte pour vol et violation de domicile. Elle avait rempli à cet endroit un formulaire de plainte, en particulier les rubriques "identité du propriétaire ou du mandataire" et "infraction", puis elle avait signé le document. Elle n'avait pas rempli la rubrique "véhicule stationné illicitement", ne connaissant pas par cœur ces informations. Le 18 juin 2018, elle a été entendue au poste de Lancy-Onex au sujet de sa plainte.

s.       Lors de la même audience, D______ a été entendu comme témoin, confirmant ses déclarations à l'IGS. Lors de son arrivée à I______ le 15 juin 2018, le camion de A______ était stationné sans droit dans la propriété. X______ et lui-même avaient essayé de trouver une solution pour traiter cette infraction, cherchant à éviter d'intervenir compte tenu du lien familial impliquant X______. Etant affectés à la brigade des mineurs, X______ et lui-même ne connaissaient pas très bien la procédure d'enlèvement d'un véhicule. Ils étaient finalement intervenus et avaient demandé à un collègue de les orienter sur la procédure, l'appel à la dépanneuse ayant été avalisé par le commissaire. Il avait contribué à l'établissement du formulaire de plainte du 17 juin 2018 en complétant son numéro de matricule et en signant, en présence de X______, mais non de B______. C'était lui qui avait signé le document, et non X______, car il estimait plus judicieux d'éviter que le nom de celle-ci apparaisse vu que la plaignante était sa mère.

C.            L'audience de jugement s'est tenue le 28 novembre 2023. Lors de celle-ci, X______ a indiqué ne pas contester les faits, mais l'existence d'un dessein de procurer un avantage illicite et le fait que les conditions de l'enlèvement d'un véhicule n'aient pas été remplies.

A l'époque des faits, elle ne connaissait pas en détail l'ordre de service sur l'enlèvement de véhicule, mais savait qu'il fallait appeler le commissaire pour savoir si les conditions en étaient remplies, soit l'existence d'une infraction. Elle ne se souvenait plus si elle savait, avant d'appeler le commissaire, qu'il fallait une plainte pénale, mais celui-ci le lui avait dit. En réponse à Y______ qui lui indiquait que sa mère devait déposer plainte pour obtenir l'enlèvement du véhicule, elle lui avait indiqué qu'elle se trouvait à l'étranger mais sur le trajet du retour la nuit même et qu'elle porterait plainte dès son retour. Elle avait expliqué au commissaire la situation et sa double casquette et avait répété avoir parlé à sa mère la nuit même de la question de la plainte, qui était avec l'existence d'un potentiel cambriolage la raison de son retour. Elle avait eu la confirmation de sa mère qu'elle porterait plainte le lendemain. Durant les téléphones avec sa mère, si celle-ci n'avait pas explicitement utilisé le terme "porter plainte", elle lui avait expliqué que A______ commettait une infraction, en prenant des meubles et stationnant sans droit son véhicule, ce qui constituait pour un civil une plainte orale.

Elle ne se souvenait plus de qui avait généré le formulaire de plainte, mais sa mère s'était rendue le lendemain au poste des Pâquis dans le but de porter plainte.

Elle s'était rendue sur place pour raisonner A______ et non pour avantager sa mère. Elle n'avait pas reçu de consigne de la Police sur le comportement à avoir en cas de litige de proches.

Au moment d'enlever le véhicule de A______, elle avait constaté un délit mais ne voulait pas intervenir personnellement. L'enlèvement du véhicule se justifiait car celui-ci se trouvait sur le terrain de sa mère et A______ était en train de cambrioler les lieux.

En appelant Y______ comme supérieur hiérarchique, elle désirait lui expliquer la situation et connaître la suite à donner à cette affaire. Lorsque celui-ci lui avait donné l'ordre d'enlèvement, elle pensait que les choses étaient faites correctement.

Si elle se souvenait d'avoir discuté de sa situation familiale avec le chef de service J______, elle n'avait pas pris cela comme un avertissement, n'ayant pas eu de reproches ni d'injonction de s'adresser à celui-ci pour ce type de sujet. A son avis, il s'agissait de l'affaire du gant lors de laquelle elle avait eu le commissaire au téléphone, sans l'avoir appelé. Elle n'avait pas reçu l'interdiction de solliciter le commissaire en cas de problème touchant sa mère auquel elle serait confrontée durant son service.

Elle vivait la procédure pénale comme une injustice, car elle avait essayé d'être claire avec tout le monde et était malgré tout condamnée.

Y______ a également confirmé ses déclarations. Au moment des faits, il s'était concentré sur l'intention de B______ de déposer plainte, laquelle ne pouvait le faire tout de suite, vu qu'elle se trouvait à l'étranger. Il n'avait pas demandé de détails

X______ lui avait confirmé la volonté de sa mère de déposer plainte, précisant qu'elle serait de retour le lendemain matin. Pour lui, elle agissait alors comme policière. Il avait donc admis le délai de 12 heures entre sa décision et l'arrivée de la plainte, ce qui correspondait à une pratique à l'époque, notamment avec les régies immobilières, lorsque le fondé de pouvoir n'était pas présent.

Il ne contestait pas le déroulement des faits, sous réserve que X______ ne lui avait pas parlé de la problématique de l'enlèvement de meuble par A______.

Au niveau des commissaires, ils savaient que X______ avait des problèmes familiaux et qu'elle était à ce sujet intervenue une fois en appelant un commissaire. Il n'avait pas demandé de détails à X______ et avait appris ensuite par le chef de service J______ que celle-ci avait été avertie de ne pas solliciter un commissaire pour des affaires privées, mais d'en parler au chef de service. Ces éléments n'avaient toutefois pas allumé de lumière en lui lors de l'appel de X______.

