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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2432/2011

ATA/645/2013 du 01.10.2013 sur JTAPI/1124/2012 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : ; DROIT DES ÉTRANGERS ; REGROUPEMENT FAMILIAL ; AUTORISATION DE SÉJOUR ; PERSONNE RETRAITÉE ; CAS DE RIGUEUR ; REJET DE LA DEMANDE
Normes : LEtr.42.al2 ; CEDH.8 ; CEDH.14 ; LEtr.28 ; OASA.25 ; LEtr.30.al1.letb ; OASA.31.al1
Résumé : Refus du regroupement familial demandé par une ressortissante suisse majeure en faveur de sa mère d'origine russe en l'absence d'une situation de dépendance de la mère à l'égard de sa fille. Refus également d'une autorisation pour rentier en faveur de la mère, celle-ci ne disposant pas de ressources financières suffisantes. Cas de rigueur non réalisé en l'espèce, en particulier en raison du bon état de santé de la mère, la situation de la fille, souhaitant la présence de sa mère à ses côtés pour des motifs de convenance personnelle, n'étant pas déterminante.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2432/2011-PE ATA/645/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er octobre 2013

1ère section

 

dans la cause

 

Madame B______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 septembre 2012 (JTAPI/1124/2012)


EN FAIT

Madame B______, née le ______ 1942, est ressortissante russe. Elle a une fille, Madame E______, née le ______ 1969, qui est de nationalité suisse et élève seule son fils, L______, né le ______ 2003.

a. Le 4 mars 2011, Mme B______ a déposé auprès de l’ambassade de Suisse à Moscou une demande d’autorisation d’entrée et de séjour pour rejoindre sa fille à Genève dans le cadre du regroupement familial.

b. Elle a annexé divers documents à sa demande :

- une attestation d’une banque russe du 7 février 2011, selon laquelle elle était titulaire d’un compte, dont le solde créditeur était d’EUR 24'000.-, valeur au 5 février 2011 ;

- une « invitation » du 10 février 2011 de Mme E______ demandant l’octroi d’un « visa à long terme » en faveur de sa mère au titre du regroupement familial ;

- la copie de son passeport russe, établi le 4 avril 2008, comportant des visas d’entrée dans l’espace Schengen valables entre 2009 et 2011 ;

- un extrait de son casier judiciaire russe, accompagné d’une traduction en langue française, établi le 7 février 2011, ne mentionnant aucune condamnation pénale ;

- un courrier du 8 décembre 2011 adressé à l’office cantonal de la population (ci-après : l’OCP) sollicitant l’octroi d’un titre de séjour pour rejoindre sa fille, qui vivait seul avec son fils mineur à Genève, laquelle nécessitait son soutien pour faire face à ses problèmes de mère célibataire et trouver un emploi ;

- une attestation établie le 10 mars 2011 par l’Hospice général (ci-après : l’hospice) certifiant le versement, en faveur de Mme E______, de CHF 37'947,15 entre le 1er janvier et le 31 décembre 2010 ;

- un curriculum vitae, indiquant que, suite à son divorce intervenu quelques années après la naissance de sa fille, elle avait exercé une activité lucrative dans le domaine du spectacle jusqu’à sa retraite en 2003, percevant depuis lors une rente mensuelle d’environ CHF 500.-. Elle était propriétaire de son logement à Moscou, dont la valeur était estimée à CHF 200'000.-.

Le 19 mai 2011, Mme E______ a écrit à l’OCP. Sa situation financière ne lui permettait pas de prendre en charge les frais de séjour en Suisse de sa mère, qui pouvait toutefois subvenir à son entretien au moyen de sa fortune personnelle et du produit de la vente de son appartement à Moscou, estimé à CHF 220'000.-. Sa mère devait pouvoir bénéficier d’un droit de présence en Suisse pour la soutenir afin qu’elle trouve un emploi et que la famille soit réunie.

