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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3766/2024

JTAPI/301/2025 du 24.03.2025 ( OCPM ) , REJETE

REJETE par ATA/704/2025

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.30; LEI.83; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3766/2024

JTAPI/301/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 mars 2025

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Liza SANT'ANA LIMA, avocate, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1982, est ressortissante du Brésil.

2.             Le 23 décembre 2023, entendue par la police en qualité de prévenue et assistée d’une traductrice, Mme A______ a notamment déclaré :

-          n’avoir souscrit aucune une assurance-maladie, avoir subi une opération chirurgicale du pied et n’avoir « rien payé pour cela » ;

-          être arrivée en Suisse en juillet 2017, afin de s’occuper de l’enfant de sa sœur ;

-          avoir « plusieurs » emplois dans le secteur de l’économie domestique, percevoir « en cash » un salaire mensuel de CHF 3'000.- et préférer consulter ses employeurs, avant de révéler leurs coordonnées ;

-          avoir été annoncée à l’AVS par deux de ses employeurs et ne disposer d’aucun contrat de travail ;

-          avoir grandi au Brésil, être titulaire d’un diplôme « dans la pédagogie » et avoir suivi en Suisse des cours « de théologie » ;

-          n’avoir pas d’enfant et avoir des parents vivant au Brésil ;

-          ne suivre aucun traitement médical particulier, excepté la prise, de temps à autre, de Dafalgan contre des maux de tête ;

-          vouloir recourir à une assistance sociale, si elle avait besoin d’une aide au retour et à l’insertion de son pays d’origine.

3.             Par ordonnance pénale du 8 mai 2024, le Ministère public a déclaré Mme A______ coupable d’infractions aux art. 115 al. 1 let. b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 92 al. 1 let. a de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), la condamnant à une peine pécuniaire de 120 jours-amende, avec un sursis de trois ans.

4.             Par décision du 16 mai 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi de Mme A______, lui impartissant un délai au 16 juillet 2024 pour quitter le territoire suisse.

5.             Par courrier A+ du 28 mai 2024, l'OCPM a invité l’intéressée à lui transmettre divers documents en lien avec l’exécution de son départ de Suisse.

Aucune suite n’a été donnée à cette requête.

6.             Par acte du 11 juin 2024 (cause A/2003/2024), Mme A______, sous la plume de son conseil, a recouru contre la décision de renvoi du 16 mai 2024 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

7.             Le même jour, elle a saisi l'OCPM d’une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur, produisant divers justificatifs relatifs à son séjour à Genève depuis juin 2017.

8.             Le 18 juin 2024, l'OCPM a indiqué au tribunal avoir annulé sa décision de renvoi du 16 mai précédent, l’intéressée ayant déposé une demande en autorisation de séjour qu’il entendait examiner.

9.             Le 24 juin 2024, Mme A______ a retiré son recours dans la cause A/2003/2002, ce dont le tribunal a pris acte par décision du 27 juin suivant (RTAPI/236/2024).

10.         Par courrier du 15 juillet 2024, l'OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser d’accéder à sa requête du 11 juin 2024 et par conséquent, de ne pas soumettre son dossier avec un avis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM).

11.         Dans sa détermination du 16 septembre 2024, sous la plume de son mandataire, Mme A______ a indiqué à l'OCPM que, depuis le dépôt de sa demande du 11 juin 2024, sa vie socioprofessionnelle avait évolué en ce sens qu’elle avait ouvert un compte bancaire le 13 septembre 2024, était à présent « officiellement domiciliée » à une adresse à Genève, « dans une sous-location » qu’elle occuperait dès le 1er octobre 2024, avait trouvé un nouvel emploi, négociait actuellement un contrat de travail à plein temps, était toujours un membre actif de « B______ », dont le pasteur attestait qu’elle était une personne de « bonne vie et mœurs ».

Elle avait des liens familiaux en Suisse et y disposait d’un suivi médical régulier pour « un problème orthopédique », raison pour laquelle elle ne pouvait pas envisager de retourner au Brésil.

Elle ferait parvenir dans les meilleurs délais les résultats d’un test de français.