Pour lui, les choses avaient été faites correctement et selon les directives, car la plainte allait arriver. En aucune façon, il n'avait voulu avantager B______ ou nuire à A______. Le formulaire de plainte du 17 juin 2018 remplissait l'exigence de plainte.

Il reconnaissait une erreur d'appréciation, en ce sens qu'il avait mal apprécié le contexte et qu'il n'y avait pas d'urgence à cet enlèvement. Ayant uniquement été informé de la présence du véhicule, il n'avait pas redouté de danger de vol de meuble, circonstance qui aurait donné une autre coloration à l'affaire.

Lors du premier appel de X______, il n'avait pas suffisamment de détail pour se déterminer sur l'enlèvement du véhicule, raison pour laquelle il avait chargé X______ de rechercher des renseignements auprès des APM et avait sollicité le personnel uniformé. Sa tâche de commissaire était de poser des questions-clés et de charger les inspecteurs de recueillir les informations nécessaires, sachant que ceux-ci ne sont pas au courant des détails procéduraux.

Malgré l'ordre d'enlèvement, les inspecteurs gardaient la latitude d'y renoncer, ce dont il n'aurait pas été avisé. Il ne s'occupait pas du suivi de l'affaire.

A______ a pour sa part confirmé sa plainte.

D.            X______, de nationalité suisse, née le ______ 1988, est célibataire et mère d'un enfant à charge. Inspectrice à la Police judiciaire depuis 2015, elle est actuellement inspectrice principale adjointe à la Brigade des mœurs. Elle perçoit un salaire mensuel net de CHF 6'003.75, versé 13 fois l'an. Son casier judiciaire suisse est vierge.

Y______, de nationalité suisse, né le ______ 1969 est divorcé et père de deux enfants majeurs à charge. Il exerce la fonction de commissaire de Police, de laquelle il a démissionné pour le 31 janvier 2024, pour une activité d'indépendant dans l'enseignement des sports de neige, le développement personnel et la formation et le développement des cadres en entreprise. Il perçoit treize fois l'an un salaire mensuel net de CHF 12'215.70 pour son activité de commissaire de police. Son casier judiciaire suisse est vierge.

EN DROIT

1. 1.1.1. L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation. Selon cette disposition, une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé, auprès du tribunal compétent, un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. Le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense. Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation (principe de l'immutabilité de l'acte d'accusation), mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Le principe de l'accusation découle également des art. 29 al. 2 Cst (droit d'être entendu), 32 al. 2 Cst (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée des accusations portées contre soi) et 6 par. 3 let. a et b CEDH (droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation).

Les art. 324 ss CPP règlent la mise en accusation, en particulier le contenu strict de l'acte d'accusation. Selon l'art. 325 al. 1 CPP, l'acte d'accusation désigne notamment les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur (let. f) de même que les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public (let. g). En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu. L'acte d'accusation définit l'objet du procès et sert également à informer le prévenu (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1185/2018 du 14 janvier 2019 consid. 2.1 et les références citées).

1.1.2. L'art. 312 CP punit d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abusé des pouvoirs de leur charge.

Sur le plan objectif, l'infraction réprimée par cette disposition suppose que l'auteur soit un membre d'une autorité ou un fonctionnaire au sens de l'art. 110 al. 3 CP, qu'il ait agi dans l'accomplissement de sa tâche officielle et qu'il ait abusé des pouvoirs inhérents à cette tâche.

Cette dernière condition est réalisée lorsque l'auteur use illicitement des pouvoirs qu'il détient de sa charge, c'est-à-dire lorsqu'il décide ou contraint en vertu de sa charge officielle dans un cas où il ne lui était pas permis de le faire (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa; 114 IV 41 consid. 2; 113 IV 29 consid. 1). L'infraction peut aussi être réalisée lorsque l'auteur poursuit un but légitime, mais recourt, pour l'atteindre, à des moyens disproportionnés (ATF 113 IV 29 consid. 1; 104 IV 22 consid. 2; MACALUSO/MOREILLON/QUELOZ, Code pénal II, Commentaire Romand, ad. art. 312 CPP no.25 p. 2078 et références citées).

L'art. 312 CP n'englobe pas tous les actes contraires aux devoirs qu'un fonctionnaire doté d'un pouvoir de contrainte exécute à l'occasion de l'accomplissement de ses obligations. Seules les décisions et mesures illicites que l'auteur ordonne ou prend en vertu de sa fonction dans l'exercice de son pouvoir souverain sont soumises à l'infraction (TPF du 14.01.2015, FF.2014.84 consid. 3.1; ATF 127 IV 211; ISENRING, StGb/JStG Kommentar, 2022, OFK, ed. 21, 2022, ad. art. 312 CP, no.8b).

L'art. 312 CP protège, d'une part, l'intérêt de l'État à disposer de fonctionnaires loyaux qui utilisent les pouvoirs qui leur ont été conférés en ayant conscience de leur devoir et, d'autre part, l'intérêt des citoyens à ne pas être exposés à un déploiement de puissance étatique incontrôlé et arbitraire. En effet, cette disposition protège également les citoyens d'atteintes totalement injustifiées ou du moins non motivées par l'exécution d'une tâche officielle, lorsque celles-ci sont commises par des fonctionnaires dans l'accomplissement de leur travail.