Par décision du 28 juin 2011, communiquée le 12 juillet 2011 à Mme B______, l’OCP a refusé de lui octroyer une autorisation de séjour, en application des art. 28 et 30 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) et 31 de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Dès lors que ses ressources financières, telles que résultant de l’attestation bancaire produite, n’étaient pas suffisantes, Mme B______ ne pouvait prétendre à l’octroi d’un permis de séjour pour rentier. En l’absence de problèmes de santé majeurs et d’événement ayant perturbé son équilibre au point qu’elle ne puisse vivre en Russie, elle ne se trouvait pas non plus dans une situation de détresse impliquant de séjourner de manière permanente en Suisse, sa demande étant motivée par son seul désir de se rapprocher de sa fille. Aucune raison importante ne justifiait ainsi l’octroi d’une autorisation de séjour, d’autant que Mme B______ pouvait se rendre en Suisse au bénéfice d’un visa touristique.

Par acte du 8 août 2011, Mme B______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation et à ce qu’une nouvelle décision soit rendue « en sa faveur ».

Dès 2007, elle avait rendu de nombreuses visites à sa fille en Suisse, dont la vie était difficile en raison de son statut de mère célibataire et du fait qu’elle n’avait pas d’emploi, cette situation l’ayant rendue dépendante de l’aide sociale et d’un suivi médical. Sa présence auprès d’elle était nécessaire afin que sa fille puisse « se reconstituer et se reconstruire », même si elle-même ne se trouvait pas dans une situation de détresse grave. En tant que rentière, elle disposait de moyens financiers suffisants pour subvenir à son entretien, d’autant qu’elle était propriétaire d’un appartement, qu’elle envisageait de vendre, dont la valeur était supérieure à CHF 400'000.-. Les risques qu’elle tombe à la charge de l’aide sociale étaient ainsi faibles.

Dans ses observations du 17 octobre 2011, l’OCP a conclu au rejet du recours.

Mme E______ bénéficiait des prestations de l’hospice et n’était ainsi pas en mesure d’assurer l’entretien de sa mère, laquelle n’était d’ailleurs titulaire d’aucun titre de séjour délivré par un Etat membre de l’UE/AELE, de sorte qu’elle n’avait aucun droit au regroupement familial. Bien que possédant des liens particuliers avec la Suisse, Mme B______ ne disposait que d’une fortune d’EUR 24'000.-, qui n’était pas suffisante pour assurer son entretien jusqu’à la fin de sa vie. Par ailleurs, Mme B______ ne souffrait d’aucune invalidité physique ou psychique, elle n’était pas non plus atteinte d’une grave maladie nécessitant une prise en charge permanente par sa fille, ni n’avait des difficultés économiques ou des problèmes d’organisation domestique nécessitant l’aide d’un proche parent irremplaçable. En invoquant la nécessité de sa présence pour sa fille, elle perdait de vue que le cas individuel d’extrême gravité devait être réalisé dans la personne du requérant, et non dans celle d’un tiers pour être pris en considération.

Le 1er novembre 2011, Mme E______ a transmis au TAPI deux certificats médicaux. L’un établi le 31 octobre 2011 par le Dr M_______, spécialiste en médecine interne et en angiologie, attestant qu’elle le consultait depuis juin 2008 en raison de problèmes de santé physiques et psychiques, la présence de sa mère étant nécessaire pour lui apporter l’aide constante dont elle avait besoin ; l’autre, établi le 18 octobre 2011 par le Dr N________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, attestant qu’elle était suivie en raison d’une fragilité psychique manifeste à faire face seule à ses problèmes et à ceux de son fils, la présence de sa mère pouvant lui être bénéfique.

a. Par courriers des 27 novembre 2011 et 20 mars 2012, Mme B______ a contesté les allégués de l’OCP, qui continuait à effectuer une mauvaise interprétation de sa demande, pourtant justifiée. La situation difficile dans laquelle se trouvait sa fille rendait le regroupement familial nécessaire, dès lors qu’elle avait besoin de sa présence à ses côtés. Elle envisageait de vendre son appartement moscovite pour subvenir à ses besoins à Genève, ce projet n’étant en mesure de se réaliser qu’une fois l’assurance de l’obtention d’un titre de séjour délivrée par l’OCP.