12.         Par décision du 4 octobre 2024, l'OCPM a rejeté la demande de l’intéressée et prononcé son renvoi de Suisse avec un délai au 4 janvier 2025 pour la quitter.

L’intéressée n’avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse, ni une intégration socioculturelle particulière. Son intégration semblait correspondre au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Elle n’avait établi ni le niveau acquis en langue française ni son indépendance financière.

Par ailleurs, elle n’avait pas démontré avoir de graves problèmes de santé nécessitant, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales d'urgence indisponibles dans son pays d'origine.

Enfin, elle n’avait pas établi qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place.

13.         Par acte du 5 novembre 2024, Mme A______ (ci-après : la recourante), sous la plume de son conseil a recouru contre cette décision auprès du tribunal, concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l'OCPM de lui octroyer une autorisation de séjour, sous suite de frais et dépens.

Ses parents s’étaient séparés lorsqu'elle était âgée de dix ans, si bien qu’elle-même et ses frères et sœurs avaient dû commencer à travailler. Le 1er juin 2017, elle était venue à Genève en tant que touriste pour rendre visite à sœur, qui y vivait depuis de nombreuses années et avait un enfant âgé de deux ans et demi. Ayant besoin d'aide dans la prise en charge de son enfant, sa sœur lui avait demandé de rester à Genève afin de travailler pour elle comme nounou. Après quelques années passées chez sa sœur et dès la scolarisation de son neveu, souhaitant avoir plus d'indépendance, elle avait pu vivre en colocation avec des connaissances, tout en continuant à travailler dans le secteur de l'économie domestique.

Elle gardait des contacts téléphoniques occasionnels avec les membres de sa famille au Brésil et n'avait plus de relations amicales ou sociales sur place, étant précisé que sept de ses huit frères et sœurs se trouvaient « un peu partout dans le pays ». Elle n’était restée proche que de sa sœur qui vivait à Genève.

À présent, elle travaillait en tant que femme de ménage pour quatre employeurs.

Disposant d'une carte de missionnaire auprès de l'église « B______ » à Genève, elle était impliquée dans plusieurs activités sociales et religieuses de son église en Suisse. Elle avait même suivi une formation en théologie en ligne auprès de « C______ » situé au Brésil, afin de continuer à s'investir davantage dans ses activités d'aide au prochain. Elle parlait couramment le français et était parfaitement intégrée au mode de vie suisse.

En juin 2021, elle avait dû subir une intervention orthopédique auprès des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), suite à laquelle un suivi médical régulier était nécessaire. Dans le cadre de ce suivi, une consultation médicale aux HUG était prévue le 13 novembre 2024, « la possibilité d'une nouvelle chirurgie ne devant pas être écartée ».

Elle n'avait jamais émargé à l'aide sociale et son casier judiciaire était vierge.

Sa réintégration au Brésil n'était pas envisageable. En effet, âgée aujourd’hui de 42 ans, elle y avait tout quitté pour s'installer en Suisse, si bien que depuis 2017, elle n'y était jamais retournée et n’y disposait d'aucun réseau, les contacts avec sa famille demeurant occasionnels.

En conclusion, bien que la durée de son séjour soit inférieure à dix ans, il était dans « l'intérêt économique général » qu'elle puisse poursuivre son séjour en Suisse.

14.         Dans ses observations du 9 janvier 2025, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

Venue initialement à des fins touristiques pour rendre visite à sa sœur, la recourante n'avait pas démontré qu'un retour au Brésil la placerait dans une situation personnelle d'extrême gravité. Arrivée en Suisse il y avait moins de dix ans, alors qu'elle était âgée de 35 ans, elle avait ainsi passé toute son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d'adulte au Brésil, pays dont elle parlait la langue et où vivaient la plupart de ses proches, notamment ses sept frères et sœurs.

Hormis sa sœur et la famille de celle-ci, elle n'avait pas allégué avoir créé des liens particulièrement étroits en Suisse. Employée dans le domaine de l'économie domestique, elle n'avait pas non plus acquis des compétences et une expérience professionnelle si spécifiques qu'elle ne pourrait pas mettre en pratique dans son pays d'origine.