Ainsi, au moins en matière de violence et de contrainte exercées par un fonctionnaire, l'application de l'art. 312 CP dépend uniquement de savoir si l'auteur a utilisé ses pouvoirs spécifiques, s'il a commis l'acte qui lui est reproché sous le couvert de son activité officielle et s'il a ainsi violé les devoirs qui lui incombent. L'utilisation de la force ou de la contrainte doit apparaître comme l'exercice de la puissance qui échoit au fonctionnaire en vertu de sa position officielle (ATF 127 IV 209 consid. 1b). L'incrimination pénale doit être interprétée restrictivement, compte tenu de la formule très générale qui définit l'acte litigieux.

La disposition ne tend à sanctionner comme abus d'autorité que les cas importants de manquement à un devoir de fonction (FF 1918 IV 1 73), les infractions de moindre gravité devant être sanctionnées par la voie disciplinaire, voire par des dispositions cantonales sur la répression des contraventions conformément à l'art. 335 CP (ATF 88 IV 69 consid. 1). La simple violation de devoirs de service, même sanctionnée par l'autorité supérieure ou de recours, ne suffit pas pour obtenir l'existence d'un abus. Il doit s'agir d'une violation insoutenable des règles applicables (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Petit Commentaire CP, n. 19 ad. art. 312).

1.1.3. Du point de vue subjectif, l'infraction suppose un comportement intentionnel, au moins sous la forme du dol éventuel, ainsi qu'un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite ou le dessein de nuire à autrui (arrêt du Tribunal fédéral 6B_699/2011 du 26 janvier 2012 consid. 1.1). Ce dessein ne vise pas le but ultime de l'auteur, mais tous les effets de son attitude qu'il a voulus ou acceptés (ATF 113 IV 29 consid. 1).

Le législateur a voulu que la finalité de l'acte en restreigne le caractère punissable. Si le dessein spécifique fait défaut, l'on se trouve face à une violation des devoirs de service qui doit être considérée seulement dans le cadre disciplinaire (MACALUSO/MOREILLON/QUELOZ, op. cit., ad art. 312 CP, no.15 p.2071-2072).

La jurisprudence retient un dessein de nuire dès que l'auteur cause par dol ou dol éventuel un préjudice non négligeable (ATF 99 IV 13; arrêts du Tribunal fédéral 6B_987/2015 du 7 mars 2016 consid. 2.6; 6B_831/2011 du 14 février 2012 consid. 1.4.2; 6S.885/2000 du 26 février 2002 consid. 4a/bb). Le dessein de nuire est également retenu lorsque l'auteur utilise des moyens excessifs, quand bien même il poursuit un but légitime (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa).

1.1.4. L'abus de pouvoir a été admis pour l'agent de police qui cherche à obtenir des aveux par la bastonnade (ATF 99 IV 13) ou qui casse des dents à un détenu récalcitrant (ATF 104 IV 22, voir également TF 6B_615/2011 [autre ZBJV 94 [1958] 237]), et dans le cas du procureur général adjoint de la Confédération qui a incité un homme, sous la menace d'être arrêté et extradé vers les autorités péruviennes, à prendre immédiatement l'avion de Lausanne pour se rendre à ses frais à une audition à Montevideo (TF 6B_1169/2014 consid. 2.2); pour un agent de poursuites qui a suspendu de son propre chef une saisie de salaire (BlSchK 12 [1948] 157); admis à tort dans RS 1980 n° 1011, faire effectuer des paiements au fonctionnaire; RS 1962 n° 136, propre salaire augmenté. Si l'acte est dirigé contre un fonctionnaire subordonné, il ne relève de la puissance publique que si l'instruction elle-même a pour but un acte de souveraineté (Heimgartner BSK Art. 312 N 16, SJZ [1967] 329 Nr. 182, voir aussi BGer ASA 1995 576), (TRECHSEL, ad art. 312 no.3).

En revanche, l'abus d'autorité n'a pas été retenu dans le cas de gardiens ayant soumis un détenu à une fouille forcée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1179/2015 du 4 août 2016) ou ayant contraint un détenu, qui s'y opposait, à quitter sa cellule et à intégrer une cellule sécurisée, les lésions attestées par le certificat médical étant compatibles avec celles pouvant résulter d'un emploi proportionné de la force (arrêt du Tribunal fédéral 6B_274/2009 du 16 février 2010).

Dans un arrêt 6B_76/2011 du 31.1.11, le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation d'un conseiller administratif ayant usé de ses pouvoirs afin de faire annuler des amendes d'ordre, retenant que devant respecter le principe de l'égalité devant la loi, il ne pouvait par conséquent pas faire en sorte qu'une personne échappe à une sanction prévue par la loi au seul motif qu'elle disposait de liens privilégiés avec des personnes compétentes pour annuler une telle sanction ou, pire, parce qu'elle était elle-même une de ces personnes (c.5.3). Le prévenu ne disposait d'aucun motif raisonnable pour faire annuler amendes concernées, tant s'agissant de lui-même que des personnes avec qui il entretenait un lien d'amitié et avait ainsi agi par favoritisme, ce qui constituait un abus d'autorité (c.5.4). S'agissant de ces dernières, il avait sciemment accepté de donner suite à leur requête en dépit du fait qu'elles n'étaient pas justifiées, procurant ainsi à ces tiers un avantage illicite (c.5.6).