b. Elle a versé à la procédure :

- un certificat « de propriété du logement » délivré le 13 avril 1992, en langue russe, annexé d’une traduction française, aux termes duquel elle était propriétaire d’un appartement sis rue F______ ______ à Moscou, d’une surface totale de 44,1 m2, dont 24,8 m2 habitables ;

- un document « conclusion n° 3001/12 », en langue russe annexé d’une traduction française, portant estimation, le 30 janvier 2012, de l’appartement sis rue F______ ______ à Moscou à USD 493'214,17.

Le TAPI a procédé à l’audition des parties le 18 septembre 2012.

a. Mme B______ a persisté dans son recours. Elle voulait vivre auprès de sa fille, qui élevait seule son fils, lequel souffrait de l’absence d’un père. Elle n’avait pas d’autres problèmes de santé que ceux liés à son âge et suivait un traitement pour le cœur et pour stabiliser sa tension artérielle. Ses voyages en Suisse avaient jusqu’à présent été financés par ses économies, réalisées au moyen du produit de la vente de l’appartement de sa mère et pratiquement épuisées.

b. L’OCP, par la voix de sa représentante, a persisté dans les termes de sa décision. Le fait que Mme B______ disposait de biens lui permettant de vivre en Suisse était un élément pouvant être examiné dans le cadre d’une autorisation de séjour pour rentier, moyennant le dépôt d’une nouvelle demande. L’OCP n’était toutefois pas en mesure de garantir la délivrance d’une telle autorisation, dès lors que l’office fédéral des migrations (ci-après : ODM) devait valider son préavis.

Par jugement du 18 septembre 2012, reçu par l’intéressée le 28 septembre 2012, le TAPI a rejeté le recours de Mme B______.

N’étant pas titulaire d’une autorisation de séjour durable délivrée par un Etat avec lequel la Suisse avait conclu un accord de libre circulation des personnes, Mme B______ ne pouvait se prévaloir d’un droit au regroupement familial. De plus, sa fille, assistée par l’hospice, n’était pas en mesure de subvenir à son entretien, elle-même ne disposant pas non plus de moyens financiers suffisants, dès lors que le bien immobilier dont elle était propriétaire n’avait pas été vendu et que sa valeur ne pouvait être déterminée avec certitude. Hormis la présence de problèmes dus à l’âge qui étaient traités, elle était en bonne santé et sa vie en Russie n’était pas semée d’embuches. Si son petit-fils, comme elle l’alléguait, pouvait certes souffrir de l’absence d’un père et que sa fille vivait des périodes de dépression, ces circonstances ne permettaient pas encore d’admettre la nécessité de sa présence permanente à Genève. Ni Mme B______ ni sa fille ne faisaient partie du noyau familial leur permettant de se prévaloir de la protection conventionnelle de la vie familiale, d’autant que la recourante ne souffrait pas d’une invalidité physique ou psychique ou d’une maladie grave nécessitant une prise en charge permanente.

Par acte expédié le 26 octobre 2012, Mme B______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation et à l’octroi d’un « titre de séjour permanent ».

Le refus de lui octroyer un titre de séjour pour vivre auprès de sa fille unique, de nationalité suisse, était contraire au bon sens, d’autant que l’angoisse d’être séparée de sa famille pouvait « conduire à l’anxiété, puis à la maladie ». Les autorités suisses ne se préoccupant que de savoir si elle tomberait à la charge de l’assistance publique, elle avait proposé de vendre son appartement à Moscou, estimé à USD 493'214.-. Il ne pouvait être exigé de sa part qu’elle procède à son aliénation avant d’avoir acquis l’assurance d’obtenir un titre de séjour, sous peine de « risquer de tout perdre ». L’OCP ayant fait preuve d’absence de bon sens dans la gestion de son dossier, sa demande devait être reconsidérée et un titre de séjour permanent devait lui être octroyé, soit au titre du regroupement familial, soit en qualité de retraitée.

Le 31 octobre 2012, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d’observations.

Dans ses observations du 3 décembre 2012, l’OCP a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement entrepris.

L’ascendant étranger d’un ressortissant suisse ne pouvait se prévaloir du droit au regroupement familial qu’à condition d’être titulaire d’une autorisation de séjour durable délivrée par un Etat avec lequel la Suisse avait conclu un accord, ce qui n’était pas le cas de Mme B______. Cette dernière ne pouvait pas non plus se prévaloir d’une autorisation de séjour pour rentier, faute de ressources financières suffisantes, aucun élément ne permettant d’établir avec certitude la valeur vénale de son appartement. Même encaissé, le produit de la vente de celui-ci en capital ne constituait ni une rente, ni un revenu viager fixé d’avance et périodique.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l’opportunité d’une décision prise en matière de police des étrangers, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 a contrario de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; ATA/224/2013 du 9 avril 2013 ; ATA/64/2013 du 6 février 2013 ).

a. Selon l’art. 42 al. 2 LEtr, les membres de la famille d’un ressortissant suisse titulaires d’une autorisation de séjour durable délivrée par un Etat avec lequel la Suisse a conclu un accord sur la libre circulation des personnes ont droit à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa validité. Sont considérés comme membres de sa famille, le conjoint et ses descendants de moins de 21 ans ou dont l’entretien est garanti (let. a), ainsi que les ascendants du ressortissant suisse ou de son conjoint dont l’entretien est garanti (let. b).

b. Aux termes de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), dont la teneur est à cet égard identique à l’art. 13 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne a droit au respect de sa vie familiale. Le regroupement familial, en particulier le regroupement familial inversé invoqué par un enfant en faveur de ses parents, entre dans le champ d’application de la protection conférée par l’art. 8 CEDH, notamment lorsqu’il existe un état de dépendance particulier de l’étranger majeur par rapport à des membres de sa famille résidant en Suisse (ATF 129 II 11 consid. 2 p. 13s ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_354/2011 du 13 juillet 2012 consid. 2.7.1). Tel est le cas de rapports de dépendances en raison d’un handicap ou d’une maladie graves les empêchant de gagner leur vie et de vivre de manière autonome (ATF 120 Ib 257 consid. 1e p. 261s ; ATF 115 Ib consid. 2 p. 4ss). Des difficultés économiques ne peuvent être comparées à un handicap ou à une maladie graves rendant irremplaçable l’assistance de proches parents (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.150/2006 du 4 avril 2006 consid. 2.2).

Les liens familiaux ne confèrent pas, de manière absolue, un droit d’entrée et de séjour en Suisse. Ainsi, la question de savoir si les autorités sont tenues d’accorder une autorisation de séjour fondée sur l’art. 8 CEDH doit être résolue sur la base d’une pesée de tous les intérêts privés ou publics en présence (ATF 137 I 284 consid. 2.1 p. 287s). Il n’est en particulier pas concevable que, par le biais de l’art. 8 CEDH, un étranger qui ne dispose en vertu de la législation interne d’aucun droit à faire venir sa famille en Suisse, puisse obtenir des autorisations de séjour pour celle-ci sans que les conditions posées par les art. 42ss LEtr soient réalisées (ATA/177/2013 du 19 mars 2013). Du reste, les conditions de logement et d’absence d’aide sociale posées par l’art. 42 LEtr se retrouvent dans la législation relative au regroupement familial de la plupart des Etats parties à la CEDH (cf. Arrêts du Tribunal fédéral 2C_793/2011 du 22 février 2012 consid. 2.2 et 2C_508/2009 du 20 mai 2010 consid. 4.2).

