Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/509/2025 du 14.05.2025 ( OCPM ) , REJETE
REJETE par ATA/1000/2025
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 14 mai 2025
| ||||
dans la cause
Madame A______, représentée par Me Andrea VON FLÜE, avocat, avec élection de domicile
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Madame A______, née le ______ 1976, est ressortissante de Colombie.
2. Le ______ 2022, Mme A______ a épousé Monsieur B______, ressortissant espagnol au bénéfice d’une autorisation d’établissement.
Elle a ainsi été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour pour regroupement familial valable jusqu’au 18 mai 2024.
3. Par courrier du 6 juin 2023, M. B______ a informé l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) que son épouse avait quitté le domicile conjugal le 5 janvier 2023, soit seulement six mois après leur mariage. Il n’avait aucune nouvelle de sa part depuis lors.
4. Par jugement du Tribunal de première instance du 17 novembre 2023 sur mesures protectrices de l’union conjugale, les époux ont été autorisés à vivre séparément.
5. Mme A______ a sollicité, le 28 février 2024, le renouvellement de son autorisation de séjour.
6. Par courrier du 20 juin 2024, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de révoquer son autorisation de séjour et de prononcer son renvoi.
Un délai de 30 jours lui était octroyé pour utiliser, par écrit, son droit d’être entendue.
7. Le 16 août 2024, Mme A______ a indiqué ne pas contester que l’union conjugale avec son époux avait duré moins de trois ans mais sollicitait l’application de l’art. 50 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), à savoir que la séparation avait été rendue inévitable en raison du comportement de son époux découlant de violences conjugales. En décembre 2022, elle avait consulté le service de médecine de premier recours des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG), et sollicité un suivi psychologique. La violence conjugale, verbale et psychologique, s’était malheureusement intensifiée jusqu’à entraîner la séparation du couple.
Elle était actuellement suivie sur le plan psychologique. C’était bien le comportement de son époux qui avait entraîné la séparation, qu’elle n’avait aucunement souhaitée.
Elle était financièrement indépendante et, en Suisse depuis août 2019, souhaitait continuer à résider dans ce pays. Elle n’envisageait pas de rentrer en Colombie, pays dans lequel elle ne pourrait compter que sur elle-même.
Elle a notamment produit un rapport de consultation du service de médecine de premier recours des HUG du 12 décembre 2022 et un rapport de consultation ambulatoire des HUG du 12 juillet 2024.
8. L’OCPM, par courrier du 25 septembre 2024, a sollicité la production d’autres preuves comme des attestations d’associations (C______, D______) ou de suivi psychologique, ou des témoignages d’amis proches ou encore de confidents. En l’état, les documents remis ne permettaient pas de constater que les violences subies revêtiraient l’intensité telle que décrite par la jurisprudence.
9. Mme A______ a transmis, le 31 octobre 2024 des documents médicaux établis en Colombie entre le 12 avril et le 1er août 2023, lorsqu’elle s’était rendue dans son pays suite à sa séparation, rédigés en espagnol. Elle n’était malheureusement pas en mesure d’obtenir de retour de la C______, qu’elle avait pourtant consultée à l’époque des faits.
10. Par décision du 3 janvier 2025, l’OCPM a refusé la prolongation de l’autorisation de séjour de Mme A______ et prononcé son renvoi de Suisse et des États membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen, avec un délai de départ au 3 avril 2025.
Force était de constater que l’union conjugale avait duré moins de trois ans et qu’il n’était dès lors pas nécessaire d’examiner le degré d’intégration de Mme A______.
Aucun élément du dossier ne permettait d’arriver à la conclusion que la poursuite de son séjour s’imposait en Suisse pour des raisons majeures. Si l’OCPM ne minimisait pas ni ne contestait les violences conjugales subies par Mme A______, les justificatifs versés au dossier ne permettaient pas d’attester de l’intensité alléguée. En effet, seul un relevé des HUG établi le 12 juillet 2024 ainsi qu’un certificat médical daté du 12 avril 2023 avaient été versés au dossier. Ce dernier ne mentionnait d’ailleurs pas l’existence de violences conjugales amenant au constat médical effectué par le médecin. Ainsi, malgré sa demande, Mme A______ n’avait pas été en mesure de fournir d’autres documents attestant de l’intensité des violences qu’elle avait subies, notamment une attestation de la C______.