Dans l'AARP/400/2021, la CPAR a confirmé la condamnation pour instigation à abus d'autorité du directeur de cabinet d'un magistrat, ayant sollicité le directeur du Service du commerce afin que celui-ci délivre une autorisation d'exploiter un établissement public dans un délai extraordinairement court (9 jours à la place d'un mois) et alors que le dossier était incomplet. La CPAR a considéré qu'il s'agissait là d'un manquement insoutenable qui contrevenait à la loi, à la pratique de l'autorité administrative, à l'égalité de traitement et à la sécurité du droit dès lors qu'il en résultait un traitement différent de celui accordé à l'ensemble des administrés, sans justification objective (c.8.5).

Dans cette affaire, la condamnation en première instance dudit directeur du Service du commerce - lequel n'avait pas fait appel - se fondait principalement sur le fait que celui-ci avait statué sur la base d'un dossier incomplet, laissant ouverte la question de savoir si la priorisation indue du dossier suffisait pour remplir les conditions de l'art. 312 CP (JTP/190/2021, no.3.5.1).

1.1.5. La doctrine rappelle également que du point de vue subjectif, l'intention est nécessaire - l'auteur doit être conscient de sa qualité particulière (Heimgartner BSK Art. 312 N 22, Stratenwerth/Bommer BT II § 59 N 11) et abuser consciemment de la puissance publique - ce qui fait défaut s'il croit agir conformément à ses devoirs (ZBJV 85 [1946] 139). En outre, il doit y avoir une intention d'avantage ou de désavantage correspondant à l'art. 251 (cf. ATF 127 IV 211, critique Stratenwerth/Bommer BT II § 59 N 12). Les avantages ne doivent pas nécessairement être de nature matérielle (ZR 45 [1946] n° 82, Frey/Omlin 85, Heimgartner BSK Art. 312 N 23, cf. ATF 99 IV 13) - ainsi, l'obtention d'avantages par le biais d'un déni de justice peut également constituer un abus de pouvoir (Thormann/von Oberbeck Art. 312 N 3, Riesen 295), pas plus que les inconvénients (ATF 99 IV 14 - douleur due aux coups). Le dol éventuel suffit (cf. Vor Art. 137 N 11). Il va de soi que les inconvénients doivent également être illicites (Postizzi CR CP Art. 312 N 31 avec d'autres références), (TRECHSEL, ad. art. 312 CP no.7).

1.1.6. Selon l'art. 15 al.1 CPP, en matière de poursuite pénale, les activités de la police, qu’elle soit fédérale, cantonale ou communale, sont régies par ce code. D'après l'al.2 de cette même disposition, la police enquête sur des infractions de sa propre initiative, sur dénonciation de particuliers ou d’autorités ainsi que sur mandat du ministère public; dans ce cadre, elle est soumise à la surveillance et aux instructions du ministère public.

Il en découle que le Code de procédure pénale est applicable dès la procédure préliminaire (JEANNERET/KUHN/PERRIER DEPEURSINGE, Code de procédure pénale, Commentaire Romand, 2ème éd., 2019, ad art 1 no.5 p.2-3, ad art. 15 no. 1 à 2a p.112).

1.1.7. Les art. 56 à 60 CPP sont consacrés à la récusation. L'art. 56 CPP prévoit notamment que toute personne exerçant une fonction au sein d’une autorité pénale est tenue de se récuser: […] d. lorsqu’elle est parente ou alliée avec une partie, en ligne directe ou jusqu’au troisième degré en ligne collatérale.

L'art. 57 CPP prévoit, sous le titre marginal "déclaration obligatoire" que lorsqu’une personne qui exerce une fonction au sein d’une autorité pénale a un motif de se récuser, elle doit le déclarer en temps utile à la direction de la procédure.

La doctrine précise que la déclaration doit s'effectuer en temps utile, soit aussitôt que possible, ce qui équivaut normalement au moment où la personne concernée prend connaissance de ce qu'un dossier lui a été attribué et constate qu'il concerne une personne dont il ne peut traiter le cas avec impartialité (JEANNERET/KUHN/PERRIER DEPEURSINGE, op. cit., ad art. 57 no.3 p.236).

D'après l'art. 59 CPP, lorsqu’un motif de récusation au sens de l’art. 56, let. a ou f, est invoqué ou qu’une personne exerçant une fonction au sein d’une autorité pénale s’oppose à la demande de récusation d’une partie qui se fonde sur l’un des motifs énumérés à l’art. 56, let. b à e, le litige est tranché sans administration supplémentaire de preuves et définitivement: a. par le ministère public, lorsque la police est concernée; […].

S'agissant des conséquences de la violation des dispositions sur la récusation, l'art. 60 CPP prescrit que les actes de procédure auxquels a participé une personne tenue de se récuser sont annulés et répétés si une partie le demande au plus tard cinq jours après qu’elle a eu connaissance du motif de la récusation (al.1). Les mesures probatoires non renouvelables peuvent être prises en considération par l’autorité pénale (al.2).

A teneur de l'art. 61 CPP, l’autorité investie de la direction de la procédure (direction de la procédure) est: a. le ministère public, jusqu’à la décision de classement ou la mise en accusation; […]

A cet égard, la doctrine précise que les forces de l'ordre ne sont jamais investies de la direction de la procédure, même lors de la procédure d'investigation policière au sens des art. 306 et 307 CPP (JEANNERET/KUHN/PERRIER DEPEURSINGE, op. cit, ad art. 61, no.6 p. 247).

1.1.9. Aux termes de l'art. 30 al.1 CP, si une infraction n’est punie que sur plainte, toute personne lésée peut porter plainte contre l’auteur.