c. Concernant la problématique de la discrimination de l’origine nationale, le Tribunal fédéral a considéré qu’il existait des motifs suffisants, non discriminatoires au regard de l’art. 14 CEDH, qui justifiaient de traiter les ressortissants suisses différemment des ressortissants communautaires en matière de regroupement familial (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_1188/2012 du 17 avril 2013 consid. 5.3 et 2C_354/2011 du 13 juillet 2012 consid. 2.7.3).

d. En l’espèce, même si la recourante a effectué plusieurs séjours touristiques à Genève pour voir sa fille entre 2007 et 2011, elle ne bénéficie pas pour autant d’une autorisation préalable au sens de l’art. 42 al. 2 let. b LEtr, disposition ne s’appliquant pas dans son cas, puisqu’elle est originaire de Russie, pays avec lequel la Suisse n’a pas conclu d’accord sur la libre circulation des personnes.

Si la recourante vit seule à Moscou, éloignée de sa fille et de son petit-fils, elle ne se trouve pas pour autant dans un rapport de dépendance particulier avec sa famille. En tant que retraitée, la recourante subvient à son propre entretien et n’assiste pas non plus financièrement sa fille, laquelle bénéficie des prestations de l’hospice. Quand bien même la recourante, âgée aujourd’hui de 71 ans, souffre d’une tension artérielle élevée et de problèmes cardiaques, elle bénéficie des soins nécessaires dans son pays d’origine. Ses pathologies, liées à l’âge, n’atteignent pas non plus un degré de gravité l’empêchant de vivre de manière autonome, la recourante n’alléguant pas être en mauvaise santé. Les liens entretenus par la recourante avec sa famille en Suisse ne dépassent ainsi pas les rapports affectifs ordinaires entre une mère, sa fille et son petit-fils. La recourante entreprend d’ailleurs régulièrement des voyages en Suisse pour y rendre visite à sa famille, ce qui lui permet également d’atténuer les effets de la solitude. Même si elle indique avoir épuisé ses économies, l’attestation bancaire qu’elle a versée à la procédure témoigne d’un solde suffisant pour continuer à rendre visite à sa fille.

Quant aux difficultés personnelles et l’état de santé allégués de sa fille, ces éléments ne sont pas déterminants pour juger du rapport de dépendance en question (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.150/2006 du 4 avril 2006 consid. 2.3).

C’est dès lors à juste titre que l’OCP et le TAPI ont refusé d’octroyer à la recourante une autorisation de séjour, les conditions des art. 42 al. 2 LEtr et 8 CEDH n’étant pas réalisées.

a. Selon l’art. 28 LEtr, un étranger qui n’exerce plus d’activité lucrative peut être admis s’il a l’âge minimum fixé par le Conseil fédéral (let. a), s’il a des liens personnels particuliers avec la Suisse (let. b) et s’il dispose des moyens financiers nécessaires (let. c).

Aux termes de l’art. 25 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), l’âge minimum pour l’admission des rentiers est de 55 ans (al. 1) ; ils ont des attaches personnelles particulières avec la Suisse notamment (al. 2) lorsqu’il peuvent prouver qu’ils ont effectué dans le passé des séjours assez longs en Suisse, notamment dans le cadre de vacances, d’une formation ou d’une activité lucrative (let. a) et qu’ils ont des relations étroites avec des parents proches en Suisse, comme des parents, des enfants, des petits-enfants ou des frères et des sœurs (let. b) ; ils ne sont pas autorisés à exercer une activité lucrative en Suisse ou à l’étranger, à l’exception de la gestion de leur propre fortune (al. 3).

Les conditions d’admission des rentiers conformément aux art. 28 LEtr et 25 OASA doivent être remplies de manière cumulative, l’octroi d’une autorisation de séjour étant soumis à l’approbation préalable de l’ODM. Pour bénéficier d’une autorisation, le rentier doit faire de la Suisse le centre de ses intérêts. Il est réputé disposer de moyens financiers nécessaires s’il est quasiment certain d’en bénéficier jusqu’à la fin de sa vie, au point que l’on puisse pratiquement exclure qu’il en vienne à dépendre de l’assistance publique. Les promesses, voire les garanties écrites visant à assurer la prise en charge du rentier faites par des membres de sa famille résidant en Suisse ne sont pas suffisantes, dans la mesure où leur mise à exécution reste sujette à caution (directives de l’ODM sur l’application de la LEtr, état au 30 septembre 2011, n. 5.3).

b. En l’espèce, il n’est pas contesté que la recourante a atteint l’âge minimal requis pour être admise en qualité de rentière et qu’elle a des liens particuliers avec la Suisse, dès lors qu’elle rend régulièrement visite à sa fille unique et à son petit-fils qui sont domiciliés à Genève.

Bien qu’ayant allégué être depuis 2003 à la retraite et bénéficier d’une rente à ce titre, la recourante n’a produit aucun document attestant d’une part du versement d’une telle rente et d’autre part de son montant, seul son curriculum vitae se référant à une rente mensuelle de CHF 500.-. Quant à ses économies, d’EUR 24'000.- au 5 février 2011, elles n’apparaissent pas suffisantes pour lui permettre d’assurer son entretien en Suisse jusqu’au terme de sa vie, d’autant que le coût de la vie y est relativement élevé.

La recourante affirme être en mesure de subvenir à son entretien au moyen du produit de la vente de son appartement de Moscou. Le seul fait d’être propriétaire de ce bien ne constitue toutefois pas une garantie suffisante. En effet, l’appartement n’ayant pas été mis en vente, la recourante ne dispose d’aucune garantie financière, faute d’espèces disponibles. Même si elle a produit une estimation du prix de vente, celui-ci n’est, en l’état, pas déterminable, d’autant qu’elle a fourni des indications contradictoires à ce sujet, mentionnant dans son curriculum vitae une valeur de CHF 200'000.-, portée à CHF 400'000.- à l’appui de son recours au TAPI, puis à USD 493'214,17 ultérieurement. Qu’elle indique ne pas vouloir vendre son bien avant d’obtenir un titre de séjour n’apparaît pas déterminant, dès lors que d’autres moyens, comme l’obtention d’un prêt ou d’une vente conditionnelle, auraient permis de dégager un montant correspondant au produit de la vente et de garantir ainsi qu’elle ne tombe pas à la charge de l’assistance publique une fois au bénéfice d’un titre de séjour. Le fait de rester propriétaire d’un appartement à Moscou n’est d’ailleurs pas de nature à montrer sa volonté de déplacer le centre de ses intérêts de manière définitive en Suisse, comme l’exigent les directions de l’ODM.

Au regard de ces éléments, c’est à juste titre que l’OCP et le TAPI ont refusé de lui délivrer une autorisation de séjour sur la base de l’art. 28 LEtr.

a. Le séjour en Suisse en vue d’y exercer une activité lucrative est soumis à autorisation (art. 11 renvoyant aux art. 18ss LEtr). Il est toutefois possible de déroger aux conditions d’admission pour tenir compte d’un cas individuel d’extrême gravité (art. 30 al. 1 let. b LEtr).

Selon l’art. 31 al. 1 OASA, lors de l’appréciation d’un cas d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant (let. a), de son respect de l’ordre juridique suisse (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), des possibilités de réintégration dans l’Etat de provenance (let. g).

b. La jurisprudence développée au sujet des cas de rigueur selon le droit en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007 (art. 13f de l’ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 - aOLE - RS 823.2) est toujours d’actualité pour les cas d’extrême gravité qui leur ont succédé (ATF 136 I 254 consid. 5.3.1 p. 262). Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEtr et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 p. 207 ; ATA/680/2012 du 9 octobre 2012 ; ATA/531/2010 du 4 avril 2010).

c. La reconnaissance d’un cas d’extrême gravité implique que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d’existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c’est-à-dire que le refus de soustraire l’intéressé à la règlementation ordinaire d’admission comporte pour lui de graves conséquences. Le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il y soit bien intégré socialement et professionnellement et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité ; il faut encore que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d’origine. A cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que l’intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 124 II 110 consid. 3 p. 113 ; Arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6628/2007 du 23 juillet 2009 consid. 5 ; ATA/648/2009 du 8 décembre 2009 ; A. WURZBURGER, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers in RDAF 1997 I p. 267ss).

Des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d’un cas de rigueur lorsque l’intéressé démontre souffrir d’une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d’urgence, indisponibles dans le pays d’origine, de sorte qu’un départ de Suisse serait susceptible d’entraîner de graves conséquences pour sa santé (ATF 128 II 200 consid. 5.3 p. 209 ; ATA/680/2012 du 9 octobre 2012). En revanche, le seul fait d’obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d’origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation ; de même, l’étranger qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d’une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle exemption (ATF 128 II 200 consid. 5.3 p. 209).

d. Pour qu’un cas de rigueur soit réalisé, il faut que les conditions requises pour celui-ci soient réunies dans la personne de l’intéressé et non pas dans celle de ses proches (Arrêt du Tribunal administratif fédéral C-3099/2009 du 30 avril 2010 consid. 5.5 ; ATA/478/2012 du 31 juillet 2012 ; ATA/720/2011 du 22 novembre 2011).

e. En l’espèce, la recourante n’apparaît avoir d’autres problèmes de santé que ceux liés à son âge, suivant un traitement pour le cœur et pour stabiliser sa tension artérielle. Ce n’est que devant la chambre de céans qu’elle a affirmé qu’une séparation avec sa famille était de nature à engendrer un état d’anxiété, qui lui-même pouvait « provoquer la maladie ». De telles considérations d’ordre général ne permettent toutefois pas de fonder un cas individuel d’extrême gravité, d’autant que la recourante rend régulièrement visite à sa fille et ne soutient pas qu’elle en serait empêchée en raison de son état de santé.

La recourante ne saurait davantage se prévaloir de la situation de sa fille et de son petit-fils pour justifier un cas d’extrême gravité. Outre le fait qu’une telle situation doit être réalisée dans la personne du requérant, la recourante s’est contentée d’alléguer que sa fille avait besoin de sa présence à ses côtés. Ses explications sont toutefois demeurées vagues, dès lors qu’elle a tantôt indiqué vouloir aider sa fille à trouver un emploi, tantôt la soutenir en relation avec les difficultés qu’elle rencontrait, de même que son petit-fils, qui souffrait de l’absence d’un père. Bien que compréhensibles, de tels motifs n’attestent pas encore d’une situation de détresse personnelle et n’apparaissent ainsi pas suffisants pour fonder un cas d’extrême gravité, au sens de la jurisprudence susmentionnée. Les certificats médicaux produits par Mme E______ ne permettent pas d’aboutir à une autre conclusion, puisqu’ils se réfèrent aux difficultés rencontrées par celle-ci du fait de son statut de mère célibataire, lesquelles ne diffèrent pas de celles de toute personne élevant seule un enfant. La recourante rend d’ailleurs de fréquentes visites à sa fille, de manière à l’aider ponctuellement. Sa présence en Suisse de manière permanente n’apparaît ainsi pas nécessaire, d’autant qu’elle ne saurait prétendre combler l’absence d’un père pour son petit-fils.

C’est donc également à juste titre que l’OCP et le TAPI ont refusé d’octroyer à la recourante une autorisation de séjour pour cas de rigueur, les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEtr et 31 al. 1 OASA n’étant pas réalisées.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe ; il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 octobre 2012 par Madame B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 septembre 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame B______, à l’office cantonal de la population, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’à l’office fédéral des migrations.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

D. Werffeli Bastianelli

 

le président siégeant :

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.