Enfin, l'intervention orthopédique qu'elle avait subie en 2021 ne constituait pas un motif qui pourrait justifier l'octroi d'un permis humanitaire. Les dernières informations produites dans le cadre du recours à ce sujet ne remettaient pas non plus en question l'exigibilité de son renvoi au Brésil, où elle pourrait bénéficier d'un suivi médical, voire d'une nouvelle intervention chirurgicale, si nécessaire.

15.         La recourante a réplique le 5 février 2025, par l’intermédiaire de son conseil, persistant dans l’intégralité de ses conclusions.

Reprenant en substance son argumentation précédente, elle a ajouté que lors de sa consultation médicale du 27 janvier 2025, le Docteur D______ (médecine interne) avait confirmé qu’elle devait suivre un traitement pour des douleurs chroniques liées à une arthrose tibiotalienne avancée, due à une fracture trimalléolaire de la cheville gauche survenue en 2017 et traitée chirurgicalement. Actuellement, elle présentait un œdème de la cheville gauche, surtout en fin de journée, des douleurs persistantes lorsqu’elle marchait, partiellement soulagées par le repos, et des « épisodes occasionnels de douleurs associées à des signes inflammatoires locaux ». Le traitement en cours comprenait la physiothérapie, des antalgiques « de pallier 1 à la demande ». Une consultation en rhumatologie était demandée et aurait lieu mi-février 2025.

En raison notamment de son travail, elle démontrait être parfaitement intégrée au mode de vie suisse, contribuer à l'économie locale et y avoir le centre de sa vie privée et familiale, laquelle comportait « une importante dimension religieuse et la respective [de son] implication dans plusieurs activités sociales ». Ces éléments, associés au fait qu’elle suivait un traitement médical « conséquent », permettaient d'établir que son renvoi au Brésil ne pouvait être exigé.

16.         Le 27 février 2025, l'OCPM a indiqué au tribunal ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'OCPM relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Brésil.

6.             Les dérogations aux prescriptions générales d’admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l’art. 30 al. 1 LEI ; il est notamment possible de déroger aux conditions d’admission dans le but de tenir compte des cas individuels d’extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs (let. b). En vertu de l’art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA.

7.             L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte, notamment, de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Selon l’art. 58a al. 1 LEI, les critères d’intégration sont le respect de la sécurité et de l’ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), ainsi que la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (let. d).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/545/2022 du 24 mai 2022 consid. 3e).

8.             Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1).

9.             Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).

10.         La reconnaissance de l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité implique que les conditions de vie et d’existence de l’étranger doivent être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d’autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d’admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite que l’on ne puisse exiger qu’il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage qu’il a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3).

11.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse et la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4 ; F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3).

12.         Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l’examen d’un cas d’extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l’ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l’étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d’un cas de rigueur (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e). La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée, soit une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c ; ATA/1306/2020 du 15 décembre 2020 consid. 5b ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées).

13.         S’agissant de l’intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d’admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l’octroi d’un permis humanitaire (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées).

14.         En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

15.         Il est parfaitement normal qu’une personne ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ; F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3).

16.         L’intégration socio-culturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

17.         Doivent également être pris en compte l'existence d'une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse ou le fait que l'intéressé démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé (cf. ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; ATA/645/2013 du 1er octobre 2013). Il sied de rappeler à cet égard que les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l'exécution du renvoi et qu'une personne qui ne peut se prévaloir que d'arguments d'ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d'origine et souffrant de la même maladie (cf. notamment les arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4125/2016 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1; C-770/2015 du 16 octobre 2015 consid. 5.3, C-5450/2011 du 14 décembre 2012 consid. 6.4 et C-5560/2015 du 6 janvier 2016 et références citées).

18.         En l’espèce, même si le séjour de la recourante à Genève devait être considéré comme long, au sens de la jurisprudence susmentionnée, il ne saurait justifier, à lui seul, la reconnaissance d’un cas de rigueur, d’autant moins qu’il a été effectué en toute illégalité et, depuis mai 2024, par simple tolérance des autorités.