La doctrine précise que "La plainte pénale est une déclaration de volonté inconditionnelle par laquelle le lésé requiert l'introduction d'une poursuite pénale contre les auteurs de l'atteinte. La plainte est valable lorsque celui qui a qualité pour la déposer a fait connaître à l'autorité compétente dans les délais et dans la forme prescrite par la procédure cantonale sa volonté inconditionnelle de faire poursuivre l'auteur de telle sorte que la procédure suive son cours sans nouvelle détermination du lésé". […] Vu son caractère procédural, la plainte relevait jusqu'à l'entrée en vigueur du CPP unifié du droit cantonal. […] Pour être valable, la plainte doit décrire suffisamment le déroulement des faits sur lesquels elle porte (MACALUSO/MOREILLON/QUELOZ/DONGOIS, Code pénal I, commentaire romand., ad art. 30 CP, no.3, 5 et 8 p. 539-540).

L'art. 33 CP prévoit, sous la note marginale "retrait" que l’ayant droit peut retirer sa plainte tant que le jugement de deuxième instance cantonale n’a pas été prononcé (al.1). Quiconque a retiré sa plainte ne peut la renouveler (al.2). Le retrait de la plainte à l’égard d’un des prévenus profite à tous les autres (al.3). Le retrait ne s’applique pas au prévenu qui s’y oppose (al.4).

S'agissant de la forme de la plainte pénale, l'art. 304 CPP prévoit que la plainte pénale doit être déposée auprès de la police, du ministère public ou de l’autorité pénale compétente en matière de contraventions, par écrit ou oralement; dans ce dernier cas, elle est consignée au procès-verbal (al.1). Le fait de renoncer à porter plainte ou le retrait de la plainte pénale sont soumis aux mêmes exigences de forme (al.2).

Si la démarche est faite verbalement, il y a alors lieu de dresser un procès-verbal, lequel n'appelle pas de signature (JEANNERET/KUHN/PERRIER DEPEURSINGE, op. cit., ad art. 304 CPP, no.4 p.1984).

1.2.1. En l'espèce, il est établi et admis que le 15 juin 2018, X______ a été contactée par téléphone par sa mère B______ qui avait constaté, depuis l'étranger, que son ex-compagnon A______ avait garé son véhicule sur son terrain privé.

Il est certain que la prévenue, au vu de ses liens de parenté avec la requérante, était visée par le cas de récusation de l'art. 56 let. d CPP et qu'elle aurait dû se récuser, respectivement s'abstenir d'intervenir dans le traitement de cette réquisition. C'est d'ailleurs ce qu'elle a dans un premier temps tenté de faire, renvoyant sa mère à composer le 117 puis à recourir à l'intermédiaire de son demi-frère afin d'obtenir l'intervention des autorités. Ce n'est qu'au vu de l'absence de succès de ces démarches qu'elle s'est décidée à se rendre sur place. Dans l'incapacité de trouver son beau-père, elle s'est ensuite tournée vers le commissaire de service de terrain.

Il n'y a à cet égard pas de raison de ne pas la croire lorsqu'elle indique avoir sollicité ce dernier en tant que supérieur hiérarchique, afin de déterminer la suite à donner à cette affaire. Celui-ci ne le dément pas, précisant que sa tâche était de poser les questions-clés pour savoir si les conditions d'un enlèvement de véhicule étaient remplies, les inspecteurs n'étant pas au courant des détails procéduraux. Cette version est aussi confirmée par D______, qui a expliqué que X______ et lui-même ne connaissaient pas bien la procédure d'enlèvement des véhicules et que les appels téléphoniques avaient effectivement eu lieu pour déterminer la procédure exacte à suivre dans ce genre de cas.

Lors de ses contacts avec le commissaire, X______ n'a pas fait mystère des liens qui la liaient à la requérante et de sa "double casquette", ni n'a sciemment omis de lui donner des informations importantes. Cela crédibilise sa version selon laquelle elle n'entendait alors pas profiter de la situation, mais savoir comment gérer cette situation malgré le conflit d'intérêts dans lequel elle se trouvait.

Il n’est par ailleurs pas contesté que X______ ait assuré le commissaire Y______ de la volonté de sa mère de porter plainte. Si les propos de cette dernière sont plus vagues, celle-ci n’évoquant la nécessité de déposer plainte que le lendemain, elle admet qu’elle savait devoir accomplir cette démarche, précisant que ce n’était pas la première fois qu’elle avait dû le faire. Le fait qu’elle se soit rendue le dimanche au poste des Pâquis confirme au demeurant que la nécessité d'un dépôt sans délai de plainte était évidente pour elle, à l’instar du fait qu’il fallait sur le moment faire enlever la camionnette, ce qu’elle a reconnu, quand bien même elle ne se rappelle plus si elle l’avait demandé expressément à sa fille. Quant à X______, on voit mal pour quelles raisons elle aurait assuré le commissaire de la volonté de sa mère de porter plainte et l’aurait inscrit dans le journal, si tel n’avait pas été le cas, sa mère sachant qu'il était nécessaire de procéder ainsi et ladite démarche n’ayant rien de compliqué.

Ainsi, il sera retenu que X______ savait que B______ avait la volonté de porter plainte pour ces faits et qu'elle l'a bien assuré au commissaire. Le fait que, le 18 juin 2018, celle-ci ait déposé une autre plainte pour violation de domicile et vol contre A______, sans mentionner l’enlèvement du véhicule peut par ailleurs aussi potentiellement s’expliquer par le fait qu’elle l’avait d’ores et déjà fait la veille, en signant le formulaire de plainte du 17 juin 2018 mentionnant la demande d’enlèvement.

Suite à la sollicitation du commissaire, la prévenue a ensuite appliqué les consignes données par celui-ci, lequel avait validé l'enlèvement du véhicule concerné moyennant l'engagement de la requérante de déposer plainte sans délai. Elle a ainsi contacté dans un premier temps les APM, puis a demandé l’intervention d’une patrouille de la police cantonale, ainsi que le montrent les inscriptions au journal. Cette patrouille de police secours a effectivement été contactée par la CECAL, ce qui ressort des appels téléphoniques au dossier. Il n’est également pas contesté que celle-ci n’ayant pu se libérer à cause de réquisitions urgentes et vu la nécessité de présence d’une patrouille sur place, X______ et D______ aient alors attendu la dépanneuse.

1.2.2. Si X______ a sans doute violé les règles applicables en cas de récusation, cela ne veut pas encore dire que l'égalité de traitement est automatiquement violée. Encore faut-il que, à l'instar du cas du conseiller administratif faisant annuler des amendes pour lui-même ou des proches, le bénéficiaire obtienne du fait des liens privilégiés avec la prévenue une prestation à laquelle il n'aurait normalement pas eu droit. Dans cette dernière affaire, il n'était en effet pas reproché au conseiller administratif d'avoir traité des demandes d'annulation d'amende alors qu'il aurait dû se récuser vu les liens qu'il entretenait avec les requérants, mais de leur avoir octroyé un avantage illicite en faisant annuler ces amendes.

Ainsi, la seule violation des règles sur la récusation, sans qu'il en résulte une violation de l'égalité de traitement serait insuffisante à fonder un abus de pouvoir au sens de 312 CP. En effet, dans un tel cas, le CPP règle explicitement les conséquences d'une violation des règles sur la récusation, qui est sanctionnée par la potentielle annulabilité et la répétition des actes concernés.

Au demeurant, selon la formulation de son ordonnance pénale, le Ministère public ne reproche pas aux deux prévenus d'avoir commis un abus d'autorité en ne respectant pas les règles de la récusation, mais en organisant, respectivement en autorisant l'enlèvement dudit véhicule alors que les conditions de cet enlèvement n'étaient pas remplies, formulation qui lie le Tribunal en vertu de la maxime d'accusation.

1.2.3. Il faut ainsi examiner si, au-delà de son motif de récusation, X______ – Y______ n'ayant quant à lui aucun motif de récusation – a permis à B______ d'obtenir une prestation à laquelle elle n'aurait normalement pas eu droit, à savoir l'enlèvement du véhicule de A______.

En l'occurrence, il est admis et non contesté qu'après avoir renvoyé sa mère à solliciter son demi-frère G______ – fils de A______ – celui-ci n'a pas obtenu de la CECAL une intervention, au motif que, s'agissant de son père, il devait s'arranger avec celui-ci. Au-delà de l'adéquation discutable d'une telle réponse, fondée sur le lien filial, rien ne permet d'affirmer que B______ se serait vu opposée la même fin de non-recevoir. En effet, celle-ci n'est pas la fille mais l'ex-conjointe de A______, lequel avait par le passé fait l'objet d'une décision d'éloignement au vu de dénonciation de violences conjugales. Elle était aussi et surtout la propriétaire de la parcelle concernée et donc la personne légitimée à porter plainte et requérir l'intervention de la police.

Ainsi, si B______ avait elle-même appelé la CECAL en requérant l'enlèvement du véhicule litigieux et que cette tâche avait été confiée à d’autres policiers que la prévenue, elle l'aurait très vraisemblablement obtenu – sous réserve de la question de la temporalité de la plainte, sur laquelle on reviendra – dès lors que son cas remplissait a priori les conditions de l'ordre de service. L’on notera d’ailleurs que la fiche destinée au dépanneur porte le numéro de matricule de D______, co-équipier de X______ et supérieur en grade – lequel n’est pas accusé par le Ministère public de participation à l’abus d’autorité – montrant que celui-ci a estimé lui aussi que l’enlèvement du véhicule était justifié.

A l'inverse, si X______ avait été requise, par le canal officiel, d'intervenir pour un enlèvement de véhicule sur terrain privé pour un citoyen lambda, elle n'aurait vraisemblablement pas procédé de façon différente. Le fait de se rendre sur place pour évaluer la situation puis de solliciter l'autorisation de l'officier de police de service pour enlever le véhicule, conformément au ch.4.4 de l'ordre de service sur l'enlèvement de véhicule n'apparaît pas différent de ce qui aurait été fait pour un tiers. Ce d'autant moins qu’elle aurait également pu aborder le risque de cambriolage pour justifier l’éventuelle urgence de cet enlèvement, ce qu’elle n’a pas fait.

L'on ne peut en particulier pas faire grief à X______ d'avoir unilatéralement organisé l'enlèvement de ce véhicule, en éludant le recours au commissaire. Bien au contraire, puisqu'elle l'a sollicité en lui expliquant la situation, évoquant ses liens familiaux, sans tenter de construire une éventuelle urgence par le risque de cambriolage, lequel aurait pu, de l'aveu même de Y______, faire prendre une autre coloration au dossier, sans conteste plus urgente.

Ainsi, il n'est pas établi que l'action de X______ aurait violé le principe d'égalité de traitement, sous réserve de ce qui suit.

1.2.3. Reste en effet la question, centrale, de savoir si l'enlèvement du véhicule pouvait être ordonné et exécuté sans qu'une plainte ait été déposée préalablement.

A cet égard, il est constant que l'infraction de violation de domicile au sens de l'art. 186 CP n'est poursuivie que sur plainte. L'ordre de service relatif à la circulation et stationnement des véhicules sur terrains privés indique quant à lui que l'enlèvement d'un véhicule est "soumis" au dépôt d'une plainte pénale et que, "dans ce cadre", le propriétaire peut demander à la police d'enlever ce véhicule, précisant ensuite que la plainte doit être "déposée immédiatement" et "ne pourra plus être retirée".

Si le terme "soumis" induit de façon générale la plainte comme condition nécessaire à l'enlèvement du véhicule, la formulation "dans ce cadre", se comprend comme une volonté de préciser cette notion, laquelle reste sous-jacente. Celle-ci l'est avec l'utilisation des termes "la plainte doit être déposée immédiatement", ce qui n'équivaut pas à préalablement ou antérieurement. Cette formulation peut laisser penser que la plainte ne doit pas forcément être préalable à la demande d'enlèvement, mais peut être simultanée.

Il est néanmoins difficile d’en déduire, ainsi que plaidé, que cette exigence de simultanéité laisserait la porte ouverte à l’"immédiatement après", étant rappelé qu’il s’agit là d’une précision du terme "soumis". Ainsi, la pratique de se contenter d’une promesse de porter plainte paraît s’éloigner du texte et de l’esprit de cet ordre de service, quand bien même celui-ci semble lui-même aussi s’écarter parfois de la loi, notamment avec la mention selon laquelle la plainte ne pourrait ensuite plus être retirée, qui paraît peu compatible avec l'art. 33 CP.

Cela étant, force est de constater que cette pratique existait alors manifestement au sein de la Police, notamment en lien avec les plaintes émanant de régies ou de concierges, pour des motifs d’efficience, qui n’ont rien à voir avec la volonté d’avantager illicitement ou de nuire à quelqu’un. Il n'est ainsi pas établi que la tolérance manifestée envers B______ quant à l'arrivée d'une plainte quelques heures après – alors que des motifs évidents expliquait son impossibilité de déposer immédiatement d'une plainte – aurait été manifestement plus large que celle dont aurait bénéficié des tiers non apparentés se trouvant eux aussi dans une incapacité momentanée de déposer formellement une plainte écrite.

1.2.4. La non-conformité formelle à l'ordre de service de cette pratique de Y______ n’apparaît par ailleurs pas d’une gravité très élevée. Elle trouve en effet sa base dans un souci d’efficacité et de pragmatisme, dans le sens d'éviter de mobiliser inutilement une patrouille plusieurs heures, ce que l'on peut comprendre, particulièrement dans un contexte avec de nombreuses réquisitions et un incendie d'ampleur en cours, mobilisant les forces de l'ordre.

Certes, aucun danger immédiat justifiant une éventuelle urgence d'enlèvement du véhicule n'avait été rapporté à Y______ – alors que tel aurait pu être le cas si X______ avait évoqué le risque de cambriolage – et Y______ aurait pu tout aussi bien refuser d'ordonner cet enlèvement pour économiser des ressources. Cela ne change toutefois rien au fait que la pratique de ce commissaire n'avait pas pour but ou conséquence acceptée d'avantager quiconque indûment, en particulier des proches de policiers. Il ne s'agissait en effet pas de faire fi de la condition de la plainte mais, dans des cas d'impossibilité matérielle de dépôt immédiat, de l'anticiper de quelques heures, moyennant un engagement de dépôt rapide, pratique qui était appliquée à des tiers se trouvant dans cette situation.

Ainsi, une telle violation n’atteint pas l’importance requise pour justifier une condamnation pénale plutôt qu'une seule procédure disciplinaire, au vu de la casuistique dégagée de la jurisprudence et de la nécessaire interprétation restrictive de la norme.

Cet état de fait n'a en effet rien à voir, en terme de gravité, avec les cas du conseiller administratif faisant sauter 35 amendes ou du directeur du Service du commerce privilégiant un dossier dont les conditions n'étaient pas remplies et ne le seraient jamais, octroyant ainsi un avantage illicite au bénéficiaire. De plus, à la différence de ce dernier cas, les conditions de l’ordre de service ont été remplies peu après, par le dépôt le 17 juin 20218, d'un formulaire de plainte signée par la plaignante.

A cet égard, le fait qu'il se soit agi d'un formulaire erroné, ayant été ensuite envoyé pour complément ou que la plainte déposée le jour d'après ait également porté sur autre chose qu'une violation de domicile et n'ait pas mentionné l'enlèvement du véhicule n'a pas de portée. En effet, dès le 17 juin 2023, la Police était nantie d'une déclaration écrite signée de B______ exprimant sans ambiguïté sa volonté de poursuivre le stationnement illicite d'un véhicule automobile sur sa parcelle le 15 juin 2018 à 21h00.

Ainsi, l'on ne peut pas dire que la pratique adoptée par Y______ et basée sur le principe de la confiance soit constitutive d'une violation inadmissible des règles applicables comparable en intensité aux cas cités par la jurisprudence et suffisamment grave pour qu'une répression disciplinaire soit insuffisante.

Il en va de même de X______, qui ne connaissait pas les détails de la procédure à appliquer et s’est fiée à son supérieur hiérarchique, sans cacher sa situation.

En réalité, les violations des prescriptions de service établies par le dossier semblent davantage provenir de maladresses que d’une volonté des prévenus d'abuser de leur pouvoir.

1.2.5. L'élément subjectif fait au surplus défaut tant en ce qui concerne X______ que Y______.

En effet, dès lors que celle-ci s'était en effet enquise de manière transparente auprès du commissaire de la procédure à suivre, l'on ne peut retenir qu'après cela, elle aurait encore connu une éventuelle illicéité de son comportement et voulu celle-ci, ou en aurait pris le risque. C'est à plus forte raison le cas s'agissant du dessein d'avantage illicite, qui fait défaut au vu de la validation de sa hiérarchie.

Il en va de même de Y______. En effet, même s'il pensait rester dans la marge de manœuvre admis, il pouvait et devait savoir qu’il prenait une certaine largesse avec l’ordre de service. Il n’avait toutefois pas pour autant la volonté d’abuser de ses pouvoirs et le dessein d'avantager par-là illicitement la requérante, laquelle n'a pas été traitée différemment de tiers se trouvant dans la même situation.

Partant, les deux prévenus seront acquittés de l'infraction d'abus d'autorité au sens de l'art. 312 CP.

2. 2.1. A teneur de l'art. 426 al. 1 et 2 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné. Font exception les frais afférents à la défense d'office; l'art. 135, al. 4, est réservé (al. 1). Lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci (al. 2).

La décision sur les frais préjuge celle sur l'indemnité au sens de l'art. 429 CPP (ATF 137 IV 352 et ATF 145 IV 268).

2.2. En l'espèce, au vu des acquittements prononcés, les frais seront laissés à charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP), les conditions d'une mise à charge des frais aux prévenus n'étant au surplus pas remplies, faute de connexité entre le non-respect des règles sur la récusation, lequel doit être sanctionné cas échéant selon l'art. 60 CPP, et la poursuite pénale.

3. 3.1. Selon l'art. 433 al.1 CPP, dans les cas suivants, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure: a. elle obtient gain de cause; b. le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art. 426, al. 2.

3.2. Au vu du verdict d'acquittement prononcé à l'encontre des prévenus, lesquels ne sont pas condamnés aux frais de la procédure, la partie plaignante sera déboutée de ses conclusions en indemnisations.

4. 4.1.1. A teneur de l'art. 429 al.1 let. a et let. c CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a) et une réparation du tort moral subi en raison d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).

L'indemnité pour tort moral sera régulièrement allouée si le prévenu s'est trouvé en détention provisoire ou en détention pour des motifs de sûreté. Outre la détention, peut constituer une grave atteinte à la personnalité, par exemple, une arrestation ou une perquisition menée en public ou avec un fort retentissement médiatique, une durée très longue de la procédure ou une importante exposition dans les médias, ainsi que les conséquences familiales, professionnelles ou politiques d'une procédure pénale, de même que les assertions attentatoires aux droits de la personnalité qui pourraient être diffusées par les autorités pénales en cours d'enquête. En revanche, il n'y a pas lieu de prendre en compte les désagréments inhérents à toute poursuite pénale comme la charge psychique que celle-ci est censée entraîner normalement chez une personne mise en cause (arrêt du Tribunal fédéral 6B_361/2018 du 15 juin 2018 consid. 7.1).

2.2. En l'espèce, vu les frais laissés à charge de l'Etat, les prévenus auront droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de leurs droits de procédure et donc de leur frais de défense au sens de l'art. 429 al.1 let.a CPP.

L'état de frais produit par le défenseur de X______ apparaissant justifié et proportionné, l'Etat de Genève sera condamné à indemniser X______ par CHF 10'543.28.

S'agissant de l'indemnité chiffrée, au total, par le conseil Y______ à CHF 13'655.63, elle sera ramenée à CHF 10'000.-, vu le rôle plus accessoire de Y______ et sa mise en prévention plus tardive, circonstances qui ne justifient pas qu'une indemnité supérieure à celle due à X______ lui soit allouée.

Au surplus, les conditions de l'octroi d'un tort moral à X______ au sens de l'art. 429 al.1 let.c CPP n'étant pas remplies, faute de détention, de forte exposition médiatique ou de conséquences familiales ou professionnelles particulières, celle-ci sera déboutée de ses conclusions à cet égard.

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 16 mai 2023 et l'opposition formée contre celle-ci par X______ le 30 mai 2023.

Déclare valables l'ordonnance pénale du 16 mai 2023 et l'opposition formée contre celle-ci par Y______ le 1er juin 2023.

et statuant à nouveau et contradictoirement :

Acquitte X______ d'abus d'autorité (art. 312 CP).

Acquitte Y______ d'abus d'autorité (art. 312 CP).

Condamne l'Etat de Genève à verser à X______ CHF 10'543.28, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Déboute X______ de ses conclusions en paiement d'un tort moral (art. 429 al.1 let.c CPP).

Condamne l'Etat de Genève à verser à Y______ CHF 10'000.-, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 433 al.1 CPP).

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office fédéral de la police, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière


Stéphanie OÑA

 

Le Président


Yves MAURER-CECCHINI

 

 

 

Voies de recours

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais de l'ordonnance pénale (X______)

CHF

635.00

Frais de l'ordonnance pénale (Y______)

CHF

635.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

105.00

Frais postaux (convocation)

CHF

42.00

Emolument de jugement

CHF

600.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

28.00

Total

CHF

2'095.00, à la charge de l'Etat

 

 

==========

 

Notification à X______, soit pour elle son conseil
Par voie postale

Notification à Y______, soit pour lui son conseil
Par voie postale

Notification à A______, soit pour lui son conseil
Par voie postale

Notification au Ministère public
Par voie postale