Elle ne pouvait pas non plus se prévaloir d’une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée au point de devoir admettre qu’elle ne put quitter la Suisse sans devoir être confrontée à des obstacles insurmontables. Elle vivait en Suisse depuis un peu plus de cinq ans et la durée de son séjour devait être relativisée en lien avec les années passées en Colombie avant sa venue à l’âge de 43 ans. Elle n’avait pas non plus acquis des connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu’elle ne pourrait les mettre en pratique en Colombie, pays où vivaient ses trois enfants majeurs avec lesquels elle maintenait des attaches certaines. En outre, aucun élément au dossier ne permettait de constater qu’un retour en Colombie la mettrait dans une situation de rigueur.
11. Par acte du 6 février 2025, Mme A______ (ci-après : la recourante), sous la plume de son conseil, a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’une autorisation de séjour lui soit accordée, sous suite de frais dépens.
Elle avait été en mesure de produire de nombreux documents médicaux, lesquels rendaient hautement vraisemblable ses allégations de violences conjugales. Elle s’était adressée à plusieurs reprises aux HUG, lesquels avaient pris note de conflits à répétition avec son mari entraînant des troubles du sommeil et une inappétence dans ce contexte.
Son mari adoptait presque quotidiennement des comportements inadéquats, se montrant extrêmement agressif à son égard, l’insultant et pouvant rester de nombreux jours sans lui adresser la parole. Cette expérience avait été bouleversante ; elle ne s’était pas attendue à une telle situation à peine après quelques mois de vie conjugale. Ayant quitté son pays et tout ce qu’elle y avait construit au fil des années, elle s’était retrouvée dans une situation extrêmement difficile en Suisse. Encore aujourd’hui, elle demeurait marquée par cette vie conjugale difficile et extrêmement décevante. Il convenait de ne pas négliger les conséquences extrêmement difficiles de la violence psychologique, certes nettement plus difficile à démontrer, en particulier sur le plan pénal, laquelle pouvait être tout aussi dévastatrice que les violences physiques.
Il apparaissait que, fort des documents médicaux produits, la réalité des violences conjugales psychiques subies était importante et d’une intensité suffisante pour justifier le renouvellement de son titre de séjour.
Son intégration était tout à fait bonne, étant indépendante sur le plan financier, n’ayant pas de dettes et n’étant pas défavorablement connue des services de police.
12. L’OCPM a répondu au recours le 9 avril 2025, concluant à son rejet. Il a produit son dossier.
La recourante avait expliqué qu’elle avait été confrontée dès les premiers mois de mariage à l’apparition d’un climat conjugal hostile et dévalorisant. Il ressortait du rapport de consultation ambulatoire des HUG du 12 juillet 2024 qu’elle avait été vue par une infirmière spécialisée dans le domaine des violences les 4, 11 et 25 janvier 2023. Dans le cadre de ces entretiens, elle avait déclaré que son mari se mettait en colère pour des broutilles, qu’il hurlait, l’injuriait et qu’il avait une attitude corporelle menaçante. Elle avait déclaré avoir eu très peur mais qu’il n’y avait pas eu de violence physique. Elle avait pour finir indiqué qu’elle avait comme projet de quitter la Suisse afin de rejoindre ses enfants en Colombie. Hormis ce dernier rapport médical et un certificat médical établi en Colombie en février 2023, lequel ne comportait par ailleurs aucune référence aux violences conjugales alléguées, sans aucunement minimiser la situation conflictuelle vécue, les documents ne suffisaient pas à pouvoir admettre des violences conjugales de l’intensité décrite par la jurisprudence en la matière.
Enfin la recourante, âgée actuellement de 49 ans, n’avait pas démontré que sa réintégration dans son pays d’origine où elle avait en outre vécu jusqu’en 2019, serait fortement compromise, d’autant plus qu’elle y avait conservé de fortes attaches, en particulier en gardant un lien important avec ses enfants qui y vivaient.
13. Le contenu des pièces sera repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).
4. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).
5. La recourante demande l’annulation de la décision querellée et le renouvellement de son autorisation de séjour.
6. La loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas des ressortissants du Panama.
7. Selon l’art. 42 al. 1 LEI, le conjoint d’un ressortissant suisse, ainsi que ses enfants célibataires de moins de 18 ans ont droit à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité à condition de vivre en ménage commun avec lui.
Cette disposition requiert non seulement le mariage des époux mais également leur ménage commun (ATF 136 II 113 consid. 3.2). Selon la jurisprudence, il y a présomption que la communauté conjugale est rompue après plus d’un an de séparation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_88/2017 du 30 janvier 2017 consid. 6.1).
8. En l’espèce, il est manifeste que la recourante ne peut plus déduire de droit au séjour fondé sur cette disposition dès lors qu'il est établi que la vie commune a pris fin en janvier 2023, ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas.
9. Le 14 juin 2024, la modification de l’art. 50 LEI a été accepté par le Parlement. Cette dernière consiste à étendre la protection que confère l’art. 50 LEI aux personnes demandant la prolongation de la durée de validité de leur autorisation de courte durée en vertu de l’art. 45 LEI en relation avec l’art. 32 al. 3 LEI, ainsi qu’à une décision d’admission provisoire au sens de l’art. 45 LEI en relation avec 32 al. 3 LEI, et cela afin de permettre une meilleure inclusion de toutes les victimes de violences domestiques (Initiative parlementaire – Garantir la pratique pour raison personnelles majeures visée à l’art. 50 LEI en cas de violence domestique – Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national – publié dans la Feuille fédérale FF 2023 2418). Ensuite, pour concrétiser la notion de violences domestiques, l’art. 50 al. 2 let. a LEI comporte désormais une liste indicative d’indices que les autorités doivent prendre en compte pour évaluer l’existence de violences domestiques. Pour terminer, un alinéa 4 a été rajouté prévoyant que les alinéas 1 à 3 de l’art. 50 LEI devait s’appliquer par analogie aux concubins qui, en vertu de l’art. 30 al. 1 let. b avaient obtenu une autorisation de séjour pour rester avec leur partenaire en raison d’un cas individuel d’extrême gravité.
10. L’art. 126g LEI, disposition transitoire relative à la modification du 14 juin 2024, prévoit quant à elle que le nouveau droit est applicable aux demandes déposées en vertu de l’art. 50 avant l’entrée en vigueur de la modification du 14 juin 2024. En effet, puisque le nouveau droit est plus favorable aux personnes concernées (victimes de violences domestiques), il doit donc s’appliquer aux demandes en cours au moment de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions (FF 2023 2418).
11. En l’espèce, la demande de la recourante étant en cours au moment de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions précitées le 1er janvier 2025, c’est le nouveau droit qui s'applique.
12. Aux termes de l'art. 50 al. 1 LEI, après la dissolution du mariage ou de la famille, le droit du conjoint et des enfants à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu des art. 42, 43 ou 44 LEI à l’octroi d’une autorisation de courte durée et à la prolongation de sa durée de validité en vertu de l’art. 45 en relation avec l’art. 32, al. 3 ainsi qu’à une décision d’admission provisoire en vertu de l’art. 85c, al. 1, subsiste si l’union conjugale a duré au moins trois ans et si les critères d’intégration définis à l’art. 58a sont remplis (let. a), ces conditions étant cumulatives (ATF 140 II 345 consid. 4 ; 136 II 113 consid. 3.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_522/2021 du 30 septembre 2021 consid. 4.1).
De jurisprudence constante, le calcul de la période minimale de trois ans commence à courir dès le début de la cohabitation effective des époux en Suisse et s'achève au moment où ceux-ci cessent de faire ménage commun (ATF 140 II 345 consid. 4.1 ; 138 II 229 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_520/2016 du 13 janvier 2017 consid. 3.2 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 5c) ; peu importe combien de temps le mariage perdure encore formellement par la suite (ATF 136 II 113 consid. 3.2 et 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_980/2014 du 2 juin 2015 consid. 3.1). La limite des trois ans est absolue et s'applique même s'il ne reste que quelques jours pour atteindre la durée des 36 mois exigés par l'art. 50 al. 1 let. a LEI (ATF 137 II 345 consid. 3.1.3 ; 136 II 113 consid. 3.2 et 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_50/2015 du 26 juin 2015 consid. 3.1 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 5c).
13. En l'espèce, il n’est pas contesté que la cohabitation effective des époux en Suisse a ainsi duré moins de trois ans.
Puisque les deux conditions posées par l'art. 50 al. 1 let. a LEI sont cumulatives et que la première d'entre elles n'est pas remplie, il n'y a pas lieu d'examiner si la seconde - à savoir l'intégration de la recourante en Suisse - est réalisée (ATF 140 II 289 consid. 3.5.3).
Il convient toutefois d’examiner si la poursuite de son séjour en Suisse s'imposerait pour des raisons personnelles majeures.
14. L'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI permet au conjoint étranger de demeurer en Suisse après la dissolution de l'union conjugale, lorsque la poursuite de son séjour s'impose pour des raisons personnelles majeures. Les raisons personnelles majeures, visées à l'al. 1 let. b, sont notamment données lorsque le conjoint est victime de violences domestiques, que le mariage a été conclu en violation de la libre volonté d'un des époux ou que la réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise (art. 50 al. 2 LEI).
Cette disposition vise à régler les situations qui échappent aux dispositions de l'art. 50 al. 1 let. a LEI, soit parce que le séjour en Suisse durant le mariage n'a pas duré trois ans ou parce que l'intégration n'est pas suffisamment accomplie ou encore parce que ces deux aspects font défaut, mais que - eu égard à l'ensemble des circonstances - l'étranger se trouve dans un cas de rigueur après la dissolution de la famille. À cet égard, c'est la situation personnelle de l'intéressé qui est décisive et non l'intérêt public que revêt une politique migratoire restrictive. Il s'agit par conséquent uniquement de décider du contenu de la notion juridique indéterminée « raisons personnelles majeures » et de l'appliquer au cas d'espèce, en gardant à l'esprit que l'art. 50 al. 1 let. b LEI confère un droit à la poursuite du séjour en Suisse (ATF 138 II 393 consid. 3.1).
15. Comme il s'agit de cas de rigueur survenant à la suite de la dissolution de la famille, en relation avec l'autorisation de séjour découlant du mariage, les raisons qui ont conduit à sa dissolution revêtent de l'importance. L'admission d'un cas de rigueur personnel survenant après la dissolution de la communauté conjugale suppose que, sur la base des circonstances d'espèce, les conséquences pour la vie privée et familiale de la personne étrangère liées à ses conditions de vie après la perte du droit de séjour découlant de la communauté conjugale soient d'une intensité considérable (cf. ATF 138 II 393 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1111/2015 du 9 mai 2016 consid. 5.2).
16. Si la violence domestique au sens de l’art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI est invoquée, les autorités compétentes doivent prendre en compte certains indices listés à l’art. 50 al. 2 let. a LEI. Sont notamment considérés comme des indices de violence domestique : la reconnaissance de la qualité de victime au sens de l’art. 1, al. 1, de la loi sur l’aide aux victimes du 23 mars 2007 (C______ – RS 312.5) par les autorités chargées d’exécuter cette loi (ch. 1), la confirmation de la nécessité d’une prise en charge ou d’une protection par un service spécialisé dans la violence domestique généralement financé par des fonds publics (ch. 2), des mesures policières ou judiciaires visant à protéger la victime (ch. 3), des rapports médicaux ou d’autres expertises (ch. 4), des rapports de police et des plaintes pénales, ou (ch. 5), des jugements pénaux (ch. 6).
17. L’octroi d’un droit de séjour en faveur de victimes de violences conjugales a pour but d’empêcher qu’une personne faisant l’objet de violences conjugales poursuive la communauté conjugale pour des motifs liés uniquement au droit des migrations, quand bien même le maintien de celle-ci n’est objectivement plus tolérable de sa part, dès lors que la vie commune met sérieusement en péril sa santé physique ou psychique (ATF 138 II 229 consid. 3.1 et 3.2 et arrêts du Tribunal fédéral 2C_956/2013 du 11 avril 2014 consid. 3.1 et 2C_784/2013 du 11 février 2014 consid. 4.1). Lorsqu’une séparation se produit dans une telle constellation, le droit de séjour qui était originairement dérivé de la relation conjugale se transforme en un droit de séjour propre.
18. Sur la base de la ratio legis susmentionnée, il y a lieu de conditionner la présence d’un cas de rigueur suite à la dissolution de la famille pour violence conjugale à l’existence d’un rapport étroit entre la violence conjugale et la séparation du couple. Ce rapport n’est toutefois pas exclu du simple fait que l’initiative de la séparation n’a pas été prise par la personne qui prétend avoir fait l’objet de violence conjugale mais par son conjoint (arrêt du Tribunal fédéral 2C_915/2019 du 13 mars 2020 consid. 3.2) et une analyse du cas concret doit avoir lieu dans chaque affaire.
Selon la jurisprudence, il convient de prendre au sérieux toute forme de violence conjugale, qu’elle soit physique ou psychique. La violence conjugale doit toutefois revêtir une certaine intensité. Elle constitue une maltraitance systématique ayant pour but d’exercer pouvoir et contrôle sur celui qui la subit (ATF 138 II 229 consid. 3.2.1 et arrêt du Tribunal fédéral 2C_1085/2017 du 22 mai 2018 consid. 3.1). À l’instar de violences physiques, seuls des actes de violence psychique d’une intensité particulière peuvent justifier l’application de l’art. 50 al. 1 let. b LEI (ATF 138 II 229 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_201/2019 du 16 avril 2019 consid. 4.1 ; 2C_12/2018 du 28 novembre 2018 consid. 3.19).
Lorsque des contraintes psychiques sont invoquées, il incombe à la personne d'illustrer de façon concrète et objective, ainsi que d'établir par preuves le caractère systématique de la maltraitance, respectivement sa durée, ainsi que les pressions subjectives qui en résultent. Des affirmations d'ordre général ou des indices faisant état de tensions ponctuelles sont insuffisants (arrêts du Tribunal fédéral 2C_145/2019 du 24 juin 2019 consid. 3.4 ; 2C_361/2018 du 21 janvier 2019 consid. 4.3 ; 2C_12/2018 du 28 novembre 2018 consid. 3.2 ; 2C_1085/2017 du 22 mai 2018 consid. 3.2 ; 2C_68/2017 du 29 novembre 2017 consid. 5.4.1). À cet égard, le Tribunal fédéral a admis des contraintes psychiques en présence d'une situation dans laquelle l'époux d'une femme étrangère ne lui donnait que CHF 11.- par mois, ne lui fournissait aucune nourriture, avait pris la carte pour le lave-linge en lui enjoignant de faire la lessive à la main, avait supprimé les connexions TV, téléphone et internet, la privant ainsi de contact avec l'extérieur, et avait emporté presque tout le mobilier lorsqu'il avait quitté le domicile conjugal, lui laissant un matelas à même le sol (cf. arrêt 2C_361/2018 du 21 janvier 2019 consid. 4.4), alors qu'il l'a réfuté s'agissant d'une femme étrangère qui avait dû parfois s'acquitter du loyer du domicile conjugal et dont le mari avait prétendument entretenu une relation extraconjugale - dont aurait été issu un enfant - avec une autre femme, qui avait dû quitter le domicile conjugal à la suite d'une dispute et, ayant été à cette occasion menacée par son mari, avait ensuite été hébergée pendant quelques mois dans des foyers spécialisés (cf. arrêt 2C_145/2019 du 24 juin 2019 consid. 3.6).
19. Des insultes proférées à l’occasion d’une dispute, une gifle assénée, le fait pour un époux étranger d’avoir été enfermé une fois dehors par son conjoint ne sont pas assimilés à la violence conjugale au sens de l’art. 50 al. 2 LEI (ATF 136 II 1 consid. 5). En effet, sans que cela ne légitime en rien la violence conjugale, n’importe quel conflit ou maltraitance ne saurait justifier la prolongation du séjour en Suisse, car telle n’était pas la volonté du législateur (arrêt du Tribunal fédéral 2C_654/2019 du 20 août 2019 consid. 2.1), ce dernier ayant voulu réserver l’octroi d’une autorisation de séjour aux cas de violences conjugales atteignant une certaine gravité ou intensité.
20. La personne étrangère qui soutient, en relation avec l’art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI, avoir été victime de violences conjugales est soumise à un devoir de coopération accru. Il lui appartient de rendre vraisemblable, par des moyens appropriés, la violence conjugale, respectivement l’oppression domestique alléguée. En particulier, il lui incombe d’illustrer de façon concrète et objective, ainsi que d’établir par preuves le caractère systématique de la maltraitance, respectivement sa durée, ainsi que les pressions subjectives qui en résultent (art. 77 al. 6 et al. 6 bis OASA et arrêt du Tribunal fédéral 2C_68/2017 du 29 novembre 2017 consid. 5.4.1). L’art. 50 al. 2 LEI n’exige toutefois pas la preuve stricte de la maltraitance, mais se contente d’un faisceau d’indices suffisants (arrêts du Tribunal fédéral 2C_593/2019 du 11 juillet 2019 consid. 5.2 ; 2C_196/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.4) respectivement d’un degré de vraisemblance, sur la base d’une appréciation globale de tous les éléments en présence (ATF 142 I 152 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_671/2017 du 29 mars 2018 consid. 2.3). Ainsi, selon le degré de preuve de la vraisemblance, il suffit que l’autorité estime comme plus probable la réalisation des faits allégués que la thèse contraire (ATA/1333/2021 du 7 décembre 2021 consid. 7f).
21. S'agissant de la réintégration sociale dans le pays de provenance, la question n'est pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de la réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'étranger, seraient gravement compromises (ATF 138 II 229 consid. 3.1). Le simple fait que l'étranger doive retrouver des conditions de vie qui sont usuelles dans son pays de provenance ne constitue pas une raison personnelle majeure au sens de l'art. 50 LEI, même si ces conditions de vie sont moins avantageuses que celles dont cette personne bénéficie en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_112/2020 du 9 juin 2020 consid. 5.1 et les références). Par ailleurs, la personne qui fait valoir que sa réintégration sociale risque d'être fortement compromise en cas de retour dans son pays est tenue de collaborer à l'établissement des faits. De simples déclarations d'ordre général ne suffisent pas ; les craintes doivent se fonder sur des circonstances concrètes (ATF 138 II 229 consid. 3.2.3).
22. La question de l'intégration de la personne concernée en Suisse n'est pas déterminante au regard des conditions de l'art. 50 al. 1 let. b LEI, qui ne s'attache qu'à l'intégration - qui doit être fortement compromise - qui aura lieu dans le pays d'origine (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_145/2019 du 24 juin 2019 consid. 3.7 et les arrêts cités ; 2C_1003/2015 du 7 janvier 2016 consid. 4.4).
23. En l’espèce, le tribunal considère que c’est à juste titre que l’autorité intimée a retenu que la poursuite du séjour de la recourante ne s’imposait pas pour des raisons personnelles majeures et que, partant, il a refusé de renouveler son autorisation de séjour.
Il sera d’emblée relevé que la recourante n’allègue pas que le mariage aurait été conclu en violation de sa libre volonté.
Elle soutient avoir fait l’objet de violences psychologiques de la part de son ex-époux et a produit à l’appui de ses allégations un rapport de consultation du service de médecine de premier recours des HUG du 12 décembre 2022, plusieurs attestations de suivi médical établies en Colombie entre le 12 avril et le 1er août 2023 et un rapport de consultation ambulatoire des HUG du 12 juillet 2024.
Si, certes, il est fait référence, dans les deux attestations émanant des HUG, de conflits au sein du couple et du comportement colérique, injurieux et avec une attitude corporelle menaçante de l’ex-mari de la recourante, ces faits ne sont que la transcription des propos tenus par la recourante lors des consultations et ne sont corroborés par aucun constat médical spécifique. Malgré la demande de l’OCPM de compléter le dossier, la recourante n’a pas été en mesure de produire d’autres documents que les attestations d’un suivi médical en Colombie, lesquelles ne font aucunement référence à des violences conjugales. Elle n’a notamment pas produit de témoignages émanent d’amis, de voisins ou de professionnels, étant relevé qu’après avoir quitté le domicile conjugal, elle est retournée à tout le moins pendant deux mois en Colombie en 2023, où vivent ses enfants et à qui elle s’est certainement confiée. Il ne ressort en outre pas du dossier qu'elle se serait adressée à des structures d'aide aux victimes de violences domestiques, la mention d’un rendez-vous au centre C______ indiquée dans l’attention du 12 juillet 2024 n’étant corroborée par aucun document émanent de cette structure. Elle n’a par ailleurs pas déposé une plainte pénale à l’encontre de son ex-époux pour les faits reprochés.
Enfin, il sera relevé qu’elle n’a aucunement produit un suivi psychologique qui aurait été mis en place suite à son départ du domicile conjugal.
Sans vouloir minimiser la situation dans laquelle la recourante s’est retrouvée après avoir quitté le domicile conjugal, pas plus que son état de santé depuis sa séparation, et sans vouloir nier l’existence d’une forme de violence que l’ex-mari de la recourante a pu exercer sur elle, force est de constater qu'à teneur du dossier, aucun élément hormis les propres déclarations de la recourante, ne démontre que la recourante aurait subi des violences physiques de la part de son époux atteignant le degré de gravité exigé par la jurisprudence ou qu’elle aurait vécu une situation d'oppression domestique constante revêtant une intensité suffisante à fonder un cas de rigueur après la dissolution de la communauté conjugale au sens de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI.
Au surplus, la recourante n’établit pas que sa réintégration dans son pays d’origine – qu’elle a quitté il y a presque cinq ans mais dans lequel elle s’est rendue en 2023 pendant en tout cas deux mois – serait fortement compromise. Arrivée en Suisse à l’âge de 43 ans, elle a vécu toute son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d’adulte en Colombie. Elle en connaît ainsi les us et coutumes et y a conservé des attaches puisque ses trois enfants adultes y vivent, attaches susceptibles de faciliter sa réintégration. Agée de 49 ans, elle est encore jeune, et au bénéfice d’une expérience professionnelle dans le domaine de l’hôtellerie et qu’avant son arrivée en Suisse elle devait certainement déjà exercer une activité professionnelle. Ces éléments faciliteront sa réintégration en Colombie.
Le fait qu’elle ne retrouvera sans doute pas le même niveau de vie en Colombie que celui dont elle bénéficie actuellement en Suisse n’est pas pertinent au regard des critères rappelés ci-dessus. Au demeurant, la recourante n’a pas démontré qu’elle se serait créé des attaches profondes avec la Suisse l’empêchant de retourner dans son pays d’origine. Le fait qu'elle soit financièrement indépendante, ne fasse pas l’objet de procédure pénales ni d’aucune poursuite ne saurait être suffisant.
Au vu des éléments qui précèdent, il n'apparait pas que les difficultés de réintégration auxquelles la recourante pourrait se heurter constitueraient des raisons personnelles majeures justifiant la poursuite de son séjour en Suisse et l’octroi d’une autorisation de séjour sur la base de l’art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI.
24. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée.
25. Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).
26. Étant donné que la recourante n’obtient pas d'autorisation de séjour, c'est à bon droit que l’OCPM a prononcé son renvoi de Suisse, étant souligné que le dossier ne fait pas apparaitre que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigé au sens de l’art. 83 LEI.
27. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.
28. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
29. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 6 février 2025 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 3 janvier 2025 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Sophie CORNIOLEY BERGER
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.
| Genève, le |
| La greffière |