L’intégration socioculturelle de la recourante ne peut pas être qualifiée de bonne, ne serait-ce parce qu’elle ne s’est même pas annoncée à une assurance maladie à son arrivée en Suisse, ce pourquoi elle a été au demeurant condamnée, tout en sachant pertinemment qu’elle en avait besoin et laissant ainsi les frais de ses traitements médicaux à la charge de la collectivité. En ces conditions, ses seules activités et relations sociales, en lien notamment avec sa religion, sont insuffisantes pour retenir une intégration socioculturelle réussie. Il faut constater aussi qu’elle n’a produit aucun document attestant de ses connaissances de français, étant observé que le 23 décembre 2023, alors qu’elle séjournait à Genève depuis plus de six ans, elle avait encore besoin d’une traductrice.

La recourante a certes réussi à s’ingérer professionnellement dans l’économie domestique genevoise, subvenant ainsi à ses besoins sans devoir recourir à l’aide sociale, mais l’on ne voit pas en quoi cette intégration serait exceptionnelle, étant par ailleurs relevé qu’elle n’a pas établi avoir cotisé à l’AVS.

Arrivée en Suisse à l’âge de 35 ans, elle a vécu dans son pays d’origine toute son enfance et son adolescence, période déterminante pour la formation de la personnalité, ainsi qu’une majeure partie de sa vie d’adulte. Elle en maîtrise ainsi la langue et les codes culturels et y a très certainement conservé des fortes attaches familiales, notamment avec ses parents et ses sept sœurs et frères qui y vivent. Ainsi, actuellement âgée de 42 ans et disposant d’une capacité de travailler, malgré ses problèmes de santé, sa réintégration dans son pays d’origine ne paraît pas gravement compromise en soi.

Quant à son état de santé, qui ne saurait en tout état, conformément à la jurisprudence citée supra, justifier à lui seul la reconnaissance d’un cas de rigueur, il sera examiné ci-après sous l’angle de l’existence d’éventuels obstacles à son renvoi, étant quoi qu’il en soit relevé que le 23 décembre 2023, elle a déclaré à la police ne suivre aucun traitement médical particulier, excepté une prise sporadique de Dafalgan contre des maux de tête.

Ainsi, ni l'âge de la recourante, ni la durée de son séjour sur le territoire, ni encore les inconvénients pratiques auxquels elle pourra éventuellement se heurter en cas de retour dans son pays ne constituent des circonstances si singulières qu'il faille considérer qu'elle se trouverait dans une situation de détresse personnelle devant justifier l'octroi d'une exception aux mesures de limitation. Une telle exception n'a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d'origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu'on ne saurait exiger d'eux qu'ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce que la recourante n'a pas établi.

19.         Au vu de ce qui précède, force est d’admettre que l'autorité intimée n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en estimant que la recourante ne satisfaisait pas aux conditions restrictives prévues pour la reconnaissance d'un cas de rigueur.

20.         La recourante estiment que son renvoi n’est pas exigible en raison de sa situation médicale.

21.         Selon l’art. 83 al. 1 LEI, le SEM décide d’admettre provisoirement l’étranger si l’exécution du renvoi ou de l’expulsion n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée. Ces trois conditions susceptibles d’empêcher l’exécution du renvoi sont de nature alternative : il suffit que l’une d’elles soit réalisée pour que le renvoi soit inexécutable (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-5624/2017 du 11 août 2020 consid. 6.2).

L’exécution du renvoi n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

22.         L’art. 83 al. 4 LEI ne confère pas un droit général d’accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l’infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d’origine de l’intéressé n’atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d’origine ou de provenance de l’étranger concerné, l’exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l’absence de possibilités de traitement adéquat, si l’état de santé de l’intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2693/2016 du 30 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/1455/2017 du 31 octobre 2017 consid. 10d).

Les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-838/ 2017 du 27 mars 2018 consid. 4.3).

23.         En l’espèce, en produisant plusieurs attestations médicales, la recourante a certes établi la nécessité de son traitement médical. Toutefois, elle ne démontre pas, ni ne prétend d’ailleurs, que celui-ci serait indisponible au Brésil. Dans ces conditions, et sans minimiser aucunement les problèmes de santé l’affectant, il n’y pas lieu d’examiner plus avant cette question.

24.         Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

25.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

26.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 5 novembre 2024 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 4 octobre 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière