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Décisions | Tribunal pénal

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P/19168/2018

JTDP/1151/2023 du 02.05.2023 sur OPMP/4185/2022 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.181
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 4


2 mai 2023

 

MINISTÈRE PUBLIC

BA______, partie plaignante, domicile élu : c/o Me C______, ______ assisté de Me C______

contre

X______, né le ______1946, domicile élu : c/o Me D______, ______, prévenu, assisté de Me D______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité de tentative de contrainte. Il requiert une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 50.-, assortie d'un sursis avec un délai d'épreuve de 3 ans, le prononcé d'une amende de CHF 900.-, assorti d'une peine privative de liberté de substitution de 18 jours, la condamnation du prévenu aux frais de la procédure.

BA______, par la voix de son Conseil, conclut à ce qu'un verdict de culpabilité soit prononcé à l'encontre de X______ du chef de tentative de contrainte et à ce qu'il soit fait droit à ses conclusions en indemnisation pour un total de CHF 28'151.70.

X______, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement et à ce qu'il soit fait droit à sa requête en indemnisation à hauteur de CHF 22'089.- fondée sur l'art. 429 al. 1 let. a CPP.

*****

Vu l'opposition formée le 25 mai 2022 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 18 mai 2022 ;

Vu l'ordonnance sur opposition du Ministère public du 15 juin 2022 ;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition ;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP ;

*****

EN FAIT

A.           Par ordonnance pénale du 18 mai 2022 valant acte d'accusation, il est reproché à X______ une infraction de tentative de contrainte (art. 181 CP cum art. 22 al. 1 CP) pour avoir, intentionnellement, à Genève, en qualité de représentant de la société E______, tenté d'entraver BA______ dans sa liberté d'action en lui faisant notifier illicitement le 13 avril 2015, à titre personnel, un commandement de payer portant sur un montant de CHF 6'261'394.20 avec intérêts à 5% l'an dès le 18 novembre 2014.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

Contexte et plainte pénale

a.a. F______ (ci-après : F______) est une société active entre autres dans l'importation et l'exportation de diverses marchandises et a son siège au Caire en Egypte. Cette société fait partie de G______ (ci-après : G______), dans lequel d'autres sociétés sont également membres, dont H______. BA______ est l'un des administrateurs de F______ et de H______. Les autres administrateurs de F______ sont IA______, J______ et KA______.

a.b. E______ (ci-après : E______) est une société panaméenne, dont le siège est situé à Panama City au Panama. Ses administrateurs sont L______, M______ et N______.

b. Le 2 octobre 2018, BA______ a déposé plainte pénale à l'encontre de la société E______ pour tentative de contrainte, lui reprochant de lui avoir fait notifier, sans fondement, un commandement de payer pour une créance due par F______ et d'avoir maintenu cet acte de poursuite durant quatre ans, en dépit des nombreuses explications qu'il a données à E______.

Dans le cadre de sa plainte, BA______ a en substance exposé que le 27 septembre 2011, F______, dont il était l'un des administrateurs, avait conclu un contrat de vente de céréales avec la société O______. Ce contrat contenait une clause arbitrale, selon laquelle tout litige devant surgir serait soumis à une procédure arbitrale régie par le règlement de la GRAIN AND FEED TRADE ASSOCIATION (ci-après : GAFTA), dont le siège était situé à Londres.

Le 19 avril 2012, O______ avait cédé l'entier de ses droits relatifs au contrat en question à la société E______.

Suite à un litige survenu dans le cadre du contrat, la GAFTA avait rendu le 14 janvier 2014 une sentence arbitrale, entrée en force, contraignant F______ à verser à E______ USD 5'800'000.-.

Les 5 janvier 2015 et 18 février 2015, E______, sous la plume de son conseil, s'était directement adressée à lui, respectivement à son conseil, pour le remboursement d'USD 6'531'897.33, frais de défense et intérêts compris, suite à la sentence arbitrale rendue à l'encontre F______. E______ avait également proposé de trouver une solution amiable au remboursement du montant en question. Il n'avait donné aucune suite à cette proposition, dans la mesure où il ne comprenait pas le but d'un tel entretien.

Le 19 mai 2015, l'Office des poursuites de Genève lui avait adressé une sommation l'invitant à retirer un commandement de payer, inscrit à son nom et daté du 13 avril 2015, pour un montant d'USD 6'261'394.20. Cet acte avait été notifié le 11 juin 2015 à son conseil qui avait formé opposition.

Suite à cette opposition, E______ lui avait adressé, à de nombreuses reprises et par avocats interposés, des courriers réitérant ses demandes de paiement. Pour sa part, il avait systématiquement répondu à E______, par le biais de son conseil, que le montant était dû par F______ et non par lui-même, et que E______ devait s'adresser directement à cette société et donner un contrordre à la poursuite.

Par la suite, X______, intervenant pour le compte de E______, lui avait également directement envoyé, ainsi qu'à son frère KA______, des courriers demandant le remboursement de la somme due selon la sentence arbitrale. Tant son conseil que lui-même avaient répondu à X______ qu'il devait s'adresser directement à F______ pour le remboursement en question, dans la mesure où c'était la seule et unique personne concernée par la sentence arbitrale, et qu'il devait cesser d'adresser ce type de courrier.

Malgré ses nombreuses et réitérées explications durant quatre ans, E______ n'avait pas donné contrordre à la poursuite selon l'extrait du registre des poursuites qu'il avait demandé le 17 août 2018, alors que la précitée n'avait jamais agi devant les autorités judiciaires suisses pour lever l'opposition et que ce montant n'était pas dû par ses soins mais ceux de F______. Cet acte de poursuite avait de lourdes conséquences pour sur sa vie, en particulier sur la conduite de ses activités professionnelles.

Documents versés à la procédure

c. Divers documents ont été versés à la procédure par les parties. Ces pièces, en tant qu'elles apparaissent utiles au prononcé du présent jugement, peuvent être détaillées comme suit :

- une procuration de E______, non datée et signée par L______, M______ et N______, en faveur de X______, autorisant ce dernier à faire valoir les droits que la société pourrait avoir à l'égard de tiers et, dans ce cas, à représenter la société, soit directement, soit par l'intermédiaire d'avocats, devant les autorités étrangères ;

- un courrier du 27 janvier 2012 de X______ à BA______, l'informant du litige opposant F______ à O______ ;

- une sentence arbitrale du GAFTA du 14 janvier 2014, condamnant F______ à payer à E______ USD 5'800'000.- ainsi que les intérêts et les frais ;

- des courriers des 21 février 2014 et 10 mars 2014 du "solicitor" de E______ à F______, soit pour elle P______ et QA______, faisant suite à la sentence arbitrale et demandant le paiement d'USD 6'327'043.92, frais et intérêts inclus ;

- une ordonnance de la Cour de justice anglaise du 1er août 2014, attestant du caractère exécutoire de la sentence arbitrale du 14 janvier 2014 ;

- des courriers des 5 janvier 2015 et 18 février 2015, du conseil de E______ à BA______ et à son conseil en lien avec le paiement d'USD 6'531'879.33 et la proposition de trouver une solution à l'amiable ;

- une sommation du 19 mai 2015 de l'Office des poursuites adressée à BA______ l'invitant à retirer un acte de poursuite ;

- un commandement de payer, poursuite n°1______, à l'encontre de BA______ portant sur un montant d'USD 6'261'394.20 avec intérêts à 5% dès le 18 novembre 2014, daté du 13 avril 2015, notifié au conseil du précité le 11 juin 2015 et frappé d'opposition, mentionnant comme créancier E______, représentée par son conseil, et comme titre de la créance et cause de l'obligation : « USD 6'531'879.33 AU TAUX 0.95859 DU 18.11.14 FACT. DE E______ DU 18.11.14 » ;

- un courrier du 7 juillet 2015 du conseil de E______ à BA______, faisant suite à l'opposition formée au commandement de payer, l'invitant, en tant que directeur de F______, à agir auprès de cette dernière afin de recouvrer sa dette, à défaut des procédures judiciaires seraient engagées ;

- des courriers des 3 septembre 2015, 25 septembre 2015 et 21 octobre 2015, du conseil de BA______ au conseil de E______, l'invitant à donner un contrordre à la poursuite, et s'interrogeant sur les raisons pour lesquelles E______ avait fait notifier un commandement de payer directement à son client, dès lors que la créance était due par F______, soit une société « parfaitement indépendante, tant structurellement que financièrement » ;

- des courriers des 23 septembre 2015, 20 et 23 octobre 2015, du conseil de E______ au conseil de BA______, réitérant sa demande de remboursement, expliquant que E______ était en droit, selon le principe de la transparence appliqué en droit suisse, de se retourner directement contre BA______, qui avait le contrôle effectif et total de F______, et que l'intéressé ne pouvait pas « se cacher derrière le voile corporatif de F______ pour éluder ses obligations de paiement en faveur de E______ […] ». Cela étant, il attendait de BA______ qu'il intervienne auprès de F______ afin que cette dernière s'exécute conformément à la sentence arbitrale. Il l'avait également avisé qu'à défaut de paiement des procédures judiciaires seraient engagées à l'encontre de son client ;

- des courriers du 11 novembre 2015 de X______ à BA______ et KA______, les invitant à prendre contact avec lui pour trouver une solution amiable au paiement du montant dû à E______, précisant entre autres que le but de ce courrier était d'établir un contact direct avec la société, à défaut il entreprendrait des démarches judiciaires pour récupérer la créance ;

- des courriers du 18 novembre 2015 du conseil de KA______ et BA______ à X______, l'invitant notamment à s'adresser directement à F______ ;

- un échange de courriers des 12, 16 et 17 février 2016 entre X______ et le conseil de KA______ et BA______ maintenant leur position ;

- un courrier du 19 février 2016 du "solicitor" de E______ adressé au conseil de BA______ annexant l'ordonnance de la Cour de justice anglaise du 1er août 2014 et l'invitant à amener son client, en tant que directeur et vice-président de F______, à fournir à E______ tous documents concernant la situation financière et les actifs de F______ et à mettre en œuvre l'exécution par F______ de la sentence arbitrale ;

- une requête du conseil de E______ en exécution de la sentence arbitrale déposée auprès de la Cour d'appel du Caire qui a attesté le 7 septembre 2016, du caractère exécutoire de ladite sentence ;

- des courriers des 9, 14, 16 et 18 juin 2018, de X______ à BA______ et KA______, réitérant sa demande de remboursement d'ici au 30 juin 2018, à défaut il agirait par toutes voies de droit utiles pour obtenir le paiement de la créance due à E______, précisant d'une part que la Cour d'appel égyptienne les considérait comme responsable du paiement du montant dû, et d'autre part que selon le droit commercial égyptien tous les associés d'un groupe de sociétés pouvaient être personnellement tenu pour responsable du paiement des dettes du groupe à l'égard de tiers ;

- un courrier du 18 juin 2018 de BA______, en tant que directeur général de H______, à X______, lui demandant de cesser d'importuner H______, à défaut il entamera des poursuites judiciaires à son encontre ;

- un courrier du 4 juillet 2018, du conseil de BA______ à X______, lui rappelant de s'adresser directement à F______ et l'enjoignant de cesser ses agissements ;

- un extrait du registre des poursuites du 17 août 2018 mentionnant que BA______ faisait l'objet d'une poursuite pour USD 6'261'394.33 de la part de E______, poursuite frappée d'opposition ;

- un courrier du 27 août 2018 de X______ au conseil de BA______ et KA______, impartissant à ces derniers un ultime délai au 5 septembre 2018 pour s'acquitter de la dette de F______ envers E______, à défaut de quoi les conseils égyptiens de la précitée iraient de l'avant avec la procédure de faillite déposée à l'encontre de la famille A______, précisant que le jugement serait obtenu dans le mois et définitif, et qu'il ne pourrait pas faire l'objet d'un appel ;

- une demande de non-divulgation de la poursuite n°1______ du 21 janvier 2019 adressée par le conseil de BA______ à l'Office des poursuites, laquelle a fait l'objet d'un refus de ce dernier le 6 mars 2019 suite aux déterminations du conseil de E______ sur ladite poursuite ;

- un jugement du 27 janvier 2019 du Tribunal économique de première instance du Caire, rejetant la requête en faillite déposée par E______ à l'encontre notamment de F______, de BA______ et KA______ ;

- un courrier du 12 novembre 2019 du conseil de BA______ au conseil de E______ et X______ réitérant sa demande de contrordre ;

- un jugement du 26 novembre 2019 rendu par la Chambre d'appel du Tribunal économique du Caire prononçant la nullité de l'appel déposé le 3 mars 2019 par E______ à l'encontre du jugement du Tribunal économique de première instance du Caire du 27 janvier 2019 ;

- des courriers des 6 décembre 2019, 12 février 2020 et 31 mai 2020 de X______ à BA______ et RA______ réitérant sa demande de remboursement ;

- une demande de non-divulgation de la poursuite n°1______ du 9 mars 2020 adressée par le conseil de BA______ à l'Office des poursuites ;

- un courrier du conseil de E______ adressé à l'Office des poursuites le 8 avril 2020 ne s'opposant pas à la demande de non-divulgation de BA______ ;

- un courrier du conseil de E______ adressé à l'Office des poursuites du 17 janvier 2022 donnant contrordre à la poursuite n°1______ C introduite à l'encontre de BA______ ;

- un arrêt de la Cour d'appel du Caire du 19 mars 2023 se déclarant incompétente pour statuer sur la requête d'invalidation de la sentence arbitrale formée par F______ ;

- un avis de droit du 10 avril 2019 de S______, et deux avis de droit du Professeur T______, l'un du 23 avril 2019 et l'autre non daté, concluant en substance que, selon le droit égyptien, l'actionnaire d'une société anonyme ne pouvait être tenu pour responsable des dettes de la société que dans la mesure de sa souscription ;

- trois avis de droit de Me U______, conseil égyptien de E______ depuis janvier 2016, des 15 juin 2018, 17 avril 2021, 9 et 13 janvier 2022 ainsi qu'un avis de droit non daté mais vraisemblable établi entre août 2018 et janvier 2019, retenant principalement que, selon le droit égyptien, il était possible de rechercher personnellement les actionnaires et administrateurs d'une société anonyme ;

- un avis de droit établi par l'étude V______ au mois de janvier 2022, concluant essentiellement que les actionnaires et administrateurs d'une société anonyme ne pouvaient pas être tenu personnellement responsable à l'égard des tiers qui traitent avec la société, sauf dans les cas limités prévus par la loi ;

- un avis de droit établi par Me W______ le 19 juillet 2022, relevant entre autres que E______ était en droit de poursuivre tant F______ que la famille A______ selon le droit égyptien, dès lors que les précités n'avaient pas remis en cause la façon de procéder de E______ en Egypte.

Déclarations

d. Entendu devant le Ministère public le 5 mars 2021, BA______ a confirmé vouloir participer à la procédure pénale comme partie plaignante au civil et au pénal.

Il a expliqué être l'administrateur de H______ depuis trente ans et ne pas être impliqué dans les transactions commerciales entre X______ et F______ qui était une société indépendante et pour laquelle il était un actionnaire parmi beaucoup d'autres. Lui et son frère avaient avisé X______, qui l'avait contacté par le biais de H______, qu'ils n'étaient pas impliqués dans la transaction litigieuse. Cette situation lui avait causé un stress important et avait eu un impact négatif sur sa demande de naturalisation, le poussant lui et sa famille à attendre avant de pouvoir déposer leur dossier. De plus, les mesures prises contre lui et H______ étaient très regrettables et avait occasionné des dommages et du tort à sa société, notamment dans le cadre des relations bancaires.

Il était au courant que la procédure égyptienne contre F______ était terminée, précisant que le droit égyptien ne permettait pas de poursuivre les actionnaires et les administrateurs d'une société anonyme sur tous leurs biens et à titre privé.

e.a. Entendu à la police le 14 janvier 2019, X______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés. Il avait tenté d'atteindre BA______ directement par le biais de H______. Le but de ce contact « était de pouvoir trouver une solution et de se mettre autour d'une table pour discuter ».

Les conseils égyptiens de E______ avaient fait valoir devant un tribunal égyptien une demande de mise en liquidation de F______ ainsi que de l'entier du groupe dont cette dernière émanait. Dans ce cadre, la loi égyptienne prévoyait que les associés du groupe pouvaient être tenus solidairement responsables des dettes du groupe, raison pour laquelle E______ et lui-même s'étaient directement adressés à BA______, administrateur de F______. Ces raisons avaient été clairement énoncées au conseil de BA______.

e.b. Devant le Ministère public le 5 mars 2021, X______ a confirmé pouvoir représenter E______ en matière civile, sans aucune restriction. Il a souligné qu'avant la procédure d'arbitrage il avait lui-même tenté de contacter, en vain, F______ et BA______, sachant que la famille A______ se trouvait derrière F______, afin de trouver un compromis. Suite à cette vaine tentative, E______ avait décidé d'engager une procédure d'arbitrage, sachant que F______ n'avait aucune chance de succès, raison pour laquelle il voulait aussi trouver un arrangement à l'amiable avec la précitée. A l'issue de la procédure d'arbitrage, il avait rencontré des difficultés à faire notifier la sentence à F______ qui ne l'avait pas contestée.

La sentence arbitrale étant entrée en force, F______ devait s'acquitter de sa dette, ce qu'elle n'avait pas fait. Il avait consulté des avocats égyptiens qui lui avaient indiqué qu'en tant qu'administrateur ou actionnaire d'un groupe commercial en Egypte, BA______ était responsable sur tous ses biens, même à titre privé. Il était donc possible, dans le cadre de la faillite du groupe, d'aller chercher les administrateurs et actionnaires qui répondaient sur tous leurs biens, même à titre privé. C'était selon l'avocat égyptien le meilleur moyen de forcer l'exécution de la sentence arbitrale. A l'époque, il n'était pas très clair de déterminer auprès de quelle juridiction il fallait s'adresser pour recouvrer la dette de F______. Il avait suivi les conseils qui lui avaient été donnés.

Il ignorait si BA______ était l'administrateur unique de F______, se rappelant toutefois qu'il y avait plusieurs membres de la famille impliqués dans cette société. Il ne se rappelait pas pour quelle raison le commandement de payer avait uniquement été adressé à BA______ qui n'apparaissait pas dans le cadre de la procédure ouverte devant les autorités égyptiennes, pas plus que dans la sentence arbitrale.

A la question de savoir si une décision judiciaire en force concluait au fait que BA______ serait personnellement responsable et redevable de toutes les dettes et obligations de F______, X______ a indiqué que cela était « compliqué ». Suite à l'opposition du commandement de payer formée par BA______, E______ avait abandonné la procédure suisse. Selon sa compréhension, à partir du moment où le commandement de payer était frappé d'opposition, la procédure de poursuites s'arrêtait. Il n'avait pas conscience qu'une inscription demeurait au registre des poursuites. Il avait maintenu le commandement de payer, dans la mesure où BA______ n'avait jamais répondu à ses sollicitations. E______ avait également intenté une action en Egypte pour mettre F______ en faillite et, selon l'avocat égyptien, c'était la seule voie à suivre pour pouvoir invoquer la responsabilité des dirigeants. En définitive, la mise en faillite permettait l'exécution de la sentence arbitrale et le recouvrement du montant dû. Parallèlement à cette procédure, E______ avait introduit une procédure de reconnaissance de la validité de la sentence arbitrale, laquelle avait été validée par une des instances supérieures au Caire.

Si, suite à la faillite de F______, cette dernière n'avait pas des actifs qui permettaient de rembourser E______, les administrateurs et actionnaires seraient tenus solidairement pour le paiement de cette dette, à titre privé et sur tous leurs biens.

e.c. Dans le cadre de ses déterminations écrites du 17 janvier 2022, X______, sous la plume de son conseil, a précisé être le représentant commercial et non juridique de E______. En effet, c'était E______ qui avait fait notifier le commandement de payer à BA______ et non lui-même.

Il a également rappelé le fondement de la créance de E______ à l'égard de F______, à savoir que F______ ne s'était jamais acquittée de sa dette, nonobstant la sentence arbitrale, laquelle avait fait l'objet de deux décisions d'exécution. Cette situation avait conduit E______, sur conseil de Me U______, à entamer, en Egypte, une procédure de mise en faillite contre F______ et les sociétés du même groupe. Cette procédure était également dirigée contre les administrateurs et actionnaires de F______. La procédure de mise en faillite avait échoué en raison du comportement de F______ et de ses administrateurs et actionnaires, ce qui ne remettait pas en cause le bien-fondé d'une action directe dirigée contre ceux-ci, au moment où ladite action avait été introduite. Ainsi, au moment de la réquisition de poursuite, en février 2015, il paraissait justifié pour E______, sur la base des informations transmises par son avocat égyptien, d'introduire une poursuite à l'encontre de l'un des actionnaires et administrateurs de F______, débitrice d'une créance constatée par sentence arbitrale. Par ailleurs, dans la mesure où les procédures en Egypte n'étaient pas terminées, il se justifiait de maintenir ladite poursuite. Enfin, le montant réclamé dans le commandement de payer, à savoir CHF 6'261'394.20, était largement inférieur au montant de la créance découlant de la sentence arbitrale, laquelle s'élevait, au 17 janvier 2022, à USD 9'235'008.11, intérêts compris.

Il avait adressé directement les courriers à BA______, dans la mesure où ce dernier était administrateur, vice-président et actionnaire de F______. En ces qualités, BA______ avait toujours été informé de l'existence du litige opposant F______ à E______ et de l'existence d'une créance de cette dernière à l'égard de sa société.

Par ailleurs, au moment de la notification du commandement de payer, en 2015, E______ n'avait pas l'intention de contraindre BA______ à faire quoique ce soit. En effet, ni la société F______, ni BA______ n'avaient l'intention de payer la dette à l'égard de E______, de sorte que BA______ ne pouvait pas se sentir menacé par la notification d'un commandement de payer. De plus, la notification du commandement de payer n'avait pas entravé la liberté d'action de BA______, dans la mesure où l'intéressé ne s'était plaint de cette poursuite que plusieurs années après la notification du commandement de payer et qu'aucune plainte pénale n'avait été déposée immédiatement à la suite de cette notification.

Enfin, E______ avait décidé de procéder au retrait de la poursuite contre BA______ à la lecture du second avis de droit du Professeur T______, contredisant la position de Me U______. Ainsi, il avait, en qualité de représentant de E______, agi de bonne foi en suivant les conseils de Me U______ qui l'avait vraisemblablement induit en erreur.

C. a.a. Lors de l'audience de jugement, X______ a expliqué avoir proposé à E______ de faire notifier le commandement de payer, ce que la précitée avait accepté. Il avait alors fait le nécessaire et depuis lors c'était lui qui était en charge de cette affaire. En réalité, il n'avait pas de contact avec E______ et agissait de manière indépendante, se limitant à informer cette dernière des décisions qu'il prenait.

L'unique objectif du commandement de payer était d'entrer en contact avec BA______ afin d'engager des pourparlers transactionnels avec F______. En effet, les diverses demandes adressées à F______ en ce sens et remises en copie à BA______ étaient restées sans suite. Il avait déjà tenté d'entrer en négociations avant la procédure d'arbitrage, sans succès. Certains courriers envoyés à F______ lui revenaient en retour sans avoir été ouverts.

Il considérait ne pas avoir eu de contact avec BA______, dès lors que les contacts avec l'avocat de ce dernier ne portaient pas sur des pourparlers transactionnels.

Au moment de la rédaction des courriers de ses conseils, lesquels invitaient BA______ à agir auprès de F______, il était conscient que les précités étaient deux entités juridiquement différentes.

Il avait continué à adresser des courriers à BA______ à plusieurs reprises « pour tenir au courant un des dirigeants de F______ de l'évolution de la dette ». Même si ces courriers étaient directement adressés à BA______, E______ ne s'attendait plus à ce qu'il s'acquitte lui-même de la dette de F______, compte tenu de son opposition au commandement de payer.

Il ignorait pour quelle raison il s'était opposé à la requête de non-divulgation de la poursuite formée par BA______.

Selon le droit suisse, il n'était pas possible d'aller rechercher BA______ pour le paiement de la dette de F______. En revanche, au moment de notifier le commandement de payer, il pensait que les dirigeants de la société pouvaient répondre personnellement de la dette de celle-ci. Entre 2014 et 2018, il avait appris par des tiers, notamment actifs dans le domaine de l'arbitrage, que ce n'était en réalité pas possible. En revanche, du point de vue du droit égyptien, les avis divergeaient sur la question. C'était à la date d'émission des avis de droit établis par Me U______ qu'il avait été informé en détail de la situation selon le droit égyptien, étant précisé qu'il avait déjà discuté un peu avant de la situation avec le précité qui avait été mandaté en janvier 2016 pour le compte de E______. A partir de ce moment, il avait été décidé d'arrêter les démarches en Suisse et de les entreprendre en Egypte.

En Egypte, il y avait eu en tout 15 procédures, notamment en lien avec la mise en faillite de F______, laquelle avait échouée pour des raisons procédurales, et avec l'exécution de la procédure arbitrale, laquelle n'avait pas aboutie, F______ étant parvenue, pour divers motifs, à bloquer l'exécution, malgré la reconnaissance du caractère exécutoire de la sentence.

Par ailleurs, il a ajouté être surpris que son action ait pu déstabiliser BA______ qui était « un businessman aguerri ».

a.b. X______, par l'intermédiaire de son conseil, a déposé des conclusions en indemnisation fondées sur l'art. 429 al. 1 let. a CPP tendant au paiement de CHF 22'089.-.

b.a. BA______ a indiqué n'être qu'actionnaire de F______ qui était à l'époque une grande société de trading. En effet, s'il était bien un membre du conseil d'administration, il n'avait cependant pas de fonction dirigeante. Il ignorait les détails de l'activité de F______, de même que le nombre d'employés ou encore le chiffre d'affaires réalisé par cette dernière. Il ne savait également pas si F______ avait les moyens de s'acquitter de la dette de E______. Il était convié à deux réunions par année du conseil d'administration, auxquelles il assistait parfois par vidéoconférence.

La notification du commandement de payer lui avait occasionné beaucoup de stress et avait eu un énorme impact sur ses relations bancaires, sur ses sociétés et sur sa demande de naturalisation. En effet, sa respectabilité avait été remise en question, dès lors qu'il faisait l'objet de poursuites tout en dirigeant une société de trading renommée à Genève. Il avait également dû changer de banque concernant son hypothèque. Dans le cadre de sa procédure de naturalisation, il avait été interrogé sur cette dette. De plus, il avait dû lui-même couvrir les frais judiciaires engendrés par la notification du commandement de payer.

b.b. BA______, par l'intermédiaire de son Conseil, a déposé des conclusions tendant au paiement par X______ de CHF 28'151.70 à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure au sens de l'art. 433 CPP.

D.           X______, ressortissant suisse, est né le ______1946 à Lausanne. Il est marié et père d'enfants, issus d'une union précédente, qui ne sont plus à sa charge.

Il a effectué sa carrière professionnelle dans le domaine du commerce des céréales et de l'arbitrage. Il travaille actuellement comme consultant indépendant et à ce titre, il réalise des revenus mensuels oscillant entre CHF 10'000.- et CHF 14'000.-.

En 2021, le revenu annuel net de la famille s'élevait à CHF 171'047 et la fortune à CHF 1'280'000.-. Il est propriétaire d'un bien immobilier à Monnaz dans le canton de Vaud.

Sa prime d'assurance maladie s'élève à CHF 628.70 par mois.

A teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, il est sans antécédent.

 

EN DROIT

Culpabilité

1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 Cst., concerne tant le fardeau de la preuve, qui incombe à l'accusation, que l'appréciation des preuves. Comme règle de l'appréciation des preuves, ce principe interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent certes pas à exclure une condamnation. La présomption d'innocence n'est invoquée avec succès que si le recourant démontre qu'à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa culpabilité (ATF 124 IV 86 consid. 2a).

2. 2.1.1. Se rend coupable de contrainte, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 181 CP).

2.1.2. Alors que la violence consiste dans l'emploi d'une force physique d'une certaine intensité à l'encontre de la victime (ATF 101 IV 42 c. 3a p. 44), la menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 c. 2b p. 448; 106 IV 125 c. 2a p. 128) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 c. 2a p. 122). La loi exige un dommage sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient présenté comme dépendant de la volonté de l'auteur soit propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d'action. La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, en se plaçant du point de vue d'une personne de sensibilité moyenne (arrêt du Tribunal fédéral 6B_378/2016 du 15 décembre 2016 consid. 2.1, publié in SJ 2017 I 373; ATF 122 IV 322 c. 1a p. 325; 120 IV 171 c. 2a/aa p. 19).

La contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite, soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux mœurs (arrêt du Tribunal fédéral 6B_378/2016 du 15 décembre 2016 consid. 2.1, publié in SJ 2017 I 373; ATF 137 IV 326 c. 3.3.1 p. 328; 134 IV 216 c. 4.1 p. 218 et les arrêts cités).

Pour une personne de sensibilité moyenne, faire l'objet d'un commandement de payer d'une importante somme d'argent est, à l'instar d'une plainte pénale, une source de tourments et de poids psychologique, en raison des inconvénients découlant de la procédure de poursuite elle-même et de la perspective de devoir peut-être payer le montant en question. Un tel commandement de payer est ainsi propre à inciter une personne de sensibilité moyenne à céder à la pression subie, donc à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action. Certes, faire notifier un commandement de payer lorsqu'on est fondé à réclamer une telle somme est licite. En revanche, utiliser un tel procédé comme moyen de pression est clairement abusif, donc illicite (arrêt du Tribunal fédéral 6B_378/2016 du 15 décembre 2016 consid. 2.1, publié in SJ 2017 I 373; cf. ATF 115 III 18 c. 3, 81 c. 3b; arrêt 6B_70/2016 c. 4.3.4 non destiné à la publication).

La jurisprudence reconnaît l'utilisation d'un commandement de payer à des fins de moyens de pression – et donc le caractère abusif dudit commandement de payer – lorsque, malgré l'utilisation d'un moyen conforme au droit (in casu: la notification d'un commandement de payer conformément à la LP) pour atteindre un but légitime (in casu: la récupération auprès du locataire concerné du montant du dommage supposé résultant de la résiliation anticipée du bail), l'auteur utilise le commandement de payer comme moyen de pression pour amener la victime à accepter un règlement amiable qu'il propose (arrêt TF 6B_378/2016 du 15 décembre 2016, consid. 2.3).

L'absence de suite donnée à un rejet de la mainlevée d'opposition est également un indice du caractère abusif du commandement de payer, soit son utilisation à d'autres fins que la poursuite de la victime (arrêt TF 6B_378/2016 du 15 décembre 2016, consid. 2.3). Il en va de même du fait d'adresser un commandement de payer aux dirigeants d'une société, et non à la société elle-même avec laquelle existe un litige commercial, ceci afin d'infléchir la volonté des dirigeants en question occupant des postes décisifs au sein de la société (arrêt TF 6B_8/2017 du 15 août 2017, consid. 2.2).

2.1.3. Sur le plan subjectif, il faut que l'auteur ait agi intentionnellement, c'est-à-dire qu'il ait voulu contraindre la victime à adopter le comportement visé en étant conscient de l'illicéité de son comportement ; le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_281/2013 du 16 juillet 2013 consid. 1.1.3).

2.1.4. Lorsque la victime ne se laisse pas intimider et n'adopte pas le comportement voulu par l'auteur, ce dernier est punissable de tentative de contrainte (art. 22 al. 1 CP ; ATF 129 IV 262 consid. 2.7 p. 270; 106 IV 125 consid. 2b p. 129).

2.2. En l'espèce, il est admis par le prévenu que ce dernier a pris l'initiative de la notification d'un commandement de payer à la partie plaignante et en a informé E______. Il est établi et admis que, le 13 avril 2015, le prévenu, agissant en tant que représentant de E______ de manière indépendante, a fait notifier directement à la partie plaignante un commandement de payer d'un montant de CHF 6'261'394.20 avec intérêts à 5% dès le 18 novembre 2014, mentionnant une facture du 18 novembre 2014 de E______ comme cause de l'obligation. La créance en question faisait suite à une sentence arbitrale condamnant F______ – et non la partie plaignante – à payer cette somme à E______, ce que F______ n'avait pas fait.

La jurisprudence reconnait à un commandement de payer l'intensité suffisante pour constituer un moyen de pression. Dès lors que cette intensité doit être appréciée objectivement, il n'est pas relevant au stade de la culpabilité de déterminer la perception que la partie plaignante en a eu.

Le Tribunal doit cependant apprécier si l'usage du commandement de payer était, dans le cas d'espèce, illicite.

A cet égard, il est douteux que le prévenu ait été fondé à agir par la voie de la poursuite contre la partie plaignante elle-même et non contre la société F______. Cette question peut néanmoins être laissée ouverte.

En effet, même l'utilisation d'un moyen conforme au droit (in casu: la notification d'un commandement de payer conformément à la LP) pour atteindre un but légitime (in casu: la récupération d'une somme d'argent due par F______ à E______ en vertu d'une sentence arbitrale) peut constituer un moyen de pression abusif, donc illicite.

Le Tribunal observe ainsi que le prévenu a admis avoir adressé un commandement de payer à la partie plaignante dans le seul but d'amener cette dernière à influer sur un tiers, soit la société F______, pour que celle-ci réponde à ses sollicitations et engage des pourparlers transactionnels avec E______.

Le prévenu a en effet expliqué en audience de jugement que s'il avait fait notifier un commandement de payer à la partie plaignante, c'était pour "attirer l'attention" de cette dernière, dans la mesure où E______ était prête à engager des pourparlers transactionnels avec F______ et qu'il avait adressé plusieurs demandes en ce sens à cette société sans jamais obtenir de réponse. Son unique but était ainsi d'entrer en contact avec F______ pour pouvoir engager des pourparlers transactionnels avec elle portant sur sa dette envers E______.

En ce sens, l'usage que le prévenu a fait du commandement de payer est abusif puisque son seul but était de faire pression sur la partie plaignante pour qu'elle détermine la société F______ – dont la partie plaignante était l'un des animateurs – à engager des pourparlers transactionnels avec E______, non de poursuivre la partie plaignante elle-même par la voie de la LP.

Les déclarations en question du prévenu sont corroborées par les courriers figurant à la procédure adressés par son conseil ou par lui-même à la partie plaignante, en particulier celui du 7 juillet 2015 ("as Director of F______, we would be pleased if you could act towards the society in order to recover its debt. We assume such approach could bring a peaceful end to the current injurious situation without too much damage for both parties") qui, quoique postérieur à la réquisition de poursuite, renseigne sur l'intention du prévenu au moment des faits.

Le caractère abusif de la démarche – soit l'utilisation du commandement de payer à d'autres fins que la poursuite de la partie plaignante elle-même – est par ailleurs soutenu par plusieurs autres éléments figurant à la procédure.

Il en va ainsi du fait que le prévenu n'ait pas demandé la mainlevée de l'opposition au commandement de payer formée par la partie plaignante mais qu'il ait néanmoins continué à adresser des courriers à la partie plaignante personnellement. Dans ses courriers, le prévenu faisait état de l'augmentation des intérêts de la dette de F______ et exposait que le but de ses démarches était d'établir un contact pour éviter que F______ ne persiste à ignorer E______, faute de quoi il engagerait des démarches judiciaires. Le prévenu s'est par ailleurs opposé à la requête de non-divulgation de la poursuite formée par la partie plaignante.

Il en va de même des contradictions successives du prévenu sur le bien-fondé de la notification d'un commandement de payer à la partie plaignante elle-même. Le prévenu s'est en effet d'abord fondé – peu après la notification du commandement de payer litigieux – sur le droit suisse et le principe de la transparence (courrier du conseil du prévenu au conseil de la partie plaignante du 23 septembre 2015, A-61). Il a admis à ce sujet à la procédure avoir appris "entre 2014 et 2018" qu'il ne pouvait agir sur ce fondement contre la partie plaignante. Le prévenu s'est ensuite fondé sur le droit égyptien en soutenant que c'était sur cette base qu'il avait requis la poursuite de la partie plaignante: "au moment de la réquisition de poursuite en février 2015, il paraissait justifié pour la société E______, sur la base des informations transmises par son avocat égyptien, d'introduire une poursuite à l'encontre de l'un des administrateurs et actionnaires de la société F______ débitrice d'une créance constatée par sentence arbitrale à son égard" (courrier du conseil du prévenu au Ministère public du 17 janvier 2022, C-174). Au-delà de la contradiction avec ses premiers écrits, il est impossible que le prévenu ait pu être renseigné sur le droit égyptien en février 2015 puisque ce dernier a admis à la procédure qu'il n'avait pas eu connaissance du contenu du droit égyptien avant janvier 2016, date à laquelle le mandat de son conseil égyptien avait débuté.

Il apparait ainsi qu'au moment de requérir la poursuite de la partie-plaignante elle-même, le prévenu ne s'est pas préoccupé du bien-fondé de sa démarche, ce qui constitue un élément supplémentaire attestant du caractère abusif du commandement de payer litigieux dans la mesure où il était destiné à un autre but, soit celui de pousser la partie plaignante à agir envers F______ pour que cette dernière transige.

Compte tenu de ce qui précède, le prévenu a utilisé un moyen conforme au droit comme moyen de pression abusif, en détournant de sa finalité l'institution du commandement de payer.

Le prévenu, en tant que représentant de E______ dans le cadre de ces démarches, ne pouvait ignorer l'illicéité de son comportement, à tout le moins par dol éventuel, dans la mesure où la précitée était assisté d'un conseil suisse au moment de la notification du commandement de payer.

Les éléments constitutifs de la contrainte sont ainsi réalisés.

Toutefois, l'infraction n'étant restée qu'au stade de la tentative, la partie plaignante n'ayant pas donné suite au commandement de payer, le prévenu sera reconnu coupable de tentative de contrainte (art. 181 cum 22 al. 1 CP).

Peine

3. 3.1. Selon l'art. 2 al. 1 CP, la loi pénale ne s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur (principe de la non-rétroactivité de la loi pénale). Cependant, en vertu de l'art. 2 al. 2 CP, une loi nouvelle s'applique aux faits qui lui sont antérieurs si, d'une part, l'auteur est mis en jugement après son entrée en vigueur et si, d'autre part, elle est plus favorable à l'auteur que l'ancienne (exception de la lex mitior). Il en découle que l'on applique en principe la loi en vigueur au moment où l'acte a été commis, à moins que la nouvelle loi ne soit plus favorable à l'auteur.

Pour déterminer quel est le droit le plus favorable, il y a lieu d'examiner l'ancien et le nouveau droit dans leur ensemble et de comparer les résultats auxquels ils conduisent dans le cas concret (ATF 134 IV 82 consid. 6.2.1).

3.2. En l'espèce, l'infraction commise par le prévenu s'est déroulée avant le 1er janvier 2018, date d'entrée en vigueur du nouveau droit des sanctions.

Le Tribunal fera application du nouveau droit. En effet, l'application de l'art.42 CP dans sa nouvelle formulation apparaît plus favorable au prévenu, la peine plancher de six mois prévue dans les conditions d'application de l'art. 42 aCP en vigueur en 2015, ayant été abolie.

4. 4.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1. ; 136 IV 55 consid. 5 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; arrêt 6B_1249/2014 du 7 septembre 2015 consid. 1.2).

4.1.2. En vertu de l'art. 34 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). En règle générale, le jour-amende est de 30 francs au moins et de 3000 francs au plus. Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

4.1.3. A teneur de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits

Pour l'octroi du sursis, le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2).

4.1.4. Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).

4.1.5. L'art. 42 al. 4 CP prévoit que le juge peut prononcer, en plus du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l'art. 106 CP.

Selon la jurisprudence, la combinaison de peines prévue par l'art. 42 al. 4 CP se justifie lorsque le sursis peut être octroyé, mais que, pour des motifs de prévention spéciale, une sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis paraît mieux à même d'amener l'auteur à s'amender. Elle doit contribuer, dans l'optique de la prévention tant générale que spéciale, à renforcer le potentiel coercitif de la peine avec sursis. Cette forme d'admonestation adressée au condamné doit attirer son attention (et celle de tous) sur le sérieux de la situation en le sensibilisant à ce qui l'attend s'il ne s'amende pas (ATF 134 IV 60 consid. 7.3.1). La disposition octroie un très large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 134 IV 1 consid. 4.5.2).

4.2. En l'espèce, le prévenu s'en est pris à la liberté d'action de la partie plaignante en lui faisant notifier un commandement de payer portant sur un montant important, soit plus d'USD 6 millions, afin de tenter de l'amener à contraindre F______ à entamer des négociations et à honorer sa dette.

Le prévenu a agi par frustration, las de ne pouvoir obtenir de F______ le paiement de sa dette ou à tout le moins une réponse à ses propositions transactionnelles.

Il a agi ainsi sans égard pour les conséquences, notamment sur la réputation professionnelle de la partie plaignante.

Il s'est accommodé de l'absence éventuelle de fondement de son action contre la partie plaignante elle-même et de son illicéité.

Sa collaboration à l'enquête a été sans particularité.

Le prévenu n'a pas formulé d'excuses ni de regrets.

Il n'a pas d'antécédent, facteur neutre sur la peine.

Il sera toutefois tenu compte du fait que l'infraction en est restée au stade de la tentative.

Au vu des éléments qui précèdent, le prévenu sera condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende. Le sursis, dont les conditions sont réalisées, lui sera accordé, et le délai d'épreuve sera fixé à 3 ans.

Compte tenu de la situation financière du prévenu, dont les revenus mensuels oscillent entre CHF 10'000.- et CHF 14'000.-, le jour-amende sera fixé à CHF 120.-.

Le Tribunal renoncera à prononcer une amende à titre de sanction immédiate tel que requis par le Ministère public, dans la mesure où une telle sanction n'apparaît pas nécessaire sous l'angle de la prévention spéciale.

Indemnisations et frais

5. 5.1. L'art. 429 al. 1 let. a. CPP prévoit que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

5.2. Vu le verdict condamnatoire, le prévenu sera débouté de ses conclusions en indemnisation.

6. 6.1.1. A teneur de l'art. 433 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause, si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 (al. 1). La partie plaignante adresse ses prétentions à l'autorité pénale ; elle doit les chiffrer et les justifier. Si elle ne s'acquitte pas de cette obligation, l'autorité pénale n'entre pas en matière sur la demande (al. 2).

6.1.2. La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante dans la procédure pénale. Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat. Les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense du point de vue de la partie plaignante (arrêts du Tribunal fédéral 6B_924/2017 du 14 mars 2018 consid. 3.1 et les références citées).

Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule (arrêt 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3). Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, il a défini, à l'art. 34 de la loi sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (LPAv; RS E 6 10), les principes généraux devant présider à la fixation des honoraires, qui doivent en particulier être arrêtés compte tenu du travail effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire, de la responsabilité assumée, du résultat obtenu et de la situation du client. Sur cette base, la Cour de justice retient en principe un tarif horaire entre CHF 400.- et CHF 450.- pour un chef d'Etude, de CHF 350.- pour le collaborateur et de CHF 150.- pour le stagiaire (AARP/188/2018 du 21 juin 2018 consid. 8.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 consid. 3 et 2C_25/2008 du 18 juin 2008 consid. 3, en matière d'assistance juridique, faisant référence aux tarifs usuels d'un conseil de choix à Genève ; AARP/375/2017 du 30 octobre 2017 consid. 4.1).

6.2. En l'espèce, il sera donné suite aux conclusions de la partie plaignante en lien avec le versement d'une indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure, dont la quotité sera réduite. En effet, il ne sera pas pris en considération les activités en lien avec les démarches effectuées auprès de l'Office des poursuites – étrangères à la procédure pénale – ni celles relatives à la procédure de recours devant la Chambre pénale de recours – pour lesquelles il a déjà été indemnisé –, soit une réduction de 14h et de 13h48. Il en ira de même des démarches inutiles, insuffisamment motivées, à double ou de durée excessive, telles que notamment des postes « Correction de la plainte pénale », « Téléphone avec le MP » du 17 octobre 2018, « Email », « Conférence interne », « Entretien interne », « Travail sur le dossier », ou encore « Entretien téléphonique », soit une réduction totale de 8h45.

Ainsi, la partie plaignante se verra octroyer CHF 18'163.70, TVA de 7.7% comprise, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.

7. Le prévenu sera condamné aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'113.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP et 9 al. 1 let. d RTFMP).

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 18 mai 2022 et l'opposition formée contre celle-ci par X______ le 25 mai 2022.

et statuant à nouveau :

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Déclare X______ coupable de tentative de contrainte (art. 22 CP cum art. 181 CP).

Condamne X______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 120.-.

Met X______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit X______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de X______ (art. 429 CPP).

Condamne X______ à verser à BA______ CHF 18'163.70, TVA comprise, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'134.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière

Cendy BERRUT

Le Président

Cédric GENTON

 

 

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

40.00

Frais de l'ordonnance pénale

CHF

620.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

75.00

Frais postaux (convocation)

CHF

28.00

Emolument de jugement

CHF

300.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

21.00

Total

CHF

1134.00

 

Notification à X______, soit pour lui son Conseil,
Me D______
Par voie postale

Notification à BA______, soit pour lui Conseil,
Me C______

Par voie postale

Notification au Ministère public
Par voie postale